Chapitre V. Une organisation adaptée à l’intégration
p. 183-220
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1La phase d’acquisitions qui s’étend de 1869 à 1875 s’accompagne d’une mise en valeur des nouveaux éléments du Domaine minier. Il s’agit d’accroître les ressources en minerais de fer, en charbons et de les extraire à un meilleur prix que celui proposé par les fournisseurs extérieurs. À l’instar de ce que relève l’Ancre de Saint-Dizier, dans son numéro du 20 décembre 1877, Le Creusot : « Possédant à la fois le fer et la houille, ne sera plus tributaire de personne. » Alors qu’il procède à une des plus belles distributions de dividendes que son entreprise a connues, Eugène Schneider précise : « Ces progrès et ce développement, nous les devons, à la fois aux transformations et aux additions que nous avons largement faites à nos usines du Creusot et aussi à nos acquisitions de houillères1. » Il parle alors de la campagne d’acquisitions réalisée en 1869. Mais il reste encore à prolonger le programme par l’aménagement des exploitations acquises en 1872 et l’adaptation de leur production aux besoins de l’usine. Les objectifs sont ambitieux. La plupart des exploitations présentent, à des degrés divers, nombre de déficiences. Les efforts doivent porter essentiellement sur une augmentation rapide de la production pour supprimer les nombreux stigmates d’une époque où le rythme des travaux agraires, davantage que la volonté des industriels, dictait l’intensité de l’exploitation. Les aménagements programmés par Eugène puis Henri Schneider imposent la conservation du principe de l’intégration sur place, en faisant acheminer vers l’usine, les ressources minérales que le sous-sol de celle-ci ne peut plus lui offrir. Plus que l’amélioration des conditions d’exploitation, c’est par l’instauration de moyens de transport efficaces que passe, à nouveau, la réussite de politique minière.
2Les établissements Schneider et Cie ont remporté d’indéniables succès, dans ce domaine, au cours des années 1860. La construction du chemin de fer qui dessert les mines de fer de Mazenay-Change en atteste. Mais le défi de l’entreprise dépasse de loin les réalisations antérieures. Certes, l’usine du Creusot bénéficie toujours de sa situation favorable. Mais, pour certaines exploitations du Domaine minier, les contraintes naturelles les plus aiguës se dressent. Dans ces conditions, les mines de fer alpines, voire les mines de Decize, ne sont pas en mesure d’expédier leur production avec toute l’efficacité requise.
3L’entreprise concentre ses efforts sur les conditions de transport entre les exploitations minières et les usines du Creusot. Mais il est aussi indispensable d’adapter l’organisation des établissements aux nouvelles acquisitions. Jusqu’à présent, l’entreprise Schneider et l’usine du Creusot ne faisaient qu’une. Après la création du Domaine minier, un département doit être créé au sein de l’entreprise afin de concilier l’intérêt du site creusotin avec celui des exploitations minières. Il en découle une politique d’approvisionnements qui, sans tendre pleinement vers l’autarcie, n’en aboutit pas moins à protéger l’entreprise des fluctuations des cours des matières premières et des combustibles.
Aménagement du Domaine minier
4Afin de faire coïncider la production du Domaine et les débouchés des ateliers, Schneider et Cie entament progressivement une importante campagne de travaux pour assurer l’avenir des mines de La Machine. La société peut s’appuyer sur les réalisations antérieures. Ces mines semblent les mieux aménagées de l’ensemble du Domaine houiller. La croissance de l’extraction suit trois axes qui passent par l’augmentation du personnel et son corollaire, la construction de cités ouvrières, l’amélioration de l’alimentation en eau de la ville et la desserte des installations minières2. Ce dernier point est assujetti à la construction d’un nouveau chemin de fer, pour améliorer les liens entre la mine d’une part, la vallée de la Loire et la ligne Nevers-Chagny, d’autre part. Cependant, l’ensemble de la mise en œuvre du programme révèle différents degrés de priorités. La construction du chemin de fer, en raison de la qualité des installations existantes et du faible volume des expéditions par fer, ne s’impose pas dans l’immédiat. Le système d’écluses sèches construit par la compagnie précédente est à même d’assurer l’écoulement des charbons dans de bonnes conditions. Par contre, la construction des cités minières constitue la préoccupation la plus urgente. Dès l’hiver 1873-1874, la direction de la mine se lance dans une campagne de rachats des terrains nécessaires. Les principes essentiels du paternalisme entretenu par l’entreprise sont adaptés à la situation locale et au fruit de l’expérience issue des précédents du Creusot et de Mazenay. À la naissance d’une agglomération ouvrière, Eugène Schneider et Émile Cheysson, son directeur, préfèrent des quartiers dispersés, situés à proximité des puits.
5Aux mines de Montchanin-Longpendu, les attentes des nouveaux exploitants se dessinent sous d’autres formes. Les machines, peu puissantes, relèvent d’un choix technique lié à la nature du gisement. L’extraction demeure cantonnée dans des terrains peu profonds et irréguliers, à partir d’un nombre important de puits qui exploitent les amas de charbon reconnus au fil des ans. Par contre, les réserves des deux concessions sont limitées. Il convient de se lancer sans retard dans la recherche de nouvelles lentilles de charbon. Pierre angulaire de ce programme d’exploration, le puits Saint-Vincent est foncé au sein de la concession de Montchanin, dans une zone encore inexplorée, dans le prolongement du puits Quétel.
6Il atteint vite une profondeur de 710 mètres, seuil respectable qui lui permet de figurer, dans la Statistique de l’Industrie Minérale, au rang de puits le plus profond de France3. Pourtant, en dépit de l’exploit technique, les travaux du puits Saint-Vincent se soldent par un échec puisqu’ils ne révèlent aucune nouvelle masse de houille.
7Au puits Ségur n° 2, les importants investissements débouchent sur un constat identique. Ce puits est d’abord approfondi jusqu’à 500 mètres. Un travers-banc est ouvert à sa base sur près de 725 mètres de long. À son extrémité, un sondage qui débute dans les terrains du Permien atteint, en définitive, la profondeur de 1 155 mètres, sans apporter de résultats positifs. Parallèlement, deux autres puits sont foncés et les installations extérieures sont modernisées dans leur ensemble. La nécessité de fixer le personnel pour développer la production se fait aussi sentir4.
8Le Domaine minier acquis à partir de 1872 fait apparaître des déficiences beaucoup plus lourdes. Son aménagement s’effectue à différents rythmes. Ce n’est que progressivement qu’il peut soutenir efficacement l’activité des usines du Creusot, au détriment des fournisseurs extérieurs traditionnels. En effet, dans l’industrie extractive, la relance ou la croissance de la production ne peut être obtenue qu’au prix du fonçage de nouveaux puits, de travaux souterrains préparatoires qui se heurtent à la pénurie de main-d’œuvre dont souffrent constamment les houillères françaises, au cours des années 1860-1870. Les résultats tangibles n’apparaissent qu’après plusieurs années d’efforts.
9Exploitées avec régularité, les mines de Beaubrun (Saint-Étienne) ne font pas l’objet, au cours des premières années, d’une attention spécifique. Au contraire, la direction de la mine se contente de maintenir en état l’outil de travail et n’envisage pas de développer l’extraction, après que la crise des charbons a cessé de produire ses effets. L’intérêt de l’exploitation réside avant tout dans la qualité des infrastructures ferroviaires qui desservent les différents puits. Située presque au cœur de l’agglomération stéphanoise, la concession de Beaubrun est traversée par la ligne de chemin de fer PLM qui relie Saint-Étienne au Puy. Depuis les plâtres5 des différents puits, la mine peut être mise en communication avec la voie ferrée. Au sein de l’exploitation, la compagnie ferroviaire PLM possède un plan incliné automoteur qui s’élève jusqu’au puits Montmartre, sommet de la concession. La voie correspond à l’écartement habituel, soit 1,45 m, de sorte que les wagons peuvent directement desservir les différents puits. Les convois sont constitués par le regroupement des wagons descendus du puits Montmartre jusqu’au niveau du puits Châtelus, avant d’atteindre la gare stéphanoise du Clapier. Le PLM assume cette tâche, moyennant le paiement d’une redevance6. Aux mines de Montaud, une fois achevé le fonçage du puits Neuf pour l’aérage des travaux souterrains, la reprise de l’extraction est rapide.
10Grâce à l’apport des nouvelles exploitations du Domaine, les expéditions de charbons stéphanois vers la Saône-et-Loire connaissent une hausse sensible entre 1872 et 1873, pour s’élever de 132 940 à 213 790 tonnes7.
11Dans l’ensemble, afin de développer les expéditions tout en réduisant le prix de revient rendu à l’usine, Le Creusot porte ses efforts sur la préparation, l’acheminement des houilles et des minerais plutôt que sur les conditions d’exploitation. Avec la croissance de l’extraction, le principal goulet d’étranglement des houillères de La Machine se situe, à partir de 1875, au niveau des voies de communication avec les canaux et la voie ferrée de Nevers à Chagny. Le projet de chemin de fer évoqué en 1873 est repris pour accompagner l’élévation progressive de la production de la mine. L’ancien système est, en effet, capable d’écouler une production limitée à 160 000 tonnes. Par contre, il semble trop rigide pour dépasser les pointes à plus de 175 000 tonnes8. Surtout, le système fonctionne mal pendant l’hiver et consomme beaucoup de main-d’œuvre.
12L’amélioration de l’embranchement entre la mine et le chemin de fer devient aussi impérieuse. Schneider et Cie n’acceptent plus de subir les affres de la navigation sur les deux canaux proches de la houillère. La jonction avec le canal du Nivernais et le canal latéral à la Loire est très imparfaite. Avant de les atteindre, les péniches doivent emprunter la Loire sur quelques centaines de mètres.
13Sur le site minier, une gare de classement est établie afin de centraliser l’extraction des différents puits, avant d’organiser des convois, selon les différents calibres et la propreté des charbons. La mine souffre, en amont, de la dispersion des puits. Les charbons sont contraints de suivre un trajet bien chaotique, notamment lorsqu’ils proviennent du puits Marguerite. Dans ce cas, ils sont convoyés par une petite locomotive de trois tonnes, sur une voie à faible écartement, jusqu’au puits de la Haute-Meule. Les wagonnets traversent ensuite une vallée en empruntant un système de plans inclinés. La descente s’effectue par un plan automoteur, la remontée avec un plan remorqueur.

Figure 26 – Système d’expédition du charbon du puits Marguerite au puits des Zagots (Fonds auteur – à partir d’une carte postale du début du xxe siècle)
Le système n’a alors connu aucune modification depuis son installation.
14Ces charbons, ainsi que ceux du puits des Zagots, sont ensuite versés dans des trémies et conduits par wagons. Ils parviennent jusqu’à la gare de classement, tractés par une locomotive de six tonnes, après avoir franchi un grand tunnel creusé pour accélérer la circulation des matières extraites. Ces charbons retrouvent alors ceux qui proviennent du puits des Glénons9.
15Depuis ce centre de triage est construit un chemin de fer à voie étroite sur lequel circulent désormais des locomotives de 12 tonnes, d’un modèle construit spécialement pour desservir les mines de La Machine. Il aboutit au Rio Gaillard. L’exploitation est donc reliée à la Loire et à la ligne de Nevers à Chagny. Les expéditions vers Le Creusot présentent désormais une régularité qui a auparavant fait défaut. Les conditions d’établissement de la nouvelle voie ont fait l’objet de pourparlers qu’Eugène Schneider est venu trancher, plusieurs années avant la réalisation du projet. Il a choisi un écartement réduit de 1,1 mètre, en raison du faible rayon des courbes qui interdit la circulation des wagons PLM jusqu’au carreau des puits.
16La construction de l’embranchement reste sous la responsabilité du PLM qui se charge de la pose et de l’entretien des voies tandis que Schneider et Cie remboursent les dépenses avancées par la compagnie ferroviaire. La complexité de l’ensemble du réseau de transport est le résultat de l’aménagement particulier des puits qui ne disposent d’aucune capacité de stockage. En fait, les installations du Rio Gaillard sont utilisées pour accumuler l’ensemble des charbons extraits afin de ne pas faire supporter cette charge aux aires de stockage du Creusot et de Montchanin.
