Réseau paroissial et droit de patronage dans le diocèse d'Évora (xiiie-xive siècles)
p. 125-140
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Index géographique : France
Texte intégral
1Dans une bulle publiée en 1320, le pape Jean XXII octroya au monarque portugais alors déjà âgé D. Dinis le décime de tous les revenus ecclésiastiques pour une période de trois ans afin d'appuyer les Portugais dans leur lutte contre les Maures qui infestaient les côtes portugaises1. Cette donation, quoiqu'extraordinaire, était cependant relativement courante dans les royaumes de la Péninsule ibérique ; auparavant déjà les monarques castillans avaient bénéficié de semblables donations, justifiées par la nécessité de soutien à la lutte contre les Maures2.
2Ces donations permettaient aux monarques ainsi gratifiés de recevoir un volume significatif de revenus additionnels, difficilement accessibles dans un autre cas3. De leur côté, les papes qui concédaient ces donations pouvaient ainsi concrétiser leur appui à ceux qui poursuivaient une lutte contre l'ennemi de la foi, dans le cadre d'une politique pontificale déterminée au moins depuis le xie siècle4. Même si les facteurs de ces donations, au début du xive siècle, étaient déjà assez différents de ceux qui avaient dicté la stratégie pontificale d'appui à la lutte contre les musulmans, la justification avancée se maintenait et sa seule mention supposait l'existence préalable d'un accord tacite entre le monarque et la Papauté5. Mais, en 1320, quand Jean XXII octroya à Dinis une décime de tous les revenus ecclésiastiques, il le fit avec une exception, l'exemption de tous les revenus et bénéfices de l'ordre de l'Hôpital.
3De l'exécution de cette bulle6 résulta une importante liste des églises contribuables dans tous les diocèses portugais, liste publiée par Fortunato de Almeida dans son História da Igreja em Portugal7. En dépit de l'importance des informations contenues dans cette liste, jointe au fait qu'il s'agit du plus ancien et plus complet exemplaire connu au Portugal d'une source de ce type, ce document n'a jamais été l'objet d'une étude systématique. La spécificité des informations, le laconisme de beaucoup d'entre elles, la méconnaissance actuelle du panorama religieux et de la géographie ecclésiastique de nombreuses régions du Portugal médiéval, entravent le traitement de ce document, surtout si on l'analyse en lui-même, sans lien avec le reste de la documentation diocésaine et pontificale. Cependant, cette source contient des données uniques pour la connaissance de la géographie ecclésiastique du Portugal au début du xive siècle ainsi que pour l'étude connexe de l'action des institutions religieuses prédominantes dans l'espace portugais.
4Dans le cas présent, nous nous intéresserons exclusivement aux informations relatives au diocèse d'Évora et au réseau des paroisses et des droits de patronage. En prenant cette liste comme point de départ d'une analyse rétrospective, nous tenterons avant tout de résoudre quelques-uns des problèmes posé par l'établissement du réseau paroissial dans le Sud du territoire portugais et également d'appréhender le cadre d'appropriation sociale des bénéfices ecclésiastiques de la part des seigneurs ici installés. Ce document nous intéresse en tant qu'image d'un réseau paroissial achevé dans les premiers decennies du xive siècle dans le Sud du Portugal. C'est pour cette raison que beaucoup de données fournies pour cette liste resteront inévitablement hors de l'analyse.
Installation et délimitation du réseau paroissial : l'encadrement religieux d'un espace seigneurial
5Restauré peu après la conquête d'Évora en 1165, le diocèse ayant son siège dans cette ville comprendre tout au long du Moyen Âge une vaste région s'étendant, grosso modo, depuis les rives du Tage jusqu'aux limites de la province d'Algarve. De fait, durant cette période, aucun autre pouvoir diocésain ne remit en cause la suprématie d'Évora sur ce vaste espace. La rivalité avec les pouvoirs diocésains ne fut pas tellement un affrontement entre évêques et chapitres concurrents ; elle vint plutôt de la part des ordres militaires, précocement installés dans la région et détenteurs de vastes zones du territoire conquis au cours du xiie siècle, et aussi, à un moindre degré, de la part des monarques eux-mêmes et de quelques nobles qui s'étaient taillé des seigneuries et tentèrent d'y rivaliser avec les évêques et les chapitres dans la détention des bénéfices et dans l'exercice de la juridiction sur les églises incluses ici. La relation entre ces pouvoirs au cours du xiie siècle, leurs stratégies de croissance et les accords obtenus déterminèrent en grande partie la carte ecclésiastique de cette région, quoique la connaissance concrète de ces phases de construction nous soit souvent interdite.
6Dans la partie qui se réfère au diocèse d'Évora, les exécuteurs de la bulle de Jean XXII inventorièrent quelque 99 églises, auxquelles ils affectèrent presque toujours un revenu8. Pour la plupart d'entre elles était précisée l'institution de tutelle ou détenant le droit de présentation ; pour les autres fut simplement stipulée le revenu. Ces 99 églises inventoriées9 sont réparties à travers tout le diocèse ; cependant toutes n'étaient pas siège de paroisse, ce qui nous empêche de reconstituer le réseau paroissial directement à travers ces données. De fait, ce problème est un des plus importants posés par la liste de 1320-132110 et la documentation disponible pour la région et la période concernées ne permet pas de le résoudre totalement.
7Relativement dispersée pour le xiiie siècle, la documentation régionale augmente significativement en volume au long du xive siècle. Mais, durant ce siècle, quand commencent à apparaître les documents émanant de la gestion patrimoniale de chaque église paroissiale, l'image dessinée est celle d'un réseau d'églises installées, avec des limites définies, remises en cause seulement à l'occasion des conflits autour du paiement des dîmes par l'un ou l'autre fidèle à la résidence douteuse ou au patrimoine s'étendant au- delà d'un seul territoire paroissial. De plus, la documentation utilisable pour la connaissance de la mise en place du réseau paroissial se résume en grande partie à des accords entre les différents pouvoirs installés dans la région, des donations royales d'églises déjà fondées et des chartes de présentation de clercs à différents bénéfices du diocèse. Seulement l'une ou l'autre délimitation de territoires entre églises, comme c'est le cas pour celle célébrée à Beja en 130011, ou quelques créations dispersées de collégiales, telles celles de Santa Maria de Beja, de Santa Maria et Santo Pedro d'Évoramonte, de Santo Antão d'Évora et de Santa Maria de Redondo12, nous permettent de mieux connaître l'organisation interne et le partage des revenus dans quelques églises et de dessiner avec quelque détail les limites entre paroisses. Enfin, la documentation laisse sans réponse de nombreuses questions relatives à l'établissement des églises et du réseau paroissial dans cette région, en particulier durant les premières décennies qui suivirent la reconquête chrétienne, et à l'instabilité qui marqua certainement le passage de la domination musulmane à la domination chrétienne.
