Chapitre V. Prise en compte de toutes les révoltes
p. 183-227
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Texte intégral
L’intervention dans la jeunesse scolarisée et la poursuite du « travail armée »
1Dans la deuxième moitié des années soixante-dix, la LCR est encore une organisation composée en majorité de jeunes (la moyenne d’âge est de 25,8 ans) et une partie importante de ses militant(e)s sont encore en formation. Si les étudiants ne sont plus majoritaires1, ils représentent encore avec les lycéens le quart des membres de l’organisation et près de la moitié des sympathisants2. En 1976, la Ligue aurait compté environ 1.000 militants étudiants-lycéens3. Dans les villes les plus importantes de la Ligue, Rouen et Toulouse, les étudiants étaient 34 et 38 en 1972, mais seulement 8 à Nantes et 15 à Rennes4.
Étudiants, lycéens, collégiens
La présence de la Ligue à l’université
2Cette organisation, finalement née dans l’université, y est toujours très présente tout au long des années soixante-dix, malgré sa volonté de « s’en arracher ». À la rentrée de l’automne 1968, à Toulouse, les étudiants de la Ligue sont les principaux artisans des manifestations les plus gauchistes : interruption du cours de Jean Sentou à la faculté des lettres le 19 novembre 1968 pendant cinq minutes, perturbation plus longue du cours de Maurice Fromilhague le 20 décembre 19685.
3Cependant, la Ligue se détermine très tôt de manière critique par rapport aux autres organisations gauchistes. Ainsi en 1970, Rouge prend nettement position contre l’agression dont a été victime le Doyen Ricœur à Nanterre6, de la part d’éléments qualifiés « d’anarcho-maos » ou « d’ultragauchistes7 ». Cette affaire lui donne l’occasion de se démarquer de ce qu’elle qualifie de méthodes terroristes. Ces agressions « contre des individus isolés et sans défense » desservent les causes qu’elles sont censées défendre8. Mettre un trait d’égalité entre maoïstes de la GP et de VLR et militants de la LC, tous « prônant ouvertement la destruction de l’Université bourgeoise », comme le fait Didier Fischer, est donc pour le moins rapide9. La Ligue n’en est pas moins convaincue de la nécessité de mener le combat contre la réforme d’Edgar Faure, dénoncée comme une tentative de cogestion. La participation est condamnée et les élections aux conseils de gestion activement boycottées. Il n’empêche que très tôt, un éditorial de Rouge trace une frontière entre « ceux qui veulent recomposer un front de lutte à l’université (c’est-à-dire la Ligue, NdA) et ceux qui prétendent simplement vouloir détruire l’université10 ».
4À partir de 1972 des objectifs précis sont définis. Il faut lutter contre la volonté de l’État de dépenser moins pour l’université, également contre l’entrée dans les divers conseils de personnalités issues du monde économique : la Ligue y voit une tentative de « mainmise du patronat » sur l’université. Les militants de la Ligue, soucieux de ne pas se laisser déborder sur leur gauche, tendent à assimiler professeurs/gestionnaires et représentants du pouvoir honni. Et ils usent contre eux de méthodes telles que la séquestration, popularisées par les ouvriers en lutte. Alain Corbin, alors professeur à l’université de Tours, raconte qu’en 1976, parmi les étudiants qui le séquestrèrent, lui et les membres du conseil de faculté, se trouvaient des anarchistes et des militants LCR11. Robert Chiche, leader étudiant de la Ligue à Poitiers, est inculpé pour avoir séquestré le recteur d’académie et le président de l’université de Poitiers, le 16 février 197112.
5Quant à l’attitude à avoir par rapport aux examens, elle est l’objet d’une réflexion assez approfondie lors de la grande grève étudiante de 1976. J. Krasny, dans Rouge ne prône ni le boycott ni l’admission de tous aux examens. Plus modestement, et de manière plus réaliste, il demande la double correction des copies ou l’oral public13.
Le lent retour au syndicalisme étudiant
6Le retour à une orientation plus traditionnelle, syndicaliste, date de cette année 1976, qui voit le monde étudiant se mobiliser massivement contre le projet de réforme du second cycle universitaire défendu par Jean-Pierre Soisson et Alice Saunier-Séïté. Dans le souci qu’avait le projet de donner plus d’autonomie à chaque établissement, les étudiants voient le risque d’une pénétration accrue des organisations patronales dans l’université. Ils redoutent une remise en question de la valeur nationale des diplômes. Enfin, ils craignent une sélection accrue à l’entrée du second cycle. Cette reprise de l’agitation étudiante14 coïncide avec un retour de la Ligue à une conception plus classique du militantisme en milieu étudiant. La page du Front rouge ouverte par le Deuxième souffle auquel la Ligue — malgré quelques adaptations tactiques — était restée attachée, est définitivement tournée. Il n’est plus question d’instrumentaliser le milieu étudiant pour construire le parti, mais de respecter ses rythmes et sa diversité. Cette orientation est officialisée par le deuxième congrès de la LCR, dont une des résolutions annonce la « bataille pour un syndicat unitaire qui regroupe tous les courants se réclamant de la classe ouvrière15 ».
7Le Mouvement d’Action Syndicale (MAS), né en avril 1976 avec le soutien de la CFDT et du PSU, apparaît comme un cadre adéquat auquel les militants étudiants de la LCR adhèrent en novembre 1976, à l’occasion du congrès du mouvement tenu à Lille16. La cohabitation des militants de la LCR et de ceux du PSU ou du PS n’est pas sans nuages. Mis en minorité, ces derniers quittent le MAS au congrès de Grenoble (mai 1977)17. Mettant en pratique la résolution de congrès en faveur d’un syndicat unitaire, la LCR se rapproche alors de l’UNEF-US sous direction lambertiste, sur la base du refus de la participation aux conseils de gestion des établissements universitaires. Après avoir signé un protocole d’unification en janvier 1980, celle-ci devient effective au congrès de Paris (Nanterre) les 3-4 et 5 mai 1980. Dans la nouvelle organisation, l’UNEF-ID (Indépendance et Démocratie) présidée par le lambertiste Jean-Christophe Cambadélis, les militants et sympathisants de la LCR rassemblés dans la tendance Luttes Étudiantes-Action Syndicale (LEAS) obtiennent 15 % des mandats. Cette réintégration des militants de la Ligue dans le syndicalisme étudiant n’apparaît pas comme une capitulation totale puisque le document adopté au congrès, la Charte de Paris, reprend une de leurs idées centrales. Au moment de l’action, les syndicalistes doivent « créer les meilleures conditions démocratiques du mouvement18 », c’est-à-dire donner vie aux AG, comités de grève, coordinations, les structures d’auto-organisation.
8Il n’empêche. La lenteur avec laquelle la Ligue a modifié sa stratégie ne lui a pas permis de conserver en milieu étudiant le poids qu’elle avait au début de la décennie.
Une présence continue dans les lycées
9Les lycéens ayant le statut de militants n’ont jamais été très nombreux à la Ligue. Les cellules lycéennes sont souvent composées d’une majorité de non-lycéens, surveillants d’externat ou maîtres d’internat et jeunes professeurs. Au congrès de fondation de la LCR (1974), les lycéen(ne)s sont environ 150, dont le tiers ou le quart dans la région parisienne19. Parmi les délégués au congrès (420), trois seulement sont lycéens ; au IIIe congrès de la LC (décembre 1972), ils étaient 11 sur 287 délégués.
10Malgré cette faiblesse numérique, la Ligue est souvent à l’initiative des mobilisations du début de la décennie, les militants ne désertent pas le terrain une fois celles-ci terminées. Ils ne sont pas seulement des organisateurs de grèves ou de manifestations, ils sont présents aussi dans les ciné-clubs ou les foyers des lycées20. Cette attitude participative, qui peut se traduire aussi par des interventions/contestations dans certains cours, est diversement appréciée par les enseignants. Elle en réjouit certains, beaucoup d’autres s’en offusquent surtout quand elle prend, au cours de la grève contre la loi Debré, la forme de contre-cours. Il est arrivé en effet que dans certains lycées, à l’initiative de militants, les lycéens décident d’organiser des débats ou des informations sur différents thèmes, que les programmes officiels ne permettent pas d’aborder. C’est d’ailleurs pour répondre à cette demande que le ministère décide à la rentrée de septembre 1973 de créer les « 10 % ». Pendant 10 % du temps scolaire, on va permettre aux lycéens — mais seulement à ceux des séries classiques et modernes, les lycéens du technique n’y ont pas droit — et aux professeurs de travailler différemment, sur des thèmes choisis par eux. Le cadre traditionnel de la classe est brisé et les professeurs peuvent travailler à plusieurs. Sans se faire d’illusion sur cette innovation qualifiée de « soupape de sûreté21 », les militants l’utilisent. Dès le 14 septembre 1973, sous le titre « Les 10 % de liberté », Rouge engage ses militants à jouer le jeu. Au lycée Voltaire par exemple, les 10 % ont été l’occasion de débats sur l’armée, sur l’avortement : « Les 10 %, on doit les utiliser comme on l’entend, les détourner de leurs objectifs initiaux », affirme Patrick, un des lycéens de Voltaire22.
11Dans les lycées, les militants de la Ligue semblent donc plutôt bien insérés, sans doute moins aspirés par les activités extérieures que les militants étudiants. Après la lutte contre la loi Debré, la Ligue continue à coordonner l’activité de ses cercles rouges lycéens, organisant une 4e (24-25 novembre 1973) puis une 5e rencontre nationale (9-10 mars 1974) même si l’attention s’est un peu déplacée vers les CET.
Dans les CET : la rivalité entre les deux frères ennemis du trotskysme, LO et LCR
12La volonté proclamée de construire une organisation implantée dans la classe ouvrière incite très tôt la Ligue à s’intéresser aux élèves des Collèges d’Enseignement Technique (CET), et également aux étudiants des Instituts Universitaires de Technologie (IUT)23. Le souci de ce secteur l’amène à publier un journal spécifique, moins généraliste que Jeunesse Rebelle, son journal lycéen. Ce sera Technique Rouge, journal des Cercles rouges du technique, à partir du début de l’année 1973. Sa périodicité est irrégulière, et ce secteur d’intervention de la Ligue a du mal à trouver un rythme de fonctionnement régulier, malgré quelques succès à Rouen et au Havre donnés en exemple24. Le 28 mars 1975, un texte du secrétariat jeune du CC tire la sonnette d’alarme, regrettant que la Ligue n’ait pas mis assez de forces sur le secteur25.
13Au cours de ces années, le milieu est très mobilisé autour de thèmes spécifiques résumés par le slogan très en vogue à l’époque : « Non aux CET casernes ». Dans les CET, les horaires de travail sont plus lourds, la discipline plus stricte que dans les lycées. Les enseignants, souvent d’anciens ouvriers, sont moins portés aux innovations pédagogiques. D’ailleurs le ministère, comme nous l’avons vu, n’étend pas les 10 % au technique, accréditant l’idée qu’existent deux jeunesses. Lutte Ouvrière, très intéressée elle aussi par cette jeunesse pré-ouvrière s’emploie à cultiver ces différences entre collégiens et lycéens. Sur cette base un peu corporatiste elle réussit à s’implanter plus fortement dans ce milieu que la LCR. Elle regroupe ses contacts dans Ceux du technique, capable de réunir 1.000 collégiens à la Mutualité, début avril 197626. Thierry Jonquet raconte la facilité avec laquelle, jeune militant de LO, il parvient à l’issue de trois ou quatre visites à « accrocher » un petit groupe d’élèves dans un lycée professionnel de la porte de Pantin27. D’après le rédacteur, impressionné, d’une circulaire du secrétariat CET de la Ligue, en période de mobilisation, LO est capable « d’envoyer chaque jour deux militants à la porte de 50 CET », couronnement d’un travail suivi et personnel (le fameux « bouton de veste ») d’une redoutable efficacité28. Rouge oriente ses contacts vers une organisation concurrente, la Coordination Permanente (CP) des CET, remportant des succès ponctuels29. Les JC y adhèrent aussi et la CGT soutient une organisation qui se veut un pré-syndicat. La division durable entre les deux organisations trotskystes, leurs conceptions très différentes du militantisme dans ce domaine comme dans bien d’autres, ne permettent pas l’unification de ces deux organisations de collégiens30.
14Jusqu’à la fin des années soixante-dix, l’intervention de LO dans les CET éclipse celle de la Ligue, alors que cette dernière est plus à l’aise dans les lycées.
La création des JCR
15Cette présence importante de l’organisation dans la jeunesse amène certains dirigeants à poser le problème de la création d’une organisation révolutionnaire de la jeunesse. D’autres s’y opposent, craignant de voir une telle organisation se laisser séduire par les sirènes gauchistes. Mais ils finissent par céder, la création des JCR « liés programmatiquement à la LCR et à la QI », est un des objectifs fixés par le IIe congrès de la LCR (janvier 1977)31. Un mensuel en direction des jeunes, Barricades, commence à paraître en janvier 1978. Tout au long de l’année 1978 se succèdent des rencontres ou des stages jeunes. Au cours des mois de juillet-août sont organisés des séjours de jeunes au Pays basque espagnol, en liaison avec la LCR et les JCR espagnols, puis en Italie après que la police basque ait expulsé les participants à ces « vacances rouges32 ». Finalement, le congrès constitutif des JCR a lieu les 16, 17, 18 mars 1979. L’organisation revendique 1.000 militant(e)s répartis en 128 cercles et 60 sections, les militants de la LCR représentant le tiers des effectifs. Dans la section de Seine-Saint-Denis, composée de 9 cercles, la seule sur laquelle nous ayons des renseignements33, les membres se répartissent à peu près à égalité entre jeunes travailleurs et jeunes en formation, les lycéens étant surreprésentés par rapport aux élèves de CET. Les JCR ne connaîtront pas un essor extraordinaire, l’organisation convie malgré tout ses membres à des stages d’été au cours des années quatre-vingt, dans une maison située dans un village de Saintonge (Genouillé, 17), une maison léguée à la LCR par Marcelle Berthaud, militante de La Rochelle34.
L’importance du « travail armée »
16Comme nous l’avons vu, le « travail armée » est une constante chez les militants de la Ligue. Après la campagne Devaux-Hervé-Trouilleux, le combat contre la loi Debré a permis de mobiliser une partie de la jeunesse sur des thèmes antimilitaristes.
17Le soutien aux paysans du Larzac en lutte contre l’extension du camp militaire35 permet aux diverses organisations « gauchistes », dont la Ligue, de maintenir la pression sur ce terrain. Par ses tracts, ses affiches, la Ligue appelle à manifester le 14 juillet 1972, conjointement avec son organisation sœur d’Angleterre, l’International Marxist Group (IMG)36. La dénonciation de l’extension du camp du Larzac permet aux deux organisations de lutter contre l’armée plutôt que de lancer le combat régionaliste. La mobilisation a pour but de faire échec à la militarisation progressive de l’Europe plutôt que de défendre « nos » paysans, « notre » patrimoine37.
18Très vite aussi, est posé le problème de l’attitude des jeunes face au service militaire. Rouge informe sur l’objection de conscience, rappelant à l’occasion qu’une loi de 1963 permet de remplacer un service militaire par un service civil. Elle le fait d’autant plus volontiers quand il s’agit de défendre des objecteurs qui refusent l’armée non pour des convictions religieuses, mais parce qu’ils pensent que l’armée est « l’instrument de l’impérialisme38 ». Mais elle préfère que les jeunes fassent leur service militaire39 et s’y conduisent en « militants ouvriers », à l’image de Jean-Jacques Martin. Ce dernier, militant du PC et appelé au 151e régiment du train à Fontainebleau, refuse de conduire son camion pendant la grève du métro (octobre 1971)40.
19Ce triple soutien aux paysans du Larzac, aux objecteurs de conscience et aux appelés réprimés rapproche la Ligue de certains chrétiens comme le pasteur René Cruse41. Le combat antimilitariste civil se structure en décembre 1972 avec la création du Comité de Défense des Appelés (CDA), annoncé en première page de Rouge42, et soutenu par une vingtaine de personnalités politiques (essentiellement des militants de la Ligue), culturelles (Jacques Doniol/Valcroze, Philippe Sollers, Marcellin Pleynet) et religieuses (plusieurs pasteurs, le Père Cardonnel). Le CDA publie un périodique, Crosse en l’Air, à partir de février 1973, et s’efforce de soutenir les luttes des soldats qui ne tardent pas à prendre de l’ampleur.
20Mais la Ligue engage ses militants à faire le service militaire et à militer au sein de l’armée. Une telle attitude est justifiée par la nécessité d’imposer les droits démocratiques dans cette zone de non-droit, mais aussi parce qu’au moment décisif de la révolution l’armée risque d’avoir un rôle déterminant. Il faut donc profiter au maximum de la formation militaire donnée et même exiger que le service militaire soit accessible aux femmes43. Le premier devoir d’un militant de la Ligue appelé à faire son service militaire est de ne pas s’y soustraire. Seule l’organisation peut décider de la réforme du camarade si elle considère que son utilité est plus grande à l’extérieur que dans la caserne. Ainsi G. Filoche explique qu’en 1970 le BP, désireux de créer une solide équipe de permanents, lui demande de se faire réformer44. Plusieurs des dirigeants importants de la Ligue semblent avoir échappé au service militaire, grâce à des certificats médicaux de complaisance, comme nous l’a confirmé non sans amertume Jean-Philippe Ternon45.
