Les revendications de la vengeance dans les plaidoyers attiques
p. 97-113
Texte intégral
1La vengeance n’a pas bonne réputation. Traditionnellement associée à des représentations et des comportements jugés archaïques, marqués par la haine et la violence incontrôlée, elle est censée n’avoir sa place que dans les sociétés de type « primitif », dépourvues d’État comme d’institutions, et qui laissent par conséquent aux individus la tâche de régler eux-mêmes les conflits qui les opposent1. Il est entendu que de telles pratiques sont destinées à être dépassées par l’avènement du droit et l’émergence d’une autorité surplombante capable d’imposer sa loi à l’ensemble de la société. Le développement de l’État prive nécessairement la vengeance de sa légitimité et la contraint à s’effacer pour céder la place à la punition. Dès lors, ce n’est plus à sa victime ou à ses parents que se trouvent confrontés l’agresseur ou le meurtrier, mais à l’État dont ils ont violé les lois. La relation verticale qui met face à face le délinquant et les représentants autorisés de la loi, vient supplanter la relation horizontale qui liait dans la pratique vindicative l’agresseur et ses victimes2.
2Ce schéma s’inscrit dans une perspective évolutionniste dont l’évidence paraît difficilement contestable, lorsqu’il s’inscrit dans une société qui, comme l’a fait la cité athénienne, a fondé l’organisation des rapports sociaux sur un socle de lois, tout en donnant, dans le cadre de ses institutions, une place privilégiée à la gestion de la justice. Une gestion qui était du ressort de tribunaux dont on sait qu’ils étaient extrêmement sollicités mais qui présente cependant, par rapport à nos systèmes contemporains, un certain nombre de particularités. L’une des particularités les plus marquantes de la justice athénienne étant qu’en l’absence de ministère public, le procès qui se déroulait devant les instances judiciaires, prenait la forme d’une confrontation agonistique qui opposait, en présence des juges, l’accusateur et l’accusé3. Ce qu’on attendait alors des jurés, qu’ils relèvent du tribunal de l’Héliée ou de celui de l’Aréopage, c’est qu’ils déterminent, dans les actions de caractère privé, les dikai, lequel des deux adversaires était dans son droit, et dans les actions publiques, les graphai, si l’accusé avait ou non lésé la polis. Dans tous les cas, l’imposition d’une pénalité, qui pouvait prendre différentes formes, venait sanctionner les manquements aux lois dont l’individu s’était rendu coupable en lésant soit l’un de ses concitoyens, soit la cité elle-même4.
3Une autre particularité qui avait retenu l’attention de Gustave Glotz5, est que dans le cadre d’une dikè, d’une action privée, l’individu lésé est seul habilité à porter l’accusation devant les instances judiciaires de la cité, alors que ce droit est étendu à la famille entière de la victime en cas de meurtre6. Gustave Glotz voyait là le témoignage d’une solidarité plus ancienne qui liait, dans une époque antérieure aux législations des cités, les membres d’un même clan, d’un même génos. Cette solidarité, d’ailleurs légitimée par les lois de Dracon, continuait à s’exercer à l’intérieur même du droit athénien comme le vestige d’un passé révolu. Un passé qui était celui « des temps épiques », qu’évoquent les poèmes homériques et le théâtre tragique, et dont l’exploration, pensait Gustave Glotz, devait permettre de mieux comprendre la genèse et les fondements des procédures judiciaires de la cité. Ces « temps épiques », étaient caractérisés par la coexistence de clans familiaux, les génè7, qui réunissaient les hommes d’un même sang et qui assuraient la paix et le règlement des conflits, en suivant deux principes complémentaires. Le principe de la thémis d’abord, celui d’une justice intrafamiliale, basée sur le droit à la punition et qui s’exerçait à l’intérieur même du clan, à l’encontre des membres qui ne respectaient pas les personnes et les biens du groupe familial. Le principe de la dikè d’autre part, qui permettait d’assurer la défense du clan contre les agressions extérieures en utilisant les procédures de la vengeance. La coexistence de ces deux principes, celui de la vengeance et celui de la punition ne pouvait toutefois survivre à l’intégration du génos dans un groupe plus vaste qui est celui de la polis. Avec l’avènement des premières législations, comme celle de Dracon à Athènes, la famille lésée est contrainte, souligne Gustave Glotz, de « demander à l’État la permission de se venger »8. L’Orestie d’Eschyle met précisément en scène ce moment fondamental où, dans le cadre de la cité, la vengeance est dépouillée de sa légitimité au bénéfice des instances judiciaires mises en place à travers la fondation de l’Aréopage.
4Quelques années plus tard, Louis Gernet9, cherche à comprendre, dans la même perspective, comment la cité en est précisément arrivée à récupérer les deux formes de justice caractéristiques du génos primitif, à savoir la thémis, la « punition » et la dikè, la « vengeance ». Il conclut qu’elle le fait à travers l’émergence des notions de délit et de peine. Ce qui était une agression commise à l’encontre d’un groupe familial, devient, en effet, une fois que ce même groupe a été intégré dans une communauté plus large, un délit individuel commis à l’encontre de la collectivité. Si bien qu’au fondement de la pénalité, on trouve « la vengeance collective. Le groupe se venge lui-même ». Voilà ce qui constitue, insiste Louis Gernet, « la notion brute de la pénalité »10. D’où le développement à côté de dikè, dans lequel s’incarne l’idée même de justice, du verbe ἀδικεῖν et des substantifs ἀδικία et ἀδίκηµα, tous termes qui renvoient aux atteintes infligées à cette justice, et qui occupent dans le vocabulaire philosophique et judiciaire le plus ancien une place fondamentale11. Cette conception de la justice s’inscrit dans le cadre plus large d’une « représentation religieuse de l’équilibre » liée à l’idée d’un ordre cosmique qui gouverne aussi bien les choses de la nature que les affaires humaines. D’où l’insistance avec laquelle est soulignée la responsabilité que prend celui qui « commence l’injustice », ἂρχει τῆς ἀδικίας en commettant une offense ou un meurtre, c’est-à-dire qui rompt un équilibre et provoque en retour « une violence compensatrice non pas en vertu d’un sentiment de vengeance mais par l’effet d’une loi de la fatalité »12.
5Plus de trente années plus tard, dans son étude de 1951, « Droit et pré-droit en Grèce ancienne »13, Louis Gernet reconnaît dans l’obligation qui contraint un individu ou une communauté à restaurer l’équilibre précédemment rompu à ses dépens, non plus les effets d’une loi de la fatalité mais les manifestations d’une logique de la réciprocité, qui s’exerce d’une manière parallèle à la logique qui sous-tend les pratiques du don et du contre-don définies par Marcel Mauss14. Il s’agit d’une réciprocité négative qui enserre dans ses exigences l’individu qui a subi l’offense ou a été lésé, et qui se voit contraint de rétablir dans les plus brefs délais l’équilibre social précédemment rompu à ses dépends. Les impératifs de l’honneur sont là pour engager de la manière la plus pressante la victime, ou ses parents, à obtenir de l’offenseur qu’il paie son dû, c’est-à-dire qu’il rembourse la dette qu’il a contractée15. De fait, les études lexicales attestent toutes clairement que la représentation de la vengeance s’inscrit essentiellement dans le registre du paiement et de la réparation. Non pas que les violences soient absentes des pratiques de la vengeance mais, quelles que soient les satisfactions qu’elles peuvent procurer à celui qui les accomplit, elles restent d’abord un moyen au service d’une finalité précise. Il s’agit pour l’offenseur de payer, et pour la victime de se faire payer16.
