L’exercice de la prédication pastorale en Hongrie à la fin du Moyen Âge
p. 325-336
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Index géographique : France
Texte intégral
1Les travaux menés ces vingt dernières années sur la prédication pastorale en Occident au Moyen Âge ont établi les faits suivants1. Dans le sillage des décisions prises au ive concile du Latran en matière d’encadrement religieux des fidèles, la figure du prédicateur s’imposa lentement au cours du xiiie siècle, que ce soit dans le cadre de la paroisse, comme en dehors de celle-ci. Chargés d’une mission primordiale pour la survie de l’Église – rappeler à tous le contenu de la « vraie » foi (en particulier face à l’hérésie) –, les prédicateurs exerçaient sur les fidèles un pouvoir s’étendant jusqu’à la direction de conscience ; surtout pour les croyants qui, nombreux, n’avaient pas accès à la littérature spirituelle. Évêques et curés prêchaient régulièrement depuis le haut Moyen Âge, mais les membres des ordres mendiants acquirent à partir de la fin du xiiie siècle un poids écrasant en matière de prédication, s’imposant comme de véritables « professionnels de la Parole ». Familiers des techniques de composition des sermons élaborées à l’apogée du courant scolastique, ils ne perdaient pas de vue pour autant la nécessité d’adapter leur discours à un auditoire souvent ignorant et faiblement motivé. D’où le recours à divers procédés didactiques, dont les fameuses anecdotes édifiantes (exempla), mais sans certitude de résultat2 !
2Les présentations générales de la prédication médiévale se fondent à peu près exclusivement sur des exemples choisis dans la Chrétienté occidentale (notamment en France) ; elles ignorent les données relatives aux marges orientales de celle-ci, Bohême, Pologne et Hongrie, pour d’évidentes raisons d’accessibilité. Le contexte religieux et ecclésiastique de l’Europe du Centre-Est, très spécifique à de nombreux points de vue, interdit pourtant d’appliquer a priori à cette région les conclusions établies à partir de cas occidentaux. Évangélisation tardive (autour de l’an Mil), faible densité du maillage paroissial, naissance tardive des premières universités, succès précoce et prolongé des ordres mendiants (jusqu’à la crise hussite en Bohême) font de ces trois royaumes un espace à part au sein de la Chrétienté latine pendant tout le Moyen Âge3. La prédication ne pouvait s’y dérouler exactement dans les mêmes conditions qu’en Occident. Le royaume de Hongrie (avec ses frontières médiévales, incluant la Transylvanie, la Slovaquie et la Croatie) constitue dans cette perspective un champ d’investigation privilégié : il se distingue en effet par l’absence d’université jusqu’à l’extrême fin du xve siècle (en dehors de créations éphémères), par le développement exceptionnel du réseau des couvents mendiants et enfin par les rapides progrès de la Réforme luthérienne dans les villes, peu après 15204.
3La documentation se rapportant à la prédication pastorale en Hongrie médiévale ne commence véritablement qu’à partir des dernières décennies du xive siècle (et encore, pour certains types de sources seulement)5. Elle est assez abondante à partir du xvie siècle ; la diffusion des idées réformées modifiant à la fois la pratique et les enjeux de la prédication, il convient cependant de ne pas aller au-delà des années 1520.
4Faute de séries continues, il est impossible d’aborder ce siècle et demi autrement que dans sa globalité. L’inégale conservation des documents fait que l’on ne peut même pas établir de comparaison entre prédication séculière et régulière, entre celle provenant de membres d’ordres religieux différents, ou encore entre modèles théoriques de sermons et sermons réellement prononcés. On n’a conservé aucune trace écrite de sermons composés par des prêtres de paroisse, ou par des évêques (ni prédication synodale destinée au clergé diocésain, ni prédication s’adressant aux fidèles de la cathédrale)6. Les premiers sermonnaires à vocation pastorale ne sont pas antérieurs aux années 1490, et ils sont tous l’œuvre de frères mendiants. Michael de Ungaria, dont l’appartenance à l’ordre de saint Dominique n’est pas formellement prouvée, s’est vu récemment attribuer une trentaine de sermons7. Les recueils de sermons composés en Hongrie se limitent presque exclusivement à ceux que les deux franciscains observants Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó publièrent à partir de la fin des années 1490, à l’intention d’utilisateurs hongrois comme étrangers8. Les développements qui suivent s’appuient donc pour une large part sur les passages de ces deux sermonnaires relatifs à l’exercice de la prédication pastorale. En dépit de leur succès international, les sermons de Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó n’ont pas fait l’objet d’une édition critique intégrale9.
5J’ai également utilisé les statuts synodaux hongrois promulgués à cette période (intégralement édités), pour les recommandations qu’ils adressent aux clercs ayant charge d’âmes en matière de prédication. Enfin, les données quantitatives fournies par les registres de comptabilité municipale (partiellement publiés quant à eux) apportent des indications précieuses, et souvent uniques, sur la position sociale des prédicateurs urbains.
6Pour appréhender les données du contexte, les travaux publiés dans la première moitié du xxe siècle (en hongrois) restent très utiles. Outre les ouvrages généraux brossant à grands traits l’histoire de la prédication en Hongrie10, on dispose de plusieurs biographies des deux prédicateurs franciscains, incluant parfois un aperçu de leurs œuvres11. Leurs sermons ont été examinés sous l’angle littéraire12, plus rarement du point de vue de leur contenu spirituel13. Les monographies récentes présentent l’arrière-plan intellectuel des sermons dominicains du xive siècle14, montrent l’apport linguistique des fragments de sermons les plus anciens15 et analysent le traitement d’un thème précis à travers les siècles16. Sous le régime communiste, le message social de Pelbart de Temesvár a opportunément retenu l’attention17. Lajos Pásztor a consacré quelques paragraphes, voici plus de soixante ans, au discours que tiennent les deux franciscains hongrois sur la prédication elle-même (en une sorte de « métalangage »)18 ; cette piste n’a pas été explorée depuis lors.
7Mon objectif n’est évidemment pas, dans un cadre aussi restreint, de présenter l’ensemble des informations disponibles sur la prédication pastorale en Hongrie médiévale. L’analyse du contenu théologique et moral des sermons de Pelbart de Temesvár et d’Osvald de Laskó (et la question corollaire de l’efficacité du message qu’ils diffusaient) mériterait, à elle seule, un livre entier19. Comme l’indique le titre, volontairement restrictif, du présent article, il s’agira seulement d’examiner ici les circonstances dans lesquelles se déroulait la prédication destinée aux fidèles.
