Campagnes et société rurales en Italie aux xixe et xxe siècles : un problème d’historiographie
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Texte intégral
1À l’occasion du Congrès international d’études Transformations des sociétés rurales dans les pays de l’Europe occidentale et méditerranéenne (xixe-xxe siècles), qui s’est tenu à Naples et à Sorrente en octobre 1982, Pasquale Villani – principal animateur de cette rencontre – se désolait de ce que « tout ce qui concernait la société rurale de l’Europe des deux derniers siècles, mais surtout des cent dernières années, n’avait pas retenu suffisamment l’attention des historiens1 ».
2Si le déficit d’intérêt des historiens concernant les dynamiques sociales du monde rural pouvait se mesurer diversement dans les différents contextes européens, et qu’ainsi, en France, par exemple, cette carence apparaissait au même moment « très atténuée », on ne pouvait pas en dire autant de l’Italie, où, jusqu’aux débuts des années quatre-vingt du xxe siècle – ajoutait l’historien salernitain :
« On n’avait pas même essayé de faire l’histoire de la société rurale contemporaine, mais plutôt l’histoire du mouvement des paysans et des “ouvriers agricoles”, c’est-à-dire de l’organisation politique et syndicale des travailleurs des campagnes, de leurs luttes pour la conquête de meilleures conditions contractuelles et pour la réforme agraire, et naturellement l’histoire de la politique agraire des gouvernements depuis 1860, jusqu’à celle du fascisme et des partis de masse avec les débats connexes sur la question proprement agraire2. »
3Toujours lors de cette même séance, Corrado Barberis mettait en évidence le problème dans les termes suivants :
« Que les paysans italiens ont été ignorés de l’histoire à cause de leur propre passivité, ou des historiens à cause de l’orgueil de ces derniers, la différence n’est pas importante. Dans les deux cas la situation traduit le poids infime des campagnes dans la culture nationale3. »
4Et pourtant, le monde rural fut l’objet par le passé de travaux importants, même s’il n’était pas au centre de l’attention nationale. La première étude sur l’agriculture, dans l’histoire de l’Italie unifiée, remonte à 1864 et fut entreprise par Cesare Correnti et Pietro Maestri avec l’intention de dévoiler, à travers des analyses statistiques portant sur les propriétés, les cultures, sur les dettes et le crédit, les raisons du retard de l’agriculture italienne face à ce qui se passait ailleurs en Europe. À partir de cette étude commence une tradition véritable et spécifique d’enquêtes lancées non seulement par les autorités, mais aussi par des particuliers, comme Léopoldo Franchetti qui peut être considéré, grâce à son enquête sur la province de Naples à l’automne 1874, comme l’un des pionniers des enquêtes non gouvernementales4.
5Il est bon de rappeler ici que le tout nouveau gouvernement de la gauche historique, présidé par Agostino Depretis, entreprit en 1877, à la demande du Parlement, une grande Enquête agraire récemment définie, justement par Barberis, « ce monument sociologique qui demeure encore, avec toutes ses limites5 ». La coordination de l’entreprise fut confiée au député et économiste Stefani Jacini, qui la conduisit à son terme en 1884.
« De quelque côté qu’on l’aborde – écrivait Jacini – l’Italie agricole se présente à nous comme une tumeur permanente et cancéreuse, à un stade très avancé, pour la sauver il faudrait un miracle d’énergie, d’activité et de sagesse chez tous les Italiens, un miracle plus souhaitable que possible6. »
6En 1880, Sidney Sonino intervenait également au Parlement sur la condition des paysans, en majorité mal nourris, sujets à des maladies comme la malaria chronique, la pellagre et logés dans des habitations malsaines :
« Mal payé, mal logé, mal nourri, accablé par un travail écrasant qu’il accomplit dans les conditions les plus insalubres qui soient, pour le paysan chaque conseil d’épargne est une ironie, chaque loi qui le déclare libre et égal à tout autre citoyen est un sarcasme amer. À lui qui ne sait rien de ce qui se trouve au-delà de sa commune, le nom même d’Italie signifie service militaire, signifie impôt, signifie toute-puissance des classes aisées. […] Le percepteur et le carabinier : voilà les seuls missionnaires de la religion de la patrie au milieu des masses abruties de nos campagnes7. »
7L’Enquête agraire de 1877-1884, tout comme les autres grandes Enquêtes entreprises dans les débuts du xxe siècle furent des initiatives visant à connaître les types de vie des couches paysannes, de caractériser les nombreux et graves problèmes des campagnes, de révéler les conditions économiques et sociales du Sud du pays (au centre d’un intense mouvement de migration). Mais ces enquêtes, qui certainement amorcèrent un long débat politique, ne furent pas suivies, dans le domaine historiographique, d’aucune approche scientifique systématique et méthodique capable de rendre compte de l’étendue et de la complexité des conditions de vie dans les campagnes. La toile de fond du décor était dressée – parfois contestée – mais les acteurs apparaissaient inconsistants : manquait en substance, une lecture des rapports en jeu dans les dynamiques profondes mises en œuvre par les protagonistes.
8Une certaine ambiguïté caractérisait les travaux sur les nombreux et complexes phénomènes liés au monde des campagnes : dans le cas italien, il devenait difficile de coupler la définition d’une société rurale avec celle d’une « société paysanne » ou d’une « société agraire prétendument traditionnelle, même si toutes les deux se confondent partiellement tant sur le plan conceptuel que dans la réalité effective et en constituent des segments significatifs8 ». Autrement dit, des expressions comme « monde paysan » ou « société traditionnelle » souvent utilisées pour définir ces formes d’organisation sociale imperméables au changement, étrangères à toute logique, à toute dynamique d’un marché à grande échelle, et en nette opposition à la ville, s’avèrent insuffisantes pour définir le monde rural italien. Le même Villani a mis en lumière l’inadéquation des schémas et modèles d’une société paysanne « pure », « même dans le Midi de l’Italie, dans les régions duquel la très grande majorité de la population, encore au milieu du xixe siècle, vivait dans les campagnes et travaillait dans les champs9 ».
9Cependant on retrouvait, distribuées sans homogénéité apparente et dans la totalité de l’univers des campagnes italiennes, durant la période moderne et contemporaine, des traces d’une agriculture de subsistance encadrée par des rythmes sociaux et culturels fermés, par des rapports familiaux et parentaux de type archaïque10 :
« On retrouve ainsi – comme l’ont souligné Paolo D’Attore et Alberto De Bernardi – avec, toute leur force euristique, les considérations de Villani estimant que l’ensemble des relations sociales, économiques, culturelles qui sous-tendent la définition de la société rurale […] n’est pas réductible au schéma construit autour des concepts d’équilibre cultural et d’autarcie comme le propose Henri Mendras ni à celui fondé sur l’inertie et élaboré par des sociologues de la modernisation11. »
10Pourtant, le caractère « unique », « particulier », « atypique » de l’histoire agraire de la péninsule est marqué par une forte intégration entre l’univers rural et la ville d’une part, le marché de l’autre. Dans ce contexte, où depuis l’époque moderne les agricultures du Nord et du Sud du pays apparaissaient inscrites dans les circuits marchands de l’« économie monde12 », nous pouvons découvrir les protagonistes de la société rurale italienne dont les caractéristiques et les implications pendant longtemps – comme on l’a dit – ont été laissées en marge de la réflexion historiographique.
11Ce faible intérêt des historiens à l’égard des sociétés rurales italiennes contemporaines – toujours selon les considérations de Villani – peut être relié à « deux faits et concepts qui méritent d’être opportunément pris en compte :
- La constatation qu’avec la diffusion de l’industrialisation, les campagnes et la société rurale perdaient toujours plus la part dominante qu’elles avaient dans la société préindustrielle ;
- L’orientation majoritairement politique des recherches en histoire contemporaine13 ».
12Les deux facteurs exaltés par Villani peuvent également se rapprocher l’un de l’autre et se lier – en quelque sorte – dans un certain rapport d’interdépendance réciproque ; néanmoins le second facteur, à notre avis, semble avoir joué un rôle aux conséquences plus importantes que le premier.
