Chapitre 6. Les témoins aux procès de canonisation de Benoît le More (1594-1807)
p. 67-82
Texte intégral
1Que la sainteté soit reconnue par une église locale, ou qu’elle soit revendiquée en tant que compétence exclusive du pape, l’instrument qu’utilise l’Église est le procès de canonisation. C’est, au sens strict du terme, un laboratoire où l’on « fabrique » le saint. Entre le Moyen Âge et l’époque moderne, il acquiert progressivement un caractère juridique, avec la formation d’une véritable procédure judiciaire. Réglementée par le droit canon, celle-ci s’inspire largement des formes de la procédure civile et pénale de l’époque. « La canonisation est la mesure par laquelle l’autorité ecclésiastique suprême décrète qu’un serviteur de Dieu, comptant déjà parmi les bienheureux, sera inscrit au catalogue des saints et vénéré par l’ensemble de l’Église. […] L’acte de canonisation a un caractère péremptoire, qui impose le culte du saint au monde catholique et à tous les chrétiens. Il représente l’exercice du pouvoir juridictionnel ou de la potestas regiminis, qui, du reste, tient au pouvoir législatif et non au pouvoir judiciaire1 ». Puisqu’il n’existe pas de séparation des pouvoirs dans le système canonique, « la procédure de formation de l’acte pontifical revêt les formes du procès destinées à garantir la reconnaissance incontestable des prémisses factuelles sur laquelle se fonde la délibération pontificale2 ». Lorsque l’on procède à la reconnaissance, on utilise des instruments typiques du procès qui aboutissent à l’exercice de la fonction législative. Déjà après le Concile de Trente, l’Église avait répondu au problème des « canonisations populaires », de la « fausse canonisation », et aux accusations de « déification » de la part des protestants, en soumettant la sainteté à l’inscription dans le Catalogue des Saints. Décidée par l’autorité du pontife ou par un concile réuni légitimement, cette inscription était précédée dans tous les cas d’une stricte investigatio sur la renommée, la vertu, les œuvres de miséricorde et les miracles du candidat.
2Ainsi, dans la chronologie de l’histoire de la canonisation3, les années comprises entre l’institution de la Sacrée Congrégation des Rites, créée en 1588 par Sixte V4, les réformes d’Urbain viii et les interventions successives de Benoît xiv, sont cruciales. Elles conduiront en effet à la construction d’un véritable procès et à la structuration d’une procédure unitaire rigide, à travers des formalités et des actes très rigoureux. Avec l’institution de la Sacrée Congrégation des Rites, nous sommes face à un procès hautement formalisé, géré par une bureaucratie permanente.
3On peut reconstruire l’histoire de la canonisation de Benoît – laïc profès des Mineurs de Saint-François, né à San Fratello (dans l’actuelle province de Messine) en 1524 d’un couple d’esclaves africains et mort à Palerme en 1589 – grâce à la riche documentation conservée à San Fratello, à Palerme, au Vatican, à Madrid et à Simancas5. Nous y trouvons un ensemble de procès qui ont lieu justement pendant cette délicate période de transition où les formes du procès s’accentuent et conduisent progressivement à l’élaboration d’une procédure canonique typique. En même temps que la sainteté, on établit un mode juridique pour la reconnaître. Le procès, dont les origines remontent à 1591, lorsque le pieux marchand Giovan Domenico Rubbiano6 rassembla des témoignages, se conclut en 1807 avec la canonisation. Pendant plus de deux siècles, ce procès traverse différentes phases, alternant moments d’activité intense et périodes de stagnation. Au cours de cette période, le rite de la procédure change en fonction des miracles et des vertus, du maintien et de l’extension de la renommée, de la croyance dans le miracle, de la qualité des témoins et de tout ce qui servirait à prouver des situations « de fait » (de facto), afin de convaincre le pontife à rendre un jugement favorable. Lorsque les réformes d’Urbain apparaissent, la reconnaissance de ces situations conduisant à la sainteté se structure comme un mécanisme de « certification » standardisé, rigoureux, centralisé.