8Quelle place occupait la prédication dans le ministère pastoral en Hongrie à cette période (en théorie et en réalité) ? Qui s’attelait à la tâche (d’amont en aval, c’est-à-dire de la composition des sermons jusqu’à leur prononciation effective) ? Dans quelle mesure l’auditoire parvint-il à faire évoluer l’exercice de l’ars praedicandi ? C’est à ces trois interrogations que j’aimerais apporter quelques éléments de réponse, à partir des documents évoqués précédemment.
9La consultation des sources normatives hongroises montre que les dirigeants de l’Église de Hongrie accordaient au Moyen Âge une grande importance à la prédication, parmi les différentes tâches incombant aux clercs ayant charge d’âmes. Elle fut très tôt exigée de ceux-ci, de manière périodique (chaque dimanche et fête), et entra dans les critères d’admission à la prêtrise. Dès le tournant des xie et xiie siècles, le premier concile national tenu à Esztergom formulait à l’intention des desservants de toutes les églises du royaume l’obligation de prêcher lors de chaque messe dominicale20. Tout futur prêtre devait donner satisfaction lors d’un exercice de prédication avant de pouvoir être ordonné (au début du xiie siècle au plus tard)21. Reprenant souvent les termes mêmes des canons de Latran IV, les textes issus des assemblées ecclésiastiques hongroises rappellent jusqu’à la veille de la Réforme (à Buda en 1279, comme au synode de Veszprém de 1515) le devoir de prédication régulière des clercs ayant charge d’âmes22.
10Les sources littéraires anciennes, ainsi que l’Obsequiale d’Esztergom (1496) montrent que des sermons étaient prononcés à d’autres occasions que la messe dominicale ou celle des jours de fêtes, en particulier lors des funérailles (soit pendant la messe funèbre, soit super sepulchrum, c’est-à-dire après la mise en terre)23. Cet usage n’avait rien d’original s’agissant des funérailles de personnages illustres – le sermon prononcé par l’archevêque d’Esztergom lors des funérailles du roi Charles-Robert en 1342 est ainsi rapporté par la Chronique de Thuróczy rédigée à la fin du xve siècle –. Le sermon suivant l’Oraison funèbre montre qu’il s’étendait à tous les fidèles défunts dès la fin du xiie siècle24.
11Les statuts synodaux de l’extrême fin du Moyen Âge justifient soigneusement l’importance de la prédication : c’est en chaire que les clercs donnent aux fidèles l’essentiel de leurs connaissances religieuses, qu’ils leur formulent des recommandations morales et diffusent les informations diverses (paroissiales, diocésaines ou nationales), qu’elles aient un caractère religieux ou non25. Il s’agissait donc d’un instrument fondamental de l’encadrement des fidèles ; tandis que la confession avait pour principale fonction de préparer les paroissiens à recevoir la communion, et ce seulement une fois par an26.
12Les auteurs de sermons de cette période, Michel de Hongrie, comme Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó, soulignent dans leurs œuvres homilétiques l’importance et l’utilité de la prédication. Il ne faudrait point y voir un manque de modestie de leur part, mais bien une conviction personnelle, acquise d’expérience. Les deux franciscains insistent notamment sur l’importance de la prédication dans la vie religieuse des fidèles ; les moins instruits étant incapables d’acquérir par eux-mêmes des connaissances sur la voie du salut (ignorantes necessaria ad salutem), écouter un sermon constituait pour eux l’unique moyen de satisfaire leur faim spirituelle. Comme les statuts synodaux de la fin du Moyen Âge, Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó écrivent en introduction à leurs sermonnaires que c’est grâce à la prédication que les paroissiens peuvent distinguer le bien du mal, savoir quelles sont les actions qui, méritoires, conduisent au bonheur éternel, et quelles sont celles qui sont punies par l’Enfer, quelle est l’utilité du mariage, des vertus, des vocations sacerdotales, etc. Osvald de Laskó ajoute que le bénéfice d’un sermon touche tous les âges de la vie, de la prime enfance à la vieillesse. Il va jusqu’à affirmer qu’il vaut mieux entendre un sermon qu’une messe, au cas où les deux à la fois seraient impossibles. La force d’un sermon est supérieure à celle de la célébration eucharistique, argue-t-il, car le sermon incite à la conversion même ceux qui se trouvent en état de péché mortel, alors que le Corps du Christ ne peut (dans ce cas) les sauver27.
13Peut-on voir dans le caractère insistant et répétitif de ces recommandations (celles que comportent les statuts synodaux comme celles que formulent les deux prédicateurs franciscains) un aveu d’échec ? D’aucuns l’on fait, affirmant que les clercs de paroisse négligeaient encore leur devoir de prédication à la fin du Moyen Âge28 ; la consultation d’un éventail de sources plus large tend à infirmer cette hypothèse, au moins pour les paroisses urbaines. Bien qu’aucun manuscrit autographe, ni aucune collection de sermons constituée a posteriori par un curé hongrois n’aient été conservés, on sait que les desservants paroissiaux, comme leurs ouailles, tenaient beaucoup à cette partie de leur ministère. En témoignent le recrutement et le statut des prédicateurs attitrés dans les paroisses hongroises à partir du xve siècle ; on verra plus loin que, dans les villes, ils étaient honorablement rétribués et provenaient souvent du patriciat urbain. Les donations testamentaires effectuées par les citadins à l’intention du prédicateur (séculier) de leur paroisse confirment par ailleurs l’impression selon laquelle les fidèles étaient particulièrement attachés à ce clerc, au moins autant qu’aux autres chapelains paroissiaux29. L’âpreté des conflits qui opposaient les curés urbains aux frères mendiants à propos de la prédication montre également l’importance que les premiers attribuaient au ministère de la Parole. Sans entrer dans le détail, il faudrait rappeler que ces litiges éclatèrent à maintes reprises dans les villes et bourgades du royaume magyar, du milieu du xiiie siècle jusqu’à l’arrivée de la Réforme (en 1522 encore à Selmecbánya), impliquant en particulier les Dominicains30. Certes, ils doivent être placés dans le contexte des relations difficiles entre séculiers et mendiants dans l’ensemble de la Chrétienté. Comme pour les querelles portant sur l’administration des sacrements, l’enjeu était en grande partie matériel, puisqu’il s’agissait avant tout pour les prêtres de paroisse d’empêcher le possible détournement au profit des frères mendiants du produit des legs et des aumônes. Mais il n’y avait sans doute pas que cela : dans un territoire comme celui de la Hongrie, où les responsables de paroisses (surtout urbaines) vivaient confortablement à la fin du Moyen Âge, l’objectif était aussi de conserver l’un des instruments les plus efficaces de leur pouvoir moral et spirituel sur les habitants31.