6Un ensemble de formulations qui pointent toutes l’importance fondamentale qui est attachée à la gestion des relations entre la cité et les individus, ou bien entre les individus occupe de la même manière une place centrale dans le vocabulaire judiciaire. Il s’agit d’abord de l’emploi bien connu qui est fait de δίκη, massivement utilisé avec les verbes διδóναι, « donner », λαµβάνєιν, « prendre », plus rarement τυγχάνειν, « obtenir » pour désigner la réparation dont l’offenseur est redevable et que la victime, qu’il s’agisse de la cité ou d’un particulier, est en droit d’obtenir à l’issue du procès17.
7C’est ainsi que δίκην διδóναι , renvoie à l’obligation qui pèse sur celui qui a violé la loi de payer en retour. Dans les cas de blessure, il est prévu que les responsables « paient », δίκην διδóναι, et le contenu du paiement prévu par la loi, ce sont « les châtiments considérables », τάς τιµωρίας µεγάλας , à savoir l’exil (Lysias, III, 42-43). Dans les cas de vol, la loi impose de la même manière au coupable « de payer une juste réparation », δώσoυσι δίκην ἀξίαν, en subissant la pénalité, ζηµίαν, prévue par le législateur (Dém., XXIV, 113)18. À côté de ceux qui ont violé les lois, les individus accusés de menées contraires à l’intérêt de la communauté sont considérés comme étant lourdement redevables à son égard. C’est le cas d’Ergoclès qui, proclame Lysias à l’adresse des juges, même en mourant plusieurs fois ne pourrait « vous payer une réparation suffisante à vous qui êtes le peuple », δoῦναι δίκην ἀξίαν τῷ πλήθει (Lys., XXVIII, 1), ou encore des gens compromis dans la révolution oligarchique et qui « reconnaissant être dans leur tort, se sont enfuis », πρoκαταγνóντες ἀδικεῖν οἳχονται, « afin de ne pas payer », ἴνα µὴ δοῖεν δίκην (Lys., XX, 21)19
8Dans tous ces cas il s’agit d’une dikè que Louis Gernet qualifiait d’objective et qui renvoie à la pénalité qu’imposent les lois en contrepartie des infractions commises aux dépens de la communauté. Celui qui a transgressé les lois répète Démosthène ne peut pas « ne pas payer », οὐ δώσειν δίκην (XXI, 225). Cette même dikè dite objective peut cependant être considérée du point de vue de la communauté qui, en punissant le contrevenant, « prend » la réparation prévue en sa faveur par le législateur. C’est alors le syntagme δίκην λαµβάvειv qui est utilisé : (Ant., VI, 10 ; And., I,7 ; Dém., XIX, 8 ; XXI, 2, 92, 127). Dans une affaire publique, l’accusateur peut se considérer lui-même, ou être considéré par les autres, comme ayant assumé la tâche de « faire payer au nom de la cité », δίκηv ; τῆς πόλεω, celui qui l’a offensée (Dém., XXII, 53)20. Les exigences attachées à ces paiements ont cependant des limites qui sont très précisément énoncées. Lorsqu’il s’agit d’un homme libre, en effet, « on ne peut exiger le paiement que sur ses biens », εἰς χρήµατα τὴν δίκην προσήκει λαµβάνειν , à la différence de l’esclave qui est corporellement responsable (Dém., XXII, 55).
9À côté de cette dikè objective, qui se confond avec la pénalité que subit l’individu reconnu coupable21, la dikè dite subjective renvoie à la satisfaction personnelle dont bénéficie l’individu lésé, qui voit son droit reconnu et qui « prend son dû », δίκην λαµβάvει. Cette dikè passe elle aussi par la condamnation que le tribunal inflige à l’agresseur et c’est elle que la victime cherche à obtenir en portant l’accusation devant les juges. Au point que le syntagme δίκην λαµβάvειv est utilisé pour désigner l’acte même accompli par l’accusateur qui demande réparation au tribunal (Dém., XXI, 101 ; Isocr., XX, 5). L’obtention de cette dikè est par ailleurs le plus souvent représentée comme un acte accompli par la victime qui se trouve en position de sujet actif qui « prend », λαµβάvειv, ce qui lui est dû, alors même qu’il revient au tribunal de faire en sorte que la victime puisse obtenir la dikè qu’elle est en droit d’exiger (Lys., III, 9 ; IV, 20 ; Dém., XXI, 92). Il peut y avoir là une ambiguïté qu’exploite par exemple Euphilétos, le client de Lysias. Après s’être fait justice lui-même en tuant Érastosthène, l’amant de sa femme, qu’il a surpris en flagrant délit d’adultère, Euphilétos prétend en effet n’avoir rien fait d’autre en agissant ainsi que de prendre lui-même la dikè que les lois l’autorisaient de toute manière à obtenir, au risque de confondre le rôle de la victime et celui du juge (Lys., I, 29, 30, 35).
