Chapitre II. En quête de suprématie
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Index géographique : France
Texte intégral
1Si les ateliers de construction participent aux premières réussites industrielles remportées par les repreneurs du Creusot, le début des années 1840 marque une rapide inflexion de la stratégie de l’entreprise vers des marchés plus porteurs, dès lors que les besoins des exploitations minières et des entreprises métallurgiques locales sont satisfaits. La situation financière précaire de certaines de ces sociétés, clientes du Creusot, n’est pas sans inquiéter les deux gérants. Dès la fin des années 1830, plusieurs entreprises qui avaient soutenu, par leurs commandes, l’extension des ateliers de construction, donnent des signes manifestes de faiblesse.
2La pratique qui avait consisté à acquérir des produits métallurgiques de certaines entreprises, afin de favoriser leur développement et provoquer les conditions de l’acquisition des fabrications issues des ateliers de construction du Creusot, se retourne contre ses initiateurs. Après avoir livré les équipements commandés, l’entreprise interrompt les achats de matières premières et de produits sidérurgiques auprès des établissements qui, une fois leurs installations modernisées, cessent d’être des clients. Certains dirigeants d’établissements sidérurgiques souhaitent, à l’image de celui de Montzeron, en Côte-d’Or, que Le Creusot maintienne ses achats, sous peine de provoquer leur défaillance. Faute de relations commerciales en leur faveur, les deux gérants estiment n’avoir aucun intérêt à maintenir des achats sans contrepartie. Ils amplifient donc la détresse d’établissements déjà fragilisés. Dès le début des années 1840, ce mouvement est sanctionné par la mise hors feu de plusieurs hauts fourneaux1. Mais l’usine du Creusot, en raison de l’amélioration des conditions de production, est désormais capable de réaliser une gamme de fonte et de fer beaucoup plus étendue.
3Les deux frères Schneider doivent se tourner vers de nouveaux marchés. Ils entendent profiter des investissements massifs dans le domaine des infrastructures ferroviaires, pour poursuivre le redressement de leur usine2. La production de fonte, secondaire depuis 1836, devient à nouveau un élément incontournable de la prospérité du site creusotin. Il importe de reprendre l’extraction du minerai de fer. La mise en valeur des ressources locales, pour lesquelles les coûts d’extraction et de transport sont assez faibles, favorise l’acquisition de matières premières de qualité, plus lointaines, donc plus onéreuses au terme de leur acheminement au Creusot. Il s’agit de poursuivre l’orientation perceptible depuis quelques années qui vise à rendre l’usine plus indépendante des autres maîtres de forges en la plaçant en situation d’élaborer la totalité des produits sidérurgiques nécessaires aux ateliers. Les deux gérants veulent aussi, par ce biais, étendre le champ de compétences de l’entreprise afin de la protéger contre les cycles très violents caractéristiques de la spéculation qui accompagne l’édification du réseau ferré français, au cours des années 1840.
Regain d’activité des hauts fourneaux
4L’essor de la production sidérurgique, au Creusot, est corollaire du développement de la construction des équipements de chemins de fer, fixes et roulants. Entre 1841 et 1846, l’usine du Creusot engrange de nombreuses commandes de rails en fer, notamment une de 40 000 tonnes émanant du Paris-Lyon. En raison de la disparition de certaines commandes au profit des ateliers de constructions mécaniques et des débouchés offerts par la forge dans le domaine des rails en fer, les établissements Schneider changent donc, à partir de 1842, d’activité principale3.
5L’entreprise profite de la loi de 1842 qui instaure un système de concessions, favorable aux sociétés privées et aux investissements ferroviaires4. Ce courant commercial en devenir modifie radicalement les projets de transformation de l’usine. La vocation sidérurgique du Creusot se trouve confortée, d’où l’accentuation des efforts consentis au niveau des hauts fourneaux, pour répondre à l’augmentation sensible de la production de fonte. Pour la première fois depuis la reprise, celle-ci dépasse 10 000 tonnes au cours de l’exercice 1843-1844, soit une hausse de près de 42 % en un an. La hausse se poursuit au cours des années suivantes. Entre les exercices 1842-1843 et 1845-1846, la production de fonte creusotine double presque. Les ressources minérales locales qui avaient semblé, auparavant, empêcher l’expansion des établissements Schneider, deviennent un atout considérable. La croissance de la production charbonnière au Creusot offre la possibilité de profiter des besoins grandissants des compagnies de chemins de fer en produits sidérurgiques peu élaborés. La diversité des houilles du Creusot est à nouveau très utile. Les mineurs sont déplacés vers les chantiers qui produisent les charbons adaptés à la cokéfaction, afin de répondre à la croissance des besoins en fonte pour rails.
6Car les rails sont une des rares fabrications pour lesquelles le minerai de Chalencey convient parfaitement. La progression de la production de la forge se répercute sur celle de l’exploitation minière dont l’organisation se révèle inadaptée aux besoins croissants. Un déséquilibre aux conséquences fâcheuses apparaît. Certains chantiers souterrains étant inondés pendant l’hiver, la production est interrompue au moment où la main-d’œuvre devient abondante. Pour maintenir une extraction régulière, la direction des mines réorganise la main-d’œuvre en la déplaçant en fonction des saisons et de la présence des eaux. Les quartiers de Foisons et des Granges sont utilisés pendant l’hiver. Au cours de l’été, quand les problèmes d’exhaure sont réduits, les mineurs sont reportés vers les champs des Chaumottes et des Tilles. Cependant, l’activité plus intense vient rompre l’harmonie qui règne dans l’organisation des travaux. En raison de la croissance de la production, les réserves de minerai des deux champs d’exploitation d’hiver diminuent très rapidement5. Les aménagements traditionnels ne suffisent plus pour maintenir le niveau de l’extraction. Des stocks très importants doivent être établis pour approvisionner Le Creusot tout au long de l’année. À partir de 1844, les besoins augmentent encore à la suite à l’élévation d’un nouveau type de haut fourneau, à plus grande capacité, construit pour répondre aux commandes de rails6.
7Pour préparer l’avenir, un programme de recherches est amorcé en direction du Nord. C’est un choix logique au regard des connaissances géologiques. La présence d’un minerai identique à celui exploité à Chalencey est connue depuis longtemps, à proximité du haut fourneau de Lacanche, dans le Sud de la Côte-d’Or. Il reste un espace important à prospecter, entre ces deux étendues minérales. Pour améliorer encore les conditions de transport et généraliser le recours au canal du Centre, au détriment du roulage par charrois, Adolphe Schneider fait concentrer les sondages et le fonçage de puits de recherches, à l’endroit où les coteaux des plateaux sont proches du canal. L’échec de ces tentatives le conduit à s’intéresser aux affleurements de minerais qui sont mis à jour à proximité des villages de Cromey et de Mazenay. Les travaux de recherche, moins favorablement situés, sont, cette fois, couronnés de succès.
8Deux affleurements sont rapidement découverts à peu de distance l’un de l’autre. Une exploitation intensive débute instantanément. Pour autant, aucune volonté de mise en valeur à long terme ne transparaît. Le directeur se contente d’extraire le minerai à moindre coût, en fonction de la consommation des hauts fourneaux du Creusot et en complément de la production de Chalencey. Les travaux débutent maladroitement. Les mineurs établissent des galeries à flancs de coteaux, poursuivent l’avancement sur quelques dizaines de mètres, avant de battre en retraite malgré la régularité de la couche de minerai. Cette méthode, dite des grandes tailles, présente l’avantage d’être particulièrement économique. Elle implique pourtant d’être capable d’assurer la pérennité des galeries de roulage. Pour être conservées, elles doivent être entièrement muraillées, ce qui nécessite une maîtrise de l’art des mines qui n’est pas en rapport avec les compétences du personnel dont dispose l’usine du Creusot, c’est-à-dire des paysans qui deviennent mineurs au moment où les travaux des champs ne nécessitent plus l’appoint de leurs bras. L’administration des Mines est donc contrainte de menacer Schneider et Cie de poursuites, si ceux-ci persistent à exploiter le minerai dans l’illégalité et dans des conditions qui fragilisent l’avenir. La demande en concession n’est pourtant adressée au préfet que le 7 novembre 18467.
9En raison de la rapide croissance de la production de rails en fer, notamment à la suite de la signature de l’important contrat avec le Paris-Lyon, en 1846, les besoins en minerais de fer de Cromey et de Mazenay augmentent toujours. Par son ampleur, il entraîne l’entreprise sur la voie d’une production qu’elle maîtrisait mais qui restait secondaire. Le centre de gravité de l’usine se déplace des ateliers de constructions mécaniques vers les hauts fourneaux et la forge. L’essor de l’exploitation peut être constaté, à travers l’intense développement des travaux. En 1847, à Chalencey, il existe déjà 35 petits puits de mine alors que 12 sont en fonçage. À Cromey et Mazenay, 6 puits sont en exploitation et 7 en fonçage. Dès cette époque, les affleurements de Mazenay mobilisent l’attention d’Eugène Schneider, au détriment de l’exploitation de Cromey. Tous les puits en cours de fonçage se situent à Mazenay. 26 galeries débouchent au jour, de part et d’autre de la vallée au fond de laquelle se trouve le village. Mais la mise en valeur est de courte durée. En raison de la disparition brutale et prolongée de l’ensemble des commandes ferroviaires, l’activité de Chalencey et celle de Mazenay se trouvent réduites des deux tiers.
10En marge des recherches menées par les établissements Schneider, d’autres découvertes d’envergure surviennent. Monnet, un entrepreneur lyonnais, découvre le prolongement de la couche, à Change, aux confins des départements de Saône-et-Loire et de la Côte-d’Or. Bien que ses travaux exploratoires soient restés limités, il bénéficie de l’appui de l’ingénieur en chef des Mines Drouot. Ce dernier refuse que l’ensemble du gisement passe dans le giron de Schneider et Cie. Au contraire, il souhaite voir naître des concurrents qui puissent réduire l’hégémonie régionale du Creusot. Il est évident que, replacé dans son contexte, l’épisode prend tout son sens. Au même moment, l’administration des Mines engage un combat d’envergure contre les tentatives d’accaparement menées par certaines compagnies minières, notamment dans la Loire, ce qui aboutit à la signature d’un décret en germe depuis le début de 1852. Il s’agit de mettre fin à la constitution de monopoles créés en vue d’exploiter des ressources minérales. La personnalité de l’ingénieur des Mines Drouot est aussi à prendre en compte. Il s’est signalé en 1848 en accordant à des manouvriers ruinés des permissions d’exploiter des minières de fer dans des forêts communales de l’Est de la Côte-d’Or. Anne-Françoise Garçon signale qu’il est connu « comme professant des opinions presque communistes8 ».
11Malgré les protestations et oppositions formulées par Schneider et Cie, Monnet obtient gain de cause et la concession de la mine de Change9.
12La concession de Mazenay n’est créée que le 5 janvier 1853. Ainsi, la mise en valeur des ressources de minerais de fer calcaires locaux se solde par un bilan mitigé. La certitude d’avoir accru sensiblement les réserves est contrebalancée par l’incapacité à prendre le contrôle de la partie du gisement, celle de Change, qui offre le plus de perspectives. La volonté politique manifestée afin d’éviter toutes les tentatives d’accaparement des ressources minérales n’explique qu’en partie l’échec de la demande en opposition du Creusot. Dans l’esprit de l’ingénieur des Mines Drouot, les ressources minérales des concessions de Chalencey et de Mazenay semblent devoir suffire au développement de l’usine du Creusot. La création de la concession de Change en faveur de Monnet ne retarde cependant, que de quelques années, la prise de contrôle de l’ensemble du gisement de Mazenay-Change. La mort du concessionnaire de la mine de Change, peu de temps après qu’il a obtenu gain de cause, laisse le champ libre à Eugène Schneider. La veuve de Monnet cède ses droits sur la concession10. À partir de 1855, Schneider et Cie préparent une mise en exploitation rationnelle et demandent la réunion de leurs concessions de minerai de fer. Formulée le 6 février 1856, elle est acceptée par décret impérial du 24 mars 1858. Lorsque Le Creusot se porte acquéreur de la concession de Change, il se trouve face à des ressources qui ne sont connues que sur les affleurements et dont l’intérêt reste limité, en raison de l’éloignement des champs d’exploitation par rapport au réseau de transport qu’emprunte le minerai extrait des concessions de Chalencey et de Mazenay. Mais au-delà des ressources minérales disponibles en faveur du Creusot, Eugène Schneider fait disparaître une menace qui se dessinait depuis plusieurs années. Au cours des recherches entreprises dans la région de Cromey et de Mazenay, les Houillères de Blanzy étaient entrées en concurrence avec Le Creusot, arguant du fait qu’elles souhaitaient étendre leurs activités à la sidérurgie. Le même processus apparaît aussi au niveau des mines de charbon d’Épinac, très proches du gisement de Mazenay-Change. Leur directeur se lance dans un inventaire des ressources ferrifères du Sud de la Côte-d’Or et du Nord de la Saône-et-Loire. Avec le rachat de Change, Eugène Schneider élimine les velléités de diversification des compagnies charbonnières. Ils les empêchent de détourner une partie de leur extraction au profit de leurs propres annexes, ce qui réduirait les quantités de houilles dont Le Creusot a besoin pour poursuivre son expansion.
13La date du rachat de la concession de Change est à mettre en relation avec une grève des mineurs de Mazenay11. La dispersion des centres d’exploitation présente désormais davantage de sécurité que le regroupement qu’Eugène Schneider avait préalablement envisagé, à partir du village de Mazenay12.
14À partir de 1852, à la suite de la reprise des commandes de rails en fer, les productions de fonte et de fer progressent vivement. Entre les exercices 1851-1852 et 1852-1853, celle de fonte s’élève de 23 768 à 27 415 tonnes et celle de fer de 18 305 à 25 250 tonnes. Le système d’exploitation n’est plus adapté à l’accroissement de l’activité minière qui découle de l’essor de la production sidérurgique. Jusqu’à présent, le gisement a pâti du peu de cas que les exploitants faisaient de la législation minière. Parlick, le directeur de la mine de Mazenay commence à mieux appréhender les caractéristiques du gisement et le besoin de réduire les pertes de minerai. Il recourt à la technique des galeries et piliers repris qui permet d’enlever l’intégralité de la couche de minerai.