8Ce laconisme documentaire constitue probablement le principal facteur d'explication à l'absence d'études sur l'établissement du réseau paroissial dans le Sud. De fait, les abords jusqu'alors tentés des origines des paroisses, notamment les plus classiques ont choisi comme champ d'étude les diocèses du Nord du Portugal et principalement les paroisses rurales, cherchant à voir dans la continuité du peuplement le lien des circonscriptions paroissiales des xie et xiie siècles avec les délimitations d'époque suève et wisigothique13. Ainsi, tout le Sud du Portugal est resté d'une certaine manière hors de ces analyses, parfois peu attentives aux spécificités de chaque région et au processus historique identitaire de chacune d'elles14.
9Les difficultés résultant de cette absence d'études spécifiques se joignent à celles qui sont inhérentes à une problématique historiographique de ce type. En effet, comme cela est souligné par tous les auteurs qui tentent d'étudier l'implantation d'un réseau paroissial, il est difficile de définir avec exactitude la date de création d'une paroisse ou de passage d'une chapelle ou autre lieu de culte à une église paroissiale et également de fixer la chronologie d'établissement de la géographie paroissiale15, d'autant plus que l'identification d'une église paroissiale est difficile à effectuer à travers la documentation.
10Normalement, on prend comme indice caractéristique de l'existence d'une paroisse la détention d'un baptistère et d'un cimetière, symboles de l'administration sacramentelle marquant l'existence d'une église à part entière16. Cependant, la paroisse est aussi — et elle le sera de plus en plus au cours du xiiie siècle — le centre d'un territoire délimité et le lieu privilégié de paiement de la dîme ecclésiastique17 et d'assistance au culte pour une population déterminée. La territorialité et la constitution d'une communauté de paroissiens seront donc deux facteurs supplémentaires à prendre en compte pour caractériser une église paroissiale18. Cependant, l'identification documentaire de ces facteurs est parfois difficile, notamment quand on cherche à dater à travers eux l'émergence d'un lieu de culte en tant qu'église paroissiale ou à établir la chronologie d'expansion d'une division ecclésiastique donnée19. Les difficultés se multiplient avec la diversité des lieux de culte au sein d'un même diocèse. En effet, tant le paiement de la dîme que l'administration de certains sacrements n'attestent pas par eux seuls le caractère paroissial de l'église en question.
11La taille de certaines paroisses, le manque de ressources des églises centrales, les difficultés de contrôle d'un espace vaste et encore peu peuplé sont des raisons pouvant engendrer dans certaines régions, comme c'est le cas du diocèse d'Évora, la délégation de fonctions religieuses et temporelles de certaines églises en faveur de chapelles, qui n'évoluèrent pas toujours jusqu'à devenir des centres paroissiaux. La liste des années 1320-1321 reflète encore un peu de cette hiérarchie ; quoique taxées dans leurs revenus, quelques-unes des églises citées peuvent ne pas être sièges de paroisse ou l'être depuis seulement peu de temps. En effet, il devient particulièrement difficile de retracer le mouvement de l'occupation paroissiale et les facteurs de définition du réseau pour une région qui fut le théâtre de mouvements militaires durant les xiie et xiiie siècles et sur la base d'une documentation produite en majorité par les vainqueurs chrétiens à la suite de leur installation. Dans le Sud, au contraire de ce qui a été tenté pour des régions au Nord du Portugal, comme on l'a dit, il est difficile sinon impossible de deviner dans les limites paroissiales établies - quand elles nous sont connues — la survivance d'anciennes frontières religieuses. En vérité, plus que l'hypothétique continuité d'éventuelles délimitations, il me semble qu'il faut chercher plutôt dans le réseau paroissial une adaptation à la dispersion des pouvoirs que provoqua la conquête militaire chrétienne et à l'interaction du réseau des puissants avec les populations installées20.
12La multiplication du nombre d'églises et la constitution de paroisses avec des délimitations territoriales fixes obéissaient en principe et avant tout à la préoccupation d'occuper le territoire peuplé et de l'organiser en accord avec une géographie ecclésiastique pouvant décalquer ou précéder l'organisation administrative elle-même. Au-delà des revenus résultant de l'exercice du patronage, sur lequel nous reviendrons, la possession d'une église ou l'organisation d'un espace au sein d'une paroisse pouvait conférer à l'institution détentrice un pouvoir accru sur la population et sur le territoire. Il découle de ceci que, plus que répondre à de simples questions de peuplement, la définition d'un réseau paroissial correspondait aux intérêts des groupes et des institutions implantées dans la région21.
13La dispute minutieuse opposant les évêques d'Évora aux frères de l'ordre d'Avis depuis les premières années du xiiie siècle jusqu'à la fin du Moyen Âge est un des exemples les plus clairs de l'importance que revêtaient la définition de la géographie ecclésiastique et la détention des patronages pour chacune de ces institutions22. Ce qui était en cause dans cette dispute était d'un côté les limites de l'exemption par rapport au pouvoir épiscopal - dont se prévalait l'ordre d'Avis de par son lien avec Calatrava — et ce qui se discutait était d'un autre côté le contrôle du territoire remis aux frères, contrôle pour la concrétisation duquel étaient essentielles une détention claire des patronages des églises au sein de leur aire d'influence et la diminution de la capacité d'intervention épiscopale.
14De même, en 1260, un accord tatillon définit les frontières de l'évêché d'Évora vers le nord avec un diocèse relativement récent et aux frontières floues, celui de Guarda ; curieusement, l'accord des prélats des deux diocèses, après quelques années de conflit, intégrait dans la zone de juridiction d'Évora toutes les localités détenues par l'ordre d'Avis dans la région Nord-Est du diocèse et laissait sous le contrôle de Guarda les localités qui, quoique localisées dans la zone au Sud du Tage, relevaient de l'ordre du Temple23, ordre dont le patrimoine se trouvait précisément majoritairement implanté dans le diocèse de Guarda24. De cette manière, la délimitation entre les diocèses semble, entre autres facteurs, avoir obéi à un critère de délimitation des aires d'influence des ordres militaires, dont les aires de juridiction auraient dicté en grande partie l'établissement de la frontière25. Ainsi ce n'est pas un hasard si le territoire de plus forte présence de l'ordre d'Avis (grosso modo la zone au Nord-Est d'Évora) correspond à la zone de plus précoce définition d'un réseau paroissial ponctué par des lieux de culte secondaires soumis aux églises mères.