17Avec une complémentarité très forte entre la voie d’eau et le chemin de fer, la mine de La Machine est placée dans d’excellentes conditions pour allier économie et régularité dans l’expédition de sa production. Le site du Rio Gaillard est aménagé pour que la voie en provenance de la mine puisse desservir indistinctement les wagons PLM et les péniches, tout en permettant la conservation d’une classification rigoureuse des charbons. C’est dans ce lieu que les exploitants se sont préoccupés d’entreposer les charbons dont l’acheminement n’est pas immédiat. Les wagons d’une capacité de 25 hectolitres qui desservent le Rio Gaillard ont une caisse spécifique, choisie pour faciliter le déversement des charbons dans les wagons du PLM. La réussite du système de transport des Mines de Decize entraîne, par la suite, sa reprise lors de la construction d’une voie ferrée industrielle, reliant les mines de fer de la Taillat, à Allevard, en Isère à la ligne du PLM passant au Cheylas.
18Si le relief n’a pas présenté d’obstacles insurmontables pour relier les mines de La Machine à la Loire, il n’en va pas de même pour les exploitations de minerais de fer des Alpes où les contraintes naturelles se manifestent avec davantage d’acuité. La dénivellation constitue un handicap majeur. Aucune des infrastructures antérieures n’offre de solutions temporaires, avant la réalisation des grands travaux d’aménagement.
19Auparavant, que ce soit à Saint-Georges ou à Allevard, des bêtes de somme ont constitué l’unique moyen de transport pour gagner la vallée. Quant aux mines de Grand-Filon, près de Modane, elles furent le théâtre de pratiques de transport ingénieuses mais peu en rapport avec la maîtrise technique des établissements Schneider. Dans tous les cas, aucune de ces exploitations ne peut prétendre soutenir une production de plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an, faute de pouvoir expédier le minerai extrait. À Allevard, avant la réalisation des premières voies de transport, les mineurs doivent supporter deux heures de marche pour gagner la mine de la Taillat. La seule voie de communication existante se limite à un petit sentier tracé à travers les bois de sapins. Les charrettes, qui ne peuvent circuler sur le chemin, cèdent la place aux mulets. Eux seuls sont d’une quelconque utilité pour descendre le minerai dans la vallée. Depuis l’arrivée du Creusot, ce système se révèle incompatible avec le développement de la production qui est censé accompagner la venue des ingénieurs de Schneider et Cie10.
20Aux mines de Saint-Georges, les liens avec les différentes fosses se bornent aussi à quelques mauvais chemins. Les installations extérieures sont presque absentes. Avant 1875, afin d’être enrichi, le minerai est grillé au débouché de chaque galerie, dans des fours intermittents, de faibles dimensions, en raison de la déclivité du terrain. Ces obstacles, Le Creusot souhaite s’en affranchir pour centraliser dans la vallée l’ensemble de la manutention et de la préparation du minerai. Pour ce faire, il convient d’abord de transformer le système de descente du minerai, qui repose sur des sacs chargés sur des traîneaux, eux-mêmes tirés par les mulets11.
21Mais la mise en relation des mines alpines avec les voies ferrées de la vallée passe d’abord par la comparaison des différents moyens de transport destinés à racheter la pente.
22Un premier système est essayé, à titre provisoire, aux mines d’Allevard. À la sortie de la galerie Sainte-Madeleine, grand travers-banc de la concession de la Taillat, le minerai est descendu dans la vallée, grâce à un câble aérien achevé en 1875. Le temps de trajet s’abaisse nettement puisqu’il tombe à sept minutes12. Très économique, ce dispositif, construit à la hâte pour résorber le goulet d’étranglement qu’a représenté le transport par sentier, montre rapidement ses limites. Incapable de supporter un haut débit, il repose sur des constructions entièrement en bois. Huit pylônes sont chargés de soutenir le câble aérien pour éviter que les chariots ne viennent heurter le sol. Une bonne partie de la force motrice est apportée par le simple poids du minerai dans le sens descendant. Malgré tout, les frottements sur les poulies, l’espace très important entre deux pylônes (jusqu’à 360 mètres), les portions horizontales et le charbon expédié à la mine dans le sens de la montée empêchent le système de fonctionner de manière autonome. L’appoint d’une ancienne machine d’extraction du Creusot, transformée en locomobile13, crée le complément du contrepoids nécessaire au rachat des 600 mètres de dénivellation, entre la mine et Saint-Pierre-d’Allevard.

Figure 27 – Système de transport aérien construit pour les mines d’Allevard (Fonds ENSMP – Croquis réalisé par un éléve-ingénieur des Mines)

Figure 28 – Pylône en bois pour la circulation du minerai de fer d’Allevard (Fonds de l’ENSMP – dessin réalisé par un élève-ingénieur des Mines)
23La plus grande partie du matériel est prélevée sur place ou fabriquée par les ateliers du Creusot. Seuls les câbles en acier font exception. Partie sensible de l’installation, ils sont acheminés d’Angleterre pour parfaire le bon fonctionnement du système de transport aérien14. Malgré les progrès enregistrés avec un tel système, peu puissant mais fiable, l’impact sur l’abaissement du prix de revient du minerai reste marginal. Chaque voyage ne permet d’expédier vers Saint-Pierre-d’Allevard que 700 kg de minerai brut. Celui-ci est ensuite chargé dans des tombereaux qui circulent sur une route départementale afin de gagner la gare de Goncelin où il peut enfin être versé dans les wagons de la compagnie PLM15.
24Il n’est pas encore envisageable d’élever l’extraction au-delà de 20 000 tonnes par an et ceci d’autant plus que les trémies de la galerie Sainte-Madeleine ne présentent qu’une capacité modeste et que Le Creusot n’a plus vocation à être une aire de stockage majeure. Le coût du transport demeure prohibitif. Il s’élève à 13 francs la tonne, depuis le carreau de la galerie Sainte-Madeleine jusqu’au Creusot. Dans ces conditions, la production reste très modeste. Limitée à 3192 puis 5854 tonnes, au cours des deux premières années, elle s’élève seulement à 28884 tonnes, au cours de l’exercice 1876-1877. L’obligation d’établir un système de plans inclinés s’impose rapidement, d’autant plus que celui adopté à Saint-Georges-des-Hurtières donne entière satisfaction.
25Dès le 1er juillet 1879, les différents plans inclinés fonctionnent entre la Taillat et Saint-Pierre-d’Allevard. Ils remplacent définitivement le câble aérien. La production connaît alors une augmentation sensible. Longtemps inférieure à 50 000 tonnes, elle atteint 65 460 tonnes, au cours de l’exercice 1880-1881, niveau qu’elle ne dépasse jamais par la suite. Comme à La Machine, le système de transport évite d’accumuler les minerais sur le carreau des galeries tout en limitant les stocks au Creusot.
26Aux mines de Saint-Georges, le système fonctionne sur la base d’une succession de cinq plans inclinés automoteurs sur lesquels circulent des trucks métalliques16. Chacun d’entre eux porte quatre bennes. Entre les plans inclinés, le minerai emprunte des voies horizontales qui n’excèdent pas 1 500 mètres. Que ce soit à Allevard ou à Saint-Georges-des-Hurtières, la prouesse technique qui accompagne cette réalisation devient une fierté pour la société qui fait figurer en bonne place ses installations de transports extérieurs de Saint-Georges-des-Hurtières, à l’occasion de l’exposition universelle de 1878.
27Il reste encore à créer les embranchements destinés à rejoindre le réseau ferroviaire exploité par le PLM. Pour ce faire, deux traités sont signés en 1878. À Allevard, les quatre plans inclinés et la voie de chemin de fer qui relient les mines à la vallée doivent être mis en rapport avec la ligne de Grenoble à Montmélian, au niveau de la gare du Cheylas.

Figure 29 – Système de plans inclinés des mines d’Allevard (Fonds de l’ENSMP – dessin réalisé par un élève-ingénieur des Mines)
28L’embranchement est prévu pour supporter l’expédition de trains complets d’une capacité de 250 tonnes. En pratique, il tarde à être réalisé17. Prévu pour entrer en service en 1876, il n’est achevé qu’à contretemps, entre 1879 et 1880, à la veille d’un ralentissement de l’intensité de l’exploitation.
29À Saint-Georges-des-Hurtières, où la distance entre la mine et la voie ferrée est plus réduite, la réalisation de l’installation rencontre moins d’obstacles. Elle est construite au lieu-dit la Pouille, entre les gares d’Épierre et d’Aiguebelle, sur la voie PLM qui effectue la jonction entre la ligne du Rhône et celle du Mont-Cenis, près du site qui regroupe les fours à griller et les aires de stockage. L’amélioration des conditions de transport constitue de loin le principal poste de dépenses, au cours de l’aménagement des concessions. Pendant l’exercice 1876-1877, la construction des chemins de fer industriels des mines de La Machine, d’Allevard et de Saint-Georgesdes-Hurtières représente 95,42 % des dépenses totales de constructions au sein de Domaine minier18.

Figure 30 – Dépenses de construction et de grosses réparations (1873-1895)
30Dans le prolongement de l’ouverture de la voie de chemin de fer Nevers-Chagny, le rail prend, chaque année, davantage de place dans la vie des usines. A priori plus onéreux que la voie d’eau, il permet de limiter les stocks et, par conséquent, le fonds de roulement. Le site de Bois-Bretoux, au port de Montchanin, sans être abandonné, perd de son importance au profit du nouveau dépôt de Villedieu, installé au Creusot même. Une rupture de charge disparaît.
31Progressivement, les quantités de minerais de fer entreposées à Montchanin sont aussi réduites au profit du dépôt de la gare du Creusot19. Schneider et Cie tirent avantage des relations privilégiées que leur gérant entretient avec la compagnie PLM. Un système de tarifs spéciaux est appliqué pour l’ensemble des matières consommées ou expédiées par l’usine. Cette situation se perçoit à travers le ressentiment qu’elle provoque chez les entrepreneurs stéphanois qui estiment subir les tarifs prohibitifs du PLM sur les courtes distances20. Vers 1877, le comité des forges du bassin de Rhône et Loire adresse d’ailleurs une pétition pour critiquer, tableaux chiffrés à l’appui, les pratiques commerciales du PLM qui favorisent Le Creusot, au détriment des autres usines du Centre de la France21.
32Grâce aux acquisitions minières des années 1869 à 1873, le charbon creusotin est complété par une gamme relativement variée de produits, des menus flambants de Montchanin aux meilleurs charbons de forge extraits dans le bassin stéphanois. Les exploitations acquises présentent des qualités indéniables. Les mines de Montaud produisent un charbon à coke presque identique à celui que Le Creusot a traditionnellement consommé.
33À l’inverse de la politique d’approvisionnement en minerai qui vise à faire reposer les lits de fusion sur quelques matières, la répartition des charbons fait ressortir une diversité qui s’accentue à chaque extension du Domaine minier, afin de mieux répondre aux besoins des différents services.
34La crise des charbons a fait prendre conscience aux maîtres de forges creusotins que leur stratégie d’approvisionnement, basée sur des marchés à long terme, est devenue dangereuse. L’attitude opportuniste des principaux fournisseurs nécessite une modification de l’organisation des flux de matières. Dernier exemple de cette habitude devenue risquée, un marché contracté en 1872 avec les mines du Cros (Loire), et qui doit trouver sa conclusion à la fin de 1878, pèse longtemps sur les discussions avec les autres partenaires commerciaux stéphanois. Des contrats plus brefs, renouvelés régulièrement, constituent une garantie préférable à de longs traités, notamment en période d’instabilité des cours. L’incomplétude initiale de ces contrats disparaît progressivement. Après 1874, la direction du Creusot adapte les contrats qu’elle signe, en fonction de l’expérience acquise depuis 1871. Non seulement les fournisseurs d’un même bassin sont diversifiés, mais ils sont aussi mis en concurrence, ce qui multiplie les sources d’informations en provenance d’un même lieu.
35L’ensemble des marchés est contracté à la même époque, en général au printemps, au moment où la clientèle particulière est la plus atone. Aux longs engagements toujours révisés avant terme, Le Creusot préfère à présent un système plus souple, qui repose sur des contrats annuels auxquels se greffent parfois de petits marchés complémentaires, à durée variable. Les programmes d’approvisionnement prennent progressivement en compte les capacités d’extraction des mines de Montaud et de Beaubrun. Bien qu’elles figurent parmi les responsables des défaillances du Creusot, en 1872, les Houillères de Saint-Étienne ne font pas, sur-le-champ, l’objet d’une mesure d’éviction. Schneider et Cie prennent le temps de rechercher de nouveaux interlocuteurs parmi les compagnies de la Loire. Quand, en 1876, le puits Jabin est, à nouveau, touché par une terrible explosion22, plus violente encore que la précédente, Le Creusot dispose de plusieurs solutions de rechange. La Société des Mines de la Loire s’engage immédiatement à livrer, chaque jour ouvrable, 50 tonnes de menus.
