Chapitre II. L’action militante : selon quelles modalités ?
p. 79-109
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Texte intégral
Des militants « exemplaires »
1Pour les militants d’extrême gauche jusqu’ici très isolés, Mai 68 a révélé la vulnérabilité du pouvoir gaulliste et l’inadaptation des propositions de la gauche classique. Les élections de juin 68 n’ont rien réglé. La victoire écrasante de la droite a été obtenue dans un contexte de peur. La nouvelle Chambre n’a pas une grande légitimité aux yeux des militants révolutionnaires. De plus les deux principaux partis de gauche se sont « disqualifiés » au cours des événements de mai-juin 68, incapables d’offrir un débouché politique à la révolte des « masses ». C’est dans cet état d’esprit que les militants de l’ex-JCR abordent la rentrée. Mai 68 a redonné de l’actualité à l’idée de révolution en France, mais le parti révolutionnaire a fait défaut. Pour que la prochaine crise révolutionnaire, qui ne manquera pas de se produire, ait quelque chance de réussir, la construction du parti est un impératif.
Le sérieux militant
2Il faut, en matière de mœurs organisationnelles, se conformer au modèle bolchevik. Les dirigeants sont issus de ce moule et donc le sérieux militant, la discipline sont des vertus nécessaires, et la centralisation autour de la direction un objectif à atteindre.
L’importance de la cellule
3Tout militant appartient à l’organisation de base qu’est la cellule. Chaque cellule a un nom, décidé librement par les militants concernés. Souvent c’est le nom d’un ancien militant trotskyste qui est choisi, dans le but de lui rendre hommage. Cela peut aller de Ta Thu Thau à Ignace Reiss ou Chen Duxiu, jamais Ho Chi Minh bien sûr. Après le décès du militant trotskyste Charles Marie, cheminot à Rouen, la cellule SNCF de Rouen adopte son nom.
4L’effectif de la cellule est variable. Trois militants suffisent pour constituer une cellule mais nous en avons trouvé de douze ou même de treize militant(e)s1. Le nombre habituel est de 5 à 7 militant(e)s. En général quand se crée une ville de la Ligue n’existe qu’une cellule, ainsi à Avignon en 19752. Mais très vite, du fait de la variété des terrains d’intervention se pose le problème de créer des cellules unithématiques en quelque sorte, c’est-à-dire centrées sur un lieu ou sur un secteur d’intervention. Cela peut être une entreprise, un établissement hospitalier, plus généralement un secteur d’activité, la santé, l’enseignement, la jeunesse scolarisée, le secteur ouvrier. Rares ont été à la Ligue les cellules de quartiers.
5La réunion de cellule est hebdomadaire, même si des voix s’élèvent parfois contre ce qui apparaît comme un rite : « Pourquoi ne pas adopter un rythme de fonctionnement plus souple ? On n’est pas obligé, par je ne sais quel léninisme de chapelle, à une réunion par semaine de 9 heures à minuit… surtout pour ce qu’on y fait actuellement3 ».
6Mais l’assouplissement demandé par le militant ne se traduira pas vraiment par une diminution du nombre des réunions puisqu’il propose à ses camarades de Pau de se réunir en assemblée générale toutes les trois semaines en plus de la réunion de cellule maintenue à un rythme plus souple.
La fin du dilettantisme
7La présence à la réunion de cellule est obligatoire, de même que la diffusion des tracts, la vente de Rouge ou les collages. Le statut d’observateur n’existe pas à la Ligue, le CC le rappelle en octobre 1974 à la suite d’une demande faite par « le camarade François4 ». Au cours des débats précédant le congrès de fondation de la Ligue, Jebracq affirme que « l’organisation doit changer, corriger l’hétérogénéité interne, le style militant débridé ou dilettante5 ».Dans une de ses résolutions, le congrès demande « qu’en particulier les périodes de vacances universitaires ne se traduisent pas par la disparition des militants6 ».
8Cette chasse au dilettantisme est poursuivie systématiquement, en témoigne le blâme infligé au camarade Eric par la cellule Venceremos de Paris, pour ses absences répétées et injustifiées aux réunions de cellules du mois d’août7. Les statuts de la LC adoptés à l’issue du premier congrès précisent les devoirs et les droits des militants. Dans la rubrique « Discipline », ils prévoient, en cas de manquement aux statuts, trois sanctions possibles, le blâme, la rétrogradation au rang de stagiaire, l’exclusion, avec possibilité de recours aux instances supérieures8. Un texte du BP daté du 7 septembre 1971 dénonce « le comportement de type individuel, parfaitement “anarchisant” et qui nie les projets de transformer les mœurs et le fonctionnement de la Ligue », à propos des absences non excusées de camarades, très nombreux (150 à 200 sur 600), qui s’étaient inscrits aux stages d’été. Il promet un blâme à ceux qui ne fourniront pas par écrit des excuses valables9. Le BP légifère véritablement sur les vacances en juin 1975. Dans une circulaire du 7 juin, il rappelle « que sauf exception ratifiée par les directions, les militants ne prennent pas plus de quatre semaines de vacances pendant l’été […]. Les camarades doivent laisser aux responsables qui assurent la permanence (DS, DV) les moyens de pouvoir les contacter pendant leur période de vacances10 ». Ainsi, les supposées tendances au dilettantisme de la camarade Zoé de Montpellier, expliquent que la DV ne ratifie pas à l’unanimité sa titularisation décidée par la cellule11.
Les pseudonymes
9Une fois entré à la Ligue, le nouveau militant doit se choisir un pseudonyme. Ceux-ci sont variés, un simple prénom, Nadia pour Sylvie Faitg infirmière à Thuir (Pyrénées-Orientales), décédée d’un accident de la route12. Ludo pour Michel Recanati et Roger premier pseudonyme de Gérard Filoche (parfois Roger Norman). Cela peut être le nom d’un poète, Péret (hommage à Benjamin Péret) pour Michel Hassoun, médecin et psychanalyste, Juif né à Alexandrie (Egypte), militant de la LC à Paris dans les années soixante-dix13. Par le choix de leur pseudonyme certains militants rendent hommage à un personnage important pour eux, Modzelewski, un opposant politique polonais encore en activité, pour cet étudiant en philosophie, un poète, Milos, pour ce professeur de sciences économiques et sociales (André Rosevègue), une journaliste féministe, Séverine, pour ce professeur de sciences et techniques économiques (Françoise Rosevègue Desjacques), un poète américain de la beat generation, Ferlinghetti, pour cet employé de la Caisse des allocations familiales (Christian Chatillon), tous militants du Havre au début des années soixante-dix. Mais deux lycéens du Havre, inséparables, ont fait dans la dérision en se baptisant Johnnie et Walker, sans pour autant se passionner de manière inconsidérée pour cette boisson. Quant à A. Krivine, il utilise d’abord l’anodin Delphin pour passer ensuite au plus inquiétant Tinville, mais A. Chemin ne nous dit pas si ce dernier pseudonyme a été choisi en référence au célèbre Fouquier-Thinville, l’accusateur du Tribunal révolutionnaire14. On peut voir dans cette pratique des pseudonymes — qu’on retrouve chez les religieuses catholiques — la volonté d’abandonner le « vieil homme » à l’entrée dans l’organisation nouvelle. C’était aussi une façon de se situer parmi les héritiers du parti bolchevik. C’était aussi bien sûr une manière de rendre plus difficile la tâche de la police pour identifier les militants. Mais cela contribuait surtout à créer une connivence entre les militants et introduisait un brin de fantaisie dans une vie militante plutôt austère.
La vigilance à l’égard de la police
10La lutte contre l’infiltration policière n’est pas une obsession, mais un souci réel. Les dirigeants de la LC, et en particulier la journaliste de Rouge qui signe sous le nom d’Anne-Marie Lespinasse, savent que :
De tout temps, les polices bourgeoises ont cherché à pénétrer les organisations ouvrières. Les agents de l’Okhrana (police politique tsariste) pullulaient au sein du parti bolchevik. Le principal d’entre eux, Malinowski, siégeait au CC et était l’homme de confiance de Lénine ! Le PCF lui-même compta en son sein de nombreux « honorables correspondants »15.
11Toujours la référence au parti bolchevik. Le but de cet article est de répondre à la campagne du PCF visant à amalgamer les gauchistes à la police (le fameux « gauchiste-Marcellin », du nom de Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur après 1968). Ces affirmations s’appuient sur des révélations venues du pouvoir : « En confidence, un préfet évaluait à 10 % la proportion d’indicateurs ou de provocateurs dans les groupes gauchistes. Il se vantait peut-être16 ». La solution pour se prémunir contre de telles tentatives policières est double. Il s’agit de faire preuve d’une grande rigueur organisationnelle alliée à une bonne formation politique : « Il est bien rare en effet qu’un flic se comporte durablement comme un militant révolutionnaire17 ». De même, certaines orientations politiques, « les lignes putschistes, terroristes », qui privilégient la violence minoritaire, se prêtent plus que d’autres à la provocation policière.
12La vigilance des militants permet parfois de démasquer un policier infiltré. Ainsi à Bordeaux en mars 1973, Henri Pedemonte avait adhéré au FSI et à la LC alors qu’il était inspecteur de police18. En Lorraine, les militants confondirent Emile Lepetit, policier des renseignements généraux, qui militait dans le Comité de défense des appelés (CDA), mettant en péril le « travail militant » dans les casernes. Ils durent pour cela appeler à l’aide des camarades de Paris19.
Sacrifices financiers
13Un autre devoir, important, du militant est d’ordre financier. Selon les statuts, il doit payer une cotisation mensuelle (article 32), dont le barème est fixé par le CC (article 33) et non par le congrès. Cette cotisation représente environ 10 % du salaire mensuel20, elle est lourde, d’autant qu’elle peut être augmentée d’une surcotisation au moment des campagnes importantes. Pour prendre un exemple, dans la cellule Davidovitch de Rouen, la cellule Médecine, l’éventail est large entre les militants/cotisants en 197021. Les lycéens versent 10 F par mois, les médecins (Martel et Carlos) 300 F, les étudiants entre 25 et 50 F. Marcel, jeune médecin de 25 ans, qui annonce qu’il sera à la rentrée en médecine du travail à Paris, paie 50 F, Stenka médecin remplaçant 100 F22. La cotisation ne doit pas entraîner, par sa lourdeur, des difficultés financières pour le militant, simplement une gêne. Il est toujours possible d’en rediscuter le montant si la situation familiale du militant change. Mais diverses circulaires insistantes rappellent la nécessité de faire remonter rapidement le produit des cotisations.
14Seul le tiers du montant des cotisations reste localement23. L’argent met du temps à remonter à Paris. Des textes internes s’en plaignent, en 197024 comme en 197525. Les menaces de sanction semblent impuissantes à modifier les choses26.
Tableau n° 1 Cotisations parvenues à la trésorerie nationale, chaque mois (1970 et 1972)

Source : APGF, Carton n°10, BI, avant avril 1970
15En 1970, le montant des cotisations versées par Paris s’élève à 20 000F et un peu plus par mois, celui de province oscille entre 10 000 et 20 000F27. Ce flou du chiffre de province est le reflet de la mauvaise remontée des finances. En calculant sur la base minimale, les cotisations envoyées au national s’élèveraient donc avant avril 1970 à 360 000 francs par an.