21Depuis la fin de l’année 1972, une Commission Nationale Armée (CNA) centralise ce travail. En 1973-74, « sur ce secteur très dur et très prenant », écrit Matti (G. Filoche), il y eut jusqu’à 4 et 5 permanents46. A. Brossat, aujourd’hui professeur de philosophie, et J.-F. Vilar, écrivain, en faisaient partie. Il n’est pas rare que la CNA écrive au BP quand elle est informée de manquements à la règle. Ainsi elle est étonnée que le congrès de ville de Tours ait émis un vote autorisant la réforme de « plusieurs camarades », dont l’un jugé « décisif pour le travail lycéen ! ! ! ». Les trois points d’exclamation sont dans le texte de la CNA, qui juge « cette initiative incorrecte47 ». C’est par une lettre longue, embarrassée, que List, étudiant en 4e année de droit, soucieux de réussir le Certificat d’Aptitude pour la Profession d’Avocat (CAPA), demande au BP d’autoriser sa réforme. Étant sur cette question en accord complet avec l’orientation de l’organisation, il est en pleine contradiction, il en est conscient, et pour montrer son sérieux, il rappelle son ancienneté dans l’organisation, « sympathisant organisé depuis 7 ans et militant depuis bientôt 3 ans48 ». Le cas est parfois poignant quand c’est un militant d’origine espagnole récemment naturalisé qui demande sa réforme au BP. Militant discipliné, il prend soin au début de sa lettre de dire que son installation en France — il a une compagne française — s’est faite avec l’accord de la LCR espagnole. S’il veut éviter l’armée ce n’est pas par peur de la répression, mais parce qu’il risque, en cas de condamnation pour travail antimilitariste, d’être déchu de la nationalité française et d’être expulsé du pays49. On peut donc penser que la grande majorité des militants en âge de faire leur service militaire accomplissent leur devoir, à la fois vis-à-vis de la République et de la Ligue communiste. Une fois à l’armée (« tout le temps du stage ») ils sont priés de rester en contact avec la CNA50.
22Il n’est pas étonnant qu’un tel sérieux organisationnel ait eu des résultats importants, d’autant plus que l’armée, épargnée par les événements de Mai 68, est restée une organisation traditionaliste. Confronté à la contestation qui se développe dans son unité, le commandant du camp d’Auvours (2e RIMA près du Mans), le colonel Jean-Roland de Heaulme de Boutsocq réagit ainsi :
Qu’on le veuille ou non, le régiment est un corps et ressemble à une famille. Évidemment dans une famille, il y a des enfants qui ne comprennent pas ce que font et décident leurs parents51.
23Une partie de ces « enfants indisciplinés » sont organisés dans le Front des Soldats, Marins et Aviateurs Révolutionnaires (FSMAR). Le FSMAR, créé le 1er octobre 1972, est destiné à encadrer les militants et sympathisants qui sont appelés dans l’armée et les militaires de carrière. C’est une « fraction rouge », la coordination des noyaux communistes. Dans le Manifeste du Front est clairement affirmée la volonté de renouer avec l’antimilitarisme originel du mouvement ouvrier français, « antimilitarisme révolutionnaire rangé par le PC au placard des péchés de jeunesse52 ». Si le FSMAR regroupe les militants les plus conscients, les plus résolus, il doit œuvrer à la création de comités de soldats sur diverses revendications. Ceux-ci sont définis comme des regroupements larges de soldats pour les droits démocratiques53. Le respect des règles de clandestinité et le sérieux organisationnel permettent à la Ligue de réussir un coup d’éclat en faisant défiler une trentaine de soldats en uniforme, le visage masqué, dans le cortège du 1er mai 1973, quelques semaines après les grandes manifestations lycéennes contre la loi Debré54. À Tarbes, le 20 février 1973, les militants avaient manifesté contre les manœuvres militaires. Bernard Chamayou, enseignant, candidat de la Ligue aux élections législatives, est inculpé « d’injures publiques aux armées ». Il a été condamné à 1.000 francs d’amende avec sursis55. Avant le procès, le journal local La Nouvelle République des Pyrénées, exprimant le sentiment commun, souligne que le militant est poursuivi pour délit d’opinion, « quoique l’on puisse penser de sa tentative de remettre en pratique l’antimilitarisme révolutionnaire56 ». Implicitement le journaliste appelle à un verdict de clémence.
24Un grave accident survenu au cours de manœuvres à Chézy-sur-Marne (Aisne) est l’occasion d’une véritable campagne autour du droit qu’aurait l’armée aux 7 % de pertes. Au cours de la nuit du 23 au 24 janvier 1974, un groupe de soldats du 51e régiment d’infanterie d’Amiens en exercice de nuit s’étant abrité sous un tunnel ferroviaire, a été fauché par un train de marchandises. Huit des hommes sont morts sur le coup, un a été grièvement blessé57. Aussitôt, le CDA du Havre tient une conférence de presse à laquelle participent trois havrais anciens appelés du 51e RI, dont André Rosevègue militant de la Ligue récemment libéré de ses obligations militaires (septembre 1973)58. Cet accident est l’occasion de remettre en question les stages commandos organisés par ce régiment à Margival qui, sous prétexte d’aguerrir les recrues, les mettent en danger. À l’occasion du procès, quelques manifestations de solidarité sont organisées à Rouen, à Paris. Mais cet événement est vite éclipsé par l’Appel des Cent.
La poursuite du « travail armée » : des initiatives spectaculaires
25Tant d’opiniâtreté finit par élargir l’influence des militants dans les casernes. L’Appel des Cent est l’aboutissement de ce travail de taupe et en même temps le point de départ d’une action au sein de l’armée qui irradie largement au-delà de la Ligue, influençant des milieux jusqu’ici réticents devant les initiatives de l’extrême gauche.
L’Appel des Cent
26Le contexte est propice. Nous sommes en pleine campagne électorale présidentielle, A. Krivine est candidat, et la Ligue est décidée à faire entendre sa différence. C’est sur le terrain de l’armée, traditionnellement déserté par la gauche, que la Ligue crée la surprise. Le 30 avril 1974, à la télévision, le candidat Krivine s’adresse directement aux « soldats, marins, aviateurs », les encourageant à constituer des comités de soldats et à se battre pour leurs droits59. Dans le cortège du 1er mai défile à nouveau une rangée de militants du Front en uniforme, le visage recouvert d’un bas de soie. Mais c’est entre les deux tours que l’initiative la plus spectaculaire est prise, avec la publication de l’Appel des Cent dans les colonnes de Rouge, le jeudi 16 mai 1974. L’appel est une lettre ouverte adressée aux deux candidats, rappelant les principales revendications du mouvement des soldats en gestation : liberté d’information dans les casernes, libre choix de la date d’incorporation entre 18 et 25 ans, solde égale au Smic, abolition des tribunaux militaires. Cet appel est signé par 100 marins, soldats et aviateurs : marins de Toulon, soldats du 2e groupe de chasseurs mécanisé stationné à Saarburg (RFA), avec le caporal Jean-Philippe Ternon, originaire du Havre, militant de la Ligue, membre du CC, soldats de la base aérienne de Francazal-Toulouse. La Ligue a eu un rôle essentiel dans cette initiative. L’AMR et le PSU tentent de reprendre pied en créant Information pour les Droits du Soldat (IDS), « pour prolonger l’écho de l’Appel des Cent60 ». La pétition a un succès qui dépasse toutes les espérances de ses initiateurs. Début juillet, ce sont 1.000 soldats qui ont signé l’Appel, le cap des 2.000 est franchi le 15 août.
27Dans un premier temps, les autorités militaires réagissent par la répression, une répression sélective, visant les militants, les « meneurs ». J.-Ph. Ternon a été cassé de son grade de caporal et muté au 5e régiment de chasseurs de Périgueux, où il est mis aux arrêts pour 30 jours. Tout au long du mois de juillet, le père de Jean-Philippe, Paul Ternon, enseignant, militant du SGEN et de l’UL CFDT du Havre, a sillonné la France de l’Ouest, demandant la mise en liberté de son fils. Très vite le SNES, auquel appartient J.-Ph. Ternon, surveillant d’externat au lycée Claude Monet du Havre, le soutient, de même que le député-maire communiste du Havre André Duroméa61. La fédération de la Dordogne du PC s’associe à ces protestations, de même que le député communiste de Dordogne Lucien Dutard, qui intervient directement auprès de Jacques Soufflet, ministre de la Défense62. Pour Rouge le succès est total, même L’Humanité, habituellement au mieux silencieuse sur les activités des « gauchistes », en a parlé positivement le 7 juillet63. Le président de la République récemment élu, V. Giscard d’Estaing, doit tenir compte lui-même de ce mouvement d’opinion. Le Monde annonce sa décision de consacrer la première semaine d’août à l’étude des problèmes de la Défense, parmi lesquels ceux de la condition militaire. Le ministre de la Défense rend public le 28 août un premier train de dix mesures, parmi lesquelles la décision de ne plus interdire dans les casernes des journaux comme L’Humanité64.
La manifestation de Draguignan
28Mais le plus spectaculaire reste à venir. À Draguignan, le 10 septembre 1974, 200 soldats en uniforme appartenant au 19e régiment d’artillerie, soit le quart des effectifs, défilent dans les rues protestant contre les injustices. Les permissions sont trop souvent « sucrées » disent-ils, et les sanctions trop « salées65 ». Une photo montrant une joyeuse bande de jeunes soldats, tête nue pour la plupart, en treillis militaire, est publiée en une par la plupart des journaux. Beaucoup d’Antillais, plus de 30, sont dans la manifestation, réclamant la fin du racisme et refusant, disent-ils, d’être les « boys » des casernes. Tout de suite, les journaux font le rapprochement avec l’Appel des Cent. Trois soldats considérés comme les meneurs sont arrêtés, Serge Ravet, étudiant de 19 ans, Alex Taurus, un Antillais et Robert Pelletier. Ce dernier, « chef des meneurs », sursitaire de 26 ans, surveillant d’externat au lycée technique de Gennevilliers, militant du SGEN et de l’UL CFDT, est un militant de la Ligue, signataire de l’Appel des Cent. Ils sont jugés le 7 janvier 1975 à Marseille devant le tribunal permanent des forces armées. Au cours du procès, la plupart des témoins, soldats ou anciens soldats cités par l’accusation, refusent de charger les accusés et souvent ne confirment pas ce qu’ils avaient dit lors de l’instruction. Dans le pays, un important mouvement de soutien est organisé, mobilisant l’ensemble des groupes d’extrême gauche, de nombreux artistes, ainsi que René Dumont, Charles Piaget, plusieurs parlementaires antillais, dont Aimé Césaire. Le responsable des questions militaires du PS, Charles Hernu, se déplace pour plaider en faveur des jeunes soldats. Le verdict est clément. A. Taurus est acquitté, il est libéré le soir même. R. Pelletier et S. Ravet, condamnés à un an de prison dont 8 mois avec sursis sont libérés trois jours plus tard66. Rouge parle de victoire et se félicite une nouvelle fois du soutien apporté par le PC67.
Des sections syndicales d’appelés ?
29Le problème qui se pose désormais est de savoir s’il faut passer à la construction de sections syndicales dans les casernes, liées aux syndicats ouvriers. À l’automne 1974 la CNA est plutôt contre. Elle encourage la formation de Comités de soldats, « regroupements larges » pour les droits démocratiques, « autour d’un noyau stable de militants d’avant-garde68 ». Mais la situation évolue rapidement et Rouge, à partir de janvier 1975, commence à mener campagne pour un syndicat de classe des appelés. Finalement la CGT répond négativement à cette proposition lors de son 36e Congrès, mais Edmond Maire (CFDT) prend position, sur Antenne 2, le 14 janvier 1975, « pour l’organisation au plus vite de syndicats au sein de l’institution militaire69 ».
30C’est l’UL CFDT de Besançon qui prend l’initiative en aidant les soldats du 19e régiment du génie de Besançon à créer une section syndicale CFDT, dans la nuit du 4 au 5 novembre 1975, imitée par d’autres unions locales. La répression ne tarde pas, les locaux syndicaux sont perquisitionnés, les responsables syndicaux et des militants politiques sont arrêtés, à Bordeaux, à Besançon (arrestation de Gérard Jussiaux, permanent régional de l’UD CFDT), à Lyon (arrestation d’Armand Creus, dirigeant de la LCR), à Strasbourg (Jean-Claude Richez de la LCR et un militant du PSU). Rouge regrette la passivité de « la gauche du programme commun » face à la répression, « elle est restée l’arme au pied70 ». Mais le mouvement des soldats reste vigoureux, en avril 1977, 104 comités de soldats sont comptabilisés71. Finalement la répression aura raison de la bataille pour le syndicat des appelés, mais les comités continuent à vivre et la Ligue lance une nouvelle campagne pour les transports gratuits en 1978. C’est pour avoir fait signer la pétition transports, que le soldat Edwy Plenel a été mis aux arrêts pour 60 jours, et muté de caserne à quatre reprises72. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 n’interrompt pas le militantisme de la Ligue aux armées. Le procès des trois appelés de Landau (Olivier Lecour Grandmaison, Laurent Fritz, Étienne Patoor), tous militants de la Ligue, en février 198473, témoigne de la continuité d’un combat qui avait débuté avec la création de l’organisation en 1969.
31Les militants de la Ligue, appelés du contingent, ont rencontré un réel écho parmi leurs camarades de régiment. Les partis de gauche, PC et PS, n’ont pas pu ignorer leur combat. Certains de leurs dirigeants se sont solidarisés avec eux lorsqu’ils étaient réprimés. Des militants d’un syndicat ouvrier important, la CFDT, sont allés plus loin, malgré la répression, aidant à la création de sections syndicales dans les casernes. En incitant ses militants à faire leur service militaire — après leur avoir demandé de s’inscrire sur les listes électorales —, la Ligue contribue à les socialiser. Elle les aide à aller à la rencontre des jeunes de leur classe d’âge, le service militaire permettant effectivement le brassage entre jeunes hommes de conditions et d’origines géographiques différentes.
Le « travail femme »
32Après Mai 68, la LC ne se distingue pas vraiment des autres partis en ce qui concerne la place des femmes dans l’organisation : une seule femme dans le BP de 14 membres constitué à l’issue du IIe congrès, sept femmes candidates sur 91 candidats aux élections législatives de 1973. Par contre, nous l’avons vu, les tâches de trésorières leur sont volontiers confiées. Les femmes représentent 29 % des membres de l’organisation au premier congrès de la LCR (décembre 1974) et 37 % des sympathisants — en progression très modeste par rapport au congrès précédent —, or elles ne sont que 16 % dans les directions intermédiaires (DV et DS)74. Dans les autres partis politiques elles sont aussi très minoritaires, et ne représentent en 1970 qu’un nombre infime d’élues (1,7 % des conseillers généraux, 2,4 % des conseillers municipaux, 3 % des députés et des sénateurs75).
Hésitation face au surgissement du féminisme
33Mai 68 n’a pas réellement posé ces problèmes mais le grand ébranlement qu’il constitue leur permet bientôt d’apparaître. Le 26 août 1970, une dizaine de femmes, dont Monique Wittig et Christiane Rochefort, dépose une gerbe à l’Arc de Triomphe, en l’honneur de la « femme inconnue du soldat inconnu76 ». En octobre 1970, le MLF est né lors d’une AG tenue aux Beaux-Arts. Un peu désappointés par ce surgissement qu’ils n’ont pas vu venir, les dirigeants de la Ligue se tournent vers les États-Unis, où le mouvement de libération de la femme est né vers 1966-1967. Rouge annonce la parution prochaine dans la revue Partisans d’un article de Jean-François Godchau sur « la dynamique anticapitaliste du Women’s Liberation Movement77 ». Le même numéro du journal donne une longue interview de Mary-Alice Waters, membre du comité exécutif national du Socialist Workers Party (SWP), « notre organisation sœur aux États-Unis », sur le sujet. La première action de masse a eu lieu, dit-elle, le 26 août 1970. Elle a mis en avant trois revendications fondamentales : l’avortement libre et gratuit, des crèches gratuites, et l’exigence d’un salaire égal à celui de l’homme pour un travail analogue.
34Rouge ne tarde pas, le 8 mars 1971, à reprendre, presque telles quelles, les trois revendications, en insistant en plus sur la nécessaire diffusion des moyens contraceptifs78. Le journal fait écho au manifeste-pétition des 343 femmes déclarant s’être fait avorter et avoir aidé une femme à le faire. Ce texte, paru dans Le Nouvel Observateur le 5 avril 1971, lance véritablement la campagne pour la liberté de l’avortement et le libre accès aux moyens anticonceptionnels ; elle aboutira en novembre 1974 au vote de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse. Mais tout en participant à cette campagne, Rouge critique le MLF qui rassemble essentiellement des « petites bourgeoises » :
Le « peuple des femmes » auquel s’adresse le MLF serait-il la nouvelle et l’unique classe sociale par l’émancipation de laquelle doit passer l’émancipation de tous les travailleurs ? […] L’oppression sexuelle, la famille ne sont pas des problèmes de femmes exclusivement79.