13À la différence de la France, où l’approche du problème, sans cependant perdre de vue la méthode proprement historique, avait déjà assumé les caractéristiques d’une analyse interdisciplinaire (grâce aux apports de la sociologie, de l’anthropologie, de l’ethnologie…), en Italie, où la rencontre entre l’historiographie et les disciplines évoquées précédemment a mis du temps à s’effectuer14, c’est une lecture fortement « politique » qui l’a emporté. Le « moment politique » a représenté en substance l’axe central autour duquel se sont articulées les reconstructions historiographiques les plus importantes concernant les dynamiques rurales. Et cela s’est confirmé également par une autre particularité, proprement italienne, liée au fait que la branche de l’histoire économique et sociale n’est pas issue, dans la péninsule, des préoccupations des économistes – comme ce fut le cas par exemple en Angleterre – mais fut surtout pris en charge et de façon quasi exclusive par les préoccupations de ces mêmes « historiens politiques », qui ont longtemps imposé leur véritable et totale hégémonie aux « historiens économiques ».
14Il suffit de penser que la thématique des campagnes n’a occupé une place importante dans le débat historiographique italien sur la période contemporaine que très tardivement, à la suite de la publication du recueil des réflexions de Gramsci contenues dans les Cahiers de prison, c’est-à-dire dans la seconde après-guerre, à un moment où, après une crise politique qui avait culminé avec l’écroulement du fascisme et une guerre tragique, on inaugurait le régime républicain, se vérifiait – avec une vigueur extraordinaire – un nouveau débat historiographique sur le terrain de l’affrontement politique : une constante véritable et propre dans l’histoire de l’Italie unitaire15. Et l’importance historiographique toute gramscienne assignée aux campagnes, centrée presque exclusivement sur le « rapport politique » entre « ville et campagne » aboutissait à spéculer sur l’explication, elle aussi toute « politique », des différences entre les conditions économiques et sociales du Nord et du Sud du pays au lendemain de l’unité. Gramsci avait perçu intuitivement la nature « complexe » d’un tel rapport, qui ne pouvait être considéré « d’un seul type schématique, spécialement en Italie16 » ; mais il entendait en caractériser et étudier les implications fondamentales « dans les programmes politiques généraux », qui tentèrent de s’imposer durant le Risorgimento, tout au long du cours de l’Italie libérale jusqu’à l’avènement du fascisme17.
15À ce moment-là dominait une lecture d’après laquelle, dans le cours de l’histoire européenne et tout particulièrement pour ce qui était de l’histoire italienne, la campagne, depuis la période médiévale et celles qui suivirent, était représentée comme le lieu de l’immobilisme social, monde laborieux en un sens, mais également « passif » ; la réalité, c’était un mode de vie se déroulant dans l’immobilité en contraste total avec le monde dynamique, actif, novateur des villes capable non seulement d’entreprendre et absorber les commerces des produits de l’agriculture mais également de détenir la domination politique, économique et sociale sur la campagne elle-même. Il en résultait une antithèse entre deux mondes séparés, une opposition qui, dans les analyses de Gramsci, devenait un élément particulier ou, mieux encore, une caractéristique originelle de l’Histoire italienne. Après avoir souligné que des villes comme Naples et Rome n’avaient pas atteint le « status » de centre industriel, mais que néanmoins elles comprenaient « d’importants noyaux de population de type urbain moderne », l’intellectuel et leader politique communiste écrivait :
« Dans ce type de ville existe, dans tous les groupes sociaux, une unité idéologique urbaine contre la campagne, unité à laquelle n’échappent même pas les noyaux plus modernes dus aux fonctions publiques qu’on y trouve effectivement : c’est la haine et le mépris à l’encontre du “vilain”, un front unique et implicite contre les revendications des campagnes, qui, si elles se réalisaient, rendraient impossible l’existence de ce type de ville. Réciproquement existe une aversion “générale” mais pas pour autant moins implacable et passionnée de la campagne contre la ville, contre toute la ville, tous les groupes qui la constituent. Cet affrontement général, qui est très complexe dans la réalité et se manifeste sous des formes apparemment contradictoires, a eu une importance primordiale dans le développement des luttes pour le Risorgimento, quand il était plus absolu et efficace qu’il ne l’est devenu aujourd’hui18. »
16Déjà l’historiographie du xixe siècle – on pense à Sismonde de Sismondi19 ou à Carlo Cattaneo20 – avait fait émerger le rôle initiateur de la ville dans la reprise non seulement économique, mais aussi culturelle et politique après l’expédition des Mille, et avait indiqué, dans les affrontements du monde rural, ce lieu où les résistances du féodalisme se confrontaient à la « nouveauté » en marche. Des historiens comme Alfred Doren21 et Gino Luzzatto22 avaient pu ensuite contribuer à modifier une telle interprétation en montrant comment le système économique et politique des libres communes interagissait avec celui des campagnes féodales, parce que toutes deux en tiraient profit, faisant de la séparation entre la ville et la campagne en Italie une exception face au reste de l’Europe. Une explication de cette particularité distinctive réside dans le fait que les communes exerçaient leur contrôle sur les campagnes au travers d’instruments et de liens propres au système féodal. De sorte que, même si elles n’en étaient pas vraiment séparées, la campagne restait quelque chose d’autre face à la ville : diverses formes de rébellion y trouvaient un terrain fertile pour y exploser, la ville étant mise à sac par des paysans exaspérés par les spoliations subies ; un conflit qui, souvent et avec une évidente facilité, put être exploité dans un but clairement politique (on en trouve un exemple dans les mouvements des « Viva Maria » en Toscane en 1799 ou dans les actions des bandes du cardinal Ruffo, ou encore dans la menace autrichienne d’armer les paysans avec la promesse d’une réforme agraire).
17Ainsi un Cattaneo ou un Romagnosi, connaisseurs attentifs du royaume lombard-vénitien, c’est-à-dire de la réalité la plus avancée de la péninsule à l’époque de la Restauration, en vinrent à élaborer l’idée que derrière la fracture économico-politique se cachait la clé pour entrebâiller les portes à son dépassement, pour faire de l’Italie une nation, une nation européenne.
18Les réflexions d’Antonio Gramsci évoluaient dans la direction d’une accentuation politique aggravée de ce dépassement avorté donnant corps à l’interprétation d’un Risorgimento « vicié » et « incomplet », une thèse qui (exception faite pour L’Italie telle qu’elle est, œuvre de l’anarchiste Francesco Saverio Merlino, publiée en français en 1890, dans laquelle on prenait en compte les tensions sociales qui avaient caractérisé le mouvement du Risorgimento dans les campagnes) à partir d’Alfredo Oriani, en passant par Giustino Fortunato jusqu’à Piero Gobetti, avait été élaborée sans tenir compte des structures sociales.
19La culture communiste des années vingt et trente, avec Ruggiero Grieco23 mais surtout avec Gramsci en tête, a entrepris de relier au mythe du « Risorgimento incomplet » le prêt-à-porter conceptuel d’origine marxiste léniniste qui prêchait la possibilité d’une alliance révolutionnaire entre ouvriers et paysans. Une telle stratégie consistait dans la recherche des forces sociales capables de mettre en branle le processus révolutionnaire de type marxiste, même là où les transformations industrielles n’avaient pas encore abouti. Ainsi Gramsci entendait donner « consistance » à la thèse exprimée par Gaetano Salvemini, selon laquelle, dans les années précédant la Grande Guerre, l’« égoïsme septentrional » des socialistes réformistes était resté coupablement indifférent aux affrontements des paysans du Midi24.
20Dans le prolongement de Fortunato et de Salvemini, mais parvenant à une conclusion peut être plus proche de Merlino, c’est-à-dire tendant à considérer les tensions dans les campagnes durant le Risorgimento comme une sorte de lutte des classes entre bourgeoisie agraire et paysans du Midi pour l’acquisition des terres (le plus souvent latifundiaires) des propriétés seigneuriales ou ecclésiastiques, Gramsci distinguait, comme engendrée par la défaite paysanne, une potentialité décisive pour une révolution sociale ultérieure.