16Au 3e congrès (Rouen, décembre 1972), un bilan financier est fait28. Le montant annuel des cotisations a plus que doublé, un peu moins de 80 000 F par mois, soit la somme importante de 1 000 000 de francs par an. Le nombre total de permanents salariés est de 50, toujours d’après Rouge. D’après un document interne, ils se répartiraient ainsi : 10 permanents politiques nationaux (membres du BP), 7-8 permanents politiques régionaux et 19 permanents techniques29. Si ces permanents touchent un salaire de 1 000 F par mois, ce qui est plausible étant donné que le projet de programme de la LC d’avril 1972 réclame « pas de salaire à moins de 1 000 F », le montant des salaires versés par la Ligue s’élève à 600 000 francs annuels, auxquels il faut ajouter la part patronale des cotisations sociales.
Tableau n° 2 : Souscriptions nationales (1969-1973)

Source : Hebdomadaire Rouge et BI (APGF, Carton n°10)
17Les militants doivent contribuer à la réussite des souscriptions. L’objectif de la souscription lancée en juin 1969 est ambitieux, 300 000 F, dans le but d’acheter des machines et de louer un local de 400 m2 à Paris. Tout est mis en œuvre pour sa réussite, 800 lettres envoyées, 5 000 feuilles de souscription diffusées, une équipe d’une quinzaine de camarades « délégués » auprès de personnalités30. Michel Rotman, le trésorier, fait preuve d’efficacité : « On allait “taper” les personnalités… Montand nous a écoutés, il a appelé un gars, “Bill, donne de l’argent à ces petits gars !”, on a eu une poignée de billets qu’on a mis dans nos poches, on a compté après être sortis, il y avait 20 000 francs31 ». D’après le rapport financier fait au CC, cette souscription aurait atteint à peu près les deux tiers de l’objectif. Un résultat sans doute insuffisant, puisqu’un nouvel appel à souscription est lancé en août 1970, avec un objectif de 200 000 francs, dont la moitié est atteint fin octobre. Le local est trouvé début novembre 1970, ce sera le 10, impasse Guéménée près de la Bastille.
18Une souscription terminée, on embraye sur la suivante ! Du fait des nombreux procès auxquels Rouge est confronté, une souscription démarre le 13 septembre 1971 jusqu’au 20 novembre 1971. Elle dépassera l’objectif fixé, 100 000 F, pour atteindre 124.949 francs et 67 centimes ! Pour la première fois, Rouge fait paraître successivement 11 listes de souscripteurs, indiquant leurs initiales, leur occupation professionnelle, leur ville ou arrondissement de résidence. Plus de la moitié de l’argent réuni provient de Paris et de la banlieue. Les sommes collectées à Toulouse (6.250 F) et à Rouen (4.580 F) représentent près de 10 % du total. Quelques sympathisants étrangers ont versé, « deux camarades libanais », un lecteur de RFA, un autre de Montréal. La rédaction du Nouvel Observateur a envoyé son obole, par solidarité avec son jeune confrère. Les groupes Taupe sont peu nombreux à apparaître dans les listes de souscription, celui de Sovirel à Montargis, ceux des Chantiers navals de La Ciotat et des Assurances générales de France à Paris. Par contre à plusieurs reprises la librairie La Joie de Lire du Quartier latin fait remonter l’argent collecté32. Enfin une souscription est lancée le 6 janvier 1973, en prévision des prochaines élections législatives, avec un objectif de 400 000 francs.
19C’est donc avec opiniâtreté que le groupe de militants aborde le problème de l’argent. Dès sa naissance la Ligue s’efforce de se donner des moyens matériels à la hauteur de ses ambitions.
Un devoir de violence ?
20Précocement aussi et avec esprit de continuité la Ligue aborde la question de la violence, masquant parfois derrière la dérision ce grave problème. En effet, choisir Arthur Colt comme pseudonyme33 est sans doute révélateur de la mentalité d’un militant qui assume, à sa manière… humoristique, la violence, de même que faire figurer sous le dessin d’un revolver « T’as pensé à t’abonner à Rouge34 ? ».
Toujours le même modèle, la révolution russe
21Plus sérieusement, les textes programmatiques de la Ligue sont clairs à ce sujet. Si l’on veut passer réellement au socialisme, on ne pourra faire l’économie de la violence, seule façon pour les travailleurs de « se prémunir contre les tentatives des exploiteurs dépossédés35 ». Toute l’histoire politique récente, l’Espagne, la Grèce, l’Indonésie, la Bolivie, le Chili en septembre 1973, montre la vulnérabilité du mouvement populaire quand il est désarmé. Un article de Rouge au titre… définitif, « Finissons-en avec ces sucreries », évoque le centième anniversaire de la naissance de Gandhi pour se démarquer de ses méthodes36. La vision est internationaliste et la Ligue n’accepte pas au nom d’une spécificité française qu’elle ne reconnaît pas, d’abandonner les leçons de Lénine. L’État et la révolution est donc toujours d’actualité. « Un gouvernement des travailleurs […] se montrera fort et résolu, en développant l’armement des travailleurs organisés en milices populaires, incarnation de la nouvelle légalité37 ».
22L’armée et la police sont caractérisées comme étant au service d’un État dominé par la bourgeoisie. Il faut donc faire émerger des luttes ouvrières une force alternative. Le modèle de la révolution russe est prégnant.
Pour l’autodéfense ouvrière : à contre-courant
23Mais les militants de la LC ont beaucoup de mal à convaincre les travailleurs français de la validité de leur stratégie. Ceux-ci n’ont-ils pas fait l’expérience depuis plus d’un siècle du suffrage universel ? Déjà Victor Hugo, lors de la discussion de la loi électorale du 31 mai 1850 justifiait ainsi le suffrage universel :
Le suffrage universel, en donnant à ceux qui souffrent un bulletin, leur ôte le fusil. En leur donnant la puissance, il leur donne le calme. Vote ! Ne te bats plus38 !
24Il faut tout d’abord, en allant à contre-courant, redonner aux travailleurs le goût de se battre, « armer les travailleurs du désir de s’armer ». Utilisant plusieurs conflits sociaux, notamment celui du Joint français à Saint-Brieuc, au printemps 1972, les militants de la Ligue tentent de démontrer l’importance de « l’autodéfense ouvrière ». Mais le « piquet de grève » de cette usine bretonne montré par Rouge39 semble bien perméable ! Des grèves plus dures ont lieu en Espagne, dans les mines des Asturies et à la Seat de Barcelone, en octobre 1971. Les ouvriers se sont affrontés à la police :
Tout ce qui tombe sous la main devient arme : barres de fer, outils, pièces détachées. Des barricades rudimentaires sont dressées avec des bidons vides. Des cocktails Molotov improvisés repoussent les premières attaques 40…
25Remarquons le titre martial, « Piquets d’autodéfense et détachements de combat ouvriers ». Martial et exagéré, car s’il y eut riposte ouvrière violente et début d’autodéfense, les « détachements de combat ouvriers » ne sont qu’une perspective lointaine.
Un service d’ordre multifonctionnel
26C’est sans doute pour donner l’exemple, pour se substituer à une gauche classique qu’elle estime défaillante sur ce plan-là aussi, que la Ligue décide d’organiser un service d’ordre, à Paris surtout. Mais plusieurs villes de province, Rouen notamment, ont le leur. Le service d’ordre central, c’est-à-dire celui de Paris, était dirigé par M. Recanati et H. Weber. Ce dernier, répondant à Isabelle Sommier, déclare :
Avoir un bon SO qui manœuvrait comme à la parade et qui était efficace, ça conférait un prestige important dans le milieu lycéen et étudiant […]. Il y avait des stages, des sorties en forêt le samedi et le dimanche avec entraînement aux actions collectives, coordonnées, avec maniement du bâton, du cocktail molotov41.
27Interrogé quelques années plus tôt par V. Faburel, H. Weber disait avoir fait partie de l’Hachomer Hatzaïr (La Jeune Garde), organisation sioniste-socialiste. C’est au cours d’un stage à Mons (Belgique) notamment, encadré par des officiers israéliens, au moment où de Gaulle arrive au pouvoir, « qu’il apprit le service d’ordre42 ».
28Cette force de frappe permet tout d’abord de réaliser des « bons coups », notamment pour dénoncer l’intervention américaine en Indochine : « Il y avait presque une esthétique du bon coup réussi43 ». Elle permet aussi d’imposer la présence des révolutionnaires dans les manifestations contre la guerre au Viêtnam organisées par la gauche, aux rassemblements du premier mai, contre la volonté des « staliniens » qui avaient aussi leur SO44. Au Havre, la venue du SO de la Ligue de Rouen permet à la section locale de tenir son premier meeting public à l’occasion de l’élection présidentielle de 1969. En effet plusieurs dizaines de militants du PC tentent de barrer l’entrée au meeting, aux cris de « Krivine à l’usine », « Votez Duclos45 ». Le maire communiste du Havre a été obligé d’accorder une salle municipale à la LC, mais des militants de son propre parti ont tenté d’empêcher la réunion publique46.
29À Paris, le SO de la Ligue permet à plusieurs reprises de ramener à la raison les casseurs qui risquent de dénaturer le sens de telle ou telle manifestation, d’où l’accusation proférée parfois par l’ultra gauche d’une collusion entre la Ligue et la police. En effet, entre les forces de l’ordre et le SO, il y a une sorte de gentleman agreement, une retenue : « Eux savaient qu’on n’allait pas tirer. Et puis on était protégés par toute une série d’organisations syndicales47 ».
Un devoir sacré, « éthique », la lutte contre l’extrême droite
30L’utilisation du SO a été fréquente contre l’extrême droite. Ce combat apparaît aux militants de la Ligue comme sacré, en mémoire des victimes du nazisme. Il faut étouffer dans l’œuf « la peste brune ». La lutte contre l’extrême droite, Ordre nouveau mais aussi la Confédération Française du Travail (CFT), voire les Royalistes, est systématiquement et totalement justifiée en vertu de l’adage « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Il s’agit là aussi de se substituer à une gauche défaillante, et en montrant l’exemple, de susciter la réaction des masses.
31La Ligue se mobilise contre la CFT, née en 1959, et très présente notamment à Simca Poissy et à Citroën Rennes. Devant les deux usines Citroën de Rennes, elle impose les distributions de tracts alors qu’elles étaient jusque-là interdites par la CFT48.
32Mais la cible permanente de la Ligue, c’est Ordre nouveau (ex-Occident) et le Front national, l’organisation mise en place par Ordre nouveau à partir du meeting à la Mutualité du 7 novembre 1972, « le cache-sexe législatif des nazillons d’Ordre Nouveau49 ». Ce combat est pris au sérieux précocement. Déjà à la fin de la guerre d’Algérie, en 1961, les principaux dirigeants de la Ligue, dont A. Krivine, avaient fait leurs premières armes dans le cadre du Front Universitaire Antifasciste (FUA), dans la lutte contre l’OAS. Après 1968, ils retrouvent leurs adversaires bien connus. Tout d’abord la Ligue réalise un travail d’enquête sur les groupes d’extrême droite, tentant de mettre à jour les réseaux, les connexions entre ces groupes et les hommes du pouvoir gaulliste, les Services d’Action Civique (SAC) notamment. Le Document rouge n° 23-24 déjà cité met ces informations à la disposition des militants et des sympathisants. Dans son combat contre Ordre nouveau puis le Front national, Rouge insiste sur le nécessaire front uni50, fustigeant les « autres organisations d’extrême gauche quand elles se défilent51 ». N’étant pas parvenue à convaincre LO de s’associer à elle, la LC décide de s’opposer malgré tout au meeting d’Ordre nouveau à Paris, le 21 juin 1973. Plusieurs centaines de militants casqués, armés de manches de pioches et de cocktails molotov s’affrontent avec la police qui essaie de s’interposer. Plusieurs policiers sont blessés, le 27 juin le gouvernement décide par décret la dissolution de la LC et d’Ordre nouveau. Alain Krivine et Pierre Rousset sont arrêtés, le premier est libéré le 2 août, le second restera plus longtemps en prison. Il avait déjà été condamné à la prison avec sursis pour « avoir transporté des produits susceptibles de rentrer dans la composition d’explosifs pour des militants latino-américains52 ».