36Cette démarche très souple s’avère aussi appréciable en 1880. Pendant une période d’accalmie au cours de la Longue Dépression, Le Creusot engrange à nouveau de très importantes commandes de rails. Il doit faire face à une hausse brutale de ses besoins en charbon. Henri Schneider fait modifier les marchés en cours, non plus en fonction des exigences des fournisseurs mais dans l’intérêt exclusif de son entreprise. Il souhaite augmenter au plus vite les quantités expédiées par les différentes mines de la Loire. Comme cet accroissement est réparti sur quatre exploitations différentes, il ne concerne séparément qu’une faible quantité. Pour les Houillères de Saint-Étienne, le tonnage supplémentaire quotidien ne s’élève qu’à vingt tonnes23.
37L’amplitude très large de chaque marché devient aussi un facteur déterminant. Une importante latitude est laissée à l’acheteur quant à l’intensité qu’il entend donner aux réceptions. Particulièrement visible avec les houillères de Beaubrun, cette pratique se perçoit aussi avec les fournisseurs extérieurs. Au terme du contrat signé pour une période qui s’étend du 1er avril 1876 au 31 mars 1877, les Houillères de Saint-Étienne acceptent des limites situées entre 150 et 225 tonnes de houille par jour ouvrable24. Enfin, à partir de 1880, le tabou de l’acquisition du coke et non plus exclusivement du charbon est levé. Les soubresauts de la sidérurgie, les brusques retournements de conjoncture ne justifient guère la présence de nouveaux fours à coke, pour compléter les batteries existantes. Pour ce type d’installations, la marche au ralenti voire la mise hors feu ne sont guère envisageables. Une première acquisition de cokes destinés à la fonderie ayant donné satisfaction, l’essai est renouvelé avec des cokes métallurgiques standards. En 1881, un premier marché est signé auprès des houillères de Saint-Étienne. Il ne porte que sur de modestes quantités, de 15 à 20 tonnes par jour, destinées à combler les déficits de production occasionnés par la réfection de certains fours, sans être contraint de forcer l’allure de ceux qui sont maintenus en activité. Dès 1884, alors que la sidérurgie sombre à nouveau dans la crise, ce type d’expédition cesse presque complètement. La capacité de la batterie redevient adaptée à la consommation. Produire le coke sur place reste préférable pour conserver un débouché aux houilles maigres de la houillère. Il faut aussi tenir compte de la friabilité de ce produit, lors des transports sur de longues distances. Fabriquer régulièrement le coke au Creusot demeure la meilleure solution pour garantir le parfait roulement des hauts fourneaux.
Une organisation plus efficace
38La perception de la rentabilité des exploitations et de l’établissement d’un prix de revient est assez délicate. Dans les deux cas, les pratiques de Schneider et Cie correspondent à une volonté manifeste de faire profiter les services situés en aval de matières premières et de combustibles à des prix particulièrement attractifs. Le rôle des exploitations minières n’est pas de réaliser du profit. De leur capacité à fournir aux usines des matières premières et des combustibles bon marché découle la compétitivité des ateliers. Ce choix explique la résistance que Le Creusot manifeste envers la concurrence très dure que livrent les produits métallurgiques allemands sur l’ensemble des marchés européens, à partir du second semestre de 187425. Au moment où les entreprises de la Loire ne remportent quasiment plus aucune de leurs soumissions, Le Creusot, qui s’appuie sur un approvisionnement en combustible plus diversifié et moins onéreux, est à même de résister pendant encore au moins deux ans.
39Par contre, si l’usine sidérurgique est préservée, les mines sont amenées à supporter des coûts qui ne leur incombent pas. Les frais de fonctionnement des exploitations sont grevés de différents postes budgétaires qui ne sont en rien liés à l’activité minière mais dépendent en fait des services centraux. Chaque exploitation se voit contrainte de verser sa quote-part et d’assumer une partie des frais généraux de l’entreprise26.
40Ainsi, les échantillonnages et analyses effectués au Creusot sont comptabilisés parmi les frais d’exploitation. Les prix de revient sont établis assez arbitrairement, pour rester inférieurs à ceux du marché. Au pire, lorsque les conditions d’exploitation sont onéreuses, comme dans le cas des gisements de minerai de fer alpins, un résultat identique à celui obtenu auprès des fournisseurs est recherché, souvent d’une manière quelque peu artificielle.
41Pour la fonte, le minerai de Mokta est considéré comme l’étalon qui détermine la valeur des autres matières consommées. Son prix, 9,50 francs la tonne en moyenne, sert ensuite de base pour déterminer le prix de revient du minerai d’Allevard, exploité pourtant dans des conditions beaucoup moins aisées. Pour parvenir à une parité ou à un avantage fictif en faveur des minerais extraits du Domaine, les ingénieurs des hauts fourneaux prennent en compte non les conditions d’exploitation mais celles d’utilisation. À partir d’un lit de fusion théorique comprenant exclusivement du minerai de Mokta, ils étudient les quantités de coke, de castine nécessaires à l’obtention d’une tonne de fontes27. Dans la mesure où le minerai d’Allevard permet d’élaborer des produits sidérurgiques équivalents, ils partent d’un prix de la tonne de fonte identique puis retranchent le prix des fondants, du coke, supérieur en raison de la plus faible teneur en fer du minerai d’Allevard. Il reste alors à déterminer la valeur des 2 353 kg de minerai nécessaires à l’obtention d’une tonne de fonte. Après les soustractions précédentes, cela représente 57,06 francs, soit 24,25 francs la tonne de minerai rendue au gueulard des hauts fourneaux contre 37,205 francs pour une tonne de minerai de Mokta.
42Le transport entre l’embranchement des mines d’Allevard au Cheylas, vers Le Creusot intervenant à hauteur de 12 francs, la valeur du minerai d’Allevard est alors arbitrairement fixée à 12,25 francs, incluant les frais d’extraction, de transport à l’embranchement et de grillage. Il n’existe aucun rapport entre la valeur attribuée au minerai et son prix de revient.
43Les sidérurgistes du Creusot établissent donc des critères de qualités physiques et chimiques identiques pour fixer la valeur de chaque matière consommée. Mais pour maintenir constamment ce genre d’artifices, l’entreprise s’éloigne parfois des principes fondamentaux de l’art des mines.
44D’ailleurs, l’attitude de Schneider et Cie face à leur Domaine minier surprend, voire indigne les compagnies minières. Quatre ans après la prise de contrôle des mines de Montaud, Henri Schneider en scelle déjà l’avenir. Il entend interrompre les travaux, dès le déhouillement complet de la couche en cours d’exploitation.
45Quelques années plus tard, constatant l’état des mines de Montaud, le directeur des mines de la Loire ne cache pas sa surprise. Il déclare au président de son Conseil d’administration :
« Si l’avenir de Montaud est compromis, c’est que Le Creusot a mal administré. On doit lui reprocher l’oubli des règles les plus élémentaires de l’exploitation : tout exploitant prudent sait qu’il doit conserver une partie de ses bénéfices aux travaux préparatoires, sous peine de ruine prochaine. Or, Le Creusot n’a rien fait pour l’avenir de la mine. Il a encaissé l’intégralité des bénéfices produits par le déhouillement des champs d’exploitation qu’il avait trouvés en pleine activité et il n’a fait aucune dépense en recherches et creusement de puits28. »
46C’est un exploitant minier qui s’exprime. L’attitude d’Henri Schneider vis-à-vis des mines de Montaud met surtout en exergue la singularité du comportement d’un établissement sidérurgique, par rapport à celui des compagnies minières lorsqu’il s’agit d’exploiter un gisement houiller. Le rythme des recherches, des travaux, est beaucoup plus brutal chez une mine qui dépend d’un établissement sidérurgique car les investissements sont davantage liés aux besoins immédiats et aux cours des matières premières.
47L’attribution d’une concession pour l’exploitation d’un gisement impose quelques charges financières, au bénéfice de l’État. Les exploitants miniers versent, entre autres, une redevance dite proportionnelle qui correspond en fait à 5 % du bénéfice (ou plutôt revenu net) de l’exploitation. Il ne s’agit pas d’une contrainte financière très lourde au regard des droits qu’accorde l’État aux concessionnaires. Mais lorsque le Domaine minier prend une certaine envergure, comme c’est le cas des établissements Schneider, le cumul des sommes pour l’ensemble des exploitations constitue un total non négligeable. Le Creusot trouve rapidement une parade diversement acceptée par les ingénieurs des Mines. La reprise de chacune des exploitations coïncide avec l’amorce d’un intense programme d’aménagement échelonné sur plusieurs années.
48Au cours de cette période, en raison de l’importance des coûts dits de première exploitation, les mines ne produisent aucun revenu net. Elles sont même en perte et ne sont pas en mesure de verser la redevance proportionnelle de 5 %. Schneider et Cie recourent aussi à la pratique de prix fictifs sous-évalués, au cours des transactions internes, dans le cadre du Tarif intérieur élaboré chaque année en vue d’établir la valeur des produits des mines du Domaine. Dans les exploitations dont la production est entièrement dévolue à l’alimentation des usines du Creusot, il est de coutume d’attribuer une très faible valeur aux minerais et aux charbons consommés, afin de diminuer le prix de revient du service consommateur mais aussi pour placer systématiquement l’exploitation minière en perte. Ainsi l’ingénieur des Mines de Chalon se plaint-il du sort réservé aux exploitations de Mazenay-Change.
49Bien qu’il demeure conscient que la production de la mine, destinée à la fabrication de fonte à rail, a connu un net déclin depuis la diffusion des procédés de fabrication de l’acier, il signale sa surprise, en 1878, devant l’accumulation des pertes qui finissent par atteindre près de 550 000 francs depuis 1870. Même au cours de la période euphorique de 1872-1873, la mine reste en déficit, au moment où l’entreprise distribuait à ses actionnaires un dividende de 100 francs, sans équivalent jusqu’alors29.
50Comme aucun minerai n’est livré à une clientèle extérieure à l’usine, les critères pour établir sa valeur font défaut, au grand profit de Schneider et Cie. S’engage un rituel qui se perpétue à chaque déclaration de redevances. L’ingénieur des Mines pèse de tout son poids au sein des comités d’évaluation des redevances pour modifier le contenu des déclarations de Schneider et Cie. En cas d’échec, il enjoint le Préfet de signer un arrêté augmentant les prix fictifs pour faire ressortir les bénéfices supposés de l’exploitation. Mais il s’agit pour le Corps des Mines d’une éphémère victoire : « MM. Schneider et Cie se sont pourvus devant les tribunaux compétents contre les arrêtés préfectoraux et les prétentions de l’administration n’ont généralement pas triomphé30. » Il faut, en fin de compte, que l’ingénieur des Mines de Chalon demande conseil à son collègue de Meurthe-et-Moselle pour obtenir quelques données destinées à déterminer l’évolution de la valeur des minerais de fer oolithiques phosphoreux. L’analyse des déclarations fournies par la houillère du Creusot confirme cette politique. Toujours en 1878, les houilles mi-grasses livrées au service des hauts fourneaux à destination des fours à coke, sont facturées près d’un franc de moins par tonne que le charbon de calibre identique mais de qualité bien moindre livré par les Houillères de Blanzy, en vertu du marché de 1872. Pour les hauts fourneaux, le gain est d’autant plus substantiel qu’avec les frais de transport entre les deux exploitations, l’écart de prix s’élève à près de deux francs par tonne. Mais, une fois encore, l’administration peine à déterminer la valeur du produit que lui soumet Schneider et Cie car aucune houille ne présente, dans le département, des caractéristiques similaires à celles extraites de la houillère du Creusot. C’est au cours de cet exercice que les déclarations de la compagnie et les calculs de l’ingénieur des Mines présentent la plus grande amplitude. Pour Schneider et Cie, la mine du Creusot a produit un revenu net de 3 230,09 francs alors que le comité d’évaluation fixe celui-ci à 318 483,79 francs.
51Le même scénario se reproduit avec la découverte des chiffres présentés pour les concessions de Montchanin et Longpendu : « MM. Schneider ont payé les deux houillères de Montchanin et de Longpendu 3 400 000 francs. Il n’est pas possible qu’ils aient payé aussi cher des mines perdant constamment de l’argent et qu’ils connaissaient cependant fort bien31. » Par conséquent, les différentes exploitations du Domaine existent avant tout pour assurer un approvisionnement à bon marché, en matières premières et en combustibles.