35Rouge s’arc-boute sur des positions marxistes classiques, refusant d’un même mouvement « chauvinisme mâle et féminisme » :
Considérer « les hommes » comme des ennemis est une ligne politique désastreuse, car hommes et femmes appartiennent les uns et les autres à des classes opposées, et ont par conséquent des fidélités de classe différentes80.
36Rendant compte d’une manifestation organisée par le MLF le samedi 20 novembre 1971 pour la liberté de l’avortement et de la contraception, la journaliste de Rouge regrette le « sectarisme outrancier » du MLF et de son journal Le Torchon brûle81.
37Cependant, dans le numéro suivant de Rouge, J.-F. Godchau manifeste son désaccord de manière cinglante. Il appelle à plus de modestie, tant que la Ligue est incapable de se mobiliser sur ces questions. Car cette mobilisation, aussi imparfaite soit-elle dans ses formes82, est « le produit d’un phénomène social nouveau au sein de la société française83 ». Une circulaire, datée du 25 avril 1972, invitant à un stage de la commission femmes permet de constater qu’en province le « travail femmes » n’a commencé vraiment qu’à Rouen, Toulouse, Rennes, Dijon et Grenoble84. Le CC consacre toutefois deux pages, sur 175, à ce problème dans son Manifeste des 29-30 janvier 1972. Après avoir rappelé la double oppression dont les femmes sont victimes, en tant que travailleuses de la part du capitalisme et en tant que femmes de la part du sexe fort, le Manifeste met en avant les revendications classiques, tout en insistant sur le fait que « l’émancipation des femmes n’est pas concevable sans la destruction de l’ordre capitaliste85 »… lointain écho de la résolution adoptée au IIIe congrès de l’IC, en juin 1921 : « Aussi longtemps qu’existera la domination du capital et de la propriété privée, l’affranchissement de la femme n’est pas possible86 ».
Les débuts du « travail femme »
38Ce n’est donc pas spontanément que les « filles de Rouge » ont pris place dans le mouvement des femmes. Les militantes de la Ligue s’organisent dans le cercle Flora Tristan, essentiellement parisien. Dans son premier texte, daté d’octobre 1973, il reconnaît qu’avant lui, le cercle Elisabeth Dimitriev animé par les militantes de l’AMR, a tenté de rompre avec le féminisme bourgeois. Mais l’absence de suite concrète à leur plate-forme est regrettable. Les militantes de la Ligue se proposent d’organiser les groupes qui se réclament de la lutte de classe87. Une rencontre nationale se tient à Bièvres les 15-16 juin 1974. Les groupes présents sont des groupes lycéens, étudiants, mais aussi des groupes de quartiers ou d’entreprises surtout parisiens (allocations familiales, finances, édition, affaires sociales). Ils ont participé à la manifestation du 8 mars, à celle du 1er mai et à la grève des femmes les 8 et 9 juin 1974. La décision est prise de créer un journal national, destiné à remplacer Le Torchon brûle. « Expression d’une élite intellectuelle », il lui est reproché de ne rien proposer pour commencer à agir ensemble. Le nouveau journal, dont le numéro 0 est sorti le 8 mars 1974, prend pour titre Les Pétroleuses, « tendance lutte de classes du mouvement de libération des femmes », avec ce slogan en première page : « Elles ont fait de leur jupon un drapeau rouge ! ».
39Dans la deuxième moitié de la décennie soixante-dix, le « travail femme » est une des priorités de la LCR. N’ayant pas été à l’origine du renouveau du féminisme dans l’immédiat après-mai, elle s’efforce d’occuper un terrain convoité par de nombreuses forces politiques. Les militant(e)s sont convié(e)s à participer à des campagnes successives, sur les thèmes de l’avortement contraception, du viol et de la prostitution. L’organisation s’efforce aussi de développer les groupes femmes dans les entreprises et les administrations sur des positions « lutte de classe » et d’œuvrer à leur coordination. La LCR se dote d’une revue nationale, les Cahiers du Féminisme (CdF), paraissant à partir de novembre-décembre 1977. Son rythme est bimensuel, sa présentation soignée. L’équipe de rédaction est restreinte mais stable, autour de Denise Avenas, longtemps directrice de publication, Claire Bataille, Josette Desbois, Frédérique Vinteuil. Le premier souci est de se distinguer du féminisme incarné par le MLF, pour qui l’ennemi principal, selon la Ligue, est le mâle, sans distinction. Pour les militant(e)s de la Ligue « l’ennemi principal n’est pas l’homme […]. Il n’y aura pas de libération des femmes sans révolution socialiste ». Mais dans le même texte il est précisé :
L’émancipation des femmes ne sera pas acquise automatiquement dès le renversement du capitalisme, la lutte devra se poursuivre pour chasser les séquelles de l’idéologie patriarcale après la révolution88.
L’intervention des militant(e)s de la Ligue dans le MLAC
40Les militantes et les militants de la Ligue se félicitent de la création du Mouvement pour la Libération de l’Avortement et de la Contraception (MLAC), en avril 1973, peu après le procès de Bobigny (fin 1972). L’avocate Gisèle Halimi l’a transformé en acte d’accusation contre la loi de 1920 qui criminalisait l’avortement. La LCR accuse les féministes du MLF (tendance Psychanalyse et Politique) de bouder le MLAC parce que réformiste89. Elle-même demande à ses militant(e)s de s’investir dans cette organisation. En province ses sections sont même parfois à l’origine des groupes locaux. De même ses militants médecins, dont M.-F. Kahn, sont partie prenante du Groupe Information Santé (GIS), à l’origine du « Manifeste des 331 », paru dans Le Nouvel Observateur (5 février 1973). Dans ce texte les médecins signataires « s’accusent » d’avoir pratiqué ou aidé à pratiquer l’avortement. La LCR participe aussi à l’organisation de la projection — interdite en principe — du film Histoire d’A de Charles Belmont et Marielle Issartel, sorti le 14 novembre 197390. Ces projections souvent organisées avec Choisir, la Ligue des Droits de l’Homme et parfois le Planning familial, sont l’occasion de créer des comités locaux du MLAC. Au Havre, cette mobilisation est menée initialement par les « gauchistes » (Ligue et anarchistes) et la gauche non communiste (politique et syndicale, la CFDT étant partie prenante), le PC et la CGT se tenant ostensiblement à l’écart91.
41Mais très vite, les militants du MLAC se divisent sur l’opportunité de réaliser des avortements. La découverte de la méthode Karman92, par sa simplicité et son faible coût, va amener certains militants, à Grenoble par exemple, à placer des sondes gratuitement93. Confrontés à ces pratiques (le » faîtes-le-vous-même » écrit Verla94), les militants de la Ligue mettent en garde contre les risques d’accidents qui feraient le jeu de la réaction, et surtout voient dans cette forme de militantisme des effets démobilisateurs95. Les militants n’ont pas à pallier les insuffisances du système. Le repli sur la pratique est critiqué, surtout quand celle-ci est considérée comme « foireuse » (sic), comme cela a été le cas, semble-t-il, à l’hôpital de la Cité universitaire à Paris96. On propose plutôt une mobilisation pour qu’une nouvelle loi permette l’avortement en milieu hospitalier. Les groupes MLAC mettent à profit les vacances pour organiser une sorte de tour de France destiné à amplifier la mobilisation97. La loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) est votée, le 29 novembre 1974, à partir d’un projet présenté par Simone Veil, ministre de la Santé. La nouvelle loi n’est pas accueillie avec enthousiasme par les militant(e)s98. Ils lui reprochent de ne pas concerner les mineures et de ne pas prévoir le remboursement par la Sécurité sociale. Et surtout, la clause de conscience qui permet aux médecins de refuser de faire des avortements est attaquée. La mobilisation se poursuit pour obliger les hôpitaux à pratiquer des avortements. À La Rochelle par exemple, Naïk, militante enseignante et responsable du MLAC, rencontre à deux reprises le docteur Henry Yana, chef du service de pneumologie à l’hôpital. Cet ancien membre du Parti communiste algérien, rapatrié d’Algérie, l’accueille avec bienveillance et tente de voir avec elle comment obtenir l’application de la loi à l’hôpital99. Bien que la loi Veil ne constitue pas une solution définitive au problème de l’avortement100, son existence entraîne une mise en sommeil du MLAC.
La lutte contre le viol et les violences faites aux femmes
42Le problème du viol et, de manière plus épisodique, celui des violences faites aux femmes, devient une préoccupation très importante à partir de 1975. En septembre, les groupes Femmes en lutte et Pétroleuses de Marseille demandent que le viol soit reconnu comme un crime101. L’été précédent, deux campeuses belges se sont fait violer dans les calanques par trois hommes. Inculpés pour coups et blessures, ils sont jugés dans un premier temps devant le tribunal correctionnel. Les victimes, et leur avocate G. Halimi, entreprennent une lutte pour le passage aux Assises, moyen de faire reconnaître le viol comme crime. Rouge soutient cette démarche, tout en émettant des réserves sur les fortes sanctions demandées par G. Halimi. Outre la prison, l’avocate aurait voulu que la sanction soit affichée sur le lieu de travail, la mairie et le domicile du violeur. C’en est trop pour Rouge qui refuse de suivre G. Halimi « dans son appel à l’arsenal répressif de la justice bourgeoise102 ».
43Le débat rebondit dans Rouge, à la suite d’un article de Frédérique Vinteuil, qui affirme que, certes, la justice n’est pas parfaite mais qu’il faut savoir l’utiliser pour protéger les femmes103. Cette prise de position suscite la protestation de nombreux lecteurs et du journaliste/militant A. Brossat, pour qui F. Vinteuil cède aux pressions du féminisme bourgeois :
La lutte contre le viol, comme la lutte contre l’oppression des femmes en général, c’est l’affaire des exploités et des opprimés104.
44Parallèlement, dans le pays la mobilisation sur ce thème se poursuit. « Dix heures sur le viol » sont organisées à la Mutualité le samedi 26 juin 1976, réunissant plusieurs milliers de femmes. Finalement la LCR reconnaît la nécessité de recourir à la justice bourgeoise, tout en suggérant aussi aux femmes de s’organiser et de poser la question de l’autodéfense105. Épisodiquement, la revue Les Cahiers du Féminisme renseigne sur la tenue de stages féministes de sport de combat106. Rouge se réjouit du nombre désormais très important d’étudiantes dans le service d’ordre lors d’une grève107. Ainsi, si une majorité de militant(e)s soutient les femmes qui osent faire appel à l’appareil judiciaire, si ces militant(e)s sont pour la criminalisation du viol, ils ne pensent pas qu’un séjour en prison ait quelqu’effet positif que ce soit. Lorsque le tribunal de Pau condamne un jeune violeur de 20 ans à 4 ans de prison ferme, alors que celui d’Évreux ne condamne qu’à 15 jours de prison l’accusé de viol, chef des sapeurs-pompiers il est vrai, Rouge dénonce ce qu’il estime être un « verdict de classe108 ».
45Le combat contre les autres violences faites aux femmes — droit de cuissage ou violences domestiques — occupe une place moindre. Un correspondant local de Rouge, ex-délégué CGT, dénonce le licenciement dans une entreprise métallurgique de 1.000 ouvriers, d’une ouvrière, car elle avait refusé de coucher avec son chef109, mais aucune campagne n’est lancée sur ce thème. De même, les publications de la LCR se contentent de donner des informations sur l’action de SOS-Femmes battues qui tente de créer des centres d’accueil. Les militantes, dans leur grande majorité, ne semblent pas engagées dans cette forme de combat. Les Cahiers du Féminisme remarquent le retard de la France par rapport à l’Angleterre où existent, en 1978, 57 refuges alors que le premier vient seulement d’ouvrir dans la région parisienne, en mars 1978110.
La Ligue et le mouvement des prostituées
46Ce sujet est abordé précocement. Il l’est d’une manière classique pour des marxistes. Ce n’est pas par plaisir que les prostituées choisissent cette activité mais par nécessité. C’est donc la société de classes qui est à l’origine de ce qui est considéré comme une violence faite aux femmes, aussi grave que le viol. Et il est bien précisé que ce n’est pas en renforçant la répression qu’on peut lutter contre la prostitution, mais en changeant l’ensemble des rapports sociaux. Cependant, pressentant que le renversement du capitalisme ne suffira pas à faire cesser la prostitution, Gabriel appelle « à côté du bouleversement social, à une révolution radicale des esprits111 ». « La morale masculine » qui imprègne notre société, écrit-il, est responsable de la prostitution, cette « exploitation de la femme par l’homme au plus haut niveau112 ».
47Le mouvement de révolte des prostituées commence à Lyon avec l’occupation de l’église Saint-Nizier, le 2 juin 1975. Un de ses moments forts est la tenue des États généraux de la prostitution à la Mutualité le mardi 18 novembre 1975, l’occasion pour la LCR d’intervenir sur cette question. Dans un dossier consacré à la prostitution, les Cahiers du Féminisme critiquent la position de certains courants de l’extrême gauche, les militants de la revue Marge par exemple, pour qui « la prostitution est un acte révolutionnaire ». Pour les militant(e)s de la Ligue, se prostituer ou aller vendre sa force de travail en usine n’est pas la même chose. Il n’est pas possible de soutenir la prostitution, car « le droit à l’intégrité physique est une des libertés élémentaires113 ». La Ligue manifeste donc son désaccord avec la demande d’un statut pour les prostituées. Elle refuse, du moins sa majorité, d’exiger que les prostituées soient reconnues comme travailleuses à part entière avec obtention de la Sécurité sociale, et possibilité de se syndiquer. Non, ce n’est pas un métier comme les autres. Rouge reprend à son compte les propos de Barbara, ancienne prostituée de Lyon : « Les hommes n’achètent pas seulement un corps, ils achètent une forme d’humiliation des femmes114 ». La Ligue dénonce les brimades et la répression policière contre les prostituées, exige la suppression des amendes policières, tout en se mobilisant pour qu’elles puissent accéder à une formation professionnelle afin de changer de vie. La solution n’est pas d’aménager la prostitution mais de la remettre en cause radicalement.
48La LCR n’est pas prête, dans sa grande majorité, à accepter une banalisation de la prostitution. Le discours de certaines prostituées qui affirment qu’en choisissant ce métier elles deviennent sujets, cessant d’être des objets sexuels115, n’entraîne pas l’adhésion. Cependant, le compte rendu de la réunion sur la prostitution organisée par le groupe femmes de Périgueux, le 21 octobre 1981, dans Le Petit Rouge du Périgord, témoigne du trouble de certains militants. Après avoir rappelé leur solidarité avec les luttes des prostituées, quant à savoir s’il fallait professionnaliser cette activité, « c’est aux prostituées de trancher », écrivent-ils, « en toute liberté116 ». Position minoritaire, mais témoignant de la difficulté pour les militants de résister à un certain air du temps.
Pour le développement des groupes femmes.
49Certes, ces campagnes successives sont importantes, elles permettent « d’enrichir la lutte des classes de sa dimension féministe117 », mais lors du 1er congrès (1974), la LCR s’est donnée comme objectif de créer des groupes femmes dans les entreprises et les quartiers. Ces groupes ne doivent pas être mixtes pour approfondir l’analyse sur l’oppression des femmes et il ne faut pas craindre « qu’ils se contentent de discussions pendant tout un temps118 ». L’existence de « groupes de conscience » est clairement assumée, le texte précédent cite le cas du groupe femmes de Renault-Billancourt qui n’a eu aucune intervention pendant un an. Toutefois, la LCR suit avec une certaine inquiétude les efforts de sa rivale Révolution ! capable, dès le 10 mai 1974, de publier Femmes en Lutte, bulletin de liaison des groupes femmes qu’elle anime. Après avoir tenté un moment de lui opposer Les Pétroleuses, expression de ce qu’on pourrait qualifier de « fraction élargie » de la Ligue dans ce milieu, la LCR dès la fin de 1974 relativise ce sigle. Dans un long texte interne, une tendance minoritaire, la T3, encourage plutôt les militant(e)s « à regrouper [dans les groupes femmes] non seulement l’avant-garde au féminin, mais des couches plus larges, ménagères, ouvrières, sans formation politique119 ». Il semble bien que cette orientation l’ait emporté, mais les groupes femmes ne sont pas toujours devenus des structures d’intervention.
50En effet, deux ans plus tard, la commission nationale femmes constate le repli des groupes femmes sur leur vécu120. Ils fonctionnent comme des groupes de parole. Il n’existe pas de mouvement de femmes sur des bases de classe. La tentative de construire la tendance lutte de classe du MLF a échoué mais beaucoup de groupes femmes, parfois coordonnés localement, existent. À Marseille par exemple, 24 groupes femmes sont recensés en 1977, groupes de quartiers ou d’entreprises (hôpitaux, PTT et Équipement), ou encore en secteur jeune (élèves-infirmières, lycées, facultés). L’effectif de certains groupes est important : 24 femmes pour celui du quartier de l’Huveaune, 18 pour le quartier Campagne-l’Évêque. Ces groupes, bien coordonnés, ont été capables de créer un Centre des femmes, 11, rue Pastoret, doté d’une commission juridique, tenant deux permanences par semaine121. Ce Centre est différent du Comité d’Orientation, de Défense et d’Information des Femmes (Codif), créé par le PS et encouragé par le maire de Marseille Gaston Defferre, mais dans lequel, nous dit ce texte, « deux de nos ex-militantes (Elsa et Athis) font un travail considérable122 ». À Paris, le développement des groupes femmes s’est réalisé dans des milieux similaires, entreprises du tertiaire à forte main d’œuvre féminine, hôpitaux, Sécurité sociale, Insee123… La coordination de ces groupes s’avère toujours difficile, véritable « travail de Sisyphe », écrit Alice Soledad124. Une coordination des groupes femmes d’entreprise parisiens réunit malgré tout 40 femmes en mars 1977 et le 1er mai suivant 6.000 femmes ont manifesté avec les groupes femmes à Paris125.