10Un autre ensemble lexical se développe à partir du ve siècle, qui est constitué par le nom d’agent τιµωρός, le verbe τιµώρειν/τιµωρεῖσθαι, ainsi que le substantif τιµωρία, tous affectés à la désignation de pratiques qui relèvent de la vengeance. Un développement qui paraît au premier abord surprenant, dans la mesure où il survient à un moment où les pratiques de la vengeance semblent avoir perdu leur raison d’être et leur légitimité en face du rôle déterminant accordé aux tribunaux. Sur ce développement cependant, Paul Demont a récemment jeté une lumière très révélatrice22 en mettant en évidence deux aspects qui caractérisent fortement cet ensemble. Le premier aspect est le lien étroit qui unit ce groupe lexical au substantif timè dont il semble qu’il soit dérivé. La timè désignant, on le sait, l’honneur, la dignité que possède l’individu, ou plus exactement que la société lui reconnaît, et qui occupe depuis l’époque homérique une place fondamentale dans les valeurs sociales et culturelles grecques23. Le second aspect tout aussi clairement mis en évidence par Paul Demont, en particulier chez Hérodote, est que cet ensemble renvoie aussi bien à l’action préventive qui consiste à protéger la timè, à lui porter secours, qu’à l’action réactive qui consiste à réparer, à venger une timè endommagée. Dans tous les cas, c’est l’idée de la sauvegarde de la timè qui est au cœur des emplois concernant cet ensemble lexical, et il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre le développement que connaissent ces termes et l’importance nouvelle que le ve siècle athénien confère au statut de l’individu et plus précisément au statut du citoyen. Louis Gernet avait par ailleurs relevé une évolution qui affecte de manière très inégale l’utilisation de ces termes. La fréquence de τιµωρός et de l’actif τιµώρεῖν24 diminue très nettement entre le ve siècle, où ils sont très utilisés non seulement chez les Tragiques, mais aussi dans les discours d’Antiphon, d’Andocide ou de Lysias, et le ive siècle où le moyen τιµωρεῖσθαι et le substantif t τιµωρία connaissent en revanche une fréquence croissante dans le cadre des plaidoyers judiciaires. Ce qui serait dû, explique Louis Gernet25, au fait que les deux premiers termes étaient trop liés à l’idée de l’action du vengeur chargé d’accomplir la vengeance du sang, alors que la forme moyenne du verbe et surtout le substantif timôria, renvoient à la position de la victime qui « se venge » ou attend de recevoir la vengeance qu’elle est en droit de recevoir. Le moyen τιµωρεῖσθαι véhicule ainsi un double sens sur lequel les plaideurs jouent assez souvent, celui de « se venger » et celui de « punir ». Il renvoie à la vengeance, lorsque le sujet potentiel est soit la victime qui porte l’accusation (Dém., LIX, 15 ; XLVII, 70), soit un groupe, par exemple les Trente (Lys., XIII, 74), soit même la communauté des citoyens (Lys., XIII, 3). Il désigne plus spécifiquement la punition lorsque le sujet du verbe se trouve être l’ensemble des juges qui représentent la communauté (Lys., XIII, 76, 78, 93 ; XV, 9 ; XXVIII, 9 ; XXIX, 13 ; Isocr., XX, 15 ; And., III, 3, 10). Le substantif timôria se trouve lui aussi constamment placé à l’articulation de la désignation de la vengeance et de celle de la pénalité qui, en frappant l’agresseur, rend son dû à la victime26. Si bien que le syntagme τιµωρίαν λαµβάvειv, renvoie à la réparation que la victime retire de la condamnation prononcée par les juges à l’encontre de l’agresseur (Dém., XVIII, 280 ; XXIII, 57 ; XXIV, 8 ; Lyc., Leocr., 71, 111), ce que Andocide traduit de la manière la plus explicite, lorsqu’il affirme qu’une sentence correcte « est une satisfaction pour la victime », τιµωρία ἐστὶν ὑπὲρ τοῦ ἀδικηθέντος (VI, 6).
11Ces notions de réparation à fournir ou à exiger, de dette à acquitter ou à se faire rembourser, ainsi inscrites au cœur des obligations qui fondent les pratiques judiciaires s’articulent par ailleurs à une conception de la justice dont un certain nombre de réflexions, formulées au ive siècle, donnent une idée assez précise. Cette conception apparaît ainsi à travers la réponse que Polémarque fournit à Socrate, au moment où ce dernier lui demande une définition de la justice. Polémarque emprunte pour répondre au philosophe un vers de Simonide : « Ce qui est juste, c’est de rendre à chacunce qui lui est dû », τò τά ὀɸειλόµενα ἑκάστω ἀποδιδóναι δίκαιóν ἑστιν27. Il ne s’agit pas alors d’une définition de la justice en soi, de la vertu de justice, la δικαιoσύvn, telle que voulait l’obtenir Socrate, mais plutôt de la définition traditionnelle de la pratique du juste, spontanément fournie par le jeune homme et fondée sur la nécessité de faire en sorte que les individus reçoivent satisfaction en obtenant ce qui leur est dû28. Démosthène, de son côté, dans la plaidoirie qu’il compose contre Midias29, qui l’a publiquement agressé, insiste sur le fait que son adversaire était de longue date en conflit avec lui et qu’il se trouvait déjà « être en dette », ὀΦείλωv δίκην, à son égard au moment des faits. Ce qui signifie que Midias était déjà dans son tort et qu’il ne peut donc parer d’aucune légitimité qui relèverait d’un droit à la revanche, le coup qu’il a publiquement porté à Démosthène.
12Loin d’être isolée, cette conception du juste se trouve au centre de la pratique judiciaire que Aristote définit comme « une justice corrective », δικαιoσύvn διoρθωτική 30. Cette justice réparative qui s’exerce essentiellement dans le cadre des affaires privées, des dikai31, a pour tâche de restaurer entre l’auteur de l’injustice et la victime du dommage, une égalité précédemment détruite par le meurtre ou l’offense. Cette égalité qui a été mise à mal possède en effet une dimension politique. C’est une égalité de droit que leur statut garantit à tous les citoyens, et que le juge a le devoir de réparer par le biais des amendes et des pénalités que la loi lui donne le pouvoir d’infliger à celui qui a rompu cette égalité à son profit. « Le juge restaure l’égalité », insiste Aristote, ce qui l’oblige à rechercher entre les parties en présence « le droit »,τò δίκαιov, de chacun, c’est-à-dire « ce qui lui revient », τò αὐτoῦ. La pénalité décidée par le juge a ensuite pour fonction de permettre à la victime de récupérer la « perte » qu’elle a subie. Et c’est précisément ce qu’on attend des juges athéniens qui sont maintes fois exhortés par les plaideurs à voter en fonction du « juste », δίκαιov32. C’est en fonction de cette conception du juste, qui est celle de la société, qu’ils sont sommés de trancher, au terme de l’affrontement entre les deux parties opposées que constitue le procès athénien, une fois les plaidoiries terminées, et sans avoir pu à aucun moment débattre entre eux ni confronter leurs points de vue33. Ce qui oblige l’orateur à inscrire ses arguments dans une logique qui soit immédiatement perceptible et acceptable par tous.
13C’est dans cette même perspective qu’il faut comprendre l’éloge de la vengeance qui est largement développé par Aristote dans la Rhétorique. Comme l’a bien montré Gérard Courtois34, Aristote s’est fait avec insistance « le théoricien et le défenseur de la vengeance ». Le philosophe part en effet de la constatation qu’à l’origine de la vengeance il y a toujours une réaction passionnelle suscitée par une parole, une attitude ou un acte qui semblent destinés à outrager, qui témoignent de la part de l’agresseur d’une intention manifeste d’attenter à l’honneur, à la timè de l’individu agressé, de le « mépriser » (Rhét., II, 1378 a 30). Cette agression provoque en retour chez la victime une douleur, λύπη, laquelle génère un sentiment de colère, ὀργή, qui pousse la victime à réagir et à s’engager dans un processus de réciprocité négative. L’offense plonge la victime dans un état fait d’un mélange de souffrance et de colère dont la vengeance elle-même, ou la pensée de la vengeance à venir, sont seules capables de le faire sortir, en changeant cette souffrance en plaisir, en satisfaction, ἡδονή35. La réaction vindicative, la timôria, a en effet pour objectif d’arriver à ce que « l’agent », ὁ ποιῶν , qui l’accomplit « soit satisfait », ἀποπλνπθῇ, et c’est ce qui la différencie de la punition, κóλασλς, qui est dirigée vers « celui qui la subit », τοῦ πάσχοντοςμ c’est-à-dire le coupable frappé par la pénalité (Rhét., I, 1369 a 10)36. Aristote insiste sur le rôle passif dans lequel est confinée la victime qui se trouve en situation de « subir » πάσχελν, « du fait même qu’elle a été lésée » ἀδικνθείς, et le rôle actif que cette même victime réintègre « en réagissant », ἀντιποιοῦν et en récupérant ce faisant sa dignité d’homme libre37. Il faut avoir « un naturel d’esclave », ἀνδπαποδῶδες38, affirme Aristote, pour accepter sans réagir d’être insulté soi-même ou de voir ses proches agressés. Dans de pareilles circonstances, la réaction qui est normalement attendu de l’individu lésé, c’est une réaction de colère, l’ ὀργή, qui va l’engager dans le mécanisme de la riposte.
