Chapitre VI. Beyrouth avant Berlin ?
La France au défi d’une sortie anticipée de la guerre froide, 1979-1985
p. 257-294
Texte intégral
1Le mur de Berlin est-il tombé en 1979 au Proche-Orient ? Pour les plus éminents spécialistes de cette région du monde, la succession d’événements de l’année 1979 a largement contribué à faire sortir non seulement le Proche-Orient mais aussi l’ensemble du monde arabe de la logique de guerre froide. Hamit Bozarslan considère ainsi qu’au tournant des années 1970 et 1980, « les États-Unis de Carter et l’Union soviétique brejnévienne ne sont plus, ni l’un ni l’autre, en mesure d’imposer leur volonté à des États largement autonomisés », où se développe une « force nouvelle que personne n’avait vu sourdre : l’islamisme1 ». Odd Arne Westad élargit ce constat à toute la Méditerranée, estimant que ses trois rives connaissent alors une exceptionnelle désidéologisation dont le dépassement du clivage gauche-droite et la montée en puissance des sentiments religieux et identitaire sont les marqueurs principaux2.
2Pour d’autres historiens, si on peut parler de sortie précoce du bassin méditerranéen de la guerre froide au début de la décennie 1980, c’est d’abord en raison de l’affirmation de la domination américaine sur le bassin et de l’affaiblissement de l’URSS dans la région3 : l’invasion de l’Afghanistan discrédite Moscou dans le monde musulman ; la péninsule ibérique et la Grèce renforcent leur ancrage occidental via le processus d’adhésion au Marché commun ; les États-Unis mettent la main sur la gestion des relations israélo-arabes ; le coup d’État militaire en Turquie, qui installe à Ankara en 1980 une équipe dirigeante atlantiste, renforce les effets de Camp David en rendant plus délicat pour la Marine soviétique le passage de la mer Noire à la mer Rouge via le Bosphore, la mer Égée et le canal de Suez, tous contrôlés par des régimes désormais fidèles à Washington.
3Si l’une et l’autre de ces lectures se complètent plus qu’elles ne s’opposent, elles comportent néanmoins deux limites. D’une part, elles supposent qu’à un moment donné les deux Grands ont été en mesure d’imposer leur volonté aux États de la région. Or, les débats historiographiques mis en exergue au fil des précédents chapitres ont montré que cela n’allait pas de soi. D’autre part, en analysant le début des années 1980 au prisme des événements de la fin de la décennie, ces interprétations livrent une vision téléologique de la guerre froide ; elles négligent le poids des représentations et notamment l’image de puissance que donne l’URSS à la fin de l’ère brejnévienne, de même que le climat de tension qui pèse sur les relations internationales, en particulier sur le cœur européen de la « guerre fraîche ».
4Aussi l’un des grands défis pour les historiens est-il de parvenir à analyser les derniers temps de la guerre froide en se détachant de toute tentation déterministe : en 2004, Michael Cox expliquait combien cet exercice se révélait difficile pour des chercheurs qui, marqués par le caractère exceptionnellement pacifique du dépassement de l’opposition Est-Ouest, avaient érigé l’étude de celui-ci en un chantier historiographique de premier plan4. La tâche s’avère d’autant plus délicate à accomplir pour la période qui nous intéresse qu’au début des années 1980, tous les facteurs du dénouement de 1989-1991 sont déjà en place : l’URSS s’embourbe en Afghanistan et dans une crise désormais structurelle entretenue à la fois par un Ronald Reagan bien décidé à en finir avec le communisme et, dans le bloc de l’Est, par un vent de révolte dont la Pologne devient l’épicentre ; dès 1980, Mikhaïl Gorbatchev, dont le souci de réformer l’agriculture dans sa région de Stavropol lui a permis d’être remarqué par Youri Andropov à la fin des années 1960, devient membre de plein droit du Politburo ; la CSCE poursuit lentement mais sûrement, au fil de ses réunions, le processus de mise en œuvre et d’amélioration des dispositions de l’Acte final d’Helsinki5.
5De fait, peut-on écrire une histoire de la guerre froide en Méditerranée dans les années 1980 sans considérer qu’elle touche irrémédiablement à sa fin ? À l’inverse, est-il possible de le faire en admettant qu’elle puisse y prendre fin dès cette période, soit bien avant la chute du mur de Berlin ? Cela reviendrait à considérer qu’une approche décentrée de la guerre froide en nuance également l’examen chronologique et irait dans le sens d’une désacralisation des événements de 1989-1991 largement défendue par les historiens de l’économie – pour Pierre Dockès, en 1989 cela fait longtemps que « la messe est dite », la déréglementation financière et l’essor des échanges ayant déjà fait basculer le monde dans la nouvelle ère globalisée6.
6Ces questionnements généraux peuvent être déclinés à l’échelle française : comment écrire une histoire de la guerre froide de la France en Méditerranée dans les années 1980 ? Un pays qui s’est fait le chantre d’une lecture des relations internationales expurgée de la logique bipolaire peut-il encore croire à la viabilité de la dialectique des blocs dans le bassin au lendemain de la crise afghane ? Répondre à ces interrogations implique de remettre en perspective le rôle et la vision de la France dans la dernière décennie du conflit Est-Ouest, une vision dont l’historiographie a livré une analyse largement eurocentrée liée au poids de l’Europe et de la question allemande dans la politique extérieure du pays. Ainsi, depuis l’ouverture des archives des présidences Giscard d’Estaing et Mitterrand, une série de travaux a entraîné une réévaluation du jeu français dans le processus de dépassement du rideau de fer et de réunification allemande7. Les chapitres précédents ont toutefois montré que la sécurité de la France en contexte de guerre froide ne se résume pas aux seuls enjeux centre-européens et que l’environnement proche méditerranéen en a lui aussi été pensé comme un théâtre essentiel.
7Dans ces conditions, et en admettant que la première moitié des années 1980 corresponde à un dépassement de la logique Est-Ouest en Méditerranée, quel rôle la France, principale puissance militaire occidentale de la zone avec les États-Unis, a-t-elle joué dans le processus d’émancipation de la Méditerranée de la logique de guerre froide ? Après tout, si ses droits et responsabilités lui ont donné voix au chapitre en Europe centrale, l’entremêlement des intérêts français à ceux des deux Grands, du Maghreb au Levant, ne lui confère-t-il pas un poids similaire, voire plus important, dans cet espace ?
8Les documents disponibles pour cette période laissent entrevoir un processus en deux temps, à condition de reconstituer le puzzle méditerranéen en le liant systématiquement à l’évolution globale du climat international. On constate que si, d’une part, la France s’implique dans la guerre froide, davantage que ce qui a été dit, à partir de l’intervention soviétique en Afghanistan, elle sait, en même temps, s’émanciper de ce schéma et ainsi démontrer sa capacité à saisir les nouvelles logiques à l’œuvre dans le bassin, comme si la vision gaullienne d’un dépassement de Yalta devenait réalité en Méditerranée bien avant la chute du mur de Berlin. À ce titre, divers indices conduisent à penser que, plus encore que 1979, les années 1982-1983 correspondent au véritable tournant de l’histoire de la guerre froide méditerranéenne en ce qu’elles révèlent l’incapacité de l’URSS à protéger ses clients locaux dans le contexte de la guerre civile libanaise. Au vu du niveau d’implication française au Liban, on ne peut que se poser la question du poids de la diplomatie mitterrandienne dans ce tournant.
Les conséquences méditerranéennes de la crise afghane, ou la nécessaire réévaluation de l’engagement giscardien de guerre froide
La fin du « benign neglect » et le découplage soviéto-arabe : la dimension Nord-Sud de la réponse française à la crise afghane
9La réaction de Giscard d’Estaing au choc que représente l’invasion soviétique de l’Afghanistan en décembre 1979 a fait l’objet d’une multitude de commentaires qui, pour la plupart, décrivent un président français désireux de ne rien faire qui puisse saper la détente et nuire au dialogue avec le Kremlin8. À l’inverse de Jimmy Carter et de Margaret Thatcher, il s’oppose à toute sanction économique, au boycott des Jeux Olympiques de Moscou et à la suspension des négociations Est-Ouest en cours ou à venir, donnant une impression de laxisme face à ce que nombre d’Occidentaux voient comme une révélation du véritable visage de l’URSS. Pour la première fois depuis 1945, celle-ci semble se lancer à la conquête d’un autre pays, refusant l’échec de la révolution communiste produite à Kaboul en avril 1978 et bien décidée à se donner les moyens d’accéder aux mers chaudes à partir de l’Asie centrale. La rencontre de Giscard d’Estaing avec Brejnev à Varsovie en mai 1980 puis son annonce impromptue d’un retrait partiel des troupes soviétiques le mois suivant, qui lui vaut la célèbre saillie verbale de François Mitterrand, n’ont pas aidé à améliorer l’image d’un président trop attaché à la détente et au confort qu’elle procure pour se ranger derrière la politique de fermeté anglo-saxonne.
10Certes, depuis la fin des années 1990, les historiens ont mis la main sur ce dossier et nuancé le tableau, soulignant une attitude en réalité ferme de Giscard d’Estaing envers le secrétaire général du PCUS9, aujourd’hui confirmée par les archives : l’hôte de l’Élysée réclame à son interlocuteur la formation d’un nouveau gouvernement afghan, plus représentatif de la population, et le retrait de l’Armée rouge, au risque sinon de pousser la dégradation des relations Est-Ouest jusqu’à un point de non-retour10. Mais il n’en reste pas moins, écrit Pierre Mélandri, qu’« il est difficile de contester que Giscard d’Estaing n’a pu empêcher son voyage à Varsovie de faire figure d’aval au coup de force de la Russie. Cette impression n’a pu qu’être confortée par son refus, dès février, au nom de son opposition aux “blocs”, de tout Sommet atlantique et par l’ambiguïté de ses déclarations publiques11 ». En d’autres termes, c’est bien l’impression d’un Giscard d’Estaing cherchant à ménager l’URSS et à préserver coûte que coûte la détente qui se dégage de la plupart des travaux.
11Pourtant, le décentrement de l’analyse à l’échelle méditerranéenne et son inscription dans la logique transatlantique de gestion de crise permettent une autre interprétation de l’attitude française pendant la crise afghane. Ils montrent encore une fois combien l’élaboration de la politique de guerre froide de la France s’insère dans un environnement régional qui se limite d’autant moins à l’Europe continentale que le schéma de pensée des décideurs français s’est considérablement « méditerranéisé » dans les années 1970 et que l’habitude a été prise de penser l’Est-Ouest en fonction du Nord-Sud et vice-versa.
12L’invasion par l’URSS d’un pays du Tiers Monde situé sur ses marges méridionales cristallise cette perception. On le voit notamment chez Gabriel Robin qui, en devenant directeur des Affaires politiques du Quai d’Orsay en 1979, consolide un peu plus l’emprise du président sur la conduite des affaires diplomatiques. L’explication à chaud qu’il livre de l’intervention se situe non seulement dans la continuité de sa lecture des objectifs soviétiques mais elle est désormais présentée par le courant révisionniste de l’historiographie de la guerre froide comme un facteur essentiel de la décision de Moscou : les Soviétiques réagissent à l’impression accrue d’encerclement créée par le ralliement de la RFA, le 6 décembre 1979, à la double-décision de l’OTAN qui ouvre la voie au déploiement des missiles Pershing12. Cela conduit Youri Andropov à alerter Brejnev sur « les dangers aux frontières méridionales de l’URSS et la possibilité que des missiles à courte portée américains soient déployés en Afghanistan et visent les sites stratégiques au Kazakhstan, en Sibérie et ailleurs13 ». Le 12 décembre, le jour où l’OTAN décide de déployer ses missiles en Europe occidentale, le Politburo approuve le plan Oustinov-Andropov visant à « sauver » l’Afghanistan et à relever du pouvoir Hafizullah Amin – qui a fait assassiner le chef du gouvernement pro-soviétique Mohammad Taraki.
13Puisque Moscou pense l’Est-Ouest en fonction du Nord-Sud, Paris doit faire pareil. Les archives du Quai d’Orsay témoignent ainsi d’une exceptionnelle symbiose entre les directions d’Europe et d’Afrique du Nord-Levant dans le travail de formulation de la réponse française à la crise afghane. C’est d’ailleurs un excellent connaisseur du Maghreb, Jean-Pierre Masset, qui est nommé sous-directeur d’Europe orientale en 1980 pour seconder le nouveau direct d’Europe, Bertrand Dufourcq. Serge Boidevaix, ancien conseiller diplomatique de Jacques Chirac et spécialiste du Moyen-Orient, prend quant à lui la tête des affaires maghrébines et proche-orientales. Recoupés avec les verbatims de conversation qu’ont les Français avec leurs partenaires de l’OTAN, les notes et télégrammes alors produits par le Quai d’Orsay font ressortir l’idée selon laquelle l’intervention en Afghanistan fait beaucoup plus les affaires de la France que ce qui a été écrit, et ce pour deux raisons : elle contribue à éloigner l’URSS des pays musulmans, et plus largement du Tiers Monde ; elle met fin à la stratégie américaine du « benign neglect » dans la périphérie méditerranéenne de l’Europe et, loin de la freiner, redynamise la relation entre Paris et Washington.
14Pour gérer la crise Est-Ouest du côté occidental, Carter propose en effet immédiatement après l’entrée de l’Armée rouge sur le territoire afghan de favoriser le format quadripartite tant défendu par Giscard d’Estaing14. Dès les premiers jours de janvier 1980, les réunions se multiplient entre les Français et leurs interlocuteurs américains, britanniques et allemands. Le 12 janvier par exemple, Gabriel Robin et François Lefebvre de Laboulaye, ambassadeur de France aux États-Unis, organisent une réunion de crise au Quai d’Orsay avec l’ambassadeur américain Arthur Hartman et le directeur du Bureau des Affaires politico-militaires du Département d’État, Reginald Bartholomew15. Dans les semaines qui suivent, le rythme des échanges entre Français et Américains, à Washington et à Paris, devient de plus en plus intense. Par la voix d’Andrew Marshall, directeur du « Net Assessment16 », le Pentagone en vient même à admettre que les Français avaient raison : le « benign neglect » était une erreur dont l’URSS a su profiter ; l’important désormais est de réfléchir à une répartition coordonnée des tâches en Méditerranée et dans l’océan Indien pour contenir la poussée soviétique17. Ravie de cette convergence de diagnostic et d’être de nouveau reconnue comme un acteur incontournable de la sécurité en Méditerranée, la diplomatie giscardienne entend bien tirer parti de la marge de manœuvre que lui offre le retour du soutien américain, sans pour autant – on va y revenir – se laisser prendre au piège d’une gestion purement atlantique de la crise qui donnerait l’impression qu’elle rejoint le commandement intégré18.
15De fait, on assiste, sur le terrain, à un renforcement sans précédent de la coopération franco-américaine selon la logique de répartition des tâches qui prévalait en 1974-1975 ; elle se traduit en Méditerranée par la recherche toujours plus grande de synergie opérationnelle avec la VIe Flotte – notamment entre porte-avions français et américains et dans le cadre d’exercices mutuels – et avec les marines italienne et espagnole19, la France s’efforçant ainsi de conserver le bénéfice des dispositifs bilatéraux mis sur pied depuis 1976. À cet égard, la crise afghane conforte d’autant plus la place de Rome comme partenaire stratégique de Paris que le PCI, affaibli, se joint à la condamnation générale de l’intervention soviétique et ne s’oppose pas à l’idée d’un déploiement des Pershing en Sicile, faisant progressivement tomber en désuétude le risque de neutralisation20. Giscard d’Estaing et ses conseillers comprennent en outre que la vive réaction des Occidentaux au coup de force à Kaboul surprend tellement les dirigeants soviétiques qu’elle rend peu plausible une reprise en main de la Yougoslavie par le Kremlin, même après la disparition de Tito en mai 198021. Les responsables militaires français n’excluent pas cependant l’hypothèse, en cas de crise, d’une offensive terrestre du Pacte de Varsovie à partir du territoire hongrois, à travers l’Autriche ou la Slovénie, en direction des vallées du Pô et du Rhône. Cela explique la conclusion d’un accord de coopération entre la Force Aérienne Tactique et la 5e ATAF (Allied Tactical Air Force) de Vicence : elle prouve que la France envisage de soutenir ses alliés en Italie en engageant des opérations qui ne seraient pas seulement navales et amphibies, mais également aériennes et terrestres22.