14À qui confiait-on cette tâche jugée indispensable ? Je n’insisterai pas sur le rôle des évêques en matière de prédication : en Hongrie comme dans l’ensemble de l’Occident, surtout dans les premiers temps de l’évangélisation du pays, l’évêque était censé édifier par la qualité de ses sermons les foules réunies à la cathédrale d’une part, et montrer l’exemple aux clercs de son diocèse, d’autre part. Après saint Gérard32, de nombreux évêques hongrois se rendirent célèbres par leurs talents en la matière33. À partir du xive siècle au plus tard, l’exercice de la prédication ordinaire dans la cathédrale revint à l’un des chanoines de celle-ci : on en a la preuve à Esztergom d’après l’acte de visite particulière de 1397, comme à Pécs en 142834. On a vu plus haut que les curés tenaient à cette part de leur ministère, notamment dans les villes. Ceux des modestes paroisses villageoises se chargeaient eux-mêmes de prêcher ; c’est à eux que s’adressent tout spécialement les auteurs de sermonnaires de la fin du xve siècle, on le verra.
15Les sources indiquent cependant que, dès le xiiie siècle, certains responsables paroissiaux préféraient recruter un clerc spécialement affecté à cette tâche, soit de manière temporaire et ponctuelle (pour l’Avent et le Carême), soit (à partir du xve siècle) de façon permanente, pour tous les sermons des dimanches et fêtes. D’après la documentation se rapportant à 25 villes et grosses bourgades hongroises, le tiers au moins des paroisses urbaines du royaume disposait d’un prédicateur permanent dans les années 148035. Les assemblées ecclésiastiques durent alors, comme en Occident, poser des conditions au recrutement des prédicateurs. Dès 1279, le concile de Buda ordonnait aux prêtres de paroisse de n’employer que des clercs munis d’une autorisation spécifique, obtenue soit de l’évêque du diocèse, soit du pape. Le synode de Szepes en 1460, puis ceux de Nyitra en 1494 et de Veszprém en 1515 réitérèrent cette obligation36. Il s’agissait d’empêcher les apostats et les clercs gyrovagues d’exercer une quelconque influence religieuse, par la prédication ou la confession (comme le précise l’un des statuts rédigés au synode de Szepes). L’assemblée synodale de Veszprém se montra plus exigeante : elle condamnait ceux qui devenaient prédicateurs itinérants pour gagner leur vie37. Le ministère de la Parole ne devait pas devenir un métier comme un autre…
16À la différence des curés de France du Nord et de l’Empire38, les curés hongrois refusèrent manifestement d’avoir recours aux frères mendiants, que ce soit en complément ou en remplacement du clerc séculier prêchant habituellement dans l’église paroissiale. L’évolution des carrières des prédicateurs exerçant leur art dans les églises paroissiales montre sans ambiguïté que ceux-ci appartenaient bien au clergé séculier39. Ils occupaient une place intermédiaire dans le clergé de la paroisse : bien qu’étroitement dépendants du curé, ils se situaient bien au-dessus des (autres) chapelains, par leur niveau de rémunération et par leur respectabilité40. Certains postulaient ensuite à des cures urbaines, on l’a vu, alors qu’elles demeuraient fermées aux (autres) membres du bas clergé. Leur origine sociale témoigne de leur degré d’honorabilité : les noms de prédicateurs dont on dispose pour les paroisses urbaines montrent qu’ils étaient généralement issus du patriciat de la ville même dans laquelle ils exerçaient leur fonction, ou de celui des villes voisines41.
17La formation intellectuelle des prédicateurs paroissiaux semble avoir été à la hauteur de leur tâche, du moins dans les villes. Si le synode de Veszprém insiste, en 1515 encore, sur la nécessité pour les clercs d’avoir des connaissances minimales pour prêcher42, c’est sans doute en pensant aux clercs ruraux. Les prédicateurs en fonction dans les paroisses urbaines avaient fréquenté une université étrangère (comme Urbain Keuel, prédicateur à Kolozsvár en 1492, bachelier ès arts de l’université de Vienne43) ou au moins une école cathédrale hongroise. Les sermonnaires et ouvrages théologiques répertoriés dans les bibliothèques de ces églises confirment l’hypothèse d’une solide formation (initiale et continue) des prédicateurs séculiers44.
18Pour autant, les frères mendiants n’étaient pas totalement absents du terrain de la prédication pastorale. En Hongrie comme dans l’ensemble de la Chrétienté, c’est à eux que l’on confiait la responsabilité de mobiliser les foules par la parole dans les circonstances exceptionnelles, telle que la lutte contre l’hérésie (d’où l’appel à Jacques de la Marche contre les hussites à partir de 1436) ou la Croisade contre les Turcs (également confiée à un franciscain observant italien, Jean Capistran, jusqu’à sa mort en 1456)45. Les frères mendiants prêchaient aussi de manière périodique aux laïcs, soit dans l’église paroissiale, soit depuis leurs couvents. Le premier cas de figure supposait évidemment l’assentiment préalable du curé. Le synode de Nyitra réitéra en 1494 l’obligation pour les frères d’obtenir cette autorisation… ce qui tendrait à prouver que certains mendiants s’en affranchissaient encore à l’extrême fin du Moyen Âge46. En réalité, la documentation révèle peu de cas de ce type : les nombreux conflits qu’elle mentionne se rapportent à la prédication exercée dans les églises mendiantes.
19La législation ecclésiastique hongroise faisait de la bulle Super cathedram le texte de référence en la matière : elle autorisait les sermons dans l’église conventuelle, à condition qu’ils soient prononcés à des heures différentes de la prédication paroissiale47. Jusque vers le milieu du xve siècle, à en juger par la rareté des litiges mentionnés, le principe de la non simultanéité des célébrations (et en particulier des sermons) semble respecté par les frères mendiants : ils prêchaient l’après-midi (post prandium), tandis que les clercs de paroisse prêchaient le matin (des dimanches et jours fériés). À partir des années 1460, en relation peut-être avec les dissensions internes des ordres mendiants, plusieurs curés urbains se plaignirent de ce que ces créneaux horaires n’étaient plus respectés, notamment par les Dominicains (à Kolozsvár en 1466, à Selmecbánya peu avant 1475, puis en 1521-1522)48.