14La colère est ainsi une réaction qui possède une valeur sociale reconnue dont Aristote souligne, dans l’Éthique à Nicomaque, toute la légitimité. Si les gens irascibles qui s’emportent à tout propos et hors de propos, méritent d’être critiqués, affirme-t-il, il faut faire en revanche l’éloge de l’homme « qui est en colère pour les choses qu’il faut et contre les personnes qui le méritent, et qui en outre l’est de la façon qui convient, au moment et aussi longtemps qu’il faut39 ». D’où il faut conclure que si, dans certaines circonstances, la colère peut et doit même se manifester, il n’en reste pas moins que toutes les manières d’exprimer cette colère ne sont pas également bonnes. L’individu doit refreiner la tentation qui pourrait le conduire à se faire justice lui-même et accepter de s’en remettre aux tribunaux. Ce n’est pas une chose toujours aisée, et le risque est réel de voir l’homme libre, ainsi placé en situation de victime, être submergé par une émotion légitime et se laisser emporter par son désir de vengeance. Les plaideurs insistent sur le fait que dans des circonstances où ils ont été gravement offensés, la chance seule ou la maîtrise qu’ils ont su garder d’eux-mêmes les ont préservés des tentations de la colère vengeresse, et ils affirment comprendre ceux qui n’ont pas su comme eux y résister (Isocr., XX, 8 ; Dém., XXI, 74). Ils rappellent l’existence de cas où cette réaction de colère, cette ὀργή, a emporté la victime, provoquant par là même un enchaînement de violences vindicatives qui a débouché sur des blessures, des morts, des exils et des malheurs sans nombre (Isocr., XX, 8 ; Dém., LIV, 19). Autant de désordres qui mettent en danger la paix et l’unité de la communauté et qui font que la cité a prévu que la « réparation », la dikè à laquelle l’individu est en droit de prétendre dépendrait des lois, des nomoi, et non pas de la colère, de l’ ὀργή de chacun (Dém., LIV, 19). Mais il n’en reste pas moins qu’une menace persiste, et qu’elle accroît d’autant la responsabilité des juges, sommés de montrer qu’on peut compter « sur eux et sur les lois », par παρ'ὑμῶν καὶ τῶν νóμων, pour obtenir satisfaction. Dans la mesure où il n’est pas permis « de se défendre dans un mouvement de colère », σὐτòν ἀὐμνεσθαι μετά τῆς ὀργῆς il revient aux jurés de préserver « l’assistance que les lois apportent aux victimes », τάς ἐν τοῖς νμοις τοῖς παθοῦσι βοηθεῖας(Dém., XXI, 76)40
15Les réactions passionnelles ne constituent donc pas pour les tribunaux un argument recevable, même si tout le monde, les plaideurs comme les juges, comprend et admet la violence que peut revêtir chez un homme libre la réaction vindicative41. Le système de défense adopté par Euphilétos, le client de Lysias meurtrier d’Ératosthène, l’amant de sa femme qu’il a surpris en flagrant délit d’adultère, est à cet égard révélateur d’une logique qui est centrée sur l’intérêt et la défense de la victime. Euphilétos est poursuivi par les parents de la victime qui soutiennent qu’il n’y a pas eu de flagrant délit, mais qu’Ératosthène aurait été sciemment attiré par une ruse dans la maison, si bien que ce meurtre doit être considéré comme un crime prémédité. À aucun moment, comme le relève avec raison Gabriel Herman42, Euphilétos n’entreprend de plaider le crime passionnel. Il minimise au contraire l’impact que les émotions ont pu avoir sur ses actes, au risque d’aller dans le sens des accusations portées par ses adversaires, qui l’accusent d’avoir agi de sang-froid, pour se présenter comme un homme soucieux avant tout de faire en sorte que justice soit faite. Euphilétos entend prouver qu’en tuant Ératosthène, il n’a fait que prendre son dû, la dikè que la cité elle-même a prévue comme étant dans son cas la plus juste, δικαιοτάτην (Lys., I, 29). Il rappelle à cet effet que les lois de la cité ne considèrent pas comme un meurtrier celui qui a surpris un homme avec son épouse et « s’en est vengé comme je l’ai fait », ταὐτην τὴν τιμωρίαν ποιήσετσι (Lys., I, 30). La loi en question, citée par Démosthène, prévoit effectivement que dans un certain nombre de cas, parmi lesquels celui de l’adultère, « le meurtrier ne sera pas banni », μὴ Φεύγειν κτείναντα, ce que Démosthène commente en précisant que dans les cas ainsi spécifiés par la loi « il est permis de tuer », ἐξεῖναι κτείνειν (Dém., XXIII, 53). Mais ce que Démosthène interprète comme étant une autorisation, est transformé par Euphilétos en obligation. Les lois, affirme-t-il, « engagent les victimes », τοῖς ἀδικουένοις παρακελεύονται « à prendre leur dû », δίκην λαµβάvειv (Lys., I, 35). Euphilétos n’a donc rien fait d’autre que de rétablir en sa faveur, comme l’exige la loi, une égalité précédemment mise à mal par l’adultère dont il a été victime. Ce qui lui permet de conclure qu’en agissant comme il l’a fait, il n’a fait « qu’obéir aux lois de la cité », τοῖς τῆς πóλεως νóμοις ἐπειθóμην.
16L’argumentation développée par Euphilétos, selon laquelle il aurait agi dans l’intérêt de la cité, entraîne le raisonnement jusqu’à des limites dont on ignore si elles ont été acceptées par les juges. Le fait que Lysias ait considéré que cette argumentation pouvait était recevable renvoie cependant à la prérogative absolue qui est reconnue par les lois de la cité à la victime de prendre sa revanche en recevant la satisfaction qui lui est due, comme le souligne à juste titre Gabriel Herman43. De fait, les plaideurs proclament tranquillement leur droit et leur volonté de se venger. Apollodore justifie une accusation précédemment déposée devant les tribunaux par le fait qu’ayant été « lésé et outragé », ἀδικούμεος, ὑβριζóμεωος, par son adversaire, il a considéré qu’il lui « fallait se venger », δεῖν τιμωρεῖσθσι(Dém., LIII, 1). Un autre plaideur dont la nourrice est morte à la suite des coups reçus de la part de ses ennemis, raconte qu’il est allé trouvé un exégète pour savoir la conduite à tenir dans ce cas précis, où la victime n’était ni sa parente ni son esclave. Lequel exégète, après lui avoir confirmé que la loi ne lui permettait pas, en l’absence de tout lien légal l’unissant à la victime, de porter plainte pour meurtre, a conclu « venge-toi par quelque autre moyen si tu veux » ἂλλη δέ εἴ πη βούλει (Dém., XLVII, 70).