16C’est cependant en Afrique du Nord que le retour à une répartition tacite des tâches avec Washington est à la fois le plus visible et le plus rapidement mis en œuvre. Lorsqu’en janvier 1980 un commando libyen attaque la ville tunisienne de Gafsa en vue de déstabiliser le régime bourguibien et que Giscard d’Estaing réagit par l’envoi immédiat d’avions et d’hélicoptères et par une démonstration de force navale, la CIA se félicite de voir à quel point la France assure avec détermination, efficacité et rapidité « son rôle dans la division du travail entre alliés occidentaux » en faveur de « l’équilibre stratégique en Méditerranée » et contre « les interférences soviétiques23 », ici incarnées par le client libyen de Moscou. L’élection de Ronald Reagan en novembre 1980 accentue un peu plus la satisfaction des Français de voir les États-Unis soutenir leur action de guerre froide sans craindre un rétropédalage à la mode Carter : dès son arrivée au pouvoir, le président républicain prend ouvertement position dans la guerre du Sahara occidental en apportant un appui politique et militaire au Maroc contre l’Algérie24, ce que Jean-Marie Soutou et Gabriel Robin ne cessaient de réclamer depuis 1976.
17Dans ces conditions, le refus obstiné de la diplomatie giscardienne de suspendre ou de repousser les négociations Est-Ouest – l’adjoint de Cyrus Vance, Warren Christopher, propose, pour protester contre l’URSS, de sacrifier le projet de CDE, dont le mandat doit être défini à la CSCE de Madrid25 – et de participer à un sommet atlantique qui aurait permis aux Occidentaux d’afficher leur unité peut apparaître artificieux. Il a en tout cas largement nourri l’impression qu’au lendemain de l’intervention en Afghanistan, Français et Américains regardaient dans deux directions différentes, les uns vers la détente, les autres vers la fermeté. Ce choix de Paris est pourtant cohérent avec la ligne suivie tout au long des années 1970. Il faut garder à l’esprit que, depuis Camp David et la décision de Carter de suivre Sadate sur la voie d’un règlement partiel de la question proche-orientale et de maintenir le « benign neglect » à la périphérie de l’Europe, la France a opté pour une autre façon de garantir l’équilibre et la sécurité Est-Ouest en Méditerranée : elle a profité de l’ardent désir soviétique de contrer le rapprochement des États-Unis avec la Chine populaire d’une part et avec l’Égypte d’autre part pour reprendre le chemin de la détente avec Moscou. De fait, en 1980, malgré leur contentement de voir les Américains revenir au schéma d’avant 1976, Giscard d’Estaing et ses conseillers ne peuvent que déplorer le caractère tardif de leur réaction, après des années de mises en garde françaises contre les risques d’une négligence du flanc sud. Aussi, accepter la tenue d’un sommet atlantique dans la foulée de la crise afghane donnerait la fâcheuse impression que les Français n’attendaient qu’un retour de l’Amérique pour se jeter dans ses bras ; cela briserait instantanément la crédibilité de leur stratégie d’équilibre Est-Ouest en Méditerranée.
18Le désaccord franco-américain en 1980 relève donc avant tout de la symbolique transatlantique et de la mystique gaullienne, et les Américains semblent le comprendre fort bien – l’essentiel, dit la CIA, est que Giscard d’Estaing joue le jeu de la coopération réelle26. La question qui se pose cependant est celle des destinataires du signal que l’Élysée souhaite envoyer en refusant un sommet occidental et en prônant la discrétion des échanges quadripartites. Il est clair que le président vise d’abord les Français eux-mêmes : à un an de l’élection présidentielle, il s’agit de ne pas prêter le flanc aux critiques de son principal adversaire à droite, Jacques Chirac, qui l’accuse d’atlantisme ; le message s’adresse ensuite à l’URSS : la France reste cet « autre Occident » capable de ne pas systématiquement emboîter le pas aux Américains, du moins en apparence ; mais, plus que tout, le signal est destiné aux pays du Tiers Monde et en particulier aux États musulmans.
19Là se situe le cœur Nord-Sud trop souvent oublié de la réponse française à l’affaire afghane. Le vote de l’Assemblée générale de l’ONU sur l’Afghanistan en janvier 1980 est vécu à Paris comme un événement majeur : la plupart des pays du Sud exigent le retrait immédiat des troupes soviétiques27. Alors que pendant toute la guerre froide, l’URSS s’est servie de l’ONU comme d’une tribune contre l’Occident, elle se retrouve désormais sur le banc des accusés. Mieux, à la conférence islamique d’Islamabad qui a lieu le même mois, la quasi-totalité des pays musulmans, réunis sous l’égide de l’Arabie saoudite et de l’Égypte, qualifie l’URSS de « pays agresseur » et réclame la fin de la présence armée soviétique en Afghanistan et dans la corne de l’Afrique. Cette condamnation porte un coup sévère aux efforts du Kremlin pour se présenter comme le véritable défenseur du monde musulman et particulièrement des intérêts arabes face à l’« expansionnisme » israélien et à la politique américaine au Proche-Orient. Surtout, à la grande joie de G. Robin, de la direction d’Afrique-Levant et des militaires français, la mise en accusation des Soviétiques renforce la sécurité de la Yougoslavie – difficile pour Moscou de s’en prendre à l’un des leaders historiques du non-alignement sans craindre de perdre définitivement son crédit dans le monde en développement – et émousse leur relation privilégiée avec l’Algérie, qui s’abstient lors du vote à l’ONU28. Certes les liens entre les deux pays restent importants, mais le président Chadli Bendjedid décide d’en revenir à un non-alignement strict et de ne plus consentir d’avantages à l’Eskadra. L’objectif de découpler les intérêts de l’URSS de ceux des pays situés dans le cercle français d’intérêt immédiat semble alors en passe d’être atteint.
20Dans ce contexte, les Français jugent qu’une condamnation atlantique de l’invasion et un gel des négociations sur le désarmement équivaudraient à faire un beau cadeau aux Soviétiques car ils conféreraient une dimension Est-Ouest à la crise ; Moscou pourrait s’en servir comme excuse auprès des États du Tiers Monde, prétextant que son intervention est la résultante de la rivalité avec l’Occident29. En laissant au contraire les pays musulmans se charger de la condamnation publique de l’URSS, Giscard d’Estaing et François-Poncet assistent à l’affaiblissement de ses positions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient tout en gardant l’avantage de la discussion avec le Kremlin et en particulier du maintien de la CSCE de Madrid et de la préparation de la CDE. Autrement dit, le Nord-Sud est mis au service de l’Est-Ouest. À la double peine de Moscou correspond un double avantage pour la France : le délitement des rapports soviéto-arabes complète le bénéfice du désarmement conventionnel en Europe. Ainsi, grâce à la crise afghane, d’une part la France retrouve toute sa liberté d’action sur les marges africaines et proche-orientales du Vieux continent : elle peut intervenir et livrer toujours plus d’armes dans le Tiers Monde sans que les États-Unis ne l’empêchent de le faire ; d’autre part elle accentue la pression sur l’URSS pour obtenir une réduction significative de sa domination militaire. On a donc affaire à une véritable stratégie de guerre froide qui répond aux risques identifiés pendant la période 1976-1979. On peut en conclure que, contrairement à l’idée généralement retenue, l’invasion soviétique de l’Afghanistan fait clairement les affaires de la France, qui peut ainsi remettre à l’honneur le schéma de sécurité euro-méditerranéenne qu’elle a élaboré depuis la fin des années 1960.
De Venise à Madrid : la sécurité coopérative au service de la nouvelle guerre froide ?
21Les historiens de la construction européenne comme ceux du Moyen-Orient et de la politique extérieure de la France ont fait de la « déclaration de Venise » du 13 juin 1980, dans laquelle le Conseil européen pose les bases d’un nouveau règlement global au Proche-Orient, un texte de référence, l’une des initiatives les plus marquantes de la fin du mandat de Valéry Giscard d’Estaing mais aussi et surtout de l’histoire de la politique méditerranéenne de la CEE et du dialogue euro-arabe. La déclaration insiste explicitement sur le rôle de l’OLP dans les futures négociations de paix et exprime la volonté de l’Europe de prendre une part active à un système de garanties internationales sur le terrain30.
22L’implication de Giscard d’Estaing dans l’élaboration du document constitue à la fois un aboutissement et un élargissement de sa politique en faveur de la cause palestinienne et d’un règlement d’ensemble de la question israélo-arabe. Conçue comme une critique explicite des accords de Camp David, la déclaration de Venise se veut une réponse à l’impasse diplomatique que connaissent les rapports israélo-égyptiens en 1980 et aux tergiversations de l’Administration Carter pour tenter de la dépasser31. L’initiative européenne est aussi une façon de réagir au climat exacerbé de violence entretenu, au sud-Liban et en Cisjordanie principalement, par le terrorisme pro-palestinien et les représailles d’Israël. Il faut également la replacer dans le contexte de crise économique que connaît l’Europe à la suite du second choc pétrolier : Giscard d’Estaing et ses partenaires cherchent à défendre leurs intérêts pétroliers en envoyant un signe aux soutiens saoudien, émirati et koweïtien de l’OLP.
23La dimension de guerre froide est en revanche globalement absente des analyses qui sont faites des origines de la déclaration de Venise. Pourtant, dans sa fresque sur La question de Palestine, Henry Laurens évoque bel et bien, parmi les objectifs des Européens, celui qui consiste à « ne pas laisser le champ libre aux Soviétiques au Proche-Orient32 ». Dans les faits, l’inscription de cette initiative dans le contexte de la crise afghane et de la stratégie méditerranéenne de Giscard d’Estaing impose une réévaluation à la hausse de l’aspect Est-Ouest du texte mis au point dans la cité des Doges. On peut même voir dans la nouvelle guerre froide un élément central d’explication de la démarche de l’Élysée, qui s’insère dans l’effort plus vaste de la France visant à capitaliser sur l’opposition des Arabes à l’URSS et à Camp David pour reprendre la main sur les affaires régionales et le processus de paix au Proche-Orient tout en maintenant le dialogue avec Moscou.
24La déclaration de Venise est ainsi à rapprocher de l’ouverture, en novembre 1980, de la deuxième réunion sur les Suites de la CSCE, à Madrid. L’une et l’autre peuvent être lues comme deux volets d’une même politique de sécurité coopérative euro-méditerranéenne qui, via la CPE et la poursuite du processus d’Helsinki, ne fait que reprendre les outils privilégiés par la diplomatie française depuis l’ère pompidolienne, voire depuis l’essor de la tendance diplomatique soixante-huitarde née après les événements de Tchécoslovaquie. Le parallèle avec 1968 n’est d’ailleurs pas fortuit : la CSCE et la coopération politique européenne sont mises au service de la lutte contre l’expansion soviétique de la même manière qu’elles l’avaient été pour répondre à la répression du printemps de Prague et à l’élaboration de la doctrine Brejnev. Cela est d’autant plus vrai en 1980 qu’outre l’Afghanistan, l’atmosphère insurrectionnelle en Pologne crée un risque d’intervention militaire de l’URSS qu’à aucun moment la diplomatie giscardienne ne néglige33.
25Concrètement, une analyse couplée de Venise et de Madrid permet d’une part d’évaluer la réalité du recul de l’influence soviétique en Méditerranée et d’autre part de jauger la capacité de la France à transformer la sécurité coopérative en forme subtile de containment. En effet, si la déclaration de Venise ne se traduit par aucun changement majeur sur le terrain – les Européens réalisent rapidement qu’ils n’ont pas les moyens de mettre en œuvre leurs solutions et subissent une opposition farouche des Israéliens34 – elle a au moins le mérite de révéler les intentions et les limites de la politique soviétique en Méditerranée après 1979.
26Ainsi, dans les mois qui suivent la réunion du Conseil européen, Boris Ponomarev, à la tête du Département international du Comité central du PCUS, accélère sa stratégie de reconquête des Arabes, dont la question palestinienne constitue le fondement35. Dès janvier 1980, il s’est efforcé de resserrer les liens avec le « front de la fermeté », à savoir Assad, Kadhafi et Arafat, résolus à prôner la distinction entre l’affaire afghane et le conflit israélo-arabe dans le but d’éviter que tous les pays arabes ne se tournent vers les États-Unis et ne finissent par épouser leurs thèses. Mais le discrédit de l’URSS est tel que, pendant plusieurs mois, la diplomatie soviétique a du mal à se faire entendre. L’été 1980 lui donne l’occasion de rebondir lorsqu’elle constate que Venise suscite des échos favorables auprès de certains dirigeants proche-orientaux, à commencer par Sadate et le roi Hussein de Jordanie, et que l’élan collectif contre Camp David, loin de s’être tari, s’est accru en raison du blocage israélo-égyptien et de la poursuite des violences au Liban. Le temps semble donc venu, à Moscou, de reprendre l’initiative face aux difficultés éprouvées par la diplomatie américaine pour canaliser le gouvernement de Menahem Begin.
27Cette tentative de réaffirmation soviétique dans les affaires méditerranéennes transparaît dans le dernier discours que Brejnev prononce devant un Congrès du PCUS (le vingt-sixième), le 23 février 198136. Elle s’appuie sur une stratégie à la fois définitive et multiscalaire : définitive car elle fixe les orientations de l’URSS pour toute la période de la « guerre fraîche » – Andropov et Tchernenko, les successeurs immédiats de Brejnev, ne s’en éloigneront pas – ; multiscalaire car elle se fonde sur l’articulation entre trois outils diplomatiques correspondant à autant d’échelles d’action : l’institutionnalisation des relations avec chacun des membres du front de la fermeté – un traité d’amitié et de coopération est signé avec Damas le 8 octobre 1980, un autre l’est avec l’OLP la même année et Ponomarev prévoit de faire de même avec la Libye37 – ; la promotion d’un règlement global au Proche-Orient sous l’égide exclusive des deux Grands ; l’extension du champ d’application de la future CDE à toute la Méditerranée, y compris aux pays de la rive sud38.
28L’impression qui se dégage de ce projet est celle d’une ferme volonté soviétique non seulement de couper l’herbe sous le pied des Neuf, mais surtout de revenir à une approche purement bipolaire des affaires du bassin, basée sur l’opposition entre deux camps bien distincts dominés par les deux Grands. À première vue, ces orientations accréditent la thèse selon laquelle, en dépit de la crise afghane, l’URSS demeure dans une posture offensive qui en fait une menace pour la stabilité de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient en 1981. On retrouve cette idée dans les documents émanant des puissances occidentales impliquées dans la région, comme les États-Unis et l’Italie, mais aussi sous la plume d’historiens du militaire qui considèrent que l’omnipotence de la superpuissance soviétique justifie que le Conseil de l’Atlantique Nord reconnaisse en 1982 que « la région Sud ne constitue plus désormais un flanc, mais un front central39 ».
29Avec le recul, on peut pourtant interpréter la triple initiative de Moscou dans le sens contraire. Cette ultime offensive brejnévienne en direction de la Méditerranée semble en effet exprimer une certaine nostalgie de la bipolarité autant qu’un signe de faiblesse. Certes les nombreuses cartes du bassin dressées par la CIA ou le SGDN montrent combien la présence navale de l’URSS y reste importante en 1980-1981 : en plus de bénéficier de facilités de réparation à Bizerte, en Sicile, en Dalmatie et en Grèce accordées au nom de la coopération maritime, l’Eskadra peut utiliser les installations de Tripoli de Libye et, surtout, de Tartous comme ports d’escale pour ses quarante-six bâtiments de Méditerranée40. Mais, surfréquentés et trop petits, ces ports se révèlent en réalité incapables de fournir un support adapté à une flotte soviétique de plus en plus moderne41, ce qui l’oblige à rechercher des points d’appui au-delà de la Grande bleue, dans l’océan Indien en particulier. Aussi la proposition d’extension de la CDE doit-elle être comprise comme une reconnaissance implicite du Kremlin que l’espace méditerranéen est largement dominé par les flottes occidentales et comme une tentative de rééquilibrage des forces. Quant à la déclaration de Venise, l’URSS ne l’aurait probablement pas reprise si elle n’avait pas alors l’impression de se faire damer le pion par les Européens.
30Ce n’est cependant pas la perception qu’on se fait à Paris et, encore une fois, il convient de se garder de toute analyse déterministe. Les documents du Quai d’Orsay, de l’Élysée et du ministère de la Défense prouvent qu’à l’été 1980 et tout au long de la dernière année de la présidence Giscard d’Estaing, l’ensemble des acteurs du processus français de décision partagent le constat de leurs alliés américains, britanniques et italiens selon lequel, en dépit de la crise afghane, les Soviétiques restent incontournables dans une Méditerranée qui demeure un haut-lieu de l’opposition Est-Ouest. On peut même dire que la triple offensive brejnévienne atteint partiellement son objectif en ce qu’elle laisse entrevoir aux Français un retour à une gestion « condominiale » des affaires régionales42.