Soutien à la revendication féministe dans les syndicats ouvriers
51L’attention portée à ces groupes, qui associent syndiquées et non-syndiquées, n’est pas contradictoire avec la présence dans les commissions syndicales femmes qui se développent à la CFDT puis à la CGT. Les Cahiers du Féminisme portent une grande attention à l’évolution en cours à la CGT, et notamment à la mutation de son mensuel féminin Antoinette126. Ce journal, créé en 1955, dirigé jusqu’en 1975 par Madeleine Colin, est très perméable aux thèses et à la logique du mouvement féministe. La quasi-totalité des membres de sa rédaction (8 sur 10), pour qui « on ne peut attendre de la seule lutte des classes la fin de la domination masculine127 », sera licenciée par le bureau confédéral en 1982, épilogue d’une crise commencée dès 1977-1978.
52La volonté de créer un mouvement permanent, structuré, de femmes sur une base lutte de classes a donc échoué. Mais la LCR s’est montrée attentive, bien qu’avec un certain retard, à l’irruption des nouvelles revendications féministes. Dans un certain nombre de domaines même, nous pensons à celui de l’avortement, ses militant(e)s ont participé, à leur manière, au combat qui permettra une évolution importante de la législation (1974, vote de la loi Veil, puis sa pérennisation en 1979). De même, la présence des militantes de la Ligue, parmi d’autres militantes d’extrême gauche, dans les syndicats, a aidé à la prise en compte de ces aspirations nouvelles par les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier128. Confrontée à l’irruption du féminisme l’organisation a su changer de cap assez vite, mais cette prise en compte de l’oppression spécifique dont les femmes sont victimes allait avoir des conséquences considérables sur l’organisation elle-même.
Remise en question de la famille et libération sexuelle
53Très tôt parmi les militants de la Ligue la question de la famille est au centre des réflexions. Le retour aux grands textes semble nécessaire et Trotsky, dont les Questions de la vie quotidienne sont bientôt rééditées, est sollicité129. On relit aussi La Révolution trahie de 1936130, livre dans lequel Trotsky parle à propos de la famille traditionnelle de « mœurs médiévales ». Il regrette que, sous Staline, on en revienne à des « normes bourgeoises », dans le but de faire jouer à la famille son rôle traditionnel de formation d’une « jeunesse disciplinée » obéissant au pouvoir. Cette définition de la famille comme conservatoire d’idées réactionnaires se retrouve chez Wilhelm Reich redécouvert et abondamment cité par cette génération131. La famille est définie par lui comme « un état autoritaire en miniature » préparant l’adaptation ultérieure de l’enfant à l’État. Mais pour réussir ce conditionnement de l’enfant, il faut commencer très tôt par la répression sexuelle contre ces êtres de plaisir que sont les enfants. Pour W. Reich il y a donc possibilité de mobiliser la jeunesse sur ce terrain. Il préconise de « transformer la rébellion sexuelle de la jeunesse en une lutte révolutionnaire contre l’ordre moral capitaliste132 ».
Les rapports de Rouge avec les militants d’Antinorm
54Un certain nombre de militants extérieurs à la Ligue se proposent de reprendre le combat de W. Reich. Rouge accueille dans ses colonnes l’appel de la revue Antinorm à une réunion (elle a lieu le 20 décembre 1973 à Jussieu), dont le but est de créer des comités Sexpol pour lutter contre toutes les formes d’oppression sexuelle. Cependant, le long compte rendu dans Rouge est très réservé. Il regrette que les initiateurs de cette réunion évoquent surtout « la libération individuelle du corps, par un retour à une bonne nature »… et peu « la transformation révolutionnaire, collective, des rapports sociaux, y compris de la vie sexuelle133 ». Un texte interne dénonce plus précisément les dangers de déviation de ce courant qui laisse penser « qu’on peut s’en sortir tout seul, changer sa vie134 ».
Vers un mouvement de libération des enfants ?
55L’unanimité ne règne pas sur ces questions. En janvier 1974, un militant et des lectrices protestent contre cette frilosité, donnant raison à la revue Antinorm et à Guy Maes son responsable135. Les rapports sont maintenus avec cette revue qui appelle à voter Krivine aux élections présidentielles de 1974. C’est l’occasion pour G. Maes, dans une tribune libre, de proposer une mobilisation conjointe contre le sexisme, la phallocratie, et aussi pour que « les enfants aient une vie sexuelle satisfaisante et une information complète dès le plus jeune âge136 ».
56La réflexion portant sur l’enfant, dans un groupe politique où abondent les enseignants et aussi les parents… de plus en plus nombreux, se poursuit selon les schémas marxistes traditionnels, mais se complique aussi du fait de la redécouverte de W. Reich. Par le biais de Rouge est dénoncée la violence quotidienne que la famille et l’école font subir aux enfants. Le journal n’hésite pas à céder au sensationnalisme, titrant en première page, « Mauvaises notes. Il se tue », à propos du suicide d’un écolier de 12 ans, près de Pontoise137. Les parents violents ne sont pas oubliés. Rendant compte du Salon de l’Enfance, Nelly Trainel et J. Krasny dénoncent « les bavures des raclées, les accidents des torgnoles poussées trop loin138 ».
Les rapports sexuels entre adultes et enfants
57Par contre, rien n’est dit au sujet des violences sexuelles dont l’enfant pourrait être victime. Un procès pour outrage public à la pudeur est l’occasion d’une réflexion sur la sexualité des enfants, à la fin de l’année 1976. Deux militants journalistes, Philippe Verdon et Jean Nicolas, rendent compte de manière importante et régulière du procès intenté à Bernard Dejager, Jean-Louis Burckhardt et Jean-Claude Gallien, incarcérés et poursuivis pour « attentat à la pudeur sans violence sur mineurs de moins de 15 ans ». Ph. Verdon s’indigne qu’on ait fait subir à ces trois hommes trois ans de détention préventive pour des photos d’enfants nus139. La volonté du journaliste est de minimiser les faits, pour lui les accusés se seraient contentés d’animer un club naturiste destiné aux enfants, situé à Meudon140. À l’exception d’une fille, aucun enfant n’a accusé ces hommes d’avoir fait l’amour avec eux141. Finalement pour ce journaliste, ce qui est en procès c’est la sexualité des enfants. Ph. Verdon s’interroge sur la réaction des révolutionnaires, dont la plupart se tairont, sans doute. En tout cas, pour lui le choix est fait, il faut être au côté des accusés et surtout des « sans-droits, sans corps et sans conscience que la loi définit comme mineurs142 ». J. Nicolas espère que ce procès sera un premier pas dans la contestation de la pénalisation des Outrages Publics à la Pudeur (OPP)143. Il rappelle le soutien de Michel Foucault qui, avec 70 autres intellectuels, dont René Schérer et Gabriel Matzneff, a signé une pétition en faveur des accusés. Un militant de la Ligue, l’universitaire Jean-Marie Vincent, a signé cette pétition144. Tout un courant, en effet, dénonce le caractère désuet des lois sur les relations mineurs-adultes.
58Face à cette attitude, des réticences se manifestent dans le journal. Des lecteurs(trices) du Val-d’Oise qui se définissent comme infirmiers, médecins, instituteurs, sont choqués qu’à Rouge « des gens parlent de ce qu’ils ne connaissent pas, la libération des enfants par exemple145 ». De son côté, D. Avenas fait part de son malaise, à la suite d’un débat organisé à Paris par le Groupe de Libération Homosexuel-Politique et Quotidien (GLH-PQ), dans le cadre de la semaine homosexuelle consacrée à « Pédérastie et Sexualité ». Elle se pose de nombreuses questions, avoue son désarroi, se dit « très dérangée par la pédophilie, la pédérastie146 ». Elle se demande si la relation pédérastique n’est pas forcément inégalitaire. Dans une relation amoureuse avec un enfant, qu’est-ce qui relève du viol, se demande-t-elle ? Paul-Louis Thirard s’interroge : « Un rapport sexuel entre une personne majeure et une personne mineure est-il automatiquement un viol ? » et il implore « Il faudrait qu’on ait une ligne147 ». Cette demande de ligne, « une ligne générale, avec des limites souples » écrit-elle, est formulée aussi à deux reprises par une lectrice de Nîmes, Geneviève, inquiète d’assister au passage « d’une société de violeurs de femmes à une société de violeurs d’enfants, tout ceci sous couleur de modernisme148 ». De « ligne » sur la question des rapports sexuels enfants-adultes il n’y en a pas, répond D. F. : « Nous refusons le viol », mais dans le face-à-face d’un enfant et d’un homme, « qui manipule ou contraint l’autre ? Le sens commun dit que c’est l’homme, mais le sens commun est réactionnaire149 ». La direction de l’organisation reste muette sur cette grave question, paralysée par son souci de ne pas s’aliéner les partisans de la révolution des mœurs. Plutôt que d’être accusée de conservatisme moral, elle préfère se taire, laissant dans l’inquiétude un certain nombre de sympathisant(e)s ou de militant(e)s qui pressentent les abus qui peuvent se commettre au nom de la liberté.
« Désinfantiliser l’enfance »
59Malgré toutes les questions qu’ils se posent, les militants reconnaissent le caractère artificiel de la séparation entre le monde des enfants et celui des adultes. D. Avenas appelle à « désinfantiliser l’enfance150 ». Les révolutionnaires doivent reconnaître les enfants comme des individus à part entière. J. Krasny trouve les efforts de l’ICEM (Mouvement Freinet) pour donner la parole aux enfants très positifs. Les révolutionnaires doivent reprendre ce combat. Dans une contribution pour les Cahiers du Féminisme, Anne-Marie, militante et mère de famille, regrette que « nous n’ayons presque rien dit sur le droit des enfants à faire des choix, à disposer de leur vie », précisant « le droit pour les enfants de 7 à 14 ans, en laissant de côté le problème très particulier de la petite enfance151 ».
60Le débat rebondit à l’occasion d’une lettre envoyée par le Groupe de Libération Homosexuelle (GLH) de Bordeaux aux organisations politiques, en prévision des législatives du printemps 1978. Dans sa réponse, Jacques, militant LCR et militant du GLH de Marseille, esquisse ce qui ressemble beaucoup à une « ligne ». Il se prononce pour la liberté sexuelle pour la jeunesse, dès la puberté, tout en reconnaissant le difficile problème posé par « l’inégalité affective et sexuelle entre adultes et enfants », espérant dans la société socialiste à venir « un élargissement de l’autonomie enfantine152 ». Rouge a dénoncé très tôt la peur du sexe, se solidarisant avec le Docteur Carpentier, un médecin de Corbeil suspendu par l’Ordre des médecins pour avoir aidé des lycéens à rédiger un tract intitulé « Apprenons à faire l’amour153 ». Le 1ermars 1978, le journal dénonce aussi vigoureusement le licenciement d’une monitrice du centre aéré de Renault-Flins par le comité d’entreprise. Elle a été surprise nue au milieu des enfants, « expérience pédagogique étranglée, selon Rouge, par les pires réflexes réactionnaires. La répression, une fois de plus, vient de renvoyer l’enfant dans le ghetto sexuel de sa solitude et lui montrer un monde adulte qui fuit sa réalité154 ».
Un débat récurrent
61Cependant le problème n’est pas simple et jusqu’à la fin des années soixante-dix, le débat sur la pédophilie rebondit. Des militants, comme Yves Boyer, font part de leurs doutes sur la possibilité d’une relation équilibrée, égalitaire entre l’adulte et l’enfant dans cette société155. Cette question des rapports sexuels entre enfants et adultes est débattue dans tous les milieux d’extrême gauche. Un ancien membre du Bureau politique de l’OCT, Jean Tercé, dans le mensuel Partis Pris, sous un titre sans fioritures « À quel âge un enfant est-il consommable ? », demande qu’on « laisse les enfants s’épanouir progressivement entre eux156 ». La question est loin d’être tranchée à la Ligue ou dans ses franges sympathisantes. Les prises de position en faveur de la défense des enfants suscitent la réaction de lecteurs prompts à dénoncer les « affirmations moralisatrices » contenues dans de tels articles157. Finalement, dans son programme de 1978158, la LCR demande « l’abolition de toutes les lois discriminatoires et répressives contre la sexualité des mineurs ». L’abolition de toute notion de majorité sexuelle, fixée jusqu’ici à 15 ans, est demandée dans un texte public de la Commission Nationale Homosexuelle (CNH) de la LCR en octobre 1982. Ce texte affirme aussi la nécessité de lutter pour que les enfants puissent « exercer et contrôler librement leur sexualité », mais il reconnaît que ce mot d’ordre n’est pas « agitatoire » dans l’immédiat159. Plus que jamais l’écart est grand entre les militants et « l’opinion commune ».
62Vingt ans plus tard, et après quelques graves affaires de pédophilie et de violences à enfants, la position développée par Léonce Aguirre dans Rouge est sans ambiguïté. Désormais la ligne existe. Les enfants doivent être protégés des violences sexuelles dont ils peuvent être victimes. Il reconnaît que les campagnes de prévention des abus sexuels ont été longues à se mettre en place. La LCR a évolué sur cette question, après avoir longtemps hésité. Sa presse évoque malgré tout fort peu ces faits divers dramatiques, comme si elle refusait de hurler avec les loups.
La question homosexuelle
63Rouge parle de cette question pour la première fois au lendemain de la manifestation du 1er mai 1972, marquée par l’apparition spectaculaire du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR)160. En organisant un cortège haut en couleurs, défi aux normes et valeurs bourgeoises, les homosexuels revendiquent leur spécificité un peu comme les noirs américains avaient revendiqué leur négritude. Face à cette démonstration, dans un premier temps, l’hostilité de Rouge est totale. Certes Anna Libera161 affirme qu’il faut lutter contre la répression sexuelle sous toutes ses formes, mais elle exprime son désaccord avec les homosexuels du Fhar qui se comportent comme de « grandes folles […] permettant à la presse bourgeoise et stalinienne de déconsidérer la manifestation toute entière aux yeux des travailleurs » et elle menace : « l’extrême gauche ne laissera pas dénaturer ses manifestations, même par le Fhar162 ». La Ligue mettra du temps pour définir sa ligne dans ce domaine163. Le mouvement ouvrier n’en est-il pas resté à l’image de l’homosexualité « tare de la bourgeoisie décadente ? ». Et chez les travailleurs, l’insulte de « pédé » est parmi les plus répandues164. Même à l’intérieur de la Ligue, il n’est pas facile de se déclarer homosexuel. Les auteurs d’un texte interne n’hésitent pas à comparer la Ligue à l’armée, à la police, toutes trois « mondes d’hommes165 ». Les homosexuels de l’organisation ont donc tendance à se replier sur eux-mêmes, persuadés que ces problèmes ne sont pas politiques mais de l’ordre du privé. Yvan, pourtant membre du CC, attendra 5 ans avant d’annoncer son homosexualité, en 1975, à ses camarades de Dijon166. Yvan parle d’un nécessaire travail d’éducation au sein de la LCR, « pour combattre les préjugés et les comportements qui engendrent l’oppression des homosexuels dans nos rangs ». Lors du IIe congrès de la LCR (janvier 1977), il est décidé de créer une Commission Nationale Homosexualité (CNH). Elle appelle tous les homosexuel(le)s de l’organisation à une rencontre les 2 et 3 décembre 1977. On attend une cinquantaine de participant(e)s, avec lesquel(le)s il est prévu de faire le point sur la situation personnelle des homosexuel(le)s dans l’organisation et de lancer un travail de masse sur l’homosexualité. On repousse les arguments traditionnellement avancés pour refuser de s’engager sur ce front, tels que « la classe ne comprendrait pas, camarade…167 ». On ne se cantonne plus désormais à la défense démocratique des homosexuels contre la répression168. Il est décidé, après que plusieurs lecteurs aient déploré le silence de l’organisation sur ces questions169, d’organiser l’intervention des militants chez les homosexuel(le)s.