Les jeunes militants les plus battants, les plus actifs, populaires, Olive, Cavalier, Gamin, les frères Cyroulnik, Arafat… étaient surtout enthousiasmés par toutes les tâches du SO. Les grandes légendes, les mythes, pour eux, étaient les actions antifascistes : le soir, dans l’un des troquets près de l’impasse Guéménée, on parlait surtout de la dernière bataille rangée devant le palais des Sports pour empêcher que se tienne le dernier meeting d’Occident. La Ligue était de plus en plus soumise aux tentations ultra gauches
33écrit G. Filoche pour le regretter53. Sur le moment les dirigeants de la Ligue assument pleinement la décision d’attaquer le meeting d’Ordre nouveau. Pour la justifier, D. Bensaïd fait appel à l’histoire :
Nous nous souvenons. De tout. Mieux parfois que ceux qui ont vécu cette époque. La génération militante d’aujourd’hui est née de ses cendres. Les démissions, les responsabilités, les héroïsmes, aussi, du mouvement ouvrier d’alors font partie de notre éducation. C’est pourquoi nous tenons à dire Non à temps54 !
Le risque d’une dérive militariste ?
34Au vu de la détermination des membres du service d’ordre le soir du 21 juin, on est en droit de se demander si la Ligue n’est pas elle-même en train de se transformer en une « bande armée » sous prétexte de lutter contre « les bandes armées du capital ». D’après Hamon et Rotman, la direction de la Ligue a mis sur pied une Commission Technique Spéciale (CTS) en 1970. Composée d’une demi-douzaine de membres, « elle a pour mission de préparer les coups tordus, ceux qui sortent de la légalité », plus généralement d’organiser le Service d’ordre55.
35Le jugement a posteriori de R. Goupil rapporté par C. Nick est très négatif. Il parle du service d’ordre comme « d’une garde prétorienne », totalement dévouée au petit cercle dirigeant et pour qui « la ligne politique n’a plus aucune importance56 ». Cinéaste, ancien militant de la Ligue et du SO, très ami avec Ludo (M. Recanati) à qui il a consacré un film émouvant (Mourir à trente ans), R. Goupil a pris beaucoup de distance avec son engagement de jeunesse. Ce n’est pas le cas de Françoise Filoche, interrogée elle aussi par C. Nick. Elle insiste sur le machisme de cette société d’hommes, parlant « d’Olive et des soudards du SO57 ». Comme en écho, H. Weber interviewé en 1998, met la violence déployée par le SO de la Ligue le soir du 21 juin sur le compte « d’un excès de testostérone58 ». Jean-Michel Mension, toujours militant de la Ligue, donc a priori moins défavorable, raconte un épisode tendant à prouver que les risques de dérive étaient bien réels. La Ligue ayant envoyé une forte délégation en Italie pour participer à une manifestation sur le Viêtnam, en 1971 ou 1972 : « au cours du voyage de retour, des membres du SO organisèrent une razzia dans un resto-route. Tout fut piqué, au grand dam de militants, scandalisés, du FSI59 ». Mais dans un autre passage, il insiste sur « le courage, le calme, le sang-froid » de ces camarades, héritiers selon lui de la période « très gauche de la Troisième Internationale60 ».
36En province la réalité est différente. À Montpellier, il est vrai quelques années plus tard, les militants, et en particulier les militantes intégrées au SO ne semblent pas participer avec enthousiasme à ses activités. Seul(e)s sept ou huit sont présent(e)s aux entraînements sur les seize prévu(e)s. L’auteur du bilan, après avoir constaté, fataliste, « qu’on ne peut forcer les camarades à participer au SO », remarque que si les initiatives de l’organisation ont été correctement protégées, « nous avons été incapables de riposter aux réapparitions des groupes fascistes61 ».
37Ces divers témoignages sont intéressants parce qu’ils nous montrent qu’existent à la Ligue des sensibilités diverses et aussi des réalités locales différentes. Pour bien des militants de province, le premier souci est de gagner le droit d’exister, la faiblesse de leurs forces les prémunissant contre le risque de déviation militariste. La situation parisienne est différente. Il existe dans la capitale un vivier militant important, du fait du grand nombre d’étudiants. Le 21 juin 1973, la catastrophe a été évitée de peu. C’est in extremis que des militants du service d’ordre empêchent que des excités ne s’acharnent sur les deux occupants d’un car de police secours en feu62. La direction saura tirer les leçons de juin 1973 et évitera l’aventure de la violence minoritaire. Pour reprendre une formule célèbre de Mao Zedong, « le parti ne se laissera pas commander par le fusil ».
Les rapports avec les organisations d’extrême gauche
38Point de révolution réussie sans l’outil qu’est le parti révolutionnaire, tel est un des postulats essentiels des militants de la LC. Or, dans la France de l’après-68, d’autres militants poursuivent le même objectif. La crise du mouvement communiste international dans les années soixante a libéré des énergies et compliqué le panorama à la gauche du PC. En France, nous distinguons trois composantes essentielles avec lesquelles la Ligue entretient des rapports différents, les maoïstes, les trotskystes et les « centristes » du PSU. Rappelons que pour le parti qui se prétend révolutionnaire, le groupe centriste est celui qui oscille entre réforme et révolution.
La Ligue communiste et les maoïstes
La réflexion sur la Chine
39L’attention portée par les militants de la QI à la querelle entre la Chine et l’URSS est précoce et, dès le début, la position chinoise est jugée positive car « elle attribue une importance primordiale au mouvement des masses », elle ne subordonne pas tout à la « coexistence pacifique63 ». La révolution culturelle fait l’objet d’une réflexion importante lors du débat préparatoire au IXe congrès mondial (1969). Sans aller jusqu’à faire de la révolution culturelle une révolution politique anti-bureaucratique, la majorité de la QI affirme que les mobilisations des masses qui l’ont accompagnée « ont changé le rapport de force entre la bureaucratie et le peuple à l’avantage de ce dernier64 ». De grandes forces ont été mises en mouvement et la QI scrute attentivement la situation en Chine, espérant voir émerger une « nouvelle avant-garde de révolutionnaires authentiques65 ». Dans une lettre à J. Hansen, P. Frank insiste sur les différences entre l’URSS des années vingt, pendant lesquelles la montée de la bureaucratie s’est faite « sur un fond de passivité des masses », et la Chine des années soixante, qui voit « les masses intervenir comme des forces sociales indépendantes ». Toutefois il se dit moins « excited » que Sam, un autre dirigeant de la QI66.
40La Ligue tient meeting à la Mutualité devant un public nombreux, le 30 septembre 1969, pour le vingtième anniversaire de la naissance de la République populaire de Chine. On donne la parole à un maoïste présent qui demande aux trotskystes « d’être plus modestes devant l’habileté du grand timonier67 ». Un établi maoïste, interrogé par Marnix Dressen, explique cette fascination ainsi : « la Chine, c’était plusieurs centaines de millions de gens, alors que les trotskystes n’avaient jamais réussi nulle part68 ».
41La position minoritaire défendue par le SWP des États-Unis et par un vieux trotskyste chinois, « très âgé, émouvant », Peng Tchu Chei69, était plus pessimiste quant aux possibilités d’évolution, la révolution culturelle ayant été incapable de donner naissance à la « démocratie ouvrière ». Peu de temps après, Rouge rappelle que les trotskystes ont été et sont réprimés dans la Chine de Mao, évoquant notamment Chen Chao Lin, né en 1901, qui passa sept ans en prison sous Chang Kaï-Shek et vingt ans sous Mao Zedong70.
42Ainsi, les militants trotskystes ne succombent pas à cet « incroyable engouement » qu’a suscité l’État chinois à l’Ouest dans les années soixante71, quand des intellectuels prestigieux, J.-P. Sartre et S. de Beauvoir, mais aussi M. Foucault, J.-L. Godard, Ph. Sollers, Ch. Bettelheim, apportaient leur caution aux maoïstes.
La Ligue communiste et La Cause du Peuple
43Le jugement porté sur les maoïstes français de La Cause du Peuple (journal de la Gauche prolétarienne lancé en octobre 1968, notamment par Benny Lévy72) est tout de suite très négatif. Son « révolutionnarisme sommaire » est fustigé et une de ses manifestations à Belleville caractérisée comme une « cavalcade désordonnée », responsable de l’arrestation et du fichage de 700 personnes73. L’épithète infamante de « spontex », pour spontanéistes, est accolée à « maos ». Les militants de La Cause du Peuple, les maos-spontex, sont distingués des staliniens de L’Humanité Rouge. H. Weber les accuse de confondre violence révolutionnaire et putschisme : « Les militants maos substituent leur propre violence à la violence des masses74 ».
44La LC prend soin de se distinguer des « violences des anarcho-maoïstes de La Cause du Peuple à l’université » : « Nous appelons à refuser de voter (aux conseils d’université), mais nous refusons de prôner la destruction stupide des urnes75 ».
45Mais quand le gouvernement décide de dissoudre la Gauche Prolétarienne (GP), le 27 mai 1970, et arrête plusieurs dizaines de ses militants, dont Alain Geismar, Jean-Pierre Le Dantec, la LC se mobilise aux côtés du PSU notamment, pour les défendre malgré tout. À la rentrée d’octobre 1970 était créé le Secours rouge. Il sert jusqu’en juin 1971 de cadre à la mobilisation d’une bonne partie de l’extrême gauche contre la répression. Mais la LC le quitte du fait de son « orientation antisyndicale76 ».
46La relative mansuétude du gouvernement vis-à-vis des militants maoïstes — Alain Geismar est condamné à 18 mois de prison et les autres militants à des peines allant de trois à six mois — fait vite perdre de l’actualité à ce combat contre la répression. Cette lutte n’aura pas rapproché les trotskystes des maoïstes, au contraire, ni même l’assassinat du militant maoïste Pierre Overney le 25 février 1972 par un vigile de Renault. Certes Rouge profite de l’événement pour rappeler la nécessité de « l’autodéfense ouvrière » mais critique durement l’enlèvement de Robert Nogrette, « chef de la police de Renault », riposte tout à fait inadaptée et minorisante, signant un communiqué commun avec le PSU, LO, l’AMR, l’ORA, le CIC et même l’AJS, pour le dénoncer77. Après l’auto-dissolution de la Gauche prolétarienne, le premier novembre 1973, rares sont ses anciens militants à avoir rejoint la Ligue. Dans l’école de formation parisienne de 1974-1975 par exemple, les militants d’origine maoïste (comptabilisés avec ceux de l’AJS et de l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste, ORA) représentent moins de 5 % du total, sur 200 personnes environ78. Maïté Astruc, de Bordeaux, avait 20 ans en 1968, de formation chrétienne (JEC), après quelques mois à la Gauche prolétarienne, elle adhère à la LC79.