31Si ce spectre du condominium conjugué à la reprise de la guerre froide tend à faire ressurgir le traditionnel dilemme entre alignement sur les États-Unis et poursuite d’une voie originale fondée sur le dialogue avec l’URSS, l’existence d’un outil tel que la CSCE, qui a déjà fait ses preuves, permet cependant de le dépasser rapidement. Lutter contre la bipolarité tout en défendant la position dominante de l’Ouest en Méditerranée : c’est sous l’angle de ce double objectif qu’il faut voir dans la conférence de Madrid un moyen pour la France de réaffirmer sa posture d’« autre Occident ». Elle est néanmoins plus que cela : la CSCE espagnole constitue une étape fondamentale dans l’affaiblissement de l’influence soviétique dans l’espace euro-méditerranéen et dans la prise de conscience française de cette réalité.
32Le lieu même de la conférence n’est pas anodin et la diplomatie giscardienne est pour beaucoup dans ce choix. Comme la promotion de Belgrade au rang de capitale de la sécurité européenne à la fin de la décennie 1970 participait du dispositif de dissuasion des Soviétiques contre toute poussée vers l’Adriatique, celle de Madrid est une façon de démontrer aux régimes autoritaires de l’Est à quel point la démocratisation peut aller de pair avec un éclatant retour sur la scène internationale, comme cela est le cas de l’Espagne. L’élargissement, au même moment, de la CEE vers le sud envoie un message similaire de l’autre côté du rideau de fer. Mieux, le processus d’adhésion de la Grèce puis de la péninsule ibérique constitue une véritable « bombe à retardement » pour la cohésion du bloc soviétique, créant un double sentiment d’injustice et d’espoir dans les « démocraties populaires43 ».
33Les Dix de la CEE transforment l’essai en obtenant qu’après les incertitudes neutralistes des années 1970 Athènes et Venise accueillent les premières réunions d’experts CSCE de l’après-Madrid pour conforter l’ancrage sécuritaire de l’Europe méridionale44. En bref, c’est toute une géographie urbaine de la sécurité et de la coopération qui se dessine dans les années 1980 et dont témoignent les choix des lieux de ces rencontres. Ainsi, considérée comme une périphérie du continent tout au long du xxe siècle, à l’exception de la période de la guerre civile espagnole, Madrid a non seulement une valeur métonymique pour les historiens de la guerre froide, qui y voient une étape essentielle vers le dépassement de la bipolarité, mais son omniprésence dans les documents diplomatiques la fait apparaître comme le lieu central du dialogue Est-Ouest à l’ère de la « guerre fraîche », illustrant l’importance de la CSCE comme outil de régulation des crises.
34La capitale de l’Espagne est, en l’occurrence, l’un des théâtres privilégiés de la relation franco-soviétique entre 1980 et 1983, tout comme elle incarne un moment quasi triomphal pour la politique française de guerre froide en Méditerranée. Principale porteuse du projet de CDE depuis 1978, la diplomatie française joue un rôle central dans la définition de son mandat : elle obtient des Soviétiques que l’objectif ultime de cette conférence soit d’aboutir à une diminution globale des armements conventionnels, y compris sur le territoire soviétique ; en échange, la France et ses alliés acceptent que les manœuvres en Méditerranée soient notifiées si elles sont liées à des exercices terrestres45. On réduit ainsi le risque d’une offensive soviétique vers l’Adriatique tout en préservant les bases avancées américaines et les forces nucléaires françaises déployées en mer, d’autant plus essentielles à la sécurité de l’Europe qu’elles font contrepoids aux SS-20. En donnant à l’URSS et aux non-alignés l’impression qu’ils leur font une concession de taille, les Français consolident la sécurité de la zone italo-adriatique et l’ancrage de l’espace maritime méditerranéen dans le giron occidental, en même temps qu’ils amenuisent considérablement l’espoir des Soviétiques de voir mis en œuvre un point essentiel du testament brejnévien pour cette partie du monde.
35Ce succès ne peut être lu indépendamment des effets de la crise afghane sur les relations de Paris avec les deux Grands. D’une part, le renouveau transatlantique consécutif à la fin du « benign neglect » se traduit par le soutien d’une large partie de la diplomatie américaine au projet français de CDE ; parmi eux se trouve Max Kampelman, juriste démocrate nommé par Carter chef de la délégation des États-Unis à Madrid et prolongé dans sa mission par Reagan46. D’autre part, la volonté de Giscard d’Estaing de ne pas mettre publiquement en scène sa convergence avec Washington convainc le cercle brejnévien de privilégier le dialogue avec les Français, ce que prouvent les sources issues des pays du pacte de Varsovie47. Grâce à cette double mécanique, la question de la sécurité maritime de l’Europe est pendant près de trois ans – la conférence est interrompue plusieurs mois après l’instauration de la loi martiale en Pologne – au cœur des échanges entre Français, Américains et Soviétiques et participe de leur gestion commune de la « guerre fraîche ».
36Les personnalités en charge de ces négociations sont révélatrices des perceptions que chacune de ces puissances se fait de la place de la mer dans les rapports Est-Ouest. Preuve de l’emprise des militaires sur le processus de décision soviétique, c’est à un haut gradé, le général Mihailov, qu’incombe la mission de mener les discussions madrilènes au nom du Kremlin. Ses entretiens parfois tendus avec les Occidentaux témoignent de l’obsession soviétique de l’encerclement maritime, voire du traumatisme que celui-ci représente au moment où le combat semble perdu sur l’extension de la CDE et des MDC à tout le bassin48.
37Du côté français, l’objectif d’une domination navale occidentale en Méditerranée possède une forte dimension psychologique : elle doit être une manière de contrebalancer l’appréhension suscitée par la puissance des forces terrestres de l’Armée rouge49, entretenue par les images télévisées qui proviennent d’Afghanistan et par le spectre d’une intervention en Pologne. L’attachement à la sécurité coopérative et à l’affaiblissement de la doctrine Brejnev en est d’autant plus important ; il se manifeste à travers la nomination à la tête de la délégation française d’un spécialiste des questions de coopération, Gilles Curien, auparavant directeur du service des affaires scientifiques au Quai d’Orsay, et par celle de Jacques Andréani à la direction des Affaires politiques en juillet 1981 : deux mois après l’installation de François Mitterrand à l’Élysée, l’arrivée, à un poste clé de l’administration centrale, de l’un des cofondateurs du parti socialiste unifié qui est aussi l’un des acteurs majeurs de la politique Est-Ouest de la France depuis les années 1960, est un premier signe de la continuité à l’œuvre. La poursuite de la CSCE de Madrid en est un autre : en 1983, c’est bien la diplomatie mitterrandienne qui accomplit le vœu pompidolo-giscardien de non prise en compte des bases avancées américaines dans la CDE. Pourquoi alors la mémoire collective a-t-elle retenu l’image d’un Mitterrand beaucoup plus ferme que son prédécesseur à l’égard de l’URSS ? L’ancrage méditerranéen de l’analyse montre de manière assez nette qu’en dépit des apparences, le premier président socialiste de la Ve République sait s’appuyer sur le bilan de son prédécesseur pour contrecarrer les objectifs énoncés par Brejnev avant sa disparition, mais en même temps se départir de la seule logique de guerre froide.
La France, actrice non assumée de la sortie de guerre froide méditerranéenne ?
Du faux tournant de 1981 au basculement de 1982
38Le rapport de Mitterrand à la guerre froide a fait couler beaucoup d’encre depuis les années 1990. Le débat lié à son rôle durant les mois qui ont suivi la chute du mur de Berlin de même que l’activisme éditorial et médiatique des gardiens de la mémoire de l’ancien président y sont pour beaucoup. Les récits et témoignages laissés par ses conseillers, tels Hubert Védrine, Jacques Attali ou Jean Musitelli, mais aussi certains des ouvrages biographiques qui lui ont été consacrés, ont tendance à souligner une approche Est-Ouest en rupture avec celle de Giscard d’Estaing, du moins au début du premier mandat50. Mitterrand y est présenté comme un exemple de fermeté après les tergiversations giscardiennes51. D’emblée, il endosse explicitement la double-décision et soutient le déploiement des forces nucléaires américaines de portée intermédiaire en Europe, un décalage par rapport à son prédécesseur qui culmine avec le discours au Bundestag en janvier 1983. Cette nouvelle position de guerre froide se traduit par un rapprochement avec l’Ouest, en particulier avec Ronald Reagan et le secrétaire général de l’OTAN Joseph Luns, et par une « cure de désintoxication52 » pour ce qui est des relations avec Moscou, ce qui signifie rompre avec le modèle des rencontres régulières au sommet dans le but explicite de ne pas cautionner l’action soviétique en Afghanistan et en Pologne. Il s’agit aussi de rassurer les alliés de la France après la nomination de quatre ministres communistes au gouvernement et de répondre aux préoccupations d’une opinion très critique à l’égard de l’URSS.
39La même idée de changement est mise en avant dès lors qu’on élargit la guerre froide au Tiers Monde, mais dans le sens inverse : l’entente globale avec Reagan à propos de la conduite des rapports avec l’URSS est contrebalancée par les condamnations françaises de la politique américaine dans les pays du Sud et par les relations avec certains des ennemis de Washington comme le Nicaragua sandiniste – à qui Paris fournit des armes – ou Cuba. Le schéma paraît idéal : à la solidarité occidentale face à la tyrannie soviétique en Europe correspond la volonté de défendre la cause des peuples réprimés parce qu’ils se sont révoltés pour obtenir de meilleures conditions de vie.
40L’historiographie a déjà largement nuancé cette vision de la politique extérieure mitterrandienne, montrant que la rupture avec Valéry Giscard d’Estaing n’est en réalité qu’apparente. Mitterrand se rallie très vite à l’idée que la détente fait partie intégrante de la sécurité et qu’il ne faut en négliger ni les effets sur l’URSS ni son potentiel de déstabilisation en Europe orientale53. Il se montre soucieux de préserver les acquis à travers les contacts et les échanges avec l’Est et, comme il l’indique lors de ses vœux pour 1982, quelques jours après l’instauration de l’état de siège à Varsovie, il considère que « tout ce qui permettra de sortir de Yalta sera bon54 ». Aussi fait-il sienne, on l’a dit, la conception française de la CSCE, qui vise également à ne pas laisser aux Américains le monopole des discussions avec Moscou. Les analyses que le président et ses conseillers font de l’URSS et de ses perspectives d’évolution se situent alors dans la droite ligne des conceptions de leurs prédécesseurs : ils la voient comme un ensemble « immobile » et « rigide » obnubilé par le souci de demeurer militairement aussi puissant que les États-Unis, mais ils estiment que la permanence des contacts avec l’Ouest y nourrit un mouvement de changement « extrêmement lent55 ». Cela n’empêche pas une plus grande fermeté vis-à-vis du Kremlin, dont on a vu qu’elle était en réalité déjà à l’œuvre sous Giscard d’Estaing. En outre, comme ce dernier, Mitterrand s’oppose catégoriquement aux suggestions de Brejnev puis d’Andropov visant à inclure les armes nucléaires françaises dans les négociations relevant de l’arms control. Quant au rapprochement avec les États-Unis, il est lui aussi dans la prolongation de la politique de coopération et de partage des tâches suivie dans les années 1970. On peut même affirmer que l’attitude d’équilibre adoptée par la diplomatie mitterrandienne est rendue possible par les orientations et outils privilégiés tout au long de la décennie précédente.
41Cette continuité est particulièrement marquée en ce qui concerne la conduite de la guerre froide en Méditerranée, bien que le principe d’un prolongement des postures antérieures à 1981 fasse moins consensus chez les historiens dès lors que l’on déplace le curseur vers le sud, probablement en raison d’une certaine tendance à privilégier les strictes logiques bilatérales ainsi qu’une chronologie calquée sur les seuls mandats présidentiels. C’est par exemple le cas en ce qui concerne le développement de l’axe Paris-Rome comme instrument d’une approche régionalisée des affaires euro-méditerranéennes, régulièrement daté du début des années 1980 et imputé à la passion immodérée de Mitterrand pour l’Italie. Pour certains observateurs, en structurant le partenariat transalpin, le « Florentin » – ou, selon les cas, le « Vénitien56 » – ne fait que répondre au sentiment de délaissement ressenti par le gouvernement italien après le sommet quadripartite de la Guadeloupe, auquel il n’a pas été associé57. Si les archives confirment le malaise alors créé dans les relations entre Giscard d’Estaing et son homologue Sandro Pertini58, on ne peut pour autant négliger les efforts antérieurs, menés dès l’époque de Georges Pompidou puis consolidés par son successeur, pour mettre sur pied un schéma de discussions sur le modèle franco-allemand. De même, les exercices militaires menés en Provence et en Méditerranée centrale entre 1982 et 1984 se calquent sur les plans de guerre mis au point durant la décennie précédente59 ; ils se fondent sur l’idée que l’Italie serait immédiatement envahie par les troupes du pacte de Varsovie en cas de guerre et, par conséquent, que le traditionnel théâtre Centre-Europe n’est pas le seul à nécessiter une planification opérationnelle terrestre France-OTAN.
42Il est vrai cependant que, davantage que ses prédécesseurs, Mitterrand prend garde de ne jamais négliger le point de vue des Italiens. La constance du dialogue stratégique qu’il entretient avec Bettino Craxi à propos des euromissiles en est la meilleure preuve, bien qu’il ne soit pas sans anicroche à propos de la dissuasion française60. Mais ce dialogue est aussi le signe qu’à l’instar de Giscard d’Estaing, Mitterrand inscrit la relation stratégique franco-italienne dans le cadre plus large de la défense des intérêts français du « premier cercle » méditerranéen. Il est d’ailleurs frappant de constater que, dans son ouvrage de référence, Hubert Védrine fait de ce raisonnement à l’échelle de la Méditerranée occidentale une autre nouveauté de la période mitterrandienne61, alors qu’il s’est largement développé au cours de la période précédente.
43La seule différence avec la diplomatie giscardienne est la moindre place accordée à la Grèce dans ce cercle « d’intérêt immédiat » après 1981, en dépit de l’élection à Athènes, cinq mois après la victoire du 10 mai, d’un autre socialiste, Andréas Papandréou. Si pour les historiens de la relation franco-grecque, la fin de la lune de miel de l’ère Giscard d’Estaing-Caramanlis est un tournant62, ce semblant de rupture apparaît, une fois inscrit dans le cadre plus large de la sécurité européenne, plutôt comme un aboutissement : au début des années 1980, la vulnérabilité grecque face au bloc soviétique est largement atténuée par le gel de la question chypriote, l’adhésion de la Grèce au Marché commun, le renforcement de ses liens de défense avec les États-Unis, le coup d’État pro-américain en Turquie et la diminution du risque d’intervention soviétique dans les Balkans après le tollé suscité par la crise afghane63. La relation privilégiée franco-grecque, fondée en grande partie sur la gestion commune des crises régionales, n’est donc plus aussi nécessaire qu’auparavant, ni pour Paris ni pour Athènes.
44Ces analyses confortent en fin de compte l’idée d’une communauté d’objectifs entre Giscard d’Estaing et Mitterrand telle qu’elle s’était déjà manifestée dans les années 1970. Le secrétaire général du PS et le président centriste défendaient alors, chacun à leur façon, le principe d’un ancrage plus solide de l’Europe méridionale à l’Occident grâce au processus de convergence des sociétés autour d’une vaste classe moyenne et de la défense des libertés individuelles. En résultait une logique tendant à faire de la Méditerranée un espace de transition Nord-Sud à sécuriser. Cela signifie-t-il qu’une fois installé à l’Élysée, et alors que la guerre froide connaît un nouvel apogée, Mitterrand se montre lui aussi très soucieux de s’appuyer sur son partenariat privilégié avec Washington et Rome pour parer à toute tentative soviétique de contourner l’Europe par le sud ? Il est clair que son acceptation de la double-décision et son refus d’étendre le champ de la future CDE à la Méditerranée vont dans ce sens, mais peut-on interpréter les interventions françaises dans le monde arabe au début des années 1980 comme relevant d’une logique de guerre froide ? La France mitterrandienne ne pourrait-elle pas, dans ce cas, être accusée d’agir dans son espace proche méridional comme le font les États-Unis de Reagan en Amérique latine ?
45Le débat historiographique se concentre aujourd’hui sur le Liban, principal (et ultime) théâtre de l’opposition Est-Ouest en Méditerranée au début des années 1980 du fait de l’intervention israélienne de juin 1982, dont les buts sont, entre autres, de supprimer la résistance palestinienne et la présence syrienne. Pour l’historien Rashid Khalidi, les choses sont claires : en intervenant dans la guerre civile libanaise aux côtés des Américains et des Italiens à l’été 1982 dans le cadre de la Force multinationale d’interposition (FMI), la France contribue directement et délibérément à affaiblir les clients de l’URSS au Proche-Orient et à mettre un terme à la guerre froide en Méditerranée ; elle s’insère complètement dans le jeu de Washington dont l’objectif suprême est d’éliminer toute influence soviétique dans la région64. Autrement dit, la coopération franco-italo-américaine en matière de gestion de crise dans le bassin atteint là son apogée et son but, en dépit des difficultés auxquelles elle se heurte sur le terrain. Cette analyse est corroborée par certains travaux sur les marines française et italienne, où l’intervention au Liban est présentée sous l’angle exclusif de la lutte anti-soviétique65.