« Un tel potentiel – a écrit à ce propos Luciano Cafagna – se prêtait, pour Gramsci et ses amis, à être considéré comme analogue aux ressources stratégiques fournies par la paysannerie dans le processus révolutionnaire russe. […] De cette valorisation pratique par une utilisation révolutionnaire, au moment présent, de tensions inassouvies et irrésolues lors des périodes successives du Risorgimento et de ses lendemains, Gramsci en déduit ensuite, dans ses Cahiers de prison, une tentative d’interprétation historiographique du Risorgimento. Analysant le conflit politique entre modérés et démocrates dans le mouvement unitaire italien, il soutint que l’espèce d’incapacité du parti de Mazzini à cueillir et exploiter le potentiel stratégique des aspirations paysannes était la raison de sa défaite dans la compétition avec les modérés pour s’emparer hégémoniquement du mouvement. Gramsci en déduisait, en substance, qu’il était légitime de transférer vers l’amont, dans la révolution guidée par la bourgeoisie, le problème de l’usage hégémonique du rapport avec les aspirations paysannes, car il se sentait conforter dans cette démarche par les vicissitudes de la révolution française de 1789 – considérée comme l’exemple classique de la “révolution bourgeoise” – dont il se réclame dans les Cahiers déjà cités. Et il rappelait, de plus, que ce n’était pas un hasard si la culture russe de l’âge du “populisme”, dans laquelle s’était formé Lénine, avait justement produit d’importants travaux historiographiques sur les problèmes agraires dans la révolution française25. »
21Aux thèses de Gramsci firent écho les travaux d’Emilio Sereni parus durant et après la Seconde Guerre mondiale, dans lesquels le chercheur marxiste condamna en bloc les contrats agraires traditionnels considérés comme des « résidus féodaux », signalant comment l’irruption des contrats de location capitalistes n’avait concerné que les campagnes de la vallée du Po produisant des mutations significatives à la fois dans les rapports de production et dans le tissu social du monde rural de la zone considérée26. Sereni constatait :
« Les résidus féodaux dans l’économie agraire de l’Italie centrale et méridionale, en particulier, firent obstacle très fortement dans ces régions à la séparation entre agriculture et industrie, au développement marchand et capitaliste de l’agriculture, à la formation du marché intérieur pour la grande industrie et imposèrent à toute l’économie l’empreinte de la stagnation et de l’archaïsme ; ils firent de l’économie italienne une économie typiquement retardataire27. »
22Les réflexions de Gramsci et les travaux de Sereni stimulèrent les reconstructions, encore fortement « politiques », de la nouvelle génération de l’historiographie après la Seconde Guerre mondiale28, rencontrant un énorme succès : mais évoluant en même temps vers une « cristallisation quasi dogmatique d’une interprétation du Risorgimento comme une “révolution agraire manquée” à cause de l’étroitesse de vue du parti démocrate mazzinien29 ».
23De la même façon, la réaction à la « vulgate gramscienne » ne fut pas entreprise par un véritable « historien de l’économie », mais par un « historien du politique » de formation libérale, Rosario Romeo, qui édifia une reconstruction opposée « où les choix jugés négatifs dans la représentation de Sereni, devenaient l’unique condition possible d’une marche vers la modernité, promesse historique d’une solution future de la question méridionale30 ».
24Romeo avait réfléchi sur la faiblesse de l’historiographie libérale de la seconde après-guerre et de ses arguments donnant lieu à une alternative peu convaincante à opposer au révisionnisme gramscien qui lui avait signifié un renouveau profond et un renforcement du réquisitoire dressé contre le Risorgimento – comme nous l’avons déjà indiqué – imprimant « à l’attaque contre la classe dirigeante libérale et son choix de la conservation des structures sociales et productives existant dans les campagnes à la veille de l’unité […] une force incomparablement supérieure à celle des polémiques contre le Risorgimento qui avaient eu cours durant l’avant-guerre31 ».
25L’analyse de Roméo tendait, dans un premier temps, à démontrer que
« […] l’oppression des campagnes a été une condition fondamentale de l’accumulation du capital en Italie après l’unité ; et comme cette accumulation avait été la résultante d’un processus historico-politique qui avait concentré entre les mains de la classe dirigeante une somme de pouvoirs suffisante pour l’imposer aux classes rurales ce qu’elles n’auraient pas toléré si on leur avait concédé une plus large participation au pouvoir politique, et donc le Risorgimento a été un mouvement concernant à la fois les forces politiques urbaines mais aussi celles de la plèbe rurale32 ».
26Face au « vice originel » du développement du capitalisme italien que l’historiographie marxiste identifiait à l’absence d’une réforme agraire permettant l’élargissement du marché, Roméo, au contraire, ripostait en prétendant que le « problème fondamental d’un pays à l’aube de son propre développement industriel n’était pas déjà l’élargissement du marché mais l’accumulation du capital comme instrument permettant la croissance de la productivité. Car les dimensions mêmes du marché dépendaient du niveau de la productivité33 ». De cette façon, Romeo entendait démontrer la fausseté du caractère progressif de la révolution agraire italienne liée au développement du capitalisme. En second lieu, l’historien sicilien soutenait que la structure des rapports de production issue du Risorgimento, n’avait pas ralenti mais bien facilité le développement du capitalisme du pays tout entier, permettant l’indispensable financement des infrastructures indispensables au décollage industriel rendu possible par la politique fiscale et la politique d’investissement poursuivies par l’État libéral et qui avait permis un certain accroissement de la production agricole et une augmentation des revenus des propriétaires et des entrepreneurs du secteur agricole.
27Dans le sillon tracé par ce débat que nous avons voulu retracé dans ses grandes lignes et qui conditionna et caractérisa pour longtemps les études portant sur le monde des campagnes, s’insérèrent, à partir de la fin des années cinquante, les recherches et les développements historiographiques de chercheurs d’orientations diverses comme Luigi Dal Pane34, Alexander Gerschenkron35, Giorgio Candeloro36, Manlio Rossi Doria37, Luciano Cafagna38, Pasquale Villani39, pour arriver à l’Histoire d’Italie chez Einaudi (sous la direction de Ruggiero Romano et Corrado Vivanti et qui parut en 197240) ainsi qu’à Valerio Castronovo41 et à Giuseppe Are42, pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus représentatifs.
28Les lignes d’affrontement, mais aussi la tonalité des polémiques issues de ce long et intense épisode se travaux et débats, malgré quelques changements de perspective, prolongèrent jusqu’au début des années quatre-vingt, mettant en évidence ce « registre » caractéristique, propre à l’Italie, poussant à séparer pour les affronter l’histoire du monde rural et celle du développement capitaliste, « révélatrice » d’une historiographie née « comme une “subdivision du territoire complexe des études historiques” et non des exigences spécifiques des chercheurs en économie43 », retardant pour longtemps une approche différente, qui aurait appliqué en termes rigoureux et à des entités locales plus réduites, les concepts si largement utilisés de « système féodal », de « bourgeoisie », de « régime agraire communautaire » pour en évaluer les effets sur les dynamiques de la société rurale. Une approche donc qui analyserait plus en profondeur, au cas par cas, pour parvenir ensuite à un tableau synthétique, les implications de la propriété foncière et des différents rapports de production, autrement dit les « retombées concrètes » de ces grands concepts généraux sur lesquels l’historiographie s’était tellement divisée et opposée.
29C’est au début des années soixante-dix qu’apparaissent les premiers symptômes d’un nouveau souffle historiographique tendant à un rétrécissement du champ d’étude et à un élargissement des thématiques abordées. Les rendements agricoles, les rapports de production, les prix, les salaires commençaient à être progressivement reconsidérés dans la perspective de la réduction du champ visuel de la recherche, qui se focalisait sur des facteurs jusque-là peu étudiés : l’évolution démographique, le rôle actif des individus et des comportements familiaux, les lieux et les types concrets de situation. On passait du « politique » au « social » et, comme synthèse finale, l’analyse historiographique s’ouvrait, même si cela restait timide, à la lecture de ces dynamiques ayant comme nouveaux protagonistes les sociétés rurales.