17Cette prérogative, maintes fois revendiquée, est intimement liée à la timè, au statut du citoyen. Démosthène proclame que ne pas pouvoir « se porter assistance à soi-même », βοηθεῖν ατὑῷ, quand on a été outragé, c’est vivre comme si on se trouvait au milieu des barbares qui ne peuvent « se défendre », ἀμύωεσθαι, et doivent se prosterner devant ceux qui les offensent (XXI, 106). Cette prérogative vient des lois qui fondent la démocratie, comme les textes ne cessent de le rappeler. Il suffit d’évoquer l’insistance avec laquelle Périclès, dans son éloge de la démocratie athénienne, rappelle la fonction dévolue aux lois, oἱ νόμοι, qui dans « les différends privés », τά ἴδαι διάɸορα, que les citoyens peuvent avoir entre eux, font « pour tous la part égale », πᾶσι τò ἴσον, et qui ont aussi pour rôle d’assurer « un appui aux victimes », ὠɸελίαν τῶν ἀδικουμένων(Thuc., II, 37, 1-3). Aristote lui-même signale comme l’un des acquis majeurs que le peuple a pu retirer des réformes de Solon, le fait que tout citoyen, ὁ βουλóμεος, ait la possibilité d’intervenir en justice, en déclenchant une action publique « en faveur des personnes lésées », ὑπέρ τῶν ἀδικουμένων (Const. Ath., IX, 1). Démosthène (XXI, 30) rappelle lui aussi que les lois garantissent à tous les membres de la cité de pouvoir « obtenir justice », δίκην λαβεῖv, « s’ils se trouvent lésés », ἂν ἀδικηθῇ τις. Inversement, l’un des effets de l’atimie, cette privation des droits civiques qui constitue l’une des peines que peuvent infliger les tribunaux44, c’est que, comme le rappelle Lysias (VI, 24) le citoyen qui été ainsi « privé de sa timè », ἠτιμώθη, se voit interdire l’accès de tous les lieux publics et se trouve par conséquent dans l’incapacité, s’il vient à être « lésé »,ἀδικoύµενoς,« d’obtenir justice », δίκην λαβεῖv.
18Ce qui ressort à la fois des arguments employés par les plaideurs, et des réflexions développées par Aristote, c’est la dimension incontestablement politique qui est attachée dans la cité d’Athènes, à la vengeance, ou plus exactement au droit à la réparation dont bénéficie l’individu. Dans un système où les citoyens sont tous juridiquement égaux, chacun a non seulement la possibilité mais même l’obligation de mettre tout en œuvre pour restaurer son honneur endommagé, pour venger son parent assassiné ou obtenir la compensation prévue par les lois dans les cas d’homicides. Tout se passe donc comme si les procédures judiciaires plaçaient la victime au centre du système et avaient pour finalité la restauration de sa timè, de sa dignité de citoyen, lorsque cette dernière se trouve avoir été lésée par le biais de l’offense ou du meurtre45.
19Mais ce principe doit composer avec deux aspects bien spécifiques de la démocratie athénienne, qui jouent dans le fonctionnement des procédures judiciaires un rôle déterminant. D’abord le fait que les citoyens, tous égaux en droits, sont cependant, dans les faits, inégaux sur le plan économique et social. Ce qui crée des tensions dont les orateurs sont parfaitement conscients, et qu’ils n’hésitent pas à exploiter, sachant de surcroît que les jurés devants lesquels ils plaident sont eux-mêmes dans leur grande majorité de condition modeste46. Arriver à ce que les plus pauvres obtiennent justice, selon les garanties que leur donnent les lois, parvenir à maintenir le juste équilibre, le dikaion qui doit exister entre les membres de la cité47, même lorsque ces pauvres se trouvent en face de concitoyens plus puissants et plus riches qu’eux, c’est une exigence qui nécessite une vigilance constante. Tout le plaidoyer d’Isocrate Contre Lokhitès (XX) est construit autour de la différence de statut social qui sépare la victime, un homme du peuple assez pauvre, de son riche adversaire et offenseur Lokhitès. Démosthène exploite de la même manière la richesse considérable dont jouit son adversaire Midias (XXI, 112) et la retourne contre lui, en faisant valoir la difficulté que rencontreraient les pauvres à faire respecter leurs droits et en invoquant les différences qui sépareraient le traitement que la justice réserve aux plus pauvres de celui qu’elle accorde aux citoyens riches et influents48. Même en tenant compte de l’exploitation rhétorique qui peut être faite de ces arguments, ils n’en dénotent pas moins un souci bien réel, et qui devait concerner la masse des citoyens, de maintenir une égalité pour tous devant la justice. Et c’est un point d’autant plus important que si la timè légale, le « statut » juridique que leur garantit la loi, est le même pour tous, la timè sociale dont bénéficie chaque individu, dépend inévitablement de sa position dans la communauté, de la valeur qui lui est socialement reconnue49. Dans ces conditions, il importe de veiller à ce que la victime, quel que soit son niveau social, dispose de moyens qui lui permettent de riposter, en réclamant puis en recevant la réparation que son appartenance à la communauté des citoyens la met en situation d’obtenir.
20Un autre aspect bien connu de la démocratie athénienne, est l’absence de ministère public et au-delà l’absence d’un État constitué, pourvu d’une bureaucratie50. Cette absence confère au citoyen une responsabilité décisive dans le fonctionnement des institutions et tout particulièrement dans celui des institutions judiciaires. On sait en effet que l’initiative est laissée aux citoyens de porter une accusation aussi bien contre celui qu’ils soupçonneraient d’avoir lésé la cité, que contre celui qui a porté atteinte à leur personne, à leur famille ou à leurs biens51. C’est donc au tribunal que le citoyen va demander la réparation à laquelle la loi lui donne droit, et plus précisément aux juges, qui se trouvent de ce fait investis d’un responsabilité décisive. D’où une double exigence que l’on trouve souvent formulée à leur sujet. Ils sont sommés de céder à cette colère vengeresse qui est interdite aux individus, et de porter ainsi secours non seulement au plaideur qui est dans son droit, mais aussi à travers lui, aux lois de la cité et finalement à eux-mêmes qui sont les premiers intéressés à ce que les prérogatives que les lois de la cité garantissent aux citoyens soient respectées.