20On ignore à peu près tout de l’origine sociale des prédicateurs mendiants. Seuls quelques prénoms apparaissent dans les sources médiévales, parfois accompagnés d’un nom de lieu (qui peut être celui de leur naissance ou celui de l’exercice d’une précédente fonction ecclésiastique)49. Sans doute provenaient-ils (comme les frères en général) des catégories intermédiaires de la société hongroise, c’est-à-dire de la petite et moyenne noblesse d’une part, et de la bourgeoisie urbaine d’autre part50.
21Leur qualité morale échappe elle aussi à l’observation. À la fin du xve siècle, le prédicateur du couvent franciscain d’Esztergom (en fonction entre 1481 et 1483), Michel de Szentmiklós, se rendit célèbre par la qualité de ses sermons, comme par l’exemple d’humilité et d’ascèse qu’il incarnait51. Quelques années plus tard, Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó acquéraient une réputation internationale par leurs sermonnaires52. Derrière ces figures exceptionnelles, les prédicateurs ordinaires restent difficiles àcerner…
22En amont de l’exercice de la prédication, se trouvent les auteurs de sermons. Rappelons au préalable qu’en Hongrie comme dans l’ensemble de la Chrétienté, on aurait tort de vouloir établir une distinction stricte entre auteurs de sermons et prédicateurs effectifs. Les rédacteurs de modèles de sermons réutilisaient (au besoin) les brouillons de discours qu’ils avaient réellement prononcés ; ce fut sans doute le cas de Pelbart de Temesvár et d’Osvald de Laskó, dans une proportion qu’il est toutefois difficile d’estimer53. Certains prédicateurs élaboraient eux-mêmes leurs sermons, bien que l’on n’ait conservé aucun de ces modèles préparatoires en Hongrie. Les ouvrages à caractère théologique répertoriés dans les bibliothèques paroissiales urbaines (en particulier les commentaires des Écritures et les ouvrages de patristique et de théologie que l’on trouve à Körmöcbánya, comme à Selmecbánya et Nagyszeben) fournissaient des matériaux suffisants pour composer des sermons documentés, sinon convaincants54.
23Si j’insiste sur le rôle des auteurs de sermonnaires, c’est parce qu’ils réalisaient, dans le contexte des conflits opposant localement prédicateurs séculiers et réguliers, un lien tangible entre les uns et les autres, souvent négligé par l’historiographie. L’objectif exprimé de Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó, tous deux franciscains, est en effet de mettre leurs connaissances et leur savoir-faire au service des clercs séculiers : ils souhaitaient fournir des matériaux à tous ceux qui voudraient prêcher aux fidèles, mais qui n’avaient pas la possibilité de réunir tous les livres nécessaires pour mener à bien leur tâche, en raison de leur éloignement par rapport aux bibliothèques ecclésiastiques, ou de leur manque d’instruction55. Ces modèles écrits, hongrois ou étrangers, étaient très utilisés. Les inventaires indiquent en effet la présence au xve siècle dans les bibliothèques des grandes églises urbaines de sermonnaires, rédigés en Hongrie comme en dehors du royaume magyar. On trouve ainsi dans les fragments d’inventaires des églises paroissiales de Bártfa et Löcse, et dans l’inventaire détaillé de Körmöcbánya, des manuels très répandus à l’époque dans l’ensemble de la Chrétienté, comprenant des modèles de sermons rédigés aussi bien à Vienne (par Thomas de Haselbach) qu’à Paris (par Guillaume de Paris ou Jean Gerson), pour ne citer que les auteurs les plus récents56. Les listes provenant de paroisses rurales, très rares et peu détaillées, semblent indiquer qu’à la fin du xve siècle au moins, les curés de campagne avaient eux aussi recours à des sermonnaires (au nombre d’un ou deux seulement), en dehors d’autres outils nécessaires à la composition de sermons (comme la Légende dorée ou les traités de morale)57.
24Les sermons composés en Hongrie se conformaient, sans doute dès le milieu du xiiie siècle, aux nouvelles règles de l’ars praedicandi, enseignées à Paris et dans les centres italiens depuis le début du siècle58. Les Sermones destinés aux novices du studium dominicain de Pécs, bien qu’inspirés (sur le fond) des conceptions de l’école de Chartres59, se plient déjà aux exigences de construction du sermon formulées plus récemment (thème initial, puis développement composé de divisions ou sous-sections articulées par des clés, emploi des syllogismes…). Destinés cette fois aux laïcs, les sermons franciscains hongrois de la fin du xve siècle se soumettent encore à ces règles60. Comment les prédicateurs hongrois réussirent-ils à concilier ces contraintes formelles avec la nature, populaire, de leur auditoire ?
25Le concile de Buda prescrivait en 1279 aux prédicateurs hongrois de s’adresser au populum tam maiorem, quam minorem. Loin de négliger les plus incultes des membres de leur public (ou de leur lectorat), les auteurs de sermons de la fin du xve siècle expriment leur volonté d’être compris des clercs les moins instruits ; ils s’efforcent de répondre à leurs attentes, comme à celles de leurs ouailles les plus humbles (simpliciores predicatores, simplex populus), en tenant compte de leurs faibles capacités de compréhension61. Ils recommandent à leurs lecteurs de suivre cet exemple : Osvald de Laskó implore les prédicateurs de parler avec autant d’amour aux pauvres paysans qu’aux personnes distinguées (dilectionis affectu plebis, praesertim villanae seu rusticanae) et Pelbart de Temesvár leur rappelle qu’ils doivent s’adresser à tous les fidèles, aux illettrés aussi bien qu’aux hommes instruits62.
26Il fallait d’abord réussir à capter l’attention des fidèles, et à la retenir, afin d’éviter la somnolence, ou, pire, la désertion de l’église à l’heure du prêche, au bénéfice de la taverne ou du foyer. Cela nécessitait d’abord de bonnes conditions matérielles. D’où l’utilisation d’une chaire plaçant l’orateur à la vue de tous. Elle avait débuté au xiiie siècle en Occident ; les registres des villes hongroises mentionnent l’installation dans les églises paroissiales et mendiantes de chaires à prêcher à partir du milieu du xve siècle63. La prédication en plein air semble avoir été réservée en Hongrie aux circonstances exceptionnelles, telles que les appels à la Croisade ou les missions de conversion en dehors des frontières du royaume64. Le plan des églises mendiantes (adopté également par certaines églises paroissiales urbaines, comme celle de Nagyszeben au xive siècle), sans transept et avec une seule nef (en église-halle), assurait une acoustique et une visibilité excellentes.