15C'est dans cette même zone que, dans un accord conclu entre le Maître d'Avis et l'évêque Durão Pais en 1279, sont identifiées le plus de chapelles soumises à des églises paroissiales26, montrant un partage de l'espace religieux et une intégration des populations dans des unités religieuses restreintes, probablement à la suite du partage de circonscriptions antérieures.
16C'est ce qui arrive par exemple avec l'église Santa Maria de Avis, ville qui était siège de l'Ordre et à laquelle se trouvaient liées les chapelles de Cabeçâo, Cano, Sousel, Benavila e Figueira27, ou avec l'église Santa Maria de Estremoz à laquelle étaient soumises les chapelles de Santiago, de Santa Clara e de Santa Maria de Borba, ou encore avec l'église de Seda qui, en 1279, possédait les chapelles de Alperreão et Pedroso et avec Santa Maria da Fronteira liée à la chapelle de Vide.
17Ce statut était probablement conservé par plusieurs de ces églises lors de l'élaboration de la liste de 1320-1321. En effet, quoique plusieurs des églises mentionnées comme chapelles en 1279 n'aient pas de statut clair en 1320, la différence existant entre leurs revenus28 induit le maintien d'une hiérarchie des lieux de culte dans cette région. Ainsi, tandis que les églises d'Avis, Estremoz et Fronteira avaient des revenus aux alentours de 1°000 livres, beaucoup des églises identifiées en 1279 comme chapelles puis taxées en 1320 avaient de faibles sommes qui ne dépassaient pas dans certains cas deux douzaines de livres, telles celles de Pedroso et Figueira, ce qui nous permet de conclure qu'au moins quelques-unes d'entre elles maintenaient leur statut de dépendance.
18Le maintien d'un nombre relativement faible d'églises mères et la multiplication des chapelles correspondaient par ailleurs à une préoccupation centrale du clergé paroissial et des institutions détentrices de patronages29. La multiplication du nombre des paroisses et le partage de l'espace entraînaient toujours et inévitablement à partager les revenus. Ainsi, si la croissance démographique et la multiplication des centres d'habitat poussaient à augmenter le nombre des églises paroissiales, le risque de dispersion des revenus fonctionnait comme un frein à cette même augmentation30. La hiérarchie existant dans l'aire d'influence des frères d'Avis semble refléter exactement cette préoccupation de freiner la multiplication des églises mères, ancrant le réseau des églises mères aux centres les plus importants et répondant à l'accompagnement spirituel des fidèles par l'augmentation du nombre des chapelles. D'ailleurs, la documentation existant pour d'autres zones du diocèse révèle clairement, de la part du clergé paroissial déjà en place comme de la part des patrons, la préoccupation de contrôler la multiplication des paroisses.
19En 1200, peu d'années après la restauration du diocèse, l'évêque Paio célébra avec le Maître d'Avis un de ses premiers accords, qui constitue en outre un des plus anciens documents relatifs au diocèse. L'évêque et le Maître s'y accordaient sur le statut de l'église de Santo Miguel détenue par l'Ordre dans la ville d'Évora à côté de la cathédrale elle-même, les frères s'engageant à ne pas recevoir de dîmes ni d'aumônes ni autre paiement des paroissiens de l'évêque dans leur église, de même qu'ils s'engageaient à ne pas y célébrer de messes publiques à l'exception du jour du saint patron, la S. Miguel31. De la même manière, quelque 60 ans plus tard, en 1259, le monastère de S. Vicente, installé à Lisbonne mais détenteur de l'antique monastère S. Cucufate dont l'église avait été confirmée comme siège paroissial par le prélat d'Évora en 125532, établit avec João Moniz, recteur de l'église de Santa Maria de Beja, le partage des revenus du village de Cuba et de sa chapelle, dont les deux institutions se disputaient la possession. L'accord stipulait un partage attentif des revenus entre les deux églises et définissait aussi l'institution chargée de veiller à la célébration du culte et à la désignation du curé, ce qui montre le malaise causé inévitablement par la création de nouvelles paroisses.
20Le contrôle qui est visible depuis longtemps sur l'instauration de nouvelles paroisses et même sur la multiplication du nombre des chapelles peut avoir empêché un mouvement de recomposition des lieux de culte, attesté dans d'autres régions33, en particulier pour les xiiie et xive siècles. Sans nier que les altérations advenues au cours du Moyen Âge dans la distribution du peuplement ont déterminé des changements dans la géographie ecclésiastique, il est vrai que le caractère relativement « dirigé » du processus d'imposition du réseau paroissial depuis ses débuts a pu rendre inutile ce mouvement de recomposition en faveur d'une efficacité croissante du réseau. En effet, les exemples donnés ci-dessus renforcent l'idée déjà avancée selon laquelle la définition des principales églises paroissiales a suivi de près la carte de répartition des pouvoirs qui se sont installés ici de façon plus ou moins durable après la Reconquête. Il découle de ceci que, même dans la seconde moitié du xiiie siècle et dans les premières décennies du xive, la question se posait encore en termes de capacité d'encadrement des fidèles dans un nouvel espace religieux.
21L'érection de Cucufate comme siège de paroisse peu de temps après la donation faite par Afonso III au monastère de S. Vicente34 ou celle des églises d'Alvito, de Portel et Vila Boim et de Terena après l'installation, respectivement, des seigneuries d'Estevão Eanes, Joao Peres de Aboim et de Gil Martins toujours au cours du règne d'Afonso III35, constituent des exemples clairs de coïncidence entre le réseau paroissial et le réseau des pouvoirs seigneuriaux installés dans la région. Et même si l'antériorité de quelques-uns de ces lieux de culte est probable, coïncidant avec des lieux privilégiés de peuplement, la reconnaissance de leur statut paroissial et leur transformation en églises mères et ordonnatrices d'un réseau enserrant tout l'espace constituent une réalité postérieure à leur insertion dans une logique seigneuriale. De la même manière, la préoccupation visible dans la multiplication des desservants (raçoeiros) dans des églises comme Santo Antão d'Évora, Santo Pedro d'Évoramonte et Santa Maria de Redondo, déjà en plein xive siècle, montre que la question se posant encore était d'augmenter l'efficacité de l'assistance religieuse, en maintenant le nombre des églises mais en augmentant le nombre des desservants36.