4Le procès certifie avant tout la crédibilité des témoins et transforme la sainteté en une expérience collectivement disciplinée. La valeur du témoignage, le rapport de confiance personnelle, les marques de la sincérité et de la compétence, ainsi que le statut et le rang s’enchevêtrent, définissant ainsi une communauté d’individus liés par des rapports de confiance et d’autorité. Ce sont ces individus qui, au niveau local, négocient les règles et les outils. Les témoins et l’autorité qui en recueille les témoignages ont le dessein commun de démontrer la sainteté du candidat. Les normes de la procédure servent d’une part à transférer et à valider sur le plan judiciaire la crédibilité du témoin, crédibilité déjà établie sur le plan social, d’autre part à reconnaître à l’Église et au clergé le pouvoir de définir la sainteté – en distinguant avant tout les cas de fausse sainteté –, la transformant ainsi en une expérience socialement utilisable, puisque disciplinée collectivement. Le procès circonscrit le groupe qui, puisqu’il définit la sainteté, en gère les effets politiques au sens large. Au cours de cette période, l’outil judiciaire qui consiste à certifier la qualité des candidats se perfectionne et le respect des formalités de « certification » tend même à prévaloir sur la qualité des candidats.
5Le procès connaît deux phases distinctes. La première, datant du xvie et du xviie siècle, à l’aube du « siècle des saints7 », pose les bases solides de tout le long processus de canonisation du Frère noir, malgré l’impact des décrets de la période 1625-1679. En effet, ces derniers interdisent aux évêques la canonisation, dictent des normes relatives aux procès qui distinguent nettement les compétences des évêques de celles du pontife, imposent le respect de la procédure même au niveau local et établissent que seuls les avocats ont le droit de défense dans les procès de canonisation. La modification du cadre normatif influence donc drastiquement la longue procédure de la canonisation de Benoît. Cette première phase, qui se déroule en grande partie au niveau local, est marquée par le rôle important que jouent l’évêque et le groupe élitaire des fidèles, ainsi que par la présence d’une foule de témoins des miracles, siciliens ou étrangers résidents dans l’île. La procédure vise à la reconnaissance du miracle et à l’élaboration du mécanisme judiciaire sur lequel repose cette reconnaissance. Cette phase se conclut en 1652, lorsque le Sénat palermitain inscrit Benoît parmi les saints patrons de la ville. En revanche, la deuxième phase, qui date du xviiie siècle, est plus romaine. En effet, l’initiative principale est dans les mains de la Curie et de la hiérarchie de l’Ordre franciscain, le nombre de témoins baisse drastiquement et le pourcentage de prêtres et de frères est le plus élevé. Aucune demande ne tend à vérifier d’éventuels miracles : les questions tendent en revanche à vérifier l’existence et la durée du culte de Benoît. La procédure est devenue extrêmement complexe, mais elle consiste essentiellement en un ensemble d’actes formels à accomplir et en une vérification du bien fondé de la procédure des procès précédents.
Les procédures
6Pour celui qui a étudié les sources judiciaires, le procès de canonisation n’apparaît pas comme un procès au sens propre : il n’y a pas de délit ou de contentieux, ni de partie lésée, ni d’inculpé, ni d’acte d’accusation. Les témoins sont tous à décharge, puisqu’il manque, bien que la doctrine le prévoie, des témoins d’office contraires à la cause et que l’importance du rôle de l’accusation et de la défense est inversée. L’accusateur est fictivement représenté par le défenseur de la foi, autrement dit « l’avocat du diable ». Les canonistes ont longtemps débattu sur le caractère contentieux ou criminel du procès de canonisation : en effet ce dernier « tend vers les formes du droit public propres au procès criminel, en raison de l’intérêt général qui est toujours en jeu dans les procès canoniques de tout genre8 ». Il conserve des procès criminels le caractère inquisitoire9 et la fonction de l’advocatus fisci, l’accusateur public, qui devient ici le promotor fidei.
7Mais il retient du procès contentieux aussi bien l’objet de la procédure, où il n’y a pas de crime à élucider mais des situations de fait, que l’initiative du procès qui appartient aux parties intéressées. Sa nature judiciaire fait que l’on retrouve toutes les figures des autres jugements canoniques : le promoteur de la foi qui veille au droit10, le cardinal ponent ou rapporteur qui présente la cause au tribunal, le notaire, le greffier, le procureur, l’avocat, le postulateur11 et le requérant. Les matériaux des procès criminels et contentieux sont « adaptés à la particularité de ces procès [de canonisation] et harmonisés avec des instituts du procès tout à fait typiques et récents12 » qui servent à résoudre ce « paradoxe du droit canon [pour lequel] le mystère de la sainteté s’insère dans une économie de procès13 ». Ce paradoxe explique la fréquence avec laquelle le droit canon, après s’être largement référé à la doctrine, citant même les auteurs dissidents, établit, alors qu’il doit définir la procédure, des normes dérogatoires avec une liberté qui fait du procès de canonisation « un procès spécial » avec des « buts et une nature qui lui sont propres14 ».