52Avec l’entrée de nombreuses exploitations minières dans le giron de l’entreprise, Le Creusot interrompt une grande partie des arrivages externes. Il étend à son Domaine les pratiques de suivis des livraisons, selon les mêmes principes que ceux appliqués aux fournisseurs extérieurs. Les charbons font l’objet d’une attention particulière, dans la continuité de la politique instaurée au cours des années 1860. Si, à l’origine, les installations de préparation ont été concentrées sur le site du Creusot, les multiples acquisitions entraînent une dispersion de cette phase qui doit être adaptée aux caractéristiques des matières extraites dans chaque exploitation. Par conséquent, les installations de préparation sont radicalement différentes d’une mine à l’autre. Elles dépendent de la qualité des charbons extraits.
53Les mines de La Machine, de Montchanin et de Montaud produisent des charbons dont la teneur en cendres est élevée32, ce qui nécessite un triage-lavage particulier, beaucoup plus poussé que pour les produits de la houillère du Creusot.
54À Montchanin, le lavage est centralisé dans la vaste installation du puits Wilson dont la construction débute en 1875, pour s’achever en 1878. Par rapport aux édifices antérieurs, le nouveau lavoir, par la place faite à la machine à vapeur, dénote une mécanisation accentuée.

Figures 31-32 – Vues du puits Wilson (Fonds Académie François Bourdon)
Au premier plan, sur les deux photographies, apparaît l’installation de préparation mécanique des charbons, destinée à concentrer l’ensemble de la valorisation des houilles extraites de la concession des Brosses de Montchanin.
55Pour les mêmes motifs qu’au Creusot, la production fait ressortir une très forte proportion de charbons menus, soit 60 % environ. L’exploitation dans des terrains déjà fouillés produit davantage de petits calibres que dans des quartiers vierges. Ce n’est pas un problème essentiel puisqu’il s’agit du calibre de charbon destiné en priorité aux usines de la société. Les grelats qui représentent 36 % de la production sont répartis selon les besoins de la tuilerie de Charles Avril et du commerce, en vertu d’un accord conclu lors de la reprise des houillères de Montchanin-Longpendu. Quant au charbon de calibre Pérat, il représente un tonnage trop faible pour faire l’objet d’une vente au commerce. Il est donc utilisé, par défaut, à l’usine. À l’inverse, les mines du Creusot et de Beaubrun bénéficient d’aménagements tardifs et (ou) sommaires. À Beaubrun, les charbons industriels de la 8e couche présentent un degré de pureté suffisant pour éviter tout lavage33. En visite à Saint-Étienne, un ingénieur de la houillère du Creusot tente de glaner quelques informations concernant le stockage et la manutention des houilles. Il est étonné de constater les faibles précautions qui entourent la manipulation des charbons et l’absence d’ateliers de préparation aussi achevés que dans les autres exploitations du Domaine minier Schneider.
56À la houillère du Creusot, le processus est assez semblable. La pureté de l’anthracite extrait par les puits Saint-Pierre et Saint-Paul n’impose pas un lavage systématique des charbons, leur teneur en cendres étant naturellement faible. Il faut attendre 1882-1883 pour que les appareils de préparation des charbons établis entre 1862 et 1866 soient modernisés par l’adjonction de bacs de lavage mécaniques, dans le prolongement de l’atelier de criblage34. C’est ensuite au tour des puits Chaptal et XIX de recevoir des équipements similaires. La crise qui frappe l’usine justifie ces différents aménagements. Schneider et Cie ont alors tendance à se replier encore davantage sur les exploitations du Domaine pour les approvisionnements en matières premières et en combustibles. Il s’agit de limiter, autant que possible, les achats extérieurs, ce qui passe par une amélioration de la qualité des charbons internes. À cette époque, la direction de l’usine du Creusot manifeste la volonté d’accroître la proportion de charbons creusotins dans les fours à coke, en remplacement de leurs équivalents stéphanois. La quasi-totalité des houilles mi-grasses, surtout réservées à la forge depuis que Le Creusot est devenu un acteur direct de production charbonnière dans le bassin de la Loire, est dorénavant orientée vers les fours à coke. Quant à la forge, elle reçoit désormais surtout les charbons machinois dont la production connaît une forte croissance. Mais les houilles mi-grasses creusotines doivent être davantage purifiées, afin d’être agglomérées avec une plus faible proportion de menus à coke stéphanois. Il faut aussi tenir compte du fait que la houillère du Creusot abandonne partiellement les espaces d’anthracite pur pour aborder des zones de charbons plus sales. Une démarche assez proche est aussi perceptible dans le cas des minerais de fer alpine.
57À Allevard, depuis 1884, un grand atelier regroupe la préparation mécanique, le lavage et l’agglomération du minerai35. Les menus sont désormais préalablement grillés pour éliminer l’acide carbonique, élément inutile voire nuisible à la fabrication de la fonte. Par rapport à la période antérieure à l’arrivée de Schneider et Cie, la transformation des conditions de préparation est importante. Le minerai n’est plus grillé sur le carreau des galeries. En raison de la production beaucoup plus importante, prévue pour atteindre 50 000 tonnes par an, le recours au combustible végétal est impensable. Il est du plus grand intérêt de rapprocher le site de grillage de l’embranchement de chemin de fer, pour acheminer plus facilement le combustible.

Figure 33 – Système de déversement dans les fours à griller le minerai spathique construits à Allevard et à Saint-Georges-des-Hurtières
58Après un premier tri manuel sommaire, le minerai qui se présente encore sous la forme de tout-venant fait l’objet d’une séparation en deux catégories, par l’action mécanique de cribles à secousses composés de tôles d’acier perforées par des trous de 30 millimètres.
59Les morceaux de minerais restés sur le crible constituent le « gros ». Ils passent sur une toile sans fin où ils subissent un nouveau triage manuel qui permet d’éliminer une grande partie des stériles et d’enlever sommairement, au marteau, les éléments de la gangue, notamment le quartz, qui seraient encore mêlés à la sidérite36. C’est alors qu’intervient le grillage dans un des trois grands fours, opération essentielle pour diminuer le prix de revient du minerai car elle vise à éliminer une proportion de 20 à 30 % de la masse initiale. Avec une tonne de minerai cru sont obtenus 800 kilogrammes de minerai grillé. Par cette opération de calcination, le minerai a donc été enrichi, sa teneur en fer et manganèse, les deux matières utiles, s’accroît, passant de 30-32 % à près de 45 %, ce qui comprime sensiblement les frais de transport.
60Après un dernier triage manuel, le minerai gros est prêt à être expédié. Il est réservé à la clientèle de la Loire et à l’usine d’Allevard. Le Creusot se contente de consommer les minerais les plus difficilement vendables, les menus. Une fois grillé et trié, ce calibre est transformé sur place en briquettes solides, après une addition d’une faible proportion de chaux. Le produit est de très bonne qualité, d’une teneur atteignant près de 50 % de matières utiles.
61Devant la progression rapide de la production minière du Domaine, le Service Commercial de Schneider et Cie adapte progressivement les marchés, en réduisant, voire en supprimant les expéditions de certains fournisseurs. Il importe aussi de rétrocéder une partie des marchés contractés un peu hâtivement, lors de la crise des charbons.
62Pour les achats, le redéploiement des flux d’approvisionnement affecte avant tout les fournisseurs traditionnels de l’usine. La sanction est parfois brutale pour certaines compagnies qui n’ont pas pris l’habitude de se tourner vers les ateliers du Creusot, afin d’équiper leurs installations ou qui ont, par instants, compromis la sécurité des approvisionnements du Creusot.
63Principales responsables et premières touchées par le développement du Domaine minier de Schneider et Cie, en raison des prélèvements du Creusot auprès des mines de Beaubrun, les Houillères de Saint-Étienne voient les ventes de charbon industriel au puits du Grand Treuil subir une baisse brutale, du fait de la diminution des commandes de l’industrie métallurgique. En 1874, l’extraction de ce puits subit une réduction soudaine de 15 000 tonnes, suivie d’une autre de 13 000 tonnes en 187537. Placé en position de faiblesse, leur directeur qui s’est glorifié, en 1871, d’avoir pu vendre à Schneider et Cie, ses houilles à des prix très avantageux pour l’époque en subit le contrecoup. Les nouveaux marchés accusent une baisse des prix très sensible. C’est ensuite au tour des Mines de la Loire de subir les effets de la présence directe du Creusot dans le bassin stéphanois. En 1878, elles ne peuvent que constater un effondrement de plus de 20 000 tonnes des ventes directes auprès des forges. Le marché de 12 000 tonnes par an, renouvelé régulièrement depuis plusieurs années s’achève en Mai et n’est pas reconduit38. Les rapides changements, d’une année sur l’autre, des volumes commandés aux compagnies minières constituent aussi un moyen d’action pour combattre les pratiques commerciales des vendeurs. En cas de déséquilibre entre l’offre et la demande, à leur désavantage, les houillères du bassin stéphanois préfèrent restreindre de beaucoup leur production plutôt que de subir l’érosion de leur prix de vente. La répartition entre les achats au Domaine et aux fournisseurs extérieurs vise à briser cette stratégie, notamment lorsqu’il s’agit de relayer la baisse des prix des produits sidérurgiques par celles des matières premières et combustibles.
64Le programme de répartition des commandes de charbons à coke qui sanctionne les Mines de la Loire, en 1878, tend à appliquer le principe du contrepoids recherché depuis 1872, face à la domination stéphanoise sur le marché des charbons cokéfiables. Il s’agit de conforter les effets de la prise de participation dans les mines de Brassac. Au cours du printemps 1878, Le Creusot essaie différents échantillons de charbons qui proviennent de plusieurs exploitations des bassins de Brassac et de Langeac. En l’espace de quelques années, ce sont près de 120 tonnes quotidiennes qui échappent aux fournisseurs stéphanois. Comme les prix consentis par les mines des bassins de Brassac et Langeac sont inférieurs de 2 francs à ceux des houillères stéphanoises, Le Creusot espère réaliser une économie d’un franc par tonne, compte tenu du renchérissement des frais de transport. Si, en 1879, les réceptions des charbons de Brassac ne s’élèvent qu’à hauteur de 10 500 tonnes, en 1880, elles atteignent 28 000 tonnes39. À cette occasion, la stratégie suivie à l’encontre des mines stéphanoises est couronnée de succès. En 1878, La Ferté, désigné par Henri Schneider pour discuter des marchés charbonniers dans la Loire déclare, à son retour : « À Saint-Étienne, j’ai trouvé la confirmation de mes impressions antérieures de la part des directeurs de mines et de leurs administrateurs ; répugnance obstinée à réduire davantage leurs bénéfices – préférence pour une réduction nouvelle des extractions. » Au retour d’une mission identique, l’année suivante, ses convictions ont radicalement changé :
« Je quitte Saint-Étienne cette après-midi après avoir posé nos prétentions à traiter le renouvellement de nos marchés de charbons à raison de 13,50. Mon impression est que les directeurs (Villiers, Locard) comprenant la gravité de la situation, voyant malheureusement s’éteindre les fourneaux de leurs acheteurs sont plus traitables qu’ils ne l’étaient l’année dernière à pareille époque40. »
65Les Houillères de Saint-Étienne acceptent de diminuer le prix de leurs charbons à condition que Le Creusot augmente ses commandes. En définitive, elles sont contraintes de maintenir la baisse sans avoir obtenu satisfaction sur la question de la quantité.
66Désormais, les expéditions oscillent exclusivement en fonction des besoins des usines du Creusot. La dégradation des relations commerciales avec Schneider et Cie est amèrement ressentie par la direction de certaines compagnies. Une lettre du directeur des Mines de la Loire, en date du 8 août 1887, révèle l’état d’esprit du président de son Conseil d’administration :
« Nous vous avons à maintes reprises entretenus des variations de qualités de toutes les couches sans exception du bassin de la Loire, variations auxquelles n’échappent pas vos mines de Beaubrun. Malgré tous les soins possibles, il est difficile pour ne pas dire impossible, de régler la marche des appareils de lavage sur ces variations, du moins ainsi qu’il arrive souvent, quand elles se produisent d’une façon brusque… En raison de ces éventualités, nous tenons pour vraiment trop rigoureuses la faculté de laisser à vos agents de refuser un wagon contenant plus de 11 % de cendres et nous venons vous demander de nous traiter comme le font le PLM et les autres clients importants41. »
67L’usine sidérurgique entend profiter de la crise qui la frappe mais qui touche davantage les établissements stéphanois pour se présenter en situation de force et demander une réduction des prix des charbons auprès d’interlocuteurs qui constatent la disparition de la clientèle métallurgique.