21La colère est depuis les Guêpes d’Aristophane l’attitude convenue des juges52. Dans le cadre des tribunaux, les plaideurs exhortent donc les jurés à s’abandonner à cette réaction vindicative que les individus ne peuvent assumer eux-mêmes et que les juges sont seuls habilités, dans la mesure où ils représentent la cité, à mener à son terme. Les évocations longuement développées par les plaideurs des atteintes qui ont été commises à l’encontre de la cité, ou à l’encontre des individus, doivent avoir pour effet d’éveiller chez les juges cette réaction de vengeance que la cité interdit aux individus et les pousser à agir. D’où l’injonction constamment adressée aux juges de « se mettre en colère », ὀργίζεσθε (Lys., XXV, 16, 18 ; XVIII, 26 ; Dém., XXI, 226), ὀργίζεσαι προσήκει (Dém., XXI, 120), ὀργίζεμνοι ɸαίνεσθε (Isocr., XX, 3 ; XVIII, 42 ; Dém., XXI, 183). Cette colère est elle-même associée à une autre tâche, intimement liée à la précédente et qui est celle de « porter secours », βoηθεῖν, à celui des deux plaideurs qui a su montrer qu’il avait le bon droit pour lui. Un secours qui se traduit dans le choix du vote fait par les juges. Les plaideurs exhortent ainsi ces juges à prendre leur parti, à venir à leur secours ou à celui de sa famille (Lys., XIX,64 ; Isocr., XVI, 48 ; Dém., I, 68 ; XXI, 226 ; XXVII, 68 ; XXXV, 56 ; LIV,2), et font valoir que, ce faisant, les juges portent également secours aux lois de la cité (Lys., X, 32), voire même à la cité toute entière (Lys., XV, 9). Il ressort de ces recommandations, maintes fois énoncées, qu’à côté de l’activité intellectuelle qu’on attend des juges et qui doit leur permettre, en fonction des arguments qui leur sont présentés, de reconnaître, διαγνῶναι, lequel des deux plaideurs est dans sont droit, on exige également des juges une attitude et des actes de vengeurs. Ils sont sommés de prendre parti, d’assumer l’émotion et le désir de réaction en retour que peut ressentir la victime atteinte dans ses droits.
22Ce qui renvoie encore une fois au fait que, dans l’Athènes classique, le concept de vengeance imprègne largement les pratiques de la pénalité53. Ou, pour le dire autrement, au fait que le système judiciaire athénien place au centre des procédures judiciaires la victime lésée qu’il faut assister, plutôt que l’agent criminel qu’il faut punir. D’où les appels à la vengeance constamment formulés par les plaideurs. Comment replacer ces exigences vindicatives dans le cadre institutionnel et social de la cité athénienne ? Rien ne permet d’y voir, comme on a voulu le faire, au vu des brutalités parfois subies par les plaignants et qui les ont amenés à porter une accusation, les signes d’une violence omniprésente dans les rapports sociaux athéniens. Une violence dont les manifestations seraient liées aux luttes permanentes qui opposeraient les citoyens pour la défense de leur honneur, de leur prestige ou de leur position de pouvoir dans la société54. Des luttes qui se dérouleraient aussi en fonction de schémas fondés sur l’alternance du défi et de la riposte, des comportements particulièrement bien attestés dans les sociétés méditerranéennes. Non pas qu’il faille minimiser l’importance des luttes pour le pouvoir qui se déroulent dans le monde politique athénien de la fin du ve et du ive siècles. Les plaidoyers politiques sont là pour témoigner de leur fréquence et de leur intensité. Mais ces luttes n’épuisent pas, loin de là, les préoccupations et les soucis qui ont amené les plaideurs à faire appel aux juges. Elles ne suffisent surtout pas toujours à rendre compte des revendications véhémentes qu’ils formulent, quelle que soit leur position sociale. Ce qui se trouve constamment invoqué en revanche c’est le droit à la réparation que sa timè de citoyen garantit à tout individu qui a été lésé, ἀδικούμενος , quel que soit son niveau social, et dont ce dernier demande le respect. C’est une prérogative qui est garantie par les lois de la cité et que personne ne peut empêcher le demandeur de revendiquer, tant qu’il n’a pas été frappé d’atimie par la cité, c’est-à-dire privé de sa timè. Il faut prendre au sérieux, à cet égard, les réflexions concernant les impératifs, les avantages et les satisfactions inhérents à la timôria, à la vengeance, telles que les développe Aristote et qui constituent autant de commentaires aux attitudes affichées par les plaideurs55. Les juges qui ont pour tâche de prendre en charge les revendications des citoyens, assument une colère vengeresse que l’individu n’est pas autorisé à satisfaire lui-même56. La paix et la concorde de la cité dépendant de cette capacité à faire en sorte que chacun reçoive ce qui lui est dû. La fonction pacificatrice de cette justice de compensation, telle que la pratique la cité athénienne avec l’aide des lois, est clairement reconnue par Platon. Le philosophe souligne ce qu’elle apporte à la fois aux « auteurs », τοῖς δρῶσι et aux « victimes », τοῖς πάσχουσι, et insiste sur le rôle qu’elle joue par là même dans la préservation de la philia, de la concorde civique57. Comment cependant expliquer que ce souci de voir respectée l’intégrité des droits attachés à leur statut de citoyen, prenne la forme d’une revendication de la vengeance si prégnante dans le discours des individus ? Faut-il y voir un héritage de périodes plus anciennes, où dominaient des valeurs et des comportements aristocratiques qui plaçaient l’honneur au centre des préoccupations de chacun ? Auquel cas les procédures judiciaires seraient le résultat d’une sorte de compromis, pour reprendre la formule de Gabriel Herman58, émanant d’attitudes héritées de périodes, voire de cadres sociaux différents et antérieurs au cadre de la cité. Il me paraît plus juste de dire que les valeurs archaïques aristocratiques ont imprégné la mise en forme progressive du statut du citoyen athénien. Par ailleurs la spécificité bien connue de la démocratie athénienne, dépourvue de structures bureaucratiques et qui laisse par conséquent aux individus une responsabilité décisive dans la défense de leurs droits, contraint ces individus à une vigilance permanente. Cette vigilance est vouée à susciter des revendications qui épousent les comportements traditionnels de la vengeance mais qui confèrent aussi à ces mêmes comportements un caractère nouveau qui est au plus haut point politique.
Notes de bas de page
1 J. Thonissen, Le Droit pénal de la république athénienne, Bruxelles, 1875, évoquait ainsi p. 52, « les désordres et les violences qui déparent la société homérique ».
2 R. Verdier, « Le système vindicative. Esquisse théorique », La vengeance. Études d’ethnologie, d’histoire et de philosophie, Paris, 1980, p. 13-41 ; F. Gros, « Les quatre foyers de sens de la peine », Garapon, F. Gros, Th. Pech (dir.), Et ce sera justice, punir en démocratie, Paris, 2001.
3 Voir U. E. Paoli, Studi sul processo attico, Milan, 1933, p. 67-71.
4 Voir E. Karabelias, « La peine dans l’Athènes classique », La Peine, vol. 1, Recueil de la Société Jean Bodin 58, Bruxelles, 1991, p. 77-132.