8J’essaierai de développer cette affirmation, en prenant en considération pour le moment seulement le problème des témoins et celui de la construction de la preuve. Ces aspects se révèlent, à mon avis, cruciaux, puisque la reconnaissance de la sainteté porte avant tout sur le contrôle de l’héroïcité des vertus (qui a remplacé presque entièrement le martyre, l’élément historiquement le plus ancien), sur l’orthodoxie des écrits (en supposant qu’il y en ait) et sur les miracles. Le procès de canonisation a une procédure entièrement testimoniale, car il se fonde entièrement sur l’efficacité de la preuve testimoniale. Les requérants du procès de canonisation coïncident, d’ailleurs, avec les témoins. Ce sont « les personnes privées du procès, porteuses de l’intérêt à obtenir un certain jugement (la reconnaissance de la sainteté du serviteur de Dieu) et donc promotrices du procès […] seules ou associées, ecclésiastiques ou civiles15 », admises par l’autorité ecclésiastique. Il appartient, d’ailleurs, aux requérants de soutenir les dépenses judiciaires. Les témoignages sont recueillis lors de l’interrogatoire.
9Avant tout, le lieu : l’interrogatoire se déroule dans l’église désignée par les lettres rémissoires, laquelle, sauf quelques rares exceptions, est le sacellum du palais épiscopal ou l’oratoire de demeures privées, considéré comme pro loco sacro, ou le cloître des monastères16. L’action judiciaire s’effectue dans cet espace sacré et isolé dans lequel on accomplit également de multiples formalités. Le procureur de la cause appelle les témoins : il les questionne en premier lieu sur l’interrogatoire général, puis sur les « articles » dont ils ont connaissance. C’est pourquoi ils prêtent un double serment. Les interrogatoires sont ouverts avec les lettres rémissoires et se concluent avec les dépositions des témoins. Les actes sont signés avec le cachet des juges. On note l’ouverture et la clôture de chaque séance ; les juges, le notaire et le promoteur (ou le sous-promoteur qu’il a lui-même désigné) sont présents. En effet, si l’un d’entre eux est absent, l’interrogatoire du témoin est « frappé de nullité ». Les dépositions des témoins sont transcrites « dans la langue qu’ils parlent ». Si les juges ne la comprennent pas, on prend un interprète qui doit prêter serment de la traduire fidèlement et de garder le secret. Le traducteur dicte le témoignage en simultané pendant qu’il est donné, et le notaire le transcrit de sa propre main clare et dilucide (« de façon claire et limpide », le manque de clarté peut être cause d’annulation du témoignage). Les témoins ne sont pas tenus de rendre compte de leurs affirmations. S’ils parlent, par exemple, de miracles ou de choses qui ne sont pas perceptibles par les sens, ils ne doivent pas en donner une explication scientifique. Le notaire doit transcrire chaque témoignage intégralement. Enfin, les témoins doivent signer leur propre déposition, par une croix si nécessaire. Ensuite signent les juges, le promoteur et le notaire17.
10Combien de témoins faut-il pour que le fait dont ils témoignent soit reconnu valable ? Deux ou trois témoins concordants, se présentant librement, mais en aucun cas un seul témoin, comme s’accordent sur ce point les juristes ecclésiastiques et séculiers18. Je rappelle incidemment que même le procès criminel requiert deux témoins de visu pour décréter la peine ordinaire19. Mais quelquefois les témoins racontent que le serviteur de Dieu ou le bienheureux est apparu devant eux et cette apparition est difficile à prouver par plus d’un témoin. Malgré tout, la Sacrée Congrégation des Rites reconnaît fréquemment ces apparitions, bien que certains juristes y soient défavorables. Mais lorsqu’ils rencontrent le problème de l’unus testis, ils trouvent la solution dans une série de déclarations sur la qualité personnelle du témoin. Le cas du magister Vito De Policzi, fabricator de 48 ans, qui, en 1594, fait part d’une rencontre avec les moines, survenue seize ans auparavant le long de la route conduisant à Girgenti, est significatif. Puisque les Frères lui semblaient « éprouvés et fatigués », Vito les fit se rafraîchir et leur offrit « une modeste collation avec quelques biscuits et une petite gourde de vin ». Bien qu’il ne restât que très peu de biscuits et tout juste plus d’une « goutte de vin » dans la gourde, lorsqu’il fit à nouveau une halte un peu plus loin, il trouva le sac et la gourde pleins, comme avant d’offrir le déjeuner à Benoît et à ses compagnons. Le fait que Vito fût seul et qu’il n’y eût pas d’autres témoins de l’épisode constitue un problème. C’est un unus testis, ce qui en droit signifie testis nullus. Luciano Gitto, magnifique procurateur de la Magna Regia Curia, déclare connaître le témoin depuis de nombreuses années, lequel a fait pour lui « des travaux de maçonnerie sur divers bâtiments et l’ayant ainsi fréquenté, il peut dire que c’est une personne respectable, un homme ne parlant pas à tort et à travers, un bon chrétien, posé, vertueux et riche de toutes les perfections et de toutes les qualités ». En somme, on peut avoir « foi et confiance en lui » ! S’expriment également le magister Bartholo Lu Re, un fabricator palermitain de 40 ans qui connaît Vito depuis 15 ans comme étant un « homme respectable », le magister Dominico De Arrigo, lui aussi fabricator palermitain de 40 ans, qui a réalisé quelquefois des travaux de maçonnerie avec Vito, cette personne « respectable, aux nombreuses qualités, qui mène une vie droite », et le magister Domenico De Baudo, 40 ans, fabricator de la terre de Ficarra20. Donc, la crédibilité du témoin unique se construit tout au long du procès à travers le témoignage de la confiance que lui font ses connaissances et ses relations et par sa réputation d’honnêteté.
