Objets de désir et personnages féminins dans la production romanesque de Cecilia Mantua (1944-1952), entre incitation et prohibition
p. 83-98
Résumés
Cet article analyse les liens entre le désir et les personnages féminins dans cinq romans sentimentaux de Cecilia A. Mantua, une écrivaine espagnole aux idées conservatrices. La question du désir et de ses différentes modalités d’articulation à la féminité s’avère centrale dans ces récits et explique très certainement leur succès auprès des lectrices dans un contexte de dictature franquiste qui réprime le désir féminin et réduit la sexualité à la procréation. À la fois pour les héroïnes dissociées de la sphère amoureuse et pour les lectrices censées s’identifier à elles, ces textes constituent une incitation au désir. Loin d’être réservé aux héroïnes, le statut d’objet de désir concerne aussi les personnages masculins.
This article analyzes the relationship between desire and female characters in five sentimental novels by Cecilia A. Mantua, a Spanish writer with conservative ideas. The question of desire and its different ways of articulation with femininity is central in these stories and certainly explains their success with female readers in the context of Franco’s dictatorship that repressed female desire and reduced sexuality to procreation. Both for the heroines dissociated from the amorous sphere and for the readers supposed to identify with them, these texts constitute an incentive to desire. Far from being reserved for heroines, the status of object of desire also concerns male characters.
Entrées d’index
Mots-clés : littérature sentimentale, Espagne, désir féminin, franquisme, lectrices
Keywords : sentimental literature, Spain, Franquism, female desire, woman readers
Texte intégral
1Sous la Seconde République espagnole (1931-1936), la femme avait pu être reconnue en tant que sujet désirant1, ce qui allait de pair avec l’obtention de nouveaux droits comme celui du vote ou de l’avortement. Face à cette évolution, l’institutionnalisation de la Dictature franquiste au début des années 1940 marque un retour en arrière qui se traduit, entre autres, par la mise à l’honneur d’un modèle de femme désérotisé et asexué correspondant à l’ange au foyer. Le désir féminin, considéré comme synonyme de pouvoir, est alors réprimé dans un contexte où les comportements sexuels sont régis par une « double morale2 » : là où une certaine liberté sexuelle est tolérée pour les hommes, la sexualité des femmes est subordonnée à la procréation et dissociée des notions de désir et de plaisir.
2Dans le même temps – les années 1940-1950 –, la « novela rosa3 » connaît un nouvel essor et un pic de popularité4. Cette production très codifiée a pu être perçue dès la Guerre Civile comme un formidable outil d’endoctrinement à l’égard des jeunes filles et comme un moyen pour encourager la natalité à la suite de nombreuses pertes humaines. Par conséquent, le roman sentimental, souvent dénigré en raison de son appartenance à la « paralittérature5 », a également été fustigé du fait de son contenu moralisateur ayant pour but de diriger systématiquement les lectrices vers le mariage et la réclusion dans l’espace du foyer. La lecture – ou plus exactement la consommation – de ces romans a ainsi été assimilée à la passivité et à l’immobilisme. Comme l’a souligné Carmen Martín Gaite, « Las novelas rosa no eran modernas ni reflejaban la realidad6 ». En dépit du côté réactionnaire des romans sentimentaux, l’écrivaine, témoin de cette époque, leur reconnaît au moins une qualité : leur capacité à stimuler l’imagination et le fantasme, servant de refuge et d’échappatoire face à la monotonie et l’ennui de la vie quotidienne7.
3Cette étude n’a pas pour objectif de remettre en question le conservatisme des romans d’amour mais de nuancer leur caractère monolithique en soulignant la présence, au sein de ces récits ou de certains d’entre eux, d’éléments peu orthodoxes au regard de l’idéologie nationale-catholique, et ce y compris chez une écrivaine qui n’est pas connue pour ses positions progressistes. Cecilia A. Mantua (1905-1974) – pseudonyme de Cecilia Alonso i Bozzo – est sans doute issue de la haute bourgeoisie catalane conservatrice. Ses positions en matière de condition féminine peuvent être appréciées dans la presse cinématographique des années 1930 où elle s’en prend aux stars féminines qui, par leur tempérament dominateur ou leur silhouette androgyne, incarnent un modèle de féminité transgressif et semblent s’inscrire en marge de la maternité – qui constitue pour Mantua, et pour le franquisme, la valeur fondatrice de la féminité. En 1946, elle publie El libro de la mujer (Le Livre de la femme)8, un essai qu’elle destine aux femmes issues des classes moyennes afin de leur apprendre à être de bonnes épouses. Comme pour beaucoup d’autres écrivain.e.s qui s’adonnèrent au genre, le roman sentimental aura constitué en premier lieu un gagne-pain pour Mantua qui en récupère la formule, et il lui aura également donné l’occasion de transmettre des valeurs qui lui sont chères. Conformément aux codes qui régissent le genre, ses récits convergent vers le mariage, envisagé comme destin incontournable menant au bonheur. Néanmoins, ce lien entre mariage et épanouissement n’est établi que si l’union entre les deux héros est structurée sur le désir qui occupe une place déterminante. Loin de se limiter à construire une union conventionnelle, les récits incitent au désir et le représentent sous différentes formes. Cela explique certainement le succès des romans auprès des lectrices dans la mesure où le désir n’est pas uniquement attribué au personnage masculin, mais concerne également l’héroïne. Selon les cas, tous deux peuvent fonctionner à la fois comme objets et sujets du désir. Si le franquisme entend dissocier féminité et désir, les romans sentimentaux rapprochent ces deux termes et explorent le rapport des héroïnes au désir. Pour en rendre compte, cette analyse s’appuiera sur cinq romans de Mantua qui permettent d’aborder la problématique du désir sous différents angles.