22Mais la définition d'une géographie ecclésiastique n'intéressait pas seulement les institutions qui détenaient des biens en Alentejo mais aussi et avant tout les autorités diocésaines. L'exercice concret de la juridiction diocésaine sur un territoire ainsi découpé l'exigeait. En effet, les divers accords que, au long du xiiie siècle, évêques et chapitres avaient établis avec les ordres militaires, les couvents de Santa Cruz et de S. Vicente et avec les nobles s'implantant ici eurent précisément comme objectifs de définir les tributs que chaque église devait payer à l'évêque, au-delà de leur reconnaissance du domaine juridictionnel épiscopal37. La convergence de ces intérêts détermina l'imposition d'une géographie ecclésiastique polarisée par les principaux centres d'habitat. Dans ce contexte, l'appropriation et l'organisation des populations concentrées dans les noyaux urbains représenta une des tâches les plus précoces et importantes de ce processus d'organisation sociale de l'espace.
23De fait, c'est dans les villes, ayant très souvent assuré la continuité du peuplement au cours des convulsions militaires et de l'occupation seigneuriale38, qu'a été le plus tôt défini le partage de l'espace en unités religieuses. Comme il a été souligné par Hermenegildo Fernandes, l'établissement du réseau paroissial à Beja et le partage concomitant de l'espace urbain ont probablement précédé l'octroi du forai lui-même. C'est seulement ainsi que peut s'entendre la donation faite en 1253 au roi Afonso III des revenus des églises de la ville pour financer les travaux de la muraille39. La même chose a dû advenir à Évora ; quoique l'on ne puisse affirmer pour cette ville la précocité de l'établissement du réseau paroissial par rapport à l'octroi du forai, d'autant plus que celui-ci date de 1166 (c'est-à-dire de l'année postérieure à la conquête)40, on peut attester à partir des premières décennies du xiiie siècle l'existence d'un réseau paroissial qui se maintiendra dans sa quasi totalité durant les siècles suivants41. Ces exemples pourraient être étendus à d'autres localités du Sud, comme Montemor ou Elvas, où est visible la précocité de l'établissement d'un réseau paroissial qui subsistera le plus souvent au cours des siècles suivants42.
24La longue durée de ces circonscriptions nées au cours du xiiie siècle est depuis longtemps un fait qui suscite de nombreuses questions. Déjà Jean Gaudemet a souligné la survivance des géographies paroissiales urbaines définies aux xiie et xiiie siècles, qui ont souvent subsisté au moins jusqu'au xviiie siècle43. Cependant, ce qui se passe dans de nombreuses localités du Sud du Portugal est la définition d'un réseau paroissial dans les décennies postérieures à la conquête chrétienne, réseau qui restera en vigueur le plus souvent au long des siècles, en dépit des altérations subies par le tissu urbain. Les raisons explicatives de cette continuité doivent être recherchées, à mon avis, dans la conjugaison de divers facteurs. Il est évident que le réseau défini au début du xiiie siècle correspondait à une occupation démographique préalable à laquelle les unités religieuses sont venues donner une existence propre, d'autant plus que beaucoup des principaux noyaux parsemant le Sud du Portugal se maintinrent comme centres de peuplement au cours du passage de la domination musulmane à la domination chrétienne, comme nous l'avons déjà dit. La christianisation, dans quelques cas, d'anciennes mosquées transformées en lieux de culte chrétiens après la Reconquête, comme à Mértola et Elvas44, constitue un des indices les plus clairs de la manière dont le réseau paroissial tenta de s'adapter au tissu urbain préexistant.
25Cet indice est renforcé par les délimitations des paroisses qui nous sont connues. D'une manière générale, ces délimitations incluaient, comme à Évora et Beja, non seulement le périmètre enceint mais aussi les faubourgs de ces villes, parfois peu peuplés mais parsemés de parcelles détenues par les habitants de ces mêmes localités45. De même, on peut supposer, en dépit du manque d'informations, que quelques églises privées ou mozarabes peuvent avoir perduré, comme dans d'autres régions (ainsi à Lisbonne)46 en s'insérant dans la nouvelle géographie ecclésiastique.
26Cependant, les références à une possible continuité des lieux de culte sont rares ; ce qui appert de la documentation subsistante reflète plutôt une volonté de création et de définition d'un nouveau réseau paroissial, à l'encadrement seigneurialisé par les nouveaux pouvoirs implantés dans le Sud après la Reconquête chrétienne. De fait, un simple échantillon des vocables des églises méridionales renforce cette idée. En dépit des risques que comporte une analyse de ce type, l'absence des vocables wisigothiques ou même mozarabes est évidente dans les églises de cette région. En se limitant à une analyse des données fournies par la liste de 1320 et en excluant celles qui n'y figurent pas ou qui n'y apparaissent que sous le nom de leur localité, nous voyons que les vocables de Santa Maria, S. Pedro, S. Tiago, S. Salvador et S. João sont prépondérants. Deux églises de S. Mamede et de S. Antão à Évora, l'un ou l'autre temple remis à la protection de S. Bartolomeu, S. Lourenço ou S. Miguel complètent l'ensemble, ensemble qui paraît refléter une claire préoccupation de la part des autorités seigneuriales d'encadrer la nouvelle géographie ecclésiastique dans les normes de chrétienté latine47.
27La liste des églises 1320-1321 transmet donc l'image d'un réseau paroissial défini dans ses grands traits au cours du xiiie siècle, structuré par les principaux centres d'habitat du Sud, que ce soient des villes ou des villages, à partir desquels les églises étendaient leur influence sur les aires rurales environnantes à travers l'institution de chapelles, qui ne viendront que rarement assumer le statut d'église paroissiale48. Ainsi, tandis que les églises paroissiales tendaient à coïncider avec les centres polarisateurs de population et de pouvoir, les espaces intermédiaires étaient recouverts de lieux de culte suffragants des églises, dont la possession et le contrôle appartenaient à ceux qui trouvaient dans l'exercice du droit de patronage un revenu et un moyen supplémentaire de contrôler le territoire.
Patrons et clergé paroissial : le labyrinthe d'une relation
28Comme nous l'avons vu au début de cette analyse, la liste des églises de 1320-1321 inclut en certain cas la mention du détenteur du droit de présentation, en plus du revenu sur chaque église ; ces mentions permettent d'ébaucher une carte de la distribution des patrons et de leurs aires d'influence respectives.