11Non seulement il est préférable qu’il y ait de multiples témoins, mais en plus ils doivent être dignes de foi, afin que les « hérétiques » ne raillent pas le procès de canonisation. Les témoins qui d’ordinaire sont récusés dans d’autres procès doivent l’être à fortiori dans ce genre de procès21. Les témoins pauvres doivent être récusés (même si quelques canonistes acceptent les « pauvres qui ont une vie honnête »), car on peut les soupçonner de fraude : ils peuvent, en effet, nourrir l’espoir de tirer quelque profit de leur témoignage.
12On n’admet pas les pupilles en dessous de 14 ans. Quelques juristes se prononcent contre les femmes, comme dans les procès criminels. Malgré cela, le droit canon, tout comme le droit civil, les admet dans les procès de canonisation, mais à certaines conditions : il faut que ce soient des honestae mulieres (d’honnêtes femmes) et, outre le sexe, qu’elles ne souffrent d’aucunes autres incapacités. Elles doivent déposer spontanément, démontrer qu’elles ont un jugement ferme et une connaissance suffisante des faits22. Le droit canon admet, en particulier, la femme malade qui, après avoir invoqué le serviteur de Dieu, recouvre la santé ou encore « si ses mots sont conformes à ceux d’un homme23 ».
13On ne peut pas admettre comme témoins le postulateur, l’avocat et le procureur de la cause. Les parents et les proches des miraculés peuvent en revanche témoigner, ainsi que les religieux du même Ordre et de la même institution que le serviteur de Dieu (car il est nécessaire de pouvoir démontrer l’observance de la règle), tout en se gardant d’un éventuel « vitium affectionis », c’est-à-dire des sentiments qui les lient. Il est évident qu’une personne hostile à celui qu’on canonise ne peut pas témoigner24. Les confesseurs témoignent non pas sur ce dont ils ont été informés lors de la confession, mais sur la pureté de la conscience, sur les révélations manifestées et sur d’autres choses de ce genre. On considère qu’il est indispensable d’interroger les médecins et les chirurgiens qui établissent si le miracle s’est réellement produit : ils ont soigné les infirmes et peuvent donc confirmer la guérison survenue et sa qualité surnaturelle. C’est à eux qu’on demande de déposer sur la nature de la maladie, sur les médicaments pris par le malade, sur l’état désespéré dans lequel il se trouvait auparavant, sur la guérison soudaine survenue aussitôt après l’invocation du bienheureux. En général, il faut toujours que des « hommes dignes de foi » soient auditionnés pour la résolution heureuse des procès de béatification et de canonisation. Leurs dépositions doivent être concordantes, ou bien discordantes sur des aspects secondaires, mais non sur la substance, parce que des dépositions trop similaires les feraient apparaître plus suspectes. Les témoins qui se réfèrent à des épisodes que d’autres omettent ne doivent pas être considérés comme contradictoires ; mais ceux qui affirment ce que d’autres nient sont en revanche contradictoires25.