La « femme ordinaire » transformée en objet de désir : Sucedió en un taxi (1948) et La sirena del gran hotel (195 ?)
4Si l’un des premiers objectifs du roman sentimental est de présenter aux lectrices des dénouements édifiants axés sur le mariage, les auteur.e.s de ces romans doivent construire des personnages qui constitueront des objets de désir satisfaisants en vue de cet objectif. Par « satisfaisants » on peut attendre non seulement une conduite exemplaire de la part des deux protagonistes – notamment du héros qui est au départ imparfait et qui devra gagner la confiance de sa future épouse –, mais également une capacité à séduire l’autre et à susciter chez lui ou elle un désir physique. Dans les romans envisagés pour cette étude, le mariage n’est synonyme de bonheur qu’à partir du moment où chaque partenaire est conquis et séduit par l’autre.
5Les personnages féminins qui seront progressivement conduits vers le mariage sont des femmes que l’on pourrait qualifier d’« ordinaires », auxquelles les lectrices sont amenées à s’identifier. La sirena del gran hotel (La Sirène du grand hôtel) comporte une dédicace de l’auteure précisant le profil de ces héroïnes qui, au sein des romans, apparaissent comme de bonnes épouses en puissance : « A esa muchacha anónima y modesta de mi época, que va todos los días a la oficina, y que lucha para vivir de una manera digna9. » Cette héroïne-type est souvent opposée à un contre-exemple qui sera évincé au fil des péripéties. C’est d’abord sur ce personnage secondaire que se portent l’intérêt et les sentiments du héros qui, peu à peu, se détournera de ce « mauvais » objet de désir au profit de l’héroïne.
6Face à ces femmes qui représentent souvent un danger pour le protagoniste, l’héroïne du roman incarne une épouse idéale en puissance, mais encore faut-il qu’elle devienne pour lui un objet de désir. Il s’agit souvent d’une femme discrète qui possède une faible estime d’elle-même et se considère insignifiante. Pour diverses raisons, cette femme asexuée est restée en marge des relations amoureuses et consacre son quotidien à d’autres fins – travail, aide à autrui, etc. L’un des principaux enjeux du roman consiste à faire évoluer l’héroïne vers une relation sentimentale : les premiers contacts avec le héros et l’attirance qui en découle constituent le moteur qui l’amènera à puiser dans ses ressources et à acquérir une plus grande confiance en elle.
7Sucedió en un taxi (C’est arrivé dans un taxi) et La sirena del gran hotel illustrent bien ces mécanismes, respectivement à travers les personnages de Josefina et de Carmen. Dans les deux cas, l’héroïne est une jeune femme qui n’a jamais eu de relations amoureuses et qui occupe un emploi de secrétaire qui lui permet tout juste de subvenir à ses besoins.
8Loin de constituer d’emblée un objet de désir, Josefina est d’abord engagée par Juan pour une mission bien particulière : se faire passer pour sa future épouse afin qu’il ne soit pas lésé économiquement par sa famille qui s’oppose à son mariage avec Angélica Maier. Cette dernière est le prototype de la femme vénale, matérialiste et intéressée. Ses traits physiques – « unos ojos negros rasgadísimos casi orientales10 » – et son « exótico perfume11 » la caractérisent immédiatement comme une femme séductrice et dangereuse, ce que vient confirmer la mère de Juan qui la présente comme un mauvais objet de désir pour son fils :
Esa mujer no te conviene. Es mayor que tú. […]. Aspiramos a que te cases con una muchacha soltera, no con una mujer viuda, y que al decir de la gente no ha llevado una vida demasiado circunspecta. […] Conozco sus costumbres demasiado ligeras y despreocupadas. La vida en el extranjera la cambió12.
9Consciente des motivations de Juan qui ne pense qu’à satisfaire le train de vie de sa bien-aimée, Josefina commence par réprimer son désir naissant : « Ya no volvería a verle más. Los hombres jóvenes, atractivos, simpáticos y galantes, casi siempre tenían otra novia, una mujer mucho más dichosa que ella. Dotada de belleza y de bienes de fortuna13. » Cette auto-dévalorisation initiale de l’héroïne est au cœur des rouages du « roman rose » qui, comme l’indique Alain-Michel Boyer, reproduisent l’histoire de Cendrillon et montrent comment l’héroïne « lave son infériorité originelle […] par une éclatante revanche sentimentale qui élimine toutes les autres prétendantes14 ».
10Si une telle transmutation semble hautement idéaliste et relève même du conte de fées, il n’en reste pas moins qu’elle implique une initiation au désir pour l’héroïne qui fera en sorte de conquérir un prétendant initialement intéressé, dédaigneux ou infidèle. À travers les péripéties, les embûches et les défis que cette héroïne parvient à surmonter, le « roman rose » montre aux lectrices comment cette femme « ordinaire », souvent victime de l’adversité, parvient peu à peu à devenir l’objet du désir d’un homme qui lui semblait hors d’atteinte. Le parcours de l’héroïne comporte donc un intérêt pour la lectrice qui s’identifie à elle. Tout en l’invitant à une prise de confiance en soi et en ses propres ressources, le roman lui montre comment une jeune femme parvient à « dompter » son prétendant en faisant preuve de caractère et en ne s’offrant à lui que lorsqu’il a définitivement exclu toute autre tentation. Cette dimension pratique des romans sentimentaux explique en partie leur succès : malgré leur orientation idéaliste, les lectrices peuvent s’inspirer des situations présentées qui leur fournissent des clefs à travers les réactions de l’héroïne, sa façon de se comporter ainsi que les répliques qu’elle utilise dans une situation donnée afin de se rendre désirable.