29Il est évident qu'on ne peut déterminer, même de manière approximative, les revenus du droit de patronage, même si l'on peut supposer leur importance à travers l'âpreté des conflits opposant les institutions qui luttaient pour leur détention. Mais, au-delà des revenus qu'il lui assurait, il procurait au patron la capacité de placer aux bénéfices des ecclésiastiques ayant sa confiance, transformant ce privilège en une possibilité supplémentaire de rémunération de ses protégés et dépendants.
30Dans le Sud du Portugal, le patronage était un droit détenu surtout par les ordres militaires et parmi eux par les ordres d'Avis et Santiago, qui contrôlaient une part importante du territoire soumis à la juridiction diocésaine. À leur côté, seuls l'évêque et le chapitre, entant qu'autorités diocésaines, et le roi rivalisaient dans le nombre de présentations.
31En ce qui concerne les églises de patronage épiscopal et capitulaire, elles semblent se répartir en deux groupes principaux : l'un d'eux incorpore quelques-unes des collégiales les plus importantes et rentables, comme celles d'Evora, de Beja, à l'exception de Santa Maria, de Montemor et deux d'Elvas ; l'autre intègre quelques-unes des églises dispersées dans les centres plus petits mais limitrophes des villes ci-dessus, comme à Lavar et Arraiolos, entre autres. Dans la plupart de ces cas, la présentation incombait à l'évêque ou au chapitre, séparément ou conjointement, comme le laissent entrevoir les accords successifs conclus au cours du xiiie siècle entre les deux parties49.
32Dans d'autres, évèque ou chapitre n'avaient que le droit de présentation du prieur ou même seulement des autres clercs, cette situation provoquant une superposition de droits et d'intérêts parfois difficile à gérer50.
33Quant au monarque, il dispersait son droit dans un nombre peu significatif d'églises. Sur la base de la liste de 1320, le nombre d'églises de présentation royale n'est pas clair. Mais si nous recourons à quelques listes des présentations royales de prêtres, la situation s'éclaircit. En effet, on conserve dans le fonds des « Gavetas » de la Torre do Tombo, un nombre significatif de listes de présentation faites par les monarques à leurs églises. Bernardo Sa Nogueira en a étudié certaines relatives au règne de Dinis et a conclu à la faiblesse du nombre des présentations et des églises détenues par le roi dans ce diocèse en comparaison avec les diocèses plus au nord, comme Braga, Porto ou même Lisbonne51. Dans un codex daté de 1328, où sont listées les églises de présentation royale, on enregistre trois églises d'Elvas, deux de Terena, et les églises de Monforte et Monsaraz52, ce qui est faible en regard du nombre total d'églises du diocèse et que même les particularités du peuplement dispersé ne permettent pas de relativiser. En fait, l'exercice du droit de patronage de la part du roi semble faible dans cette région, d'autant plus que Afonso III, D. Dinis et leurs prédécesseurs recoururent fréquemment à la donation d'églises et de leurs droits comme récompense ou rémunération de services ou d'aides53. Les grands bénéficiaires de ce processus de transfert furent sans doute les ordres d'Avis et de Santiago.
34Dans la liste de 1320-1321, près de 30 églises appartenaient à Avis, c'est- à-dire un tiers des églises inventoriées dans le diocèse ; elles se dispersaient, comme nous l'avons dit, dans le Nord-Est du diocèse mais l'Ordre détenait aussi des églises dans d'autres zones, comme Beja, au Sud du diocèse, Elvas ou Coruche et Benavente, localités riveraines du Tage. Santiago concentrait son patrimoine et ses églises dans le Sud du diocèse, autour de Beja puis jusqu'aux limites de la chaîne d'Algarve. Près de 17 églises sont signalées comme appartenant à cet ordre, principalement dans une région où la production du blé le disputait à l'élevage et au pâturage.
35Les ordres du Temple et de l'Hôpital, le couvent de Santa Cruz et l'un ou l'autre noble complétaient ce panorama des patronages avec des chiffres oscillant entre un et deux temples, donc marginaux, dans la comptabilité globale. Dans le fond, c'était entre les deux ordres militaires et les autorités diocésaines que l'exercice du droit de patronage se jouait, autrement dit entre les frères d'Avis et Santiago et les chanoines et évêques d'Évora que se jouait l'équilibre des nominations de prieurs, vicaires et autres clercs assurant aux fidèles l'accompagnement spirituel ; mais c'était aussi dans leurs mains que se trouvait la capacité de gérer et distribuer les revenus et profits procurés par ces bénéfices.
36Incontestablement, beaucoup de ces églises et collégiales représentaient pour les chanoines de la cathédrale un revenu additionnel. Aussi bien dans les églises d'Évora que les collégiales de Beja de présentation capitulaire ou épiscopale, comme dans celles de Montemor, nous trouvons fréquemment des chanoines exerçant la fonction de prieur. Mais en excluant les cas où l'appartenance à la cathédrale nous permet parfois de connaître un peu mieux le parcours de ces clercs, notre méconnaissance du reste du clergé paroissial est totale et elle est accrue par les désignations utilisées.
37Les termes « vicaire » ou « recteur » surgissent à côté de la désignation plus fréquente de « prieur ». En effet, ce dernier est employé usuellement pour identifier le responsable d'une collégiale ou d'une église tandis que le vicaire est en règle générale employé pour désigner celui qui est chargé du culte au nom d'un autre54. « Recteur » est la désignation utilisée dans quelques églises comme Santa Maria de Beja avant sa donation à Avis et identifie dans ce cas normalement João Moniz, son recteur, clerc du roi et qualifié de fondateur en 1270. Selon le Droit Canon, « recteur » désigne le desservant d'une église non paroissiale mais ayant l'obligation d'y célébrer le culte55 ; dans ce cas, cela signifierait que Santa Maria de Beja, de même que Santa Maria de Montemor en 1259 ne seraient pas encore des églises paroissiales, ce qui ne me semble pas pouvoir expliquer une telle désignation.
38Au-delà de ces désignations plus ou moins vagues, il nous est peu donné à savoir sur la composition du clergé paroissial. Quelques-uns des prieurs désignés à ces églises étaient certainement choisis au sein des frères des ordres détenant le patronage ; d'autres seraient des chanoines de la cathédrale ou leurs proches mais leur identification se perd le plus souvent dans la brume de leur seul nom. Cependant, leur nomination est parfois l'objet d'âpres conflits. Le droit de présentation était fréquemment confondu avec le droit de nomination et chaque récusation de la part de l'évêque engendrait de longues arguties avec appel jusqu'au pape. Se voir refuser une présentation signifiait pour le patron une remise en cause de ses prérogatives et pour le présenté, un retard inévitable dans sa prise de possession. Pour certains de ceux-ci, la présentation à un bénéfice paroissial n'était rien d'autre qu'une étape dans une carrière qui se voulait profitable ; pour d'autres, c'était certainement la fin espérée d'une lente et difficile trajectoire.