Les témoins
14Pour avoir connu personnellement le Frère noir et pour avoir été l’un de ses fidèles les plus intimes, le marchand Giovan Domenico Rubbiano déploie temps et énergie pour que la sainteté de Benoît soit reconnue. Ce marchand rédige alors un mémoire pour « informer l’illustrissime et révérendissime Archevêque palermitain, afin de collationner les notices26 » sur le caractère exceptionnel de l’expérience de Benoît. Dans la première partie, il recueille la description des miracles réalisés lorsque Benoît était en vie, dans la seconde, les miracles réalisés cum l’habito seu tonica (au moyen de son froc). Les témoins sont appelés par Rubbiano, par les moines ou par d’autres miraculés déjà au courant de l’initiative de Rubbiano. Ils apparaissent assez unis entre eux par des liens familiaux, amicaux, professionnels ou encore de voisinage, de clientèle, de paroisse, etc. Les témoins racontent ou relatent les circonstances du présumé miracle, mus par un impératif moral : témoigner équivaut à louer Dieu qui a voulu s’exprimer à travers l’œuvre de son serviteur. Le témoignage représente une partie de la dette qui a été contractée avec le saint et se soustraire à ce devoir revient à trahir la confiance en son patron céleste, dont la médiation a été nécessaire pour obtenir le miracle.
15Mais dans le mémoire, les vrais témoins restent dans l’ombre, sont nommés, mais non identifiés. Ce sont les miracles qui intéressent Rubbiano : les miraculés rapportent globalement à celui qui recueille les témoignages, quelquefois même par lettres, 52 cas de guérisons, 15 prémonitions et 3 cas de multiplication de nourriture. Et pour corroborer ce qui est déclaré, on désigne d’autres témoins qui assistèrent à l’événement miraculeux ou qui en entendirent parler par les intéressés en personne. Quelquefois, un seul témoin raconte plus d’un événement miraculeux. Dans le recueil de Rubbiano, les témoins font le récit d’épisodes dont ils ont été les témoins directs ou dont ils ont eu connaissance indirectement par des témoins directs.
16Techniquement, seul celui qui a vu le fait miraculeux ou en a entendu parler peut témoigner. Prenons l’exemple de ces nombreux armateurs ou marchands ragusains, vénitiens, catalans qui se sont adressés au moine pour connaître le destin de leurs bateaux et de leurs marchandises. « Étant donné que ces patrons n’ont pas pu être présents, on ne les prend pas en considération dans ce recueil. On prend en considération seulement les choses que l’on peut prouver avec certitude avec les personnes vivantes et présentes ». On procède de la même façon pour les miracles que Benoît a réalisés pendant ses années d’ermite à la Mancusa, entre Partinico et Carini, « qui ne peuvent être prouvés vu que les personnes qui ont bénéficié de la grâce sont toutes mortes de la peste » de 1577. Mais on ne parvient pas au fond à discerner les témoins de visu et de auditu, au point que le vrai témoin est Rubbiano dont la crédibilité est attestée par un groupe de religieux.
17Le dossier, rassemblé par le pieux marchand et soussigné par un groupe de frères et de prêtres, soumis à l’attention de l’archevêque de Palerme, réussit, malgré son caractère peu formel, à faire ouvrir le procès préalable. En 1594, commence donc l’Ordinaria inquisitio, célébrée devant l’Ordinaire du lieu, c’est-à-dire l’archevêque. La déposition des témoins se déroule de façon plus formelle (par exemple on met en avant l’identité : prénom, nom, âge, nationalité, activité). Chaque témoin rapporte le miracle qu’il connaît directement, raconte l’épisode miraculeux et à la fin de la déposition confirme les déclarations. Tous ceux qui ont connaissance d’un simple épisode viennent témoigner : sur certains miracles, on accumule jusqu’à six témoignages.
18Quatre-vingt-dix-sept témoins sont cités au total, dont dix-sept sont des frères mineurs, dix des médecins et un apothicaire ; quarante-quatre guérisons sont « prouvées » (vingt-trois réalisées par Benoît de son vivant et vingt et une post mortem par l’intermédiaire de ses reliques), dix-huit prémonitions et deux épisodes de multiplication de nourriture. De nombreux présumés miracles qu’il a effectués de son vivant proviennent du dossier Rubbiano. On y a ajouté de multiples miracles réalisés par des morceaux de son froc ou par d’autres reliques que les frères du couvent de Santa Maria del Gesù ont mises en circulation, en même temps qu’ils ont lancé la dévotion pour le serviteur de Dieu.