68Le Domaine minier participe donc au renforcement de la sécurité de l’entreprise. Il évite les ruptures de flux de charbon quand un fournisseur est défaillant. C’est, par exemple, un des avantages de la dispersion et de la multiplication des sources d’approvisionnement que de pouvoir éviter d’avoir à subir complètement les effets d’une grève des mineurs. Il est difficilement envisageable que le bassin de Blanzy-Le Creusot, celui du Nivernais (Decize), les mines stéphanoises et celles de Brassac puissent interrompre simultanément leurs expéditions. La résistance du Creusot aux grèves d’un bassin ne peut être que temporaire. Mais il reste possible d’accepter, pendant quelques semaines, la modification des mélanges destinés aux fours à coke, en fonction des besoins. Cela se traduit par un renchérissement momentané du prix de revient puisque les combustibles utilisés sont moins adaptés. En juin 1873, Schneider et Cie parviennent à limiter les effets des troubles sociaux qui atteignent Saint-Étienne, grâce à leur participation dans les mines de Beaubrun où les salaires sont traditionnellement plus élevés que dans le reste du bassin et surtout par l’augmentation des expéditions de charbons machinois. En 1882, Le Creusot est heureux de pouvoir compter sur une élévation rapide des tonnages en provenance des mines de Beaubrun, à la suite du ralentissement que connaît la production de houille en Saône-et-Loire42. Au cours du dernier trimestre, ses approvisionnements semblaient pourtant compromis par la réduction brutale de l’activité des houillères locales. L’usine profite instantanément des stocks importants qui se sont accumulés, au cours des mois précédents, sur le carreau des puits de la mine de Beaubrun. En 1882, conséquence de cette révision temporaire des flux, les ventes de cette mine s’envolent pour atteindre 347 772 tonnes, soit une augmentation de 36 345 tonnes par rapport à l’année précédente. Mais le maintien de contacts avec des fournisseurs extérieurs n’en demeure pas moins essentiel car les propres exploitations de Schneider et Cie peuvent aussi subir des diminutions d’extraction soudaines. Ainsi, l’explosion qui frappe le puits Marguerite, à La Machine, en 1890, prive l’usine d’une de ses sources en charbons à gaz. Rapidement, des partenaires extérieurs sont sollicités, à travers l’acquisition de tonnages importants, en supplément des engagements antérieurs. Montceau accepte, pendant quelques semaines, de livrer chaque jour trois wagons supplémentaires de charbon pour combler une partie de la lacune créée par l’explosion à La Machine. Commentry se voit proposer un marché de 4 000 tonnes. Le bassin de Saint-Étienne est aussi appelé en renfort, à raison de 1 600 tonnes supplémentaires par mois. Grâce à cette réactivité, Le Creusot sort indemne du désastre qui a frappé sa plus importante exploitation minière.
69Les mines de Beaubrun, par le système très souple qui régit les expéditions de charbon vers Le Creusot, constituent la principale soupape de sécurité dans l’organisation des flux de combustibles. Comme il a interrompu, à la même époque, les achats auprès des Mines de la Loire, Le Creusot réduit brutalement, en 1878, ses demandes. Aux 200 tonnes quotidiennement acheminées depuis 1873, succèdent des convois de seulement 100 tonnes, soit, sur l’année, une diminution de moitié par rapport aux 60 000 tonnes que Le Creusot prélevait encore en 1877. En 1879, les demandes du Creusot retrouvent presque leur niveau antérieur, après qu’ont été engrangées d’importantes commandes auprès des chemins de fer privés et de l’État, dans le cadre de l’application du plan Freycinet. Avec la confirmation de la reprise de l’activité sidérurgique, Le Creusot prélève à nouveau, en 1880, l’ensemble des quantités qui lui sont théoriquement réservées, soit 20 % de la production. Par conséquent, la courbe de production de la houillère de Beaubrun présente de fortes similitudes avec l’intensité de l’activité des fours à coke du Creusot dont les commandes scandent désormais les mouvements de l’extraction. Après avoir chuté à 266 340 tonnes, en 1878, celle-ci remonte à 284 972 tonnes en 1879, avant de repasser au-dessus de la barre des 300 000 tonnes, en 1880, à 326 241 tonnes.
70Le développement du Domaine minier impose de définir la place attribuée à l’activité extractive au sein de l’entreprise. Un contrôle de tous les instants est rapidement instauré. Le personnel de direction de chaque exploitation est réduit au strict minimum. La plus grande partie de la gestion quotidienne est assurée depuis la direction centrale du Creusot43, à partir d’informations tirées de rapports journaliers, hebdomadaires et mensuels dont la précision varie en fonction de la périodicité. Ces documents constituent, en quelque sorte, les journaux qui résument les travaux effectués au fond et au jour. Pour les quartiers souterrains, les relevés sont subdivisés par puits, par étage pour chaque puits et par couche, pour chaque étage. Le Creusot se trouve ainsi renseigné sur la nature des travaux et sait si les efforts ont porté essentiellement vers l’abattage, le traçage ou les recherches au charbon. Les travaux du jour apparaissent moins importants et ne font l’objet que de brefs commentaires soulignant, dans l’ordre suivant, l’état des machines, la manipulation et le transport des charbons, le lavage, la carbonisation, l’entretien et l’augmentation du matériel ainsi que les observations concernant la population ouvrière44.
71Un ingénieur en chef, recruté au début de la seconde vague d’acquisitions, contrôle l’état des différentes exploitations. Il reprend en fait les fonctions d’Ollier, qui devient directeur des houillères de Montchanin-Longpendu, en 1871 et de Judey qui décède en 1875. Outre les rapports écrits, il effectue régulièrement et plusieurs fois par an l’inspection des mines du Domaine. Les différents directeurs des mines lui présentent les projets de constructions, d’aménagements envisagés. L’ingénieur en chef possède le pouvoir d’accepter ou non, voire de modifier les projets qui lui sont proposés, avant de les soumettre à la gérance. La création de ce poste provoque une modification importante de la répartition des pouvoirs à la tête de la société. Émile Cheysson qui participe encore à la politique minière au moment de la crise charbonnière de 1872 se retrouve, en quelque sorte, évincé. Après la nomination d’un ingénieur en chef des mines, les directeurs de l’usine du Creusot ne participent plus à l’élaboration de la stratégie minière de l’entreprise. L’ingénieur des mines de Schneider et Cie adresse directement ses rapports au gérant. Il devient un des principaux personnages de l’entreprise. Il peut être considéré comme le numéro quatre dans la hiérarchie, après le gérant, le directeur de l’usine du Creusot et le secrétaire général.
72Le recrutement du spécialiste des questions minières s’effectue essentiellement en fonction de sa connaissance des exploitations du Domaine. Il ne découvre pas l’entreprise au moment où il prend en charge la politique minière. Avant d’être recruté par Schneider et Cie en mai 1873, Chosson fut ingénieur ordinaire des Mines, précédemment chargé de la surveillance des mines de l’arrondissement minéralogique de Chalon-sur-Saône45. Il connaît donc parfaitement les besoins en minerai de fer supérieur des établissements Schneider et Cie ainsi que certaines exploitations du Domaine minier.
73Schneider et Cie accomplissent d’ailleurs un prélèvement d’envergure parmi le personnel de l’administration des Mines. En 1873, à l’occasion des recherches effectuées dans les Alpes, l’ingénieur des Mines de Chambéry signale que les travaux de recherches réalisés par Le Creusot, dans la Haute-Maurienne, n’ont pas fait l’objet de la visite réglementaire par le garde-Mines d’Aiguebelle dans la mesure où celui-ci est passé, en cours d’année, au service de Schneider et Cie.
74Le départ de Chosson intervient à la fin de 1880, alors que la mise en valeur du Domaine minier n’est plus une préoccupation essentielle. Le poste d’ingénieur en chef des mines est attribué à Raymond, qui a fait toute sa carrière au sein de l’entreprise. Né à Saint-Étienne, Raymond a fait ses études à l’École des Mines de cette ville (promotion 1862)46. En 1862, à l’âge de 20 ans, il est entré comme ingénieur à la houillère du Creusot. À l’instar de l’ensemble des ingénieurs du Domaine, il a été soumis à une intense mobilité géographique puisqu’il a aussi été affecté, entre 1869 et 1880, à la houillère de Montchanin et aux mines de fer de Saint-Georges-des-Hurtières47. Il possède donc une bonne connaissance de l’ensemble du Domaine minier, cela facilite sa tâche de contrôle de la qualité des productions qui en proviennent.
75Les minerais et les combustibles issus du Domaine subissent les mêmes analyses que ceux achetés à des fournisseurs extérieurs48. Des échantillons sont recueillis dans les wagons reçus au Creusot. Ils représentent une centaine de kilogrammes par convoi. Dès qu’une tonne de minerai a été prélevée, elle est pulvérisée mécaniquement. C’est à partir de ce mélange qu’est réalisée la prise d’essai. Des résultats en laboratoire découlent, en partie, l’attribution de la valeur des matières premières et des combustibles.
76Au cours de l’année 1882, le laboratoire du Creusot effectue 36 prises d’essai pour déterminer la qualité des produits des deux exploitations de minerai de fer des Alpes. À cela s’ajoute un nombre identique d’analyses sur des échantillons particuliers. Les résultats permettent de constater les progrès accomplis dans le triage du minerai ainsi que les carences qui subsistent. Les analyses du laboratoire conditionnent aussi les travaux qui sont régulièrement engagés en vue d’améliorer la qualité du produit des exploitations des mines de fer, par le biais du criblage, du grillage et de la fabrication de briquettes de minerai.
77Le suivi régulier des exploitations s’impose, marqué par une forte centralisation au sein de l’entreprise. Les mines ne possèdent pas de service commercial propre, que ce soit pour les ventes de houilles ou de minerais. L’écoulement des produits miniers dépend des services centraux de Schneider et Cie dont l’activité est d’autant plus limitée au début des années 1870, que la très grande majorité des productions est destinée aux usines de l’entreprise.
78À partir de 1875-1876, le développement de l’extraction dépasse les besoins de la consommation creusotine. Un réseau de vente doit être reconstruit, pour écouler certains types de charbon. Le programme est d’autant plus ambitieux qu’il ne peut plus s’appuyer sur les réalisations antérieures puisque les dépôts d’Alsace ont été abandonnés à la suite de la défaite de 1870. Se pose aussi la question des liens avec Blanzy, marquée par l’obligation d’une indispensable conciliation pour éviter de renouveler les tensions nées au cours des années 1860 et perdre les acquis de l’accord intervenu en 1872. L’équation est d’autant plus difficile à résoudre qu’à la différence de la décennie précédente, la compagnie des mines de Blanzy a achevé la création de son réseau de vente et a même été amenée à le restreindre, devant la poussée des combustibles britanniques dans l’estuaire de la Loire. Aucune complémentarité n’intervient désormais entre les charbons de Montceau et ceux du Domaine minier du Creusot.
79Le réseau de vente est implanté dans des places commerciales de faible envergure, dans les interstices laissés vacants par Blanzy. La renaissance du réseau de vente est assez tardive et ne profite pas de la crise des charbons. C’est essentiellement à partir de 1875 que se dessine le besoin de placer une proportion importante de la production du Domaine minier, pour faire face à l’élévation sensible de la production que l’usine du Creusot n’est pas en mesure d’absorber. Le réseau de vente est à construire presque entièrement puisqu’il ne repose que sur les dépôts de Decize et Auxerre49.
80La grande force du réseau réside dans la complémentarité des produits offerts à la clientèle. Les dépôts de Schneider et Cie couvrent des besoins beaucoup plus vastes que ceux de Blanzy, même si cette entreprise a su, sur certaines zones, allier ses propres charbons avec ceux extraits du Royaume-Uni. Les demandes des clientèles domestiques et industrielles peuvent être satisfaites. Les dépôts regroupent les charbons de l’ensemble du Domaine minier même si ceux de Decize et du Creusot constituent la base des ventes. Il s’agit de placer les calibres et les variétés de charbon excédentaires. En effet, l’usine du Creusot consomme toujours essentiellement des charbons de petits calibres et délaisse les autres dimensions, au profit de la clientèle domestique. Mais l’usine reste prioritaire, par rapport aux intérêts des différentes mines. Celles-ci sont parfois contraintes d’abandonner leur clientèle, en sachant qu’elles risquent de la perdre définitivement, lorsque les besoins du Creusot imposent une utilisation plus massive de leurs produits50.