5 G. Glotz, La Solidarité de la famille dans le droit criminel grec, Paris, 1904.
6 Voir D. M. MacDowell, Athenien Homicide Law in the Age of the Orators, Manchester, 1963, p.1-5 ; 141-150 ; A. R. W. Harrison, The Law of Athens, Oxford, 1971, vol. 2, p. 32-43 ; M. G. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, trad. fr., Paris, 1993, p. 227-231.
7 Pour une réévaluation du rôle autrefois attribué au génos, voir les études classiques de F. Bourriot, Recherches sur la nature du génos. Étude d’histoire sociale athénienne, période archaïque et classique, Lille, 1976 et D. Roussel, Tribu et cité, Ann. Litt. U. Besançon, Paris, 1976.
8 G. Glotz, La Solidarité, op. cit. n. 5, p. 304.
9 L. Gernet, Recherches sur le développement de la pensée juridique et morale en Grèce. Étude sémantique, Paris, 1917, rééd. en 2001, coll. « L’Évolution de l’humanité », éd. à laquelle renvoient les références.
10 L. Gernet, Recherches, op. cit. n. 9, p. 117.
11 À côté de l’étude menée par L. Gernet, p. 55-95 [2001], voir les différentes perspectives développées par J.-P. Vernant, « Le mythe hésiodique des races. Essai d’analyse structurale », Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, 1971, vol. 1, p. 13-41 ; A. Neschke, « Dikè. La philosophie poétique du droit dans le Mythe des races d’Hésiode », F. Blaise, P. Judet de La Combe, Ph. Rousseau (dir.), Le Métier du mythe. Lectures d’Hésiode, Cahiers de Philologie, vol. 16, Lille, 1996, p. 465-478 ; M. Gagarin, « Dikè in the Works and Days », CPh, 68, 1973, p. 81-94, « Dikè in archaic Thought », CPh, 69, 1974, p. 186-197 ; E. Lévy, « Dikè chez Homère : entre privé et public », Ktèma, 23, 1998, p. 71-80.
12 L. Gernet, Recherches, op. cit. n. 9, p. 65 qui relève des occurrences chez Hésiode, Op., 708 ; Hérodote, I, 2, 130 ; VI, 87 ; Euripide, El., 915, etc.
13 L. Gernet, « Droit et prédroit en Grèce ancienne », L’Année sociologique, 3e série (1948-1949), p. 21-119, repris dans Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1968, p. 175-260.
14 M. Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés primitives », L’Année sociologique, 1923-1924, p. 30-186, repris dans Sociologie et anthropologie, Paris, 1950, p. 142-279.
15 Voir la conclusion de P. Bourdieu, à propos de la société kabyle qu’il a étudiée dans les années cinquante : « Celui qui a reçu le don ou subi l’offense est pris dans l’engrenage de l’échange ». Esquisse d’une théorie de la pratique, précédée de trois études d’ethnologie kabyle, Paris et Genève, 1972, p. 25.
16 E. Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, 1969, vol. 2, p. 50-55. Pour le vocabulaire des Tragiques, voir S. Saïd, « La tragédie de la vengeance », La Vengeance, vol. 4 : J. Courtois (dir.), La Vengeance dans la pensée occidentale, Paris, 1984, p. 47-90. Pour le vocabulaire de la poésie épique, E. Scheid-Tissinier, Les Usages du don chez Homère. Vocabulaire et pratiques, Nancy, 1994, p. 177-188.
17 L. Gernet, Recherches, op. cit. n. 9, p. 159 sq. souligne que cet emploi de dikè utilisé pour désigner à la fois ce qui est dû à l’individu et ce qu’il doit, est déjà visible dans le passage de l’Hymne à Hermès où Hermès invite son adversaire Apollon à porter leur querelle devant Zeus de manière à ce que lui, Apollon, « donne et reçoive la dikè » : δὸς[…] δίκην καὶ δέξο (312). Chez les Tragiques, dikè désigne de ce fait couramment la contrepartie qu’exige l’accomplissement d’un meurtre, c’est-à-dire la vengeance (avec les nombreux exemples donnés p. 159-161).
18 La victime de Conon exhorte les juges « à châtier », κoλάζτητε, son agresseur, afin qu’il « paie », δώσει δίκην, à l’issue du procès (Dém., LIV, 43).
19 Et aussi Isocr., XVI, 49 ; Lys., VI, 34 ; XXV, 17, et, s’agissant des torts causés aux dieux, Lys., VI, 10 ; XIX, 20, où le paiement se trouve incarné dans la réaction du dieu qui punit, ὁ θεòς κoλάζτει (Dém., XXI, 225).
20 Et aussi à propos d’une affaire de sacrilège, δίκην ἀσεβείας, λαβεῖv (Lys., VI, 12).
21 Voir E. Karabelias, « La peine », art. cit., n. 4, p. 77-81.
22 P. Demont, « Secours et vengeance : note sur τιμωρíη chez Hérodote », Ktèma, 20, 1995, p. 37-45.
23 Voir les études classiques de A. W. H. Adkins, « “Honour” and “Punishment” in the Homeric Poems », BICS, 7, 1960, p. 23-32 ; « Homeric Values and Homeric Society », JHS, 91, 1971, p. 1-14 ; « Homeric Gods and the Values of Homeric Society », JHS, 92, 1972, p. 1-19 et aussi J.-C. Riedinger, « Remarques sur la timè chez Homère », REG, 89, 1976, p. 244-264, suivi par E. Lévy, « Arétè, timè, aidôs et némésis : le modèle homérique », Ktèma, 20, 1995, p. 177-210.
24 τιµώρεῖv est utilisé par Lysias pour désigner l’acte de vengeur accompli par les juges qui vont condamner les assassins, XII, 92, 93, 94, 97, 99.
25 L. Gernet, Recherches, op. cit. n. 9, p. 149-151 avec le tableau de la fréquence des différents termes chez les orateurs du ive siècle p. 140.
26 Ibid., p. 157-158.
27 Platon, République, I, 331e.
28 C’est une attitude qui relèverait de ce que K. J. Dover qualifiait peut-être un peu rapidement de « Greek popular morality », Greek Popular Morality in the Time of Plato and Aristotle, Londres, 1974.
29 Démosthène, XXI, 77.
30 Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 7, 1131b-1132a. Voir les commentaires de F. D. Miller Jr., Nature, Justice and Rights in Aristotle’s Politics, Oxford, 1995, p. 70-74.
31 À propos des dikai : M. H. Hansen, La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, trad. fr. Paris, 1993, p. 228 ; S. C. Todd, The Shape of Athenian Law, Oxford, 1993, p. 99-101.