30Il ne s’agit pas d’en déduire que l’approche antérieure n’avait fourni aucun élément important à la connaissance des sociétés rurales, ne serait-ce que parce que certaines parmi
« […] les meilleures de ces études ont mis en lumière des aspects non négligeables de la vie rurale, elles ont utilisé le cadastre, elles ont fait émerger les stratifications sociales et les différents niveaux de vie et traits de mentalité des différentes strates allant des propriétaires aux paysans et aux ouvriers agricoles, ils ont confirmé les profondes différences des structures agraires entre les régions de l’Italie et donc la variété des rapports entre propriétaires et cultivateurs, entre les multiples catégories de travailleurs44 ».
31Mais la composante idéologico-politique restait prédominante dans toutes ces reconstructions.
32Encore au milieu des années soixante, à propos des campagnes de la plaine padane qui furent le théâtre, dans les vingt dernières années du xixe siècle, de tensions et de conflits sociaux et syndicaux importants, des historiens comme Giuliano Procacci construit le portrait idéologique de l’ouvrier agricole (le « bracciante ») représenté comme un « pur ouvrier », finissant par « sous-évaluer ou par exclure de l’analyse une des caractéristiques essentielles du bracciante ; la multiplicité d’origine de ses ressources, de ses activités de survie qui mettent le bracciante en relation tous azimuts avec les autres strates de la société paysanne, avec des villages lointains, avec l’État et les administrations publiques, avec des entrepreneurs et des régisseurs45 ».
33Dans cette optique, les transformations les plus profondes de la société rurale étaient en quelque sorte reléguées à l’arrière-plan, alors qu’elles auraient dû mériter – une par une – une opération de décomposition et de recomposition pour être lues dans une nouvelle perspective problématique destinée finalement à ne pas considérer « l’histoire du débat et des faits politiques comme toujours et nécessairement prééminente » et qu’ainsi cette même histoire des mouvements et des luttes politiques dans les campagnes, objet de toute l’attention des chercheurs à partir de la seconde après-guerre pouvait être considérée « malgré tout comme importante si elle n’était pas toujours prépondérante dans l’histoire des sociétés rurales46 ». Devant un tel constat Francesco Renda répondait :
« L’histoire du mouvement paysan ne saurait épuiser à elle seule toute l’histoire sociale et politique des campagnes, et encore moins toute l’histoire de ce même monde paysan. Une vision articulée de la société rurale de notre pays requiert en conséquence que la recherche historique reconstruise également dans leurs dimensions réelles, en même temps que les développements propres au mouvement paysan, les différents phénomènes d’agrarisme et de ruralisme survenus en Italie et auxquels l’historiographie n’avait pas accordée toute la considération qu’elle leur devait47. »
34Comme on l’a déjà dit, au début des années soixante commencèrent à prendre forme les histoires d’entreprises ou de patrimoines, les histoires des communautés, qui utilisaient les instruments de l’analyse démographique, dévoilant les rythmes de vie des familles paysannes. En 1971 paraissait le livre de Franco De Felice, L’agriculture dans les campagnes de Bari de 1880 à 191448, où apparaissait l’utilisation de sources non seulement publiques mais privées. Deux ans plus tard, un volume de l’historien français Gérard Delille, Croissance d’une société rurale. Montecristo et la Vallée Caudine aux xviie et xviiie siècles49, montra les résultats d’une recherche, fruit d’un élargissement thématique à partir d’une étude sur une évolution démographique liée au système de production de grain. Œuvre méritoire que celle de Delille notamment pour son rôle significatif de trait d’union entre les historiographies française et italienne autour des études sur le monde rural.
35Comme l’a efficacement souligné Giacomina Nenci, dans les études évoquées ci-dessus comme dans d’autres parues dans la même période, émerge
« […] un sujet définissable comme “les sociétés rurales” : univers multiple de corrélations circulaires entre les hommes et leur milieu, desquels on étudie la capacité de cohésion, la flexibilité qu’elle contient toujours et les conditions qui la permettent. Le problème de l’aboutissement, d’une finalité, dans le cas présent la révolution agraire est le sujet historique qui suscite le travail de reconstruction historique mais n’est plus la clé centrale qui le définit. En même temps le besoin de présenter une perspective d’avenir et donc d’opérer des choix dans la réalité étudiée s’atténuait ; s’estompait également la préoccupation pédagogique qui lui était liée. Tout se passait comme si à une lecture souvent dominée par les colonnes chiffrées de la statistique destinées à évaluer le développement se substituait une lecture plus attentive à la somme des contestations, mais aussi attachée à une chronologie profonde, cherchant à rendre compte de l’existant. Les mêmes indications de tendances se rencontrent dans la production internationale des années soixante : d’une part on assume une perspective globalisante, de l’autre on affine l’approche économique et technique pour mesurer la croissance économique et dynamique à moyen et long terme. Du coup les différences explosent. Des espaces s’ouvrent pour ce qu’on appelle la “multiplicité des modèles”50 ».
36Pour ce qui concerne, par exemple, le métayage, un aspect de l’histoire des campagnes qui avait été l’objet de nombreuses analyses, les études de Mario Mirri51, Giuliana Biagioli52, Sergio Anselmi (tout comme, sur le versant de l’évolution des rapports contractuels, ceux plus récents de Ciuffoletti53, Violante54, Pescosolido55), tournés vers la société métayère de Toscane et des Marches ont revu l’axe interprétatif de l’interprétation marxiste qui considérait le métayage comme l’étape de transition entre féodalisme et capitalisme. Mettant l’accent sur les particularités de chaque territoire, sur la nature des terrains, sur la circulation des eaux, les deux premiers chercheurs ont démontré, dans le cas de la Toscane, comment cette réalité ne créait pas des conditions permettant d’accueillir une révolution agronomique de type « classique » sur le modèle anglais ; tandis que Sergio Anselmi, dans le cadre du métayage dans les Marches, a utilisé les catégories de l’anthropologie pour comprendre plus en profondeur les effets et les dynamiques de l’économie imbriquée dans le système des valeurs sociales en vigueur dans les comportements des ruraux, prenant également en considération toutes les données concernant la sphère religieuse, la politique, la morale et toutes les pratiques ritualisées56.
37Des ouvertures thématiques de cette nature furent également et progressivement favorisées par la circulation en Italie, grâce aux nombreuses traductions, au début des années soixante, de textes et de livres faisant référence en Europe, et particulièrement en France. On pense aux travaux de Witold Kula57, d’Emmanuel Le Roy Ladurie58, de Bernard H. Slicher Van Bath59 et de Wilhelm Abel60, édités avec les introductions significatives de Ruggiero Romano61. C’était en fait un élargissement du panorama historiographique qui avait contribué, également en Italie, à stimuler les historiens à accueillir les conclusions d’œuvres qui depuis déjà quelques années étaient discutées à l’étranger dans le sillage des orientations méthodologiques tracées d’abord par les pionniers de la première génération des Annales62, de Marc Bloch à Lucien Febvre et à Fernand Braudel, puis par les chercheurs des générations suivantes : œuvres qui désormais se déversaient – toutes ensemble – sur le terrain de la culture historiographique italienne.