46Utilisant comme sources principales les mémoires d’Alexander Haig, secrétaire d’État de Reagan de janvier 1981 à juillet 1982, et un discours d’Evgueni Primakov prononcé à l’Institut d’études palestiniennes à Beyrouth, l’argumentation de R. Khalidi s’appuie sur deux éléments principaux : d’une part, c’est la posture de « Cold Warrior » affichée par Reagan et ses alliés après l’Afghanistan qui facilite considérablement la décision du gouvernement Begin et de sa figure de proue, le ministre de la Défense Ariel Sharon, d’envahir le Liban dans le but d’y créer un État fantoche soumis aux Occidentaux ; d’autre part, c’est l’absence totale de réaction de la part de l’URSS qui, une fois l’intervention entamée, permet aux militaires israéliens d’agir librement contre les forces syriennes et palestiniennes. Ils le font avec le plein soutien des Américains, expulsant l’OLP, occupant la plus grande partie du Liban, et favorisant l’installation d’un régime ami sous l’autorité de Bachir Gemayel (assassiné en septembre 1982, il est remplacé par son frère Amine). Cela est présenté comme une grande victoire sur l’influence soviétique par l’administration Reagan qui, dans la foulée, lance une initiative destinée à résoudre le conflit israélo-arabe selon les termes israélo-américains. Certes, écrit Rashid Khalidi, l’euphorie ne dure pas longtemps à Washington : la situation tourne court pour les forces américaines, françaises et italiennes, débarquées en août pour superviser le retrait de l’OLP ; elles doivent faire face à une montée de violence due à leur incapacité d’empêcher les massacres perpétrés par les Phalangistes et les soldats de l’Armée du Liban-Sud dans les camps de Sabra et Chatila, situés dans une zone contrôlée par Israël. Mais toujours est-il que les Occidentaux peuvent se féliciter, après ce sanglant épisode, d’avoir mis en exergue l’immobilisme de l’URSS, incapable de venir en aide à ses protégés syriens et palestiniens, ce que Primakov admet alors ouvertement66. R. Khalidi en tire une conclusion provocatrice : la guerre froide ne s’est pas terminée à Berlin en 1989, mais à Beyrouth en 1982.
47Le moins que l’on puisse dire est que l’analyse que livre le directeur du département Moyen-Orient de l’université Columbia se situe en porte-à-faux par rapport aux raisons communément admises en France de l’intervention au Liban. Les récits dont nous disposons aujourd’hui, du côté français, justifient l’envoi d’une force d’interposition en évoquant systématiquement la responsabilité historique vis-à-vis de l’intégrité du pays du cèdre et la nécessité d’éviter l’anéantissement de l’OLP. L’argument de la guerre froide est lui aussi mobilisé, mais dans une perspective résolument gaullienne : Hubert Védrine et Jacques Attali indiquent ainsi qu’en juin 1982, Mitterrand craint surtout que la crise du Liban, « au confluent des deux affrontements » Est-Ouest et Nord-Sud, ne rende la guerre mondiale « inévitable67 » ; il s’agirait donc plutôt d’éviter une bipolarisation exacerbée de la guerre civile libanaise. Cela signifie-t-il que, dès le début de l’opération, les objectifs de Paris et de Washington auraient été divergents ? H. Védrine ne le dit pas ; il cite simplement un commentaire fait par Mitterrand lors d’un Conseil des ministres en 1989 et dans lequel le président se dédouane de toute initiative dans l’intervention de 1982, faite « à la demande personnelle de Reagan68 ». Ignace Dalle, en revanche, affirme que la France fait bel et bien preuve d’une indéniable solidarité avec les États-Unis au Liban69. Une enquête plus large, allant au-delà de la seule relation franco-libanaise, s’avère donc nécessaire si l’on veut déconstruire le poids des questions Est-Ouest dans l’approche française de l’intervention de 1982 et vérifier si, oui ou non, la France a sciemment participé à un affaiblissement définitif de l’URSS en Méditerranée70.
48Une difficulté de ce travail d’enquête provient de l’évolution du lien entre l’Élysée et le Quai d’Orsay à l’ère mitterrandienne, moins fusionnel qu’à l’époque de Giscard d’Estaing. Certes le ministre des Relations extérieures Claude Cheysson, passionné des questions Nord-Sud, a toute la confiance du président de la République – qui accepte ainsi sa requête de changement d’appellation du ministère (« plus rien d’extérieur ne nous est étranger71 ») – mais les préventions de ce dernier à l’égard des diplomates et de leur style « nouille72 » font que, plus que jamais, l’élaboration de la politique étrangère est sous la coupe du chef de l’État.
49Il convient cependant de ne pas tirer de ce relâchement la conclusion que le Quai d’Orsay serait en permanence court-circuiter par les conseillers diplomatiques du président ; même si les désaccords sont parfois patents, le « département » reste un maillon essentiel du processus de mise en œuvre de la politique extérieure, facilité par la continuité globale des acteurs et des orientations. Ainsi, Bertrand Dufourcq reste à la direction d’Europe jusqu’en 1984 et Serge Boidevaix demeure à la direction d’Afrique du Nord – Levant jusqu’en 1982. Surtout, est nommé à Moscou en 1981 un ponte de la diplomatie Est-Ouest de la France, Claude Arnaud, impliqué dans les relations avec l’URSS depuis les débuts de la Ve République et dont l’aura est immense dans le milieu diplomatique. Connu des Soviétiques, Arnaud leur inspire une certaine confiance qui fait que ces derniers lui parlent beaucoup et que les documents qu’il transmet à Paris constituent un corpus de première importance pour approcher l’enjeu franco-soviétique de la guerre libanaise.
Beyrouth, point d’aboutissement d’une diplomatie de « cold warrior » ?
50À partir de l’automne 1982 et durant les deux années qui suivent, les nombreux rapports de l’ambassade de France à Moscou sur la politique soviétique au Proche-Orient insistent tous sur l’impression d’impuissance que donne l’URSS devant une situation qui échappe très largement à son contrôle73. La « crise de l’été 1982 » a franchement refroidi les relations du Kremlin avec ses partenaires palestiniens et syriens et renforcé le poids des Américains sur les affaires régionales. De ce point de vue, les sources françaises confirment indéniablement la thèse principale de R. Khalidi : ce moment de la crise libanaise correspond à l’un des principaux tournants de l’histoire de la guerre froide en Méditerranée en ce qu’elle voit l’URSS perdre pied au Levant, malgré le maintien de sa présence navale en Syrie. On peut même affirmer qu’avec le Liban, deux des grandes orientations du testament de Brejnev tombent à l’eau avant la mort de celui-ci en novembre, à savoir la consolidation permanente des liens avec le front de la fermeté et la propension à ramener le règlement global dans une logique « condominiale » soviéto-américaine. La conclusion de la CSCE de Madrid l’année suivante et ses décisions sur la CDE et la Méditerranée achèvent de briser le rêve brejnévien d’un retour soviétique dans la Grande Bleue.
51Dans quelle mesure la France a-t-elle participé à ce processus ? Si son rôle à Madrid est sans conteste, les archives du Quai d’Orsay comme celles du pacte de Varsovie et de la CIA laissent penser qu’il en va de même pour le reste. Le plus difficile est de mesurer la détermination française à en arriver là. Ce qui est certain, c’est que les apparences jouent en faveur d’un Mitterrand « cold warrior » à toutes les échelles, proche-orientale, méditerranéenne et globale. Une fois encore, le poids des perceptions est tel qu’il crée de la réalité.
52Les documents disponibles montrent que dès les premiers mois de 1982 les relations franco-soviétiques se refroidissent considérablement à propos du Proche-Orient. La diplomatie soviétique voit en François Mitterrand l’un des plus fidèles alliés des États-Unis et dans le Levant le principal terrain, avec l’Europe, sur lequel s’exerce cette symbiose74. La participation de la France à la FMI et à l’évacuation d’Arafat de Beyrouth est perçue par le directeur du Département Proche-Orient du MID, Vladimir Poliakov, et par le premier vice-ministre des Affaires étrangères Georgi Kornienko comme l’apothéose d’une succession d’initiatives tournées contre les clients syriens et palestiniens de l’URSS et en faveur d’Israël, et dont le but est de consolider la présence des troupes américaines75. Ainsi, après avoir publiquement soutenu Camp David en 1978, Mitterrand prend part à leur mise en œuvre : suscitant la colère de Moscou, il accepte, au début de 1982, que la France participe à la Force multinationale du Sinaï prévue pour encadrer la restitution de la péninsule à l’Égypte76. Quelques semaines après, en mars, le président se rend en Israël où il prononce devant la Knesset un discours dans lequel s’il défend le principe d’un État palestinien, il s’abstient de condamner l’annexion israélienne du Golan qui a eu lieu en décembre 198177. Lorsque 60 000 soldats de Tsahal surgissent au Liban le 6 juin 1982, Mitterrand finit certes par condamner l’intervention, mais il a pris soin au préalable de mettre sur un même plan les « trois occupations du Liban », par les Syriens, les Palestiniens et les Israéliens78. Et quand, à la fin de l’été, l’exfiltration de l’OLP et de près de 11 000 combattants palestiniens par les légionnaires français de Calvi entraîne la fragmentation et l’affaiblissement de la gauche progressiste libanaise pro-palestinienne et les remerciements chaleureux de Béchir Gemayel au gouvernement de Pierre Mauroy79, plus aucun doute ne semble subsister du côté du Kremlin : Paris partage l’objectif de Washington de construire un État fantoche pro-occidental au Liban80.
53Cerise sur le gâteau : le 18 septembre 1982, Jacques Andréani est à Moscou pour… défendre le plan Reagan sur le Proche-Orient, considéré par le directeur des affaires politiques comme plus précis et équilibré que le texte de Camp David en ce qu’il tient compte du problème palestinien (sans pour autant prévoir la création d’un État indépendant81). Il y rencontre un Kornienko dépité de voir la France participer au processus américain d’exclusion de l’URSS du Levant82. En ressort l’idée que ce n’est pas tant le règlement global qui intéresse Moscou que son souci de peser sur les questions régionales au nom de l’équilibre entre les deux Grands. Et avec la FMI, dont l’exigence soviétique de retrait est l’un des sujets centraux de la relation avec Paris entre 1982 et 1984, la France participe de la rupture de cet équilibre. Cela conforte la défiance traditionnelle du Kremlin à l’égard des socio-démocrates occidentaux, toujours prompts à donner des gages de fidélité aux Américains pour les convaincre de leur loyauté. L’admiration déclarée de François Mitterrand pour Israël et le judaïsme ne fait qu’ajouter au trouble des diplomates du MID.
54Le président peut-il ignorer l’effet de guerre froide que de telles prises de position peuvent avoir ? Dans un contexte déjà marqué par le raidissement global des rapports avec Moscou, deux indices prouvent que ni le chef de l’État ni aucun des acteurs du processus de décision français n’a l’intention de ménager les Soviétiques au Proche-Orient. D’abord, en décembre 1981, soit un mois avant l’engagement sur le Sinaï et trois mois avant le voyage en Israël, Bertrand Dufourcq et Serge Boidevaix ainsi que le ministère de la Défense et le SDECE – où Pierre Marion, ancien directeur général d’Air France, vient de succéder à de Marenches – font remonter à l’Élysée et à Matignon, via le SGDN, une note insistant sur les risques que comporte un usage politique de la question palestinienne par l’URSS. Ils s’accordent sur le fait que le peuple palestinien, du fait de sa condition misérable et de sa répartition géographique, « constitue le meilleur terrain de culture révolutionnaire au Moyen-Orient » et qu’il peut être utilisé par Moscou comme un instrument de déstabilisation de tout le monde arabe83. Inscrivant son raisonnement à l’échelle du bassin méditerranéen, la note possède une tonalité particulièrement alarmiste dont on peut penser qu’elle vise à inciter le gouvernement à prendre les devants. La réponse française à la crise de l’été 1982 pourrait, dans ce cas, être interprétée comme un moyen de retirer à l’URSS la possibilité d’agir sur Arafat et de prouver aux Palestiniens qu’ils bénéficient d’autres soutiens que celui de Moscou, ce qui ne différerait en rien des logiques suivies par Pompidou et Giscard d’Estaing. La défiance de Pierre Marion envers l’URSS et la confiance initiale qu’accorde Mitterrand au nouveau chef du renseignement extérieur – il est chargé d’opérer la transformation du SDECE en DGSE et il est l’un des premiers à être informé de l’existence de Mazarine Pingeot – plaident en faveur de cette thèse, en dépit des désaccords qui conduiront Marion à démissionner en novembre 198284.
55Le deuxième indice d’une conscience mitterrandienne de guerre froide au Proche-Orient provient de la volonté délibérée du président français de suivre Reagan dans sa politique d’affrontement direct avec le principal soutien de la superpuissance soviétique en Méditerranée, la Syrie. La relation entre Hafez el-Assad et François Mitterrand apparaît particulièrement dégradée dès le moment où celui-ci parvient à l’Élysée85. Les prises de position de Paris en faveur d’Israël puis de l’OLP entretiennent une profonde rancœur de Damas, aggravée par le soutien politique et matériel de Mitterrand à l’Irak dans la guerre qui l’oppose à l’Iran islamiste. Le régime syrien devient dès lors, avec Téhéran, le principal commanditaire de la première vague d’attentats qui frappe la France et ses intérêts au Liban en 1981 et 1982. L’assassinat de l’ambassadeur français à Beyrouth, Louis Delamare, par un commando de miliciens au service de Damas, qui fait suite aux attentats contre le siège d’Air France, la Francabank et la Banque libano-française, puis les attaques, en mars et avril 1982, visant la mission commerciale de l’ambassade d’Israël à Paris et le siège parisien du quotidien libanais al-Watan al-Arabi conduisent Mitterrand à réaffirmer sa solidarité à l’égard de Washington86.
56Or, de janvier 1981 à juillet 1982, le secrétaire d’État américain Alexander Haig n’entretient aucune équivoque quant à ses objectifs en ce qui concerne la Syrie : il s’agit d’affaiblir un régime qui cumule la double tare d’être à la fois un client de Moscou et un allié de Téhéran87. La politique syrienne de l’Administration Reagan est présentée par Haig comme relevant de la guerre froide globale et les Français ne peuvent l’ignorer. Assad sait d’ailleurs en jouer pour obtenir davantage d’armements de la part de l’URSS et probablement entretenir auprès des dirigeants soviétiques l’image d’un Mitterrand « cold warrior88 ». La CIA n’est pas loin de penser la même chose, reconnaissant en 1983, dans un rapport adressé au Conseil à la Sécurité nationale, que la France est un partenaire de premier plan dans la stratégie de dissuasion occidentale au Proche-Orient89.
57Dans ce cas, pourquoi l’historiographie française sur la politique arabe de Mitterrand n’insiste-t-elle, pour ainsi dire jamais, sur cette dimension Est-Ouest de la guerre du Liban ? On touche ici aux limites de l’interprétation proposée par Rashid Khalidi, qui tend à généraliser l’approche occidentale – ou plutôt, ici, franco-américaine – des événements de 1982 et à porter sur eux un regard finalement peu détaché de celui de Haig, c’est-à-dire obnubilé par le rapport de force avec l’URSS et le soutien absolu à Israël. D’où la nécessité, tout en gardant à l’esprit la perspective Est-Ouest, de confronter ces travaux à ceux des historiens qui ont livré une analyse aiguisée des motivations françaises au Levant au début des années 198090.
Une coopération franco-américaine équivoque ?
58De cette confrontation, on tire la conclusion que la crise de l’été 1982, en même temps qu’elle se veut l’apogée de la coopération franco-américaine en Méditerranée, réveille chez Mitterrand le besoin de se démarquer de Washington. En d’autres termes, c’est quand elle donne l’impression de s’afficher comme le fer de lance de l’Occident au Proche-Orient que la France ressent de nouveau le besoin de se poser en alternative crédible et de renouer avec sa posture d’« autre Occident ». La crise libanaise correspond ainsi à une forme de normalisation de la politique mitterrandienne de guerre froide en Méditerranée, un retour aux sources gaulliennes d’une diplomatie régionale soucieuse de ne pas s’enfermer dans un seul camp, ce qui explique le choix du « pari palestinien » et le sauvetage d’Arafat. Comme pour de Gaulle en 1967, l’attitude de l’État hébreu se révèle l’élément déclencheur du désenchantement français.