15Mais le minerai de fer de Mazenay-Change n’a vraiment d’intérêt que pour l’obtention des rails en fer. Sa découverte n’apporte qu’une réponse partielle aux insuffisances des réseaux d’approvisionnement. Il est décidé de doter les usines du Creusot d’un ensemble de ressources très variées, géographiquement et minéralogiquement. Les flux de minerai ne proviennent plus exclusivement des mines de fer locales et des minières du Cher. Il convient de découvrir de nouveaux gisements. L’intérêt de ces exploitations réside dans leur proximité avec des voies de communication. Par exemple, pour gagner les canaux, le minerai de l’Allier est acheminé grâce au chemin de fer des mines de charbon de Bert, avant d’être embarqué sur les péniches, afin d’être dirigé vers le port de Montchanin.
16Le Creusot peut progressivement s’affranchir de la tutelle de Fourchambault. Même si le temps n’est pas encore venu d’exploiter directement les gisements du Centre de la France, l’entreprise devient plus présente sur le marché du minerai de fer. Elle agit ainsi car Le Creusot subit les effets de sa position excentrée. La politique minière vise toujours à rapprocher la majeure partie des lieux d’approvisionnements des berges du canal latéral à la Loire. Deshaquets, ancien élève de l’École des Mines de Saint-Étienne13, est recruté pour reconnaître la présence des gisements situés dans cette zone, en s’appuyant sur les critères suivants :
- L’abondance du minerai.
- La proportion de terre.
- La constitution géologique du sol.
- La qualité des diverses espèces de minerais.
- La difficulté de l’exploitation.
- La distance de chaque terrain par rapport au canal.
- La nature des chemins et la distance à parcourir avant d’arriver aux lavoirs à minerai.
- La faculté d’établir des lavoirs à proximité de l’exploitation.
- Les exploitations antérieures sur le site et les causes de leur abandon.
- Le prix du transport jusqu’à Decize.
- La superficie exploitable14.
17Pendant que sont multipliées les zones d’extraction dans la Nière et l’Allier, le Berry ne paraît toujours pas en mesure d’accompagner la croissance de la production de fonte. Avant 1851, l’extraction ne s’est élevée qu’à deux reprises au-dessus de 200 000 tonnes. À la rapide croissance qui a correspondu avec l’arrivée, sur place, des agents du Creusot et de Commentry a succédé un reflux provoqué par la crise de 1847. En 1851, la production n’atteint plus que 138 000 tonnes. Mais, entre 1852 et 1853, elle est presque multipliée par deux, pour atteindre 310 000 tonnes15.

Figure 5 – Carte des approvisionnements du Creusot au cours de l’exercice 1846-1847
18Pour que les approvisionnements en minerais siliceux reposent sur un même degré de sécurité que dans le cas des minerais calcaires, la présence du Creusot dans le Berry se fait progressivement plus visible, par le biais du rachat de droits d’extraction, étape importante avant l’acquisition de vastes domaines. Après les mécomptes rencontrés en 1841, le Berry offre moins de garanties, ce qui s’est traduit, sur place, par un excès de précipitation. Dans un premier temps, les volumes acquis en 1843, à partir de marchés quinquennaux, ont créé d’importants stocks qui ne rendent pas immédiatement indispensables le renforcement des liens avec les partenaires locaux. Après 1851, la reprise des acquisitions massives de minerai de fer dans le Berry et le Nivernais provoque une modification de l’organisation des expéditions. Un nouvel agent est recruté. Ses attributions sont nettement étendues par rapport à celles d’Euverte, le commis de Marseillesles-Aubigny. Edmond Lionnet, dit Lionnet jeune, est chargé de la direction générale des exploitations de minerais, tâche qui regroupe toutes les opérations relatives à l’extraction, au lavage, au mesurage et à la réception des minerais. Pour les questions techniques, il dépend plus directement du Creusot et doit obéir aux injonctions d’Ollier, ancien élève de l’École des Mines de Saint-Étienne (promotion 1849)16et ingénieur spécialisé dans les questions minières. Lionnet prend à sa charge les frais de comptabilité, de correspondance, de surveillance et de mesurage dans les ports. En échange de ses prestations, Lionnet reçoit une commission d’un franc par mètre cube traité.

Figure 6 – Utilisation du minerai berrichon par les établissements Schneider (en tonnes)
19Après 1854, les apparitions creusotines se font plus visibles. Cette décision résulte d’un triple phénomène qui affecte simultanément les exploitations berrichonnes. L’entente entre les consommateurs de minerai est partiellement remise en cause, dans la mesure où les autres entreprises cherchent à prendre pied dans l’espace réservé au Creusot. À nouveau, Eugène Schneider craint les conséquences de l’essor que connaît le groupe sidérurgique de Montluçon où les allumages de hauts fourneaux s’effectuent à un rythme soutenu. Il sait aussi que ses besoins en minerais pisolithiques connaissent une hausse sensible puisque les expéditions à destination du Creusot se sont élevées de 40 000 à 48 000 tonnes, entre 1854 et 185517. Enfin, le rapprochement entre Commentry et Fourchambault modifie le rapport de forces entre les entreprises sidérurgiques du Centre de la France18. En décembre 1855, Eugène Schneider programme même un déplacement dans le Cher afin d’affirmer sa volonté de résister à la pression que ses confrères exercent sur ses propres zones d’approvisionnement. Dans le but de se prémunir contre l’immixtion d’autres usines et les prétentions des propriétaires du sol, une demande en concession est formulée, englobant ses deux principales exploitations. L’obligation de mettre en place des travaux d’art justifie les différentes demandes, en définitive repoussées par l’administration des Mines. L’agent du Creusot pétitionne pour obtenir la permission d’extraire du minerai de fer dans des forêts domaniales. De la volonté de compromis manifestée par Eugène Schneider, de l’activité déterminée de ses agents, découle un nouvel accord entre les principaux maîtres de forges consommateurs du minerai berrichon, afin de préparer la concentration des exploitations19.
20Il devient évident que l’entreprise recherche une présence à long terme. À partir de 1855, la durée des droits d’extraction est portée de cinq à quinze ans. En 1856, la société entre en possession d’un important matériel d’exploitation. En 1857, elle se porte acquéreur de droits d’extraction qui s’étendent sur 3 500 hectares20. Des estimations laissent espérer la présence de l’équivalent de 100 000 mètres cubes de minerai lavé. Ce rachat favorise aussi la concentration de l’exploitation des minerais.
21Le prix d’une telle transaction est élevé mais c’est un sacrifice nécessaire. En effet, malgré l’entente qui est censée régner entre les trois principales compagnies consommatrices, l’esprit de rivalité reste présent. Il est la conséquence de l’épuisement rapide des minières et de conditions d’extraction, de préparation du minerai, sans cesse plus médiocres. Les entreprises sidérurgiques sont contraintes d’intervenir plus directement et de modifier les exploitations, en vue de créer des travaux souterrains de grande envergure21. Il s’agit de défaire les minières du Berry de leurs archaïsmes22.
22L’extraction d’un minerai toujours plus profond est facilitée par les progrès enregistrés depuis l’apparition de moyens mécaniques et de systèmes de concentration de la circulation des minerais bruts. À la dispersion succède une volonté de regrouper, sur quelques points, l’activité minière et de comprimer fortement le prix de revient des pisolithes du Berry. Les exploitations entrent dans l’ère industrielle. Outre deux patouillets, appareils destinés au lavage du minerai, la vapeur actionne les locomobiles qui mettent en mouvement les pompes d’exhaure auxquelles s’ajoutent des pompes à bras. Dans l’exploitation de Saint-Florent, l’extraction est assurée au moyen de 8 manèges et 17 treuils à bras. Les galeries sont alimentées en air grâce à la pose de 10 ventilateurs. La circulation du minerai est assurée par 51 wagons, tractés par 11 chevaux et 2 ânes. Plus de 4 000 mètres de voies ferrées jalonnent et relient les différents points de l’exploitation.
23L’industrialisation d’exploitations encore très artisanales quelques années auparavant est commune à l’ensemble des minières du Cher et intervient notamment pour limiter les effets de la pénurie de main-d’œuvre qui commence à gagner le Berry. En ce qui concerne Boigues, Rambourg et Cie, les travaux sont conduits par un ancien élève de l’École des Mines de Paris qui les définit comme « de véritables mines, avec de longues galeries régulières, bien boisées, pourvues de machines d’épuisement et d’extraction, des patouillets bien organisés, etc.23 ». Ces aménagements se traduisent par une nette diminution du prix de revient des minerais. G. Thuillier est parvenu aux résultats suivants à partir de deux minières exploitées par Boigues, Rambourg et Cie.

24Note24
25Mais si des progrès importants sont enregistrés dans les exploitations, ils ne débouchent pas sur une augmentation de la production des minières du Cher. La crise que connaît alors la sidérurgie ne peut, à elle seule, expliquer une division par 2,2 de l’extraction, entre 1858 et 185925. Cela signifie que les moyens de transport restent toujours très aléatoires.
26Malgré la constitution de stocks de plusieurs dizaines de milliers de tonnes, le système de lavage-enrichissement et de transport rend ténus les liens entre Le Creusot et ses principales exploitations de minerais de fer. La préparation du minerai, qui passe par un lavage consommant beaucoup d’eau, est souvent interrompue pendant l’été. Les récriminations des riverains qui doivent supporter l’opacité des eaux rendues boueuses par le lavage conduisent aussi le préfet du Cher à interdire certains patouillets.
27Dès que les commandes affluent à nouveau, de multiples désagréments sont signalés. Entre 1854 et 1857, plusieurs sécheresses successives viennent interrompre la circulation des marchandises sur le canal du Centre. Par contrecoup, elles ralentissent ponctuellement l’activité des hauts fourneaux du Creusot. Entre 1855 et 1856, la quantité de minerais en provenance du canal latéral à la Loire et déchargée à Montchanin diminue de 48 000 à 43 000 tonnes26. Eugène Schneider doit faire venir du minerai par la route, parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres. L’usine retrouve un système de transport révolu, marqué par le retour des convois de voitures qui apportent, parfois de loin, le combustible et les minerais immobilisés pendant le trajet. Les années suivantes viennent confirmer les déficiences désormais chroniques du canal du Centre. Après 109 jours de chômage en 1857, 195 jours en 1858, l’interruption, en raison de l’embâcle et de la sécheresse, atteint encore 116 jours en 1859 alors que la moyenne des années précédentes se situait autour de 90 à 95 jours27. Mais il existe encore peu de solutions alternatives à la voie d’eau.
28Lorsque les distances deviennent trop importantes pour envisager le recours aux charrois, la reprise des gisements de proximité, délaissés en 1838 ou au moment de la crise de 1847, devient impérieuse. Les difficultés que Le Creusot rencontre impliquent aussi des recherches pour mettre en valeur d’éventuelles ressources proches de l’usine, afin de compenser, le cas échéant, une rupture trop longue avec les lieux d’approvisionnement traditionnels. Mais cette politique se heurte à une contrainte majeure. Si les gîtes découverts sont loin de présenter des ressources insignifiantes, leur production reste inférieure, en qualité, à celle des minerais du Berry ou de Comté. L’avenir de ces gisements, mis en exploitation sous la pression des aléas climatiques, reste problématique. Dans l’urgence, les premiers travaux sont toujours à l’origine d’un énorme gaspillage. Certaines minières, comme Saint-Aubin ou Chizeuil, se développent rapidement avant d’être abandonnées aussi vite, dès lors que les voies de communication retrouvent un fonctionnement normal.
29Des solutions sont aussi recherchées afin d’acheminer en hâte le minerai extrait des exploitations situées à proximité de voies ferrées. Ainsi, au début de l’automne 1857, alors que les péniches de minerai restent bloquées, faute d’eau, à Digoin, Deseilligny se tourne vers les exploitants des minières qui se situent dans la région d’Épernay-sous-Gevrey28, à proximité de Gevrey-Chambertin, en Côte-d’Or29. Il souhaite acheter quelques centaines de mètres cubes de minerais pisolithiques auprès des multiples maîtres de forges locaux qui se sont déjà partagé le gisement. La ligne du Paris-Lyon, qui passe près de ces exploitations, permet de rapprocher le minerai des usines, au moins jusqu’à Chagny. Il ne peut s’agir que d’un expédient extrêmement onéreux devant permettre d’assurer la soudure, jusqu’à la réouverture des canaux30.

Figure 7 – Carte des approvisionnements du Creusot au cours de l’exercice 1856-1857
30Malgré un retour à la normale de l’activité du canal, une telle organisation n’est plus en rapport avec l’élan qu’Eugène Schneider entend donner au site creusotin. Certes, le minerai de fer n’a jamais véritablement fait défaut au cours des années 1850. L’épuisement de certains gisements anciens a été largement compensé par de nouvelles découvertes. En fait, le problème majeur que connaît Le Creusot réside dans sa localisation qui l’oblige à un recours presque systématique à la voie d’eau. Les bouleversements fréquents de la géographie des approvisionnements qui en découle ont aussi des incidences sur la nature des fontes produites.
31Au sortir de cette crise des transports, la régularité dans la qualité des approvisionnements et la composition des minerais devient l’élément déterminant de la production sidérurgique. Une classification moins empirique des différentes sortes de minerais est adoptée. Cela signifie un contrôle plus efficace du produit, avec une gamme de fonte très précisément définie, obtenue à partir de lits de fusion spécifiques. Mais les sécheresses successives ralentissent la généralisation de ce processus. Au lieu de circonscrire les approvisionnements à quelques minerais dont les propriétés chimiques sont parfaitement reconnues, la deuxième moitié des années 1850 conduit Eugène Schneider à diversifier la provenance des matières premières. Il en découle une mise au point laborieuse de lits de fusion aux variantes infinies. La création, au sein de l’entreprise, d’un premier laboratoire, au moment où la production connaît une forte croissance, souligne les conséquences de ces pratiques31. Les chimistes recrutés par Eugène Schneider démontrent que même en utilisant des minerais proches, qui semblent similaires, des écarts importants peuvent apparaître au niveau des fontes obtenues.