32 Les juges sont incités à voter « juste », τά δίκαια (Lys., XV, 12 ; III, 47 ; XIII, 97 ; XV, 12 ; Dém., LV, 33), ou « comme c’est juste », ὣσπεsρ ἐστὶv δίκαιoν (Dém., XXXVIII, 28), ou à ne pas voter « contre le juste », παρά τò δκίαιov (Lys., XV, 1), à mettre « le juste », τò δίκαιoν, « au-dessus de tout » (Lys., IX, 22), à respecter et à assister « le juste », τά δίκαια (Dém., XXI,34, 101 ; LIV, 2 ; Lys., XXXII, 3). Un client d’Isée (fgt. 5) souhaite « obtenir justice », τνγχάνειν τῶv δικαίωv. Enfin le juste est souvent associé aux lois : τoῖς vóµoις καί τῷ δικαίῳ (Isée, I, 26, 30 ; XI, 22, 35), τά δίκαια καί κατα τóὺς vóµoυς (Dém., LII, 33). Concernant les termes δίκη, δίκαιoν, δικίοσύνη, tels qu’ils ont été hérités de la période archaïque, voir les analyses récentes de J. Rudhardt, Thémis et les Hôrai, Recherche sur les divinités grecques de la justice et de la paix, Genève, 1999, p. 104-130.
33 S. C. Todd, op. cit, n. 31, p. 54-63 ; J.-M. Bertrand, De l’écriture à l’oralité. Lecture des Lois de Platon, Paris, 1999, p. 217-221.
34 G. Courtois, « Le sens et la valeur de la vengeance chez Aristote et Sénèque », La Vengeance, vol. 4 : La Vengeance dans la pensée occidentale, Paris, 1984, p. 91-124.
35 Sur l’enchaînement douleur/colère/plaisir qui accompagne le processus de la vengeance : Aristote, Rhét., I, 1370 b 30 : τò τιμωρεῖσθαι ἡδύ « la vengeance est agréable » οἱ δ ὀργιξòμενοιλυποῦνται ἀνυπερβλήτως μὴ τιμωρούμενοιμ ἐ λπίζοντες« ceux qui ressentent la colère éprouvent une peine extrême de ne se point venger ; mais ils se plaisent à espérer de le pouvoir faire » ; et aussi II, 1378 b 1 et 1378 b 8 ; Nic., IV, 11, 1126 a 22 : ἡ τιμωρία παύει τῆς ὀργῆςμ ἡδοὴν ἀντὶ τῆς λύπης ἐμποιοῦσα « la vengeance fait cesser la colère en faisant succéder le plaisir à la peine ».
36 Aristote précise que la vengeance comme la punition sont l’une et l’autre un remède, δὶκη καὶ κλαóσις ἴασις(Rhét., I, 14, 1374 b).
37 Aristote, Rhét., I, 14, 1374 b ; cf. G. Courtois, art. cit. n. 34, p. 97-98.
38 Aristote, Nic., IV, 11, 1126 a.
39 Aristote, Nic., IV, 11, 1125 b.
40 Et aussi Dém., XXXIV, 52 où sont évoquées « les nombreuses et belles dispositions secourables que contiennent les lois », ἐν τοῖς νóμοις πολλαί καί καλαί βοήθειαι.
41 C’est ce que montre l’exemple d’Evéon qui s’était fait justice lui-même en tuant celui qui l’avait publiquement frappé. Evéon a été condamné par le tribunal, mais ce ne fut qu’à une voix de majorité, comme le rappelle Démosthène (XXI, 75).
42 G. Herman, « Tribal and Civil Codes of Behaviour in Lysias I », CQ, 43, 1993, p. 406-419 ; « Honour, Revenge and the State in Fourth-century Athens », dans W. Eder (ed.), Die athenische Demokratie im 4. Jahrhundert v. Chr., Stuttgart, 1995, p. 43-60.
43 G. Herman, art. cit. supra, p. 409 : « … the individual dealing withe the offender should act in the name of the state and in pursuit of rights recognised by the state ».
44 Andocide, I, 73-76, décrit longuement les différentes formes d’atimie qui peuvent frapper un citoyen. Voir S. C. Todd, op. cit. n. 31, p. 152.
45 Cette timè, comme le relève S. C. Todd, op. cit. n. 31, p. 182, n’est reconnue dans sa valeur pleine et entière qu’aux citoyens. Néanmoins, les métèques, dans la mesure où la cité leur reconnaît un certain nombre de droits, sur le plan privé, ont eux aussi dans une certaine mesure part à cette timè. Et les esclaves eux-mêmes n’en seraient pas toujours totalement exclus, s’il est vrai que certaines agressions commises à leur égard tombent sous le coup de la loi, comme l’affirme Démosthène, XX, 46-50, cf. p. 188-190.
46 J. Ober, Mass and Elite in Democratic Athens, Princeton, 1989, p. 192, parlant à ce propos d’ » economic inequality in the egalitarian state », explore la manière dont les orateurs utilisent les contradictions qui peuvent naître de cette situation.
47 Aristote utilise ainsi une citation attribuée au sophiste Lycophron, pour préciser qu’il considère comme une condition sinon suffisante du moins nécessaire à la vie d’une cité, le fait que la loi fonctionne « comme un garant du juste dans les rapports mutuels », ἐγγυητὴς ἀλλὴλοις τῶv δικαίων, (Pol., III, 9, 1280 b). Le même Aristote insiste par ailleurs sur le rôle que jouent les offenses ainsi que les vengeances et les révoltes qu’elles suscitent en retour, dans le renversement de certains régimes politiques (Pol., V, 4, 1303 b-1304 a ; V, 10, 1310 a - 1313 a).
48 Voir aussi dans Lysias, XXIV, 18, les remarques attribuées à l’invalide qui est le plaideur.
49 C’est à cet aspect de la timè qui renvoie au niveau social de l’individu, que fait allusion Aristote, Nic., I, 3, 1095 b 24-25, lorsqu’il rappelle que : « De l’avis général, (l’honneur) dépend plutôt de ceux qui honorent que de celui qui est honoré ».
50 M. I. Finley, L’Invention de la politique, trad. fr. Paris, 1985, p. 57-62.
51 S. C. Todd, op. cit. n. 31, p. 77-79.
52 Aristophane, Guêpes, où se trouve évoqués l’essaim des dikastes pleins de colère, d’ojvrgh(424), la colère justicière des juges qu’il faut calmer avant qu’ils entrent dans le tribunal (560), ou pendant le procès (574).
53 E. Karabelias, art. cit., n. 4, p. 81-83.
54 Voir la thèse développée par D. Cohen, Law, Violence and Community in Classical Athens, Cambridge, 1995, en particulier les ch. IV et V. Contra G. Herman, compte rendu du livre de D. Cohen, Gnomon, 70, 1998, p. 605-615 et « Athenian Beliefs about Revenge : Problems and Methods », PCPhS, 46, 2000, p. 7-27.
55 Il faut citer Aulu-Gelle, VII, 11, 3 qui évoquant la définition de la timôria donnée par Aristote lui reconnaît le pouvoir de restaurer la dignitas et l’auctoritas du citoyen.
56 G. Herman, « Athenian Beliefs », art. cit., n. 54, p. 24-25, qui confirme les conclusions de H.-G. Gehrke, « Die Griechen und die Rache », Saeculum, 38, 1987, p. 121-149.
57 Platon, Lois, IX, 862 c.
58 G. Herman, « Tribal and Civic Codes of Behaviour », art. cit., n. 42, p. 408-409.
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