64Pour lancer cette intervention, on ne part pas de rien. Quelques militants parisiens sont déjà présents dans le Groupe de Libération Homosexuel-Politique et Quotidien (GLH-PQ), né le 14 décembre 1975 de la scission du GLH. Le GLH-PQ ne se contente pas de mener une lutte contre l’homophobie, pour la reconnaissance par la société de la différence homosexuelle. En menant une réflexion sur la sexualité humaine, sur le culte de la virilité, ces militants prétendent aller aux racines de l’oppression dont sont victimes les homosexuel(le)s et les femmes. Engager ainsi le combat permettra, prétendent-ils, une convergence avec le mouvement des femmes, et évitera le corporatisme, le repli sur le ghetto et la récupération par la bourgeoisie170. Une fois acceptée l’idée de la nécessité d’un mouvement homosexuel autonome, un peu comme il existe un mouvement des femmes, sa construction n’est pas aisée. Cependant à la veille du IIIe congrès, la CNH est capable de publier des « thèses homosexualités171 ». Les regroupements d’homosexuel(le)s sont considérés comme un phénomène « positif et nécessaire » et le travail des militant(e)s de la Ligue bien défini. La liste des revendications est longue et précise. Une lutte pour les droits démocratiques est proposée, pour l’abrogation des lois et décrets répressifs, ainsi que pour la reconnaissance de la liaison homosexuelle pour les droits qu’elle peut procurer (en matière de logement, de droits sociaux, de mutations professionnelles…). Après plusieurs années de travail, la Ligue semble bien armée pour intervenir dans ce milieu.
65Mais le congrès qui aurait pu amplifier, encourager ce travail, est l’occasion d’une crise majeure de ce secteur. En effet, à une courte majorité le congrès refuse de débattre du projet de thèses présenté par la CNH. Cette attitude est très mal acceptée par trois des membres de la CNH, militants anciens et chevronnés de la Ligue, qui démissionnent aussitôt de l’organisation. Jean-Pierre Lorrain (11 ans d’organisation), Alain Sanzio (11 ans lui aussi) et Michel Villon (7 ans d’organisation) accusent la Ligue de vouloir construire « une société socialiste où les homosexuels(le)s n’auraient pas leur place172 ». Les trois autres militants de la CNH (Yvan de Dijon, Suzette Triton de Paris, Jacques Fortin de Marseille173) sont accablés, ils dénoncent « le comportement irresponsable, méprisant, condescendant » de la Ligue. Toutefois, considérant que seule une révolution socialiste permettra d’extirper les racines de l’oppression dont sont victimes les homosexuel(le)s, ils décident de rester à la Ligue. Ils maintiendront le lien avec ceux qui ont décidé de partir, notamment dans le cadre de la revue Masques, revue des homosexualités, dont le numéro 1 paraît en mai 1979. La Ligue, malgré cette crise, s’investit peu après dans le Comité d’Urgence Anti-Répression Homosexuelle (CUARH) créé en 1979. Un premier résultat est obtenu après la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles de mai 1981, avec l’abrogation de l’article 331-3 du Code pénal qui, interdisant à un(e) jeune de moins de 18 ans d’être homosexuel(le), introduisait une discrimination légale par rapport aux hétérosexuel(le)s, la majorité sexuelle étant fixée à 15 ans.
L’invention de nouveaux rapports entre hommes et femmes
66Dans leur volonté d’œuvrer à la libération des individus, les militant(e)s de la Ligue s’attaquent à tous les aspects de l’oppression. Le couple traditionnel, défini par beaucoup comme le premier lieu d’aliénation d’un individu à un autre, n’échappe pas à la remise en question. Dans ce domaine aussi on s’efforce de mieux connaître les premières expériences de déconstruction de la famille réalisées dans l’URSS des années vingt. On relit avec intérêt Alexandra Kollontaï, récemment rééditée174. Cette question semble d’autant plus importante qu’un des aspects du Thermidor soviétique175 a été la remise à l’honneur de la famille traditionnelle.
67Il n’y a pas unicité de comportement chez les militant(e)s de la Ligue sur cette question, mais pour beaucoup, existe la tentation d’inventer tout de suite de nouveaux rapports, sur ce terrain-là. Delprat, un militant, dont les Cahiers du Féminisme reproduisent la lettre, appelle à inventer de nouveaux rapports entre hommes et femmes, de façon à faire de la relation sexuelle un « acte de plaisir ». Il appelle les femmes à être plus actives, sans complexe (le but est de « s’éclater »), et les hommes, leurs compagnons, à être moins phallocrates, c’est-à-dire à laisser leur compagne « baiser avec qui elle veut, quand elle veut176 ». Manifestement, cette ode au libertinage ne fait pas l’unanimité à la Ligue. Verlaine fait une réponse cinglante à Delprat dans un des numéros suivants de la revue, en lui reprochant de centrer son propos sur « Comment mieux baiser177 ». En 1975 une brochure des Cercles rouges lycéens remettait en question « cette soi-disant libération » qui profite surtout aux garçons. À une fille réticente on dira, « Si tu ne veux pas baiser avec moi, c’est que tu n’es pas libérée », ou « tu n’es pas une vraie révolutionnaire ». Finalement, une telle libération sexuelle est tout bénéfice pour les garçons, qui « n’ont plus besoin de passer beaucoup de temps à draguer », et qui peuvent rompre tout aussi rapidement sous prétexte qu’une « fille libérée » ne fait pas d’histoire178.
68Dans un texte public, M. Lequenne met en garde contre ce qu’il appelle le « gauchisme sexualiste », c’est-à-dire la revendication d’une liberté sexuelle sans limite : « La libération sexuelle (ne viendra pas) de la multiplication infinie des corps à corps éphémères179 ». Il est impératif de rompre avec « le patriarcalisme bourgeois adopté par le mouvement ouvrier réformiste », mais aussi avec « son envers ultragauche qui chosifie tout aussi bien la femme180 ». M. Lequenne affirme que ce que les femmes demandent avant tout, c’est qu’on les reconnaisse comme « êtres humains ». Cela seul permet un rapport amoureux qui soit autre chose que de la pure sexualité.
69En tentant de sortir des schémas traditionnels, les militants de la Ligue n’ont, semble-t-il, pas été capables d’éviter les ornières dans lesquelles étaient tombés les révolutionnaires russes dans les années vingt. Se basant sur des études effectuées dans le cadre du Bischoff and Harvard Project, Kate Millet écrit à ce propos :
Dans la pratique, la nouvelle libération sexuelle fut en grande partie l’apanage des hommes […]. Pendant les premières décennies de la révolution les femmes furent très exploitées sur le plan sexuel181.
70Pas mieux que leurs prédécesseurs, les bolcheviks des années vingt, les révolutionnaires des années soixante-dix n’ont su inventer des relations nouvelles entre hommes et femmes, qui auraient apporté épanouissement et bonheur aux un(e)s et aux autres. Il est vrai que le parti n’a pas imposé de normes en ce domaine, il a plutôt fait preuve de libéralisme, laissant ses militant(e)s se débattre avec ces problèmes182.
Présence sur les autres « fronts »
71Au cours de ces années, les centres d’intérêt des militants de la Ligue sont variés. Alors qu’au début des années soixante-dix la Ligue s’est laissée surprendre par le surgissement du mouvement des femmes et des homosexuels, elle tente désormais d’être présente partout. Son renforcement numérique et celui de son système de publication expliquent peut-être cette plus grande « présence au monde ».
Prisons, Police, Justice
Solidarité avec les mouvements de prisonniers, contre les « matons ».
72Pour les militants révolutionnaires, les prisonniers de droit commun sont d’abord des victimes de la société capitaliste. Avant d’être des délinquants, ce sont des hommes, et incarcérés, ils doivent être traités en tant que tels. Suivant une telle ligne directrice, la LC se solidarise avec les détenus en révolte au cours de l’hiver 1971-72, puis à nouveau au printemps. Rouge se félicite du fait que « pour la première fois des détenus de droit commun ont tenu tête solidairement183 ». Ce type d’action, qualifiée de responsable et de mature, est considéré comme préférable à « la prise et à l’assassinat d’otages à l’effet déplorable sur la population184 ». Quand d’anciens détenus créent le Comité d’Action des Prisonniers (CAP) à la fin de l’année 1972, Rouge leur ouvre libéralement ses colonnes. Le principal animateur, Serge Livrozet, est interviewé185. De la publicité est faite pour son livre De la prison à la révolte186. Voir un mouvement d’anciens détenus poser le problème de la prison en termes marxistes a de quoi séduire les militants qui s’engagent à « faire en sorte que cette prise de conscience rejoigne le combat de la classe ouvrière contre le capitalisme187 ». Cette attention au monde carcéral ne se dément pas. J. Krasny dénonce le « scandale dans le scandale » qu’est le problème des jeunes détenus188. Rouge s’associe à la campagne contre les Quartiers de Haute Sécurité (QHS), initiée par les détenus eux-mêmes qui entament une grève de la faim, au début de l’année 1978, contre « ce goulag à la française189 ». De même, l’organisation se mobilise pour aider Gérald Matran, un détenu, sympathisant sinon militant de la Ligue, jugé pour ne pas être rentré en prison après une permission. Détenu à la prison de l’île de Ré, ce détenu méritant — entré à la prison avec le BEPC, il obtiendra une licence d’histoire pendant son incarcération — est jugé à La Rochelle le 29 janvier 1978. Il est défendu par Antoine Comte, « en présence de ses nombreux amis et camarades190 ». Autant la sollicitude est grande pour les détenus — fils d’ouvriers pour 95 % d’entre eux est-il souvent répété —, autant la sévérité est grande pour les gardiens, habituellement appelés matons. Accusés de constituer une véritable confrérie, du gardien au directeur, ils ne semblent pas réformables191. Le ton est parfois très violent192, et dans le premier programme de la Ligue, il est demandé « le remplacement des matons par des éducateurs spécialisés193 ».
Révolutionnaires et « flics » ?
73L’attitude des révolutionnaires vis-à-vis de la police est prédéterminée au début des années soixante-dix, par l’attente d’une crise révolutionnaire prochaine et par l’idée que « d’importants secteurs des forces de répression pourront et devront être neutralisés en faveur de la Révolution194 ». Les militants sont très attentifs aux différenciations qui peuvent exister dans la police. Témoignant de cette diversité, la tribune libre d’un policier, parue dans Le Monde195, est commentée avec intérêt par Noiraut dans Rouge. Il voit la coexistence dans la Police nationale « d’une police godillot », toujours prête à obéir, et « d’une police de tradition radicale-socialiste, rechignant à traquer l’étudiant plutôt que le bandit196 ». Une majorité de policiers sont d’ailleurs syndiqués à la Fédération Autonome des Syndicats de Police (FASP), dirigée par Gérard Monatte, un réformiste pour Rouge197. C’est à ces policiers que la Ligue s’adresse directement, par un tract qui leur est distribué à l’occasion de leur journée d’action du 4 mars 1971 :
Les révolutionnaires ne sont pas « anti-flics ». Ils ne sont pas contre tel ou tel policier pris individuellement198.
74Cette tentative de dialogue est brutalement remise en question par la manifestation du 21 juin 1973, qui voit plusieurs policiers blessés. Mais quelques jours après, le BP de la Ligue éprouve le besoin de s’expliquer dans une lettre envoyée à G. Monatte :
À propos du car de police-secours attaqué, des policiers sérieusement brûlés […], de nombreux témoins peuvent le confirmer, c’est le service d’ordre de la manifestation qui s’est porté à leur secours199.
75Simultanément, le journal publie une interview de syndicalistes policiers CFDT destinée à « détruire l’image habituellement répandue des gauchistes et des flics “se matraquant en eux”200 ».
76Les ponts ne sont donc pas coupés entre les révolutionnaires et cette corporation, dont un membre, qui s’identifie comme « un flic progressiste du XIIe arrondissement de Paris », verse 30 F à la souscription pour Rouge201. Dans les programmes de la Ligue, on insiste sur la nécessaire reconnaissance des droits syndicaux et du droit de grève pour les policiers. Seule la dissolution des corps spécialisés de répression est demandée : CRS, gardes mobiles, brigades spéciales202.
Ni « justice bourgeoise » ni « justice populaire »
77Dès leurs premiers textes consacrés à cette question, les révolutionnaires remettent en question l’idée que puisse exister une justice indépendante des rapports de classes. « À société de classe, justice de classe203 », affirment-ils. Le rôle de cette institution est d’œuvrer au maintien d’une société reposant sur la propriété. Sa possible réforme n’est pas à mépriser204 mais seule la disparition de la société capitaliste permettra la fin d’un système doux au puissant et terrible pour le faible. Cette vulgate est partagée par l’ensemble des « gauchistes ».
78Il existe cependant dans l’institution judiciaire des hommes courageux, comme le « petit juge Pascal ». Ce dernier n’hésite pas à inculper un notaire fortuné du Nord, Maître Leroy, pour le meurtre de Brigitte Dewevre, fille de mineur. Les maoïstes de La Cause du Peuple, relayés par Le Nouvel Observateur, se déchaînent, autour de l’idée : « Et maintenant ils massacrent nos enfants205 ». Mais dans Rouge, Georges Marion dénonce, le 13 mai 1972, cette « simplicité démagogique », ce « populisme maoïste ». Il refuse une logique qui, inversée, est celle de Minute profitant d’un viol commis par un Algérien pour appeler au racisme contre les Nord-Africains. L’hystérie entretenue à Bruay-en-Artois, c’est peut-être la « justice populaire », ce n’est en tout cas pas la « justice révolutionnaire », affirme-t-il206. Un an plus tard, l’enquête ayant évolué, le notaire Leroy est libéré faute de preuves. Rouge ne peut que se féliciter de l’article du 13 mai 1972, occasion de se distinguer des maoïstes qui, en prétendant opposer « les pauvres » aux « riches », les « honnêtes gens » aux « vicieux pleins de fric », ont confondu lutte de classes et poujadisme207.
79Ni à cette occasion, ni lors du débat sur la peine de mort, la Ligue ne se départit de cette attitude. Elle maintient une position d’hostilité radicale à la peine de mort. Le procès de Patrick Henry, meurtrier d’un enfant, à Troyes, donne l’occasion à l’organisation de préciser sa position en la matière. Tuer un criminel ne changera rien, sinon « qu’un degré dans l’horreur sera franchi avec son exécution208 ». Rouge se réjouit donc du verdict — la réclusion et non la mort — espérant y voir la fin de la peine de mort en France209. G. Marion reconnaît « la force de conviction hors du commun de la plaidoirie de Maître Badinter210 ». Peu après, Rouge, et en particulier J.-F. Vilar, se mobilise de manière intense en faveur de Roland Agret, condamné le 28 février 1973 à 15 ans de réclusion criminelle pour complicité d’assassinat211. Il sera finalement libéré et acquitté après un nouveau procès.
80Cette envie de voir évoluer la justice sans attendre le grand soir est également le fait de professionnels de justice. En juin 1968 se crée le Syndicat de la Magistrature (SM). Rouge n’y prête attention qu’en 1972, au moment de son Ve congrès212. Mais désormais, le journal ne cesse de s’intéresser à ces hommes et à ces femmes que la grande presse baptise bientôt les « juges rouges ». L’importance du phénomène — à un moment le SM a regroupé le tiers des magistrats — est pour les militants une divine surprise. On note en effet beaucoup de points communs entre ce discours et le constat fait par la Ligue. Pour les uns comme pour les autres, la justice n’est pas neutre, ainsi que l’affirme J.-P. Michel :
Pourquoi dans notre société de divisions, de contradictions et de conflits, pourquoi la magistrature et la justice apparaîtraient-elles comme un bloc monolithique, impartial, indépendant213 ?
81Il ne semble pas pour autant que cette proximité de points de vue ait entraîné des adhésions de juges à la Ligue. En tout cas nous n’en n’avons pas trouvé trace. Mais en 1975, la Ligue est capable de mettre sur pied à Paris une cellule justice, « dont la composition nominale a été arrêtée, composée d’avocats et de militants de l’éducation surveillée214 ». En juin 1973, un jeune avocat, Antoine Comte, a démissionné avec éclat de la conférence du stage de Paris en expliquant politiquement ses raisons. Il refusait les « rites d’initiation », les « relations quasi féodales » à l’intérieur de la profession. Rouge appelle à élargir la brèche ouverte par A. Comte215. L’offensive contre la justice en place est relayée à partir de 1977 par l’ensemble de l’organisation dont beaucoup de militants convoqués comme jurés refusent de participer au jury d’Assises216. Cette abstention, accompagnée d’explications, leur semble un bon moyen pour dénoncer une justice qui continue de fonctionner au détriment des « couches populaires217 ».
82Pour la LCR, l’institution judiciaire, pas plus que les autres institutions de l’État français, n’échappe à la domination de la bourgeoisie. Elle est a priori suspecte de ne pas être équitable. Sans se faire d’illusion sur sa possible réforme, la Ligue encourage toutefois les critiques qui se font jour en son sein, tout en évitant la tentation d’utiliser son organe de presse pour substituer une « justice populaire » à celle des juges.