27Éviter l’ennui exige aussi une certaine variété : Pelbart de Temesvár propose ainsi dans ses œuvres trois ou quatre sermons différents pour chaque grande fête liturgique, afin d’éviter la répétition des mêmes développements d’année en année65. Autre moyen de rendre un sermon « captateur » : le recours aux anecdotes édifiantes (exempla). Pelbart de Temesvár utilise volontiers des exempla dramatiques, en alternance avec des métaphores inspirées de la nature et des comparaisons tirées de la vie quotidienne, investies de la même fonction66. Aucun des modèles conservés par écrit ne cède cependant à la facilité, en utilisant un registre vulgaire ou un humour déplacé (comme le faisaient alors certains prédicateurs occidentaux, du moins d’après leurs détracteurs)67.
28Le sermon ayant pour principal objectif d’enseigner aux fidèles les éléments de foi, tout devait être mis en œuvre pour permettre la compréhension et l’assimilation de son contenu. L’un des outils pédagogiques les plus vivement recommandés par Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó dans ce but est l’image. Le premier conseille d’illustrer chaque moment de la Passion par des images correspondantes, pendant les sermons de la Semaine sainte68. Le second, citant saint Bonaventure, rappelle l’importance des images dans l’église de manière générale, pour rendre compréhensibles aux fidèles les subtilités du dogme69.
29Pour remplir cette fonction catéchétique, il était nécessaire de renoncer à toute érudition superflue. D’où l’emploi par les auteurs de modèles de sermons d’un vocabulaire élémentaire, susceptible d’être compris du menu peuple70. Il va sans dire que la langue utilisée ne pouvait être le latin. Si les auteurs de sermonnaires commencent seulement à traduire ou à composer des sermons en hongrois après le milieu du xvie siècle, l’utilisation des langues vernaculaires dans les sermons réellement prononcés devant les fidèles est formellement attestée en Hongrie dès la fin du xiie siècle (par le sermo ad populum, composé vers 1190 et rapporté en latin puis en hongrois à la suite de l’Oraison funèbre déjà évoquée). Les prêtres savaient tous composer (en principe) un sermon en hongrois à partir d’un modèle latin71. Lorsqu’une paroisse urbaine regroupait des habitants parlant des langues différentes – cas fréquent en Hongrie – elle recrutait plusieurs prédicateurs ; ainsi, à la paroisse d’Eperjes, l’un pouvait prêcher en allemand, l’autre en hongrois, d’après un document de 145472.
30Il fallait aussi répondre aux attentes des fidèles. C’est pourquoi, dès la fin du xiie siècle, on insiste volontiers sur les thèmes les plus évocateurs : sur le péché originel, plutôt que sur le détail des textes bibliques ou exégétiques, dans la version hongroise du sermon accompagnant l’Oraison funèbre73. Les points du dogme jugés trop complexes (voire controversés) sont volontairement laissés de côté par les auteurs des recueils de sermons de la fin du Moyen Âge74. En revanche, il était important de leur parler souvent du sacrement de mariage. On prend soin de relire quotidiennement aux moines la règle qu’ils sont censés suivre, fait observer Pelbart de Temesvár ; il serait bon de faire de même avec les fidèles qui ont choisi de se marier, en leur rappelant au moins une ou deux fois par an quelles sont les obligations qu’implique ce sacrement75.
31Les recueils de Pelbart de Temesvár et d’Osvald de Laskó ne sont pas les seuls textes contemporains à traiter du sacrement de mariage : les statuts synodaux hongrois y consacrent plusieurs paragraphes, dans les mêmes années76. L’angle d’approche n’est cependant pas le même : tandis que les lois ecclésiastiques détaillent longuement les incompatibilités canoniques, les deux franciscains insistent sur la finalité du mariage. On retrouve cette différence de ton à propos des pratiques religieuses : les statuts synodaux énumèrent les obligations élémentaires, tandis que les auteurs de sermons font porter l’accent sur l’intention, la volonté de plaire à Dieu. Ils se rapprochent par là des prédicateurs franciscains et dominicains en activité en France du Nord dans les mêmes années77.
32D’autres points communs les rapprochent des prédicateurs occidentaux : l’importance accordée au ministère de la Parole dans la pastorale, de même que les moyens mis en œuvre pour remplir au mieux la fonction catéchétique de la prédication.
33La principale originalité hongroise en matière d’exercice de la prédication réside peut-être dans une répartition des tâches plus poussée qu’ailleurs : aux frères mendiants la composition de modèles de sermons (la prédication effective aux laïcs ne se déroulant que dans un cadre étroitement limité), aux clercs de paroisse (curés ou chapelains) leur mise en œuvre face à la masse des fidèles. Il s’agit bien évidemment d’une présentation schématique de la réalité – tributaire d’une documentation très lacunaire – : une fraction des clercs séculiers composait eux-mêmes leurs sermons, et certains laïcs n’écoutaient que les prédicateurs mendiants. On peut cependant mettre en relation cette situation inhabituelle en Occident avec la relative qualité du clergé séculier intermédiaire en Hongrie à la fin du Moyen Âge : convenablement formé, celui-ci pouvait prendre la parole avec autant d’ » efficacité » (sinon de talent) qu’un frère mendiant78.
34Un autre trait spécifique eut une portée bien supérieure : l’autonomie de la majorité des prédicateurs urbains par rapport aux ordres mendiants. À l’heure de la diffusion des thèses réformées, elle facilita sans aucun doute la propagation des idées nouvelles dans les villes hongroises : rien n’empêchait les clercs chargés de prêcher dans les paroisses de prendre la parole en public pour s’en faire les ardents défenseurs.
Notes de bas de page
1 On entendra ici par « prédication pastorale » la prédication destinée à l’édification et à l’instruction des fidèles (clercs ou laïcs), par opposition à celle qui s’adressait aux seuls membres (profès ou novices) d’un établissement régulier.
2 Parmi les nombreux ouvrages traitant de la prédication médiévale, je me contenterai de mentionner quelques synthèses récentes : Martin Hervé, Le métier de prédicateur en France septentrionale à la fin du Moyen Âge (1320-1520), Paris, 1988, passim ; Bériou Nicole, La prédication de Ranulphe de la Houblonnière. Sermons aux clercs et aux simples gens à Paris au xiiie siècle, Paris, 1987, vol. 1 (en particulier p. 9-10) ; Zink Michel, La prédication en langue romane avant 1300, Paris, 1982 (en particulier p. 9-14).