La Ligue communiste et les organisations trotskystes
47Les groupes trotskystes sont tout aussi divisés que les maoïstes. Deux se détachent surtout, Lutte Ouvrière et l’OCI-AJS, l’Alliance Marxiste Révolutionnaire (AMR) ayant des forces beaucoup plus limitées. Ce groupe et ses quelques correspondants étrangers regroupés dans la Tendance Marxiste Révolutionnaire Internationale (TMRI), créée par Michel Raptis (dit Pablo) au moment de sa rupture avec le Secrétariat Unifié (SU) de la QI en 1965, intéresse rarement Rouge : six mentions en cinq ans. Un article se félicite de la « décomposition du courant pabliste », quand la section hollandaise de la TMRI demande son affiliation au SU de la QI80, un autre, sous le titre « la grenouille et le bœuf » se moque de ce « groupuscule qui prétendait que dans un de ses meetings parlerait un membre du FDPLP », ce que ce dernier a démenti dans un communiqué81. Toutefois la LC se solidarise avec deux de ses militants, Baby et Schmidt, arrêtés et inculpés pour « détention d’armes par destination82 ».
Les rapports avec Lutte Ouvrière
48Lutte Ouvrière (LO) a pris la suite de Voix Ouvrière, une des organisations gauchistes dissoutes en juin 68. Elle a une autre réalité que l’AMR. Ses militants sont les héritiers du journal La lutte de Classes créé en 1942 par Barta (David Korner), militant d’origine roumaine83. Toujours à l’écart de la réunification des trotskystes en 1944, ils jouent un rôle important dans le déclenchement de la grève à Renault Billancourt à la fin du mois d’avril 1947. Après quelques années d’éclipse reparaît leur journal, bimensuel de 1962 à 1967, puis hebdomadaire, Voix Ouvrière84. L’activité de ces militants, qui se proclament « la tendance prolétarienne » de l’extrême gauche est centrée sur les entreprises. Ils rédigent des « feuilles de boîtes » à partir des échos que leur fournissent sympathisants et contacts, puis les distribuent avec régularité, sur près de 160 entreprises85. Ce sérieux leur a permis de recruter quelques centaines de militants, c’est ainsi qu’A. Laguiller, jeune employée de banque, militante du PSU, a été approchée et gagnée à l’organisation, un peu avant Mai 6886. Après Mai 68, tournant le dos à son isolationnisme traditionnel, LO propose la fusion de ceux que le PC appelle les Gauchistes dans la même organisation. F. Lourson n’est pas d’accord avec cet « œcuménisme révolutionnaire87 ». Rouge a beau jeu de démontrer le caractère prématuré de cette proposition, « les courants maos n’ayant pas rompu avec le stalinisme ni avec le terrorisme et le populisme88 ». LO et la LC se contentent plus modestement d’organiser quelques meetings communs à la Mutualité. L’assistance est nombreuse à chaque fois, les photos montrent une foule jeune, debout, chantant le poing levé, dans une salle décorée de la faucille et du marteau89.
49Lors de l’élection présidentielle de 1969, LO appelle à voter pour Alain Krivine, puis participe à la manifestation de la QI pour le centenaire de la Commune (15-16 mai 1971), deux brochures sont réalisées en commun sur les augmentations uniformes et « un intéressant effort de travail unitaire est réalisé à la CGCT, entreprise importante située à Paris90 ». Enfin une candidature commune est présentée aux élections législatives partielles de Bordeaux, en septembre 197091. Malgré l’ampleur des divergences persistant avec LO, qui continue à caractériser Mao, Ho, Castro comme des « symboles de la petite bourgeoisie radicalisée92 », un protocole d’accord est signé entre LO et LC. Ces divergences sont déclarées « résorbables dans le cadre d’une organisation commune93 ». LO a accepté en effet deux conditions sur lesquelles la LC n’est pas prête à transiger, l’adhésion à la QI et l’adoption du centralisme démocratique comme mode de fonctionnement du parti.
50À partir de janvier 1971 s’ouvre une phase cruciale qui doit montrer la possibilité d’une activité commune LO-LC. Plusieurs manifestations sont organisées en commun, à Paris sur l’Indochine, à Rouen sur la Tchécoslovaquie94. Mais très vite, les divergences s’accentuent sur la mobilisation contre Ordre nouveau, sur le Secours rouge aussi ou même le FSI, désertés par les militants de LO. Les divergences les plus importantes concernent le « travail ouvrier » et en particulier le militantisme à Force Ouvrière (FO). Rouge regrette que la présence d’A. Laguiller à FO permette à André Bergeron de faire de la démocratie interne une caractéristique de son organisation95.
51La LC est bien invitée à la fête de LO à Presles (Val-d’Oise), les 20-2122 mai 1972, où elle tient un stand, mais le compte rendu est rosse. Sans nier le succès d’affluence et la bonne organisation, Rouge critique le contenu :
Suffit-il d’y mettre des CRS pour qu’un jeu de massacre devienne socialiste ? […] Avec ses 20 000 participants, la fête ressemblait aux premières fêtes de l’Huma, dans les années trente. En moins politique96.
52Les relations entre les deux organisations vont peu à peu s’étioler malgré un accord de répartition pour les législatives de 1973, et c’est sans LO, depuis toujours réticente, que la LC tentera de s’opposer au meeting d’Ordre nouveau le 21 juin 1973. Lors des élections, la personnalisation autour de la figure d’A. Laguiller, l’électoralisme — Rouge parle du caractère racoleur des campagnes de LO — sont dénoncés. Pour que les deux organisations participent conjointement à des élections, il faut vraiment que le mode de scrutin les y contraigne, ainsi lors des Européennes de 1979.
Les rapports avec l’OCI-AJS
53Autant les relations entre la JCR et Voix Ouvrière étaient rares avant 68, les deux organisations n’intervenant pas dans les mêmes secteurs, autant la LC et l’OCI sont de vieilles connaissances. Les deux groupes sont issus du même parti, le PCI unifié en 1944. Le journal de l’OCI, Informations ouvrières (IO), est devenu hebdomadaire après 68 et son organisation de jeunesse, l’Alliance des Jeunes pour le Socialisme (AJS), commence à publier un mensuel, Jeune Révolutionnaire (JR), le 10 octobre 1968. En outre l’OCI publie une revue théorique, La Vérité.
54Les rédacteurs d’une brochure de la LC sur l’OCI-AJS reconnaissent la force du mouvement, « la plus grosse organisation trotskyste juste avant 6897 ». Cela ne les a pas empêchés de rater complètement Mai 68 et de s’aliéner pour longtemps les sympathies des étudiants :
Pendant plus d’un an, les orateurs lambertistes ne pourront prendre la parole dans les assemblées étudiantes de la région parisienne. Ce n’est que lorsque le souvenir de Mai 68 se sera estompé que l’AJS et l’UEC retrouveront droit de cité dans les facs98.
55Cette stratégie, perçue comme peu offensive par les étudiants radicalisés, est sous-tendue par une analyse particulière de la période. Les dirigeants de l’OCI-AJS continuent à penser, contre toute évidence, écrivent les militants de la LC, que « les forces productives ont cessé de croître ». En vertu de cette analyse, la classe ouvrière doit défendre « les acquis » menacés par la bourgeoisie, sans plus. Rouge évoque fréquemment l’OCI-AJS, presque toujours de manière très négative, utilisant les mots de « clowns », « puristes sectaires », « secte », et l’expression « l’extrême droite de l’extrême gauche99 ». Rouge présente l’AJS comme peu respectueuse de la démocratie ouvrière, accusant ses militants de Clermont-Ferrand d’avoir saboté un meeting de la Ligue le 9 décembre 1970100. Pire, une de leurs actions à l’université de Vincennes amène Rouge à les comparer aux staliniens : « Les méthodes classiques des staliniens déteignent sur certains groupes révolutionnaires101 ». Le jeudi 16 octobre 1969, une soixantaine de militants de l’AJS, blousons de cuir, démarche virile, auraient tabassé des maos-spontex et vendu leur journal, Jeune révolutionnaire, en lançant les slogans suivants : « Contre la vérole, la syphilis, la drogue dans le mouvement ouvrier, achetez JR102 ».
56Mais l’OCI-AJS dépasse la mesure selon la Ligue au sujet de la Bolivie. La LC a lancé une campagne de solidarité financière en faveur de son organisation sœur, le POR-Gonzalez Moscoso. Or Informations ouvrières publie une mise au point du POR-Lora, réunissant les partisans de l’OCI en Bolivie, qui dit que « le dénommé Hugo Gonzalez Moscoso ne représente rien en Bolivie », que « de sérieux soupçons » laissent penser « qu’il travaillerait pour le compte du gouvernement bolivien » et qu’enfin « ces fonds rassemblés ne serviront qu’à arrondir les revenus du Sieur Gonzalez Moscoso103 ». À ces très graves accusations, Rouge répond par un article intitulé « Charognards !104 », qualifiant à son tour l’OCI « d’individus que se disent trotskystes », qu’il n’est pas étonnant de les voir prendre parti contre la guérilla, quand on connaît leur attitude en mai 68 : « En 1968 ? L’AJS a toujours crié à la boucherie, appelant à la dispersion des manifs105 ».
57Il est bien évident que dans ce contexte le travail avec l’AJS est des plus ténus. Relevons toutefois un tract unitaire aux Beaux-Arts pour dénoncer l’agression perpétrée à Censier par La Cause du Peuple contre des militants de l’AJS et de l’UEC106, un communiqué commun critiquant l’enlèvement de Nogrette par la Nouvelle résistance populaire maoïste107. Mais la polémique reprend vite à propos du militantisme à FO et de la « capitulation honteuse » des lambertistes devant A. Bergeron108, de leur compromission aussi avec les francs-maçons, les radicaux de gauche avec qui l’OCI-AJS est accusée de commémorer la Commune109. L’OCI-AJS rend à la Ligue la monnaie de sa pièce, dénonçant le candidat Krivine aux présidentielles de 1969, « destiné à diviser les ouvriers “avancés” des ouvriers fidèles à leurs organisations et à leurs partis, […] une candidature qui donne des armes à la bourgeoisie comme à l’appareil stalinien110 ». Après avoir négocié quelque temps avec LO et la LC, l’OCI-AJS refuse la répartition des circonscriptions électorales entre les trois organisations trotskystes à la veille des législatives en 1973 et dénonce de manière virulente les candidats LOLCR, « crypto-staliniens propulsés par la bourgeoisie111 ». Cette hostilité ne se dément pas. Lors des présidentielles de 1974, l’OCI combat de nouveau les candidatures de Krivine et d’A. Laguiller, « candidatures sans principe contre le Front Unique Ouvrier (FUO)112 ». L’OCI voit dans les démarches faites par la Ligue pour demander à Piaget, « PSU, clérical, néo-corporatiste », de devenir le candidat de l’extrême gauche une preuve supplémentaire de la malfaisance de cette organisation. Finalement dès le premier tour l’OCI appelle à voter « Mitterrand, premier secrétaire du PS, appuyé par le PCF, de façon à chasser l’UDR, parti bourgeois, du pouvoir113 ».
58La coupure est totale entre les frères ennemis du trotskysme. Cela n’empêche pas malgré tout localement certains passages d’une organisation à l’autre. Ainsi Michel Zimmerman, lycéen à l’époque, aujourd’hui conseiller principal d’éducation, adhérent à l’AJS de 1973 à 1975 (entre 17 et 19 ans), passe à la LCR, « plus unitaire », plus ouverte à la collaboration avec d’autres groupes114.