81Le grand programme minier entamé à la fin des années 1860 n’a pas seulement vocation à assurer l’indépendance en matières premières et combustibles. Il doit aussi soutenir une partie de l’activité des ateliers de construction du Creusot. Les années 1870 marquent, à ce titre, la généralisation d’un système apparu depuis le lancement de la fabrication des machines à vapeur sur le site même de la houillère du Creusot.
82Il n’est plus possible de parler d’intégration vers l’amont ou vers l’aval au sein des établissements Schneider et Cie. Ces deux perspectives sont désormais imbriquées. L’essor des installations minières entraîne un besoin d’équipements supplémentaires fournis en quasi-totalité par les ateliers de l’entreprise.
83Les exploitations du Domaine forment autant de gisements pour lesquels l’aménagement apporte une expérience renouvelée et une maîtrise technique dont les acquis peuvent être reproduits auprès d’autres mines. Face aux difficultés qu’affrontent les ingénieurs des établissements Schneider, l’ensemble des compétences de l’entreprise est mis à contribution. Le fer voit ses champs d’application se multiplier. Aux mines de Brassac, différents essais conduisent au remplacement, dans les puits, des guidages de cages d’extraction qui souffrent de l’affluence des eaux. Les structures en bois sont remplacées par des rails en fer fixés contre le cuvelage. Au Creusot même, le remplacement des étais en bois traditionnels par de vieux rails en fer devient une pratique courante, dans certaines parties de l’exploitation51. Depuis les premiers travaux souterrains, l’entretien des boisages s’est toujours heurté aux multiples pressions qui s’exercent dans des zones en cours de déhouillement. Comme nous l’avons constaté au cours du chapitre III, les exploitants ne pouvaient pas avoir recours à des galeries muraillées, trop onéreuses dans le cas d’installations n’ayant que quelques mois d’existence. Par contre, placé dans les galeries de roulages principales, le soutènement métallique permet de diminuer sensiblement le poste des dépenses d’entretien des travaux souterrains, sans transformer les méthodes d’exploitation52. Comme avec des étais de bois, les cadres sont composés de deux montants et d’un chapeau, structure qui résiste à la pression des terrains. Les premières applications, dans une galerie de roulage du puits Chaptal, donnent entière satisfaction. Avec des cadres en chêne, quatre boiseurs, secondés de trois rouleurs affectés à l’évacuation des déblais, se relayaient pour maintenir péniblement la circulation des berlines. Le travail était si délicat qu’il ne pouvait être effectué que par des mineurs d’élites qui ne remplaçaient qu’un cadre par poste, en raison de la difficulté de l’opération. Après le remplacement du bois par des cadres qui ne sont en fait que des rails rebutés par le PLM, les relevages et les élargissements, sans disparaître sur l’ensemble des trois cents mètres de galeries, diminuent nettement. Le coût de l’entretien est divisé par cinq puisque la main-d’œuvre est réduite à un poste par semaine, au lieu d’un par jour. Les cadres peuvent resservir indéfiniment. La seule restriction à la généralisation de ce procédé réside dans la lenteur de l’abandon du bois. Dans la galerie du puits Chaptal, il s’écoule neuf mois entre les premiers remplacements de cadres et l’achèvement des travaux. Dans ces conditions, malgré cette première application du fer sanctionnée par le succès, l’extension du recours au soutènement métallique est réservée à quelques galeries dont la couronne est ébouleuse, aux écuries, aux croisements de voies et aux larges sections qui correspondent surtout aux recettes des puits.
84Dans le prolongement des choix techniques adoptés au Creusot, les différentes cheminées des installations minières sont assemblées en tôles et non en briques, par souci d’économie mais aussi pour tenir compte de la souplesse, de la légèreté de ce type de constructions bâties au-dessus de travaux souterrains.
85Lorsque des constructions métalliques et mécaniques sont nécessaires, les usines sont bien évidemment privilégiées pour produire les fournitures. Grâce à un flux de commandes facilement quantifiable, Le Creusot renforce, au cours de la décennie 1870, son statut de constructeur de matériel minier. Que ce soit par l’intermédiaire des exploitations du Domaine minier ou des participations, les ateliers du Creusot disposent désormais d’un marché captif qui n’est plus négligeable. Financièrement, le bilan est neutre pour des exploitations comme Le Creusot, Montchanin ou Montaud. Leur production est presque exclusivement destinée aux établissements de l’entreprise. Le coût de l’investissement est intégré dans le prix de revient. Il n’en va pas de même pour les autres exploitations. Avec leur participation dans les mines de Brassac, Schneider et Cie engrangent toutes les commandes de machines d’extraction qui figurent parmi les plus puissantes que les ateliers réalisent. La prise de participation implique l’obligation de se tourner vers un fournisseur exclusif : Schneider et Cie53. La convention signée en 1872 stipule que :
« Article deux. En échange de cet engagement, la société des houillères de Brassac assure à MM. Schneider et Cie :
- La préférence pour l’acquisition des charbons de ses exploitations dont la qualité, l’état et la forme conviendront à la consommation de leurs usines et qui ne sont pas engagés par des marchés en cours d’exécution ou absorbés par la vente locale.
- La même préférence pour la fourniture par MM. Schneider et Cie à la société de Brassac des machines et matériels résultant de la fabrication du Creusot et dont la société de Brassac aura à se pourvoir à partir de ce jour. »
86Les mines du Domaine et les différentes participations jouent un rôle central pour prendre le relais de certains clients qui, comme Blanzy, ont en grande partie achevé leur programme d’aménagement. Brassac, à travers les deux puits de la division de Bouxhors, est ainsi le premier site minier à être équipé de chevalements métalliques construits par Schneider et Cie dans leurs ateliers de Chalon-sur-Saône54.
87Certaines réalisations exceptionnelles confirment la compétence acquise par les ateliers du Creusot. Davantage que le matériel d’extraction, les modes de transport souterrains établis au cours de la décennie 1870, dans les galeries de la mine de fer de Mazenay, illustrent l’excellence des ingénieurs creusotins dans leur capacité à maîtriser la circulation des matières au sein des exploitations. Les berlines sont concentrées dans une gare souterraine avant d’être déversées dans des wagons, pour former un train d’une douzaine de voitures55.
88Ces convois sont conduits au jour par de petites locomotives de trois tonnes, à chaudières horizontales, circulant sur des voies de 50 centimètres d’écartement. Ces locomotives parcourent un kilomètre, soit 700 mètres en tunnel et 300 mètres au jour. L’usage des locomotives souterraines engendre un gain de temps qui vient poursuivre l’œuvre engagée avec les travaux au jour réalisés entre 1861 et 1867. Moins d’un quart d’heure est nécessaire pour effectuer une navette tirant une dizaine de tonnes de minerai, soit l’équivalent de ce que transportent habituellement quatre chevaux56. Lorsque l’intensité de l’extraction diminue et que le centre de gravité de l’exploitation se déplace de Mazenay vers Change où elles sont inutilisables, en raison de l’absence d’accès par galerie à flanc de coteau, les locomotives sont affectées aux mines de La Machine qui connaissent une augmentation de leur production.
89Devant l’impossibilité de connaître l’ampleur de la crise qui atteint certains pays industrialisés à partir de 1875, la direction de Schneider et Cie tente d’accroître encore le poids des fournitures destinées au Domaine minier, afin de maintenir en activité l’outil de production. Il est évident qu’une telle politique ne peut être qu’un pis-aller, un remède ponctuel. Ainsi, pendant les exercices 1876-1877 et 1877-1878, les ateliers du Creusot fournissent aux mines du Domaine cinq locomotives, un nombre indéterminé de trucks pour le service des plans inclinés des mines de fer, l’ensemble du matériel ferroviaire nécessaire à l’équipement de leurs voies ferrées et de leurs plans inclinés (rails, éclisses) ainsi que les wagonnets métalliques57.
S’adapter à la Longue Dépression
90Néanmoins, la politique minière adoptée en 1869 finit par montrer ses limites. La remise en cause de la logique d’intégration complète et de préservation de l’indépendance des usines survient à partir de 1875-1876, dès lors qu’un ralentissement de l’activité atteint l’économie mondiale. La crise s’installe, perdure, se transforme en dépression, mais ne frappe pas immédiatement et de plein fouet les usines du Creusot. Celles-ci maintiennent leur production à un haut niveau. Contrairement à ce qui était prévu, le ralentissement global de l’activité diminue les coûts d’approvisionnement en minerais de fer et combustibles. La poursuite de la mise en valeur de gisements situés dans des zones où n’est pas envisageable un abaissement significatif du prix de revient ne s’impose plus. L’exemple des mines d’Allevard est, à ce titre, édifiant.
91Les travaux engagés frénétiquement en 1874 diminuent ensuite d’intensité et ne sont achevés qu’en 1881. À cette date, la pression sur les approvisionnements en minerais de fer supérieurs décline nettement. Les mines de Mokta-el-Hadid ne sont plus en situation dominante. De nombreuses autres compagnies sont présentes sur le marché des minerais. La concurrence provient surtout de la péninsule Ibérique. Plus que les gisements d’Afrique du Nord, c’est le développement des mines du Pays basque espagnol qui atteint de plein fouet l’activité des mines d’Allevard. Les achats du Creusot dans cette zone, presque nuls avant 1873, progressent très rapidement. Le Creusot est contraint de revoir ses programmes de consommation de minerais de fer d’Allevard et de Saint-Georges-des-Hurtières pour préserver la compétitivité de ses productions sidérurgiques. Pressé par la nécessité de maintenir son indépendance face à ses fournisseurs, Eugène Schneider a intégré dans le Domaine minier de son entreprise différents gisements que plusieurs siècles d’exploitation ont appauvris.
92Par rapport aux lourds investissements, le résultat est assez décevant. Malgré des artifices comptables, le prix de revient des productions du Domaine minier reste souvent supérieur à celui des grandes compagnies minières. Conséquence de ce phénomène, pour ne pas voir la compétitivité des produits finis remise en cause par le coût de certaines matières tirées des mines Schneider, Le Creusot est obligé d’abandonner sa politique autarcique pour reprendre des pourparlers avec d’autres compagnies ou des marchands de minerai. Dès l’exercice 1877-1878, les dépenses de premier établissement des mines de fer du massif alpin sont fortement réduites. Les guerres carlistes terminées, le minerai basque redevient abondant. Sa production dépasse rapidement les chiffres atteints avant 1873. En 1876, année du retour à la normale, l’extraction s’élève déjà à 432 500 tonnes avant d’atteindre, l’année suivante, 1 040 264 tonnes.
93Le minerai de Somorrostro (Bilbao), mines dans lesquelles plusieurs établissements sidérurgiques français possèdent des intérêts importants, arrive en masse en France58, et au Creusot en particulier. Son prix reste encore supérieur à celui des minerais alpins, en raison des multiples ruptures de charge qu’il subit depuis le Pays basque. Mais le minerai de Bilbao a pour avantage de posséder une teneur en fer bien supérieure aux minerais alpins et de présenter une faible proportion de menus59, difficilement fusibles. Les quantités commandées au profit des usines du Creusot augmentent régulièrement. À la fin de 1878, les réceptions mensuelles atteignent 4 000 tonnes. En 1881, elles s’élèvent à 8 000 tonnes, au moment où les objectifs de production d’Allevard sont revus à la baisse60. Comme les conditions d’embarquement du minerai de fer au Pays basque s’améliorent sensiblement, les difficultés de transport que rencontrent les exploitants des mines de fer alpines ne ressortent qu’avec davantage d’acuité. La croissance de la production des mines de fer de Bilbao se poursuit à un rythme soutenu. En 1882, elles produisent 3 855 000 tonnes, ce qui constitue une hausse de 1 200 000 tonnes, par rapport à l’année précédente. Le minerai de fer de Bilbao supplante celui de Mokta dans l’estime des consommateurs, notamment en raison de son prix attractif ainsi que des quantités importantes disponibles61.
94À partir de 1884, l’usine bénéficie aussi de conditions particulièrement favorables, en ce qui concerne les tarifs ferroviaires depuis La Rochelle.