3 Voir (en français) les nombreuses publications de Jerzy Kloczowski et l’aperçu global de l’Europe centrale et orientale sur le plan religieux donné dans Mayeur J.-M., Pietri Ch. et L., Vauchez A. et Venard M. (dir.), Histoire du Christianisme, t. 5 et 6, Paris, 1990 et 1993 ; L’Église et le peuple chrétien dans les pays de l’Europe du Centre-Est et du Nord (xive-xve s.), actes du colloque de Rome (27-29 janvier 1986), Rome, Collection de l’École française de Rome n° 128, 1990.
4 Il n’existe aucune synthèse en langue occidentale (ni en français ni en anglais ou en allemand) sur la situation religieuse de la Hongrie à la fin du Moyen Âge ; j’espère pouvoir prochainement combler ce vide, à partir de ma thèse de doctorat et des recherches menées depuis, dans un ouvrage intitulé L’Église en Hongrie à la fin du Moyen Âge.
5 Les sources plus anciennes se rapportent exclusivement à la prédication à usage interne : les Sermones Dominicales rédigés vers le milieu du xive siècle (au plus tard entre 1360 et 1390) s’adressent aux scolares du studium dominicain de Pécs ; le sermonnaire franciscain conservé à la bibliothèque Batthyány de Gyulafehérvár (Alba Iulia, Roumanie), daté de la fin du xiiie siècle et du début du siècle suivant, avait également une fonction conventuelle. Vizkelety András, « Példaképalkotás és argumentáció a középkori szent István prédikációkban », Glatz F. et Kardos J. (dir.), Szent István és kora, Budapest, 1988, p. 182-183 ; Madas Edit, « Un genre littéraire : la prédication. Réalité hongroise et contexte européen », Csernus S. et Korompay K. (dir.), Les Hongrois et l’Europe : conquête et intégration, actes du colloque de Paris, Paris (Paris III-Centre interuniversitaire d’études hongroises et Institut hongrois de Paris) – Szeged (université JATE), 1999, p. 406-408.
6 À une exception près, le sermon qui suit immédiatement l’Oraison funèbre composée en Hongrie à la fin du xiie siècle. Voir infra
7 Tarnai Andor, « Michael de Hungaria », Irodalomtörténeti Közlemények, 1974, p. 657-669 ; Timár Kálmán,
« Ferencrendi hitszónokok a XV. és XVI. században », Religio, 1910, n° 17, p. 261.
8 Pelbart de Temesvár publia en 1499 son Pomerium, réunissant, selon l’usage, les sermons du dimanche du temps ordinaire (Sermones de Tempore), les sermons de Carême (Sermones Quadragesimales) et les sermons correspondant aux saints fêtés par l’Église et aux autres fêtes religieuses (Sermones de Sanctis). Osvald de Laskó, sans doute élève du précédent, publia dès 1497 un recueil de sermons de même nature, sous le titre Biga salutis.
9 Il faut se contenter de la liste des titres et incipit des sermons qu’ils renferment : Szabó Károly et Hellebrant Árpád, Régi magyar könyvtár, t. III : Magyar szerzöktöl külföldön 1480-tól 1711-ig megjelent nem magyar nyelvü nyomtatványoknak könyvészeti kézikönyve, 1re partie (1480-1670), Budapest, 1896. Les exempla figurant dans les sermons de Pelbart de Temesvár ont été partiellement identifiés et répertoriés : Katona Ludovicus, Specimina et elenchus exemplorum quae in Pomerio serm. Quadragesimalium et de tempore fr. Pelbarti de Temesvár occurrunt, Budapest, 1902. Extraits choisis des sermons de Pelbart de Temesvár en édition bilingue latin-hongrois : Brisits Frigyes, Temesvári Pelbárt muveibol, Budapest, 1931. Extraits traduits en hongrois : V. Kovács Sándor, Temesvári Pelbárt válogatott írásai, Budapest, 1982. De manière générale, peu de sermons hongrois du Moyen Âge ont été édités (en dehors des Sermons de Pécs et de l’Oraison funèbre, évoqués précédemment).
10 Mihalovics Ede, A katholikus predikáczió története Magyarországon, t. I, Budapest, 1900.
11 Böröcz Marcell, Ferencesek a középkori magyar irodalomban, Pécs, 1911 ; Timár K., op. cit., p. 260-262 ; Szilády Áron, Temesvári Pelbárt élete és munkai, Budapest, 1880 ; Horváth Cyrill, « Temesvári Pelbárt és beszédei », Egyetemes Philologiai Közlöny, t. I, Budapest, 1889, p. 145-233 ; Horváth Richárd, Laskai Ozsvát, Budapest, 1932.
12 Böröcz M., op. cit.
13 Pásztor Lajos, A magyarság vallásos élete a Jagellók korában, Budapest, 1940 ; Horváth R., op. cit. (sur les saints hongrois : p. 34-41, sur la société : p. 55-77).
14 Timkovics Pál, « A “pécsi egyetemi beszédek” szellemi háttere », Irodalomtörténeti Közlemények, 1979, p. 1-14.
15 Voir les nombreux articles d’Andor Tarnai et András Vizkelety sur ce sujet. Mise au point récente en français et bibliographie à jour dans : Madas E., op. cit., p. 395-410.
16 Vizkelety A., op. cit., p. 180-184.
17 Très critiques à l’égard des puissants, les sermons de Pelbart de Temesvár auraient préparé le terrain de la révolte paysanne de 1514. Vida Tivadar, « Temesvári Pelbárt kapcsolata kora társadalmával », Vigilia, 1976, p. 671-679.
18 Pásztor L., « Temesvári Pelbárt és Laskai Ozsvát az egyházi és világi pályáról », Regnum, 1937, p. 142-145.
19 À défaut, voir : Pásztor L., A magyarság… ; De Cevins Marie-Madeleine, « La religion des laïcs, vue par les prédicateurs franciscains hongrois de la fin du Moyen Âge », Specimina Nova (Pécs), 2001, p. 147-168 ; ID., « Le stéréotype du bon laïc dans les sermons franciscains hongrois de la fin du Moyen Âge », Construction et déconstruction des stéréotypes dans l’Histoire, parution prévue pour 2003 aux Presses universitaires de Rennes.