11La description de Carmen, l’héroïne du second roman, présente de grandes similitudes avec celle de Josefina :
Carmen no era una muchacha expansiva. No lo había sido jamás. Tampoco era tímida ni era cobarde. Sabía defenderse en la vida, y siempre había luchado por sí misma. […] Por otra parte no era muy bella. Era agradable, pero ni su rostro ni su cuerpo, habían llamado jamás la atención. Carmen, era morena, tenía los ojos negros, grandes, la dentadura sana, pero sus facciones parecían desdibujadas. No acusaban gran personalidad. […] Carmen era una de tantas mujeres sencillas, humildes y buenas, perdidas en el anónimo del siglo actual15 […].
12L’identité de ces deux personnages les rapproche d’autant plus de la lectrice qu’elle exclut toute origine étrangère, contrairement à celle des « autres » femmes qui ont généralement un prénom ou un patronyme qui admet une telle possibilité. Dans La sirena del gran hotel, Carmen est opposée à Madoli Legrand, une femme d’origine belge qui est qualifiée d’« extraña, misteriosa16 » et qui est même désignée comme « vampiresa17 ».
13L’identification de la lectrice à l’héroïne est également encouragée par les propos de Carmen qui, évoquant sa routine quotidienne, se présente comme une lectrice de romans sentimentaux. Comme elle l’explique elle-même, son existence se réduit à « pasar por los escaparates y contemplar las cosas bellas que no [ha] podido comprar[s]e. Leer novelas de amor, contemplar films y comedias de amor, y […] ser siempre espectadora de todas las cosas agradables, mientras los otros las viven18 […] ». Outre la mise en évidence du caractère routinier de l’existence de Carmen, de tels propos laissent transparaître un état de frustration que la lectrice peut également ressentir en lisant ces lignes. Cela peut alimenter en elle le désir d’un quotidien plus palpitant et d’expériences nouvelles.
14Pour Ramón, le héros qui lui semble d’abord inaccessible et qui n’a d’yeux que pour Madoli, Carmen fait partie de « aquella clase de mujeres reflexivas y frías de las que […] no [s]e podría enamorar jamás19 ». Satisfait de ses services en tant que secrétaire, il la qualifiera même de « Mujer indispensable20 » dans un sens purement utilitaire. Néanmoins, loin de se résoudre à la passivité, Carmen saura se substituer à sa rivale en devenant elle-même un objet de désir pour Ramón qui prendra conscience, simultanément, des défauts de la femme exotique et séductrice. On le voit dans ce passage qui montre combien le bon sens, la franchise et la dignité de Carmen ont su modifier le regard du protagoniste :
Ramón […] se quedó unos momentos contemplándola. Desde luego a Carmen le pasaba algo […]. ¡Qué interesante era aquella mujer! ¡Y qué sorprendentes resultaban algunas veces las mujeres! La que se imaginó complicada y exótica resultaba ser una infeliz burguesita, sencilla y abatida por la adversidad. La que creyó una pobre mecanógrafa, de aspecto insignificante, al tratarla se convertía en una inquietante muchacha, que había logrado interesar al más despreocupado de sus amigos. Aquel Juan Gaborio que tan bien conocía a las mujeres y que no se impresionaba con demasiada facilidad21…
15D’autre part, si les héroïnes de ces romans deviennent des objets de désir pour un homme qui ne leur est a priori pas destiné, ce même homme est soumis à un processus similaire et l’on peut observer comment la protagoniste fait également de lui l’objet de son désir. Autrement dit, en dépit de leur passivité apparente – attitude qui pourrait également être attribuée à la lectrice de romans sentimentaux – et de leur personnalité introvertie, ces jeunes filles jouent un rôle actif qui se traduit de différentes manières, ne serait-ce que par le regard. Cela peut être constaté à propos des deux héroïnes mentionnées. Carmen regarde, ou plutôt scrute dans les moindres détails, celui qui devient peu à peu l’objet de son désir : « Ramón era aún más atractivo a los ojos de Carmen visto a la luz del día. Su cutis, muy moreno, por la noche resultaba un poco duro ; de día, tenía una transparencia ambarina y una irónica sonrisa que dejaba al descubierto sus dientes blancos22. » L’héroïne a donc le double statut d’objet et de sujet du désir, ce qui montre que si le mariage s’impose en effet comme seul dénouement possible, cela requiert tout de même certaines conditions préalables : d’après les romans étudiés, cette union doit idéalement avoir lieu entre deux personnes ayant du désir l’une pour l’autre. Cette condition fait obstacle à une conception du mariage comme simple union conventionnelle ou arrangée qui ferait fi du bonheur des individus et qui ne viserait qu’à maintenir un ordre social, conformément aux desseins du franquisme. L’union maritale que les romans mentionnés valorisent est en outre indissociable d’une découverte de la sexualité qui ne relève pas du simple « devoir conjugal » où seul l’homme jouerait un rôle actif : de fait, l’héroïne peut parfois être à l’initiative des premiers rapprochements amoureux.
Les personnages masculins, objets de désir des héroïnes : Una mujer de otro ambiente (1947) et El amor en silencio (1948)
16En dépit des tabous liés au contexte politique et des positions conservatrices de Cecilia Mantua, on ne peut que constater combien ses romans alimentent l’imaginaire érotique des lectrices, voire leur excitation sexuelle. Le titre d’un chapitre de Sucedió en un taxi – « Sube el termómetro de la pasión23 » – suffit à en rendre compte, de même que le comportement des héroïnes auxquelles la lectrice est invitée à s’identifier.