39Mais la paroisse et l'église locale et leurs serviteurs constituaient sans doute les éléments représentant, avec les fidèles, l'incarnation du message chrétien, même dans un monde encadré depuis si peu de temps par le pouvoir chrétien, comme c'était le cas du Midi portugais au début du xive siècle.
Notes de bas de page
1 Monumenta Henricina, Coimbra, 1960-1971, vol. I, doc. 70-72, p. 133-142 e A. H. de Oliveira Marques, Portugal na crise dos séculos xiv e xv, Lisboa, 1987, p. 494.
2 Comme le montre J. M. Nieto Soria pour le cas castillan, les décimes ecclésiastiques furent concédées six fois en 100 ans aux monarques (entre 1250 et 1350). Pour le cas portugais, nous avons des mentions de concession de décime au moins pour les règnes suivants d'Afonso IV et Fernando I. Cf. J. M. Nieto Soria, Iglesia y poder real en Castilla. El episcopado, 1250-1350, Madrid, 1988, p. 123-137 et Iria Gonçalves, Pedidos e empréstimos públicos em Portugal durante a Idade Média, Cadernos de Ciência e Técnica Fiscal, n° 16, Lisboa, 1964, p. 181-190.
3 Au-delà des décimes, les monarques péninsulaires reçurent également de la papauté, à titre exceptionnel, les subsides de Croisade. Tous ces impôts étant destinés à financer, d'une manière ou d'une autre, la lutte contre les musulmans. Il est évident que l'arrêt du mouvement de Reconquête et donc de la phase la plus active du conflit entre les deux religions altéra les motivations dans leur contenu, même si l'évocation de la lutte contre un ennemi religieux se maintint. Voir sur ce sujet, pour une chronologie un peu plus tardive, J. M. Nieto Soria : Iglesia y genesis del Estado moderno en Castilla (1369-1480), Madrid, 1994, p. 322-337.
4 Parmi l'abondante bibliographie disponible sur les rapports de la Papauté et la lutte contre les musulmans, voir les analyses générales de Colin Morris, The Papal monarchy. The western Church from 1050 to 1250, Oxford, 1991 et de la désormais classique « Nouvelle histoire de l'Église » de M. D. Knowles, Nouvelle Histoire de l'Église. Le Moyen Age, Paris, 1968 avec la bibliographie qui y est indiquée.
5 À l'exception des diverses bulles de Croisade octroyées durant les premiers règnes, les monarques portugais sollicitèrent aussi la donation de tributs ecclésiastiques en 1341 et 1345 dans le cas d'Afonso IV et en 1376 puis vers 1383 dans le cas de Fernando I. Iria Gonçalves, op. cit., p. 183-190.
6 Au contraire de ce qui se passait avec les « terças », la collecte des décimes était faite par les collecteurs pontificaux nommés par les papes ou par des ecclésiastiques nommés par les collecteurs ; ainsi, les usurpations royales étaient rendues plus difficiles. J. M. Nieto Soria, Iglesia y poder real, p. 123-124.
7 Fortunato de Almeida, História da Igreja em Portugal, ed. revista e preparada por Damião Peres, Porto, 1967, vol. IV, p. 90-140.
8 Pour quelques églises, le revenu ne fut pas définie. Ainsi, pour les églises de Sto Antão de Évora, de S. Pedro et Santa Maria de Évoramonte et de Santa Maria do Lavar parce qu'elles relevaient de l'évêque et du chapitre d'Évora, pour celle de Santa Maria de Montemor parce qu'elle dépendait exclusivement de l'évêque, pour celle d'Arronches parce qu'elle avait été taxée avec le monastère de Santa Cruz de Coimbra dont elle dépendait, et pour celles de Moura e de Serpa parce qu'elles dépendaient du monarque. Certaines n'avaient pas été taxées probablement à cause de leur pauvreté, telles celles d'Ervedal e d'Alperreão.
9 Nous excluons de ce comptage les églises de Crato, Amieira et de Portel indiquées à la fin de la liste comme relevant de l'Ordre de l'Hôpital et du prieuré de Santa Maria dos Mártires.
10 Maria Alegria Fernandes, « O clero - homens de oração e de acção », Nova História de Portugal, vol. III — Portugal em definição de fronteiras. Maria Helena Coelho, Armando Luís Carvalho Homem (dir.), Lisboa, 1996, p. 229-230
11 ANTT, Ordem de Avis, n° 127.
12 Arquivo do Cabido da Sé de Évora (dorénavant cité ACSE), EE4, EE5b, EE5b et ANTT, Ordem de Avis, n° 130.
13 Alberto Sanipaio, As villas do Norte de Portugal, Estudos bistóricos e económicos, I, Porto, 1923 ; Miguel de Oliveira, Asparóquias rurais portuguesas. Sua origem e formação, Lisboa, 1958 ; Avelino de Jesus da Costa, O bispo D. Pedro e a organização da diocese de Braga, 2 vol., Coimbra, 1959.
14 De fait, il n'existe aucune étude qui cherche à résoudre directement la question du réseau paroissial méridional, quoique certaines œuvres contiennent des références à cette problématique. Voir, entre autres, Maria Ângela da Rocha Beirante, Évora na Idade Média, Lisboa, 1995, où l'on peut trouver quelques données relatives au réseau paroissial et aux différentes églises de cette cité ; Hermenegildo Fernandes, Organização do espaço e sistema social no Alentejo medievo. O caso de Beja, dissertação de mestrado cm História Medieval, polycopié, Lisboa, Faculdade de Ciências Sociais e Humanas da Universidade Nova de Lisboa, Lisboa, 1991 ; et plus récemment Stéphane Boissellier, Naissance d'une identité portugaise. La vie rurale entre Tage et Guadiana de l'Islam à la Reconquête (xe-xive siècles), Lisboa, 1998.