Malades, Fous, Handicapés
83La réflexion sur les questions de santé est précoce à la Ligue. Une des premières brochures spécialisées est consacrée à la Médecine confisquée218. L’idée centrale, reprise souvent, est « qu’on ne devient pas malade par hasard ou par fatalité219 ». Ce sont les conditions de travail, « véritables facteurs pathogènes220 », qui usent les hommes. La lutte pour une société d’où sera bannie l’exploitation de l’homme permettra d’éliminer bien des maladies. Dans l’immédiat, tout ce qui peut favoriser l’émancipation des travailleurs malades par rapport aux médecins « érigés en sorciers miracles221 » est à encourager. La médecine libérale, dont l’approche est purement individuelle et curative, avec la multiplication des actes médicaux qui en découle, est critiquée. La campagne du Groupe Information Santé (GIS) est relayée par la branche santé de la Ligue222. Les médecins de l’organisation participent, aux côtés de ceux de Révolution !, du PSU et même de certains médecins du PS, à la création du Syndicat de la Médecine Générale (SMG), alternative à l’Ordre des médecins, structure autoritaire et passéiste honnie. Aux congrès du SMG les débats portent sur les nouveaux centres de santé à créer, sur le dialogue à engager avec des collectifs d’usagers. Cependant ce nécessaire dialogue avec le public n’amène pas les médecins de la Ligue à approuver certaines idées à la mode. Ainsi le docteur J.-M. Krivine condamne de manière définitive la remise en question du bien-fondé de la vaccination faite dans Rouge223. Il fait le parallèle avec l’école obligatoire qui, à la fin du xixe siècle, répondait aux intérêts de la bourgeoisie mais qui en même temps élevait le niveau culturel des masses. La Ligue sait parfois résister à la pression gauchiste.
Les militants du secteur santé dans l’action
84Dans ce domaine la Ligue tente aussi d’organiser ses militant(e)s pour l’action. Selon un texte interne de 1975, ils sont environ une centaine224 : jeunes en formation, travailleurs sociaux, infirmières, quelques médecins. En fait, il n’y a d’implantation que dans 12 villes, dont sans surprise Rouen et Toulouse, ainsi que Lyon, Marseille, Tours et Montpellier. À Rouen, à l’hôpital psychiatrique de Sotteville-lès-Rouen, les militant(e)s de la Ligue participent à une action en novembre 1972. La lutte est assez classique dans ses revendications (il est demandé une prime de nuit notamment), et plus originale par ses modalités (grève reconductible au lieu de la grève de 24 heures)225. À Tours, lors d’une grève organisée au centre hospitalier en mai 1973, un comité de grève a été mis sur pied, associant syndiqués et nonsyndiqués226. La participation des militant(e)s de la Ligue à l’action dans ce secteur d’activité n’est pas rare, ce fut le cas à Edouard-Toulouse (Marseille), Villejuif (Val-de-Marne) ou Château-Picon (Bordeaux) notamment227.
La psychiatrie n’est pas une science neutre
85Les militants présents dans les hôpitaux psychiatriques ne se contentent pas de défendre les droits élémentaires des salariés228. Ils se soucient des malades, s’insurgent contre les brimades dont ils sont parfois victimes, appellent au « respect de leur dignité229 ». À l’hôpital de Villejuif, où la Ligue est implantée, une vingtaine d’infirmiers et d’infirmières se sont organisés en un groupe « anti-matons » depuis 1974. Il publie un journal dénonçant les internements arbitraires dans ce véritable hôpital de force qu’est l’hôpital Colin, dépendant de Villejuif230. Plus généralement, la Ligue se bat contre la ségrégation, contre l’exclusion des psychiatrisés231. En 1978, son programme s’interroge sur ce qu’est un « fou ». Jacques Hassoun (19361999), médecin, directeur du centre médico-psycho-pédagogique d’Aubervilliers, militant de la LCR, participe à la création de la revue Garde Fous. Elle contribue à poser le problème des causes sociales de la folie. Les psychiatrisés ne sont-ils pas, pour une énorme majorité, des laissés-pourcompte de cette société, travailleurs sans qualification, vieillards, immigrés ? Une société fondée sur d’autres valeurs, sur la solidarité, ne peut avoir l’ambition de résoudre du jour au lendemain tous les problèmes, mais elle permettrait d’aller vers la fin du ghetto psychiatrique232.
Aux côtés des handicapés
86De même que beaucoup de « fous » sont simplement des individus inadaptés à la société telle qu’elle est, Rouge pose la question à propos des personnes dites « handicapées » : « Bon nombre de handicaps ne proviennent-ils pas des cadences que la société industrielle impose ?233 ». En 1970, Rouge donne précocement la parole au comité de lutte du lycée de Ramonville-Saint-Agne à Toulouse, géré par l’Association pour la sauvegarde des enfants invalides. Les revendications mises en avant à l’occasion de la visite de Melle Dienesch, secrétaire d’État à l’action sociale, le 21 mai 1970, seront régulièrement reprises par les diverses associations qui se créeront durant cette décennie. Il est reproché à l’État de se décharger de ses devoirs sur les associations privées234. La Ligue soutient les handicapés qui demandent un statut de travailleurs à part entière. Elle encourage les luttes des jeunes aveugles235. Un secteur handicapés et travailleurs sociaux de la LCR existe depuis 1977, publiant une revue, L’Asocial. On saisit, grâce à la nécrologie qui lui est consacrée dans Rouge, un de ces militants, Robert (Lankin à la LCR). Il est aveugle, exerce le métier de standardiste. Syndiqué à la CFDT, il est aussi membre de la direction nationale de la confédération de défense des handicapés et retraités236. Une des figures les plus emblématiques de ce secteur est Pierre Turpin, décédé début avril 2002 à l’âge de 42 ans. Très lourdement handicapé, cloué sur une chaise roulante, il a malgré tout milité au Mouvement de défense des handicapés, et pendant plus de 20 ans à la Ligue, menant parallèlement une carrière de chercheur237.
87Parfois les handicapés s’identifient en souscrivant pour Rouge. L’un assortit son versement de 50 F de ce commentaire :
Après les immigrés dans la rue, ainsi que les femmes battues, violées […] maintenant les handicapés physiques montrent leur nez238.
88Les militants de la Ligue organisés dans ce secteur font porter leurs critiques sur la loi d’orientation votée le 30 juin 1975, dite loi Lenoir. Sous prétexte de protéger le travail des handicapés, il est inadmissible affirme la Ligue, de les payer en dessous du SMIC239.
89La Ligue a entrepris une réflexion approfondie sur les questions de maladie, de folie et sur le handicap. Elle n’ignore pas les grandes recherches menées par Michel Foucault notamment sur la folie. La Ligue n’est peut-être pas la première à mener la lutte sur ces terrains. Le GIS ou le GIA, dans lesquels des intellectuels maoïsants sont bien implantés, ont souvent l’initiative. Mais les militants de la Ligue rejoignent précocement ces divers combats. Même si la conquête du « cœur de la classe » reste l’objectif stratégique principal des trotskystes, ceux-ci ne se désintéressent pas loin de là de ceux qu’ils ont tendance à percevoir d’abord comme des victimes du capitalisme, les malades, les fous, les handicapés.
Sensibilité à l’environnement et au nucléaire
90De même que la maladie et la folie sont, pour les militants de la Ligue, bien souvent causées par le capitalisme, celui-ci est responsable d’un certain nombre de catastrophes et de pollutions industrielles qui jalonnent les années soixante-dix240. Le choix en faveur de l’énergie nucléaire est accusé d’être destiné avant tout à satisfaire les grandes entreprises241. Pour certains militants, les désordres climatiques eux-mêmes sont aussi le fait du capitalisme. Mais sur ce dernier problème des voix dissonantes se font entendre. À Ph. Verdon, pour qui le capitalisme a créé la sécheresse au Sahel242, M. Verdi objecte « qu’il n’est pas indigne d’un marxiste de reconnaître qu’il existe des accidents naturels243 ». L’heure est donc également à l’action sur ce « front ». Si la LCR n’est pas à l’origine de la protestation écologique, elle voit celle-ci avec sympathie et engage ses militants sur ce nouveau terrain de lutte.
91La LCR dénonce la pollution à la dioxine dont est victime Seveso, dans la région de Milan, en juillet 1976. Elle envoie sur place un militant également expert, le Docteur J.-M. Krivine. Il faut dire que l’affaire est très grave : Seveso a dû être évacué et la pollution menace Milan244. Rouge évoque à plusieurs reprises l’émotion des habitants du quartier de la Devèze à Béziers, en lutte contre la menace de pollution que fait peser l’usine de la Littorale appartenant à l’entreprise américaine Union Carbide. Le journal fait le parallèle avec Seveso au moyen de titres accrocheurs « Seveso sur Devèze ?245 ». C’est aussi l’occasion de poser le problème des mots d’ordre : plutôt que d’exiger la fermeture de l’usine, mieux vaut lutter pour le contrôle des travailleurs et des syndicats sur les mesures de sécurité246. Mais la question qui suscite le plus d’attention est celle des marées noires, événements à répétition dans les années soixante-dix. « Un désastre247 », « le cancer noir248 » sont les titres chocs utilisés pour désigner ces accidents catastrophiques, quatre en 10 ans, du Torrey Canyon en 1967 à l’Amoco-Cadiz en 1978. Les sections bretonnes de la LCR participent à la mobilisation, refusant le bénévolat et l’appel à l’unité nationale contre la catastrophe. Une brochure très complète, publiée en 1978, est l’occasion de rappeler la nécessaire « nationalisation des compagnies pétrolières sous contrôle ouvrier », ainsi que « l’autonomie socialiste » pour la Bretagne249.
Énergie nucléaire : un combat sans concession
92L’accélération du programme nucléaire français, décidée en mars 1974 par les autorités de l’État à la suite du premier choc pétrolier, fait de ce débat l’un des plus importants dans la deuxième partie de cette décennie. En 1975, une commission nationale nucléaire est constituée. Le spécialiste de la question, auteur de nombreux articles, coordonnateur d’un numéro spécial de Critique communiste consacré à « Écologie, environnement, pollution250 » est Jean-Paul Deléage. L’hostilité absolue de la LCR au nucléaire est argumentée. Rouge publie un extrait d’une déclaration de 400 scientifiques hostiles à la politique nucléaire du gouvernement, signée notamment par Marcel Froissart, directeur du laboratoire de physique corpusculaire du Collège de France251. La LCR manifeste le souci de s’appuyer sur des experts, car la majorité des partis de gauche — notamment le PCF — a une position beaucoup plus favorable au nucléaire. Par ailleurs, la Ligue ne veut pas être assimilée à cette composante du mouvement écologiste, nostalgique du passé et désireuse de retrouver une nature originelle totalement mythique252. Mais l’organisation ne peut que combattre un programme de construction de centrales nucléaires qui contribuera à léguer aux générations futures un héritage dangereux, du fait en particulier du problème non résolu du stockage des déchets253.
93Si presque tout le pays est concerné, les militants de la Ligue sont plus particulièrement mobilisés en Normandie (usine de retraitement de La Hague), en Rhône-Alpes (implantation du surgénérateur Super Phénix à Creys-Malville) et à la fin de la décennie en Bretagne (manifestation contre le projet d’une centrale nucléaire à Plogoff à la pointe du Raz), enfin en Midi-Pyrénées (mobilisation contre la construction de la centrale de Golfech en 1982). Sur ce terrain de lutte, les militants de la Ligue rencontrent des militants venus d’autres traditions, les anarchistes notamment. Leur conception de l’action désoriente les militants trotskystes, par exemple lors de la manifestation des 30-31 juillet 1977 à Creys-Malville qui se termine dramatiquement par la mort d’un manifestant, Vital Michalon. La distance entre l’objectif très ambitieux donné à la manifestation par les comités Malville — « pénétrer sur le site pour y détruire tout ce qu’il sera possible d’y détruire » — et la minceur des propositions d’action concrètes — « les groupes devront y réfléchir et imaginer les entraînements spirituels et matériels nécessaires254 » — semble énorme. Ces propositions d’action ne semblent pas adaptées aux objectifs proclamés. La coordination des comités Malville est vite débordée, et l’action des militants de la LCR et du SO de l’OCT présents sur les lieux, ne parviennent pas à protéger les dizaines de milliers de manifestants quand les forces de l’ordre reçoivent l’ordre de charger. Les militants de la LCR et de la QI présents à Malville — 400 environ, dont un membre du BP (Serge) — sont déçus, ayant constaté « l’extériorité dramatique de la manifestation par rapport au mouvement ouvrier255 ».
94On retrouve, quelques années plus tard, le même divorce entre militants de la Ligue et activistes écologistes de sensibilité libertaire, tentés par la violence minoritaire. Dans un texte adressé en juin 1982 aux militants antinucléaires de Montauban en lutte contre l’implantation d’une centrale à Golfech, trois militants des JCR écrivent que les attentats « n’ont que pour effet de renforcer la propagande bourgeoise, son appareil répressif, et d’isoler encore plus les antinucléaires de la classe ouvrière256 ». Le souci de ne pas se couper de la classe ouvrière et de ses organisations est précoce et constant257. C’est avec satisfaction que la LCR, dans son programme de 1978, note la position réticente de la CFDT par rapport au nucléaire, alors que les partis de la gauche classique, par réalisme, ont une position beaucoup plus modérée258. C’est en Bretagne autour de la lutte contre l’implantation d’une centrale à Plogoff que s’est réalisée, se réjouit la LCR Finistère, la jonction entre le mouvement anti-nucléaire et le mouvement ouvrier259. Ainsi, le conseil municipal de Douarnenez et son maire communiste ont pris position contre la construction de cette centrale, en désaccord avec la position de G. Marchais260. Le rassemblement organisé le dimanche 16 mars 1980 à la pointe du Raz, estimé par Rouge à 60.000 personnes261, a été appelé par l’ensemble des forces politiques et syndicales de la gauche non-communiste de concert avec l’extrême gauche. Le communiqué de protestation contre les charges policières ayant occasionné des blessures sur plusieurs manifestants, dont Jean-Michel Manach, enseignant du SGEN et militant de la LCR, est signé par un très grand nombre d’associations. Seuls le PC et la CGT persistent dans leur refus262.
95On est frappé par la variété des terrains d’intervention des militants de la Ligue. Certes la LCR a l’ambition de s’implanter en priorité dans la classe ouvrière. Mais, contrairement à sa rivale Lutte Ouvrière, qui concentre ses forces sur les usines et accessoirement sur les CET, la Ligue est présente dans tous les secteurs. Peut-être faut-il voir là la persistance de la stratégie du début de la décennie — de la périphérie vers le centre —, ou plutôt la volonté du petit parti d’être présent partout, d’apporter des réponses à toutes les catégories sociales ou professionnelles en contestation. Mais en cherchant à couvrir tous les domaines, l’organisation ne risque-t-elle pas de disperser ses forces ? C’est sans doute pour éviter ce risque, qu’au cours de la période, les dirigeants tentent de doter le parti de structures solides. Ils se préoccupent aussi bien sûr de l’unité des révolutionnaires. Parviendront-ils mieux qu’après Mai 68 à des résultats tangibles importants ?
Notes de bas de page
1 En mai 68 la JCR était composée à 90 % d’étudiants, de lycéens. En 1971 les étudiants lycéens ne représentent plus que 43 % des effectifs. cf. supra.
2 APJPS, carton n°I, BI, « L’organisation en chiffres », 4 p. ron.
3 Filoche (G.), op. cit., p. 209, évalue le nombre total de militants à 3.800 en 1976.
4 APGF, « Enquête de la commission nationale étudiante », 1er novembre 1971, cahier du secrétariat étudiant, 1971-1972.
5 AD Haute-Garonne, 1681 W13, « rapport des Renseignements généraux de Toulouse au Directeur des R.G., ministère de l’Intérieur », 19 novembre 1968, 1 p.
6 Comme le rappelle Fischer (D.), L’Histoire des étudiants de France, Paris, Flammarion, 2000, p. 448 : « Quelques étudiants particulièrement excités avaient fait mine de coiffer le doyen d’un couvercle de poubelle ».
7 Rh n° 55, 9 mars 1970, p. 8 ; Rh n° 61, 27 avril 1970, p. 8 sous le titre « Universités, les cages à gauchistes. Nouvelle Résistance ou lutte de masse prolongée ».
8 Rh n° 50, 2 février 1970, p. 10, sous le titre « Nanterre l’impuissance à l’œuvre », cette agression est qualifiée deux fois « d’imbécile », mais en même temps, de manière condescendante, Paul Ricœur est qualifié de « doyen le plus inoffensif de France ».
9 Fischer (D.), op. cit., p. 422. L’auteur lui-même évoque quelques pages plus loin le « discours plus réaliste et moderne » des trotskystes de la Ligue, ce qui explique qu’ils aient eu « une certaine audience » (p. 454).
10 Rh n° 55, 9 mars 1970, « Éditorial ».
11 Corbin (A.), Historien du sensible, entretien avec Gilles Heuré, Paris, La Découverte, 2000, p. 19. L’origine du conflit est bénigne. Les manifestants reprochent au conseil de gestion de ne pas avoir déclaré que son opposition à un décret était « irrévocable ». A. Corbin explique que les militants communistes de Saint-Pierre-des-Corps dépêchés sur les lieux ne sont pas parvenus à les libérer. Il a fallu attendre le lendemain et l’arrivée des CRS pour mettre fin à la séquestration.
12 Nous remercions P. Cariou de nous avoir fourni ce renseignement (dans AD 17, SRRG à RG La Rochelle, 8 mai 1971).
13 Rq n° 27, 14 avril 1976, p. 9 et n° 66, 3 juin 1976.
14 Rq n° 29, 16avril 1976, une. 40.000 à Paris. « Des manifestations jamais vues depuis 1968 ».
15 « Thèses », IIecongrès de la LCR, op. cit., mai 1977, p. 26.