17L’exemple d’Esperanza et de Julia – qui apparaissent respectivement dans Una mujer de otro ambiente (Une femme d’ailleurs) et El amor en silencio (L’Amour en silence) – est particulièrement probant. Toutes deux sont initialement en marge de la sphère du désir. Dans le cas d’Esperanza, cela s’explique simplement par son jeune âge – qui implique parfois l’emploi, de la part de ses proches, d’un suffixe diminutif : « Esperancita » – tandis que pour Julia, c’est une pathologie – la surdité – qui la réduit à la solitude.
18La capacité de ces deux héroïnes à faire d’un personnage masculin l’objet de leur désir peut donc s’avérer d’autant plus surprenante, surtout si ce désir revêt un caractère transgressif. C’est ce qui se produit lorsqu’Esperanza s’éprend de Pepe Luis qui est d’abord promis à sa sœur aînée Ingrid : « Las primeras reacciones amorosas que se operan en el alma de una mujer habían proyectado su intensidad pasional sobre el novio de su hermana, el primer hombre que profundizó la sensibilidad de su corazón24. » Le désir qui s’empare d’Esperanza illustre le rapport sensuel et tactile que les héroïnes peuvent établir avec un objet provenant de leur bien-aimé, comme elle le fait avec une lettre que Pepe Luis lui a écrite : « Esperanza leía esta carta a hurtadillas ; a todas horas saboreaba su contenido, la besaba25. » Selon un mécanisme métonymique, la lettre fonctionne comme un substitut de l’être désiré et fournit à l’héroïne un support pour exprimer son désir charnel. L’évocation des réactions physiques qui se manifestent au moment où elle finit par être désirée par Pepe Luis confirme la nature sensuelle et érotique de son propre désir pour lui :
Estaba arrebolada. La calefacción del tren le había obligado a desabrocharse el cuello del abrigo. […] Sus ojazos negros brillaban como esmaltados. Su escote moreno parecía de seda ; sus manos temblaban. […] Las caricias, esas caricias prohibidas de Pepe Luis, la estremecían ; estaba ardorosa. […]
¡Qué dulce, qué suave era la mirada de Pepe Luis cuando la acariciaba!; sus ojos negros la turbaban, la estremecían, pero no podía dejar de mirarlos, como imantada por el amor que dimanaba de ellos26.
19En définitive, le désir d’Esperanza deviendra légitime et autorisé dans la mesure où Ingrid rejettera Pepe Luis. Bien que celui-ci ait l’apparence d’« un muchacho de unos veinticuatro años, alto, moreno y muy atractivo27 », l’absence de désir est bien manifeste : « Ingrid se reía de su pretendiente. Su amor hacia él tenía algo de conmiseración y de costumbre28 ». Cette situation témoigne de la possibilité laissée à certaines héroïnes de choisir leur prétendant parmi plusieurs « options » possibles, et ce en fonction d’un critère déterminant : le désir. C’est bien cette composante fondamentale qui fait défaut dans les sentiments d’Ingrid envers Pepe Luis, qui peut à la rigueur être pour elle un homme-objet qui la divertit et l’amuse, mais en aucun cas un objet de désir.
20En jetant son dévolu sur un autre prétendant qu’elle choisit et qui l’attire physiquement, Ingrid fait abstraction des injonctions de sa famille qui, au début du roman, l’incite à épouser Pepe dans le seul but de ne pas rester célibataire, ce qui, pour une jeune trentenaire, commence à devenir problématique. Son désir se portera plutôt sur le commandant Jack Garson, un homme plus âgé que Pepe et qui a perdu la vue au combat. Jack ne peut donc pas la regarder tandis qu’elle peut le scruter à sa guise et être à l’initiative de leurs premiers rapprochements amoureux :
La buscó a tientas y la estrechó entre sus brazos. Ingrid le besaba ; eran los labios de Ingrid, frescos y suaves, que acariciaban su rostro atezado ; eran sus labios, que se detenían en los suyos ; un aliento puro, infantil ; un olor a vida, que surgía de su escote… ; era ella, aquella muchacha que no había visto jamás y a la que quizás no podría ver nunca29…
21D’après Annick Houel, dans le roman sentimental, « le désir féminin n’est autorisé qu’à condition d’être né du désir masculin et d’y rester soumis30 ». Il est vrai que dans de nombreux cas c’est le désir du héros qui s’exprime en premier et qui déclenche, en même temps qu’il le légitime, celui de l’héroïne. L’exemple cité fait exception à la règle et la cécité de Jack permet à Ingrid de prendre le contrôle de la situation. Dans ce cas précis, le baiser permet plus que jamais de « poser les jalons d’une affirmation progressive du désir féminin31 ».
22Avec d’autres paramètres, El amor en silencio offre également un exemple du rôle actif joué par les héroïnes dans le processus de séduction. Il s’agit ici de Julia Roca, une jeune femme sourde qui, en raison de son handicap, se considère indésirable et vouée au célibat jusqu’à ce que José Ramón – narrateur autodiégétique – la remarque et entreprenne de la courtiser. Le récit du protagoniste montre combien Julia, qui refuse d’abord tout contact et prie son prétendant de l’oublier, va finalement laisser libre cours à ses sentiments, à tel point que José Ramón deviendra lui aussi l’objet de son désir :
Me enamoré locamente de Julia, y creo que ella también de mí. Sus miradas eran penetrantes y profundas. ¡Cómo miraba esa mujer!, no he visto ojos más expresivos que los suyos, eran obsesionantes, a veces no podía sostener los míos fijos en ellos ; parecía querer adivinar mi pensamiento y llegaba a taladrar mi cerebro32.