15 Jean Gaudcmet, Le gouvernement de l'église a l'époque classique, II - Le gouvernment local, Paris, 1979, p. 227-228.
16 Michel Aubrun, La paroisse en France, des origines au XVe siècle, Paris, 1986, p. 96 ; Avelino de Jesus da Costa, O bispo D. Pedro, vol. I, p. 93. J. Avril, cependant, attire l'attention sur la nécessité de ne pas chercher à identifier une église paroissiale exclusivement sur la base de l'existence de fonts baptismaux Joseph Avril, « Église, paroisse, encadrement diocésain au xiiie siècle d'après les conciles et status synodaux », La paroisse en Languedoc. Cahiers de Fanjeaux, Toulouse, n° 25, 1990, p. 23-49.
17 Au contraire de ce qui advenait fréquemment à l'époque wisigothique, où les églises paroissiales n'exerçaient pas toujours une juridiction sur un territoire déterminé. José Mattoso, « A história das paroquias cm Portugal », Portugal medieval. Novas interpretações, Lisboa, 1984, p. 37-56. Une opinion différente est cependant défendue par Miguel de Oliveira, Asparóquias rurais portuguesas, p. 53-63.
18 J. Gaudemet, Le gouvernement, p. 224. La notion de fregueses, filigreses ou filii ecclesiae, constitua un concept fondamental dans l'analyse de Miguel de Oliveira, pour qui ces expressions exprimaient des relations de nature ecclésiastique visibles depuis les xie et xiie siècles, concrétisées à travers la réception des sacrements d'une église donnée et l'obligation de paiement des contributions à un curé déterminé. Miguel de Oliveira, As paróquias rurais portuguesas, p. 117-120.
19 Parfois, bien sûr, apparaît le vocable « paroisse » lui-même pour définir une église. Cependant, dans certains cas, son emploi développe les doutes au lieu de les lever, en particulier au début du xiiie siècle, période marquée par la fluidité des limites. Dans un document des alentours de 1200, auquel nous nous référerons plus loin, la cathédrale est clairement identifiée comme siège de parochianis, tandis qu'une autre église située dans Évora mais sans droits paroissiaux est appelée capella. ACSE, CEC 3-III, f° 19. Près de 11 ans plus tard, au moment de la confirmation de donation d'une église de Montemor au monastère de S. Vicente de Lisbonne, par un chanoine d'Évora, l'église de Santo Mateus est dite avoir été donnée integre cum parrochia, er cependant cette église ne sera pas siège de paroisse durant les siècles suivants, disparaissant même sans laisser de traces. ANTT, Mosteiro de S. Vicente de Fora, 1a inc., mc. 1, n° 40 e n° 41.
20 Comme le dit S. Boissellier « fonder une église, c'est marquer une présence, affirmer (ou renforcer) un droit de possession et de commandement et implanter une structure susceptible d'attirer des colons » : Stéphane Boissellier, op. cit., p. 165.
21 Sur les facteurs sous-jacents à la création et à la définition de paroisses autres que le peuplement, voir Saúl Antonio Gomes, « Organização paroquial e jurisdição eclesiástica no priorado de Leiria nos séculos xii a xv », Lusitania Sacra, Lisboa, 2a série, 4, 1992, p. 163-310.
22 Sur ce conflit voir Hermínia Vasconcelos Vilar, As dimensões de um poder. A Diocese de Évora na Idade Média. Lisboa, 1999, p. 245-269 et idem, « A diocese de Évora e a Ordem de Avis : dois poderes em confronto na centúria de Duzentos », As ordens militares em Portugal e no Sul da Europa, Actas do II Encontro sobre Ordens Militares, Palmela, 1997, p. 271 -284. Les plus récentes et importantes études sur l'Ordre d'Avis sont dues à Cristina Cunha, A ordem militar de Avis (das origens a 1329), dissertação de mestrado em História Medieval, polycopié, Porto, 1989 et idem, « A Ordem de Avis e a monarquia porruguesa até ao final do reinado de D. Dinis », Revista da Faculdade de Letras do Porto, Porto, II série, vol. XII, 1995, p. 113-123.
23 Le texte de cet accord se trouve copié dans le cartulaire de la Sé d'Évora, ACSE, CEC 3-III, fl 266- 268v et fut publié par Julio César Baptista, « Limites da diocese de Évora », A Cidade de Évora, Évora, n° 55, 1972, p. 239-261. Sur le contenu de ce document et les raisons qui auraient été à la base de la délimitation, voir Hermínia Vasconcelos Vilar, « Uma fronteira entre poderes : as dio- ceses de Évora e da Guarda no Nordeste alentejano », Revista de Guimarães, Guimarães, 1996, vol. 106, p. 253-274.
24 Une vision globale sur la dispersion du patrimoine de l'Ordre d'Avis se trouve dans l'étude de Cristina Cunha, A ordem militar de Avis.
25 En effet, l'accord établi entre les évêques d'Évora et Guarda sanctionnerait l'avancée des frontières de ce dernier au sud du Tage, englobant dans l'aire de sa juridiction les localités détenues par les Templiers. Seule l'église templière d'Ares ou Arez se Trouvait sous la juridiction épiscopale d'Évora.
26 ACSE, CEC 3-III, f° 23v-27v.
27 Pour avoir une idée de la différence de l'importance de ces temples, rappelons que ces cinq églises étaient taxées à 696 livres, dont 541 pour celle de Sousel et le reste pour les quatre autres églises, tandis que Santa Maria de Avis avait 1°631 livres.
28 Les difficultés à prendre les impositions comme des données absolues et comme un reflet direct des revenus des églises ont déjà été soulignées par plusieurs auteurs. Cependant, ces chiffres permettent sans grandes marges d'erreur d'établir une vision comparative.
29 En 1534 une visite dans l'aire du diocèse fut faite, au cours de laquelle furent visitées de nombreuses églises et noté le nombre de paroissiens et de chapelles desservies annexes des églises. En dépit de la distance chronologique entre les deux documents et en se méfiant de quelques interprétations hasardeuses, il serait utile de comparer les églises et chapelles desservies à ces deux moments (Biblioteca Pública de Évora, Cód CXXIII/1-1).
30 Iluminado Sanz Sancho, dans sa thèse sur le diocèse de Cordoue, a analysé lui aussi la définition de la géographie ecclésiastique en montrant comment celle-ci a d'abord cherché à recouvrir les noyaux de peuplement puis les a réorganisés. Iluminado Sanz Sancho, La iglesia y el obispado de Cordoba en la Baja Edad Media, 2 tomes, Madrid, 1989, vol. II, p. 276-290.
31 ACSE, CEC 3-1 III, f ° 19.
32 ANTT, S. Vicente de Fora, 2a inc., cx 18, n° 60.
33 Iluminado Sanz Sancho, op. cit., p. 280-290 e José Mattoso, « A história das paróquias em Portugal », Portugal medieval. Novas interpretações, Lisboa, 1992 (2e éd.), p. 43.