20 Mihalovics E., op. cit., p. 39 ; Péterffy Carolus (éd.), Sacra concilia…, t. 1, Pest, 1741, p. 55.
21 D’après les statuts synodaux d’une part, et les sources narratives rapportant la vie de saint Gérard, d’autre part.Madas E., op. cit., p. 399, 397.
22 En particulier en 1279 (concile de Buda), 1460 (pour les vingt-quatre curés « saxons » du doyenné de Sépusie), 1493 (synode d’Esztergom), 1494 (synode de Nyitra) et 1515 (synode de Veszprém). Pásztor L., « Temesvári… », p. 142 ; Solymosi László, « Vallásos élet a 1515 évi veszprémi szinodiális könyv tükrében », Lengvári I. (dir.), In memoriam Barta Gábor. Tanulmányok Barta Gábor emlékére, Pécs, 1996, p. 119 ; Mihálovics E., op. cit., p. 39, 46, 61-62 ; Mályusz Elemér, Egyházi társadalom a középkori Magyarországon, Budapest, 1971, p. 138-139.
23 Békefi Remig, A népoktatás története Magyarországon 1540-ig, Budapest, 1906, p. 11.
24 Cette pratique précoce du sermon funèbre en Hongrie résulterait de l’action des missionnaires allemands ayant participé (en nombre dominant) à l’évangélisation du pays. Madas E., op. cit., p. 404-405.
25 Comme le soulignent les statuts du synode de Veszprém en 1515. On trouve par exemple dans ces statuts l’interdiction formulée aux jeunes parents de dormir avec leur nouveau-né, motivée par les nombreuses morts par étouffement dans l’unique lit familial. Solymosi L., op. cit., p. 119.
26 Jusqu’au début du xvie siècle au moins. Solymosi L., op. cit., p. 116-117
27 Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 142-143.
28 Voir notamment Mihalovics E., op. cit., p. 46.
29 On trouve des mentions pro predicatore (ou dem/den prediguer) dans plusieurs testaments de laïcs, surtout de la part de femmes ; par exemple, dans la ville de Bártfa, dans celui de la femme du bourgeois nommé Reberger en 1486 et dans celui de Dorothée Reich en 1490. Cette dernière fit également un don important (25 florins !) à un ancien prédicateur de la paroisse (domino Johanni antiquo predicatori). Archives nationales hongroises (Budapest), département des Microfilms : Df 215 255 ; Df 215 600.
30 De Cevins M.-M., « Clercs de paroisse et frères mendiants dans les villes hongroises à la fin du Moyen Âge : entre coopération et concurrence », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Kanonistische Abteilung, 1999 (85), p. 277-297 ; ID., « A világi papság és a koldulórendi barátok kapcsolatai a magyar városokban a késo-középkorban : Sopron példája » [Les relations entre clergé paroissial et frères mendiants en Hongrie à la fin du Moyen Âge : l’exemple de Sopron], Soproni Szemle, 1998, n° 3, p. 196-208 ; Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 143- 144.
31 De Cevins M.-M., « Clercs de paroisse… », op. cit.
32 L’activité de prédication de saint Gérard (mort en 1046) en Hongrie est attestée par plusieurs sources narratives et homilétiques hongroises et occidentales. Madas E., op. cit., p. 396-398.
33 La prédication épiscopale n’a laissé aucune trace écrite (on l’a vu), mais divers indices montrent que les évêques hongrois employaient à la prédication pastorale une part non négligeable de leur temps. Ainsi, le pape ayant eu vent des talents de l’évêque de Pécs nommé Nicolas, il accorda cent jours d’indulgences à ses auditeurs en 1346. Voir Mihalovics E., op. cit., p. 49-57.
34 Ibid., p. 61.
35 Les registres de comptabilité municipale indiquent en effet des versements réguliers, parfois pour le compte des mêmes personnes (à Kassa dès 1466, comme à Bártfa à partir des années 1480). De Cevins M.-M., L’Église dans les villes hongroises aux xive et xve siècles, thèse de doctorat de l’université de Paris-Sorbonne, 1995 (inédite), vol. IV (annexes), tableau 6, p. 1268-1270 ; Mihalovics E., op. cit., p. 62 ; Df 214 774 ; Df 213 204, p. 111, 115.
36 Mihalovics E., op. cit., p. 40-41, 44, 47-48.
37 Ibid., p. 47-48.
38 Rapp Francis, Les origines médiévales de l’Allemagne moderne, Paris, Aubier, 1989, p. 258 ; Martin H., op. cit., p. 141 ; ID., « La prédication comme travail reconnu et rétribué à la fin du Moyen Âge », Le travail au Moyen Âge. Une approche interdisciplinaire, actes du colloque international de Louvain-la-Neuve (mai 1987), Louvain-la-Neuve, 1990, p. 404.
39 Paul Heynl, prédicateur à Besztercebánya, puis à Körmöcbánya vers 1450, devint recteur de l’autel Saint-Nicolas, situé dans l’église Notre-Dame de Körmöcbánya, en 1456. Un prédicateur de Sopron obtint par la suite une cure paroissiale. Krizkó Pál, A körmöcbányai római katolikus egyházközség története, t. I, Budapest, s. d., p. 9, 11 ; HÁZI Jen, Sopron középkori egyháztörténete, Sopron, 1939.
40 Leurs revenus étaient égaux ou supérieurs à ceux des recteurs d’autel ; on était généralement recteur avant de devenir prédicateur. Sans doute la rétribution des prédicateurs était-elle proportionnelle à la fréquence des sermons prononcés ; mais les sources hongroises ne fournissent aucune indication sur le nombre de sermons rétribués. Les municipalités versaient aux prédicateurs des sommes modiques, mais en progression continue au fil du xve siècle (par exemple un florin à Saint-Gilles de Bártfa en 1479, quatre florins à Besztercebánya en 1493). Df 280652.
41 Voir les exemples cités note 39. Les prédicateurs des églises de Buda et de Pest venaient de diverses villes du royaume à la fin du xve siècle, en relation avec le rayonnement exceptionnel de ces deux villes. Kubinyi András, Az Anjoukortól a Jagelló-korig, Gerevich L. (dir.), Budapest története, t. II, Budapest, 1975, p. 156.
42 Mihalovics E., op. cit., p. 46.
43 Jakab Elek, Kolozsvár története, t. I, Buda, 1870, p. 407.
44 Voir infra.
45 Böröcz M., op. cit., p. 71 ; Andric Stanko, The Miracles of St. John Capistran, Budapest, 2000.
46 Mihalovics E., op. cit., p. 48. Rappelons que cette interdiction avait été formulée en 1300 par le pape Boniface VIII, dans la célèbre bulle Super cathedram réglementant les relations entre frères mendiants et curés de paroisse. Voir infra.