23L’allusion aux regards « penetrantes y profundas » traduit bien l’expression d’un désir de la part de Julia qui parvient ainsi à équilibrer la relation entre les deux êtres. Cette capacité insoupçonnée à soumettre l’homme par le regard permettra à Julia de vaincre celle qui apparaît comme sa rivale. Amelia, l’autre femme dont s’éprend José Ramón, a vécu plusieurs années à Paris et incarne le modèle de la femme moderne et cosmopolite, qui travaille en outre dans le milieu de la mode. Son caractère sophistiqué et son raffinement exercent un puissant pouvoir d’attraction sur José Ramón qui la perçoit comme « una chica original33 », « Una mujer refinadísima, exquisita en todos sus ademanes y gestos. Una verdadera dama34 ». Il fait plusieurs fois référence au comportement « masculin » de cette femme qui repose sur son caractère déterminé et son assurance : « sin dejar de ser en todas las ocasiones absolutamente femenina, tenía un caminar ágil, de muchacho resuelto35 », « Amelia siempre había sido franca, resuelta, un carácter varonil a pesar de su exquisita feminidad36 ». C’est l’archétype de la femme fatale qui se profile à travers cette description. Les références à la personnalité virile d’Amelia soulignent la menace qu’elle représente pour l’homme qui tombe sous son charme : celui-ci ne devient pas un objet de désir mais un simple objet dans la mesure où il perd sa virilité et peut même être dépouillé de ses biens matériels, par un appauvrissement imprévu par exemple.
24Dans l’économie du roman, la présence d’Amelia sert à représenter les faiblesses de José Ramón, prototype de l’homme volage, qui devra combattre ses démons s’il veut récupérer Julia. La personnalité de cette dernière semble plus en accord avec une vie conjugale où l’épouse est subordonnée à l’homme et pense avant tout à lui rendre la vie confortable. Malgré ce raisonnement empreint de conservatisme, on soulignera la centralité de la notion de désir dans la construction de ce couple. Même si Julia incarne un modèle rassurant pour José Ramón, on constate qu’elle n’en est pas pour autant réduite à un rôle passif et qu’elle parvient justement à le conquérir grâce à l’expression d’un désir sain, qui ne met pas en péril la virilité masculine. L’homme est un objet de désir, et non un simple objet. Le but du roman est bien de fabriquer un couple mariable, mais cette union n’apportera satisfaction que si chaque membre du couple éprouve pour l’autre un désir physique. Cette observation peut être confirmée par d’autres récits qui mettent en relief le lien entre absence de désir et frustration amoureuse.
Des objets de désir interdits : La prisionera del Maharajá (1952)
25Les romans de Cecilia Mantua représentent également le désir frustré en raison d’un amour impossible. Dans ce cas, le mariage de raison reste le seul dénouement envisageable mais son évocation peut s’accompagner d’allusions à un état de déception, d’incomplétude ou d’insatisfaction pour l’héroïne qui a dû renoncer à l’objet de son désir.
26La prisionera del Maharajá (La Prisonnière du Maharajah) permet de constater ce mécanisme, ce qui explique sans doute les précautions empruntées par l’auteure au moment de l’écrire. Dans le prologue, elle dévoile à ses lectrices le point de départ du récit qu’elles sont sur le point de lire : une conversation fortuite avec une chanteuse – d’origine étrangère – dénommée Miriam qui lui aurait raconté les péripéties amoureuses de la jeune femme, future héroïne du roman. Autrement dit, l’auteure détient l’histoire de seconde main et ne la présente pas comme le fruit de son imagination mais comme celui d’une rencontre qui aura été pour elle source d’inspiration.
27L’héroïne du récit de Miriam n’est pas non plus espagnole mais irlandaise. Partie en Inde avec son frère missionnaire, Maureen est enlevée par Nathoo Ram, un maharajah protestant et polygame. Comme dans d’autres romans, le motif du voyage ne constitue pas un simple déplacement géographique mais aussi « une représentation métaphorique d’un autre déplacement, mental celui-là, de l’héroïne dans la découverte de l’amour […]. Il s’agit, en effet, d’un voyage à travers les sentiments et les réactions psychologiques d’une jeune fille ou jeune femme devenant une femme37 ».
28Si cette rencontre est d’abord assimilée à un rapt, l’instance narrative ne manque pas de souligner la beauté physique de cet homme qui, à l’évidence, séduit Miriam par son apparence « esbelt[a] y atractiv[a]38 ». Elle est littéralement subjuguée devant « la fuerte personalidad de aquel hombre de ensueño, que ella no había imaginado ni remotamente que pudiera existir en realidad39 ». La violence et l’impulsivité qui caractérisent le sultan ne sont pas réellement des défauts mais plutôt des qualités qui éveillent le désir de l’héroïne, charmée par cet homme qui s’écarte tant de son univers personnel et qu’elle relie à l’aventure et au mystère, par opposition à la monotonie et à la routine d’une vie traditionnelle. On le voit dans cet extrait qui signale en outre le côté archaïque de l’éducation reçue par la jeune femme :
Maureen se arrodilló en el suelo y comenzó a rezar. Era una plegaria desesperada, algo que no había sentido nunca. […] Era la oración del ser humano que se teme a sí mismo, porque Maureen, muchacha sencilla, humilde y buena, había sido educada dentro de la arcaica rigidez de la familia irlandesa, y no ignoraba ninguna de las reacciones que encaminan hacia el pecado. Nathoo Ram la perturbaba. El oriental la emocionaba profundamente. A su lado tenía que comenzar por sostener una lucha incruenta contra sí misma. Algo que no sintió jamás, junto a los otros hombres que conoció. […] De no correr ella aquella terrible aventura en el Palacio de Nathoo Ram, ella hubiera ignorado siempre lo que era ese insondable misterio del amor. Sí, estaba enamorada de Nathoo Ram40.