19Il s’agit de trente-trois femmes (34 %) et de soixante-quatre hommes (66 %). Si toutefois on enlève de l’échantillon masculin les frères et les médecins, des témoins d’office en quelque sorte, les femmes et les hommes se valent (34 % de femmes contre 37 % d’hommes). Il n’y a pas en somme une spécificité de genre face au miracle, mais c’est surtout aux femmes que le tribunal accorde de la crédibilité, malgré l’imbecillitas sexus.
20L’indication de l’activité professionnelle apparaît seulement dans vingt-cinq cas (39 % des hommes), mais il faut ajouter les dix-sept moines (26 % des hommes) et les onze médecins et les apothicaires (17 %). 82, 8 % des hommes déclarent une position socioprofessionnelle précise ; en revanche les femmes sont indiquées comme uxor ou filia de quelqu’un et, à l’exception de deux servantes et d’une nourrice, elles ne déclarent jamais d’activité professionnelle. L’éventail des professions masculines est assez large : un soldat espagnol, un marchand catalan, un sutor, un spatarius, un januensis, un peintre, un clerc, un faber lignarum et 5 fabricatores, 2 calligarii, l’hospitalarius de l’Hôpital des Incurables, 2 notaires, 2 procurateurs de la Magna Regia Curia, le président du haut tribunal, le commissaire de la Gancia de la Magna Regia Curia et le protonotaire de la Cour Royale. Il n’y a pas, comme on peut le voir, de pauperes et de surcroît il s’agit plutôt d’un échantillon de provenance sociale moyenne et élevée, d’artisans, de médecins et de fonctionnaires de prestigieuses magistratures de la ville. C’est certainement aussi grâce à la qualité de ce groupe que l’on doit la rapidité et l’impulsion avec laquelle le procès de 1594 décolle.
21Le 18 mars 1623, après avoir reçu les actes de deux procès ordinaires, celebrés en 1620 à Palerme et à S. Fratello, la Sacrée Congrégation des Rites décrète que la sainteté de Benoît est constatée de façon suffisante (sufficienter constare). Comme des lettres de postulation envoyées par Philippe IV, le cardinal Doria, le vice-roi de Sicile, les députés du royaume, la ville de Palerme, l’inquisiteur, des aristocrates ou des cardinaux parviennent entre-temps avec des requêtes pressantes afin d’obtenir la canonisation de Benoît, on décide deux Apostolicae inquisitiones, l’une à Palerme, l’autre à San Fratello, qui se déroulent dans les années 1625 et 1626, le lendemain de l’épidémie de peste qui s’est abattue sur la Sicile.
22Les témoignages, verbalisés entre le 11 décembre 1625 et le 12 octobre 1626, comportent toutes les informations sur l’identité (de nomine, cognomine, patria, parentibus et exercitio) et on cite même fréquemment la paroisse d’origine. Le témoin est d’abord admonesté sur la gravité du fait sur lequel il doit déposer et sur les peines encourues pour faux témoignages. Il doit ensuite nier avoir été instruit sur la façon dont il doit faire sa déposition et espérer obtenir de cette déposition quelques avantages ou faveurs27. Enfin, il déclare venir sponte ou bien vocatus par le père Antonino da Randazzo en sa qualité de procureur de la cause. Beaucoup ont déjà déposé au préalable devant l’archevêque de Palerme au cours du procès ordinaire. Après qu’ils ont confirmé leur désintéressement et la spontanéité de leur témoignage, on passe à l’examen des qualités morales des témoins auxquels on demande depuis combien de temps ils ne se sont pas confessés et ils n’ont pas communié. Ils doivent en outre dire combien de fois ils le font d’ordinaire par an (autrement dit, l’observance des sacrements), mais aussi s’ils ont déjà été soumis à des jugements pénaux ou à des condamnations, et dans ce cas, par quel tribunal ou pour quel procès (autrement dit, le respect des lois). À la question sur la fréquence de la confession et de la communion, les témoins répondent d’ordinaire en se rappelant avec certitude la dernière communion d’obligation et avec une grande approximation les autres. Pour le reste, peu de témoins ont eu affaire à la justice et même si c’est le cas, il s’agit davantage d’infractions que de crimes, ce qui n’entrave pas la qualité morale des témoins auditionnés.
23Enfin, l’interrogatoire repose sur la connaissance directe ou indirecte de Benoît : on veut savoir de qui le témoin tient ses sources, s’il le connaissait depuis la naissance, s’il a quelque information sur ses parents et ainsi de suite jusqu’au moment de sa mort. On lui demande expressément de se prononcer sur la signification qu’il donne au miracle et sur les caractéristiques qu’il doit avoir, sur la nature des remèdes administrés aux malades par les médecins, si l’on a par hasard appliqué la relique de quelque autre saint.