47 Gaudemet Jean, Le gouvernement de l’Église à l’époque classique, vol. II : Le gouvernement local, t. VIII de l’Histoire du droit et des institutions de l’Eglise en Occident (Le Bras G. et Gaudemet J. [dir.]), Paris, Cujas, 1979, p. 292.
48 Jakab E., op. cit., p. 444 ; Breznyik János, A selmecbányai ágost. hitv. evangelikus egyház és lyceum törtenete Selmecbánya, 1883, p. 37-38 ; Harsányi András, A domonkosrend Magyarországon a reformáció elött, Debrecen, 1938, p. 320 ; Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 143-144.
49 Ainsi chez les Dominicains au XVe siècle : Blasius praedicator Ungarorum à Nagyszeben, Thomas baccalaureus et praedicator à Gyulafehérvár, Christianus praedicator à Brassó, Andreas praedicator Ungarorum à Beszterce. Mihalovics E., op. cit., p. 74-75.
50 On ignore même de quel milieu social ou professionnel provenaient les deux plus célèbres franciscains hongrois de la fin du Moyen Âge, Pelbart de Temesvár et Osvald de Laskó. Vida T., op. cit., p. 671-672 ; Timár K., op. cit., p. 261.
51 Timár K., op. cit., p. 261. Mais on ignore si ce prédicateur s’adressait souvent à un auditoire laïc.
52 Rappelons que leurs oeuvres furent publiées d’abord à Hagenau, puis à Strasbourg, Augsbourg, Nüremberg, Venise, Lyon et Paris peu de temps après leur parution en Hongrie, voire avant celle-ci ; elles rencontrèrent un grand succès – on dénombre 114 éditions des oeuvres de Pelbart de Temesvár de son vivant ! – et eurent une postérité exceptionnelle pendant la Contre-Réforme. Böröcz M., op. cit., p. 73-74, 112-113 ; Vida T., op. cit., p. 672.
53 Pour Pelbart de Temesvár : Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 142 ; Böröczm., op. cit., p. 111. Pour Osvald de Laskó (dont seul le Quadragesimale, dans l’ensemble intitulé Biga Salutis, comporte des sermons réellement prononcés par l’auteur) : Horváth R., op. cit., p. 41-42.
54 Ipolyi Arnold « Egy középkori magyar plébános könyvtára », Magyar Könyvszemle 1876, p. 230 ; Ivánka Endre, « Két magyarországi plébánia könyvtár a XV. században », Századok 1938, p. 137-166 et 320-334 ; Ábel Jenö, A bártfai Szent Egyed templom könyvtárának története, Budapest, 1885.
55 Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 142.
56 Ipolyi A., op. cit., p. 232, 229-240 ; Mihálovics E., op. cit., p. 62.
57 Ivánka E., op. cit., p. 329.
58 Ceci en raison de l’implantation très précoce des ordres mendiants en Hongrie (dès les années 1220), qui suscita la formation de clercs hongrois dans les studia français et italiens et favorisa la circulation de sermons étrangers en Hongrie. Vizkelety A., op. cit., p. 180 ; Madas E., op. cit., p. 407-408.
59 Timkovics P., op. cit., p. 7-14. Partant de l’hypothèse d’une rédaction moins ancienne, Tibor Kardos avait cru repérer au contraire dans ces textes la trace d’un humanisme renaissant. Vizkelety A., op. cit., p. 181.
60 Gábriel Asztrik, « Egy XIII. századi magyar klerikus egyetemi szentbeszéd-gyujteménye », Egyetemes Philológiai Közlöny, 1943, p. 164-195 ; Vizkelety A., op. cit., p. 180-161 ; Madas E., op. cit., p. 405 ; Böröcz M., op. cit., p. 82.
61 Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 142.
62 Pelbart De Temesvár, Quadragesimale, Prologus ; ID., Sermones de Tempore, Prologus (cités par Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 143) ; Mályusz E., op. cit., p. 355.
63 Ainsi, les registres municipaux de Bártfa mentionnent la présence d’un lectorium (ou predig stul) dans l’église paroissiale Saint-Gilles dès 1427, qui fut restauré au cours du siècle et repeint en 1486 aux frais de la femme de Reberger, un bourgeois de la ville. Fejérpataky Lászó (éd.), Magyarországi városok régi számadáskönyvei, Budapest, 1885, p. 235, 248 ; Df 215 255 ; Iványi Béla (éd.), Bártfa szabad királyi város levéltára. 1319-1526, t. I, Budapest, 1910, p. 371 n° 2493.
64 Mihálovics E., op. cit., p. 100
65 Böröcz M., op. cit., p. 111
66 Ibid., p. 110 ; Vida T., op. cit., p. 674-676 ; Katona L., op. cit. Nombre de ces exempla furent inlassablement repris dans les ouvrages du genre écrits en hongrois dans les décennies suivantes. Osvald de Laskó a moins recours aux exempla, développant souvent ses argumentations à l’aide de notions ou concepts supposés connus du lecteur et de l’auditeur.
67 Böröcz M., op. cit., p. 110-111.
68 Pásztor L., « Temesvári… », op. cit., p. 144-145.
69 Ibid., p. 145.
70 « […] simpliciori stilo prosequendo pro capacitate populi simplicis huius nostre regionis » (Pelbart de Temesvár, Sermones de Sanctis, Prologus et II, 78E [cité par Pásztor L., dans « Temesvári… », op. cit., p. 142]).
71 Madas E., op. cit., p. 400, 403.
72 Mályusz E., op. cit., p. 141.
73 Madas E., op. cit., p. 404.
74 Pelbart de Temesvár écrit ainsi à propos de la confession : « predicta misteria de confessione sufficiunt, aliis qui non pertinent ad sermonem popolarem omissis » (Quadragesimale I, 39 [cité par Pásztor L., dans « Temesvári… », op. cit., p. 142]).
75 Pelbart De Temesvár, Sermones de Tempore, Pars hyemalis, 26 ; Pásztor L., « Temesvári… », p. 148. Les statuts synodaux font la même recommandation aux prêtres de paroisse (comme à Szepes en 1460). Mihalovics E., op. cit., p. 45-46.
76 Ceux de Veszprém en 1515 par exemple. Solymosi L., op. cit., p. 117.
77 Martin H., Le métier…, passim.
78 Mályusz E., op. cit., passim.
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