29Le roman ne permettra en aucun cas le mariage de Maureen et Nathoo Ram : leur divergence en matière de religion est absolument rédhibitoire ce qui est même l’occasion d’une célébration du catholicisme. Dans les dernières lignes du roman, l’auteure reconnaît à Miriam le mérite d’être restée fidèle à ce qu’elle dénomme la « Verdadera Religión41 ».
30En parallèle, les dernières pages mentionnent le souvenir empreint de nostalgie que l’héroïne a conservé de son séjour au Pendjab, et plus précisément de Nathoo Ram. Bien qu’elle ait fini par épouser Ricardo Lévison, un médecin irlandais qui lui a offert une vie confortable et qui est à présent décédé, cette union conventionnelle est dissociée de la passion et du désir, contrairement à la rencontre avec Nathoo Ram :
La joven […] había perdido aquella alegría sana, aquel optimismo que poseía cuando llegó al Punjab, las horas pasadas en el Palacio de Nathoo Ram, dejaron en su corazón la huella de una cruel amargura. Una noche de luna […] Ricardo Lévison le preguntó a Maureen con su sencillez habitual :
- ¿A mí puedes decirme la verdad, Maureen ? ¿Te hubieras casado con el Maharajá si él hubiese abjurado de su religión ?...
Maureen, incapaz de mentir, y deseosa de que se aclarara aquella especie de tensión, que ponía en cuarto menguante su luna de miel, respondió:
- Sí, Ricardo, me hubiera casado con él42.
31L’objet de désir est ainsi resté ancré dans la mémoire et le cœur de l’héroïne, tant le désir est ici rattaché à la possibilité d’une existence qui aurait pu être plus heureuse et riche en émotions.
32Par le biais d’une postface, Mantua précise n’avoir compris qu’à la fin du récit de Miriam que celui-ci était autobiographique et que son interlocutrice et l’héroïne de l’histoire racontée n’étaient en fait qu’une seule et même personne. Cette stratégie, qui crée un effet de suspense, lui ôte en outre la responsabilité d’avoir écouté en connaissance de cause le récit d’une femme ayant vécu une telle expérience.
33Il n’en reste pas moins qu’en représentant la lutte acharnée que l’héroïne mène contre elle-même afin de résister à l’objet de désir interdit qu’incarne Nathoo Ram, la narration éveille chez la lectrice un désir charnel à travers un lexique et des images destinés à mettre ses sens en émoi. C’est le cas, par exemple, lorsque Maureen éprouve des sensations nouvelles en contemplant le palais de Nathoo Ram :
No era una muchacha sensiblera, pero tenía escasamente veinte años y aunque había consagrado su vida al bien ajeno, en su corazón tierno y apasionado, el amor, aquel amor que ella ignoraba todavía, se agitaba excitándola y despertando sus ensueños. Las flores lanzaban un penetrante perfume y la naturaleza […] permanecía inquieta, como e[x]pectante43.
34À plusieurs reprises, l’accent est mis sur les sensations physiques qu’éprouve l’héroïne lorsqu’elle visualise son prétendant : « Estaba agitada, aquellos ojos oblicuos del magnate oriental la habían perturbado. El contacto de su mano tibia […] la emocionó44 », « Sus ojos oblicuos y negros la habían subyugado, no podía recordarle sin estremecerse45. »
35Ce dernier exemple montre bien à quel point la notion d’« objet de désir » peut s’avérer pertinente et féconde pour étudier les différentes facettes des romans sentimentaux. Souvent stigmatisés pour une valeur littéraire jugée trop faible voire inexistante, ainsi que pour leurs intrigues conventionnelles, ces romans n’en sont pas moins de puissants instruments pour faire naître le désir chez les lectrices. Si ce désir est la plupart du temps rattaché à la quête d’un époux, il apparaît également comme l’élément-clef d’un mariage heureux et épanouissant.
36Ces récits jouent donc un rôle primordial dans l’éducation sentimentale des lectrices, en leur indiquant l’importance de ne pas choisir leur futur époux « par défaut » ou par simple respect des codes sociaux, mais en prenant en compte un autre paramètre fondamental : l’attirance physique et charnelle. Il ne s’agit pas seulement de permettre à la lectrice d’éprouver des émotions à travers la lecture, mais aussi et avant tout de l’amener à se rendre compte du caractère indispensable du désir au sein du couple, où chacun doit être à la fois sujet désirant et objet désiré. Cette conception remet en question la promotion du mariage comme simple pilier de l’ordre social, où la notion de désir occuperait une place plus ou moins secondaire.
Notes de bas de page
1 Voir Aresti Esteban, N., « La nueva mujer sexual y el varón domesticado. El movimiento liberal para la reforma de la sexualidad », Arenal : revista de historia de mujeres, Universidad de Granada, Instituto de Estudios de la Mujer, vol. 9, no 1, 2002, p. 125-150.
2 Regueillet, A.-G., « Norma sexual y comportamientos cotidianos en los diez primeros años del franquismo : noviazgo y sexualidad », Hispania, vol. 64, no 218, 2004, p. 1030.