59Dans les jours qui suivent l’intervention israélienne de juin 1982, Mitterrand se sent littéralement trahi par Begin, qu’il pensait avoir convaincu en mars de ne pas envoyer l’armée au Liban91. À Tel-Aviv et à Jérusalem, personne n’a vraiment digéré le discours du président français devant la Knesset et le fait qu’il en appelle à reconnaître les droits légitimes du peuple palestinien à un État et à régler le problème des territoires en échange de la reconnaissance préalable d’Israël par les Palestiniens. Aussi, quand la FMI est mise en place, les Israéliens – comme les Syriens – s’opposent à la présence de la France au Liban, Begin et Sharon estimant qu’elle risque de contrarier leurs projets de recomposition de la scène politique locale en raison de son soutien marqué à l’OLP92.
60Le facteur israélien n’est cependant pas seul en cause pour expliquer le rééquilibrage opéré par Mitterrand à l’été 1982. Tout comme il convient de ne pas mettre systématiquement les objectifs français et américains dans le même sac, on ne peut résumer le positionnement de la France aux seules convictions de l’hôte de l’Élysée. L’influence des ministres et conseillers sur cet « ami d’Israël » qu’est le président n’est en effet pas négligeable93. Parmi ces hommes d’influence, on citera notamment le ministre Claude Cheysson, acquis à la cause palestinienne depuis longtemps, et François Durand de Grossouvre, confident de Mitterrand – il est le parrain de sa fille cachée – et proche du ministre de la Défense Charles Hernu. Chargé de mission auprès du chef de l’État depuis juin 1981, Grossouvre se voit confier le suivi des questions de sécurité liées aux rives méridionale et orientale de la Méditerranée, du Maroc à la Syrie. Fils d’un ancien directeur de la Société Générale de Beyrouth et proche d’Amine Gemayel, il initie le président aux complexités du monde arabe et contribue, avec Hubert Védrine, à dissiper sa trop grande prévention à l’égard d’Israël.
61Il est nécessaire par ailleurs de replacer la crise libanaise dans le contexte plus large de la relation franco-américaine au milieu de l’année 1982 pour éclairer le besoin de la France de se distinguer des États-Unis. Lorsque Tsahal pénètre au Liban, Mitterrand et Reagan sont à Versailles avec les cinq autres dirigeants du G7. Le président français fait alors la désagréable expérience de la toute-puissance américaine, son homologue d’outre-Atlantique se montrant bien décidé à empêcher ses alliés européens de développer leur commerce avec le bloc de l’Est, et notamment de mettre sur pied leur projet de gazoduc euro-sibérien destiné à multiplier par deux l’acheminement de gaz soviétique vers l’Europe occidentale. Si Mitterrand ne fait en réalité que reprendre une négociation engagée par Giscard d’Estaing, il réalise cependant à quel point le retour à la guerre froide, le soutien à la double-décision et le fait que la France soit devenue le meilleur élève de la classe OTAN – en raison de son solide et autonome système de défense – le renvoient systématiquement entre les mains des États-Unis et lui laissent une faible marge de manœuvre, y compris sur les questions économiques et commerciales : la tendance des Américains à étendre le périmètre de l’opposition Est-Ouest à tous les domaines devient insupportable94.
62L’affaire libanaise doit être éclairée sous ce prisme : le soutien aux Palestiniens est un moyen de se démarquer des États-Unis, ce qui confirme malgré tout l’idée que les Français sont obligés, à un moment donné, d’intégrer le paramètre « guerre froide » dans leur politique au Levant. Mais au Liban comme ailleurs, le rouleau-compresseur américain laisse peu de place aux initiatives de la France, d’où le fait que, vu de l’extérieur, la perception d’un Mitterrand « cold warrior » l’emporte sur les objectifs véritables de Paris. En réalité, en prenant fait et cause pour les Palestiniens, en appelant à l’unité libanaise et au dialogue entre tous les acteurs régionaux, ce dernier court le risque de se mettre à dos à la fois Washington, Tel-Aviv et Damas et de s’isoler sur la scène proche-orientale, ce qui expliquerait qu’il demeure à l’écart des négociations de paix imposées par Reagan aux dirigeants israéliens et libanais en 198395. Doit-on en conclure à une manipulation des Français par les Américains, comme le suggère Mitterrand en 198996 ? Il est clair que la Maison Blanche profite des bonnes dispositions initiales de l’Élysée et de son besoin de se voir reconnaître un rôle d’acteur incontournable de la sécurité en Méditerranée. En outre, on l’a dit, la diplomatie mitterrandienne a aussi conscience de l’image qu’elle donne en s’engageant aux côtés des États-Unis.
63Toutefois, et cela pointe une autre limite de l’approche adoptée par R. Khalidi, la position de Washington est loin d’être monolithique : la vision de Haig d’un Moyen-Orient objet d’un « consensus stratégique » ne fait pas l’unanimité dans l’entourage de Reagan et au Département d’État, ce qui nuance là aussi l’idée d’un partenariat franco-américain aux allures de bloc occidental. Face au courant « globaliste » – représenté par Haig, le NSC et, dans une moindre mesure, Reagan lui-même – qui interprète tout à travers la lorgnette de l’opposition globale à l’URSS, se manifeste un courant « régionaliste » dont le principal porteur est Philip Habib, ancien sous-secrétaire d’État aux Affaires politiques dans l’Administration Carter97. Nommé représentant spécial pour le Moyen-Orient en mai 1981, Habib voit dans la négociation diplomatique le seul moyen de préserver la mosaïque fragile des alliés de l’Amérique dans la région ; autrement dit, les États-Unis ne doivent pas rechercher une résolution de la crise libanaise qui ne tiendrait compte que de la sécurité d’Israël. L’influence de Habib sur Reagan n’est pas négligeable et contribue à atténuer ses positions globalistes. Ainsi, lorsqu’en décembre 1981, Ariel Sharon soumet aux Américains son plan d’intervention visant à chasser l’OLP et la Syrie du Liban, Habib convainc Reagan de s’opposer à sa mise en œuvre pour ne pas compromettre les relations des États-Unis avec les pays arabes98.
64Le courant régionaliste obtient une autre victoire lorsqu’en juin 1982, au moment du siège israélien de Beyrouth, les États-Unis ne mettent pas leur véto à la résolution 509 du Conseil de Sécurité des Nations unies qui demande à Israël de se retirer immédiatement. La colère de Haig et son décalage par rapport à d’autres membres de l’administration, dont le vice-président George Bush, font partie des raisons qui conduisent le secrétaire d’État à la démission le 25 juin. Son successeur, George Schultz, adopte une posture plus modérée et, avec l’aval du président, invite à Washington les protagonistes de la guerre libanaise – à commencer par la Syrie et l’OLP. Là, Schultz, comme Mitterrand, en appelle à une évacuation de toutes les forces étrangères du Liban, qu’elles soient syriennes, palestiniennes ou israéliennes, ce qui doit faciliter un traité de paix entre toutes les parties et la restauration de la souveraineté du pays du cèdre99. L’évacuation de l’OLP vers la Tunisie est pensée par le nouveau secrétaire d’État comme la première phase de ce plan. Peu à peu précisé, celui-ci devient le plan Reagan du 1er septembre 1982, qu’Andréani vient défendre à Moscou. Il y a donc, à la fin de l’été, une vraie proximité de vues entre Washington et Paris sur la manière de régler la question libanaise, et c’est pour cela que Mitterrand reste globalement solidaire des États-Unis sur ce dossier.
65Le problème vient du fait qu’à l’inverse de la France, les États-Unis ne parviennent pas à s’extraire du piège de l’alliance israélienne et de l’image qu’elle renvoie au monde arabe et à l’URSS. C’est même à une véritable manipulation des Américains que se livre le gouvernement Begin100. Ainsi, au lendemain de l’envoi de ses troupes au Liban et alors qu’il cherche un prétexte pour attaquer l’armée syrienne restée au nord de la « ligne rouge » qu’est le fleuve Litani, Sharon fait encercler les positions syriennes au moment même où Habib négocie un cessez-le-feu avec Assad. Voyant dans cette concomitance une conspiration israélo-américaine, Assad blâme personnellement un Philip Habib à la fois humilié et furieux101. Trois mois plus tard, une fois assurée l’évacuation de l’OLP, le passage à la deuxième phase du plan américain est rendu compliqué par Begin, qui refuse de se retirer du Liban sans la création d’une « zone de sécurité » s’étendant à quarante-cinq kilomètres au nord de la frontière israélo-libanaise. Il l’est aussi par Assad, qui repousse tout retrait avant que les États-Unis aient proposé un règlement global qui le satisfasse. Or, celui du 1er septembre, en ne disant rien du plateau du Golan – Washington cherche à ménager Israël –, renvoie Damas dans ses retranchements. Dès lors, la lutte entre « globalistes » et « régionalistes » reprend de plus belle : après le massacre de Sabra et Chatila, Schultz et le secrétaire à la Défense Caspar Weinberger, soucieux d’éviter un nouveau Vietnam, s’écharpent sur l’opportunité ou non de renvoyer la FMI à Beyrouth, alors qu’elle avait été rappelée trois semaines plus tôt seulement.
66Au total, l’Administration Reagan se révèle incapable de définir une approche cohérente de la guerre civile libanaise. Son soutien à Israël – mais aussi aux Gemayel – réduit considérablement sa marge de manœuvre vis-à-vis de la Syrie qui, en novembre 1982, passe un important contrat d’armement avec l’URSS, comprenant 1 200 chars, 210 avions de combat et environ 2 500 instructeurs soviétiques102. Dans ce contexte, et après le torpillage syrien de l’accord israélo-libanais du 17 mai 1983 qui aboutit à un retrait unilatéral de Tsahal et à de violents affrontements entre l’armée libanaise et la milice druze pro-syrienne de Walid Joumblatt (la « guerre de la montagne »), les régionalistes de Washington se retrouvent très affaiblis ; entre le printemps et l’automne 1983, les globalistes reprennent les commandes, avec à leur tête le conseiller à la sécurité nationale William Patrick Clark et, surtout, son adjoint (et futur successeur à partir d’octobre 1983) Robert McFarlane. Nommé représentant spécial pour le Moyen-Orient à la suite de Habib, McFarlane voit la main de l’URSS derrière chaque décision syrienne et incarne plus que quiconque le nouveau glissement américain vers le containment. Il est ainsi l’un des initiateurs de l’Initiative de Défense Stratégique présentée le 23 mars par Reagan qui, dix-huit jours plus tôt, a écrit dans son journal que « l’Armageddon de la prophétie commence avec l’assaut des portes de Damas103 ». Washington soutient dès lors massivement l’armée de Gemayel dans sa guerre contre les Syriens et les druzes, tous équipés par Moscou.
67Au cours de ces mois décisifs, la solidarité de Mitterrand envers l’allié américain reste totale, renforçant un peu plus le sentiment d’Assad que la France est un pilier de l’OTAN104 : le porte-avions Foch est dépêché au large des côtes libanaises pour permettre aux Super Étendard de pilonner les positions syriennes et druzes105. Les archives montrent toutefois que cette solidarité franco-américaine repose sur un malentendu de plus en plus patent et qu’à partir de cette période, le fossé entre Paris et Washington se creuse quant à l’interprétation du conflit libanais. Contrairement à Reagan et McFarlane, la diplomatie mitterrandienne analyse ce dernier comme l’auraient fait les régionalistes américains : elle considère que plus aucune puissance n’a en réalité de prise sur la situation proche-orientale et que les acteurs locaux se sont largement émancipés de leurs tutelles106 ; aussi est-il nécessaire de se départir de toute logique de guerre froide pour mieux lutter contre un danger, l’islamisme, qui relègue l’URSS au rang de menace très secondaire et compromet d’ailleurs sa sécurité autant que celle de l’Occident.
68Le double attentat du 23 octobre 1983, qui tue 241 fusiliers marins américains et 58 parachutistes français de la FMI, apparaît à cet égard comme une étape clé du cheminement de la pensée géopolitique mitterrandienne et cristallise la divergence de lecture entre la France et les États-Unis. Bien que les services de renseignement de part et d’autre de l’Atlantique pointent la responsabilité de l’Iran et de la milice chiite Hezbollah constituée l’année précédente, Reagan refuse de s’en prendre au régime alaouite de peur de provoquer une troisième guerre mondiale contre l’URSS. Pour Mitterrand au contraire, le rôle d’Assad étant indiscutable, il ne voit pas de raison de l’épargner, la guerre froide n’ayant plus rien à voir dans cette affaire107. Les troupes françaises se retrouvent donc seules, le 17 novembre 1983, à bombarder une caserne de Baalbek censée abriter des miliciens chiites. Dans les mois qui suivent, désireuse de répondre à une opinion publique qui souhaite éviter un nouveau Vietnam, la Maison Blanche retire ses troupes du Liban, comme le font l’Italie et le Royaume-Uni. Mitterrand se résout à les imiter en mars 1984, bien que des militaires français soient laissés sur place dans le cadre de la FINUL et pour des missions d’observation du cessez-le-feu108.
69Ces événements marquent, pour les Français, une étape fondamentale de la transition vers un nouveau régime de relations internationales au Proche-Orient et, du fait de la conclusion concomitante de la CSCE de Madrid et du déploiement des Pershing, dans toute la Méditerranée. En ce sens, on peut dire que la France a pris part au dépassement précoce de la conflictualité Est-Ouest dans la région ; sauf qu’à la différence des événements de 1989-1990 en Europe centrale, la guerre froide laisse progressivement place à une situation géopolitique complexe et violente, comme elle le fera dans les Balkans. Plus que les Américains, les experts français semblent comprendre et tirer les leçons de ce changement, qui affaiblit la logique des blocs sans pour autant répondre à l’aspiration gaullienne d’un triomphe des États.
Ordre international et menaces transnationales : la diplomatie mitterrandienne entre clairvoyance et frustration
70Dans le débat historiographique sur le rôle de la France à la fin de la guerre froide, s’est imposée l’idée qu’au début des années 1980, personne n’imagine un dépassement à court terme de la division de l’Europe, et ce pour une bonne et simple raison : le règlement de la question allemande, fil rouge des relations Est-Ouest depuis 1945, n’est pas d’actualité, y compris dans l’esprit de Mitterrand109. Cela n’empêche pourtant pas les dirigeants et diplomates français de croire et d’affirmer, avant même l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev, que l’espace-monde méditerranéen s’émancipe bel et bien de la logique de la guerre froide. Pareille certitude dans un contexte d’opposition extrême entre les deux Grands n’a rien d’évident ; elle résulte pourtant d’une analyse assez juste des rapports de force internationaux qui, avec le recul, dénote du degré de qualité et de précision atteint par l’expertise française. La conséquence en est un décalage de plus en plus béant avec les conceptions des superpuissances, largement dominées par la compétition globale entre les blocs et le désir partagé de l’emporter sur le modèle adverse.
71Si, dans cette prise de conscience, les événements libanais jouent un rôle capital de révélateurs et de catalyseurs des nouvelles dynamiques à l’œuvre, ils s’inscrivent dans le contexte plus large de développement et de mutation des logiques transnationales nées dans les années 1970 et dont la France est à la fois une actrice et une victime. Sans en être la seule manifestation, le terrorisme en est la principale.
72L’examen de cette période complexe que sont les années 1983-1984 à l’échelle de la Méditerranée impose donc de capitaliser sur deux grandes tendances de l’historiographie des relations internationales développées depuis une quinzaine d’années – le processus de fin de guerre froide d’une part, l’émergence des nouvelles menaces d’autre part – afin de s’interroger sur la capacité de la France mitterrandienne à appréhender ce moment charnière, dont la guerre en Afghanistan constitue la principale incarnation : d’une part parce qu’elle affaiblit considérablement l’URSS ; d’autre part parce qu’elle devient le laboratoire du djihadisme contemporain.
Mitterrand, l’islamisme et la guerre froide : une prise de conscience précoce de la transition à l’œuvre
73La consolidation de la relation franco-italienne a produit une quantité non négligeable de sources permettant d’identifier assez vite les principales orientations de la politique française en Méditerranée dans les années 1980. Cela est d’autant plus vrai à partir de 1982 que Paris et Rome s’engagent au Liban et sont amenés à coopérer étroitement dans ce qui correspond à la première intervention armée de l’Italie à l’étranger depuis la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’imparfaite, la symbiose entre les deux pays se manifeste à travers les sommets bilatéraux mais aussi au moment des réunions du Conseil atlantique, qui constituent autant d’occasions de mettre en évidence les enjeux du flanc sud de l’Alliance atlantique. Or, quand on analyse les thèmes sur lesquels insistent Mitterrand et Craxi dans leurs conférences de presse communes ou bien ceux avancés par les diplomaties française et italienne auprès de leurs alliés en 1983-1984, on s’aperçoit que le terrorisme islamiste figure en haut de la liste des principaux problèmes de sécurité des nations sud-européennes110. L’URSS, elle, n’est quasiment plus citée dès lors qu’il s’agit de la Méditerranée, alors que, pour l’Administration Reagan, si le terrorisme est lui aussi ciblé comme étant une menace existentielle pour l’Occident, il est systématiquement mis en lien, de près ou de loin, avec le contexte de guerre froide. Certes la croisade contre « l’empire du Mal » est pour beaucoup dans cette perception, mais les grilles d’analyse récemment développées par les historiens internationalistes permettent de livrer une explication plus fine de la dichotomie qui s’installe entre Paris et Washington en matière d’interprétation du terrorisme dans les années 1980.