32Puisque la volonté de substituer le chemin de fer à la voie d’eau commence à poindre, dès le début des années 1850, avant de devenir un élément incontournable du développement industriel du Creusot, c’est avec une certaine appréhension et même une impatience non dissimulée qu’Eugène Schneider regarde la toile des voies ferrées être tissée et, en définitive, se rapprocher lentement des usines.
33La signature du Traité de commerce avec l’Angleterre scelle aussi l’avenir du site creusotin et conduit Eugène Schneider à préparer la transformation radicale de ses usines, en vue d’une extension des différents ateliers, ceci afin de répondre, aux meilleurs coûts, aux exigences des marchés. La réaction est rapide. La signature du traité ne peut pas être considérée comme une surprise pour Eugène Schneider. Une lettre écrite le 2 novembre 1856 par Mazerat, son secrétaire personnel, relate la teneur d’une conversation avec Wendel qui laisse augurer des futures orientations libérales de l’empire :
« M. de Wendel m’a aussi parlé de sa conversation avec l’Empereur qu’il a trouvé dans des idées au fond très libre-échangistes ; SM, tout en affirmant qu’elle était tout à fait disposée à maintenir pour le présent l’état des choses actuel, admet cependant que pour l’avenir, l’abolition des douanes doit être considérée comme un progrès à réaliser par la civilisation et que dans une période plus ou moins longue, 30 années par exemple, cette transformation doit s’accomplir. M. de Wendel se bornant à parler de l’industrie métallurgique a fait ressortir notre infériorité vis-à-vis des Anglais sous le rapport de la houille et est entré à cet égard dans quelques développements qui ont paru surprendre SM. L’Empereur, m’a dit M. de Wendel, paraît en général peu renseigné sur les conditions d’existence de notre industrie et sur tous les faits qui s’y rattachent ; delà une tendance naturelle de n’envisager la question qu’au point de vue des généralités, et par suite, un danger sérieux pour l’avenir32. »
34Des décisions de l’Empereur découlent celles d’Eugène Schneider. Le Traité de Commerce avec le Royaume-Uni contraint les industriels français à faire preuve de davantage de dynamisme et à démontrer qu’ils sont capables d’égaler leurs homologues britanniques.
35Avec un défi d’une telle envergure, Eugène Schneider ne peut que se lancer dans une aventure qui semble, au départ, un peu démesurée. Mais ses qualités de sidérurgiste, associées à la capacité d’Alfred Deseilligny, le directeur de l’usine du Creusot, à appliquer avec prudence les conseils et les consignes de son gérant permettent aux deux hommes de se donner les moyens de la réussite. Lorsque Eugène Schneider prend la décision d’ériger, en 1862, ce qui devient le symbole de l’industrie sidérurgique française, c’est-à-dire la Grande forge, avec comme objectif final de produire 100 000 tonnes de fer, ses agents sont amenés à élaborer un grand programme de fabrication. Outre l’outillage et le personnel, pour réunir l’ensemble des facteurs de production indispensables au succès de son projet, il doit tenir compte des ressources minérales et des capacités de transport, afin de produire, au total :
- 50 000 tonnes de rails.
- 10 000 tonnes de fers spéciaux.
- 25 000 tonnes de fers marchands.
- 15 000 tonnes de tôles.
36Il est aussi prévu que la production d’acier Bessemer débute rapidement, à raison de 6 000 tonnes par an. Cette production de 100 000 tonnes, sans compter l’acier dont la fabrication reste incertaine, implique l’élaboration de 128 000 tonnes de fontes, puisqu’il faut 1 280 kg de fonte pour obtenir une tonne de fer. Sur cette quantité, les matières ferreuses à refondre représentent 20 000 tonnes, sous forme de vieux rails, qui viennent en déduction de l’estimation de 128 000 tonnes. Cela signifie qu’en définitive, les hauts fourneaux sont amenés à produire 108 000 tonnes de fontes. À ce tonnage s’ajoutent les besoins secondaires en fontes de moulage, évalués à 4 000 tonnes et les 8 000 tonnes nécessaires à la fabrication des 6 000 tonnes d’acier Bessemer déjà mentionnées. Dans ce dessein, Eugène Schneider entend ériger une importante batterie de hauts fourneaux qui doit regrouper 16 unités, à grande capacité, accompagnées d’un haut fourneau mixte, de moyenne capacité et du petit haut fourneau au charbon de bois. En quelques années, les progrès sont spectaculaires.
37À titre de comparaison, avant la transformation de l’usine, celle-ci comprenait 10 hauts fourneaux capables de produire, au total, 42 000 tonnes de fontes par an, réparties ainsi :
- 28 000 tonnes de fonte au coke pour rails, employant 5,5 hauts fourneaux.
- 9 000 tonnes de fonte au coke, pour fer marchand, employant deux hauts fourneaux.
- 2 500 tonnes de fonte au bois, employant un haut fourneau.
- 2 500 tonnes de fonte au combustible mixte, employant un haut fourneau33.
38Mais ce programme doit aboutir à une transformation radicale des conditions d’approvisionnements de l’usine. De nombreuses exploitations supportent mal le développement rapide de l’extraction. À la fin des années 1850, au côté des minerais calcaires de Mazenay-Change qui représentent 60 % de l’ensemble des besoins, Le Creusot consomme une multitude de minerais, à gangue siliceuse, en provenance de Saône-et-Loire, de la Nièvre, de l’Allier et du Berry34. Ils sont plus riches, mais proviennent de gisements qui s’adaptent difficilement à une mise en valeur rationnelle. Par conséquent, à l’heure de transformer ses usines, Eugène Schneider peut s’appuyer sur des réserves locales de minerais de fer calcaires abondantes, d’assez bonne qualité, dont l’intérêt n’est d’ailleurs pas pleinement appréhendé. À l’inverse, l’approvisionnement en minerai siliceux reste très problématique, reposant sur des exploitations de faible envergure, dont la production est parfois déclinante et souvent de qualité irrégulière35. Les gisements auxquels Le Creusot a recours ne sont pas en mesure de supporter les transformations souhaitées. L’organisation des flux de matières premières doit marquer une rupture très nette par rapport aux pratiques antérieures, devenues incapables de supporter un trafic en brutale augmentation. Les matières premières, les combustibles ne font pas défaut. Par contre, les conditions de transport mises à la disposition de l’usine ne lui permettent plus, à la fin des années 1850, de poursuivre sa marche en avant. Ce constat n’est d’ailleurs pas propre au Creusot. Il est le lot commun de l’ensemble de la grande industrie sidérurgique française36.
Une exception en France
39L’amélioration de la desserte ferroviaire de l’usine constitue le moyen le plus efficace, le plus adapté aux compétences de l’entreprise, pour réduire fortement les coûts du transport, tout en augmentant les capacités de roulage. Ce mouvement qui accompagne le besoin de recourir à des sources d’approvisionnement plus lointaines correspond aussi, de manière plus surprenante, aux exigences formulées à l’encontre de certaines sources locales d’approvisionnement, qu’il s’agisse du charbon ou du minerai de fer. Pour celui-ci, l’intérêt se porte essentiellement vers les mines de fer qui sont exploitées au profit de l’usine depuis son origine, à Chalencey et depuis 1844, à Mazenay, Créot et Change. La distance qui sépare l’usine du Creusot de ses principales exploitations est loin d’être considérable. Elle ne dépasse pas quarante kilomètres. Pourtant, l’investissement envisagé pour installer un système de transport entre ces deux pôles majeurs de l’entreprise est d’importance puisque tout ou presque est à entreprendre depuis les mines de fer jusqu’aux hauts fourneaux. Même la ligne qui relie le canal du Centre à l’usine du Creusot n’est encore qu’à traction animale.
40Le projet d’Eugène Schneider s’intègre parfaitement dans le maillage ferroviaire régional en cours de réalisation. Le Creusot bénéficie de la construction, par le PLM, de la ligne de Nevers à Chagny. Le tracé de cette voie ne passe qu’à une douzaine de kilomètres des mines de Mazenay-Change. Montchanin constitue un point de passage obligé. Son utilisation comme relais d’une ligne au service du Creusot est rapidement envisagée. Quant au PLM, avec le trafic créé par les flux de minerai de fer et de charbon, il acquiert lentement la certitude que la création de la ligne de Nevers à Chagny répond à ses objectifs de rentabilité. Une grande partie des volumes de marchandises existe potentiellement, que ce soit par l’intermédiaire des établissements Schneider et Cie ou des Houillères de Blanzy.
41Les établissements Schneider et Cie détiennent toujours la concession de la ligne de chemin de fer qui relie le port de Bois-Bretoux, à Montchanin, aux usines du Creusot. Depuis 1852, Eugène Schneider a manifesté la volonté de voir ses usines placées sur une ligne de chemin de fer de plus grande envergure, pour les mettre en relation avec l’ensemble du réseau du Paris-Lyon. Ses services ont d’ailleurs participé à la rédaction d’une étude de voie ferrée qui partirait de Nevers, en direction de Chalonsur-Saône et desservirait, en chemin, ses usines. Il insiste sur l’importance capitale que revêt la facilité d’approvisionnements en matières premières. À cette époque, ses démarches ne visent pas uniquement la mise en valeur des mines de Mazenay-Change. Lemonnier, directeur de l’usine du Creusot commande, en 1853, la fabrication de cartes sur lesquelles doivent être indiqués les bassins houillers du Creusot et des environs, les mines de Chalencey et de Mazenay, les exploitations de Perreuil, Saint-Léger-sur-Dheune et Chagny pour le calcaire et le gypse (plâtre) utilisés au Creusot. Enfin, les minières du Berry sont représentées avec précision. Sur les plans que dressent les ingénieurs du service auxiliaire et des hauts fourneaux de Schneider et Cie, figurent aussi différents gisements de minerai de fer du Morvan, reconnus mais non exploités, en raison de leur éloignement par rapport aux voies de communication. Ils constituent, aux yeux du gérant du Creusot, autant de ressources potentielles, susceptibles de justifier le tracé qu’il préconise. Celui-ci présente la particularité d’être la voie la plus courte pour relier l’Est et l’Ouest de la France. Dans ces conditions, l’intérêt public coïncide avec celui de ses usines. Avec cette voie ferrée desservant Le Creusot, Eugène Schneider estime que son entreprise serait en mesure de rayonner au loin. Après avoir été placée au centre d’un important système de voies navigables, elle s’insérerait dorénavant au cœur d’un réseau ferroviaire qui apporterait la souplesse et surtout la sécurité qui lui échappe encore lorsque ses approvisionnements empruntent les canaux37.
42À partir de 1855, l’impatience du gérant du Creusot devant la lenteur de la prise en compte de ses espérances grandit. La mise en communication avec Chagny est la plus essentielle. Elle permettrait à Schneider et Cie d’être entre relation avec la ligne de Paris à Lyon38. Cependant, les compagnies ferroviaires sont, à cette époque, moins promptes à accepter la construction de nouvelles lignes qui n’ont d’autres conséquences que de faire baisser leurs recettes kilométriques39. Quant à Eugène Schneider, il reste conscient que son propre chemin de fer vers le canal du Centre atteint, avec sa voie unique et son mode de traction, une intensité de circulation qui est proche de la saturation. Pour effectuer les transports par ce biais, sa compagnie est contrainte d’entretenir un cheptel de 150 chevaux. La voie ferrée, construite à l’origine pour supporter un trafic annuel de 30 000 tonnes, a vu progressivement la quantité de matières s’élever jusqu’à 280 000 tonnes40. Il peut d’ailleurs paraître surprenant qu’Eugène Schneider, au regard des fabrications de locomotives réalisées par ses propres ateliers, n’ait pas décidé plus rapidement du changement de mode de traction par l’utilisation plus précoce de la vapeur. En fait, cette modification est envisagée de longue date. Les plans d’une locomotive spécifique ont été dessinés en 1845, sans qu’aucune suite ne soit donnée au projet, la crise de 1847 réduisant les besoins. En outre, le goulet d’étranglement semblait alors davantage apparaître au niveau du déchargement des matières, au port de Bois-Bretoux.
43Mais au moment de moderniser ses usines, le gérant du Creusot apparaît surtout tributaire de la volonté du PLM, malgré les liens privilégiés qu’il entretient avec cette compagnie. Il décide donc, en 1859, d’anticiper l’arrivée de la ligne PLM, en modifiant le profil de sa ligne, afin d’autoriser la circulation des locomotives. À cette date, il a acquis la certitude que ses sites industriels de Montchanin et du Creusot constituent bien des points de passage obligés entre Nevers et Chagny. Dès lors, les locomotives prennent le relais de la traction hippomobile. En 1861, la ligne Nevers-Chagny est partiellement ouverte à la circulation, sur le tronçon Blanzy-Chagny41. Les convois parviennent désormais sans manutention, sans rupture de charge jusqu’aux différents ateliers du Creusot.
44Afin de profiter des avantages du chemin de fer, Schneider et Cie déposent une demande en concession, en vue de construire et exploiter un chemin de fer industriel entre Mazenay-Change et les usines du Creusot.
45La concession du chemin de fer destiné à desservir les mines de Mazenay est créée le 28 juillet 1860, avant même que l’ouverture de la voie du PLM ne devienne effective. Les articles 1 et 2 du décret stipulent que « l’embranchement concédé pourra, quant à présent, être exclusivement affecté aux transports des produits des mines de la société du Creusot et cette société jouira du bénéfice des dispositions de l’art. 62 du cahier des charges de la compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée ». L’empressement à construire la voie qui doit relier les mines de fer à la ligne Nevers-Chagny démontre le caractère impérieux de sa réalisation.