La Ligue communiste et le PSU
59Fatigués de l’impuissance groupusculaire, un certain nombre d’extrotskystes ont participé en 1960 à la fondation du PSU. Ils ont animé une des trois composantes originelles du PSU, l’Union de la Gauche Socialiste (UGS) — aux côtés des militants chrétiens du Mouvement Pour la Libération du peuple (MPL) —, les deux autres étant le Parti Socialiste Autonome (PSA) et Tribune du communisme. À la veille de 1968, bien qu’hétérogène, ce parti a une réelle implantation dans certaines régions, au total environ 10 000 membres, 500 élus municipaux et trois députés115. Comme l’écrit Yvan Craipeau : « L’avantage du PSU, par rapport aux autres groupes gauchistes, tenait à sa composition sociale (pas des étudiants, mais des travailleurs, souvent syndicalistes, voire responsables syndicaux)116 ».
60Le PSU participe pleinement au mouvement de Mai 68, se distinguant de la gauche classique, beaucoup plus électoraliste. Le nombre d’ouvriers est assez important dans le Nord ou en Rhône-Alpes. Une enquête interne au PSU réalisée après Mai 68 révèle un nombre important de fonctionnaires, d’enseignants, les ouvriers représentent 13 % et les employés 14 %117. Si ses résultats aux élections de juin 1968 sont décevants (un million de voix réparties sur ses 317 candidats, soit environ 4 % des suffrages exprimés), ce parti recrute, atteignant jusqu’à 16 000 membres. Militant à cette époque dans la région parisienne, Y. Craipeau a le souvenir d’une « augmentation considérable, notamment dans la région parisienne118 ».
61Déjà avant Mai 68, les militants de l’UEC qui allaient fonder la JCR et les Étudiants Socialistes Unifiés (ESU) se sont rencontrés. Les uns et les autres fréquentent les AG de l’UNEF, les étudiants du PSU prennent son contrôle en janvier 1967, les JCR se contentant de l’AG de Nanterre119. Un certain nombre d’ESU trotskysants participent à la fondation de la JCR à Dijon, où leur apport est essentiel, à Rouen ils représentent les deux tiers des effectifs initiaux120. Les trotskysants sont majoritaires aussi aux ESU à la Sorbonne (groupe Poing rouge)121, certains rejoindront la LC, comme Joël Euvrard, nommé professeur de philosophie à Niort, où il contribue à créer la section locale de la Ligue communiste.
62Après Mai 68, les relations se poursuivent entre les deux organisations, ainsi dans le Calvados, on colle les affiches ensemble pour se protéger contre l’extrême droite122. Peut-être faut-il voir dans cette attitude unitaire l’influence d’Yves Salesse, professeur et militant JCR puis LC sur la région, qui signe dans Rouge plusieurs études sur le PSU123. Les rencontres ont lieu aussi au niveau national entre le BN du PSU et le BP de la Ligue. Des textes communs sont adoptés dénonçant « la répression exercée sur les travailleurs dits “gauchistes” par les directions syndicales » et plaidant pour la démocratie syndicale, pour que soient sauvegardés les droits des militants ouvriers révolutionnaires dans les syndicats124. La Ligue considère que « le PSU est au carrefour125 », oscillant entre orientation révolutionnaire et orientation réformiste. Avec l’élection de M. Rocard au siège de député de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), du fait du retrait du socialiste et du vote du PC en sa faveur, les tendances au réalisme et à l’intégration dans le jeu politique classique commencent à l’emporter. Comme l’écrivent de manière pittoresque les leaders de la tendance marxiste révolutionnaire du PSU : « La rigueur de M. Rocard, c’est l’intrusion de la comptabilité nationale dans le mouvement ouvrier126 ».
63Sous le titre « le PSU vire à droite, il exclut à gauche », Rouge publie la déclaration de deux adhérents du PSU, Jean-René Chauvin et André Durez, exclus pour avoir appelé à voter Krivine à la présidentielle de 1969127. Rapidement les relations se dégradent entre les deux organisations. Un tract du PSU distribué sur les hôpitaux de Paris, affirmant « On n’est plus en mai comme s’y croient les étudiants de la Taupe rouge », attire une réplique cinglante de Rouge128.
64Cependant, la Ligue soutient le candidat du PSU et son suppléant de LO aux élections partielles dans le XIIe arrondissement de Paris. Philippe Simon, candidat du PSU, secrétaire de la Fédération de Paris, se situe, il est vrai, à la gauche du parti. Mais après le congrès de Lille et la prise en main du parti par M. Rocard, la collaboration semble limitée à « des actions ponctuelles sur des thèmes précis129 ». Le PSU est décrit comme un bateau ivre, écartelé entre ses tendances, des maoïstes de la Gauche révolutionnaire organisés en fraction indépendante, à la droite du PSU qui s’apprête à rejoindre le PS130. Une attention particulière est portée à la tendance la plus proche du trotskysme, la tendance marxiste révolutionnaire animée notamment par Jacques Kergoat. Y. Salesse, dans son compte rendu du congrès de Lille, lui lance un appel direct :
Vous usez vos forces, et vous contribuez, par les illusions que vous perpétuez sur ce parti, à les méséduquer [les militants que vous influencez], à leur faire user leur énergie pour peu de résultats. C’est de l’extérieur que vous les ferez progresser131.
65Cet appel est entendu. Au cours de l’année 1972, plusieurs dizaines de militants adhèrent à la Ligue, notant que « le petit groupe d’étudiants des années soixante » a vraiment changé132. En juin 1972, 17 militants du PSU, dont 11 parisiens, font connaître leur adhésion à la Ligue, suivis par 8 militants de la section PSU de Levallois-Perret, dont les 4 membres du bureau de section133. Le même numéro de Rouge nous apprend l’adhésion de Guy Rey, secrétaire de la section de Sedan. En juin 1972, un autre groupe de 36 militants (17 de la région parisienne, 19 de Rouen et de la Haute-Normandie) rejoint la LC134. Enfin 34 militants écrivent à la LC, parmi eux 23 parisiens dont J. Kergoat, Ch. Phéline (de la Direction politique nationale du PSU), 5 militants du Puy-de-Dôme, 3 des Vosges dont le secrétaire fédéral, 2 de l’Oise et Maguy Guillen des Alpes-Maritimes, membre de la DPN et de la Commission nationale agricole135. Plusieurs rejoindront la Ligue. Y. Craipeau, tout en appartenant à la même tendance, alors militant dans les Alpes-Maritimes, ne fait pas le choix de quitter le PSU pour la Ligue136.
66Dans ce contexte, les relations entre les deux organisations ne cessent de se dégrader. La tension atteint son point culminant quand Rouge accuse un militant du PSU de Baroclem (Rouen), syndicaliste CFDT, de s’être fait l’agent de la répression bureaucratique contre des militants de la Ligue exclus du syndicat137. Le départ de Michel Rocard et des deux tiers des militants au PS ne facilite pas pour autant le rapprochement avec le PSU. Amer, A. Krivine constate la séduction exercée sur les membres du PSU par le Programme commun138.
La naissance de l’organisation communiste Révolution !
67À l’issue du congrès de fondation (1969), les militants de la principale tendance minoritaire, regroupés autour de Rivière et Créach, sont restés à la Ligue139. Au fil des mois cependant les divergences s’approfondissent avec la majorité, à la fois sur l’intervention dans le mouvement syndical et sur l’Internationale. Les minoritaires pensent que les syndicats doivent être considérés seulement comme un point d’appui devant faciliter le « dégagement d’une gauche ouvrière ». Ce n’est pas au nom de principes, mais seulement en considération de questions de tactique, qu’ils préconisent, momentanément, l’intervention dans les syndicats140. Leurs réserves sont plus grandes encore sur la Quatrième Internationale. Certes ils ne sont pas favorables aux positions des spontanéistes qui réduisent l’internationalisme à la solidarité internationale des travailleurs, mais ils refusent aussi « le formalisme des trotsko-triomphalistes » qui réduisent l’internationalisme à l’appartenance à une organisation internationale141. Ils semblent aussi appréhender de manière plus positive « l’apport stratégique de la révolution chinoise, et plus particulièrement de la révolution culturelle142 ». Ils font une distinction entre l’URSS et les pays de l’Est, où « la bureaucratie a pris le pouvoir comme classe dominante et spécifique », et la Chine « où les choses ne sont pas jouées ». Ils s’affirment prêts à apporter un soutien concret à la révolution chinoise143.
68Ce groupe de militants a pris contact avec la Voie communiste et avec un groupe de Marseille, ils organisent même un stage commun avec eux. C’est l’initiative de trop, pour la direction de la Ligue. Le CC demande aux cellules de condamner cette action. La plupart des minoritaires quittent la Ligue ou sont exclus. Ils fondent quelques mois plus tard une nouvelle organisation, Révolution ! D. Bensaïd tente de minimiser ces départs, qu’il estime à 6 % des effectifs, pour Paris. De plus, affirme-t-il, « ces camarades n’ont pas émergé de la pression de l’idéologie étudiante, des nouvelles couches moyennes, intellectuelles, techniciennes144 ». L’essentiel est sauf, la base ouvrière de la Ligue n’est pas écornée par cette scission. En fait, dans quelques villes de province, Caen ou Marseille, la Ligue est durablement affaiblie. D’après Jean-Jacques Adam, un ancien militant, les effectifs de l’organisation Révolution ! à Caen ne sont pas négligeables, approchant la centaine. Certes beaucoup de militants sont étudiants, mais certains travaillent au CHU, aux PTT, ou comme lui à la SNCF145. Un texte interne de la LCR reconnaît à Révolution ! 800 militants au printemps 1975, et note ses progrès, à Caen, Marseille, dans le Nord et en Franche-Comté146.
69Malgré tout la LC exerce une certaine attractivité sur les militants qui, après Mai 68, cherchent à s’organiser à gauche du PC et de la SFIO. Les adhésions venues du PSU se montent à quelques dizaines, en 1972, parfois plus tôt. Ainsi, Bernard Couturier, à Bordeaux, membre du PSU depuis Mai 68 adhère à la LC, où il milite toujours, en 1971147. Les départs de LO vers la Ligue existent aussi. Si l’on en croit les statistiques de l’école de formation parisienne de 1974, 5 % de ceux qui la fréquentent en viennent, autant que du PSU148. Nous avons vu également que quelques militants sont en provenance du maoïsme. Enfin, une organisation libertaire est secouée par un débat interne important qui se solde par des exclusions… pour trotskysme. Les exclus rejoignent LO ou la LC. Ceux qui s’apprêtent à rejoindre la LC expliquent dans Rouge que leur organisation d’origine, l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA), elle-même issue en 1968 de la Fédération anarchiste, refuse la conception marxiste de la lutte des classes, ne peut rompre avec « le passé petit-bourgeois de l’anarchisme149 ».
70Pas d’afflux massif mais un filet continu d’adhésions, avec également des départs, notamment au moment de la scission de Révolution ! Les changements d’organisation ne sont pas rares. On a l’impression qu’il existe un vivier de militants disponibles pour un engagement à l’extrême gauche et que le choix de l’organisation est dicté par les circonstances. Ensuite on rectifie.
La « dialectique des secteurs d’intervention » (DSI)
71Manifestement ce n’est pas par le regroupement et la fusion des groupes d’extrême gauche existants que se construira le parti révolutionnaire. La Ligue préfère se lancer dans cette aventure à partir de ses propres forces.