74Ainsi, cette décennie correspond à un tournant en ce qu’elle voit le passage d’un terrorisme typique de la guerre froide, c’est-à-dire engagé en faveur de la cause palestinienne et bénéficiant du soutien des mouvements d’extrême gauche et des États socialistes arabes, à un terrorisme qui, faisant la synthèse entre le renouveau islamiste et les enjeux de guerre froide, donne peu à peu naissance au djihadisme111. Dans le même temps, on passe d’une lecture politique de l’Islam qui, conservatrice, participait à la lutte contre les gauches baasiste, socialiste ou communiste du Proche-Orient à une lecture fondamentaliste qui met les idéologies des deux blocs sur un même plan, celui des infidèles coupables de réprimer les « vrais musulmans » (soit par leur soutien à Israël, soit par leur rôle en Afghanistan). La confrontation des regards américain et français laisse supposer qu’au moment où Reagan termine son premier mandat de président, les États-Unis ne prennent pas la mesure de l’évolution à l’œuvre et continuent de percevoir la menace terroriste en fonction du schéma traditionnel Est-Ouest. Cela explique en partie leur peu de scrupules à financer eux-mêmes des mouvements djihadistes engagés contre l’URSS, à l’instar des principaux groupes de moudjahidin favorables à l’essor d’un Afghanistan islamiste, tel Hezb-i-islami, futur soutien du régime taliban et d’Oussama Ben Laden112.
75Les services français, en revanche, semblent s’orienter très vite vers une perception hybride du terrorisme, tenant compte à la fois du poids de certains États arabes mais aussi de l’essor d’une dimension transnationale en voie d’autonomisation par rapport à la guerre froide. Il faut dire que depuis 1982, la France est devenue la principale victime occidentale du terrorisme, ce qui l’a conduit à développer une expertise particulièrement aiguisée de la question. Plus d’une trentaine d’attentats sont organisés sur le territoire métropolitain entre 1983 et 1986, faisant plus de 400 victimes, dont plusieurs dizaines de morts. Les principaux auteurs en sont d’une part des organisations ancrées dans un modèle de lutte idéologique extrême qui correspond au schéma classique de la guerre froide – Action directe, Alliance révolutionnaire Caraïbe, Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, Carlos – et d’autre part des acteurs de l’islam radical, chiite d’abord, plus ou moins affiliés à Téhéran, telle l’Organisation du Jihad islamique qui, le 7 février 1984, assassine à Paris Gholam Ali Oveissi, dernier général en chef de l’armée impériale d’Iran. Concernant les actes commis par ce second type d’acteurs, les chiffres sont plus impressionnants encore dès lors qu’on sort du territoire national : les intérêts français au Proche-Orient et en Afrique sont la cible de 82 attaques pendant les 9 premiers mois de l’année 1984 ; ils font 11 morts et 72 blessés113.
76François Mitterrand lui-même fait probablement partie de ceux qui, au sein de l’exécutif français, saisissent le plus tôt l’évolution en cours et en mesurent le danger : sa défiance à l’égard du potentiel mobilisateur de l’islam est prégnante dès le début de sa carrière politique. Il a ainsi publié en novembre 1951, alors qu’il était ministre de la France d’outre-mer dans le gouvernement de René Pleven, un article intitulé « La France et l’islam », où il dénonçait les « prédicateurs passionnés » qui pullulaient au Maghreb et « le fanatisme religieux » de la Ligue arabe114. En 1956, devenu garde des Sceaux, Mitterrand voyait dans ce nationalisme arabe qui nourrissait l’indépendantisme algérien et justifiait la nationalisation du canal de Suez un mélange de fascisme et de sectarisme musulman115. Non seulement cela a renforcé son admiration pour Israël et le projet socialiste, laïque et démocratique qu’est le sionisme, mais sa fermeté à l’égard du FLN n’en a été que plus grande : refusant 80 % des recours en grâce, il a laissé guillotiner quarante-cinq nationalistes algériens116.
77Le danger auquel Mitterrand doit faire face une fois parvenu à la tête de l’État est cependant d’une autre nature car non lié à un processus classique de décolonisation. Surtout, et c’est là une grande nouveauté, le terrorisme qu’engendre alors l’islamisme ne naît pas dans la partie occidentale du bassin méditerranéen ou en Europe, mais en Orient, ce qui restreint considérablement la capacité de réponse de la France. Dans ces conditions, outre la cellule antiterroriste de l’Élysée créée en 1982 – avec à sa tête Christian Prouteau, père du GIGN (1973) – et l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) instaurée en 1984117, Mitterrand ne peut s’appuyer que sur les outils traditionnels dont il dispose pour prendre le mal à sa source, à commencer par la diplomatie. Du 26 au 28 novembre 1984, le président français est à Damas pour apaiser sa relation avec Hafez el-Assad et obtenir du chef alaouite qu’il calme le jeu auprès des groupes chiites et de l’Iran ; pour ce faire, il reconnaît le « rôle historique de la Syrie et du peuple syrien dans la région118 ». Dans la foulée, son nouveau ministre des Affaires étrangères Roland Dumas multiplie les visites secrètes à son homologue syrien Farouk el-Chareh et les rapports avec Téhéran s’améliorent discrètement, sans que le résultat soit toujours à la hauteur des efforts déployés (les attentats de 1985 en témoignent119).
78Dans cette politique d’équilibre entre dialogue et fermeté, la guerre froide a sa place, mais c’est pour mieux en dénoncer l’inadéquation avec le contexte proche-oriental et méditerranéen. En effet, après le double discrédit de Moscou puis de Washington au Liban, la diplomatie française renvoie dos à dos les conceptions américaines et soviétiques, accusées de toujours tout ramener à l’opposition entre superpuissances et de ne pas comprendre l’essentiel, à savoir l’autonomisation des acteurs régionaux et le nouveau visage du terrorisme. On le voit notamment à travers les notes du CAP, en particulier celles rédigées par la politologue spécialiste du monde russe Marie Mendras – qui a rejoint le Quai en 1983 –, pour qui « il est illusoire de raisonner en termes d’« alliances » ou même d’alignement des positions120 ». Le sentiment que les deux Grands négligent l’islamisme en tant que danger autonome apparaît insupportable aux Français. Claude Arnaud s’étonne régulièrement de voir à quel point « les Soviétiques paraissent moins sensibles que [les Français] aux effets perturbateurs de la croisade islamique sur le monde arabo-musulman », « un phénomène qui échappe à leurs schémas de pensée habituels121 ». À ses yeux, « ils ne semblent pas considérer que la révolution khomeiniste soit exportable, ni même prêter beaucoup d’attention à l’action déstabilisatrice que pourraient exercer les disciples de Khomeini dans d’autres pays ». Au lieu de cela, Gromyko et Ponomarev – qui gardent la haute main sur les affaires du Moyen-Orient et compensent ainsi l’incapacité de Tchernenko à s’exprimer sur le sujet122 – renouvellent sans cesse les propositions brejnéviennes de 1981 dans le but de revenir à une gestion soviéto-américaine du conflit proche-oriental123. Ils s’agrippent à l’idée de neutralisation de la Méditerranée et au transnationalisme politique de guerre froide qu’a longtemps exprimé le projet de « Méditerranée aux Méditerranéens ».
79Le même reproche est fait aux Américains, à travers notamment la question libyenne, véritable ligne de fracture des interprétations française et américaine du terrorisme international. Depuis son arrivée au pouvoir, Reagan a intégré la lutte contre la Libye dans son programme global de guerre froide. Il est persuadé qu’un affaiblissement définitif de l’influence soviétique en Méditerranée passe par l’élimination de Kadhafi. La CIA considère ainsi que l’omniprésence de l’URSS en Libye (50 000 techniciens en 1983) est un danger pour la sécurité régionale et que, par ses « activités anti-occidentales » et le soutien qu’il apporte aux mouvements de libération ainsi qu’à plus de quarante gouvernements « radicaux » et à une cinquantaine d’organisations terroristes, Kadhafi accomplit les objectifs de Moscou124. Cette certitude explique la succession d’initiatives prises par Washington à l’encontre du régime libyen, dont la première est l’organisation d’un exercice naval et aérien de la Sixième Flotte dans le golfe de Syrte en août 1981. À cette occasion, l’US Air Force abat deux avions libyens Soukhoï Su-22 de fabrication soviétique. La réponse timide de l’URSS à ce qui aurait pu déboucher sur une crise internationale majeure constitue la preuve, pour Mitterrand et le Quai d’Orsay, que Kadhafi ne peut plus être considéré comme un instrument de guerre froide des Soviétiques125. Claude Arnaud constate ainsi en discutant avec les experts du MID chargés de l’Afrique du Nord qu’en dépit de leurs liens forts avec Tripoli, les dirigeants du Kremlin ont développé une véritable aversion pour Kadhafi, dont ils ne supportent plus le comportement versatile126. Alors qu’en octobre 1978 le « Guide » autoproclamé menaçait de rejoindre le pacte de Varsovie pour protester contre Camp David, il a multiplié par la suite les déclarations anti-communistes. En décembre 1980, un organe du pouvoir libyen en vient même à accuser la « dictature soviétique » de transformer ses citoyens en « esclaves127 ». Aux yeux du président français, le problème, une fois encore, ne vient pas de Moscou : « Kadhafi doit cesser d’œuvrer pour l’expansionnisme de l’intégrisme musulman, d’est en ouest et du nord au sud, car c’est quelque chose de très dangereux128. » L’historiographie a, depuis lors, largement confirmé la justesse de la perception française à l’égard de la Libye qui, au début des années 1980, incarne la transition entre les deux modèles de terrorisme évoqués précédemment129.
80Cette divergence d’approche avec l’Administration Reagan n’empêche pas la France et les États-Unis de travailler discrètement de concert pour contrer Kadhafi : la CIA se félicite de la décision de Mitterrand d’intervenir militairement au Tchad le 9 août 1983 (opération « Manta ») pour y freiner l’ingérence de Tripoli130 ; l’envoi de 3 000 soldats a lieu quatre jours après la visite d’un conseiller de Reagan, Vernon Walters, à la bergerie landaise du président à Latché, bien que l’Élysée cherche à ne pas conférer à l’événement une dimension franco-américaine qui ferait le jeu de la propagande libyenne131.
81Néanmoins, il ressort des documents français l’idée que les Américains partagent finalement avec les Soviétiques une conception des pays socialistes arabes qui en fait des acteurs d’un transnationalisme au service d’une cause politique, l’anti-occidentalisme. Or, le phénomène de mutation qu’entrevoit la diplomatie mitterrandienne n’est pas propre aux rives musulmanes de la mer et ne se cantonne pas au religieux, il est aussi européen et identitaire. Pour un État laïc et jacobin comme la France, cette évolution n’est pas une bonne nouvelle, si bien qu’elle peut faire regretter une bipolarité dans laquelle Paris pouvait au moins se distinguer en prônant une troisième voie.
Le retour à la posture d’« autre Occident », entre nécessité et aveu de faiblesse
82Si la conscience d’une émancipation de la Méditerranée par rapport à la logique de guerre froide devient de plus en plus visible dans les sources françaises au fur et à mesure que l’URSS se révèle incapable de contrer les initiatives occidentales à Madrid, Beyrouth ou Tripoli, c’est d’abord parce que cette prise de conscience se produit dans un espace où la France avait pris l’habitude de côtoyer les Soviétiques et où, dans nombre de pays, le paysage politique était jusqu’alors extrêmement marqué par le clivage droite-gauche. Le recoupement des expertises produites par les acteurs de la diplomatie française sur les trois rives de la mer permet de prendre la mesure de ce que ce changement signifie pour les Français, à savoir une complexification des schémas géopolitiques régionaux.
83On constate en effet combien, à l’Élysée comme au Quai d’Orsay, nombreux sont ceux à voir dans le recul soviétique la partie émergée d’un processus de désidéologisation qui, dans un bassin où les fortes inégalités de niveaux de vie se superposent à la diversité ethnique et religieuse, est compensé par d’autres formes d’engagement, identitaires en premier lieu. Si l’islamisme est l’un des signes les plus visibles de ce phénomène bien étudié par les historiens132, l’émancipation des mouvements régionalistes vis-à-vis du militantisme d’extrême gauche en est un autre, au pays basque ou en Corse par exemple. C’est cependant la Yougoslavie qui, au lendemain de la mort de Tito, devient le symbole de ce qu’implique l’affaiblissement du communisme et de l’URSS dans un espace aux identités multiples. La quasi-disparition du risque d’intervention soviétique à Belgrade va de pair, aux yeux de Jacques Andréani ou Alain Pierret, avec le délitement de l’unité yougoslave et l’impossibilité d’un maintien à long terme de la présidence tournante instaurée par le maréchal133 : « Comment imaginer qu’un Serbe ou un Croate chef de l’État pour un an puisse accepter une nouvelle fois de transmettre son autorité à un Macédonien, à un Monténégrin ou, pire, à un Kossovar134 ? »
84Ces diplomates qui, depuis les années 1970, suivent de près les différentes phases de la CSCE et sont, de fait, impliqués dans l’unique instance de négociation à s’intéresser à la fois aux questions de sécurité, de liberté religieuse et de droit des minorités en Europe figurent parmi les personnalités les plus avisées du poids de ces enjeux, ce qu’une esquisse de travail prosopographique permet déjà de constater. Le cas d’Alain Pierret illustre bien cette prise de conscience. Après avoir participé aux réunions d’Helsinki puis de Belgrade, il est le numéro deux de l’ambassade de France en Yougoslavie puis, au lendemain de la mort de Tito, est nommé à Niamey, où l’une de ses principales préoccupations se nomme Mouammar Kadhafi (qui tente de déstabiliser le Niger en manipulant les populations touareg). Début 1983, il devient le chef du service des Nations unies et des organisations nationales au Quai d’Orsay, replongeant dans les arcanes de la diplomatie multilatérale, en particulier de la CSCE de Madrid et de la question libanaise. Alain Pierret, comme Jacques Andréani, est ainsi aux premières loges pour constater les effets de la désidéologisation dans l’espace euro-méditerranéen. Mieux, il y participe.
85En effet, la France n’a-t-elle pas fait des droits de l’homme, du dépassement des divergences politiques et du respect de la diversité des peuples les principaux marqueurs de sa politique régionale depuis la fin des années 1960 ? Il est clair, comme l’a mis en avant Odd Arne Westad, que le débat sur les droits humains nourrit le débat sur la question identitaire : « alors que les militants des droits de l’homme évoquent des principes universels, les milieux activistes nationalistes ou religieux parlent de droits et d’obligations inscrits en eux au nom de leur communauté, réprimée, selon eux, par l’État dont ils dépendent135 ». De même, l’approfondissement de la construction européenne, dont la France est un moteur, ne contribue-t-il pas à l’élargissement des identités régionales en Europe et à un repli sur soi des pays du Maghreb ? Après tout, l’adhésion de l’Europe du Sud accentue la différence entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée : la Grèce, l’Espagne, le Portugal, aux économies agricoles, voient leurs produits s’imposer en Europe au détriment de ceux, similaires, exportés par les pays de la rive sud, ce qui accentue la vulnérabilité de ces derniers et leur ressentiment envers le Nord. Enfin, le président français n’est-il pas lui-même l’un des principaux acteurs de la désidéologisation à l’œuvre ? En intégrant des ministres communistes à son gouvernement, il les associe indirectement à sa politique de guerre froide et, de la sorte, remporte le pari qu’il s’était fixé depuis longtemps, celui d’affaiblir définitivement le PCF au bénéfice d’un parti socialiste plus atlantiste136.
86De fait, l’engagement français dans la sécurité coopérative d’une part et la diplomatie de désidéologisation entamée sous Giscard d’Estaing avec l’aval implicite de Mitterrand – qui faisait la même chose au sein de l’Internationaliste socialiste – d’autre part ont pu contribuer à sortir l’espace euro-méditerranéen du schéma de guerre froide publiquement honni. Sauf que si le dépassement des blocs tel qu’il se produit en Méditerranée dans la première moitié des années 1980 ne correspond pas exactement à la vision gaullienne de l’ordre international mais plutôt à une version identitaire et religieuse de la « Méditerranée aux Méditerranéens », c’est d’abord parce que les deux Grands, au lieu de travailler en faveur d’une véritable coopération Est-Ouest susceptible de prendre ces problèmes à bras-le-corps, tentent de les mettre au service de leur politique de lutte globale contre le modèle adverse. D’un côté, les Soviétiques continuent de stimuler la mobilisation islamiste en raison de leur engagement en Afghanistan et cherchent à revenir à une gestion bilatérale du Proche-Orient ; de l’autre, les Américains non seulement soutiennent certains acteurs majeurs de l’islamisme – l’Arabie saoudite notamment – et éprouvent les plus grandes difficultés à canaliser Israël mais, en allant toujours plus loin dans la déréglementation économique et financière chère à Milton Friedman, accélèrent la globalisation libérale, nourrissent les inégalités Nord-Sud et accentuent la perte de repères culturels ainsi que la contestation qui en résulte.