46Dans une lettre du 4 novembre 1861 adressée au ministre des Travaux publics, Eugène Schneider annonce qu’en l’espace de quelques mois, huit kilomètres de voies ont déjà été complètement équipés. Les travaux se poursuivent à un rythme soutenu. Une nouvelle sécheresse vient de confirmer les déficiences du canal du Centre et renforcer davantage l’absolue nécessité de recourir à un système de transport moins soumis aux aléas climatiques. Dans cette même lettre, le gérant du Creusot précise que :
« Le chômage du canal du Centre, sur les bords duquel nous avions entreposé des masses importantes de minerai, compromet gravement notre approvisionnement. Nous avons fait en sorte d’y parer en partie, en amenant par charrettes, des quantités aussi importantes que possible jusqu’à la ligne de Chagny à Montchanin et nous pouvons dire que sans l’ouverture de cette ligne, le roulement de notre usine aurait pu se trouver arrêté42. »
47Si le chantier de la voie ferrée avance si rapidement, il le doit à l’intense activité déployée par les concessionnaires. Au début de 1861, 220 terrassiers, 30 maçons et 30 chevaux sont affairés à sa construction. Les champs d’exploitation de Mazenay et de Créot sont les premiers à être mis en relation avec Le Creusot. Par la suite, la voie est prolongée. En 1865, elle parvient au lieu-dit les Menaults, afin de créer les conditions nécessaires à l’augmentation de la production de la mine de Change. En effet, les recherches les plus récentes sont venues confirmer, au sein de cette concession, la présence des portions les plus riches du gisement. Le journaliste Turgan est un des premiers à rendre compte, dans son ouvrage, de l’importance de cette voie ferrée qui prend le nom de chemin de fer de Créot. Parmi les quelques gravures qui illustrent l’article inséré dans sa série consacrée aux grandes usines, une locomotive qui relie les estacades du puits Saint-Pierre, à Change, figure au côté des puits jumeaux Saint-Pierre et Saint-Paul, de la houillère du Creusot et de la batterie de fours à coke Appolt, les principales réussites techniques contemporaines des établissements Schneider et Cie.

Figure 8 – Convoi de minerais de fer devant les estacades du puits Saint-Pierre, dans la concession de Change. Tiré de Turgan (1866)

Figure 9 – Puits Saint-Eugène dans la concession de Mazenay. Fonds auteur (sd)
Une simple machine de 7 chevaux sert à remonter le minerai qui peut immédiatement être versé dans les convois du chemin de fer de Créot et être acheminé au Creusot.
48Évoquant l’accroissement des réserves des mines de Change et l’achèvement de la voie ferrée de Créot, Eugène Schneider signale, en 1862 : « C’est peut-être un des résultats les plus importants que nous devions jus-qu’ici à notre programme d’amélioration43. »
49Pour profiter de la construction de la ligne Nevers-Chagny, le chemin de fer minier rejoint le réseau du PLM. L’embranchement se situe à SaintLéger-sur-Dheune. Le minerai poursuit ensuite son chemin jusqu’aux cases de la plate-forme des hauts fourneaux, sans rupture de charges.
50L’installation d’une voie ferrée, entre la mine de Mazenay-Change et Le Creusot, entraîne une économie de quatre francs par tonne rendue au gueulard des hauts fourneaux.

Figure 10 – Évolution du prix de revient du minerai de fer de Mazenay
51Ce résultat ouvre de nouvelles perspectives pour la mine. Il permet d’obtenir une fonte particulièrement compétitive et dote Le Creusot d’un approvisionnement beaucoup plus régulier, avec l’assurance de bénéficier de ressources pendant plusieurs décennies. Le développement des mines de fer de Mazenay-Change constitue le principal facteur de la croissance de la production de fonte et de l’accession de l’usine au premier rang des producteurs sidérurgiques en France. Outre le gisement de charbon qui avait été à l’origine de la naissance du Creusot, l’usine dispose désormais de l’exploitation de minerai de fer la plus importante de France. C’est pourquoi elle peut pleinement être engagée dans la voie de la production de fer à bon marché mais c’est aussi une des causes qui explique, par la suite, le retard pris dans l’élaboration de l’acier.
52Devant cette réalisation, un inspecteur général des Mines est admiratif :
« Le minerai calcaire qu’elles (les mines de Mazenay-Change) fournissent, est en quelque sorte, la base de l’alimentation dans les hauts fourneaux du Creusot et les travaux dont elles ont été l’objet ainsi que le chemin de fer qui les relie au chemin de fer de Chagny au Montceau peuvent être cités au premier rang des grandes entreprises exécutées dans ces dernières années avec une si énergique activité et une si remarquable intelligence par la Compagnie du Creusot, afin de mettre cette grande usine dans des conditions de vitalité suffisantes pour se maintenir et continuer de prospérer dans les nouvelles positions faites à l’industrie métallurgique française44. »
53Eugène Schneider reconnaît aussi l’importance prise par les mines de Mazenay-Change dans le développement de son usine : « Là est une richesse considérable pour Le Creusot, un élément principal de son avenir métallurgique45. »
54En 1863, le développement de la production de minerai de fer est tel que l’entreprise doit commander 50 wagons supplémentaires uniquement pour le service du chemin de fer minier de Mazenay-Change.
55Lorsque l’exploitation du minerai à Mazenay-Change connaît son intensité maximale, le réseau ferré desservant ces exploitations couvre des étendues très importantes. À l’intérieur, en raison de l’extension de la couche de minerai et de sa localisation sous différents plateaux, les voies principales réparties entre les quatre centres d’exploitation de Mazenay, Parnay, Créot et Change forment un ensemble de 23 kilomètres46. S’y ajoutent les 2,5 kilomètres d’embranchements entre les différents puits, galeries et la voie du chemin de fer industriel. Les zones desservies par la traction hippomobile ou locomobile couvrent donc, au total, près de 40 kilomètres.
56À elles seules, les galeries qui centralisent l’extraction à la base du puits Saint-Charles, dans la concession de Change, sont équipées de rails sur près de 8 kilomètres.
57Ce système de transport est si efficace qu’il permet d’utiliser le minerai quelques heures après qu’il a été versé dans les wagons reliant la mine à l’usine. Au milieu des années 1860, les mines de Mazenay-Change figurent, sans doute, parmi les mieux aménagées de France, au moins pour ce qui concerne l’expédition du minerai47.
58Mais la prise de conscience de l’intérêt majeur que représente le gisement de Mazenay-Change n’est intervenue qu’une quinzaine d’années après la découverte des premiers affleurements. Un tel laps de temps est symptomatique des difficultés rencontrées au moment d’appréhender l’intérêt d’une ressource minérale. Pour avoir préféré exploiter le minerai de Mazenay, puis celui de Change, sans chercher à connaître l’étendue des richesses que recélaient ces deux concessions, la direction du Creusot ne sait pas si ces deux gisements sont en mesure de répondre à l’ensemble des besoins naissants. Au moment de la rédaction du programme d’approvisionnement de 1862, la direction du Creusot évalue à 240 000 tonnes les besoins annuels du Creusot, en minerai de fer calcaire48. Dans le même temps, elle n’espère guère extraire plus de 150 000 tonnes des mines de Mazenay et Change.

Figure 11 – Convoi de mineurs à l’entrée d’une galerie de Mazenay (Fonds Académie François Bourdon)
Dans la pratique les mineurs accédaient à pied à leurs chantiers et ce système de transport apparu au cours des années 1870 a été rapidement abandonné. Il s’agissait d’utiliser des locomotives à vapeur dans les travaux souterrains, ce qui se traduisait par l’existence continuelle de fumées et de brouillard dans les galeries.
59Même si le niveau de l’extraction des deux concessions réunies s’élève progressivement, il ne semble pas en mesure de suivre l’ascension plus rapide encore de la consommation des hauts fourneaux. La production totale des deux exploitations n’atteint encore que 52 000 tonnes en 1860, 81 000 tonnes en 1861 et 99 000 tonnes lorsque commence réellement la transformation de l’usine, en amont de la forge.
60Afin de compléter le déficit envisagé, les recherches sont d’abord dirigées vers les gisements les moins éloignés.
61Une phrase extraite d’une demande en concession adressée au préfet de la Côte-d’Or par Eugène Schneider est révélatrice des appréhensions de l’ensemble des maîtres de forges bourguignons :
« Les contrées voisines du bassin houiller de Saône-et-Loire n’offrent que des gisements de fer très restreints et les soussignés sont obligés d’aller chercher au loin des minerais dont les prix de transport ont toujours été augmentant et tendent à placer dans des situations précaires et onéreuses la grande industrie qu’ils ont fait tant d’efforts pour créer49… »
62À partir de 1858, différents minerais calcaires des rives du Doubs sont essayés dans les hauts fourneaux du Creusot. Les possibilités de développement des exploitations de cette région sont d’autant plus favorables que l’écart entre le prix de revient de ces minerais et ceux de Mazenay reste relativement faible. En 1861, avant l’ouverture de la ligne de chemin de fer de Créot, il n’atteint que trois francs. Pendant quelques années, plusieurs exploitations, celles de Laissey et Deluz notamment, viennent épisodiquement compléter les lacunes de la production des mines de Mazenay-Change. Le 24 mars 1860, Eugène Schneider se porte acquéreur de la concession de Laissey, moyennant 35 000 francs50. Il entend en faire un site destiné à seconder les mines de Mazenay-Change et engage une impressionnante série de travaux, marquée par le percement d’une grande galerie à travers-bancs, pour atteindre le minerai à 600 mètres de l’entrée. Il prépare la centralisation de l’ensemble des sorties de minerai, afin de faciliter leur embarquement. Au terme du programme d’aménagement, Eugène Schneider entend extraire 60 000 tonnes par an des mines de Laissey.
63Dans les faits, l’extraction augmente effectivement, mais à un rythme qui est loin d’atteindre celui que laissaient présager les investissements consentis. Entre 1861 et 1863, dans la concession de Laissey, la production passe de 4 728 tonnes à 18 985 tonnes51.
64Entre-temps, le développement de l’extraction dans la mine de Mazenay-Change, la disparition de nombreux concurrents régionaux ont réduit la pression qui devait peser sur certains approvisionnements en minerai de fer.
65Ainsi rassurés quant à l’avenir de leur approvisionnement en minerai de fer calcaire, Schneider et Cie entendent poursuivre leur développement et multiplier les constructions de hauts fourneaux. La réorganisation des mines de fer a déjà débouché, en 1859, sur l’abandon du gisement de Chalencey, dont les réserves s’élèvent encore à 700 000 tonnes52.
66Chalencey ne s’intégrait plus dans la nouvelle distribution des axes de communication entre les mines de fer et Le Creusot, dans la mesure où une grande partie du minerai extrait devait encore être conduite par voitures, sur une distance de 14 kilomètres. À Change, au contraire, les recherches aboutissent à la découverte d’importantes étendues de minerai, exploitables non plus depuis les affleurements, mais par puits. La progression rapide de la production se traduit par la nécessité d’augmenter les capacités d’extraction. Les puits des Menaults et Saint-Pierre sont dans l’incapacité, dès 1866, d’accompagner le développement des travaux souterrains, en raison de la faible puissance des machines d’extraction. Aussi est-il décidé d’aménager un nouveau puits, dans le prolongement des deux précédents, afin de pouvoir profiter des installations ferroviaires déjà réalisées. Le fonçage du puits Saint-Charles débute en 1866, pour s’achever en 1869. Ses équipements sont en mesure d’élever 400 tonnes de minerais par jour53. Dès lors, ce puits, profond de 38 mètres et doté d’une machine d’une puissance de 40 chevaux, regroupe l’ensemble de l’activité minière de la concession54.

Figure 12 – Vue d’ensemble du puits Saint-Charles (Fonds Académie François Bourdon)
Au premier plan, on reconnaît un système d’estacades identique à celui adopté au puits Saint-Eugène de Mazenay.
67La production des mines de Mazenay-Change progresse désormais à un rythme soutenu. Dès 1864, les 150 000 tonnes espérées sont dépassées. En 1867, avec une extraction de 243 000 tonnes, la production de la mine couvre l’ensemble des besoins en minerai de fer calcaire et permet de modifier l’aire d’approvisionnement pour les autres minerais de fer.

Figure 13 – Production des mines de fer de Mazenay-Change
68Un rapport de 1867 qui émane de l’inspection générale des Mines exprime l’étonnement des concessionnaires, face au développement insoupçonné et soudain des mines de Mazenay-Change : « C’est une bonne fortune inespérée pour Le Creusot, qui a, en conséquence, abandonné toutes ses exploitations lointaines pour ne plus employer que le minerai de Mazenay qui peut lui revenir, au Creusot, entre 5 et 6 francs la tonne, et les minerais riches de l’Algérie et de l’île d’Elbe qui lui reviennent à 40francs55. » L’année précédente, le même rédacteur signalait l’accroissement de l’usage du minerai de Mazenay-Change par les facteurs suivants :
« La compagnie a conclu avec les exploitants de la mine de Mokta-el-Hadid en Afrique, des marchés fort importants, qui lui assurent, au prix de 32 francs la tonne, des minerais d’une qualité exceptionnelle, dont l’introduction dans le lit de fusion doit permettre d’accroître notablement la proportion relative de minerai calcaire de Créot [Mazenay-Change], le seul vraiment économique56. »
Minerais méditerranéens
69La progression de la quantité de minerais de Mazenay-Change consommée s’explique par le fait que, sur la plate-forme des hauts fourneaux, des minerais à forte teneur viennent enrichir les lits de fusion. Profitant de ses minerais très bon marché de Mazenay-Change, Le Creusot peut recourir massivement aux matières provenant du bassin méditerranéen. Il est désormais possible d’élaborer, grâce à des minerais aussi purs que ceux fournis par l’Algérie et l’Espagne, des fontes au coke d’aussi bonne qualité que les fontes fines de Comté et du Berry, élaborées au moyen du charbon de bois. À partir de la fin des années 1850, l’arrivée progressive des minerais méditerranéens en France métropolitaine se répercute aussi sur le roulement des hauts fourneaux du Creusot. L’intérêt envers les minerais du Berry décline. La dispersion des sources d’approvisionnement en matières premières ne correspond plus à la volonté de s’appuyer sur des approvisionnements réguliers et rigoureusement contrôlés. Eugène Schneider considère que les interrogations relatives aux minerais de fer doivent être résolues à l’aune des succès remportés dans la classification des charbons :
« Il faut éviter les mélanges de mines que l’on croit similaires et qui ne le sont pas. À Mazenay même, il existe des différences notables comme proportion de chaux, d’argile etc. etc., il faut sur le point même d’extraction, que les mines soient classées selon leur nature, puis transportées séparément et classées dans des estacades distinctes pour prévenir les mélanges aux assimilations funestes57. »
70En 1860, les 500 premières tonnes de minerais magnétiques algériens sont essayées58. Les résultats vont au-delà de toutes les espérances, en raison de la forte teneur en fer et de la pureté du minerai. Il ne provient pas encore du célèbre gisement de Mokta-el-Hadid, dans la concession d’Aïn Mokra. En raison de son éloignement par rapport à la côte, les exploitants lui préfèrent les minerais plus proches de Kharézas59. Si l’intérêt pour ce minerai ne se concrétise qu’au début des années 1860, l’annonce de sa découverte est déjà ancienne. Elle remonte à la publication, en 1843, d’un ouvrage rédigé par l’ingénieur des Mines Fournet60.