3 Littéralement, « roman rose ». On pourra le traduire par « roman à l’eau de rose », « roman d’amour » ou encore « roman sentimental ». L’expression « novela rosa » tire son origine d’une collection littéraire intitulée « La Novela Rosa » qui avait été lancée par la maison d’édition Juventud en 1924.
4 Soler Gallo, M., « Novela rosa y fantasía amorosa en la España de los años cuarenta : análisis de La rival de Julieta de Josefina de la Torre », Cuadernos de Aleph, no 8, 2016, p. 130.
5 Il s’agirait même du genre « sans doute le plus lu et le plus déconsidéré » au sein de la paralittérature, dans la mesure où le roman sentimental ne bénéficie pas de la même considération que le roman policier ou de science-fiction. (Compère, D., Les Romans populaires, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012, p. 102).
6 Martín Gaite, C., Usos amorosos de la postguerra española, Barcelona, Anagrama, 1987, p. 148. Traduction : « les romans d’amour n’étaient pas modernes et ne reflétaient pas la réalité ». Toutes les traductions sont celles de l’auteure de l’article.
7 Voir Smith, J., « Otra mirada a la novela rosa en El cuarto de atrás y Usos amorosos de la postguerra española », in P. Civil et F. Crémoux (dir.), Actas del XVI Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas : Nuevos caminos del hispanismo, vol. 2, 2010, p. 202.
8 Mantua, C. A., El libro de la mujer, Albón, 1946.
9 Id., La sirena del gran hotel (Barcelona, Cliper, date : 195?). Traduction : « À cette jeune fille anonyme et modeste de mon époque, qui va travailler tous les jours, et qui se démène pour vivre dignement. »
10 Id., Sucedió en un taxi, Barcelona, Toray, 1948, p. 17. Traduction : « des yeux très bridés, presque orientaux ».
11 Loc. cit. Traduction : « parfum exotique ».
12 Ibid., p. 12. Traduction : « Cette femme ne te convient pas. Elle est plus âgée que toi. Nous voulons que tu épouses une jeune femme célibataire, et non une femme veuve dont l’existence, à en croire les gens, n’a pas été particulièrement exemplaire. […] Je connais ses mœurs légères et frivoles. La vie à l’étranger l’a changée. »
13 Ibid., p. 11. Traduction : « Elle ne le reverrait plus. Les hommes jeunes, séduisants, sympathiques et galants étaient presque toujours promis à une autre, une femme bien plus chanceuse qu’elle. Pourvue de beauté et de richesses. »
14 Boyer, A.-M., La Paralittérature, Paris, PUF, 1992, p. 108.
15 Ibid., p. 4. Traduction : « Carmen n’était pas une jeune fille très expansive. Elle ne l’avait jamais été. Elle n’était pas non plus timide ni peureuse. Elle savait se défendre dans la vie, et elle avait toujours lutté par ses propres moyens. […] Par ailleurs, elle n’était pas très belle. Elle était agréable, mais jamais son visage ni son corps n’avaient éveillé l’attention. Carmen était brune, elle avait des yeux noirs, une dentition saine, mais ses traits semblaient effacés. Ils ne révélaient pas une grande personnalité. […] Carmen était l’une de ces nombreuses femmes simples, humbles et bonnes, perdues dans l’anonymat du siècle actuel. […] »
16 Ibid., p. 11. Traduction : « étrange, mystérieuse ».
17 Ibid., p. 10. Traduction : « vamp ».
18 Ibid., p. 88. Traduction : « passer devant les vitrines et contempler les belles choses [qu’elle n’a] pas pu [s]’acheter. Lire des romans d’amour, voir des films et des comédies sentimentales, et être constamment spectatrice de toutes les choses agréables, pendant que les autres les vivent […] ».
19 Ibid., p. 82. Traduction : « cette catégorie de femmes réfléchies et froides dont [il] ne pourrai[t] jamais tomber amoureux ».
20 Ibid., p. 96. Traduction : « femme indispensable ».
21 Ibid., p. 106. Traduction : « Ramón […] la contempla quelques instants. Décidemment, il y avait quelque chose chez Carmen […]. Comme cette femme était intéressante ! Et comme les femmes étaient parfois surprenantes ! Celle qu’il avait imaginée complexe et exotique était en fait une petite bourgeoise malheureuse, simple et vaincue par l’adversité. Celle qu’il croyait être une pauvre secrétaire, à l’allure insignifiante, devenait, lorsqu’on la fréquentait, une jeune fille inquiétante, qui avait suscité l’intérêt du plus indifférent de ses amis. Ce Juan Gaborio qui connaissait si bien les femmes et qui ne se laissait pas facilement impressionner. »
22 Ibid., p. 15. Traduction : « Aux yeux de Carmen, Ramón était encore plus séduisant à la lumière du jour. Son teint, très brun, était un peu dur la nuit ; le jour, il avait une transparence ambrée. Son sourire ironique laissait paraître ses dents blanches. »
23 Mantua, C. A., Sucedió en un taxi, op. cit., p. 78. Traduction : « Le thermomètre de la passion monte. »
24 Id., Una mujer de otro ambiente, Madrid, Pueyo, 1947, p. 69. Traduction : « les premiers émois amoureux qui agitent l’âme d’une femme avaient projeté leur intensité passionnelle sur le fiancé de sa sœur, le premier homme qui avait touché son cœur sensible ».