16 Rq n° 212, 26 novembre 1976, p. 8 : « Pour faire un pas vers un rassemblement étudiant ».
17 Fischer (D.), op. cit., p. 462.
18 Fischer (D.), op. cit., extraits de la Charte de Paris, p. 465.
19 APJPS, carton n° I, BI, « L’organisation en chiffres », op. cit. Au congrès de 1974, 4,6 % des militants sont lycéens et 0,3 % collégiens (CET), soit 10 seulement pour ces derniers. Au congrès de 1977 les lycéens ne représentent plus que 2 % du total, aucun pourcentage n’est donné pour les collégiens, alors que le compte rendu public fait dans Rq (n° 261, 31 janvier 1977) donne 2 % pour les lycéens, 2 % pour les collégiens, mensonge pieux surévaluant la force de la Ligue dans les CET, sans doute pour montrer à LO qu’elle n’a pas le monopole du militantisme dans ce milieu.
20 Yon (K.), op. cit., p. 102. Témoignage de Robi Morder élève au lycée Charlemagne : « On était dans l’animation d’à peu près tous les foyers et ciné-clubs de Paris, on ne les dirigeait pas tous seuls mais on était bien implantés ».
21 Rh n° 241, 8 février 1974, p. 189.
22 Ibid., p. 19.
23 APJPS, carton n° 11. Un texte interne, non daté, tente d’orienter les lycéens titulaires du bac vers les IUT qui présentent beaucoup d’intérêt pour le « travail ouvrier », une telle orientation permettant « d’éviter de passer plusieurs années dans une fac pour en sortir sans qualification et sans débouchés ». Le même document nous dit que la Ligue est implantée dans 5 des 8 IUT de la région parisienne, implantation fragile (« un ou deux militants par IUT ») qu’il s’agit de renforcer.
24 Rh n° 16, 16 avril 1969, p. 5, ces sections publient une feuille spécifique, L’Apprenti enchaîné.
25 Dans CRS n° 30, mi-1975, p.4. Texte du secrétariat jeune du CC, « Le Trou noir des CET ».
26 D’après Rq n° 25, 12 avril 1976, p. 12.
27 Jonquet (Th.), Rouge c’est la vie, Paris, Le Seuil, 1998, p. 123.
28 bid., Secrétariat CET, circulaire, 3 octobre 1974, op. cit., p. 6. Cette expression imagée, appartenant au jargon militant, est destinée à caractériser le travail militant insistant des membres de LO, adeptes des longues discussions personnelles avec leurs contacts, menées souvent dans un café.
29 Rq n° 295, 11 mars 1977, et Rq n° 312, 31 mars 1977, p. 9. Au CET Jean Moulin au Blanc-Mesnil, 100 lycéens sur 500 sont « syndiqués » à la CP CET.
30 Rq n° 313, 1er avril 1977, p. 9, reproduit une tribune libre de Ceux du Technique qui reproche à la CP « son alignement sur les partis de l’Union de la gauche et les grands syndicats ».
31 « Thèses », IIecongrès de la LCR, op. cit., p. 71.
32 Les jeunes révolutionnaires étaient hébergés à l’auberge de jeunesse de Fontarrabie : Rq, été 1978, n° 709, 28 juillet 1978 ; n° 717, 7 août 1978.
33 Rh n° 858, 15-22 mars 1979, p. 16-17, compte rendu du congrès préparatoire local de Seine-Saint-Denis.
34 Entretiens avec M. Berthaud, le 16 novembre 1999 et le 16 juin 2001.
35 Situé sur le plateau depuis le début du siècle, sa superficie doit être portée de 3.000 à 17.000 hectares. Il est prévu pour cela d’exproprier 106 exploitations et le hameau de la Blaquière. Or plusieurs de ces exploitants sont jeunes, à la tête d’exploitations modernisées. 103 exploitants vont refuser et commencent un long combat.
36 En juillet 1972, à la veille du premier grand rassemblement organisé à Rodez le 14 juillet 1972, la LC et l’IMG éditent une affiche dénonçant les manœuvres de l’armée anglaise réalisées sur le plateau, dans le but de s’entraîner à la lutte contre le peuple irlandais.
37 Rh n°167, 22 juillet 1972, p.4. Y. Clément, « Larzac, un 14 juillet pas comme les autres ».
38 Rh n° 166, 15 juillet 1972, p. 3. Soutien aux objecteurs de conscience.
39 Le Monde, 31 mars 1973, M. Field rappelle l’opposition de la Ligue à l’armée de métier.
40 Rh n° 133, 20 novembre 1971. Ce n’est pas dans Rouge qu’il est indiqué que J.-J. Martin est militant du PC mais dans une plaquette Qu’est-ce-que ? sur l’armée, 17 février 1973, qui précise que le PC ne donna aucun retentissement à cette affaire. J.-J. Martin est condamné à deux mois de prison ferme et quatre mois avec sursis.
41 Rh n° 144, 12 février 1972, p. 7, publie une pétition lancée par lui.
42 Rh n° 182, 2 décembre 1972. Titre de la une ; p. 13 : « 500.000 jeunes soumis à la répression militaire. Avec le CDA, brisons le mur du silence ».
43 Ce que veut…, op. cit., p. 151.
44 Filoche (G.), op. cit., p. 200.
45 Entrevue avec J.-P. Ternon à Toulouse le 24 janvier 2003. Au moment de l’appel des Cent, dont il est un des signataires, il nous dit qu’il est le seul membre du CC sous les drapeaux, ce qu’il regrette.
46 APGF, texte interne, bilan du travail armée que Matti suivait pour le BP, avant de démissionner, 28 mai 1978, p. 5.
47 APGF, « Lettre de la CNA au BP », une demi-page sans date, sans doute 1977. Une lettre de Bruno Marchal adressée à G. Filoche datée du 26 novembre 1977 l’informe que la section de Tours a « décidé » sa réforme.
48 Ibid., « Lettre au BP de List, cellule lycéenne Paris Ve-VIe », 1 p. dact., sans date, probablement 1977.
49 Ibid. Dans sa lettre manuscrite, sans date, 1 p. r.-v., il cite l’art. 98 du code de la nationalité française.
50 Ibid.
51 Cité par François Cornu, Le Monde, 9 juillet 1974, p. 8.
52 APJPS, carton n° 12, « Manifeste du Front des soldats, marins et aviateurs révolutionnaires (FSMAR) », fin 1973, 24 p. ron.
53 APJPS, Ibid., numéro spécial de La Caserne, publication du FSMAR, octobre-novembre 1973, 19 p., ou la circulaire de rentrée 1974 de la CNA, 5 p., rappelant la résolution du CC d’août.
54 Rh n° 203, 4 mai 1973, p. 3-4. En une, photo des soldats manifestant en uniforme, accompagnée du titre « Sous l’uniforme, le soldat reste un travailleur ».
55 Rh n° 219, 7 septembre 1973, p. 14 et n° 225, 19 octobre 1973, p. 15 : « Procès de Tarbes, victoire ».
56 AD Hautes Pyrénées, La Nouvelle République des Pyrénées, 26 juin 1973, p. 7.
57 Le Monde, 24 et 25 janvier 1974.
58 A. Rosevègue, que nous remercions de nous avoir transmis son dossier Chézy, né en 1945, était sursitaire ; il termina son service militaire avec le grade de caporal en septembre 1973 et se vit décerner un certificat de bonne conduite.
59 Rq n° 7, 1er mai 1974, p. 3 Rouge est devenu quotidien pendant un mois, le temps de la campagne électorale.
60 Le Nouvel Observateur, 22-28 juillet 1974, p. 29 : « Multiplication des “Cent” ». Un tract LCR du 7 novembre 1975 affirme qu’il aura recueilli au total 7.000 signatures.
61 APJPS, carton n° 12, Ibid., « Dossier Ternon ». Paris-Normandie, 28 juin 1974.
62 Ibid., Écho du Centre, 11 juillet 1974.
63 Rh n° 260, 25 juillet 1974, p. 2, « Le Nouvel Observateur publie l’Appel, Le Monde en parle, même L’Humanité en parle le 7 juillet ».
64 Ibid., Le Monde, 30 août 1974. Actuellement, écrit le journal, 250 publications sont interdites, dont L’Humanité depuis 1947. Il n’en resterait plus qu’une dizaine.
65 APJPS, carton n° 12, Ibid., « Dossier Draguignan ». France-Soir, 12 septembre 1974, 1re page.
66 Ibid., Le Monde, 10 janvier 1975.
67 Rh n° 282, 10 janvier 1975.
68 APJPS, carton n° 12, Ibid., CNA, circulaire de rentrée, 1974, 5 p.
69 Cité par Rh n° 284, 24 janvier 1975, p. 20.
70 Rh n° 330, 9 janvier 1976, p. 11.
71 Rq n° 331, 23-24 avril 1977, p. 4.
72 Rh n°858, 15-22 mars 1979, p.19. Patrick Mars, « Règlement de compte ».
73 Ces appelés étaient accusés d’avoir demandé, dans le bulletin de leur comité de soldats, Les Sapeurs en lutte, « le retrait des forces étrangères basées en Allemagne ». Voir Le Procès de Landau. Des soldats pour la paix devant un tribunal militaire, Paris, La Brèche, 1984.
74 APJPS, cartons II et III, comptes rendus de congrès.
75 Guéraiche (W.), Les Femmes et la République, Paris, éditions de l’Atelier, 1999, p. 183.
76 Picq (F.), Libération des femmes. Les années-mouvement, Paris, Le Seuil, 1993, p. 16.
77 J.-F. Godchau, militant de la LC, est le seul homme qui contribue à ce numéro de Partisans sur les femmes (n° 54-55, daté de juillet-octobre 1970, mais paru à la fin de l’année), dans Picq (F.), op. cit., p. 32.
78 Rh n° 104, 8 mars 1971, p. 6.
79 Rh n° 109, 12 avril 1971, p. 6.
80 Rh n° 107, 29 mars 1971, p. 8-9.
81 Rh n° 134, 27 novembre 1971, p. 5. Marthe Robichon, « Le drapeau noir flotte sur la marmite ».
82 Les manifestantes interceptèrent un mariage qui passait par là et l’accompagnèrent à l’intérieur de l’église Saint-Ambroise aux cris de « des pilules pour la mariée ! ».
83 Rh n° 135, 4 décembre 1972.
84 APJPS, carton n° 7, « Travail Femme ».
85 Ce que veut…, op. cit., p. 133.
86 Manifestes…, op. cit., p. 144.
87 APJPS, carton n° 7, Ibid., texte Flora Tristan, octobre 1973, 7 p. ron.
88 APJPS, Ibid., Cercle Flora Tristan, octobre 1973, « Sortir de l’ombre du féminisme bourgeois ».
89 Ibid., « Rubrique Femmes » (nom donné pendant quelque temps à la commission femmes, après la dissolution) aux correspondants, texte de 3p., « Alternative à l’alternative », environ 1974.
90 MLAC-Rouen Centre, Vivre autrement dès maintenant, Paris, Maspero, 1975, p. 8. 2.000 personnes auraient assisté à un « Six heures » sur cette question.
91 APJPS, Ibid., tract d’appel à la projection d’Histoire d’A, 30 janvier 1974.
92 Conçue à l’origine dans une commune populaire chinoise, la méthode fut popularisée par Karman, psychologue à Los Angeles. Pour certains, avec lesquels la Ligue est en désaccord, cette pratique devait permettre à la population de se réapproprier une partie du pouvoir usurpé par les médecins/spécialistes.
93 Comité pour la libération de l’avortement et de la contraception Grenoble, Libérons l’avortement, Paris, Maspero, 1973. Dans cet ouvrage, les auteurs déplorent que « les militants gauchistes classiques ne considèrent pas ce combat comme politique », p. 19.
94 APJPS, Ibid., commission nationale Femmes, 1er mars 1973, 3 p., Verla.
95 Ibid.
96 APJPS Ibid., « Rubrique Santé », 14 mai 1974, 1 p. À l’hôpital de la Cité universitaire, des personnes extérieures auraient fait un avortement après avoir malmené un médecin local. « Ce stade paraît être dépassé et spectaculaire sans plus ».
97 Rh n° 260, 25 juillet 1974, p. 16. « Vacances : tournée du MLAC ».
98 Rh n° 277, 6décembre 1974, titre « Loi sur l’avortement : libéralisme en trompe-l’œil ».
99 Témoignage de Naïk et lettre du docteur Yana à la « présidente du MLAC », 17 juin 1975.
100 Votée pour 5 ans, la loi sera définitivement reconduite le 20 décembre 1979, et en 1983 la majorité parlementaire de gauche décidera que l’IVG peut être remboursée par la Sécurité sociale.
101 Rh n° 314, 29 septembre 1975, p. 4 : « Procès pour viol à Marseille. Les femmes ne se tairont plus ».
102 Rh n° 335, 13 février 1976, p. 7.
103 Rq n° 27, 14 avril 1976.
104 Rq n° 36, « Viol et justice ».
105 Rq n° 109, 26 juillet 1976. Débat sur le viol.
106 CdF, n° 31 (printemps 1985), n° 33 (automne 1985).
107 Rq n° 46, 8 mai 1976, p. 5.
108 Rq n° 277, 18 février 1977, p. 19.
109 Rq n° 110, 27 juillet 1976, p. 6.
110 CdF n° 10, juin-septembre 1979. La revue fait état du livre d’Erin Pizzey, traduit et publié par les éditions Des Femmes en 1975, sous le titre, Crie moins fort, les voisins vont t’entendre.
111 Rh n° 295, 11 avril 1975, p.16. Gabriel, « Tant qu’il y aura des hommes ».
112 Ibid.
113 CdF n° 5, juin-juillet-août 1978, « Dossier prostitution », p. 20-39. Cette position de refus intransigeant est toujours celle de la LCR. Dans un article de Rouge du 15 juin 2000, n° 1880, Alice Foucher écrit « La prostitution ce n’est pas mal, ça fait mal ».
114 Rq n° 31, 20 avril 1976, p. 8. Interview de Barbara.
115 PRdP n° 10, décembre 1981. C’était la logique développée par les deux prostituées, Griselidis Real et Joëlle Laniez, invitées par le groupe femmes de Périgueux à une réunion sur la prostitution.
116 Ibid.
117 « Résolution et débats, Conférence femmes de la LCR », Taupe Rouge n° 11, novembre 1977, 112 p.
118 APJPS, carton n° III, CRS n° 19, fin 1974, « Contribution au débat sur le travail femmes », Guérance et al.
119 Ibid., CRS n° 25, « T3, Travail Femmes », début 1975, p. 14-24.
120 APJPS, carton n°IV, CERS n° 43, 1976. Résolution présentée par le secrétariat de la commission nationale femmes au CC.
121 APJPS, carton n° 7, Ibid., texte « Marseille » (commission femmes, Guillaume, Nell, Arcane), pour préparer la deuxième session de la conférence nationale femmes, fin septembre 1977.
122 Ibid.
123 Ibid., commission nationale femmes/commission nationale ouvrière, « Bilan de la réunion parisienne interne des camarades femmes salariées pour la préparation du 8 mars », 4 p. ron., sans date.
124 Rq n° 274, 15 février 1977, p. 9.
125 Rq n° 298, 15 mars 1977, p. 12 et Rq n° 338, 2 mai 1977.
126 CdF n° 7, décembre 1978-janvier 1979. Dossier « Syndiquées à la CGT ».
127 CdF n° 21, novembre-décembre 1982, p. 14-17.
128 Par exemple dès son numéro 2, les CdF interrogent deux militantes de Bordeaux, Maïté et Mado, qui expliquent leurs efforts pour animer un groupe femmes, la première sur une entreprise métallurgique, la seconde sur la cité administrative. Maïté Astruc a été plusieurs fois candidate de la LCR aux élections à Bordeaux.
129 L’ouvrage, publié à Moscou en 1923, est réédité en 1976 dans la collection 10/18.
130 Ouvrage cité dans « Pédagogie et crise de la bourgeoisie », Cahier Rouge n° 13, 1969.
131 APGF, carton n° 10, texte de 8 p. ron., trois projets d’articles sur Reich, provenant du Cercle Rouge du Lycée Concorcet à Paris, sans date, vers 1972-73.
132 Dans Reich (W.), Le Combat sexuel de la jeunesse, cité dans « la Plate-Forme du Sexpol » publiée dans le numéro spécial d’Antinorm, fin 1973.
133 Rh n° 237, 11 janvier 1974, p. 19, « Quel Sexpol ? »
134 APGF, carton n° 10, Ibid., 3 p. dactylo. signées Soizic Penanguer, « À propos de Sexpol ».
135 Rh n° 239, 25 janvier 1974, p. 16-17, « À propos de l’article “Quel Sexpol ?” » et p. 16 réponse d’Antinorm à l’article du 11 janvier 1974.
136 Rq temporaire n° 12, 8 mai 1974, p. 3.
137 Rq n° 243, 6 janvier 1977.
138 Rq n° 189, 28 octobre 1976, p. 9.
139 Rq n° 212, 26 novembre 1976, p. 9.
140 Rq n° 258, 27 janvier 1977.
141 Rq n° 248, 13 janvier 1977, p. 9.
142 Rq n° 212, 26 novembre 1976, p. 9.
143 Rq n° 266, 5/6 février 1977, p. 9.
144 Le texte de cette pétition et la liste des signataires, publiés dans Le Monde du 26 janvier 1977, sont repris dans Sirinelli (J.-F.), Intellectuels et passions françaises, Paris, Gallimard, coll. « Foliohistoire », 1990, p. 437.