38En vérité, déjà Luigi Dal Pane en 1952 avait signalé un précédent, parmi les historiens italiens de l’entre-deux-guerres, représenté par groupe parmi lesquels il énumérait Franco Borlandi, Armando Sapori, Gino Luzzatto, qui avaient démontré, à plusieurs occasions, une certaine proximité dans leurs travaux avec les historiens des Annales. C’est pourquoi, selon Dal Pane, la « prédominance » du cadre ethico-politique qu’avait imposé Croce, indifférent sinon méfiant à l’encontre des histoires spécialisées, n’avaient pas pu freiner la naissance d’une histoire économique en tant que discipline autonome63. C’est tout au plus l’histoire sociale qui éprouva une grande difficulté à s’affirmer, du fait de la faiblesse accentuée de la sociologie elle-même dans le panorama culturel italien. Il fallut attendre 1971, pour que soit traduites en italien les réflexions de Th. B. Bottomoro sur les rapports entre histoire et sociologie :
« Jusqu’à ces derniers temps c’était dans la philosophie que l’historien trouvait des indications pour élaborer l’essentiel de sa problématique, ainsi que beaucoup de ses concepts et de ses idées générales : aujourd’hui il les tire plutôt de la sociologie64. »
39Un point de « contact » entre ces deux sphères du savoir s’est progressivement concrétisé en Italie, à partir du début des années soixante et a fini par être accueilli même dans les élaborations théoriques des tenants d’une historiographie se réclamant clairement d’une ascendance idéaliste et crocienne, lesquels ont rendu compte, eux aussi, de la façon dont les historiens ont reçu, fructueusement, de la sociologie « des concepts et des canons interprétatifs dont l’importance pratique n’était pas inférieure à la force logique. Elles sont devenues ces fameuses “généralisations”, sans lesquelles, affirme-t-on, l’historien ne peut travailler65 ». Comme on le sait, le moment d’un rapprochement plus étroit entre sciences sociales et historiographie, inauguré en France, et qui s’était diffusé dans le reste de l’Europe au cours des années cinquante et soixante du siècle dernier, a coïncidé avec une mutation doctrinale et méthodologique significative, entraînant un élargissement des horizons thématiques abordés par les historiens. Ces derniers ont pu ainsi puiser dans la sociologie pour en tirer de nouvelles « généralisations » qui leur ont permis de découvrir des chantiers encore inexplorés, toujours plus vastes et plus complexes. On a ainsi inauguré des recherches dans le domaine des stratifications sociales et culturelles, à travers de fructueuses enquêtes sur les mentalités, découvrant des angles d’observation sur la consommation et sur la complexité des styles de vie, c’est-à-dire tous les éléments d’un « modèle » destiné à répondre à une exigence qui chez l’historien se manifestait d’une façon toujours plus pressante : la recherche d’une vision globale.
40Et le monde des campagnes est progressivement devenu, même en Italie, un des lieux privilégiés où s’est consommé le rapprochement, le « contact » entre histoire et sciences sociales, où la recherche s’est déplacée du « politique » vers le « social ». Mais le parcours n’a pas été linéaire :
« Les années soixante mirent en lumière une série de critiques […], de révisions d’origines diverses mais qui finirent par avoir un effet convergent ; elles finirent par déplacer l’interrogation du politique vers le social. Les limites historiques de la question paysanne sont désormais abolies aux yeux de tous et la recherche est libérée par la possibilité d’un rapport immédiat, débarrassé de tout filtre, avec le concret, mais qui, du coup, explose et une polémique toute politique s’aiguise jusqu’à l’exaspération sur la légitimation historiographique de l’action des partis, sur ce qui apparaît comme des distorsions urbanocentriques, miroir d’une vision mutilée et mutilante des occasions historiques de la gauche en Italie. Surgissent au premier plan les années de la seconde après-guerre et les luttes méridionales pour la terre. Dans une certaine mesure et un peu paradoxalement, même à travers ce cheminement l’épaisseur du social dans la pratique de la recherche augmente, comme si les paysans, protagonistes de toute cette affaire, seraient représentés de façon plus vivante avec un nombre plus grand d’éléments pour identifier leur complexité, au-delà des thèses politiques soutenues66. »
41Bien que l’Histoire d’Italie de chez Einaudi, déjà citée, eût donné un exemple de rapprochement avec l’école des Annales, un élève de Braudel, Maurice Aymard, signalait encore à la fin des années soixante une certaine « résistance » des historiens italiens à s’ouvrir aux nouvelles méthodologies d’outre-Alpes67, même si s’étaient vérifiées quelques ouvertures surtout de la part des chercheurs de filiation gramscienne. Mais comme on a pu le constater ponctuellement, la lecture d’Aymard ne s’arrêtait pas tant aux questions relatives au « poids des rigidités et encore moins à celui des paradigmes théoriques dus à l’influence et aux aléas institutionnels de chaque discipline des sciences économiques et sociales et à leurs apparentements universitaires68 », qu’aux exigences différentes – entre France et Italie – d’interroger le passé : dans un cas la nécessité braudélienne de conserver à la Méditerranée des xvie-xviie siècles ce rôle de grand bassin culturel alors qu’elle est sur le point d’abandonner sa suprématie au Nord de l’Europe ; dans l’autre l’intérêt de concentrer la recherche « sur les problèmes sociaux, économiques, politiques liés à la formation d’un État unitaire au xixe siècle et ressentis comme irrésolus69 ».
42Mais avec les débuts des années quatre-vingt, ces « résistances » semblaient sur le point de s’effriter, devant l’adhésion désormais générale à l’adoption d’une approche interdisciplinaire pour traiter de la société rurale, mais aussi du fait de l’attention portée durant cette période aux œuvres d’Alexandr V. Chajanov70, de Kula71 et Kochanowicz72, œuvres de médiation entre histoire, anthropologie et sociologie.
43L’activité qui suivit les travaux du colloque – dont nous avons parlé au début de notre réflexion – Transformations des sociétés rurales dans les pays de l’Europe occidentale et méditerranéenne, concrétisés par la constitution d’un Centre d’études pour l’histoire comparée des sociétés rurales à l’époque contemporaine, a commencé à porter ses fruits, à travers l’encouragement et la réalisation d’études centrées sur la pluriactivité dans l’espace rural, sur la communauté, sur les familles rurales73. Parmi les points d’accès significatifs à ces travaux, l’Histoire de l’agriculture italienne à l’époque contemporaine, sous la direction de Piero Bevilacqua (une œuvre collective en trois volumes), qui a vu le jour entre 1989 et 1991, et qui apparaît comme une entreprise motivée par la nécessité d’aboutir – après la floraison « en Italie d’une tradition d’histoire agraire à la fois riche et régionalement diversifiée » – à une synthèse générale des vicissitudes de l’univers rural italien aux xviiie et xixe siècles.
« Néanmoins – a écrit Bevilacqua dans les dernières vingt années – au fur et à mesure qu’économistes et sociologues affinaient leurs propres instruments de prospection et élargissaient leurs ambitions exploratoires – l’absence ressentie comme la plus aiguë a été celle des historiens : et, plus précisément, celle d’une histoire capable de dépasser la fragmentation des sujets analytiques et spécialisés, en général su une base régionale, et d’assumer le devoir de fournir un cadre général et une respiration historique plus ample aux transformations intervenues. Cette Histoire de l’agriculture arrive donc tardivement pour répondre aux besoins de savoir des chercheurs et de l’opinion publique cultivée, et en présence des mutations profondes qui ont transformé le cadre de vie, du travail, des paysages de nos campagnes dans les dernières décennies74. »
44La prise en compte progressive et toujours plus nette de l’importance de la position centrale des campagnes dans le contexte culturel, social et économique du pays avait représenté, à partir de la seconde après-guerre, comme le soulignait Villani, un des deux facteurs principaux du « désintérêt » de l’historiographie traditionnelle pour les conflits des sociétés rurales. Dans le scénario qui était celui des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix du siècle précédent, l’attention des historiens aux conflits suscité par ce même problème s’éveille et se manifeste « avec une singulière inopportunité, quand désormais cette agriculture est morte : au moment où son mode millénaire d’existence et de fonctionnement a été balayé et son poids social et culturel dans la vie du pays apparaît fortement réduit, sur une pente de déclin croissant75 ». Du reste, le plus illustre précédent, dont se réclame l’Histoire de l’agriculture italienne à laquelle nous nous sommes référés, ce sont Les caractères originaux de l’histoire rurale française de Marc Bloch, œuvre publiée au début des années trente « quand désormais ce qui était l’agriculture, dans une bonne part des pays du vieux continent, avait cessé ou était en train de cesser d’être le fondement des économies nationales76 ».