95Cela signifie que les principes de l’intégration sont désormais contrariés par la nécessité d’assurer un écoulement à la production de certaines mines du Domaine ou des participations. Henri Schneider doit louvoyer entre les intérêts de sa propre entreprise et ceux d’exploitations qui pèsent peu par rapport à l’empire Schneider.
96Le Creusot a recouvré son indépendance face à ses fournisseurs de matières premières et combustibles, au prix de dépenses considérables. Eugène Schneider et son fils sont parvenus à reprendre le contrôle de l’ensemble de leurs approvisionnements stratégiques.
97Malgré tout, si la qualité des matières extraites des exploitations ne peut être contestée, le passage d’une activité minière presque artisanale à une production beaucoup plus soutenue est une des causes des déboires rencontrés. Inconvénient majeur de la politique minière, les établissements ont acquis de nombreuses exploitations d’une taille relativement modeste, à l’exception des mines de Beaubrun. Leur valeur intrinsèque paraît souvent sans commune mesure avec les dépenses engagées pour les acheter, les remettre en état et améliorer les conditions d’écoulement de leurs produits.
98À partir de 1878, l’entreprise ne consacre presque plus aucun investissement à ses mines. Au début des années 1880, de toutes les mines du Domaine, seules celles de La Machine, de Brassac et, dans une moindre mesure, d’Allevard, présentent un gage de sécurité pour une exploitation à long terme. Celles du Creusot et de Montaud s’épuisent rapidement. Les mines de Mazenay-Change ne forment plus un des piliers de la prospérité des usines du Creusot depuis que l’acier est venu supplanter le fer. Le produit des mines de Beaubrun n’est plus aussi excellent que par le passé. Enfin, les espoirs placés dans la possibilité de découvrir de nouvelles richesses minières, dans les concessions de Montchanin et de Longpendu, ne se sont pas concrétisés.
99Outre les simples frais d’exploitation, les mines du Domaine deviennent aussi d’importantes sources de dépenses au moment de supporter les différents procès dans lesquels l’entreprise est engagée, le plus souvent contre son gré. Dès le milieu de la décennie 1870, différentes batailles judiciaires sont déclenchées, prémices d’une situation qui ne trouve sa conclusion qu’en 1893. Première exploitation intégrée au Domaine minier de Schneider et Cie, Montchanin-Longpendu inaugure la présence du Creusot au centre de nombreuses affaires, de procès miniers souvent cocasses, qui ont joui d’un écho retentissant et parfois amusé dans le monde des chroniqueurs de la presse financière et minière.
100Dans le bassin stéphanois, les liens complexes qu’entretiennent Schneider et Cie avec deux des principales compagnies minières du bassin sont à l’origine de la multiplication des signes de tension. Les intérêts de chaque partie deviennent rapidement divergents et renforcent l’impression que la présence d’une entreprise extérieure est particulièrement mal ressentie dans une région farouchement attachée à son patrimoine minier62.
101Les liens étroits et multiples qui unissent les mines du bassin stéphanois aux établissements Schneider et Cie limitent les possibilités de redéployer les circuits d’approvisionnement pour profiter de la diffusion de combustibles meilleur marché. Si les fournisseurs stéphanois ont été diversifiés, Le Creusot tarde à se tourner vers les compagnies de charbons du Nord-Pas-de-Calais bien que celles-ci cherchent à étendre, vers le Sud, leur aire de vente. Le Service commercial du Creusot se montre peu enclin à faciliter les tentatives des houillères du Nord dans la mesure où celles-ci ne participent que d’une manière marginale à l’activité des ateliers. Les constructeurs locaux, à l’image de Quillacq, ne laissent guère de place pour les concurrents du Centre de la France63.
102Par conséquent, Le Creusot ne suit pas l’évolution de la production charbonnière française. Alors qu’en 1886 le bassin du Nord et du Pas-de-Calais produit plus de la moitié du charbon français et conserve un dynamisme exceptionnel par rapport au reste de l’industrie extractive française64, l’approvisionnement des établissements Schneider et Cie repose sur des gisements anciens qui montrent des signes d’essoufflement inquiétants ou qui ne font pas de la croissance de la production l’élément principal de leur stratégie commerciale.
103La rencontre d’intérêts divergents, au sein de l’usine du Creusot, n’est pas sans se répercuter sur les systèmes d’approvisionnements de l’usine. Au plus fort de la crise, la politique minière perd parfois de sa cohérence. Certains choix contestables viennent annihiler des efforts antérieurs. Alors que la mine du Creusot commence à souffrir de difficultés de recrutement, Henri Schneider décide d’interrompre, en 1886, l’exploitation des quartiers les moins rentables. Il fait suspendre les travaux du puits XIX. Au cours du mois de mai 1886, la houillère est contrainte de congédier une grande partie de ses mineurs.
104En l’espace de trois semaines, son personnel chute de 630 à 551 unités. 85 manœuvres au fond et au jour quittent le service. Il s’agit de vieux ouvriers, désormais secourus par le bureau de bienfaisance et des rouleurs récemment entrés à la houillère. La direction de la houillère est contrainte de reprendre les pics de nombreux mineurs, afin de les affecter aux postes vacants du roulage. Les frais d’entretien sont comprimés à un niveau rarement atteint. De simples travaux quotidiens, comme la réparation d’une colonne de puits, sont soumis à l’approbation du gérant65. La production de la houillère du Creusot qui atteignait encore 174 069 tonnes au cours de l’exercice 1879-1880 n’est plus que de 110 064 tonnes, en 1885-1886, 63 004 tonnes, en 1886-1887 et 79 592, en 1887-1888.
105Les années suivantes montrent combien la décision de ralentir l’intensité de l’exploitation est néfaste. Dès que l’activité de l’usine reprend, la direction de la mine reçoit l’ordre d’augmenter à nouveau l’extraction, mais les travaux souterrains manquent de bras. Comment le choix du gérant du Creusot peut-il se justifier, alors que quelques années auparavant il préconisait encore de recourir massivement aux exploitations du Domaine ? Sa compagnie traverse la plus grave tempête de son existence. La forge et les ateliers de construction travaillent essentiellement à la réalisation de commandes anciennes. Même en enlevant le minimum des marchés contractés au début de l’année 1886, le stock de combustible croît à un rythme rapide. Faute de pouvoir diminuer, avant plusieurs mois, les livraisons des fournisseurs extérieurs, Henri Schneider n’a d’autre solution que de ralentir brutalement l’extraction de sa propre houillère. Il prive ainsi ses batteries de fours à coke de leur charbon le moins onéreux. En fonction des exploitations, les conséquences de la dégradation de la situation économique de l’usine du Creusot sont diversement ressenties.
106Le Domaine minier du bassin du Creusot-Blanzy est le plus touché. Les mines de Montchanin et de Longpendu souffrent au moins autant que celles du Creusot. Après avoir égalé son record, au cours de l’exercice 18801881, la production de la mine connaît une érosion lente puis plus importante. En 1885-1886, seulement 117 065 tonnes sont extraites. Le plancher symbolique des 100 000 tonnes est franchi en 1888-1889, avec 93 754 tonnes66.
107Dans ces conditions, certaines couches des mines de La Machine qui produisent un charbon assez similaire sont appelées à la rescousse. Ainsi, la mine la plus lointaine du Domaine minier du bassin de Bourgogne-Nivernais est aussi celle qui est la moins atteinte par la crise métallurgique. En 1880, les quatre exploitations du Creusot, de Montchanin, de Longpendu et de Decize produisent un total de 538 000 tonnes de charbons. Les mines de Decize participent à hauteur de 207 430 tonnes dans cet ensemble, soit 38,6 %. Au plus fort de la crise, en 1886, alors que la production des quatre exploitations n’atteint plus que 385 000 tonnes, celle de La Machine se maintient encore à 190 561 tonnes, soit presque 50 % de la production totale du Domaine minier67.
108Par conséquent, la crise métallurgique qui atteint son paroxysme en 1886 rejaillit, avec une intensité variable, sur les différentes mines du Domaine. Les mines de charbons ne sont pas les seules à être atteintes. Les exploitations alpines de minerais de fer souffrent autant. L’impact de l’invention du procédé de déphosphoration ne semble pas immédiatement décisif.
109Il convient surtout de résister contre l’arrivée massive de fontes manganésifères du Pays basque. L’extraction est adaptée à cette nouvelle situation. Une seule exploitation est conservée. Après avoir interrompu l’activité de la mine des Fosses de Saint-Georges, Henri Schneider poursuit celle des mines d’Allevard alors que celles-ci offrent des conditions économiques moins favorables.

Production des mines de charbon du Domaine du bassin de Bourgogne-Nivernais68

Figure 34 – Production cumulée des mines de charbon du Domaine (1860-1896)
110Mais de multiples clauses du contrat signé avec les forges d’Allevard en 1874, les déboires judiciaires que Schneider et Cie ont déjà rencontrés au cours de l’exécution de ce contrat, sont autant de facteurs qui pèsent en faveur d’Allevard. En vertu des accords antérieurs, Schneider et Cie sont contraints de fournir 15 000 tonnes par an à Charrière et Cie et de poursuivre l’exploitation du chemin de fer industriel de Champ-Sapey au Cheylas, objet des discordes entre les deux sociétés. Il faut aussi tenir compte de l’écoulement du minerai. Depuis la reprise de l’exploitation, celui de Saint-Georges a été régulièrement grillé et expédié au Creusot alors qu’une partie du minerai d’Allevard s’entasse pour atteindre près de 80 000 tonnes, ce qui dépasse de loin les simples besoins du stockage de précaution.
111En conservant la propriété des mines de Saint-Georges, la famille Grange n’a pas pris autant de précautions que les usines d’Allevard. Pour Le Creusot, la suspension des mines de Saint-Georges n’implique aucun sacrifice financier. À l’exception d’une somme annuelle fixe limitée à 30 000 francs, une grande partie de l’indemnité versée repose sur une redevance proportionnelle à l’intensité de l’extraction. Comme les mineurs sont bien mieux payés qu’à Allevard, la seule question des ressources encore exploitables, normalement essentielle, devient secondaire.
112En définitive, Henri Schneider tente, devant la persistance de la Longue Dépression, de garder ses forces massées auprès de ses établissements sidérurgiques, ce qui passe par l’arrêt de la dispersion des investissements. Il entame une lutte originale par rapport à ses confrères du Centre de la France. Il décide de sauvegarder la plus grande partie de son potentiel industriel sur le site du Creusot qui devient un établissement sidérurgique atypique. Y est maintenue l’élaboration de produits sidérurgiques courants qui effectuent ailleurs leur migration vers l’Est et le Nord de la France. Cependant, puisque les conditions d’exploitation de ses mines se sont dégradées et qu’une grande partie des installations de la sidérurgie lourde présente, pour la première fois, des signes manifestes d’obsolescence, le renouvellement et l’entretien de l’outil de travail des ateliers sont essentiels à la conservation du site creusotin.
Conclusion
113Né de la volonté d’Eugène Schneider, le Domaine minier tient une place réduite dès lors que son fils prend seul les rênes des établissements. S’ensuit une politique aux objectifs parfois contradictoires. Les tentatives pour profiter de l’importance du Domaine butent sur un écueil essentiel. Il n’est guère envisageable d’accroître les capacités de production par l’installation de nouveaux équipements alors que les mines souffrent de la diminution des besoins de l’usine.
114Parfois, les projets d’origine sont revus à la baisse, avant même que l’activité du Creusot ne pâtisse de la réduction de l’activité de la sidérurgie lourde. Le contexte se prête mal à l’engagement de capitaux dans une branche d’activité peu rémunératrice. Les pressions qui se sont manifestées sur les prix vers 1866-1867 puis entre 1871 et 1875 disparaissent et le mouvement inverse s’engage rapidement. Dès lors, l’intérêt envers certaines exploitations minières n’est plus justifié. La période de hausse des cours des matières premières a permis de multiplier les interlocuteurs, les fournisseurs. Au cours des années 1880, du fait de la baisse des prix et des commandes, il est aisé de faire jouer la concurrence au profit du consommateur de matières premières. Dans ces conditions, Le Creusot a tout intérêt à redevenir un acheteur plutôt qu’un producteur de minerai de fer ou de charbon. En effet, les exploitations, acquises souvent un peu hâtivement, ont rapidement fait ressortir les déficiences qui avaient motivé auparavant leur vente ou leur arrêt. La houillère de La Machine s’avère être la seule mine de charbon intéressante à long terme. Dans le cas des mines de Montaud, Henri Schneider recule, devant l’ampleur des dépenses, à rechercher d’éventuelles couches inférieures. Quant aux mines de Beaubrun, elles voient la proportion de charbons de première qualité se réduire, les accidents se multiplier en parallèle à l’apparition de tensions entre les différents partenaires.