72De nouveaux militants ont été gagnés en Mai 68, en particulier en milieu étudiant et dans les villes phares de l’ancienne JCR. À Toulouse par exemple, Tornade Rouge annonce l’existence de huit Cercles rouges à la faculté des lettres, soit environ 100 militants ou sympathisants150. La faculté des lettres est qualifiée de « base rouge coordinatrice », envoyant des « brigades d’intervention étudiantes » dans les villes alentour, Auch, Rodez, Albi, pour vendre le journal, tenir des réunions publiques ou passer des films151.
73À Rouen, existent 14 Comités d’Action étudiants distribuant la Lutte Continue, bulletin local des militants de Rouge, dans 14 entreprises correspondantes152. C’est en utilisant les acquis obtenus par l’intervention passée dans la jeunesse scolarisée que la Ligue se propose d’opérer la percée en milieu ouvrier. Outre le problème de l’internationale, le problème du « travail ouvrier » est au centre des débats préparatoires au premier congrès. Comment passer du groupuscule étudiant au groupe politique implanté et au parti ouvrier ? De ces débats émerge une stratégie, baptisée « dialectique des secteurs d’intervention ». C’est une stratégie de contournement : de la périphérie (les étudiants, les enseignants), vers le centre (les ouvriers).
74Au même moment, une grève dans l’entreprise du bâtiment Caillol (main d’œuvre à majorité immigrée) à Aix-en-Provence semble valider cette stratégie. Les étudiants organisent une collecte à la faculté des lettres en février 1969. Puis 60 étudiants sont présents aux côtés des grévistes devant le siège de l’entreprise à Marseille, enfin un meeting rassemble 450 personnes à la faculté, autour des grévistes. Au dixième jour de grève se constitue un groupe Taupe rouge, comprenant des « cadres ouvriers de chez Caillol et d’autres chantiers d’Aix ». Ces militants ouvriers dirigeant la grève constituent ce que la Ligue appelle l’avant-garde ouvrière. Il est satisfaisant de voir qu’elle est organisée au sein du groupe Taupe rouge, moteur de la lutte et vivier de recrutement pour le parti153.
75Ce sont des ouvriers du bâtiment, appartenant à des entreprises de taille plutôt modeste, qui se montrent les plus intéressés par cette collaboration avec les étudiants. Les particularités de ces travailleurs, immigrés en majorité à Aix, ne semblent pas gêner les dirigeants de la Ligue qui élaborent leur stratégie à partir de ces réalités très particulières.
Les modalités du « travail ouvrier »
76Dans les départements de l’Ouest après 1968 la combativité est forte, dans les bastions ouvriers anciens de la métallurgie nantaise comme dans les usines récemment créées du fait de la politique de décentralisation industrielle.
77Les militants de la Ligue de Nantes tentent un premier rapprochement avec « l’avant-garde ouvrière large (AGOL) » lors de la grève de l’usine Batignolles, « usine à tout faire de la métallurgie nantaise154 ». Un peu après le début de la grève, fin janvier 1971, la Ligue met en place des comités de solidarité étudiants et lycéens. Il s’agit d’utiliser l’implantation de la Ligue dans la jeunesse scolarisée pour soutenir les grévistes dans leur lutte ainsi que pour faire sauter « le verrou réformiste155 ». Les réformistes, nommément désignés dans l’éditorial du 25 janvier 1971, sont les dirigeants cégétistes et communistes de Nantes « qui ont injurié, affirme l’éditorialiste, les travailleurs qui ont chahuté le bureau de la direction de l’usine des Batignolles, les traitant de brigands, et s’étonnant que la direction ait embauché pareils agitateurs156 ». Le même numéro n’hésite pas en une à assimiler « patrons et conciliateurs » accusés de conjuguer leurs forces pour étouffer la combativité ouvrière, qui se manifeste par des occupations et des séquestrations. Le fond de l’air est toujours rouge pour les militants de la Ligue. Et si le bilan de la lutte est mitigé après 44 jours de grève, cela s’explique selon eux par les atermoiements de la direction réformiste du syndicat.
78Toujours à Nantes, les métallurgistes de la SA Paris entrent en lutte au début du mois de mars 1972. Cette entreprise, qui fabrique des charpentes métalliques, est ce qu’il est convenu d’appeler un fief du PC. D’après Jean-Paul Molinari, il existait une cellule et 11 adhérents en mai 68, et à la fin de l’année, 14 cellules et plus de 100 adhérents (sur 500 salariés), d’un âge anormalement élevé, adhésions-régularisations d’anciens sympathisants157. Cette grève, par sa durée — elle en est à sa sixième semaine le 8 avril 1972 —, symbolise pour les militants de la Ligue cette combativité ouvrière à laquelle les directions réformistes ne donnent pas tous les débouchés possibles158. Dans ces bastions ouvriers traditionnels, malgré une présence assidue à leurs portes, les militants de la Ligue ne réussissent pas la jonction avec l’hypothétique AGOL.
79L’usine du Joint Français, créée en 1962 à Saint-Brieuc par des investisseurs attirés par une main d’œuvre qu’ils espéraient moins exigeante, semble a priori plus favorable. L’usine mère se trouve à Bezons, dans le Val d’Oise, les deux usines produisant des pièces d’étanchéité en caoutchouc. Elles constituent une filiale de la CGE, les ouvriers de Saint-Brieuc ont des salaires inférieurs de 13-14 % à ceux de la région parisienne. À Saint-Brieuc au contraire de Nantes, les ouvriers sont peu organisés159. Au début de la grève n’y existent ni cellule du PC ni section PSU, et les syndicats sont de création récente (mai-juin 1968), avec une majorité en faveur de la CFDT. Quant aux gauchistes ils sont peu présents, deux ou trois ouvriers sont en contact avec des maoïstes, et les contacts que la Ligue pouvait avoir dans l’entreprise sont hypothétiques. Si la Ligue a profité de la campagne Krivine en 1969, ici comme dans bien des petites villes, pour s’implanter, ses forces sont strictement étudiantes ou enseignantes. Ainsi le meeting, tenu à la fin du mois de mai 1969 à Saint-Brieuc, commence vraiment mal, les 5 militants, tous élèves à l’École normale, étant consignés par la direction de l’école160. Un militant de Guingamp, distante de 20 kilomètres, Édouard Renard, enseignant lui aussi, joue un rôle important dans le comité de soutien, il est un moment arrêté pour cela. La Ligue dispose sur place de quelques militants lycéens, animant deux comités rouges, l’un au lycée technique Vau Meno, l’autre au lycée classique Renan. Au Joint français les jeunes, les femmes, les OS sont majoritaires et combatifs. Les salaires sont inférieurs à ceux de Bezons ainsi qu’à ceux des salariés briochains de Sambre et Meuse ou Chaffoteaux et Maury. Les ouvriers demandent leur augmentation (0,70 F de l’heure en plus), une réduction du temps de travail, une prime de transport. Pour obtenir satisfaction ils décident le lundi 13 mars 1972, après un vote à bulletins secrets, la grève illimitée avec occupation. Le 17 mars les forces de l’ordre occupent l’usine, un tribunal sollicité par le directeur ayant estimé l’occupation illégale. L’évacuation s’est faite sans heurt, le piquet de grève étant réduit à 15 personnes à ce moment-là. Se crée alors un comité de soutien assez large. En plus de la LC et du PSU on y trouve le PS, le CDJA, la FDSEA, les Amis de Politique Hebdo, le foyer Paul Bert, les comités lycéens. Le PC, lui, est extérieur à ce comité, ses militants appuient un deuxième comité de soutien créé à l’initiative des syndicats.
80La grève se radicalise à partir du 20 mars. Ce jour-là, des ouvriers tentent de se rassembler près de l’usine, mais les gardes mobiles présents dans l’usine les repoussent. Au cours des échauffourées qui s’en suivent une ouvrière est blessée par une grenade lacrymogène. Le lendemain, une manifestation rassemble 5 000 personnes au centre de la ville, à l’appel des syndicats. Mais les négociations ne reprennent que le 5 avril et devant ce qu’ils estiment être la mauvaise volonté patronale, un groupe de grévistes retient les représentants patronaux toute la nuit du 5 au 6 avril. La solidarité, notamment celle des agriculteurs, contribue à populariser la lutte sur la région, alors qu’elle est peu soutenue au niveau du groupe CGE. Dans ce contexte, la Ligue s’efforce de mobiliser les lycéens, son champ d’action naturel, des comités de soutien professeurs-lycéens sont même mis en place. À la manifestation du 18 avril, point culminant de la mobilisation, les lycéens représentent plus de 10 % des manifestants, 1.500 sur 12 000161. Au plan national la Ligue tente d’organiser la solidarité financière.
81Finalement, un protocole d’accord est signé le 6 mai 1972, les ouvriers obtenant en partie satisfaction, avec la promesse d’harmoniser les salaires avec Bezons d’ici le 1er juillet 1975. La Ligue ne fait pas de commentaire mais critique en termes vifs le refus de « l’aile capitularde ralliée aux positions des staliniens des directions CGT et FEN » de monter vers l’usine à l’issue de la manifestation du 18 avril162. Après la grève, la Ligue ne parvient pas à constituer un groupe dans l’usine, pas plus que le PSU ou les maoïstes, par contre une cellule du PC est créée en octobre 1972, à partir de militants cégétistes, quelques mois après la signature du Programme commun. Un meeting Krivine rassemble 200 personnes à Saint-Brieuc, mais aux élections législatives de mars 1973 le candidat de la Ligue à Saint-Brieuc, Édouard Renard, pourtant très présent tout au long du conflit, ne fait pas mieux qu’ailleurs. Il obtient 462 voix, soit 0,64 % des suffrages exprimés. Maigre consolation, dans une des listes de souscription pour le quotidien Rouge, on voit R., travailleur au Joint français, verser 50 Francs.
82Ainsi le processus de construction du parti se solde souvent par un échec. Il se heurte parfois à l’hostilité de dirigeants syndicaux, comme ce cégétiste des traminots de Marseille caractérisant les distributeurs de la feuille locale de la LC, La Lutte Continue, en ces termes : « ces fils de patrons qui attendent l’héritage, ces individus qui n’ont jamais travaillé ». Pour Rouge, il s’agit bien sûr d’un bureaucrate163. Par ces interventions plaquées sur les entreprises, les militants obtiennent peu de résultats. Elles ne parviennent pas à remplacer le travail militant au jour le jour aux côtés des ouvriers. Au contraire ces interventions parfois intempestives, la constante surévaluation du niveau de conscience, de la capacité à lutter des ouvriers, indisposent plutôt ceux-ci.
L’intervention dans la « périphérie »
83Malgré la volonté clairement affirmée de relativiser la jeunesse scolarisée164, l’intervention dans la « périphérie » est prise au sérieux. Étant donné la politisation du milieu, il est possible « d’unifier le mouvement étudiant sur notre base165 ». La thèse, dite du « deuxième souffle » (du mouvement étudiant), développée dans une brochure écrite par D. Bensaïd et Camille Scalabrino, en août 1969 propose de « reconstruire un mouvement étudiant directement sous l’impulsion de l’avant-garde, de ressusciter des structures d’abord conjoncturelles et de plus en plus partie prenante de la constitution d’un mouvement de la jeunesse166 ». Ils appellent les jeunes à rejoindre les comités rouges qui doivent prendre en charge aussi bien la campagne de soutien aux révolutionnaires boliviens que l’organisation de la grève dans les facultés de lettres167. Il est impératif immédiatement après mai de « s’arracher au temps et aux déterminations politiques du mouvement étudiant168 ». Le temps n’est pas venu de ressusciter l’UNEF mais de créer des comités de lutte.