71À partir de ces informations encore très parcellaires, Jules Talabot, maître de forges, membre d’une des plus grandes familles de l’industrie française, envoie des agents sur place. À proximité du lac Fetzara, à quelque 35 kilomètres de Bône, ils découvrent le magnifique amas de minerais de Moktael-Hadid. Le 9 novembre 1845, une ordonnance royale vient sanctionner cette découverte et créer la concession, au profit de Jules Talabot61. Une première compagnie, la société civile des mines et hauts fourneaux de Kharézas62, à laquelle a ensuite succédé la compagnie en commandite P.-J. Talabot et Cie, est née de ces découvertes mais n’a pas rencontré le succès escompté. Faute de combustible, il ne semble guère possible d’établir en Algérie une activité sidérurgique durable. L’intérêt qui peut se manifester envers le minerai algérien reste conditionné à la question des transports. En raison de son prix de revient prohibitif, les industriels français ne peuvent consommer ce minerai qu’avec une extrême parcimonie. Mais, certain de la réussite de son projet et fort de l’estime rencontrée par son minerai, auprès des usines de Denain notamment, Jules Talabot reste intraitable. Il ne prend aucune disposition pour organiser le transport des minerais algériens, de part et d’autre de la Méditerranée, attendant de voir disparaître les problèmes juridiques auxquels il est encore confronté. Les investissements tardent à être massifs, en raison des difficultés soulevées par la délimitation des concessions algériennes.
72Après des débuts prometteurs et en dépit de ses qualités indéniables, le minerai de fer algérien reste rare. L’exploitation de Mokta-el-Hadid végète et ne parvient pas à sortir de sa léthargie. En attendant la reprise de l’aménagement des concessions algériennes, Schneider et Cie portent leur intérêt sur une exploitation de faible envergure, la minière d’El Kimen dont les minerais ont un rendement dans les hauts fourneaux très inférieur. En 1863, deux contrats sont successivement signés63. Ils portent sur une masse totale de 10 000 tonnes, livrables à raison de 800 à 1 000 tonnes par mois, soit des quantités inférieures aux attentes formulées en 1862, dans le grand programme d’approvisionnements.
73Plus gênant au regard des orientations stratégiques de l’entreprise, dès le début de 1864, l’amas minéral est déjà en voie d’épuisement, ce qui conduit les hauts fourneaux à cantonner l’emploi du minerai de fer algérien à la production des fontes destinées à l’élaboration des fers supérieurs. En attendant l’arrivée massive du minerai de fer de Mokta-el-Hadid, Le Creusot se doit d’abord d’éliminer les stocks accumulés depuis la fin des années 1850. Il se tourne aussi vers le minerai de fer de l’île d’Elbe, guère apprécié puisqu’il ne permet que d’obtenir des fers rouverains et, par conséquent, difficilement utilisables pour le travail de la forge. Le Creusot, contrairement aux autres usines du Centre de la France, limite autant que possible la consommation de minerai de l’île d’Elbe et revend d’ailleurs une partie de ses achats aux usines de Fraisans (Jura) et de Commentry-Fourchambault. Mais, par sa richesse, il reste apprécié pour la possibilité de réduire la mise au mille de coke, élément déterminant lorsqu’il s’agit de ménager les ressources charbonnières.
74Il faut attendre que Paulin Talabot relaie les efforts de son frère pour que la certitude de pouvoir compter sur les minerais africains soit concrétisée. Les projets de ce dernier ne sont pas sans inquiéter Eugène Schneider, informé par les multiples contacts entre les deux hommes. Ils traduisent une volonté de créer une entreprise présentant un important degré d’intégration. Outre la reprise de la mise en valeur de l’exploitation de Moktael-Hadid, Paulin Talabot entend acquérir plusieurs houillères et établir des hauts fourneaux spécialisés dans l’élaboration des fontes de premier choix : « Vous savez déjà que M. Paulin Talabot a repris l’affaire des minerais d’Afrique et qu’il va la régénérer. Mais il paraît qu’en même temps, il a acheté deux houillères dans le Gard et qu’il compte y établir des fourneaux pour faire de la fonte de qualité. Il deviendrait le premier consommateur de ses minerais64. » La société créée par Talabot devient propriétaire des concessions de houille de Salles de Gagnières, de Montalet et Cessous, près des exploitations de Bessèges et de la Grand-Combe, dans le bassin d’Alais65. Mais, devant l’ampleur de la dépense à laquelle conduirait l’édification d’un nouvel établissement sidérurgique, Talabot cantonne finalement ses ambitions à une prise de participation dans la société des Aciéries de Firminy66. Des pourparlers interviennent donc entre Le Creusot et ses principaux concurrents sidérurgistes, afin de réduire la portée des décisions de Talabot. Une convention est signée avec Terrenoire pour répartir les minerais livrés, dans le cas où les ressources d’affrètement seraient insuffisantes. En fonction des possibilités de livraison de la compagnie de Talabot, les deux entreprises sidérurgiques doivent se partager l’extraction, à raison de 60 % pour Le Creusot et 40 % pour Terrenoire.
75À partir de 1864, la mise en valeur du gisement de Mokta-el-Hadid semble en bonne voie. Cependant, malgré plusieurs tentatives pour être associé au projet de reconstitution d’une société d’exploitation, Eugène Schneider reconnaît qu’il n’est pas de son ressort de favoriser une quelconque solution. Mais il a désormais la certitude, à la suite d’une nouvelle entrevue avec Paulin Talabot, d’obtenir rapidement des quantités non négligeables de minerais magnétiques, grâce aux imposants stocks qui subsistent sur le carreau de l’exploitation de Mokta67. Les premières propositions de marchés sont adressées au Creusot en septembre 1864. Elles portent sur un total de 40 000 tonnes par an d’un minerai dont la teneur en fer est garantie à 65 %. Le prix est particulièrement attractif puisque Paulin Talabot accorde des tarifs préférentiels à ses premiers clients. Il faut encore attendre quelques mois pour que les pourparlers aboutissent. Depuis Le Creusot, Henri Schneider reste sceptique. Évoquant les minerais d’Afrique du Nord, il écrit laconiquement à son père : « En attendant on ne peut rien en faire et c’est bien dommage68. » La lenteur avec laquelle les projets de Paulin Talabot ont été finalisés se traduit en effet par un retard de près de deux ans dans la modification des conditions d’approvisionnements en minerai de fer.
76En 1865, après avoir acquis la certitude de pouvoir placer l’ensemble de la production de la mine de Mokta69, Paulin Talabot parvient à réunir le capital nécessaire à la fondation de sa société, la compagnie des minerais de fer magnétiques de Mokta-el-Hadid, créée pour exploiter les concessions d’Aïn Mokra, Bou-Hamra et des Kharézas. Le 27 juin 1865, un marché est signé entre Paulin Talabot, président du Conseil d’administration de la nouvelle compagnie et Schneider et Cie. Il prévoit des livraisons pendant 20 ans et prend effet à compter du 1er janvier 1866. La compagnie de Mokta s’engage à fournir 60 000 tonnes de minerais magnétiques par an et envisage, dès 1867, une augmentation d’un quart de ce tonnage.
77Le bouleversement de l’organisation des approvisionnements est immédiat. Eugène Schneider signale :
« Tout ce que nous venons de dire à propos de minerai doit vous faire comprendre, messieurs, que nous sommes actuellement dans un temps de transition : nos approvisionnements reposaient autrefois sur des éléments très variés. À l’avenir, les minerais de Mazenay au premier rang, puis ceux d’Afrique, seront nos bases fondamentales et pouvant ainsi puiser à des sources qui engagent beaucoup moins d’argent, nous ferons de ce chef rentrer avec le temps dans notre capital disponible, une somme considérable que nous évaluons à plus d’un million70. »
78Dès juin 1866, le minerai de Mokta parvient au Creusot, à raison de 5 000 tonnes par mois71. À cette époque, les travaux d’aménagement de la concession de Mokta-el-Hadid sont sur le point d’être achevés. Un réseau de transport complexe vient compléter le développement de l’exploitation algérienne. Dès 1865, quatre locomotives relient l’exploitation de Mokta à la côte. Les travaux de terrassements sont terminés en 1866.
79En France métropolitaine, le problème de l’acheminement des minerais a été anticipé. Il est déjà résolu lorsque les premiers vapeurs sont déchargés. À la fin de 1862, avec l’appui des documents rédigés par Larue, son responsable du service des transports, Eugène Schneider a entamé des pourparlers avec la direction de la compagnie PLM. Bien que laborieux, ils ne peuvent qu’être fructueux dans la mesure où son interlocuteur, au sein du PLM, est à nouveau Paulin Talabot. En raison de l’importance de sa position au sein des sociétés ferroviaires et minières, il comprend le profit que la compagnie ferroviaire tirerait de la croissance des flux de matières destinés à l’usine du Creusot. Il s’agit aussi d’une question vitale pour le gérant du Creusot qui doit pouvoir compter sur des tarifs réduits avant de poursuivre ses achats de minerais méditerranéens et de charbons stéphanois. Bien que favorablement impressionnés par les démonstrations d’Eugène Schneider, les dirigeants du PLM restent longtemps rétifs face à ses propositions. Ils craignent que la baisse consentie pour les trajets sur de longues distances n’ait de funestes répercussions sur l’ensemble de leur réseau.
80En 1863, un accord intervient malgré tout, afin d’assurer l’acheminement du minerai, depuis le Sud de la France, un an après la fusion effective entre le Paris-Lyon et le chemin de fer de la Méditerranée72. L’accord entre Schneider et le PLM semble logique à plusieurs titres. Paulin Talabot considère que « tout ce qui de France se dirige sur l’Algérie, tout ce qui en arrive doit emprunter nos chemins de fer et s’ajouter à leur trafic » et « personne n’est donc plus intéressé que nous à la création et aux [sic] développement des voies ferrées en Algérie73 ». Les déchargements dans les ports de France ne présentent aucune difficulté, en raison des intérêts que Paulin Talabot détient, par le biais de la Compagnie des Docks de Marseille, dans les installations portuaires. En outre, le 3 avril 1863, Schneider et Cie ont, en prévision de l’augmentation des expéditions de matières en provenance du littoral méditerranéen, amodié un terrain à Port-de-Bouc.
81Comme Le Creusot a rencontré peu de succès pour noliser des navires capables d’assurer l’expédition des minerais provenant d’El Kimen, Eugène Schneider craint de ne pouvoir affréter les navires pour transporter le minerai. À nouveau, Paulin Talabot a pris les devants. Alors qu’il termine l’aménagement de la voie ferrée et des infrastructures portuaires en Algérie, il décide aussi d’assurer les transports par mer. À cet effet, il crée la Société Générale des Transports Maritimes à Vapeur qui se charge d’acheminer les minerais depuis Bône jusqu’aux ports de Marseille et Cette (Sète)74. Un traité est signé entre le transporteur, l’exploitant minier et les acheteurs de minerai. Il porte sur le transport annuel de 120 000 tonnes de minerai depuis Bône. Schneider et Cie se contentent d’entrer en contact avec la Compagnie des Docks de Marseille et la compagnie des chemins de fer PLM qui assurent les déchargements de minerais dans ce port75. En raison de l’élévation rapide de la production qui passe de 20 000 tonnes à 137 000 tonnes entre 1865 et 1866, la société de transport achète des navires à vapeur, pour accélérer les rotations entre les deux rivages de la Méditerranée. À partir de 1866, neuf navires, la plupart d’une capacité de 1 000 tonnes, sont commandés et successivement livrés par les Forges et Chantiers de la Méditerranée. Ces bateaux, connus sous le nom de « Talabot », sont spécialement construits aux chantiers navals de La Seyne comme minéraliers, avec une structure particulière, suffisamment résistante pour ne pas subir l’usure accélérée que provoque le transport du minerai76.