87Mitterrand est parfaitement conscient de cette situation. C’est en grande partie ce qui le décide, en novembre 1983, après le vote du Bundestag sur le déploiement des Pershing, à renouer avec une posture gaullienne d’équilibre entre Moscou et Washington : il s’agit de convaincre les deux Grands de l’absolue nécessité de se départir des œillères caduques de la guerre froide pour poser les bases d’une coopération entre pays du Nord capable de répondre aux nouveaux défis de l’aire euro-méditerranéenne. En d’autres termes, le retour au modèle gaullien n’est pas guidé par le but de dépasser l’opposition Est-Ouest, mais par celui de persuader les superpuissances qu’elle l’est déjà. Ainsi, après trois années de fermeté à l’égard de l’URSS – qui culmine avec l’expulsion en avril 1983 de quarante-sept diplomates soviétiques accusés d’espionnage – Mitterrand accepte de se rendre à Moscou. Il est reçu par Tchernenko en juin 1984 au Kremlin, où, sans rien céder sur l’essentiel – il demeure ferme sur les SS-20 et sur le respect des droits de l’homme137 – il remet sur les rails le dialogue franco-soviétique à propos du Proche-Orient, qui se traduit aussitôt par une intensification des échanges sur le sujet entre Claude Arnaud et Vladimir Poliakov, et entre les diplomates de l’ambassade d’URSS en France et leurs homologues du Quai d’Orsay, notamment le secrétaire général Francis Gutmann138, personnellement impliqué dans la gestion du problème libanais139.
88De même, la diplomatie mitterrandienne s’efforce d’obtenir de l’URSS qu’elle contribue plus activement à la mise en œuvre et à la promotion des principes d’Helsinki, afin que les peuples d’Europe puissent vivre leur identité et leur religion de manière apaisée, sans craindre une répression qui les pousserait à leur tour vers des positions extrêmes. Le séminaire de la CSCE sur la coopération économique, scientifique et culturelle en Méditerranée, qui se réunit à Venise en octobre 1984, est également pensé dans ce but, à travers notamment l’approfondissement de l’action environnementale destinée à améliorer le cadre de vie des populations du bassin140. La délégation française y est dirigée par un familier de l’Europe orientale, Jacques de Beausse, fils de l’un des derniers représentants de la France dans la Lettonie indépendante en 1938-1940141. Auparavant en poste à Varsovie et à l’OTAN, le diplomate incarne, jusqu’à la fin des années 1980, la volonté française d’étendre la coopération Est-Ouest au bassin méditerranéen.
89Cependant, les Français et leurs partenaires allemands et italiens – les seuls à partager sincèrement les préoccupations de Paris – se heurtent au conservatisme de la vieille garde soviétique, qui ne trouve rien d’autre à proposer, à l’été 1984, qu’un nouveau projet de règlement global du conflit israélo-palestinien fondé sur la seule garantie soviéto-américaine142. Le MID se félicite par ailleurs de l’échec retentissant de la conférence de Venise, dû au boycott des pays du Maghreb et du Proche-Orient qui, à l’exception de l’Égypte et d’Israël, refusent de siéger à une conférence euro-méditerranéenne tant que les accords de Camp David n’auront pas été enterrés143. Cet échec permet aux Soviétiques de souligner auprès des États arabes combien l’URSS reste proche de leurs préoccupations et demeure leur seul véritable soutien politique.
90De fait, à la fin de l’année 1984, les dirigeants du Kremlin, formatés par des décennies de guerre froide, donnent une preuve éclatante de leur incapacité à sortir de l’interprétation bipolaire des relations internationales. Le constat n’est guère plus encourageant du côté américain, où en visite à Washington en mars 1984, Mitterrand voit George Schultz lui démontrer que le terrorisme international est d’abord soutenu par l’URSS144. Alors que le Liban s’enfonce dans l’anarchie, que le Djihad islamique lié à l’Iran multiplie les actes terroristes et les enlèvements – comme ceux des diplomates Marcel Fontaine et Marcel Carton en mars 1985 et ceux du sociologue Michel Seurat et du journaliste Jean-Paul Kaufmann en mai – et que la plongée de la Yougoslavie dans une crise économique sans précédent exacerbe les passions identitaires et leur répression145, un certain découragement perce du côté des Français, accablés par l’aveuglement des deux Grands. Ainsi, dans la préface de ses Réflexions sur la politique extérieure de la France, rédigée en janvier 1986, François Mitterrand dit son immense déception de ne pas avoir réussi à stabiliser le Proche-Orient ; à ses yeux, la seule solution est de parvenir à un accord, hélas bien compliqué à atteindre, auquel participeraient les membres du Conseil de sécurité146.
91De la sorte, le président socialiste revient à une position éminemment gaullienne dont il ne se départira plus. La promotion d’une solution à cinq – à la différence de De Gaulle, Mitterrand inclut la Chine – réinstalle la France dans la posture d’« autre Occident » qui avait été la sienne après la guerre des Six Jours. Ce retour aux sources est aussi, finalement, un aveu de faiblesse : le chef de l’État reconnaît qu’il n’est pas maître du jeu. La conscience d’une Méditerranée sortie précocement de la guerre froide est certes une marque de clairvoyance, mais elle est également le signe que la France ne raisonne décidément pas à la même échelle que les deux Grands. Même émancipée de la logique Est-Ouest, la Méditerranée reste un espace de la guerre froide globale tant que se maintient l’opposition entre superpuissances. Le fait de comprendre les choses mais de ne pas pouvoir agir sur elles rend la frustration française plus grande encore. Cette frustration explique en grande partie le choix européen de Mitterrand en 1984 – la CEE est vue comme le meilleur moyen d’une part de peser face aux conceptions des superpuissances, d’autre part de canaliser les régionalismes en les incluant dans une démarche supra étatique – mais aussi sa volonté, dès l’année suivante, de tendre la main à une URSS où le vent du changement semble se lever pour de bon.
⁂
92On peut conclure de cette analyse que s’il est possible de dégager un calendrier de sortie de guerre froide spécifique à la Méditerranée, celui-ci reste largement tributaire du point de vue des acteurs impliqués dans ce processus. Pour la puissance méditerranéenne qu’est la France, la première moitié des années 1980 correspond à un tournant essentiel, moins en raison de l’alternance politique et du changement de majorité que des bouleversements de son flanc méridional et de ce qu’ils impliquent pour sa sécurité. Certes, depuis les années 1960, Paris a souvent appelé de ses vœux la fin de la bipolarité dans un espace où la moindre crise régionale pouvait se transformer en catastrophe mondiale en raison du jeu des puissances. Toutefois, non seulement ces appels n’ont, en fin de compte, jamais remis en question un engagement solide en faveur de la défense occidentale mais, surtout, le dépassement des blocs tel qu’il se produit en Méditerranée crée un surprenant paradoxe pour la politique extérieure française : il est l’accomplissement du vieil objectif gaullien en même temps qu’il en est l’antithèse. Les deux Grands donnent l’impression d’avoir perdu la main au profit d’une autonomisation des acteurs régionaux qui ne sont pas toujours les représentants d’États-nation bien établis ; ils peuvent être l’émanation de courants supra ou infra-étatiques, aux contours plus ou moins identifiables et à la marge de manœuvre élargie du fait d’un processus de globalisation et de déréglementation rendant les échanges plus aisés, quelle que soit leur nature.
93La France a-t-elle les moyens de résoudre ce paradoxe ? Le vœu sans cesse réitéré par la diplomatie mitterrandienne de parvenir à la création d’un État palestinien en est un : en donnant un État à la nation palestinienne, on affaiblit le caractère transnational de ceux qui en soutiennent la cause tout en remettant l’acteur étatique au centre du système international. La construction européenne et le dialogue Nord-Sud, en ce qu’ils sont des instruments multiscalaires de négociation, figurent également en bonne place dans la panoplie des instruments de la réaffirmation des États. Mais l’entente, la détente et la coopération paneuropéennes, fondées sur des valeurs de liberté et de démocratie vouées à l’exemplarité, sont probablement les principaux de ces outils. C’est ce qui fait de la deuxième moitié des années 1980 une période clé de l’histoire de la guerre froide, quelle que soit la perspective adoptée : en ramenant le Vieux continent au cœur des relations internationales, ce moment crée les conditions d’un rayonnement européen capable de mettre la désidéologisation au service d’un idéal qui mêle droits humains et souveraineté des États. À ce titre, si les enjeux de guerre froide semblent dépassés en Méditerranée dès le début de la décennie, les événements de 1989-1991 demeurent fondamentaux en ce qu’ils prouvent que le paradigme porté par la CSCE est applicable et peut donc être érigé en modèle. Avec ses partenaires espagnol et italien, François Mitterrand est l’un des premiers à le comprendre : le 22 décembre 1989, il réunit à Paris la conférence ministérielle euro-arabe et, quelques mois plus tard, soutient lors de la CSCE de Palma de Majorque le principe d’une Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Méditerranée. Le déchirement des pays arabes au moment de la guerre du Golfe et celui des Européens lors de l’éclatement de la Yougoslavie retardent cependant ces projets d’extension vers le sud du modèle CSCE, qui connaîtront leur véritable amorce lors de la conférence de Barcelone en 1995, quelques mois avant la disparition du « Florentin ».
Notes de bas de page
1 Bozarslan Hamit, « Les quatre coups de l’année 1979 », Les collections de l’Histoire, no 69, octobre-décembre 2015.
2 Westad Odd Arne, Histoire mondiale de la guerre froide, op. cit., p. 600-601.
3 Di Nolfo Ennio, « The Cold War and the transformation of the Mediterranean », art. cité, p. 256-257 ; Vego Milan, « Soviet and Russian Strategy in the Mediterranean since 1945 », art. cité, p. 179-180 ; Khalidi Rashid, Sowing Crisis, op. cit., p. 145-149.
4 Cox Michael, « The 1980s Revisited or the Cold War as History – Again », in Olav Njølstad (dir.), The Last Decade of the Cold War. From Conflict Escalation to Conflict Transformation, New York, Frank Cass, 2004, p. 3-28.
5 Savranskaya Svetlana, « Unintended Consequences: Soviets Interests, Expectations and Reactions to the Helsinki Final Act », in Oliver Bange et Gottfried Niedhart (dir.), Helsinki 1975 and the Transformation of Europe, New York, Berghahn Books, 2008, p. 175-190.
6 Dockès Pierre, Le capitalisme et ses rythmes, t. II, vol. I, op. cit., p. 191-209.
7 Bozo Frédéric, Mitterrand, la fin de la guerre froide et l’unification allemande. De Yalta à Maastricht, Paris, Odile Jacob, 2005 ; Bozo Frédéric, Rey Marie-Pierre, Nuti Leopoldo et Ludlow N. Piers (dir.), Europe and the End of the Cold War: A Reappraisal, Abingdon/New York, Routledge, 2008 ; Badalassi Nicolas, En finir avec la guerre froide, op. cit.
8 Voir par exemple l’analyse qu’en fait Michel Tatu lors du colloque sur la politique extérieure de Giscard d’Estaing organisé par le CERI et l’Association française de science politique en 1983. Tatu Michel, « Valéry Giscard d’Estaing et la détente », in Samy Cohen et Marie-Claude Smouts (dir.), La politique extérieure de Valéry Giscard d’Estaing, op. cit., p. 196-217.
9 Mélandri Pierre, « La France et l’Alliance atlantique sous Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing », art. cité, p. 552 ; Soutou Georges-Henri, La guerre froide de la France, op. cit., p. 443-449.
10 Entretien Brejnev/Giscard d’Estaing, 19 mai 1980. AN, 5AG3 1095, URSS, 1980-1981.
11 Mélandri Pierre, « La France et l’Alliance atlantique sous Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing », art. cité, p. 552.
12 Note de G. Robin, 21 janvier 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4797.
13 Zubok Vladislav, « Soviet foreign policy from détente to Gorbachev », art. cité, p. 102-103.
14 Note de J. Wahl, 12 janvier 1980. AN, 5AG3 986, États-Unis, 1979-1981.
15 Ibid.
16 Le Net Assessment est un think tank interne au Pentagone créé par Nixon en 1973. Andrew Marshall en est le directeur de sa création à 2015.
17 Dépêche no 11/DA/ASD, de P. Boyer (Washington), 7 février 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4795.
18 Note no 122/ASP, de la sous-direction des Affaires stratégiques et des pactes, 28 février 1980. AN, 5AG3 986, États-Unis, 1979-1981.
19 Salerno Reynolds M., « Global Independence versus Regional Interdependence », art. cité, p. 212 ; Ruiz-Palmer Diego A., « La coopération militaire entre la France et ses alliés, 1966-1991 », art. cité, p. 588-589.
20 Note de P. Leclercq, 19 janvier 1981. AN, 5AG3 1016, Italie, 1977-1981.
21 Mémorandum 83-10193, CIA, 8 juillet 1983, CIA-RDP85T00287R000501700001-0. Archives de la CIA. Le mémorandum revient sur l’évolution du positionnement des Européens – RFA, France, Royaume-Uni, Italie – par rapport aux risques d’une déstabilisation de la Yougoslavie entre 1980 et 1983.
22 Ruiz-Palmer Diego A., « La coopération militaire entre la France et ses alliés », art. cité, p. 588-589.
23 Mémorandum de la CIA, 10 mars 1980, CIA-RDP85T00287R000100700001-5. Archives de la CIA.
24 Note no 100, de Jean-Marie Mérillon, 16 mars 1981. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5688.
25 Télégramme de G. Robin, 3 janvier 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4797.
26 Mémorandum de la CIA, 10 mars 1980, CIA-RDP85T00287R000100690001-7. Archives de la CIA.
27 Note de la SDEO, 6 mars 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4780.
28 Télégramme no 2, 1er janvier 1980 ; note no 60, Nations unies et organisations internationales, 26 juin 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4797. Voir également Télégramme no 297, de J.-M. Mérillon, 21 juin 1981. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5688.
29 Télégramme no 168, de G. Robin, 3 janvier 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4797.
30 Laurens Henry, La question de Palestine, t. IV, op. cit., p. 739-741 ; Bossuat Gérard, La France et la construction de l’unité européenne. De 1919 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2012, p. 166.
31 Si les relations entre Le Caire et Tel-Aviv se normalisent conformément au traité de paix du 26 mars 1979, le programme israélien de colonisation et de confiscation des terres en Cisjordanie et le contentieux lié aux Lieux Saints maintiennent une certaine défiance mutuelle. Laurens Henry, La question de Palestine, t. IV, op. cit., p. 734-735.
32 Laurens Henry, La question de Palestine, t. IV, op. cit., p. 740.
33 Soutou Georges-Henri, La guerre froide de la France, op. cit., p. 443-449.
34 Laurens Henry, La question de Palestine, t. IV, op. cit., p. 742.
35 Note de la SDEO du 6 mars 1980. AMAE, Europe 1976-1980, URSS, vol. 4780.
36 Note de la direction d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, 3 mars 1981. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
37 Télégramme no 477, de Claude Arnaud, 21 mars 1983. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5688.
38 Note de la sous-direction du désarmement, 27 janvier 1983. AMAE, Europe 1981-1985, Espagne, vol. 5163.
39 Salerno Reynolds M., « Global Independence versus Regional Interdependence », art. cité, p. 212.
40 Note SGDN, no 106/SGDN/DREG/EAA/SOV/CD, 18 décembre 1981. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686 ; « Research paper » de la CIA, janvier 1983, SOV 83-10006JX. CIA-RDP84T00658R000100020002-8. Archives de la CIA.
41 « Research paper » de la CIA, décembre 1983, SOV 83-10202JX. CIA-RDP84T00926R000200050004-4. Archives de la CIA.
42 L’expression est employée par Serge Boidevaix. Note de la direction d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, 3 mars 1981. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
43 Westad Odd Arne, Histoire mondiale de la guerre froide, op. cit., p. 538. Outre la Grèce qui intègre la Communauté en 1981, les négociations de la CEE avec le Portugal et l’Espagne commencent respectivement en octobre 1978 et février 1979 ; les traités sont signés en juin 1985 ; les adhésions deviennent effectives le 1er janvier 1986.
44 Athènes accueille la réunion d’experts sur le règlement pacifique des différends du 21 mars au 30 avril 1984 ; Venise reçoit le séminaire sur la coopération économique, scientifique et culturelle en Méditerranée du 16 au 26 octobre 1984.