45Et c’est sur le thème du « long adieu » de la société rurale que commence la série des interprétations proposées par le volume Études sur l’agriculture italienne. Société rurale et modernisation77. Il traite des recherches finalement entreprises en tenant compte des structures – parallèlement aux sujets sociaux et aux rapports entre agriculture et industrie – et se tournant vers les horizons des politiques agraires. Une fois reconnu avec clarté le caractère originellement « dynamique » et non « statique » de l’agriculture italienne – encore plus évident à partir de la seconde moitié du xviiie siècle –, ont émergé les éléments qui ont permis de comprendre plus en profondeur les mutations et les transformations de la société rurale, à la lumière d’un « processus d’intégration croissante qui ne consent plus à lire les rapports entre villes et campagnes en terme de séparation ou d’opposition, mais seulement dans un cadre d’interdépendance78 ». Les innovations techniques de ce qu’on appelle la « révolution agraire », diffusées à l’échelle de l’Europe à la fin du xviiie siècle, eurent un écho en Italie, où l’on commença à exploiter les terrains de façon plus intensive avec des retombées importantes sur les dynamiques et les rythmes de la vie paysanne. L’autoconsommation des paysans subit durant cette phase une nette remise en cause devenant quasi résiduelle pour une activité productive désormais tournée vers les profits du commerce ; les rapports stables synthétisés par la triade « famille du colon, terre, exploitation » disparurent du fait de la déstructuration des métairies ; avec la réduction du nombre des exploitations croissait le recours au travail des ouvriers agricoles, qui, avec le travail proto-industriel, devinrent le facteur déterminant de la mobilité territoriale des familles paysannes, altérant les fonctions sociales de la traditionnelle pluriactivité paysanne. Les effets de l’innovation technique n’intéressaient pas exclusivement l’Italie centrale et septentrionale, mais concernèrent également le Midi, où la spécialisation et la mercantilisation de l’agriculture accueillirent les apports de l’innovation technique et s’ouvrirent aux avantages de la mécanisation et de la rationalisation de la pratique agricole :
« Au seuil de la crise agraire, le recensement de 1881 nous restitue l’image d’une société agraire totalement sui generis dans le panorama continental : sur plus de huit millions et demi d’individus appartenant au secteur primaire, plus de cinq millions sept cent mille sont des “travailleurs dépendants”, braccianti, journaliers et salariés fixes : presque le double de l’Allemagne qui a environ le même nombre de travailleurs du primaire ; plus du double de la France qui énumère pour ce qui est du rapport entre travailleurs indépendants et salariés, des pourcentages inverses de ceux de l’Italie ; une composition sociale du monde rural qui n’a d’équivalent qu’en Angleterre – malgré la différence substantielle du poids spécifique de l’agriculture dans le contexte global de l’économie nationale – où les petits propriétaires ont été balayés par les effets convergents de la révolution agraire et de la révolution industrielle. Avec le modèle anglais les distances s’amoindrissent si on prend conscience du fait qu’en Italie derrière ces paysans recensés comme “indépendants” se cachent de nombreux colons, amphithéotes, métayers et petits propriétaires appauvris, contraints à accroître leurs revenus avec du travail salarié. Donc un pays, parmi les plus agricoles du continent, si on s’en tient au pourcentage de la population occupé dans le secteur primaire, qui a connu en peu de décennies un niveau de prolétarisation des masses rurales seulement comparable à celui du pays le plus industrialisé du globe79. »
46Le tableau dessiné ci-dessus reflète l’Italie des deux premières décennies de vie unitaire et illustre comment les deux formes de mobilité, territoriale et sociale, s’entrelacèrent dans une réalité où les composantes rurales et citadines devenaient indéniablement interdépendantes créant les conditions d’une organisation des intérêts agraires caractérisés par l’affrontement de classes fortement syndicalisées.
47Le scénario changera ensuite vers la fin du xixe siècle du fait des retombées de la crise agraire, un phénomène sur lequel existe une ample littérature80. Là il faut rappeler que se manifeste une « sorte de nationalisation » de l’agriculture italienne, après le revirement protectionniste de 1887 poussant le secteur agricole à la satisfaction de la demande interne et l’adaptant au développement industriel. Le Sud fut incapable de conjuguer spécialisation agricole et développement industriel comme ce fut le cas dans le Nord81, et l’on assista à une vague massive de migration (environ un million et demi de méridionaux), principalement en direction de l’Amérique. Numériquement plus consistante dans le Sud, bien que n’étant pas un phénomène exclusivement méridional – on a vu qu’elle intéressa également quelques zones de la façade centro-septentrionale du pays82 amorçant de nouveaux processus de modernisation – l’émigration marqua une rupture historique, qui contribua à modifier fortement la nature des rapports sociaux existant entre les classes dominantes des propriétaires et les plèbes rurales. L’exode rural créa également les conditions préalables, grâce aux terres laissées par les émigrants et à l’épargne accumulée hors d’Italie, à la formation de la petite propriété paysanne :
« Les propriétaires exploitants des deux sexes, selon le recensement de 1881, étaient un peu plus d’un million trois cent mille à l’échelle nationale, leur nombre doubla au début du nouveau siècle pour culminer à presque trois millions et demi en 1921 : si dans les années les plus dure de la crise la contribution du Midi à cette lente redistribution de la propriété terrienne peut apparaître au total plutôt modeste, depuis la première décennie du xxe siècle elle apparaît comme substantielle et en constant accroissement pour devenir massive dans les années vingt. Dans les méandres des circuits de l’émigration se créaient donc les impulsions économiques pour une stabilisation moins précaires des agriculteurs sur leurs terres et pour une amélioration des conditions de vie des paysans ; certes, pourtant l’émigration, surtout par le contexte social dans lequel elle s’inscrivait et par les aspirations de ceux qui partaient, ne réussit pas à construire une dynamique de développement capable de dépasser les caractéristiques essentiellement agraires de l’économie méridionale et de déstructurer définitivement les mécanismes de reproduction de la société rurale méridionale83. »
48Entre les deux guerres mondiales la société rurale italienne fut secouée par de nouveaux agents de désagrégation (sous l’impulsion d’une industrialisation croissante), concernant à la fois la redistribution de la population agricole sur le territoire et son engagement politique et syndical. Auparavant, pendant et après la Grande Guerre, économistes et historiens attentifs aux phénomènes de la société s’interrogeaient sur le thème crucial de la nationalisation des paysans, un thème successivement colorié de tintes marquées idéologiquement sous le fascisme qui promut une tentative de « nationalisation par le haut » avec la création d’un régime dictatorial de masse. Le fascisme, au nom du retour à un modèle artificiel d’Italie rurale qui avait du mal à se raccrocher à la tradition rurale de la région, s’orientait dans la direction d’un système économique dans lequel la maximalisation de la production agricole et la stabilisation autoritaire du monde rural pouvaient permettre la réalisation du décollage industriel de la péninsule.
49Nous avons vu comment – à travers un cheminement à la fois long et complexe – avec la diffusion de l’industrialisation, les campagnes ont progressivement perdu la part prédominante qu’elles avaient occupée dans les sociétés préindustrielles, en marge du centre non seulement de la vie productive, mais également culturelle du pays.
50Mais que dans le cas italien cette composante ait pesé de façon toujours déterminante sur les intérêts et sur la méthodologie des historiens n’est vrai qu’en partie, ou mieux peut se vérifier à certains moments et ne plus être valable à d’autres. C’est l’autre facteur, reconnu initialement, qui au contraire nous apparaît plus clair et défini, c’est-à-dire l’orientation principalement « politique » des études d’histoire contemporaine en Italie. Encore aujourd’hui les observations de Aymard auxquelles nous faisions référence dans les pages précédentes restent utiles à comprendre car, entre les années 1980 et 1990, est intervenu un changement de perspective, les mailles de ces « résistances » qui depuis longtemps avaient empêché d’accueillir de nouvelles curiosités et de nouvelles pistes de recherche, ont fini par se distendre. Les exigences des historiens italiens dans l’interrogation du passé ont changé. À partir de ce moment le thème de la formation de l’État unitaire n’était plus au centre de la recherche historique avec ses retombées économiques et sociales, en tant que problème « politique » irrésolu ; et l’urgence de la « question paysanne » n’était plus actuelle, tout comme était presque totalement gommée toute « diversité rurale » face au reste de la société industrielle du monde occidental.
51En revanche, est devenue importante la nécessité de la recherche d’« une plus ample radicalité dans la vision des processus et des phénomènes84 » qui ont marqué l’histoire du monde rural italien. Après une fructueuse décennie de rénovation des études sur l’agriculture85 et sur les sociétés rurales en Italie, on assiste aujourd’hui à la maturation de ces curiosités issue du dépassement d’une lecture principalement « politique ». Aujourd’hui l’historien des campagnes et du monde rural apparaît finalement préoccupé de chercher une explication, dans le passé, des transformations qui, dans l’histoire contemporaine ont « modelé la physionomie des classes, les rapports sociaux, les techniques de production, les formes mêmes de la présence humaine sur la terre, les types d’habitat, les cultures et les valeurs dominantes, les mentalités86 », afin de restituer, avec de futurs et nouveaux procédés d’enquête, la dimension d’ensemble, totale et complexe, de l’histoire des campagnes qui a profondément marqué la vie de la péninsule.