82Grâce à l’utilisation des minerais algériens, les lits de fusion sont simplifiés à l’extrême. Ils reposent désormais sur des mélanges presque exclusivement composés de proportions variables de minerais de Mokta et de Mazenay-Change, en fonction des fontes désirées. Le Creusot devient une usine de référence dans la classification des produits sidérurgiques. Dans le même temps, l’usage massif du minerai algérien éteint quelques craintes quant à l’avenir de l’approvisionnement en charbon à coke de l’usine. Avec un minerai à si forte teneur, la mise au mille du coke diminue fortement, notamment pour les fabrications de fontes supérieures. Divers échantillons des minerais extraits à Mokta-el-Hadid font ressortir une teneur en fer qui oscille entre 64 et 72 %, soit des niveaux exceptionnellement élevés. Contrairement aux minerais de fer de France métropolitaine, cette teneur en fer coïncide avec une absence presque totale d’éléments nuisibles, d’autant mieux perçue par Le Creusot qu’il dispose d’un laboratoire depuis 1861. Les analyses font apparaître, au côté du fer oxydulé, une autre matière utile : l’oxyde de manganèse. À l’inverse, l’arsenic, le soufre et le phosphore sont totalement absents ou présents à l’état de traces77. La qualité des produits se trouve améliorée pendant que le recours à une forte quantité de minerais de Mazenay vient réduire les conséquences du prix très élevé de celui de Mokta. Le gérant du Creusot est parvenu, au niveau des productions de fonte et de fer, à concilier les aspects qualitatifs, quantitatifs, tout en garantissant la régularité de ses produits.
83Entre 1862, époque de la prise de décision d’adapter les approvisionnements à la transformation de l’usine et 1866, année de l’arrivée massive du minerai de Mokta, la composition des lits de fusion subit de profondes modifications. Pour produire une gamme complète, six variétés de fontes sont répertoriées. En 1862, cinq d’entre elles, destinées à la production du fer, sont déjà parfaitement maîtrisées. L’élaboration de la sixième, fonte pour les convertisseurs Bessemer non encore construits, est encore aléatoire. Elle repose sur des informations partielles, en vue de préparer la fabrication de l’acier, selon le procédé inventé par Henry Bessemer. Pour une usine aussi engagée dans la fourniture de matériels ferroviaires fixes et roulants, il ne saurait être envisageable de trop tarder avant de produire un matériau dont la fabrication est souhaitée par les compagnies de chemins de fer78. Le minerai de Mazenay-Change ne convient pas, en raison de ses nombreuses impuretés et surtout de la présence du phosphore, à l’élaboration des fontes aciéreuses. Par contre, il est particulièrement intéressant pour certains types de fontes à fer. Les fontes destinées à être transformées en fer pour rails s’appuient presque exclusivement sur le minerai de Mazenay-Change. Avant l’ouverture de la voie ferrée de Créot, il n’entre qu’à hauteur de 60 % dans le lit de fusion contre 20 % de minerai de l’île d’Elbe et autant de crasses. Avec l’essor brutal de la production, à partir de 1862, la proportion augmente progressivement. En 1866, elle est portée à 75 % du volume total, lorsque le minerai de Mokta-el-Hadid devient assez abondant pour remplacer les autres minerais riches.
84L’élaboration des fontes transformées en fers marchands, en fers pour tôles, fait apparaître une évolution semblable. De 55 % au début des années 1860, la proportion de minerai de Mazenay-Change est portée à plus de 70 %. Les fontes de moulage sont obtenues à partir d’un lit de fusion comprenant 40 % de minerai de Mazenay-Change, au début des années 1860, proportion qui s’élève à 60 % par la suite. Pour les autres variétés de fontes, les besoins en minerai de fer de Mazenay-Change sont faibles, voire insignifiants. Les fontes au coke de premier choix, destinées aux forges, ne nécessitent que 25 % de minerai calcaire de Mazenay-Change. Celui-ci est absent des lits de fusion du haut fourneau au bois réservé à la production des fontes supérieures. Ce sont d’ailleurs les minerais berrichons et Nivernais qui composent, avant 1866, l’essentiel des lits de fusion pour cette sorte de fonte. Ensuite, l’utilisation du minerai de Mokta et les excellentes fontes qu’il permet d’obtenir dans les hauts fourneaux au coke entraînent l’arrêt du haut fourneau au bois. Le développement simultané de la production des mines de Mazenay-Change et de Mokta-el-Hadid transforme radicalement la façon que les sidérurgistes creusotins ont d’appréhender la qualité de leur produit. Désormais, la régularité, la constance doivent constituer un caractère distinctif par rapport aux établissements concurrents, ce qui passe par une meilleure appréciation des propriétés chimiques et physiques des différentes matières premières consommées79. Deux étapes sont essentielles.
85La première intervient lors de l’exposition universelle de 1867. Le Creusot se singularise en présentant le fruit des travaux menés conjointement par son laboratoire et ses sidérurgistes, en vue de classer rigoureusement les fontes et les fers, tout en insistant sur la présentation des matières premières qui permettent de parvenir à une connaissance aussi rigoureuse des produits des hauts fourneaux et de la forge. Sont ainsi obtenues six nuances de fontes d’affinage et une autre de fonte de fonderie. D’elles découlent les différents types de fers hiérarchisés du numéro 1 qui correspond aux fers à rails jusqu’au numéro 7, représentant les meilleurs fers au bois80. Encore très empirique, cette classification connaît pourtant un retentissement formidable bien qu’elle n’intègre pas encore l’acier pour lequel Schneider et Cie n’en sont encore qu’à leurs balbutiements81. Les qualités des fers sont basées sur des étalons anglais, les fers du Staffordshire et du Yorkshire. Rubin, un ingénieur civil qui a participé à cette campagne d’étude des fontes et des fers signale :
« C’est dans cette période de la création de la nouvelle forge, que M. Eugène Schneider a fait son échelle de qualité des fers et tôles, classification qui a tant simplifié la désignation de ces produits, et qui a été adoptée, plus ou moins rigoureusement, presque partout en France. Autrefois, la confusion était grande à cet égard. Depuis lors, il y a eu une désignation sérieuse, méthodique, scientifique. Aujourd’hui, non seulement l’acheteur ordinaire sait, par le numéro de qualité, l’usage qu’il peut faire du produit qu’il achète, mais encore, par cette indication du numéro, l’ingénieur connaît la résistance sur laquelle il peut compter… Il fallait pour arriver à ce but, commencer par assurer la régularité pratique des produits, et, pour cela, entrer aussi avant que possible dans les détails. Tout d’abord, il fallait assurer la régularité des minerais et des cokes, en en dirigeant avec sûreté l’exploitation et la fabrication, cette régularité devant être contrôlée par des analyses journalières82. »
86Entre 1867 et 1873, Le Creusot poursuit le développement de ses études en laboratoire pour reprendre complètement la question du fer, à partir d’une étude comparative des différents minerais à disposition de l’entreprise83.
87Le bilan du programme d’aménagement des exploitations minières réalisé depuis 1860 se solde par un résultat très positif auquel il convient d’apporter quelques nuances. Le développement des usines du Creusot et des mines qui les alimentent est spectaculaire. Il repose sur la croissance de la production de fonte et de fer, dans un contexte marqué par l’apogée de l’ère du fer. L’apparition massive de l’acier, bien qu’elle soit parfaitement appréhendée, soulève de nombreuses difficultés, surtout d’ordre technique. Un nouveau programme d’investissements, beaucoup plus aléatoire que le précédent, doit être engagé. Même si les convertisseurs Bessemer du Creusot ne fonctionnent qu’à partir de 1869, l’intérêt qu’Eugène Schneider porte à la fabrication de l’acier s’est manifesté à plusieurs reprises, à partir de 1861, soit aussi précocement que chez les autres grands maîtres de forges français. Il n’est pas encore question d’établir les convertisseurs adéquats, mais Eugène Schneider entreprend différentes démarches, en vue de garantir l’avenir. En octobre 1861, l’associé d’Henry Bessemer, Longsdon, propriétaire d’une aciérie à Sheffield, visite les bureaux parisiens de Schneider et Cie et en profite pour décrire les succès des ateliers équipés selon les procédés inventés par Henry Bessemer. Longsdon étaye son propos en présentant différents échantillons de rails, de bandages, d’acier pour outils qu’il obtient après transformation de fontes hématites en acier84. Profitant de l’offre de Longsdon d’ouvrir les portes de ses usines à un représentant du Creusot, Eugène Schneider envoie Daix, un agent de son laboratoire, mener une première mission. Il revient, en février 1862, enchanté par les résultats obtenus par le biais du procédé Bessemer. À la même époque, une conversation avec Euverte, le directeur de Terrenoire, lui aussi de retour du Royaume-Uni après avoir étudié la conversion de la fonte en acier, vient confirmer les progrès rencontrés dans l’application du procédé Bessemer, après des débuts quelque peu hésitants85. En avril 1862, c’est au tour d’Alfred Deseilligny, directeur du Creusot, de se rendre en personne, en Angleterre, pour étudier la fabrication et les applications de l’acier. Il s’agit, bien évidemment, de profiter de la vitrine de l’exposition universelle de Londres, pour se convaincre des progrès réalisés par l’acier. L’enthousiasme général cède encore fréquemment la place à la suspicion devant les échecs multiples que connaissent les appareils Bessemer. Le voyage de Deseilligny lui permet de se forger, sur l’acier, une opinion nuancée :
« Votre impression [celle de Deseilligny] sur la question Bessemer est rassurante pour notre avenir ; nous sommes heureux que vous n’y voyiez pas une révolution destinée à substituer l’acier au fer dans les grandes consommations à bon marché telles que les rails mais simplement un progrès important devant amener une réduction sensible dans le prix de l’acier tout en le laissant un produit encore cher et réservé, par suite, à des usages spéciaux. Nous pouvons dès lors continuer à marcher hardiment dans notre programme de production à bas prix, tout en laissant au procédé Bessemer une place largement suffisante pour des éléments de choix, tout en conservant nos éléments ordinaires et normaux pour notre grande production de fer86. »
88Malgré l’acquisition, en 1862, des brevets qui protègent le procédé Bessemer et la prise en compte de la question de l’acier dans le programme d’approvisionnements rédigé la même année, Deseilligny ne se montre pas pressé de construire une aciérie. Il fait preuve d’une grande prudence et reste conscient qu’à partir des équipements prévus dans le cadre du grand programme de transformation, Le Creusot ne dispose pas du potentiel technique pour fabriquer de l’acier Bessemer. Toutes les tentatives en ce sens, en Angleterre comme aux usines de Saint-Seurin, pourtant réalisées à partir des meilleures fontes du Creusot, ont donné des résultats déplorables. En 1863, de nouveaux essais se soldent encore par un échec :
« La question qui se présente maintenant tout naturellement est celle-ci, les fontes du Creusot qui ont été essayées chez MM. Jackson et Bessemer conviennent-elles pour la fabrication de l’acier Bessemer. À cette question, je répondrai non elles ne conviennent pas tout à fait, elles ne sont pas encore assez pures. On n’obtiendra pas de résultats certains en traitant ces fontes. Pour vous en bien convaincre rappelez-vous messieurs les résultats des essais chez M. Jackson… Je crois que les fontes du Creusot sont à la limite et qu’il faut encore les modifier, les produire plus pures, le prix de revient de l’acier Bessemer en sera moins élevé parce que la proportion de rebuts sera moindre et la qualité de l’acier supérieure87. »
89Un des responsables de la médiocrité des résultats ne tarde pas à être découvert, soulignant les progrès accomplis par la sidérurgie depuis le recrutement des deux premiers chimistes. Il s’agit des pisolithes berrichons qui présentent un excès de phosphore. À l’inverse, le minerai de Mokta-el-Hadid est considéré comme un de ceux qui conviennent le mieux à l’obtention de fontes appropriées aux exigences des convertisseurs Bessemer88. Mais le problème tarde toujours à être pleinement résolu. Malgré l’arrivée massive du minerai de Mokta-el-Hadid, les risques de voir l’acier creusotin rebuté par les clients sont importants. Eugène Schneider émet le diagnostic suivant :
« Nos machines soufflantes fournissent le vent avec régularité ; nos appareils à air chaud, s’ils laissent encore quelque chose à faire pour atteindre le degré de température désiré, n’en donnent pas moins des résultats beaucoup meilleurs [sic] que précédemment ; nos cokes sont plus réguliers au moins pour toute la fraction produite par les fours Appolt, nos chemins de fer amènent les minerais avec plus d’exactitude, nos estacades, tous nos agencements de la plateforme, procurent des facilités dont on manquait autrefois et cependant l’allure de nos hauts fourneaux est loin de s’améliorer… cette question de l’allure des fourneaux est, comme vous le savez, capitale au point de vue de tous nos résultats, nous lui avons fait de grands sacrifices d’argent, et il faut aujourd’hui ne rien négliger pour arriver à tirer tout le parti possible des dépenses faites89. »
90La modification du profil des hauts fourneaux résout le problème de l’élaboration des fontes aciéreuses90. À la fin des années 1860, un haut fourneau d’une hauteur de 22 mètres91 est spécialement construit pour l’alimentation des cornues Bessemer et est mis en feu au moment où l’aciérie entre en activité. La question du coke est aussi essentielle, comme nous le verrons au cours du chapitre suivant. Seuls les cokes obtenus dans les fours horizontaux conviennent à la réalisation de la fonte aciéreuse. Ces données font ressortir l’ampleur des difficultés auxquelles est confrontée l’entreprise au moment de s’engager dans la voie de l’acier. Il ne s’agit pas seulement de maîtriser le fonctionnement des convertisseurs. Il faut aussi, en parallèle, accomplir des progrès importants au niveau de la connaissance des minerais, de la fabrication des cokes et dans la conduite des hauts fourneaux. Ce n’est qu’au terme de plusieurs années d’efforts que l’ensemble de ces adaptations peut être réalisé. De là découle la nécessité de s’engager plus en avant dans la voie de l’intégration car, comme le note Édith Penrose : « Plus l’innovation est systémique, plus le besoin de coordination est important92. »
91Entre-temps, devant les contraintes qui ralentissent l’adoption du procédé Bessemer, c’est naturellement que le procédé de fabrication de l’acier au four Siemens Martin s’impose dès 1867. L’usine possède instantanément les moyens d’utiliser ce type d’installations. Les riblons93 sont fournis en grande abondance par les chutes des travaux de forges. Quant à la fonte requise par les fours Martin pour faciliter la fusion des matières ferreuses, il n’est pas indispensable d’avoir des exigences qualitatives aussi rigoureuses que pour les fontes destinées aux convertisseurs Bessemer94. À l’inverse, l’aciérie Bessemer, dont les deux convertisseurs de sept tonnes sont mis en chantier dès l’exercice 1865-1866, tarde à être achevée. Aux problèmes techniques s’ajoutent désormais des complications juridiques. Au terme du contrat signé par Bessemer et Schneider, en 1862, les premiers convertisseurs auraient dû être construits dès 1863. Bien que Le Creusot ait cherché à justifier ce retard par les motifs techniques que nous venons de présenter, Henry Bessemer intente un procès contre Schneider et Cie. Ce n’est qu’au cours de l’exercice 1869-1870 que l’acier Bessemer fait son apparition parmi les productions courantes des usines du Creusot, c’est-à-dire au moment où les principaux brevets qui le protègent tombent dans le domaine public. La maîtrise que l’usine acquiert dans la fabrication de l’acier égale bientôt ce qui a été obtenu dans le cas du fer. C’est encore une exposition universelle, celle de Vienne, en 1873, qui permet à l’entreprise de démontrer son savoir-faire dans le contrôle des produits métallurgiques qu’elle élabore et qu’elle vend. Par rapport à 1867, les progrès sont spectaculaires. Le Creusot présente toujours ses fontes d’affinage et de fonderie, mais intègre désormais les fontes aciéreuses et les spiegels. Au côté des fers qui conservent la différenciation présentée en 1867, une vitrine spéciale est consacrée à la classification des aciers, dans laquelle apparaissent trois marques de qualité, chacune distinguée par onze degrés de dureté. Une fois encore, outre les aptitudes des sidérurgistes creusotins, le choix rigoureux des matières premières et leur connaissance parfaite sont mentionnés pour expliquer comment Schneider et Cie ont pu, pour l’acier, « En établir la fabrication sur des bases fixes qui assurent une complète régularité » et « grâce à l’identité des matières et des procédés employés [ils] sont arrivés à produire, avec une certitude pratique, le métal à la dureté voulue pour chaque coulée95 ». Quant au procès, il ne trouve son épilogue qu’en 1877, après que la Cour de Cassation a définitivement débouté Bessemer de ses prétentions96. La prudence technique97 à propos de l’utilisation du procédé Bessemer au Creusot découle donc des multiples difficultés rencontrées pour adapter la production de l’usine aux rigidités des convertisseurs. Eugène Schneider a seulement voulu acquérir la certitude que l’excellence sur laquelle était assise la notoriété de l’usine dans le domaine du fer était transposable à l’acier.