34 ANTT, S. Vicente de Fora, 2a inc., mç 71, n° 14.
35 ACSE, CEC 3-III, f° 45v-46 et 46-47, et ANTT, Convento da Santissima Trindade de Santarém, mç 2, n° 114 pour les accords avec Gil Martins et Estevão Eanes. En ce qui conerne João Peres, voir la documentation publiée par Pedro de Azevedo et Anselmo Braancamp Freire « Livro dos bens de D. |oâo de Portel (cartulário do século xiii) », Archivo Histórico Português, vols 4 a 7, Lisboa, 1906-1910.
36 ACSE, EE 5b et EE 8c.
37 La majeure partie des accords lut établie entre les années quarante et soixante du xiiie siècle, notamment durant le gouvernement de Martinho Pires. Ces accords posèrent les bases des relations entre les autorités diocésaines et les institutions installées dans le Sud pour les décennies suivantes. Hermínia Vasconcelos Vilar, As dimensões de um poder, p. 289.
38 Sur le réseau urbain sous domination musulmane, voir les œuvres déjà signalées qui ont le Sud du territoire comme cadre d'analyse et la bibliographie qui y est citée. De toute manière, l'étude désormais classique de Leopoldo Torres-Balbás, Ciudades Hispano-Musulmanes, 2 tomes, Madrid, 1972, reste importante.
39 Hermenegildo Fernandes, op. cit., p. 43. Le document est ANTT, Chancelaria de D. Afonso III, 1° 1, f° 3v et ADE (Arquivo Distrital de Évora), 1° 166-Documentos da Torre do Tombo (1223-1265), f° 4 et a été publié par Gabriel Pereira, Documentos históricos da Cidade de Évora, Lisboa, rééd. 1998, p. 24.
40 Ângela Beirante, Évora na Idade Média, p. 657-661 sur l'octroi du foral.
41 L'accord célébré en 1271 entre l'évêque Durão et le roi Afonso III révèle déjà l'existence de différentes églises à Évora, même s'il ne les précise pas. Cependant, on trouve un recteur de S. Pedro en 1215 (ACSE, CEC 3-III, f° 92v) et des prieurs à partir du milieu du xiiie siècle (Ângela Beirante, Évora na Idade Média, p. 56). En ce qui concerne l'église de Santiago, on a une première référence à un prieur en 1224 et ces mentions se multiplient durant les décennies suivantes (Biblioteca Pública de Évora, Cod CXXVIII/1-3, f° 74-75) ; S. Antoninho a une référence à un vicaire perpétuel au moins depuis 1280 (ACSE, CEC 3-III, f° l-3v).
42 Pour Montemor, voir l'étude de Jorge Fonseca, Montemo-o-Novo no século xv, Montemor, 1998, où l'auteur retrace l'origine des paroisses ; pour Elvas, Fernando Branco Correia, Elvas na Idade Média, dissertação de Mestrado em História Medieval, polycopié, Lisboa, 1999, 2 vol., notamment p. 191-193 du vol. I.
43 J. Gaudemet, op. cit., p. 228.
44 Santiago Marias, Mértola Islâmica. Estudo histórico-arquitectónico do bairro da Alcáçova (séculos xii- xiii), Mértola, 1996, p. 23-24 et Fernando Branco Correia, ob. cit., p. 187-190.
45 La délimitation des cinq paroisses d'Évora incluait en leur sein non seulement le noyau fortifié par la muraille romaine et médiévale mais aussi les faubourgs qui viendraient à être inclus au xive siècle dans la nouvelle enceinte. Ângela Beirante, Évora na Idade Média, p. 40-50. A Beja, la délimitation paroissiale réalisée en 1300 ne se limitait pas au noyau mais étendait ses frontières jusqu'à la zone rurale. ANTT, Ordem de Avis, n° 127.
46 J. Mattoso, « A história das paróquias », p. 45 et A. Vieira da Silva, « Evolução paroquial de Lisboa », Revista Municipal, 3, 1942, n° 13-14.
47 Les vocables des églises mériteraient une analyse spécifique qui n'entre pas dans le cadre de ce travail. Mais il serait utile d'établir une liste la plus complète possible des vocables et hagiotoponymes en les mettant en rapport avec la chronologie de leur diffusion. Voir l'analyse faite par Avelino de Jesus da Costa, O bispo D. Pedro, p. 307-359.
48 Si nous comparons l'échantillon fourni par la liste de 1320 avec celui de la visite épiscopale réalisée en 1534, par laquelle on a un échantillon des églises et chapelles desservies, nous constatons que les églises sont dans leur majorité semblables à celles du début du xive siècle, contrairement aux chapelles qui se sont multipliées. Par ailleurs, la comparaison de ces deux documents renforce l'idée, déjà avancée, selon laquelle l'espace d'une paroisse fut valorisée par la multiplication des lieux de culte suffragants plutôt que par un partage de l'espace.
49 Les accords entre les évêques et les chapitres furent nombreux, accompagnant la croissance du patrimoine diocésain. Parmi les plus importants sont ceux de 1206. de 1220, de 1264 et de 1301 et 1302, dans lequels les biens acquis ou reçus en donation entre-temps furent l'objet d'un partage en accord avec la formule définie lors de l'institution du chapitre en 1200 de 2/3 au prélat et 1/3 au chapitre.
50 C'est le cas de Santa Maria de Beja, dans laquelle la présentation du prieur revenait à l'Ordre d'Avis et celle des autres clercs aux autorités diocésaines d'Évora. Cette situation motivait de fréquents conflits, qui s achevèrent seulement en 1446 quand l'évêque céda son droit de présentation au Maître d'Avis.
51 Bernardo Si Nogueira, « O padroado régio dionisino (1279-1321) entre a organização episcopal e a chancelaria régia », Arqueologia do Estado — las Jornadas sobre formas de organização e exercício dos poderes na Europa do Sul (séculos xiii-xviii), 2 vols, Lisboa, 1988, vol. I, p. 424-425.
52 ANTT, Gavetas, gaveta 19, mç 6, n° 4.
53 Sur les donations des monarques à l'Ordre d'Avis, voir l'article de Cristina Cunha, « A Ordem de Avis e a monarquia portuguesa ».
54 L'église de Santo Antão d'Évora est normalement occupée par un vicaire.
55 R. Naz, « Recteur », Dictionnaire de Droit Canonique, tome VII, p. 484-488.
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