84Dans les lycées, moins concurrencés par les « réformistes » (le PC et les JC ne parviendront pas à faire de l’UNCAL une organisation de masse), la LC est fidèle à la ligne « comités rouges ». Elle organise une première rencontre nationale à Paris les 11-12 mars 1972169. À peu près au même moment aussi arrive à la tête du secteur lycéen de la Ligue un militant hors pair, Michel Field, récemment exclu du lycée Claude-Bernard.
85Les militants ne laissent donc pas en friche leur « secteur naturel ». Le soin qu’ils mettent à le structurer se révélera payant au printemps 1973, lors de la mobilisation contre la loi Debré à laquelle la LC prendra une part déterminante.
L’intervention en milieu enseignant
86Dans le cadre de la dialectique des secteurs d’intervention, le milieu enseignant a les mêmes vertus que la jeunesse scolarisée. Les enseignants faciliteront également la diffusion des idées révolutionnaires hors des centres universitaires, « dans les petites villes et au sein des campagnes ». L’intervention autonome des militants enseignants de la LC est nécessaire, mais ce milieu est anciennement et solidement structuré par les syndicats.
87Dans le syndicat le plus important, la FEN, a survécu le droit de tendance, « composante essentielle de la démocratie ouvrière170 ». À la veille de Mai 68 coexistent donc trois tendances à la FEN, qui expriment les trois grands courants, socialiste, communiste et révolutionnaire. Après mai, plusieurs dirigeants de la LC considèrent l’EE, la tendance révolutionnaire, comme un acquis inestimable. Mai 68 l’a vivifiée, elle est implantée désormais dans près de 70 départements, influençant environ 10 % des syndiqués, et majoritaire à la FEN dans les départements de l’Oise et des Alpes-deHaute-Provence. Les responsables du travail enseignant tentent de convaincre leurs camarades réticents de s’investir à l’EE, de militer dans ses groupes départementaux (GD) et au Collège national.
88Mais cette position ne l’a pas emporté sans débat. Certains militants auraient voulu transformer l’EE en « fraction rouge », en « fraction communiste », envisageant la sortie de la FEN et la création d’un syndicat révolutionnaire de l’enseignement. La mainmise, pronostiquée par eux, des staliniens sur la FEN, devait précipiter cette évolution. Cette position inspire un texte rédigé par les militants de la Ligue pour le congrès du SNESUP, en avril 1970. Selon eux, la position sur le problème de la participation (aux conseils de gestion des universités) « trace une ligne de démarcation décisive entre collaboration de classe et lutte de classe ». Il faut, au cours de cette bataille, « convaincre et gagner des forces », pour opérer une « rupture de masse ». Ces militants implantés surtout dans le supérieur ont donc une perspective « sortiste ». De même, au CC de la Ligue en juin 1969, D. Bensaïd met en garde, au cours de la discussion ayant suivi le rapport introductif de Gil, contre le risque de voir « l’EE s’enliser dans une démocrasouillardise véhiculant une idéologie unitaire en contradiction avec les processus objectifs171 ». Plusieurs militants manifestent leur appréhension face aux autres forces politiques présentes à l’EE, « conseillistes » de la Voie Communiste (avec Michel Bernard) ou anarcho-syndicalistes (avec Gabriel Cohn-Bendit). La cohabitation n’est pas toujours facile. Faisant le bilan du Collège de l’EE de février 1973, Michèle Bouyer qualifie G. Cohn-Bendit de « ponte » et respire quand, par chance, il s’absente du Collège172. Mais dans les textes de Congrès, les militants de la Ligue renouvellent majoritairement leur volonté de construire la tendance, aux côtés d’autres courants de l’extrême gauche et de rester présents dans les syndicats173.
89Dans le secteur de l’enseignement, la Ligue a su éviter les séductions gauchistes, les militants enseignants se sont globalement insérés dans le syndicalisme enseignant traditionnel et dans l’EE. À la rentrée 1970, plusieurs responsables de GD sont militants ou proches sympathisants de la Ligue, Geneviève Thoumas à Tarbes, Janine Bascoulary à Clermont-Ferrand, André Durand en Charente-Maritime, Jean-Claude Meyer à Strasbourg, Michèle Bouyer dans les Hauts-de-Seine. Et quand meurt Marcel Valière, vieux militant syndicaliste révolutionnaire, figure historique de l’EE, Rouge le place parmi « Les Nôtres », traitement habituellement réservé aux militants de la Ligue et de l’Internationale174. C’est une façon de se placer dans une tradition qu’une minorité de militants de la Ligue avait jugée un moment obsolète. Dans le milieu enseignant comme dans le monde du travail en général, le devoir d’un révolutionnaire est de militer dans le syndicat. Et quand par chance le droit de tendance a survécu, comme c’est le cas dans la FEN, il faut faire vivre un tel héritage.
Notes de bas de page
1 C’est le cas de la cellule Lettres de l’université de Paris VII (Jussieu) composée de 12 militant(e) s en juin 1974 (APGF, carton n° 9, Paris) ou de la cellule Renault-Ateliers, 13 militant(e) s (APJPS, carton n° 19, « Affaire Lafitte », avril 1975).
2 APGF, carton n° 4, Sud-Est. Galine, « Sur la tactique de construction de la ville d’Avignon », 3 février 1976, 18 p. man., 9 militants participent à la création de la cellule.
3 APGF, carton n° 5, Sud-Ouest, Pau, Que Podem Parlar, BI de la section du Béarn (Pau-Oloron-Mourenx) de la LCR, n° 17, octobre 1978. Texte de Voiron, 2 octobre 1978, 2 p.
4 APJPS, carton n°III, CRS n° 21, p. 18, 31 octobre 1974.
5 Cahier Rouge, n° 10-11, p. 80.
6 Ibid. p. 162, résolution 4.
7 BDIC, BI parisien, n° 3, février 1972. 4° P 11258.
8 Cahier Rouge n° 10-11, op. cit., p. 175.
9 APJPS, carton n° 2, « Formation », Circulaire du BP, 7 septembre 1971, 4 p.
10 APJPS, carton n° 2, Circulaire du BP, 7 juin 1975, « Objet : vacances », 3 p.
11 APGF, carton n° 4, Montpellier, compte rendu de la DV, 14 octobre 1974, 3 p.
12 Rh n° 201, 20 avril 1973, p. 12.
13 Rh n° 1825, 29 avril 1999. Rubrique « Les Nôtres » par M. Lequenne.
14 Le Monde 17-18 janvier 1999, A. Chemin sur A. Krivine (1 p.).
15 Rh n° 149, 18 mars 1972, p. 3.
16 Le Monde, 7 mars 1972, Maurice Duverger.
17 Rh n° 149, Ibid.
18 Rh n° 201, 20 avril 1973, p. 3.
19 D’après Kindo (Y.), op.cit., témoignage de Pierre Sojac, militant LC/LCR de 1972 à 1978.
20 Rh n° 186, 6 janvier 1973, p. 11, parle d’une cotisation « d’au minimum 10 % »
21 APGF, carton n° 1, Rouen I, enquête nominale réalisée par la DV à la veille des vacances (été 1970).
22 Kriegel (A.), dans Les Communistes français 1920-70, Le Seuil, 1985, donne les taux de cotisation du PCF en janvier 1970. Le montant le plus élevé, payé par les salaires supérieurs à 2 000 F est de 20 F. Pour un salaire de 1.500-2 000 F : 15F, pour un salaire de 700-1 000 F : 5F.
23 APGF, carton n° 8, région Centre, BI début 1975 ou CRS n° 28, mi-1975.
24 APGF, carton n° 10, dossier « Finances » LC, BI, avant avril 1970.
25 APJPS, carton n°III, CRS n° 28, mi-1975, compte rendu du CC.
26 Ibid. La résolution sur l’assainissement des finances a intégré un amendement Sartan qui se termine ainsi : « Les sanctions statutaires devront être appliquées à tout niveau avec la plus grande vigueur ».
27 BI, avant avril 1970, op. cit.
28 Rouge n° 184, en fait un compte rendu rapide.
29 APJPS, carton n°I, BI n° 20, juin 1971, « Résolution sur l’organisation adoptée par le 2e congrès de la LC : “Améliorer l’appareil central” ».
30 Rh n° 24, juin 1969.
31 Filoche (G.), 68-69, Histoire sans fin, Paris, Flammarion, 1998, p. 118.
32 Rh, du numéro 122 (13 septembre 1971) au numéro 133 (20 novembre 1971).
33 Rh n° 204, 11 mai 1973, p. 20 par exemple.
34 Rh n° 46, 5 janvier 1970, dernière page.
35 Ce que veut la Ligue communiste, Paris, Maspero, 1972, p. 166.
36 Rh n° 34, 13 octobre 1969, p. 13.
37 Ce que veut…, Ibid., p. 166.
38 Cité par Rosanvallon (P.), Le Sacre du citoyen, Paris, Gallimard, 1992.
39 Rh n° 150, 25 mars 1972, photo. p. 9.
40 Document rouge n° 12, « Piquets d’autodéfense et détachements de combat ouvriers », novembre 1971.
41 Sommier (I.), La Violence politique et son deuil, Rennes, PUR, 1998, p. 79-80.
42 Faburel (V.), op.cit.
43 Sommier (I.), op.cit., p. 92, interview de D. Bensaïd
44 Rh n° 63, 11 mai 1970, p. 6-7.
45 Rh n° 21, 28 mai 1969, parle d’une « cinquantaine de permanents et d’employés municipaux ».
46 Dhaille-Hervieu (M.-P.), Communistes au Havre, Communistes du Havre, 1930-1983, 2 volumes, thèse de l’IEP Paris, 1997, évoque l’affrontement PC-PSU, partenaires à la mairie du Havre, sur le refus de prêter une salle municipale à la LC (volume 2, p. 386).
47 Sommier (I.), op.cit., p. 80 et sq., interview de R. Goupil.
48 Rh n° 108, 5 avril 1971, p. 4.
49 Document rouge n° 23-24, op.cit., t. 1, p. 23.
50 Rh n° 53, 23 février 1970, p. 10.
51 Rh n° 150, 25 mars 1972, p. 13.
52 Rh n° 154, 22 avril 1972, p. 5.
53 Filoche (G.), op. cit., p. 143-144.
54 Rh n°211, 27 juin 1973, « Éditorial », D. Bensaïd.
55 Hamon (H.), Rotman (P.), op. cit., t. 2, p. 499. Pour le journaliste C. Nick, qui évoque longuement cette CT, dans un chapitre intitulé « La tentative insurrectionnelle de la LCR dans les années 1970 » (p. 71-131), elle aurait constitué le centre de gravité de la LC, éclipsant ses autres activités (dans Les Trotskistes, Paris, Fayard, 2002).
56 Nick (C.), op. cit., p. 100.
57 Ibid., p. 97.
58 Mobbs (P.), « De la JCR à la LCR : histoire d’un parti trotskiste à travers son journal, Rouge (1968-1981) », mémoire de maîtrise, université de Besançon, 2000, Annexe D, p. 3.