24Dans le procès palermitain de 1625-1626, cent trente des deux-cent-vingt-trois témoins sont des hommes (58, 2 %) et quatre-vingt-treize des femmes (41, 7 %). Parmi les hommes, on doit relever la présence de dix médecins (7, 7 %), de trente-neuf frères appartenant à l’ordre des Frères mineurs (30 %), de douze tertiaires (13 % des femmes), de douze prêtres séculiers et d’un témoin qui déclare appartenir à l’ordre des frères prêcheurs28. En tout, ce sont cinquante-deux religieux qui soutiennent la béatification de Benoît, ce qui représente 40 % du total des témoins masculins. Si on les ajoute aux religieuses, ils représentent 49, 2 % de l’ensemble des témoins.
25En somme, procès après procès, nous en apprenons de plus en plus sur l’identité des témoins. Comme le procès de canonisation s’apprête à sortir de son contexte local (où les témoins se connaissaient déjà tous entre eux ou se sont connus en déposant aux procès), les qualités de chaque témoin doivent être déclarées et certifiées. Le procès crée un lien indissoluble entre la crédibilité des témoins, le sérieux des sources et la vérité du fait miraculeux. Au début, on trouve la renommée, la communis opinio, provoquée par la manifestation miraculeuse de la sainteté ; elle doit être manifeste, spontanée, universelle et en perpétuelle extension. Elle a pour effet la vénération que le peuple lui accorde29. Mais elle doit être authentifiée par le procès, sans lequel la sainteté risque de devenir une forme ambiguë de superstition.
26Et le procès coïncide avec sa procédure et ses formalités rituelles. Pendant ce temps-là, l’outil judiciaire à travers lequel on certifie les qualités des candidats se perfectionne et le respect des formalités de cette certification risque même de prévaloir sur les qualités des candidats. Sans rien enlever aux individus, aux groupes, aux institutions qui se mobilisent dans les procès pour atteindre leur but, on certifie en un certain sens l’autorité et la légitimité des attestateurs. Même si cela peut sembler paradoxal, le saint reste à l’arrière-plan et devient presque anonyme. Quelquefois même il disparaît et le lecteur des actes des procès peut oublier de qui en particulier il s’agit.
27Pendant le procès qui conduit du mémoire Rubbiano de 1591 aux procès ordinaires de 1594, aux procès apostoliques de 1625, nous voyons progresser la technique qui structure la crédibilité du témoin et avec cela la vérité du miracle. En 1591, dans un lieu sacré, un groupe de frères et un marchand recueillent des témoignages, les témoins jurent, nomment les cotémoins. Quelqu’un recueille la narration, mais sans trop de formalités. Le mémoire sera ensuite transmis à l’autorité compétente qui le jugera suffisant pour promouvoir un véritable procès. L’Apostolica inquisitio de 1625 commence avec les lettres rémissoires et de citation en justice de la Sacrée Congrégation des Rites et se déroule selon une procédure complexe. Déjà avant les décrets d’Urbain, à partir de 1588, le mécanisme judiciaire est devenu certes plus compliqué, mais aussi mieux structuré. En effet, la Congrégation des Rites est désormais une bureaucratie centralisée qui fonde tout le mécanisme d’attestation de la sainteté sur le respect de la procédure, tout comme sur la reproduction de son propre pouvoir et de sa propre autorité.
Les procès du xviiie siècle
28Le 31 mars 1713, le Sénat palermitain envoie une Epistola au pontife, dans laquelle, pour les faveurs et les grâces que Benoît continue à dispenser aux citoyens de la capitale, qu’elle compte parmi ses patrons depuis 165230, il demande à ce que soit réouvert le procès. L’archevêque de Palerme effectue la même requête. Après que la Sacrée Congrégation des Rites a décrété la reprise du procès, avec le cardinal Prospero Lambertini, futur Benoît xiv, comme promoteur de la foi, la procédure reprend avec l’institution du procès qui s’est célébré à Rome de 1715 à 1731, axé sur le culte voué à Benoît dans le Nouveau Monde.
29Quatorze personnes, tous des religieux à l’exception d’une personne31, dont l’âge est compris entre 38 et 70 ans, s’interrogent sur l’ensemble du sujet. Beaucoup d’entre eux, originaires des lieux lointains d’Amérique, se trouvent à Rome car ils sont impliqués en même temps dans d’autres procès de canonisation. Certains, en effet, sont postulateurs des procès de Martin de Porres, de Nicolas de Dieu, de Sébastien de l’Apparition, du martyr Jean du Prado : le Nouveau Monde cherche fébrilement ses saints locaux, effet souvent de l’hybridation ethnique qui s’est largement produite. Au sein de la sainteté franciscaine, se pose un modèle de sainteté noire élaborée sous la pression des effets de déportation de masse africaine vers l’Europe méditerranéenne, mais surtout vers le Nouveau Monde qui organise son sanctoral32.