115Le Creusot s’est assuré un approvisionnement régulier en charbons et minerais mais les prix qu’il peut obtenir au sein de certaines de ses exploitations ne sont pas en rapport avec ceux qui sont pratiqués par les fournisseurs extérieurs. Il faut donc, à partir de 1876 et surtout après 1886, amorcer une intense contraction des prix de revient, ce qui passe notamment par la suppression d’un certain nombre de campagnes de recherches et le report de la main-d’œuvre sur des travaux productifs. C’est un renouvellement complet de l’orientation qu’Eugène Schneider entendait donner à ses exploitations. La préservation de l’avenir cesse d’être une préoccupation essentielle, devant l’ampleur des difficultés immédiates.
116Il apparaît que la politique d’approvisionnements de l’entreprise est en partie liée aux grandes fluctuations de l’économie. En effet, c’est en période d’élévation soutenue des prix des charbons et des minerais que les établissements Schneider et Cie s’engagent dans la voie de l’intégration vers l’amont. Par contre, dès lors que la conjoncture se retourne, que les prix baissent, l’entreprise a intérêt à se tourner vers le marché. C’est pourquoi la politique minière des années 1870 est en grande partie conduite à contretemps, les acquisitions étant multipliées au moment même où les puissances industrielles européennes entrent dans la Longue Dépression.
Notes de bas de page
1 AFB, 187 AQ 5, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 29 novembre 1873, Exercice 1872-1873.
2 Archives du musée de la mine de La Machine, 26 J 930, Copies de lettres, avril à octobre 1872.
3 Cf. les différents volumes parus à la fin des années 1870 et aux débuts des années 1880.
4 AFB, 187 AQ 5, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 28 novembre 1874, Exercice 1873-1874.
5 Ce terme désigne, dans la région stéphanoise, les carreaux des fosses d’extraction.
6 Bibliothèque de l’ENSMP, Élève-ingénieur des Mines Poincaré, Journal de voyage à Saint-Étienne, 1876.
7 Chiffres extraits de la Statistique de l’Industrie Minérale pour les années correspondantes.
8 Archives du musée de La Machine, 26 J 940, Courrier d’Henri Schneider à Horace Busquet, Le Creusot, 6 novembre 1873.
9 Archives du musée de la Mine de La Machine, 26 J 7945, Piery, Rapports sur les mines de Decize, 1879.
10 Bibliothèque de l’ENSMP, Élève-ingénieur des Mines Henry, Journal de voyage en Isère, 1877.
11 ADS, 97 S 5, Concessions et permis, Rapport de l’ingénieur ordinaire des Mines, Chambéry, le 29 mars 1877.
12 P. Holtzer, « De divers systèmes de traction mécanique appliquée ou pouvant s’appliquer aux mines », Bulletin de la société de l’Industrie Minérale, 2e série, tome IX, 1880, p. 152.
13 ADI, 9 S 10/52, Mines de l’Isère, États des redevances, Exercice 1879, Produit de l’année 1878.
14 Bibliothèque de l’ENSMP, Élève-ingénieur des Mines Bonnefoy, Journal de voyage à Allevard, 1876.
15 Bibliothèque de l’ENSMP, Élève-ingénieur des Mines Poincaré, Journal de voyage à Allevard, 1876 et Henry, Journal de voyage en Isère et dans la Loire, 1877.
16 ADI, 9 S 10/70, 1873-1877, États des redevances dans le département de la Savoie, Concessions des Fosses, Redevances proportionnelles pour 1877, Produits de 1876.
17 ADI, III S 11/1, Chemin de fer industriel des mines d’Allevard au Cheylas, Correspondance générale, 1876-1878.
18 En fait, il s’agit de dépenses de construction non payées par le prix de revient. Il existe deux types de grosses dépenses au sein des établissements Schneider et Cie, celles dites de constructions et celles de gros entretien. Les premières sont réglées par l’entreprise, les secondes sont incorporées dans le prix de revient.
19 AFB, 187 AQ 403 à 406, Inventaires industriels, Exercices 1867-1868 à 1870-1871.
20 « L’enquête sur l’industrie des houillères », Mémorial de la Loire, le 31 avril 1874.
21 L.-J. Gras, Histoire économique…, op. cit., p. 185.
22 E. Fournial (dir.), Saint-Étienne, Roanne, Horvath, 1976, p. 209.
23 L’élasticité très importante des quantités supplémentaires met en exergue les craintes du gérant du Creusot quant à un éventuel retournement de la conjoncture.
24 AFB, Registre de copies de marchés, volume 20, f° 162, Marché avec la Société anonyme des Houillères de Saint-Étienne pour la fourniture de houille du 1er avril 1876 au 31 mars 1877.
25 ADL, 9 M 35 1873-76, Rapports sur la situation industrielle et commerciale, 3e trimestre 1874.
26 ADI, 9 S 10/71, États des redevances dans le département de la Savoie, Exercice 1882, année 1881.
27 ADI, 9 S 10/53, États des redevances dans le département de l’Isère, Exercice 1880, année 1879.
28 ADL, 15 J 829, Vieux dossiers de Montaud, Lettre du 12 mai 1884.
29 En 1872, le dividende atteint 60 francs puis 100 francs l’année suivante, alors qu’il ne s’élevait qu’à 50 francs au cours des années qui ont précédé 1870.
30 ADSL, S 915, Rapport de l’ingénieur des Mines sur les redevances de la concession de Mazenay-Change, Exercice 1879, Produit de 1878.
31 ADSL, S 915, Rapport de l’ingénieur des Mines sur les redevances de la concession de Montchanin, Exercice 1879, Produit de 1878 et archives de la DRIRE Bourgogne, Concessions de Montchanin-Longpendu, Dossiers relatifs à l’abandon des travaux miniers, 1912-1913.
32 Nous avons décidé de ne pas aborder cet aspect par le biais des mines de La Machine, les plus intéressantes pour cet aspect. Nous préferons renvoyer le lecteur à la thèse de Nadège Sougy qui présente, sur ce point, d’importants développements. N. Sougy, Les charbons de La Machine. Valorisation et commercialisation des produits d’une houillère nivernaise de 1838 à 1938, Thèse pour le doctorat d’histoire sous la direction de Anne-Lise Head et de Denis Woronoff, Université de Genève/Université de Paris I, 2003, 875 p. Pour ce qui concerne la période couverte par ce chapitre, cf en particulier N. Sougy, « L’atelier de préparation mécanique des houilles de La Machine (1880-1890) », Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, p. 351372, Paris, Comité d’histoire économique et financière de la France, 2004.
33 ADL, 15 J 860. Mines de la Loire, Rapports au conseil d’administration, année 1880.
34 AFB 01MDL 0006, Houillères du Creusot, Notes chronologiques.
35 ADI, 9 S 10/8, Rapports d’ensemble de l’ingénieur des Mines sur la surveillance des mines, carrières et tourbières et appareils à vapeur du département de l’Isère en 1883.
36 G. Gromier, « Préparation du minerai de fer spathique à Allevard », Bulletin de la Société d’Industrie Minérale, 3e série, tome VII, p. 465.
37 ADL, 15 J 783, Houillères de Saint-Étienne, Comptes rendus d’exercice, période 1871-1899.
38 ADL, 15 J 560, Mines de la Loire, Rapport au conseil d’administration, année 1878.
39 Chiffres extraits de la Statistique de l’Industrie Minérale pour les années correspondantes. Par contre, les réceptions en provenance du bassin de Langeac restent à un niveau très modeste.
40 AFB, Correspondance à l’arrivée d’Henri Schneider. Lettres du secrétaire général de Schneider et Cie, la Ferté, du Creusot, le 25 mars 1878 et de Saint-Étienne, le 28 mars 1879.
41 AFB, Registre de copies de marchés, volume 35, f° 128, Courrier du directeur des Houillères de Saint-Étienne, Saint-Étienne, le 8 août 1887.
42 ADL, 15 J 860, Mines de la Loire, Rapports au conseil d’administration, année 1882. Sans doute existe-t-il un lien avec les troubles que connaissent, à la même époque, les Houillères de Blanzy. D. Laroche, Montceau-les-Mines. Quelques aperçus sur l’histoire de la ville et de son exploitation houillère, Beaubery, Le caractère en marche, 1998, p. 96-102.
43 ADI, 9 S 10/72, Mines de Savoie, États des redevances, Exercice 1883, Produit de l’année 1882.
44 AFB, Salon Schneider 0282-A-11, Correspondances mines diverses, Rapport hebdomadaire de la Compagnie des Mines de Brassac, Division de la Combelle et division de Bouxhors, Brassac, le 18 novembre 1872.
45 A. Thépot, Les ingénieurs des Mines du xixe siècle. Histoire d’un corps technique d’État, tome I, 18101914, Paris, Eska, 1998, p. 324.
46 A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine…, op. cit., p. 284.
47 Bien que les établissements Schneider et Cie ne soient qu’actionnaires des mines de Brassac, ce sont leurs ingénieurs qui dirigent les travaux.
48 ADI, 9 S 10/72, Tableaux des redevances proportionnelles, Savoie, Exercice 1883, année 1882.
49 AFB, 187 AQ 404, Inventaire industriel, Exercice 1869-1870.
50 Archives du musée de la Mine de La Machine, 26 J 11582, Prévisions d’extraction, 1870-1891, Courrier du Creusot du 27 février 1877.
51 ENSMP, Pélisier, Houillères de Saint-Étienne, 1875.
52 De Biauzat, « Application du fer au soutènement des galeries à la houillère du Creusot », Bulletin de la société de l’industrie minérale, 2e série, tome III, 1874, p. 563.
53 AFB, Registre de copies de marchés, volume 17, f° 83, Convention du 8 novembre 1872.
54 A. d’Angio, Schneider et Cie et la naissance de l’ingéniérie : des pratiques internes aux responsabilités extérieures. 1836-1949, Université Paris IV, thèse de Doctorat d’état sous la direction de F. Caron, 1999, p. 37.
55 Bibliothèque de l’ENSMP, Hugon, Journal de voyage. Commentry, Saint-Étienne, Le Creusot, 18801881.
56 Arch. nat., F14/3900, Ingénieur ordinaire des Mines Delafond, Procès-verbal de visite des mines de fer de Mazenay, 11 décembre 1877.
57 AFB, Salon Schneider 0282-A-11, Correspondances mines diverses, Chosson, Mines de fer de Savoie, Aiguebelle, le 5 mars 1879.
58 M.-C. Lefevre, Le fer et La Ferrière-aux-Étangs, Cabourg, Cahiers du temps, 1999, p. 37 évoque pour 1888 le chiffre de 180 000 tonnes de minerai de Bilbao débarquées à Dunkerque pour l’approvisionnement de Denain.
59 AFB, Registre des copies de marchés, volume 17, f° 223, Marché avec M. Nieberding à Anvers, 20 000 tonnes de minerai de Bilbao, dit Somorrostro Campanil.
60 AFB, Registre de copies de marchés, volume 29, f° 108, Commande de 85 000 à 100 000 tonnes, le 31 août 1881.
61 Écho des Mines et de la Métallurgie du 4 mai 1884, « Les minerais de Bilbao à Saint-Étienne ».
62 N. Verney-Carron, Le ruban et l’acier. Les élites économiques de la région stéphanoise au xixe siècle (1815-1914), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999, p. 177.
63 A. Aftalion, « Les cartels dans la région du Nord de la France : le cartel des mines de charbon du Nord et du Pas-de-Calais », Revue économique internationale, 1909, p. 280.
64 M. Gillet, « L’âge du charbon et l’essor du bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais », Charbon et sciences humaines, Paris/La Haye, Mouton, 1966, p. 34.
65 AFB, Correspondance à l’arrivée d’Henri Schneider, Liasse 12, Lettre de Raymond, Le Creusot, 25 mai 1886.
66 AFB, 01MDL0006-11, Statistiques de mines diverses, 1864-1865 à 1892-1893.
67 Chiffres extraits de la Statistique de l’Industrie Minérale pour les années 1880 à 1886.
68 Données extraites de la Statistique de l’Industrie Minérale.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008