25 Ibid., p. 111. Traduction : « Esperanza lisait cette lettre en cachette ; à chaque instant elle en savourait le contenu, elle l’embrassait. »
26 Ibid., p. 74. Traduction : « Elle était rouge écarlate. Le chauffage du train l’avait obligée à déboutonner le col de son manteau. […] Ses grands yeux noirs brillaient comme s’ils étaient couverts d’émail. Son décolleté brun avait l’apparence de la soie ; ses mains tremblaient. […] Les caresses, ces caresses interdites de Pepe Luis, la faisaient frémir ; elle était brûlante. […] / Comme le regard de Pepe Luis était doux et délicat lorsqu’il la caressait ! Ses yeux noirs la troublaient, la faisaient frémir, mais elle ne pouvait cesser de les regarder, comme si l’amour qui émanait d’eux avait l’effet d’un aimant… »
27 Ibid., p. 31. Traduction : « un jeune homme d’environ vingt-quatre ans, grand, brun et très séduisant ».
28 Ibid., p. 32. Traduction : « Ingrid se jouait de son prétendant. Son amour pour lui se rapprochait de la compassion et des usages. »
29 Ibid., p. 102-103. Traduction : « Il la chercha à tâtons et la serra dans ses bras. Ingrid l’embrassait ; c’était les lèvres d’Ingrid, fraîches et douces, qui caressaient son visage bruni ; c’était ses lèvres qui se posaient sur les siennes ; un souffle pur, enfantin ; une odeur vitale, qui jaillissait de sa poitrine… ; c’était elle, cette jeune fille qu’il n’avait jamais vue et qu’il ne verrait peut-être jamais. »
30 Houel, A., Le Roman d’amour et sa lectrice : Une si longue passion. L’exemple Harlequin, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 107.
31 Ibid., p. 108.
32 Mantua, C. A., El amor en silencio, Barcelona, Reguera, 1948, p. 19-20. Traduction : « Je tombai fou amoureux de Julia, et je crois qu’elle aussi. Ses regards étaient pénétrants et profonds. Quel regard que celui de cette femme ! Jamais je n’ai vu d’yeux plus expressifs que les siens ; ils étaient obsédants, parfois je ne pouvais les fixer ; elle semblait vouloir deviner ma pensée et elle parvenait à s’immiscer dans mon cerveau. »
33 Ibid., p. 26. Traduction : « une fille originale ».
34 Ibid., p. 58. Traduction : « une femme on ne peut plus raffinée, exquise dans tous ses gestes et mouvements. Une vraie dame ».
35 Ibid., p. 57. Traduction : « sans cesser d’être absolument féminine en toutes circonstances, elle avait un pas agile, de jeune homme résolu ».
36 Ibid., p. 83. Traduction : « Amelia avait toujours été franche, résolue, un caractère viril malgré sa délicieuse féminité. »
37 Péquignot, B., La Relation amoureuse : Analyse sociologique du roman sentimental moderne, Paris, L’Harmattan, 1991, p. 144.
38 Mantua, C. A., La prisionera del Maharajá, Barcelona, Marco, 1952, p. 29. Traduction : « svelte et séduisante ».
39 Ibid., p. 31. Traduction : « la forte personnalité de cet homme de rêve, dont elle était loin d’imaginer qu’il pût exister dans la réalité ».
40 Ibid., p. 59-60. Traduction : « Maureen se mit à genoux et commença à prier. C’était une prière de désespoir, quelque chose qu’elle n’avait jamais éprouvé. […] C’était la prière de l’être humain qui a peur de lui-même. De fait, Maureen, jeune fille simple, humble et bonne, avait été éduquée dans le cadre de la rigidité archaïque de la famille irlandaise, et elle n’ignorait aucune des émotions qui conduisent au péché. Nathoo Ram la perturbait. Cet Oriental la troublait profondément. Quand elle était à ses côtés, elle devait mener une lutte acharnée contre elle-même. Elle n’avait jamais éprouvé cela au contact des autres hommes qu’elle avait rencontrés. […] Si elle n’avait pas vécu cette terrible aventure au Palais de Nathoo Ram, elle aurait toujours ignoré ce qu’était le mystère insondable de l’amour. Oui, elle était amoureuse de Nathoo Ram. »
41 Ibid., p. 103. Traduction : « Vraie Religion. »
42 Ibid., p. 95-96. Traduction : « La jeune femme […] avait perdu cette joie saine, cet optimisme qui était le sien quand elle était arrivée au Pendjab ; les heures passées dans le Palais de Nathoo Ram avaient laissé dans son cœur la trace d’une cruelle amertume. Une nuit de pleine lune […], Ricardo Lévison demanda à Maureen, avec sa simplicité habituelle : / - À moi tu peux me dire la vérité, Maureen ? Tu aurais épousé le Maharajah s’il avait abjuré sa religion ?... / Maureen, incapable de mentir, et voulant dissiper cette sorte de tension qui faisait décliner sa lune de miel, répondit : / - Oui, Ricardo, je l’aurais épousé ».
43 Ibid., p. 25-26. Traduction : « Elle n’était pas particulièrement sensible, mais elle avait tout juste vingt ans et bien qu’elle eût consacré sa vie à autrui, dans son cœur tendre et passionné, cet amour qu’elle ignorait encore la titillait et alimentait ses rêveries. Les fleurs dégageaient un parfum pénétrant et la nature demeurait inquiète, comme dans l’attente. »
44 Ibid., p. 36. Traduction : « Elle était dans tous ses états, ces yeux obliques du magnat oriental l’avaient perturbée. Le contact de sa main tiède […] l’avait émue. »
45 Ibid., p. 39. Traduction : « ses yeux obliques et noirs l’avaient subjuguée, elle ne pouvait se souvenir de lui sans être prise de frissons ».
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