45 Note de la sous-direction du désarmement, 27 janvier 1983 ; Télégramme au départ no 5127, de J. Andréani, 4 février 1983. AMAE, Europe 1981-1985, Espagne, vol. 5163.
46 Kieninger Stephan, « “Human Rights, Peace and Security Are Inseparable”. Max Kampelman and the Helsinki Process », in Nicolas Badalassi et Sarah B. Snyder (dir.), The CSCE and the End of the Cold War, op. cit., p. 97-116.
47 Entretien Brejnev/Jivkov, 7 août 1980. History and Public Policy Program Digital Archive, Bulgarian Cold War Research Group, [https://digitalarchive.wilsoncenter.org/document/111727], page consultée le 22-04-21.
48 Voir par exemple l’entretien du général Mihailov avec Jean Desazars de Montgailhard, chef du service des pactes et du désarmement. Télégramme no 163, de Pierre Guidoni (Madrid), 10 février 1983. AMAE, Europe 1981-1985, Espagne, vol. 5163.
49 Télégramme no 163, de P. Guidoni, 10 février 1983. AMAE, Europe 1981-1985, Espagne, vol. 5163.
50 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand. À l’Élysée, 1981-1985, Paris, Fayard, 1996 ; Attali Jacques, Verbatim I, Paris, Fayard, 1993. Les témoignages de Jean Musitelli, qui devient conseiller diplomatique du président à partir de 1984, sont nombreux sur le site de l’Institut François Mitterrand : [www.mitterrand.org], consulté le 22-04-21. Du côté des très nombreuses biographies et des récits du premier mandat présidentiel, voir en particulier Favier Pierre et Martin-Rolland Michel, La Décennie Mitterrand, vol. 1 : Les ruptures (1981-1984), Paris, Seuil, 1990, et vol. 2 : Les épreuves (1984-1988), Paris, Seuil, 1991 ; Lacouture Jean, Mitterrand. Une histoire de Français. 2. Les vertiges du sommet, Paris, Seuil, 1998 ; Winock Michel, François Mitterrand, Paris, Gallimard, 2015.
51 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 112-117.
52 Note d’H. Védrine, 1er décembre 1983, citée par Bozo Frédéric, « Before the Wall », art. cité, p. 288-316.
53 Bozo Frédéric, « Before the Wall », art. cité, p. 288-316.
54 Allocution télévisée de François Mitterrand à l’occasion de la présentation de ses vœux, 31 décembre 1981.
55 Grosser Pierre, « Serrer le jeu sans le fermer : l’Élysée et les relations franco-soviétiques, 1981-1984 », in Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-Louis Bianco (dir.), François Mitterrand : les années du changement 1981-1984, Paris, Perrin, 2001, p. 260-270.
56 Jean Musitelli explique que Florence et Venise sont les « deux pôles indissociables d’une même passion. Florence est, comme dit Spadolini, sa patrie idéale, Venise, sa villégiature fantasmée. La première dispense une leçon d’histoire, la seconde prodigue le ravissement esthétique (mais l’inverse n’est pas moins vrai…). » Musitelli Jean, « Esquisse d’une géographie amoureuse », La lettre de l’Institut François Mitterrand, no 10, décembre 2004, p. 16-18.
57 Darnis Jean-Pierre, « L’évolution de la relation franco-italienne à travers les sommets bilatéraux de 1981 à 2011 », Cahiers de la Méditerranée, 88, 2014, p. 215-234 ; Musitelli Jean, « Le rénovateur des relations franco-italiennes », La lettre de l’Institut François Mitterrand, no 10, décembre 2004, p. 6-7.
58 Note de P. Leclercq, 19 janvier 1981. AN, 5AG3 1016, Italie, 1977-1981.
59 C’est le cas par exemple de l’exercice d’état-major Orly 82 conduit par le 3e Corps d’Armée entre Aix-en-Provence et la frontière italienne en avril 1982. Ruiz-Palmer Diego, « La coopération militaire entre la France et ses alliés », art. cité, p. 612.
60 En pleine crise des euromissiles, Craxi déclare que « les armes nucléaires françaises ne sont pas sur la lune » et qu’elles doivent donc être prises en compte dans les négociations, comme le souhaite l’URSS. « La Lettre d’adieu de Bettino Craxi », La lettre de l’Institut François Mitterrand, no 10, décembre 2004, p. 10.
61 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 334.
62 Plassmann Lorenz, Comme dans une nuit de Pâques, op. cit., p. 394-398.
63 Papandréou aurait pu apparaître comme une menace pour la stabilité de la zone : il se fait le chantre du neutralisme, du tiers-mondisme et de l’anti-américanisme, en appelle à la dénucléarisation des Balkans, réhabilite les anciens communistes réfugiés dans les pays de l’Est depuis la fin de la guerre civile. Mais, dans les faits, il rapproche plus que jamais la Grèce des États-Unis, mène une politique atlantiste et pro-européenne, ancrant son pays à l’Occident, à la grande joie de l’Administration Reagan qui, du coup, fait peu de cas de son discours critique. La Grèce signe ainsi avec les États-Unis, en 1983, un accord de coopération militaire et économique. Voir Interagency Intelligence Memorandum, CIA, 5 novembre 1984, CIA-RDP87T00217R000700070005-0. Archives de la CIA.
64 Khalidi Rashid, Sowing Crisis, op. cit., p. 145-149.
65 Salerno Reynolds M., « Global Independence versus Regional Interdependence », art. cité, p. 212.
66 Khalidi Rashid, Sowing Crisis, op. cit., p. 145-149.
67 Attali Jacques, Verbatim I, op. cit., p. 264 ; Védrine Jacques, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 313.
68 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 321.
69 Dalle Ignace, La Ve République et le monde arabe, op. cit., p. 412-413.
70 La remarquable thèse de Stéphane Malsagne sur les relations franco-libanaises se focalisant uniquement sur l’aspect bilatéral, elle fait abstraction du contexte de guerre froide. Malsagne Stéphane, Sous l’œil de la diplomatie française. Le Liban de 1946 à 1990, Paris, Geuthner, 2017.
71 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 45.
72 Ibid., p. 46.
73 Télégrammes de C. Arnaud, no 1756 du 27 octobre 1982, no 1977 du 30 novembre 1982, no 523 du 28 mars 1983, no 2184 du 25 novembre 1983. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
74 Ministère de la Sécurité d’État (Stasi), notes sur les déclarations faites par le Camarade Colonel Général Kryuchkov, 3 octobre 1983, History and Public Policy Program Digital Archive, BStU, MfS, Abt. X, Nr. 2020, S. 8-15, [https://digitalarchive.wilsoncenter.org/document/119321], consulté le 25-04-21.
75 Télégramme no 2184, de C. Arnaud, 25 novembre 1983. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
76 Télégramme no 669, de C. Arnaud, 29 avril 1982. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
77 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France. Enjeux géopolitiques et diplomatiques, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 197.
78 Ibid., p. 192-203. Voir aussi Filiu Jean-Pierre, Mitterrand et la Palestine : l’ami d’Israël qui sauva par trois fois Yasser Arafat, Paris, Fayard, 2005, p. 48.
79 Malsagne Stéphane, Sous l’œil de la diplomatie française, op. cit., p. 207.
80 La presse soviétique évoque par la suite les « méthodes de type colonial des troupes américaines et françaises ». Télégramme no 2184, de C. Arnaud, 25 novembre 1983. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
81 Le plan en appelle à une négociation préalable entre la Jordanie et l’OLP ainsi qu’à la rétrocession des terres occupées.
82 Télégramme no 1493, de C. Arnaud, 18 septembre 1982. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
83 « Sur 3 500 000 Palestiniens, près de la moitié vit en exil, souvent dans des camps où la misère et le désespoir poussent à l’extrémisme, un dixième subit la présence de l’armée israélienne dans les territoires occupés. Sur ce fond d’injustice, le peuple palestinien comprenant chrétiens et musulmans, se montre réceptif sinon aux idéaux du marxisme, du moins à sa valeur comme instrument de lutte. La diaspora palestinienne, qui joue dans tous les pays du Moyen-Orient un rôle non négligeable en fournissant cadres et techniciens, constitue un moyen unique de pénétration et de diffusion d’idées. » Note SGDN, no 106/SGDN/DREG/EAA/SOV/CD, 18 décembre 1981. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
84 Marion Pierre, La mission impossible : À la tête des services secrets, Paris, Calmann-Lévy, 1991.
85 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, op. cit., p. 188-215.
86 Ibid., p. 196-201.
87 Reagan qualifie Hafez el-Assad de « bad boy of the Middle East ». Andersson Magnus Seland et Waage Hilde Henriksen, « Stew in Their Own Juice: Reagan, Syria and Lebanon, 1981-1984 », Diplomatic History, vol. 44, no 4, septembre 2020, p. 664-691.
88 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, op. cit., p. 204.
89 Rapport pour le NSC, CIA, 9 juin 1983, CIA-RDP90B01013R000300540005-1. Archives de la CIA.
90 Filiu Jean-Pierre, Mitterrand et la Palestine, op. cit.
91 Lacouture Jean, Mitterrand, op. cit., p. 196-202.
92 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, op. cit., p. 203-204.
93 Filiu Jean-Pierre, Mitterrand et la Palestine, op. cit., p. 43.
94 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 212.
95 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, op. cit., p. 192.
96 Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 321.
97 Andersson Magnus Seland, Waage Hilde Henriksen, « Stew in Their Own Juice », art. cité, p. 664-691.
98 Ibid., p. 664-691.
99 Ibid., p. 664-691.
100 Ibid., p. 664-691.
101 Ibid., p. 664-691.
102 Seale Patrick, Asad of Syria: The Struggle for the Middle East, Londres, I. B. Tauris, 1988.
103 Reagan Ronald, The Reagan Diaries, édité par Douglas Brinkley, New York, Harper Collins, 2007, p. 150.
104 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, op. cit., p. 204.
105 Dalle Ignace, La Ve République et le monde arabe, op. cit., p. 412-413.
106 Note no 1749, du CAP, rédigée par Marie Mendras, 26 mars 1984 ; Télégramme no 1215, de C. Arnaud, 22 mai 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
107 Ménage Gilles, L’œil du pouvoir. Face au terrorisme moyen-oriental 1981-1986, Paris, Fayard, 2001, p. 208.
108 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, op. cit., p. 206.
109 Bozo Frédéric, Mitterrand, la fin de la guerre froide et l’unification allemande, op. cit., p. 385.
110 Plusieurs conférences de presse réunissant François Mitterrand et Bettino Craxi sont en ligne, par exemple sur le site de l’Élysée, [https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-6101-fr.pdf], page consultée le 02-05-21. Voir aussi Salerno Reynolds M., « Global Independence versus Regional Interdependence », art. cité, p. 212-213.
111 Raflik Jenny, Terrorisme et mondialisation. Approches historiques, Paris, Gallimard, 2016.
112 Saikal Amin, « Islamism, the Iranian revolution, and the Soviet invasion of Afghanistan », in Melvyn Leffler et Odd Arne Westad (dir.), The Cambridge History of the Cold War, vol. II, op. cit., p. 112-134.
113 Rapport de la CIA, 29 novembre 1984, GI TR 84-025, CIA-RDP85-01095R000100180002-4. Archives de la CIA.
114 Filiu Jean-Pierre, Mitterrand et la Palestine, op. cit., p. 20-21.
115 Dalle Ignace, La Ve République et le monde arabe, op. cit., p. 164-165.
116 Pour une enquête complète sur le rôle de Mitterrand pendant la guerre d’Algérie, voir Malye François et Stora Benjamin, François Mitterrand et la guerre d’Algérie, Paris, Calmann-Lévy, 2010.
117 Charpier Frédéric, Islamisme. 60 ans de lutte antiterroriste, Paris, Tallandier, 2017, p. 57-88.
118 Favier Pierre et Martin-Rolland Michel, La Décennie Mitterrand, vol. 2, op. cit., p. 50.
119 Feuerstoss Isabelle, La Syrie et la France, p. 207-208.
120 Note no 1749, du CAP, rédigée par Marie Mendras, 26 mars 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
121 Télégramme no 1218, de C. Arnaud, 21 mai 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
122 C’est en tous cas ce que relève Claude Arnaud en mai 1984. Télégramme no 1215, 22 mai 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
123 Télégramme no 2153, de C. Arnaud, 5 septembre 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
124 Rapport de la CIA, GI 83-10292, décembre 1983, CIA-RDP85T00283R000300080004-3. Archives de la CIA.
125 Mémorandum de la CIA, EUR 82-10001, janvier 1982, CIA-RDP84B00049R000200360010-5. Archives de la CIA.
126 Télégramme no 477, de C. Arnaud, 21 mars 1983. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5688.
127 Cricco Massimiliano, « Gaddafi’s Libya. From Uncertain Alignment with the USSR to Support for Arab Terrorist Movements in the Mediterranean, 1974-1986 », in Elena Calandri, Daniele Caviglia et Antonio Varsori (dir.), Détente in Cold War Europe, op. cit., p. 233-240.
128 Entretien Mitterrand/Schultz, octobre 1982. Dalle Ignace, La Ve République et le monde arabe, op. cit., p. 183.
129 Cricco Massimiliano, « Gaddafi’s Libya », art. cité, p. 233-240.
130 National Intelligence Daily CPAS NID 83-207 JX, 2 septembre 1983, CIA-RDP85T01094R000400010114-6. Archives de la CIA.
131 Nouzille Vincent, Dans le secret des présidents. CIA, Maison Blanche, Élysée : les dossiers confidentiels, 1981-2010, Paris, Fayard, 2010, p. 105.
132 Westad Odd Arne, Histoire mondiale de la guerre froide, op. cit., p. 538-543, 600-601.
133 Le bureau d’analyse européenne de la CIA produit, en juillet 1983, un rapport complet qui montre combien les responsables diplomatiques ouest-européens partagent le constat selon lequel l’équilibre politique interne de la Yougoslavie est extrêmement fragile au début des années 1980. Mémorandum 83-10193, CIA, 8 juillet 1983, CIA-RDP85T00287R000501700001-0. Archives de la CIA.
134 Pierret Alain, De la case africaine à la villa romaine, op. cit., p. 200.
135 Westad Odd Arne, Histoire mondiale de la guerre froide, op. cit., p. 600.
136 De 16,13 % des bulletins exprimés lors des élections législatives de 1981, le PCF recule à 9,78 % en 1986.
137 Hubert Védrine livre un récit détaillé de la préparation, du déroulement et de la réception du toast prononcé par François Mitterrand le 21 juin 1984 et dans lequel il soulève explicitement le cas de Sakharov et de son épouse Eléna Bonner, qui ont entamé une grève de la faim pour protester contre l’interdiction faite à celle-ci de se rendre en Italie pour se faire soigner les yeux. Védrine Hubert, Les mondes de François Mitterrand, op. cit., p. 263-271.
138 Compte rendu d’entretien entre Francis Gutmann et M. Goukhov, ministre-conseiller de l’ambassade d’URSS à Paris, 31 juillet 1984, note de la direction d’Europe no 676/EU, 1er août 1984 ; Télégramme no 2153, de C. Arnaud, 5 septembre 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
139 Devenu secrétaire général du Quai d’Orsay en 1981, Francis Gutmann a été accusé par les journalistes Charles Villeneuve et Jean-Pierre Péret, à la fin des années 1980, d’avoir sciemment fait échouer l’opération française de représailles dirigée contre le Hezbollah et les Gardiens de la révolution iranienne à Baalbek après l’attentat du Drakkar de novembre 1983. Il a toujours nié ces faits.
140 Rapport du séminaire de Venise de la CSCE, 26 octobre 1984. Archives de l’OSCE (Prague), Venice Seminar 1984, CSCE_sv_raport.
141 Boisdron Matthieu, Diplomate en Lettonie, 1938-1940 : Carnets de Jean de Beausse, premier secrétaire de l’ambassade de France à Riga, Mens Sana éditions, 2011.
142 Compte rendu d’entretien entre F. Gutmann et M. Goukhov, note de la direction d’Europe no 676/EU, 1er août 1984. AMAE, Europe 1981-1985, URSS, vol. 5686.
143 Ghebali Victor-Yves, La diplomatie de la détente, op. cit., p. 382.
144 Lacouture Jean, Mitterrand, op. cit., p. 157-158.
145 Après la parution de son livre L’Islam entre l’Est et l’Ouest, le Bosniaque Izetbegovic est condamné à quatorze ans de prison en 1983 pour panislamisme et volonté de créer un État islamique en Bosnie. Deux ans plus tôt, le nationaliste croate Franjo Tuđman a été condamné à trois ans d’emprisonnement pour sa négation du génocide oustachi. Delorme Olivier, La Grèce et les Balkans, op. cit., p. 1729-1730.
146 Mitterrand François, Réflexions sur la politique extérieure de la France, Paris, Fayard, 1986, p. 108.
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