59 J.-M. Mension (Alexis Violet), Le Temps gage, Paris, Noésis, 2001, p. 307.
60 Ibid., p. 284.
61 APGF, carton n° 4, Montpellier, BI, « Pour ouvrir le débat sur le SO », 9juin 1975, 1 p.
62 Hamon (H.), Rotman (P.), op. cit., p. 495.
63 Article paru dans Revue QI, mars 1960, cité par Maitan (L.), Le Parti, l’armée et les masses dans la révolution culturelle chinoise, Paris, Maspero, 1971.
64 BI préparatoire au IXe congrès mondial de la QI, SU, « Projets de résolution sur la “Révolution culturelle” », mars 1969, 24 p. Ici, p. 7.
65 Ibid., p. 13.
66 Hoover Institution Archives, Papiers Joseph Hansen, carton 13, chemise 20, Lettre de P. Frank, 24 janvier 1967, 2 p.
67 Rh n° 33, 6 octobre 1969, p. 4.
68 Dressen (M.), De l’amphi à l’établi. Les étudiants maoïstes à l’usine (1967-1989), Paris, Belin, 1999.
69 Filoche (G.), op. cit., p. 108.
70 Rh n° 158, 20 mai 1972, p. 13, « Des trotskystes dans les prisons de Mao ». Outre Chen Chao Lin sont cités 7 militants, arrêtés en 1952, 1953.
71 Bourseiller (C.), Les Maoïstes, la folle histoire des gardes rouges français, Plon, 1996.
72 À l’occasion de son décès à Jérusalem, le 15 octobre 2003, à l’âge de 58 ans, son ancien camarade Bernard-Henri Lévy évoque sa mémoire (Le Monde, 17 octobre 2003, p. 29). Dans Rouge, Michel Laszlo ne s’associe pas à cet hommage, rappelant ses « délires populistes, ses ukases staliniens, son ultra-gauchisme échevelé » (n° 2036, 23 octobre 2003, p. 10).
73 Rh n° 18, 8 mai 1969, p. 8.
74 Rh n°57, 23 mars 1970, « Édito ».
75 Rh n° 26, 2 juillet 1969, p. 8.
76 Rh n° 120, 28 juin 1971, p. 3.
77 Rh n° 148, 11 mars 1972, « Éditorial » d’A. Krivine.
78 .APJPS, carton n° 2, « Formation », Circulaire nationale, fin 1975, 8 p.ron.
79 Jarrige (P.), op. cit., annexes p. XXXIX.
80 Rh n° 157, 13 mai 1972, p. 14.
81 Rh n° 53, 23 février 1970, p. 11.
82 Rh n° 156, 6 mai 1972, p. 3.
83 Cahiers Léon Trotsky n° 49, janvier 1993, numéro spécial sur Barta et l’UCI.
84 Pluet (J.), op. cit., p. 154.
85 Lourson (F.), « Lutte Ouvrière ou la “tendance prolétarienne” », Cahier Rouge, 1971, 105 p., ici p. 93.
86 Laguiller (A.), Moi, une militante, Paris, J’ai Lu, 1974, p. 17 et 36.
87 Lourson (F.), op. cit., p. 90.
88 Rh n° 56, 16 mars 1970, p. 9.
89 Rh n° 17, 1er mai 1969, p. 4 ou Rh n° 92, 14 décembre 1970, p. 5.
90 BDIC 4°P.11258, BI parisien, 4 novembre 1971.
91 Rh n° 77, 31 août 1970, p. 3.
92 Rh n° 30, 15 septembre 1969, p. 5, d’après Ch. Michaloux.
93 Rh n° 95, 4 janvier 1971, p. 3, publication du protocole.
94 Rh n° 101, 15 février 1971.
95 Rq. n° 05, 27 février 1976, p. 6.
96 Rh n° 159, 27 mai 1972, p. 4.
97 Freyssat (J.-M.), Dupré (M.), Ollivier (F.), « Ce qu’est l’OCI », Cahier Rouge, nouvelle série, La Taupe rouge, 1977, 160 p.
98 Weber (H.), « Qu’est-ce que l’AJS », Cahier Rouge, série « Marx ou Crève », 1971, n° 5.
99 Rh n° 87, p. 10, n° 93, p. 8, n° 114, p. 6, n° 187, p. 6-7.
100 Rh n° 93, 21 décembre 1970, p. 8.
101 Rh n° 36, 27 octobre 1969, p. 4
102 Ibid.
103 Cermtri, IO n° 452, 19-26 novembre 1969 et IO n° 455, 10-17 décembre 1969, une lettre de G. Lora terminée par ces mots « Pierre Frank, Mandel ou autre charlatan ».
104 Rh n° 41, 1er décembre 1969, p. 4.
105 Ibid.
106 Rh n° 87, 3 novembre 1970, p. 10 et n° 89, 23 novembre 1970.
107 Rh n° 148, 11 mars 1972, p. 2.
108 Rh n° 39, 17 novembre 1969, p. 4 et n° 87, 9 novembre 1970, p. 4.
109 Rh n° 115, 24 mai 1971, p. 10, sous le titre « Francs-maçons de toutes les loges, unissez-vous ! ».
110 Cermtri, JR n° 7, 13 juin 1969, p. 7.
111 D’après Rh n° 188, 20 janvier 1973, p. 19, cite Stéphane Just, secrétaire de l’AJS.
112 APJPS, « Pourquoi l’OCI appelle à voter Mitterrand », supplément à IO, n° 652, 1974, Selio.
113 Ibid.
114 Kindo (Y.), op. cit., vol.2, p. 177.
115 Fisera (V.C.), « Le PSU face à son histoire, le tournant de mai 68 », dans Mouriaux (R.) et al., 1968, Exploration du mai français, t. 2, Paris, L’Harmattan, 1992.
116 Craipeau (Y.), Mémoires d’un dinosaure trotskyste, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 336.
117 Kergoat (J.) et al., Un Bilan du PSU, 1972, brochure 106 p., p. 27-28.
118 Craipeau (Y.), op. cit., p. 321.
119 Monchablon (A.), Histoire de l’UNEF, Paris, PUF, 1983.
120 Artous (A.), dir., Retours sur Mai, Paris, La Brèche, 1988.
121 Fisera (V. C.), op. cit.
122 Rh n° 23, 11 juin 1969, p. 5.
123 Y. Salesse a quitté la LCR. Après avoir réussi le concours de l’Ena, il est devenu haut fonctionnaire, membre du Conseil d’État, et a été membre du cabinet du ministre communiste Jean-Claude Gayssot.
124 Rh n° 45, 17 décembre 1969, p. 9.
125 Titre d’un article consacré au PSU, Rh n° 38, 10 novembre 1969, p. 3.
126 Kergoat (J.) et al., op. cit., p. 8.
127 Rh n° 28-29, juillet 1969, p. 7. J.-R. Chauvin, toujours actif, se présente comme « militant trotskyste, résistant, déporté à Mauthausen » dans L’École Émancipée, numéro spécial, mai 1999.
128 Rh n° 89, 23 novembre 1970, p. 40.
129 Rh n° 128, 16 octobre 1971, lettre d’A. Krivine au PSU, 13 octobre 1971.
130 Rh n° 132, 13 novembre 1971, p. 15.
131 Rh n° 121, 5 juillet 1971.
132 Kergoat (J.) et al., op. cit., p. 80.
133 Rh n° 142 et n° 146.
134 Rh n° 160, 3 juin 1972. Parmi eux Christian Akermann, infirmier, alors à Rouen, qui contribue ensuite à la création de la section de la Ligue à Dreux, Eure-et-Loir.
135 Rh n° 163, 24 juin 1972.
136 Craipeau (Y.), op. cit., p. 328.
137 Rh n° 189, 27 janvier 1973, p. 17.
138 Rq n° 27, avril 1976, A. K., « Les charmes discrets du Programme commun ».
139 Par contre, ceux de la troisième tendance ont quitté la Ligue individuellement, Guy Hoquenghem à Paris, Christian Ferrari à Rouen.
140 Cahiers Révolution ! n° 6, Paris, Maspero, 1973, 1er congrès de Révolution, p. 99-100.
141 APJPS, carton n°I, « Travail international », janvier-février 1971, 4 p., texte interne de la future organisation Révolution !, publié dans un BI spécial de la LC, février 1971.
142 Ibid.
143 Compte rendu du stage de Marseille, début 1971, 3 p., reproduit dans BI spécial, op. cit.
144 Rh n° 103, 1er mars 1971, p. 12.
145 Entretien avec Jean-Jacques Adam, le 22 août 2001, à Marseille.
146 APJPS, carton n° 19, Olivier, printemps 1975, 4 p. ron, texte sur Révolution !
147 Jarrige (P.), op. cit., documents p. XLVII.
148 APJPS, carton n° 2, dossier « formation », op. cit.
149 Rh n° 189, 27 janvier 1973, p. 17. Crise au sein de l’ORA.
150 Tornade Rouge, p. 9, supplément étudiant à Rh n° 37.
151 Rh n° 10, 22 janvier 1969.
152 Rh n° 12, 19 février 1969, p. 11.
153 Ibid.
154 Réault (J.), « L’usine des Batignolles à Nantes », Norois, octobre-décembre 1981, n° 112, p. 661-3. Cette entreprise, créée en 1917, spécialisée dans la fabrication des locomotives, puis des armes, enfin des turbines pour les centrales nucléaires emploie environ 1.800 personnes en 1970. Gilbert Declercq, célèbre militant syndical CFDT, y a fait ses premières armes en 1946-1950.
155 Rh n° 101, 15 février 1971, « Éditorial ».
156 Rh n° 98, 25 janvier 1971. « Éditorial ». Des ouvriers avaient mis à sac le bureau de la direction le 14 janvier (Sur ce point précis, confirmation dans Réault (J.), op. cit.).
157 Molinari (J.-P.), Les Ouvriers communistes, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1991.
158 « Vous êtes des gauchistes, nous ne discuterons qu’avec vos délégués », c’est en ces termes que les dirigeants de l’UL-CGT de Nantes se seraient adressés aux ouvriers grévistes de SA Paris, d’après Rh n° 153, 15 avril 1972, p. 13.
159 Voir l’étude consacrée à ce conflit par Capdevielle (J.), Dupoirier (E.), Lorant (G.), La Grève du Joint français, les incidences politiques d’un conflit social, Paris, PFNSP, 1975.
160 Rh n° 21, 28 mai 1969.
161 Les lycéens et la grève du Joint français, brochure LC, mai 1972, 24 p.
162 Ibid.
163 Rh n° 33, 6 octobre 1969.
164 Rh n° 1, 18 septembre 1968, p. 5, A. Krivine affirme que « les étudiants ne doivent pas rester dans les facs, ils doivent faire connaître et soutenir tout front de lutte ouvert par la classe ouvrière ».
165 Rh n° 3, 16 octobre 1968, p. 10-11, « Les tâches du mouvement étudiant ».
166 Cahier Rouge n° 12, octobre 1969, « Le deuxième souffle », p. 54.
167 Rh n° 40, 22 novembre 1969, p. 9.
168 Cahier Rouge n° 12, op. cit., p. 36.
169 Rh n° 149, 18 mars 1972, p. 8, ne donne aucun chiffre.
170 Rh n° 57, 23 mars 1970, p. 9.
171 APJPS, BI n° 3, 21 juin 1969. Intervention de Jebracq, p. 19.
172 APJPS, carton n° 8, Secrétariat national enseignant, circulaire n° 8, 19 février 1973.
173 APJPS, carton n°II, Résolution adoptée au 3e congrès (décembre 1972, Rouen).
174 Rh n° 219, 7 septembre 1973, p. 13, « Les Nôtres : Marcel Valière ».
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