92L’arrivée massive du minerai de Mokta-el-Hadid, les recherches menées en vue de fabriquer de l’acier, de concert avec le fer, se répercutent sur les exploitations de minerais siliceux. À partir de juin 1866, les premiers tonnages significatifs de minerai de Mokta parviennent au Creusot. Seuls quelques minerais riches sont encore utilisés, pendant quelques mois, pour compenser la faible teneur en fer des minerais calcaires de Mazenay-Change. Les minerais du Berry sont délaissés avec l’afflux de matières en provenance des littoraux du Sud de la Méditerranée.
93La régularité qu’Eugène Schneider entend donner aux acheminements de minerais ne peut se satisfaire du caractère très saisonnier qu’impose le rythme d’exploitation des minières du Cher. Au terme de la modernisation des exploitations, les capacités d’extraction dépassent très nettement les besoins. Sur 30 000 mètres cubes produits en 1863, Le Creusot n’en a consommé que 10 00098.
94À la suite de l’arrivée massive du minerai de Mokta, l’année 1866 marque, dans le Berry, un complet bouleversement de l’équilibre qu’entretiennent les principaux consommateurs de ce minerai. Eugène Schneider décide de liquider ses exploitations. Le 10 mai 1866, il cède à Châtillon-Commentry et Commentry-Fourchambault, les minerais qu’il fait exploiter dans le Berry. Les deux entreprises se répartissent les droits d’extraction du Creusot. Pour l’établissement bourguignon, le départ du Berry s’effectue dans des conditions financièrement douloureuses. Les stocks représentent plusieurs années de consommation. Ils subissent une importante dépréciation et leur valeur réelle chute nettement en dessous du prix de revient. La perte qui en découle, entièrement supportée au cours de l’exercice 1866-1867, représente une somme de 437 208,85 francs99.
95Le désengagement du Creusot reste, malgré tout, très positif. La présence dans le Berry, par les droits versés aux propriétaires, les frais d’extraction, de lavage, les stocks qu’elle impose, immobilise un fonds de roulement très important qui peut désormais être consacré à l’accroissement des capacités de production de l’usine. En quelques mois, l’arrivée massive des minerais méditerranéens brise la prospérité des exploitations locales. Les prétentions des propriétaires des terrains qui renferment les pisolithes sont rapidement annihilées. À ce propos, Eugène Schneider signale :
« Nous avions établi dans le Berry deux centres d’extraction [en fait trois] qui étaient placés dans de bonnes conditions et disposés de la façon la plus favorable. Mais dans ce genre d’exploitation, les opérations multiples ne se succèdent qu’avec beaucoup de temps et d’argent. Aujourd’hui que nous employons moins de ces minerais, nous vendons avec profit à nos confrères, une partie de notre extraction et nous espérons pouvoir dégager successivement de ces exploitations, une part considérable du fonds de roulement qu’elles immobilisent100. »
96Deux ans plus tard, il précise :
« Nos approvisionnements de minerais, comme vous le savez, reposent aujourd’hui sur des bases nouvelles comportant, sous divers rapports, de très notables avantages. Cependant, nous avions encore, sur différents points, des centres d’extraction ou des minerais extraits correspondant à une organisation antérieure. Sans doute, il était légitime de conserver en inventaire, toutes ces existences, en les cotant à leur prix de revient et d’en faire la liquidation graduelle, en ne profitant momentanément qu’en partie des avantages que comportent les éléments nouveaux. Mais il nous a semblé qu’il était à la fois plus sage et plus large de ramener immédiatement les minerais anciens, quels qu’aient été leurs prix de revient, à la valeur réelle qu’on peut leur attribuer, en prenant pour base le prix des minerais qui doivent seuls nous alimenter à l’avenir, de telle sorte que la production de nos fourneaux jouisse sans transition des conditions nouvelles101. »
97En fait, cet abandon rapide des minières du Berry accorde un avantage de quelques années, par rapport aux deux autres grandes entreprises que sont Châtillon-Commentry et Commentry-Fourchambault, toujours engagées dans un système d’approvisionnement devenu anachronique, depuis l’arrivée du minerai de Mokta.
98Mais ce n’est pas seulement par rapport à ses concurrents les plus proches que Le Creusot parvient à acquérir, au cours de la seconde moitié des années 1860, une supériorité technique évidente, reposant en grande partie sur le minerai de Mokta. Le même processus se dessine par rapport aux établissements du sillon rhodanien et de la Loire, dans la mesure où ces derniers se sont, avant l’aboutissement du projet Talabot, lancés dans l’acquisition massive du minerai de l’île d’Elbe, qui se révèle, en définitive, de qualité moindre que celui de Mokta. En fin de compte, le renouvellement des aires d’approvisionnement en minerai de fer et les compétences techniques que l’entreprise acquiert dans le domaine du contrôle de la qualité de ses produits expliquent les avantages décisifs dont Schneider et Cie disposent sur leurs concurrents sidérurgistes du centre, au cours des années 1860. La supériorité de l’entreprise au niveau des activités sidérurgiques de base lui offre aussi les moyens de se développer dans d’autres activités.

Figure 14 – Approvisionnements du Creusot au cours de l’exercice 1865-1866
Conclusion
99Au cours des années 1850 et 1860, les établissements Schneider parviennent donc à prendre le contrôle de la quasi-totalité des ressources en minerais de fer découvertes dans le département de Saône-et-Loire. Il ne s’agit pas, dans ce cadre, d’assurer seulement la sécurité des approvisionnements de l’usine du Creusot. L’objectif est beaucoup plus ambitieux. À la même époque, les houillères de Blanzy puis celles d’Épinac manifestent la volonté de diversifier leur activité en prenant pied dans la sidérurgie. En se portant acquéreur de l’ensemble des richesses ferrifères locales, Eugène Schneider interdit à ses fournisseurs potentiels la possibilité de devenir ses concurrents. Il évite aussi que ne soient réduites les possibilités d’accéder aux houilles cokéfiables qui commencent à être exploitées par ces deux compagnies.
100Bien que des efforts importants aient été consacrés à la mise en valeur des ressources minières locales ou pour contracter des marchés à long terme, auprès des premières grandes entreprises minières spécialisées dans la vente des minerais de fer, il semble bien que la question des transports soit demeurée essentielle102. C’est par la constitution d’un réseau ferré dense, autour de ses usines, par la possibilité d’être mis en relation, par les eaux comme par les chemins de fer, avec les principaux gisements producteurs de minerais et de charbons qu’Eugène Schneider est parvenu à mener à son terme la transformation de ses usines. Sans le chemin de fer, ni le minerai de Mazenay-Change, ni celui de Mokta n’auraient pu parvenir au Creusot à des coûts supportables. Tant que les conditions de transport restent déplorables, il ne peut envisager d’agrandissements et doit se contenter de modifications modestes, puisqu’il sait ne pas pouvoir compter exclusivement sur les ressources minières régionales, insuffisantes ou incomplètes. Dès lors que les minerais et les charbons arrivent en quantité et dans des conditions économiquement satisfaisantes, il lui est possible de poursuivre l’essor de son usine. Les exploitations minières les plus proches, par la modestie du prix de revient de leurs matières rendues à l’usine, compensent avantageusement le coût qu’impose toujours, malgré les progrès réalisés, le recours presque systématique aux chemins de fer. C’est alors que peut être perçu tout l’intérêt du site creusotin. Le charbon local, de qualité et à très bas prix, lui permet de consommer du charbon stéphanois, pourtant réputé particulièrement cher. Le minerai de Mazenay-Change offre au Creusot le moyen de devenir le principal client des mines de Mokta, alors que pourtant, à l’origine, l’usine souffre de coûts de transport légèrement supérieurs par rapport aux usines du sillon rhodanien et de la Loire, dans la mesure où elle est plus éloignée des rivages méditerranéens.
Notes de bas de page
1 Cf. P. Jobert, « Jalons pour le déclin de la métallurgie en Côte-d’Or (1830-1860) », Annales de Bourgogne, tome 52, 1980, p. 185-212.
2 C. Beaud, « Profit, investissement et croissance chez Schneider et Cie, au Creusot (1837-1853) », Revue d’histoire économique et sociale, 1977, p. 453.
3 Ce point renvoie à certains aspects de la théorie évolutionniste. Ainsi, B. Coriat, O. Weinstein, Les nouvelles théories de l’entreprise, Paris, Le livre de Poche, 2002, p. 126 notent : « Dans certaines circonstances, par exemple d’importants marchés gagnés par elle aux limites de ses compétences de base, la firme peut être conduite à développer spécialement certaines de ses compétences secondaires, et à les développer de telle manière qu’elles prennent une place de plus en plus importante. »
4 L. Meignen, Histoire de la révolution industrielle et du développement. 1776-1914, Paris, PUF, 1996, p. 104.
5 AFB, Registre de copies de lettres n° 25, Courrier au préfet de Saône-et-Loire, à Mâcon, le 7 novembre 1846.
6 Arch. nat., F 14-3859, Procès-verbal de visite de la mine de fer de Chalencey, Année 1844.
7 AFB, Registre de copies de lettres n° 25, Courrier au préfet de Saône-et-Loire, à Mâcon, le 7 novembre 1846.
8 A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 233.
9 Décret concédant au sieur Monnet les mines de fer de Change, Annales des Mines, 5e série, tome I, p. 64.
10 AFB, Registre de copie de marché n° 5, f° 291, Vente de la concession de Change par Mme veuve Monnet à MM. Schneider et Cie, le 27 août 1855.
11 AFB, Salon Schneider 1071, A. Deseilligny, Courrier au Sous-Préfet d’Autun, Le Creusot, le 1er février 1857.
12 Pour davantage de développement sur les implantations sociales Schneider et Cie à Mazenay-Change, cf. J.-Ph. Passaqui, Les grandes étapes du processus d’industrialisation aux périphéries de la sidérurgie bourguignonne, DEA d’Histoire sous la direction de M. Serge Wolikow, Université de Bourgogne, 1996, 160 p.
13 Promotion 1829. A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 159.
14 AFB, Registre de copies de lettres n° 28, Courrier à Deshaquets, à Lurcy-le-Bourg (Nièvre), le 31 juillet 1847.
15 A. Auclair, La sidérurgie de l’Allier, tome II. Les approvisionnements, tableau 15, IRIS, 1990-1991.
16 A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 284.
17 ADSL, S 594, Canal du centre. Règlements, statistiques, conservation. 1807-1875.
18 AFB, Archives du service du Contentieux des établissements Schneider et Cie en cours de traitement. Lionnet, Courrier adressé à A. Deseilligny, Bourges, le 24 novembre 1854.
19 B. Gille signale, à ce propos : « La proposition d’entente entre les maîtres de forges reçut donc un bon accueil. Un acte sous seing privé fut signé, dont le préambule avait été savamment rédigé par Eugène Schneider pour éviter l’accusation de coalition ou d’accaparement. » Dans Les vieux gisements…, op. cit., p. 181. L’entente de 1858 sur laquelle nous reviendrons au cours des pages suivantes fut plus difficile à concrétiser dans la mesure où la justice entama une enquête qui conduisit à l’inculpation de Stéphane Mony, le directeur de Boigues, Rambourg et Cie.
20 AFB, Registre de copies de Marchés, Volume 5, f° 232, Conventions entre M. Tourangin et MM. Schneider et Cie pour les minerais de Castelnau et Salon Schneider 294, Note du 11 novembre 1857.