52Traduit par Roger Dupuy
Notes de bas de page
1 P. Villani, Introduction à Trasformazioni delle società rurali nei paesi dell’Europa occidentale e mediterranea, Naples, Guida, 1986, p. V.
2 Ibid., p. VI.
3 C. Barberis, « I caratteri originari del mondo rurale italiano », ibid., p. 275.
4 Sur ce point et pour diverses autres indications, S. ROGARI, Mezzogiorno e emigrazione. L’inchiesta Faina sulle condizioni dei contadini nelle provincie meridionali e della Sicilia 1906-1911, Florence, Centro Editoriale Toscano, 2002, p. XI-CXXXIV.
5 C. Barberis, Le campagne italiane dall’Ottocento a oggi, Rome/Bari, Laterza, 1999, p. VII.
6 Pour la citation, M. L. Salvadori, Storia dell’età moderna econtemporanea, Turin, Loescher, 1996, vol. I, p. 376-277.
7 Ibid., p. 377.
8 P. P. D’attore et A. De Bernardi, « Il “lungo addio” : una proposta interpretativa », P. P. D’attore et A. De Bernardi (dir.), Studi sull’agricoltura italiana. Società rurale e modernizzazione, Milan, Feltrinelli, 1994, p. XI.
9 P. Villani, Introduction à Trasformazioni, op. cit., p. 11.
10 Cf. L. Gambi, « I valori storici dei quadri ambientali », Storia d’Italia I, I caratteri originali, Turin, Einaudi, 1972, p. 5-60.
11 D’attore et De Bernardi, op. cit., p. XI. Voir aussi H. Mendras, Les paysans et la modernisation de l’agriculture, Paris, Colin, 1958 ; id., Les sociétés paysannes, éléments pour une théorie de la paysannerie, Paris, 1976 ; id., La fin des paysans, Paris, Colin, 1970 ; R. Resfield, Peasant Society and culture, Chicago, The University of Chicago Press, 1969 ; E. C. Banfield, Le basi morali di una società arretrata, Bologne, Il Mulino, 1976.
12 Cf. D’attore et De Bernardi, op. cit., p. XV.
13 Ibid., p. VI.
14 G. Galasso, « Storiografia e sociologia », Nient’altro che storia. Saggi e metodologia della storia, Bologne, Il Mulino, 2000, p. 205-243.
15 M. L. Salvadori, Storia d’Italia e crisi di regime, Bologne, Il Mulino, 1997 ; id., « Legittimazione politica e storiografia italiana », L. Di Nucci et E. Galli Della Loggia (dir.), Due Nazioni. Legittimazione e delegitimazzione nella storia dell’Italia contemporanea, Bologne, Il Mulino, 2003, p. 187-225.
16 A. Gramsci, I quaderni II. Il risorgimento, V. Gerratana (dir.), Rome, Editori Riuniti, 3e éd., 1996, p. 118.
17 Ibid., p. 117-118.
18 Ibid., p. 119.
19 J. C. L. Sismonde de Sismondi, Storia delle republiche italienne, présentation de Pierangelo Schiera, Turin, Bollati Boringhieri, 1966 ; id., Storia del Risorgimento, dei progressi e della rovina della libertà in Italia, Florence, 1849.
20 C. Cattaneo, Saggi di economia rurale, L. Einaudi (dir.), Turin, Einaudi, 1939 ; id., Scritti storici e geografici, G. Salvemini et E. Sestan (dir.), Florence, Le Monnier, 1957.
21 A. Doren, Storia economica dell’Itala del Medio Evo, trad. Gino Luzzatto, avec une notice nécrologique sur l’auteur par Armando Sapori, Padoue, Cedam, 1937.
22 G. Luzzatto, La proprietà fondiaria nell’epoca precommunale, Scansano, 1908 ; id., Breve storia dell’Italia medievale : dalla caduta dell’Impero romano al principio del cinquecento, Turin, Einaudi, 1965.
23 R. Grieco, Introduzione alla riforma agraria, Turin, Einaudi, 1949 ; id., Lotte per la Terra, Rome, Cultura Sociale, 1953.
24 G. Salvemini, Scritti sulla questione meridionale (1896-1955), Turin, Einaudi, 1955.
25 L. Cafagna, « La mancata rivoluzione agraria », G. Belardelli, L. Cafagna, E. Galli Della Loggia et G. Sabbatucci (dir.), Miti e storia dell’Italia unita, Bologne, Il Mulino, 1999, p. 34.
26 E. Sereni, Il capitalismo nelle campagne (1860-1900), Turin, Einaudi, 1947 ; La questione agraria nella rinascita nazionale italiana, Turin, Einaudi, 1946 ; id., Vecchio e nuovo nelle campagne italiane, Rome, Editori Riuniti, 1956 ; id., Storia del paesaggio agrario in Italia, Bari, Laterza, 1962 ; id., Capitalismo e mercato nazionale in Italia, Rome, Editori Riuniti, 1956.
27 E. Sereni, Il Capitalismo nelle campagne, (éd. 1968, toujours imprimée chez Einaudi), p. 38-40.
28 Critica sociale, M. Spinella, A. Caracciolo, R. Amaduzzi et G. Petronio (dir.), Milan, 1959 ; Lotte avarie in Italia. La Federazione nazionale nazionale dei lavoratori della terra 1901-1926, R. Zangheri (dir.), Milan, Feltrinelli, 1960 ; G. Procacci, La lotta di classe in Italia agli inizi del secolo XX, Milan, 1960 ; G. Giorgetti, Contadini e proprietari nell’Italia moderna, Turin, Einaudi, 1974.
29 L. Cafagna, « La mancata rivoluzione agraria », op. cit., p. 34.
30 G. Nenci, Le campagne italiane in età contemporanea. Un bilancio storiografico, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 10.
31 G. Pescolido, Préface de Rosario Romeo, Risorgimento e capitalismo, Rome/Bari, Laterza, 1998, p. IX.
32 Ibid., p. 183.
33 Ibid., p. 98.
34 L. Dal Pane, « Alcuni studi recenti e la teoria di Marx », A. Caracciolo (dir.), La formazione dell’Italia industriale, Rome/Bari, Laterza, 1973, p. 88-89.
35 A. Gerschenkron, « Rosario Romero e l’accumulazione originaria del capitale », Rivista storica italiana, LXXII, 1960, n. 1, également in id., Il problema storica dell’arretratezza economica, Turin, Einaudi, 1974, p. 89-97.
36 G. Candeloro, Storia dell’Italia moderna, vol. XI, Milan, Feltrinelli, 1986, p. 299.
37 M. R. Doria, communication contenue dans le volume Atti della conferenza nazionale del mondo rurale e dell’agricolura. Roma giugno- ottobre 1961, Rome, 1963, Commissioni ed assemblea plenaria. Resoconti dell’assemblea plenaria, p. 346-356.
38 L. Cafagna, « La “Rivoluzione agraria” in Lombardia », Annali del Istituto Giangiacomo Feltrinelli, II, I959, également in id., Dualismo nella storiad’Italia, Venise, Marsilio, 1989, p. 31-112 ; cf. également id., « Intorno al dualismo dello sviluppo economico italiano », A. Caracciolo (dir.), Problemi storici dell’industrializzazione e dello sviluppo, Urbino, Argalia Editore, 1965, p. 103-150.
39 P. Villani, « Il capitalismo agrario in Italia (sec. xvii-xix) », id., Feudalità, riforme, capitalismo agrario, Bari, Laterza, 1968, p. 163 sq.
40 Storia d’Italia, R. Romano et C. Vivanti (dir.), vol. 1 : I caratteri originali, Turin, Einaudi, 1972.
41 V. Castrovo, La storia economica, ibid., vol. 4, Dall’Unita a oggi, t. 1, Turin, Einaudi, 1975, p. 5 sq.
42 G. Are, « Agricoltura e sviluppo capitalistico », id., Economia e politica nell’Italia liberale (18801915), Bologne, Il Mulino, 1974, p. 149-172.