145 Rq n° 364, 4/5 juin 1977.
146 Rq n° 335, 28 avril 1977, p. 9. Semaine homosexuelle.
147 Rq n° 422, 12 août 1977, p. 6.
148 Rq n° 464, 1er/2 octobre 1977, p. 11 et n° 479, 19 octobre 1977. Une autre lectrice, Fanny Shapira, demande que Rouge « défende ces opprimés par excellence que sont les enfants » (dans Rq n° 592, 4/5 mars 1978).
149 Rq n° 422, 12 août 1977, p. 6.
150 Rq n° 267, 7 février 1977. Titre de son article. Notons qu’en 1971 Georges Mendel affirmait cette nécessité d’émanciper l’enfant dans l’ouvrage intitulé Pour décoloniser l’enfant. Sociopsychanalyse de l’Autorité, Paris, Unesco-Payot. Pour d’autres, cette « adultisation » de l’enfant, cette assimilation de l’enfant à l’adulte, aboutit à une destruction de l’enfance. Pour avoir une idée de ces débats, se reporter à Becchi (E.), Julia (D.), dir., Histoire de l’enfance en Occident, Paris, Le Seuil, 1998, t. 2.
151 CdF, mai 1978, n°4, p. 38-41. « Dossier sur la Maison des enfants de Rouen ».
152 Rq n° 516, 5 décembre 1977.
153 Rh n° 166, 15 juillet 1972, p. 3 et n° 184, 16 décembre 1972, p. 20, « Les Obsédés », article de M. Beauchamp.
154 Rq n° 589, 1ermars 1978, p. 10, sous le titre « C’est honteux ! Ils ont causé sexe à “nos” enfants ».
155 Rq n° 556, 21/22 janvier 1978, p. 7. Y. Boyer, « La pédophilie : pour que s’ouvre un débat ». Dans cet article, Y. Boyer, membre de la commission homosexualité de la LCR écrit « qu’il y a certains principes, certaines règles de conduite qu’il n’est pas question, pour un révolutionnaire, de transgresser ».
156 Partis Pris, janvier 1979, n° 6, mensuel créé notamment par d’anciens militants de l’OCT.
157 Ce sont les mots utilisés par un lecteur, dans Rq n° 562, 28/29 janvier 1978.
158 LCR, Oui le Socialisme !, 1978, op. cit., p. 203.
159 LCR, CNH, Homosexuel(le)s en mouvement, octobre 1982, brochure de 20 p., cit. p. 18.
160 Le Fhar fut créé en mars 1971 par des intellectuels comme Guy Hocquenghem (1946-1988). Ce dernier après avoir rompu avec la JCR, un moment proche de VLR, écrivit un premier ouvrage en 1972, Le Désir homosexuel.
161 A. Libera est une militante de la Ligue marxiste révolutionnaire, section suisse de la Quatrième Internationale, détachée auprès de la direction de la QI, d’après Challand (B.), La LMR en Suisse romande, 1969-1980, Université de Fribourg, 2000, p. 216, note 12.
162 Rh n° 156, 6 mai 1972, p. 5.
163 Dans son témoignage recueilli à Marseille le 22 août 2001, Jean-Jacques Adam fait état de la difficulté d’aborder ce problème y compris dans le groupe Révolution !, dans ces années 1974-1975.
164 C’est ainsi qu’un article anonyme tente d’expliquer la difficulté qu’a eu la Ligue jusqu’ici pour intervenir sur cette question, Rq n° 70, 9 juin 1976, der.
165 CERS, n° 45, 1976, « La police, l’armée, la Ligue… », Nicolai et Swanee.
166 CERS n° 74, compte rendu du CC, octobre 1977, « L’oppression des homosexuel(le)s dans la LCR ».
167 APJPS, carton n° 17, « Homosexualité », Adresse, 1 p. r.-v., commission homosexualité (Hymanée, Thalou, Triton, Yvan), automne 1977.
168 C’est encore l’attitude de l’organisation lors de la campagne présidentielle de mai 1974, cf. Rq n° 15, 11 mai 1974, en réponse à une lettre de militants du PC de Paris-IXe, affirmant avoir été exclus pour homosexualité.
169 Rq n° 331, 16 janvier 1976, un sympathisant regrette le silence de Rouge sur l’homosexualité. Rq n° 332, 23 janvier 1976, un membre du Cercle rouge (Marseille) demande que l’on donne la parole aux homophiles.
170 « Nous ne voulions pas d’un San Francisco à la française » écriront en février1979 trois militants de la CNH, dans Rq n° 852, 2/3/4 février 1979, p. 15.
171 Ibid., CNH, « Thèses Homosexualités », 19 novembre 1978, 3 p.ron.
172 Rq n° 852, 2/3/4 février 1979, dernier numéro de Rouge quotidien, publie le texte de ces 3 militants qui quittent l’organisation et en parallèle celui des 3 militants de la CNH qui décident de rester à la Ligue.
173 Jacques Fortin, candidat LC à Lyon aux législatives de 1973, est membre fondateur et président de l’université d’été euroméditerranéenne des homosexuel(le)s qui se tient à Marseille depuis le début des années quatre-vingt.
174 Stora-Sandor (J.), Alexandra Kollontaï, marxisme et révolution sexuelle, Paris, Maspero, 1973, réédition de textes.
175 La formule de Trotsky est volontiers reprise par les militants de la LCR.
176 CdF n° 3, mars 1978, p. 44-46, « Parole d’homme, Delprat, militant LCR ».
177 CdF n° 5, juin-juillet-août 1978, p. 49.
178 Du Côté des lycéennes, brochure des Cercles rouges lycéens, LCR, sans date, vers 1975, 32 p.
179 Rq n° 112, 29juillet 1976, der, M. L. « S’aimer serait-il réactionnaire ? ».
180 Ibid.
181 Millet (K.), La Politique du mâle, Paris, Stock, 1971, p. 193-194.
182 L’attitude est toute différente à Lutte Ouvrière. C’est l’interdiction faite aux garçons de dormir avec les filles (y compris quand ils sont en couple dans « le civil »), lors des caravanes d’été de l’organisation, qui a été en partie à l’origine d’une des dernières scissions, celle de la Voix des travailleurs (VDT) en 1999.
183 Rh n° 162, 17 juin 1972, p. 10.
184 Rh n° 141, 22 janvier 1972, p. 16. Allusion à l’assassinat, en septembre 1971, par Buffet et Bontems d’une infirmière et d’un gardien qu’ils avaient pris comme otages à la prison de Clairvaux.
185 Rh n° 252, 26 avril 1974, p. 7-10, dans « Dossier Prison », interview de S. Livrozet et de J. Lapeyrie, et Rh n° 261, 26 juillet 1974, p. 8-9 : interview de S. Livrozet et de C. Legay.
186 Publié à Paris, aux éditions du Mercure de France.
187 Ibid., p. 7. Rq n° 275, 16 février 1977 : interview de S. Livrozet
188 Rq n° 340, 4 mai 1977, dernière page.
189 Titre de l’article de G. M., Rq n° 547, 11 janvier 1978, p. 3.
190 Rh n° 648, 17 mai 1978, p. 14, Rh n° 684, 28 juin 1978, p. 4, et Rh n° 688, 3 juillet 1978, p. 9, 2 colonnes. G. Matran a été condamné en 1975 à 8 ans de prison pour des actes commis à l’âge de 18 ans
191 . Rh n° 153, 15avril 1972, p.4 : « Peut-on réformer les gardes-chiourmes ? ».
192 Rh n° 205, 18 mai 1973, p. 14. Il est question de « brutes, d’alcooliques ou d’imbéciles qui constituent la plus grande partie de la profession de gardiens de prison ».
193 Ce que veut…, op. cit., p. 146.
194 Rh n° 104, 8 mars 1971, « Éditorial ».
195 Le Monde, 26 décembre 1969, p. 8, « Libres opinions ». Fernand Cathala, commissaire honoraire de la sûreté nationale demande une amélioration du recrutement des policiers du point de vue intellectuel et moral.
196 Rh n° 47, 12 janvier 1970, p. 7.
197 C’est ce qualificatif que lui applique F. L. à l’occasion de la sortie de son livre Question à la police paru en 1973, dans Rh n° 239, 25 janvier 1974, p. 17.
198 Tract reproduit dans Rh n° 104, 8 mars 1971, p. 7.
199 Rh n° 211, 27juin 1973, p. 5 : « Lettre à Pierre (sic) Monatte du BP de la LC ».
200 Rh n° 214, 20 juillet 1973, p. 10-11.
201 Rq n° 394, 9/10 juillet 1977, p. 10.
202 Ce que veut…, op. cit., p. 148 et LCR, Oui le Socialisme !, 1978, op. cit., p. 227.
203 Ce que veut…, op. cit., p. 143.
204 C’est l’idée développée par P. S. dans Rh n° 47, 12 janvier 1970, p. 7. À cette époque il est question de changements de la durée de la garde à vue.
205 Titre de La Cause du Peuple, 1er mai 1972. Le Nouvel Observateur du 24 avril 1972 donne ce titre à l’article de Katia D. Kaupp : « Une chasse, un bateau, une villa, un château, une fiancée. Et 6 meurtres peut-être ».
206 Rh n° 157, 13 mai 1972, p. 7, G. Marion : « Bruay-en-Artois : À propos de justice populaire ».
207 Rh n° 202, 27avril 1973, p.6, Nicolas Sentier : « Bruay. Justice est faite ? ».
208 Rq n° 263, 2 février 1977 : J.-F. Vilar, « Édito : L’alibi ».
209 Rq n°254, 22/23 janvier 1977, p. 6 : J.-F.Vilar, « La fin de la peine de mort ».
210 Ibid., p. 7.
211 Rouge n’y consacre pas moins de 30 articles en 1976-1977, plusieurs en une.
212 Premier article consacré au SM, Rh n° 182, 2 décembre 1972, p. 10-11, puis n° 231, 30 novembre 1973, p. 8 : G. M., à l’occasion du VIe congrès.
213 Rh n° 232, 7 décembre 1973, p. 9-12, dans « Dossier Magistrature », interview des juges, J. P. Michel et H. Dalle, membres du bureau du syndicat, par G. M.
214 APJPS, carton n° 18, « Police, justice, prisons », compte rendu du BP du 29 mai 1975 envoyé aux DV, DS, cellules, 8 lignes concernent cette cellule qui sera chargée « de diriger l’intervention que nous avons dans ce secteur ».
215 Rh n°208, 8 juin 1973, p. 13 : M.Lagrange, « Les Avocats aussi ».
216 Les premiers militants qui refusent de participer à un jury sont J.-F. Godchau, assistant en sciences économiques à Paris X, (Rouge quotidien n° 275, 16 février 1977, p. 11) suivi de Mireille March, institutrice (Rq n° 317, 6 avril 1977, p. 6), Philippe Marais, militant CGT (Rq n° 330, 22 avril 1977, p. 13)…
217 LCR, Oui le Socialisme !, 1978, op. cit., p. 223.
218 « La Médecine Confisquée », Cahier Rouge n° 2, Paris, Maspero, 1968, 45 p.
219 LCR, Oui le Socialisme !, op. cit., p. 142.
220 « La Médecine Confisquée », op. cit., p. 12. Idée reprise dans Qu’est-ce que… la santé ?, document LC, supplément à Rh n° 188, 20 janvier 1973.
221 LCR, Oui le Socialisme !, op. cit., p. 154.
222 APJPS, carton n° 4, chemise « Santé », BI, expéditeur : branche santé, 6 février 1975.
223 Rq, n° 254, 22/23 janvier 1977.
224 APJPS, Ibid., circulaire secrétariat santé (10 p. ron. avril 1975). Ces chiffres sont confirmés par Rh n° 209, 15 juin 1973, rendant compte de la conférence nationale ouvrière de Rouen (9-1011 juin 1973).
225 Rh n° 180 à 183, novembre-décembre 1972.
226 Rh n° 206, 25 mai 1973.
227 Rq n°561, 27 janvier 1978 ; n° 583, 22février 1978, p. 10, n° 635 ; 26 avril 1978, p. 5.
228 CRS n° 24, 10 septembre 1974, p. 9-19. Texte de la T2, « Travail de masse et construction du parti ».
229 Rq n° 590, 2 mars 1978, p. 7. Interview de Chantal Ammar, infirmière à Villejuif et militante LCR.
230 Extraits dans Rq n° 176, 13 octobre 1976, p. 9.
231 LCR, Oui le Socialisme !, 1978, op. cit., p. 155.
232 LCR, Oui le Socialisme !, 1978, op. cit., p. 158.
233 Rh n° 592, 4/5 mars 1978, p. 12. Cf. également l’interview de Christian Durand, considéré comme trop petit (1,39 m) pour enseigner (Rh n° 658, 29 mai 1978, p. 13)
234 Texte du comité de lutte du Parc-Saint-Agne, dans Rh n° 70, 29 juin 1970, p. 8.
235 Rh n° 192, 17 février 1973, p. 19, se fait l’écho d’une grève de jeunes aveugles et Ph. Verdon, dans Rq n° 264, p. 7, sous le titre « Les aveugles aussi ça peut lever le poing », rend compte d’une lutte menée pour la libre circulation dans les foyers de l’Association Valentin Haüy.
236 Rh n° 1305, 12 mai 1988.
237 Docteur en sociologie politique et ingénieur d’études au CNRS, Pierre Turpin a écrit deux ouvrages sur l’histoire du trotskysme (voir bibliographie).
238 Rq n° 797, 13 novembre 1978, p. 2.
239 Rq n° 377, 20 juin 1977, p. 8.
240 Entre autres exemples, Rh n° 911, 21/27 mars 1980, p. 9. Titre : « Plogoff, marée noire, le capitalisme assassine la Bretagne ».
241 « Une énergie rentable pour les trusts », tel est un des sous-titres du dossier que Rouge consacre à l’énergie nucléaire, n° 290, 7 mars 1975, p. 9-12.
242 Il exprime cette position à plusieurs reprises dans Rq, notamment n° 72, 11 juin 1976, dernière page.
243 Rq n° 76, 16 juin 1976, p. 5 : M. Verdi, « Qui sont les responsables ? ». La direction de l’organisation aura une attitude conciliatrice, affirmant dans son programme de 1978 que « les méthodes culturales “industrielles” aggravent les conséquences des aléas climatiques, comme l’a illustré la sécheresse de 1976 ». LCR, Oui, le socialisme !, op. cit., p. 116.
244 Rq n° 176, 13 octobre 1976, interview du docteur J.-M. Krivine. On souligne sa qualité de médecin
245 Rq n° 338, 2 mai 1977. Cette usine stocke un produit très dangereux, utilisé dans la fabrication d’un insecticide, à côté d’un quartier d’habitation.
246 Rq n° 497, 10 novembre 1977, p. 7. C’est la tonalité générale des articles consacrés à cette usine.
247 Quelques exemples : ce mot est utilisé en 1977 à propos de la fuite intervenue sur la plate-forme de forage d’Ekofisk (Rq n° 335, 28 avril 1977 ou n° 346, 11 mai 1977) ou en 1978, lors du naufrage de l’Amoco-Cadiz (Rq n° 609, 24 mars 1978).
248 Titre en une, Rq n° 621, 8/9 avril 1978.
249 Sections LCR de Bretagne : « Gouvernement, pétroliers seuls responsables », sans date, sans doute mi-1978, 24 p.
250 Critique communiste n° 7, mai-juin 1976.
251 Rq n° 290, ibid., p. 11.
252 Crit. co., op. cit., p. 55 : article de J.-P. Deléage, « La nature : un paradigme introuvable ».
253 Ibid., p. 117.
254 Les informations et notamment les citations extraites de Super Pholix, bulletin de la coordination des comités Malville, proviennent d’une brochure récapitulative, Le Mouvement anti-nucléaire en France, 1976-80, sans date, 40 p, réalisé par un militant de la LCR de Bourg-en-Bresse (APJPS, carton n° 13).
255 APJPS, carton n°13, « Bilan de Malville », 5 p. ron., 8août 1977, rédigé par Serge (BP).
256 Courtes (C.), Driant (J.-C.), Golfech, Le Nucléaire. Implantation et résistances, Toulouse, CRAS, avril 1999, p. 248.
257 APJPS, Ibid. Dans une circulaire du 7 mars 1975, Lesage parle, pour le regretter, d’un « mouvement écologique, confus, interclassiste et sans rivage ».
258 Le syndicat CFDT de l’énergie atomique prend position contre le programme nucléaire français en avril 1975 en publiant un gros livre, L’Électronucléaire en France, Paris, Le Seuil, 1975.
259 BDIC, Q pièce 12680, LCR Finistère, Luttes antinucléaires partout et à Plogoff, Montreuil, 1980, 32 p.
260 Comme l’explique Mazéas, maire PC de Douarnenez interrogé par Rh n° 910, 14-20 mars 1980.
261 Le plus grand rassemblement antinucléaire depuis Malville, selon Rh n° 911, 21-27 mars 1980, p. 9.
262 Rh n° 912, 28 mars-3 avril 1980, p. 10.
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