21 Sur ce bouleversement technique, cf. G. Thuillier, Aspects de l’économie nivernaise au xixe siècle, Paris, Mouton, 1966, p. 307 à 312 et P. Leon, « L’exploitation et le traitement du minerai de fer dans le Cher : aspects patrimoniaux », Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, p. 183 à 198.
22 À propos de ces exploitations, le Garde-Mines Faugière notait encore, quelques années auparavant « Il suffit d’observer que les précieux et trop épuisables gîtes de minerais sur lesquels repose dans la Nièvre et le Cher l’industrie si importante des forges, se trouvent dans ce moment fouillées sans suite, sans ordre. » A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 192.
23 M. Jaubert, « Sur les usines à fer du Cher », Bulletin de la Société Géologique de France, 1858, p. 669.
24 G. Thuillier, Aspects de…, op. cit., p. 311.
25 A. Auclair, La sidérurgie…, op. cit., tableau 15.
26 ADSL, S 594, Canal du Centre, Règlements, statistiques, conservation, 1807-1875.
27 AFB, Salon Schneider. 0282-A-06, Lettre adressée à M. Schneider, Le Creusot, le 29 août 1866.
28 ADCO, XIV S a 23. Minières d’Épernay-sous-Gevrey.
29 Deseilligny appelle d’ailleurs minerai de Vougeot le produit des exploitations d’Épernay-sous-Gevrey.
30 AFB, Salon Schneider 292, Correspondance au départ de Mazerat, Lettre à destination du Creusot, Paris, le 5 octobre 1857.
31 N. Chezeau, De la forge au laboratoire. Naissance de la métallurgie physique (1860-1914), Rennes, PUR, 2004, p. 63-64.
32 AFB, Salon Schneider 292, Mazerat, Courrier à Eugène Schneider, Le 2 novembre 1856.
33 ADSL, S567, Affiche, Demande en permission de maintenir en activité une usine sur le territoire du Creuzot [sic], arrondissement d’Autun, Le Creusot, le 17 février 1859.
34 ADSL, S567, Estaunié, État des forges fonctionnant au Creusot, Chalon-sur-Saône, le 10 mars 1859.
35 Archives de la DRIRE Bourgogne, Concession de Saint-Aubin (illisible), Rapport de l’ingénieur ordinaire des Mines sur une demande en concession de minerais de fer de Saint-Aubin, Chalonsur-Saône, le 29 avril 1865.
36 B. Gille, « La sidérurgie française et le Traité de 1860 », Revue d’histoire de la sidérurgie, tome IV, 1963-1, p. 5.
37 AFB, 187 AQ 2, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 21 janvier 1854, Exercice 1852-1853.
38 Sur le tracé et la construction de la ligne de chemins de fer de Nevers à Chagny, cf. J.-Ph. Passaqui, « La construction de la ligne PLM de Nevers à Chagny », Actes du colloque Les chemins de fer en Nivernais, Les amis du Vieux Guérigny. Centre d’Études de la Métallurgie Nivernaise, 2004, p. 131 à 150.
39 F. Caron, « Les commandes des Compagnies de chemin de fer en France : 1850-1914 », Revue d’histoire de la sidérurgie, tome VI, 1965-3, p. 145.
40 AFB, 187 AQ 3, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 24 novembre 1856, Exercice 1855-1856.
41 Il s’agit d’un tronçon de la ligne de Chagny-Moulins commun, jusqu’à Montchanin, à la ligne Chagny-Nevers.
42 AFB, P.35, Chemin de fer des mines de Créot, Mazenay, Change, Cromey, 1860-1861.
43 AFB, 187 AQ 3, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 29 novembre 1862, Exercice 1861-1862.
44 Arch. nat., F 14-3877. Rapport sur la situation de l’industrie minérale dans le département de Saône-et-Loire, Année 1867.
45 AFB, 187 AQ 4, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 29 novembre 1865, Exercice 1864-1865.
46 AFB, 01G0887-02, Mobilier industriel et immeubles, Mines de Mazenay, Inventaire des propriétés, immeubles et mobiliers industriels du 30 avril 1898.
47 L. Simonin, « Le Creusot et les mines de Saône-et-Loire », Le Tour du monde, tome XV, 1867, p. 182. « La pierre rouge, ferrugineuse, peut être le même jour abattue, extraite, versée dans les wagons, et portée à l’usine sur la bouche des fours, pierre le matin, fonte le soir. »
48 AFB, Salon Schneider 0282-A-09, Grand programme de fabrication, octobre 1862, provenant des papiers de M. Julliotte.
49 ADCO, XIV S a 18, Instruction des demandes en concession de A à C.
50 AFB, Registre de copies de marchés, Volume 8, Forges d’Audincourt, Mines de Laissey.
51 ADD, 412 S 2, Procès-verbaux de visite, rapports, mémoires et correspondances, etc. 1843-1912 ; Rapport du Conseil général du Doubs, 1872.
52 Arch. nat., F 14-3860. Procès-verbal de visite de la mine de fer de Chalencey, année 1859.
53 Arch. nat., F 14-3877, Rapport sur la situation de l’industrie minérale dans le département de la Saône-et-Loire pour l’année 1867. L. Simonin est encore plus enthousiaste puisqu’il écrit : « Quelle fortune Le Creusot a trouvée là. » Le Creusot et les mines de Saône-et-Loire, 1865, p. 182.
54 AFB, 01G0639, Berthault, Notice sur l’exploitation des mines de fer de la concession de Change, Le Creusot, le 2 avril 1914.
55 Arch. nat., F 14-3877, Rapport sur la situation de l’industrie minérale dans le département de Saône-et-Loire pour l’année 1867.
56 Arch. nat., F 14-3877, Procès verbal de visite de la mine de Saint-Aubin, année 1866.
57 AFB, Salon Schneider 296, Mazerat, Correspondance au départ, Courrier adressé à Gustave Deseilligny, Paris, le 2 mars 1863.
58 AFB, Salon Schneider 0044, Correspondance A. Deseilligny, Courrier à Mazerat, Le Creusot, le 13 février 1860.
59 M. Rocour, « Note sur le gisement et l’exploitation de minerai de fer de Mokta-el-Hadid », Revue Universelle des Mines, tome 38, Paris/Londres/Liège, Desoer, 1875, p. 205.
60 Pour davantage de détails sur la mise en valeur des premières concessions minières d’Algérie, voir B. Gille, « Minerais algériens et sidérurgie métropolitaine », Revue d’histoire de la sidérurgie, tome I, 1960-4, p. 37 à 55.
61 CAMT, 65 AQ L 822, Compagnie des minerais de fer magnétiques de Mokta-el-Hadid, Anciennes coupures de presse, Journal des Travaux publics du 16 janvier 1879.
62 L’orthographe de Kharézas est très variable, B. Gille, « Minerais algériens… », op. cit., p. 45, l’utilise sans h. Nous avons conservé l’orthographe adoptée par l’usine du Creusot.
63 AFB, Registre de copies de marchés, Volume 9, f° 276, Marché de minerais de fer, 20 avril 1863, Complément du marché, le 27 juillet 1863.
64 AFB, Salon Schneider 296, Mazerat, Courrier adressé à Alfred Deseilligny. Paris, le 27 avril 1863. Il précise quelques jours plus tard : « Je ne sais si vous avez entendu parler d’une affaire métallurgique que M. Paulin Talabot va monter dans le midi. Cette affaire englobe les minerais de Bône – deux houillères achetées près de Bessèges, les aciéries de Firminy – les aciéries et fourneaux d’Albi et de Toulouse. L’idée est de fabriquer des fers de qualité et des aciers avec les minerais d’Afrique et les charbons du midi. Le capital est de 10 millions, sa constitution sera confiée à la grande société financière. L’affaire est sérieuse et paraît devoir se réaliser. »
65 La naissance de la compagnie des Mines de Mokta a fait l’objet de deux articles importants. B. Gille, « Paulin Talabot. Recherches pour une biographie », Revue d’Histoire des mines et de la métallurgie, p. 49 à 99 et B. Gille, « Minerais algériens… », op. cit., Contrairement à ce que dernier a pu écrire, l’abandon du minerai du Berry et son remplacement par celui de Mokta n’est pas lié à l’épuisement du premier.
66 B. Gille, « Paulin Talabot… », op. cit., p. 93.
67 AFB, Registre de copies de lettres non côté, Lettre de Mazerat à Henri Schneider, Paris, le 9 février 1864.
68 AFB, Salon Schneider 1071, Courrier d’Henri Schneider à Eugène Schneider, Le Creusot, le 25 mai 1865.
69 M. Rocour, « Note sur le gisement… », op. cit., p. 205 et CAMT, 65 AQ L 822-1, Compagnie des minerais de fer magnétiques de Mokta-el-Hadid, Assemblée générale de 1865.
70 AFB, 187 AQ 4, Rapport du gérant à l’Assemblée générale du 29 novembre 1865, Exercice 1864-1865.
71 AFB, 187 AQ 4, Rapport du gérant à l’Assemblée générale du 30 novembre 1866, Exercice 1865-1866.
72 B. Gille, « Paulin Talabot… », op. cit., p. 85. La fusion a eu lieu en 1857.
73 T. Hara, « Les investissements ferroviaires français en Algérie au xixe siècle », Revue d’Histoire économique et sociale, Tome 54, 1976, p. 192.
74 CAMT, 65 AQ L 822-2, Compagnie des minerais de fer magnétiques de Mokta-el-Hadid, Coupures de presse.
75 Les prix des minerais sont réglés selon des tarifs dégressifs, en fonction des tonnages expédiés. Les 5 000 premières tonnes sont facturées à raison de 15 francs par tonne, 13 francs entre 5 000 et 10 000 tonnes, 11 francs entre 10 000 et 15 000 tonnes, 9 francs entre 15 000 et 20 000 tonnes et 8 francs pour les quantités supérieures à 20 000 tonnes.
76 M. Rocour, « Note sur le gisement… », op. cit., p. 214 et CAMT, 65 AQ l 822. Compagnie des minerais de fer magnétiques de Mokta-el-Hadid. Rapport du Conseil d’administration de 1866.
77 Bulletin du Comité des Forges, le 15 septembre 1868.
78 F. Caron, Histoire économique de la France, Paris, A. Colin, 1995, 2e édition, p. 138.
79 AFB, Registre de copies de marchés, Volume 16, p. 182-183, Marché avec les mines de Seriphos, 4 octobre 1872.
80 L. Reybaud, « Compte-rendu sur la condition morale, intellectuelle et matérielle des ouvriers qui vivent de l’industrie du fer. Le Creusot », Académie des sciences morales et politiques, Paris, 1867, p. 20-21.
81 AFB, DH002, A. Rubin, « Notice sur M. Eugène Schneider », Extrait des mémoires de la société des ingénieurs civils, Paris, 1876, p. 5.
82 Ibidem, p. 5.
83 Archives de la DRIRE Bourgogne, Concession de Saint-Aubin, Chosson, Courrier à l’ingénieur des Mines de Chalon-sur-Saône, Le Creusot, le 27 août 1873.
84 AFB, Salon Schneider 295, Correspondance Mazerat, Paris, le 19 octobre 1861.
85 Pour une comparaison de l’attitude d’autres grandes entreprises face à la question de l’acier Bessemer, cf. la description faite par A.-F. Garçon à propos des Forges de Terrenoire. A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine…, op. cit., p. 290 et, sur cette même usine, E. Truffaut, « Ferdinand-Henry Valton, un ingénieur français en Russie dans les années 1870 », Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004, p. 228 à 235.
86 Visite qui doit coïncider avec son déplacement à l’exposition universelle puisqu’il est passé par Londres. Il s’est aussi rendu dans le Cleveland. AFB Salon Schneider 296. Correspondance Mazerat. 8 avril 1862.
87 AFB, Salon Schneider 1071, DAIX, Courrier adressé à Schneider et Cie, au Creusot, Londres, le 11 août 1863.
88 L. Grüner, « De l’acier et de sa fabrication », Annales des mines, 6e série, tome 12, 1867, p. 254.
89 AFB, Salon Schneider 296, Courrier de Mazerat à Gustave Deseilligny, Paris, le 21 février 1863.
90 Sur les dimensions particulières des hauts fourneaux du Creusot, cf. dans le chapitre III, le paragraphe consacré aux fours à coke Appolt.
91 Au lieu de 20 mètres pour les installations plus anciennes.
92 O. Bouba-Olga, L’économie de l’entreprise, Paris, Le Seuil, 2003, p. 140.
93 Déchets de ferrailles.
94 J. Vial, L’industrialisation de la sidérurgie française. 1814-1864, Thèse pour le doctorat, vol. I, p. 287.
95 « Le Creusot à l’exposition universelle de Vienne », Annales industrielles, 5e année, 14 décembre 1873. Ce paragraphe renvoie aux travaux de N. Chezeau, L’émergence d’un nouveau domaine scientifique au tournant du xxe siècle : la métallurgie physique. Une perspective internationale, Thèse de doctorat en histoire des Sciences et des Techniques, Université de Nantes, 1999.
96 Bessemer contre Schneider et Cie, L’Ancre de Saint-Dizier, le 12 avril 1877.
97 Ce terme est employé par C. Beaud : C. Beaud, « Schneider, de Wendel et les brevets Thomas. Le tournant technique de la sidérurgie française (1879-1880) », Cahiers d’Histoire, tome XX, n° 3, 1975, p. 363 et confirmé par A.-F. Garçon, Entre l’État et l’usine, op. cit., p. 289.
98 AFB, Salon Schneider 1071, Pièces industrielles remises par M. Schneider pour être classées, novembre 1863.
99 AFB, 187 AQ 4, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 30 novembre 1867, Exercice 1866-1867.
100 AFB, 187 AQ 4, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 29 novembre 1865, Exercice 1864-1865.
101 AFB, 187 AQ 4, Rapport du gérant à l’assemblée générale du 30 novembre 1867, Exercice 1866-1867.
102 B. Griault, « La sidérurgie française de 1860 à 1880 », Revue d’histoire de la sidérurgie, tome VI, 1965, p. 205.
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