43 G. Nenci, Le campagne italiane, op. cit., p. 11.
44 P. Villani, Introduction à Trasformazioni delle società rurali, op. cit., p. VII.
45 F. Cazzola et M. Martini, « Il movimento bracciantile nell’area padana », P. Bevilacqua (dir.), Storia dell’agricoltura italiana in età contemporanea, vol. III : Mercati e istituzioni, p. 735. Pour une nouvelle vision du bracciante de la plaine du Po, cf. S. Nardi, « Il lavoro del bracciante nelle campagne rvennati di fine ‘800 », Il proletario agricolo in Emilia Romagna, Bologne, 1980, p. 147-84 ; G. Crainz, « I braccianti padani », G. Chianese, G. Crainz, M. Da Vela et G. Gribaudi, Italia 1945-1950. Conflitti e trasformazioni sociali, Milan, 1985, p. 173-326.
46 P. Villani, Introduction à Trasformazioni delle società rurali, op. cit., p. VII ; du même auteur voir également, « Un ventennio di ricerche. Dai rapporti di produzione all’analisi delle aziende e dei cicli produttivi », A. Massafra (dir.), Problemi di storia delle campagne meridionali nell’età moderna e contempoanea, Bari, Dedalo, 1981, p. 3-16.
47 F. Renda, « Il movimento contadino in Italia dai Fasci Siciliani alla riforma agraria », Trasformazioni delle società rurali, op. cit., p. 291.
48 Milan, Banca Commerciale Italiana, 1971.
49 Naples, Istituto Italiano per gli studi storici, 1973 ; voir aussi G. Delille, Agricoltura e demografia nel regno di Napoli nei secoli xviiiexix, Naples, Guida, 1977.
50 G. Nenci, Le campagne italiane, op. cit., p. 52.
51 M. Mirri, « Mercato regionale e internazionale e mercato capitalistico come condizioni dell’evoluzione interna della mezzadria in Toscana », Agricoltura del capitalismo, Rome, Editori Riuniti, Istituto Gramsci, 1970, p. 419. Réflexions intéressantes de Mirri contenues dans « La storiografia italiana del secondo dopoguerra fra revisionismo e no », P. Macry et A. Massafra (dir.), Fra storia e storiografia. Scritti in onore di Pasquale Villani, Bologne, Il Mulino, 1994, p. 27-102.
52 G. Biagioli, « I problemi dell’economia Toscana e della mezzadria nella prima metà dell’ottocento », Contadini e propriétari della Toscana moderna. Atti del Convegno di studi in onore di Giorgio Giorgetti, vol. II : Dall’età moderna all’età contemporanea, Florence, Olschki, 1981.
53 Z. Ciuffoletti (dir.), Il sistema di fattoria in Toscana, Florence, Centro Editoriale Toscano, 1986.
54 S. Violante, « Sintesi e interpretazioni di dati statstici inerenti un’azienda agraria toscana (Artiminio, 1782-1877). Variabili economiche », G. Coppola (dir.), Agricoltura e Aziende agrarie nell’Italia centro-settentrionale, Milan, Angeli, 1983 p. 441 sq.
55 G. Pescosolido, Agricoltura e Industria nell’Italia unita, Rome/Bari, Laterza, 1994.
56 Cf. S. Anselmi, Mezzadri e terre nelle Marche. Studi e ricerche di storia dell’agricoltura fra Quattrocento e Novecento, Bologne, Pàtron, 1978.
57 Cf. W. Kula, Teoria economica del sisteme feudale, Turin, Einaudi, 1972.
58 Cf. E. Le Roy Ladurie, I contadini di Linguadoca, Bari, Laterza, 197.
59 Cf. B. H. S. Van Bath, Storia agraria dell’Europa occidentale (500-1850), Turin, Einaudi, 1972.
60 Cf. W. Abel, Congiuntura agraria. Storia dell’agricoltura e della produzione alimentare nell’Europacentrale dal xii secolo all’età industriale, Torino, Einaudi, 1972.
61 R. Romano, Tra storici ed economisti, Torino, Einaudi, 1982.
62 Cf. M. Bloch, I caratteri originali della storia ruralefrancese, Turin, Einaudi, 1973 ; F. Braudel, Scritti sulla storia, Milan, Mondadori, 1973.
63 Cf. L. Dal Pane, « Storia economica e storia sociale », M. R. Caroselli, Natura e metodo della storia economica. Raccolta di Saggi, Milan, Giuffrè, 1960, p. 181-215.
64 T. B. Bottomore, Sociologia, Bologne, Il Mulino, 1971, p. 82.
65 G. Galasso, Nient’altro che storia, op. cit., p. 206-207. Sur le thème des « généralisations », des « concepts », des « canons interprétatifs », voir H. I. Marrou, La conoscenza storica, Bologne, Il Mulino, 1962, p. 148-170 ; E. H. Carr, Sei Lezioni sulla storia, Turin, Einaudi, 1966 ; H. G. Gadamer, Il problema della coscienza storica, Naples, Guida, 1969.
66 G. Crainz et G. Nenci, « Il movimento contadino », Storia dell’agricoltura italiana, vol. III, op. cit., p. 599-600.
67 M. Aymard, « The Impact of the Annales School in the Mediterranean Countries », Review, 1978, 3/4, p. 53-64 ; cf. également du même auteur, « La storia inquieta di Fernand Braudel », Passato e Presente, 1986, 12, p. 127-138.
68 G. Nenci, Le campagne italiane, op. cit., p. 60.
69 Ibid., p. 61.
70 A. V. Cajanov, On the Theory of Peasant Economy, Manchester, Manchester University, 1966.
71 Cf. W. Kula, Teoria economica, op. cit. ; id., Problemi e metodi di storia economica, Milan, Cisalpino Goliardica, 1972.
72 Voir l’entrée Contadini (Paysans) de Kochanovicz et Kula in Enciclopedia Einaudi, Turin, Einaudi, 1978, p. 901-933.
73 Nous devons beaucoup, même pour l’orientation bibliographique au volume collectif de P. Villani (dir.), La pluriactivité dans les espaces ruraux, Annali dell’Istituto Alcide Cervi, 11/1989.
74 P. Bevilacqua, Présentation à Storia dell’agricoltura italiana, op. cit., vol. I : Spazi e paesaggi, p. XIX.
75 Ibid.
76 Ibid.
77 Op. cit.
78 D’attorre et De Bernardi, op. cit., p. XV.
79 Ibid., p. XXIV ; G. Crainz, Braccianti della Valle del Po. 1860-1960, p. 223-265.
80 D’attorre et De Bernardi, op. cit., p. XXVIII.
81 R. Romeo, Risorgimento e capitalismo, op. cit. ; L. Cafagna, Dualismo e sviluppo nella storia d’Italia, Venise, Marsilio, 1989 ; G. Federico, « Di un nuovo modello dell’industrializzazione italiana », Società e storia, 1980, 8, p. 433-456 ; G. Pescosolido, Agricoltura e industria, op. cit. ; id., Unità e sviluppo economico. 1750-1913, Rome/Bari, Laterza, 1998.
82 Cf. E. Franzina, La grande emigrazione. L’esodo dei rurali del Veneto durante il secolo xix, Venise, Marsilio, 1976 ; Trasformazioni economiche e sociali nel Veneto tra xixe xx secolo, Vicenza, 1984 ; P. Corner, « Il contadino-operaio dell’Italia Padana », Storia dell’agricoltura italiana, op. cit., vol. II : Uomini e classi, p. 751-769 ; id., Contadini e industrializzazione. Società rurale e impresa dal 1840 al 1940, Rome/Bari, Laterza, 1993.
83 D’Attorre et De Bernardi, op. cit., p. XXXII.
84 P. Bevilacqua, Storia dell’agricoltura italiana, op. cit., vol. I, p. XX.
85 Un exemple récent d’une analyse sur le temps long est représenté par la Storia dell’agricoltura italiana, éditée par l’Académie des Georgofili, 5 vol., Florence, Polistampa, 2002.
86 P. Bevilacqua, Storia dell’agricoltura italiana, op. cit., vol. I, p. XX.
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