30Dans les régions évangélisées d’Amérique, les Noirs africains organisent des confréries vouées au « Saint noir » en faveur duquel on les autorise à recueillir des offrandes destinées à fêter annuellement leur patron céleste. Benoît est vénéré comme s’il avait déjà été canonisé : on l’appelle saint et non bienheureux, on lui consacre des chapelles et des autels, on le représente avec une auréole et des rayons lumineux dans les peintures et sur les statues. Les évêques et les archevêques sont déjà informés du culte qu’on lui voue, et bien loin de le contester, ils participent aux rituels solennels.
31Ce procès a un caractère fortement politique, centré sur l’exigence d’atténuer les effets de l’esclavage, de discipliner les peuples potentiellement rebelles : les Noirs et les métisses sont de nature guerrière. S’ils font des exercices de piété en l’honneur d’un saint de leur race, leurs patrons les traitent avec plus d’humanité. Ainsi, ils supportent leur condition avec plus de patience, puisqu’ils voient en leur saint la possibilité que leurs souffrances puissent au moins les conduire au paradis. Si le culte était supprimé, les Noirs du Nouveau Monde se verraient exclus du ciel et de nouveau en proie à des relations empreintées d’un mépris cruel. La déception et la perte d’espoir pourraient les inciter à se rebeller. Justement, « ils sont belliqueux ». Seul l’exemple d’un esclave pieux, affectueux, compatissant, et toujours souriant pouvait symboliquement contribuer à enrayer cette menace obscure. Mais en même temps, l’Église accorde une certaine autonomie aux formes du culte. Elle consent à l’expression d’une créativité dévotionnelle religieuse dont la confrérie devient, en quelque sorte, la garante et qui explique le syncrétisme extraordinaire des formes du culte dans l’Amérique latine contemporaine.
32La bulle d’Urbain viii sur le culte des serviteurs de Dieu non canonisés prévoyait, pour les hommes d’Église, des peines très sévères, telles que la suspension a divinis et la privation des offices. Mais les restrictions drastiques en matière de culte et de veneration n’ont pas de valeur pour ceux qui furent vénérés « au nom d’un consensus ecclésiastique commun ou grâce à un indult du Souverain pontife ou à une concession de la Sacrée Congrégation des Rites ou pendant un temps immémorial, alors que le Siège Apostolique le savait et le tolérait33 ». Dans ces exceptions, s’insèrent les « cas dérogatoires » (casus exceptus) dont fait partie le nôtre et dont il ne nous reste plus qu’à vérifier et à reconnaître l’antiquité du culte.
33Mais combien de temps dure un temps immémorial ? Seulement un peu plus de cent ans, selon le décret de 1625, confirmé en 1634. Qui conserve une telle mémoire, considérée comme très longue ? Les documents authentiques, tels que les historiae qui précèdent les décrets, les antiqua breviaria, les comptes-rendus des visites épiscopales, les sepulcra, les « images avec auréoles et rayons de lumière et des plaques votives », mais le tout examiné avec le plus grand soin et daté par les « jugements des experts ».
34Ainsi, le 3 octobre 1733, une Sententia definitiva super cultu B. Benedicti a S. Philadelphio, vulgo S. Fratello est promulguée. Dans cette sentence, les prélats de la Sacrée Congrégation des Rites disent, établissent, déclarent définitivement un jugement qui « constate qu’au dit bienheureux Benoît fut consacré, depuis très longtemps, un culte public et une vénération qui ont subsisté dans les Royaumes péruvien, mexicain, brésilien, portugais et espagnol, alors que les Ordinaires pro tempore de ces régions en étaient informés, les voyaient et les toléraient34 ». S’il est vénéré dans les Indes lointaines, il devrait l’être d’autant plus à Palerme, où repose son corps, resté intact. Le 15 septembre 1734, la Sacrée Congrégation des Rites donne les lettres rémissoires et de citation en justice « afin d’instruire le procès apostolique sur le culte public réservé au susdit Vénérable serviteur de Dieu, Benoît de San Fratello, dans la ville de Palerme, où repose son corps35 ».
35La liste des témoins du nouveau procès super casu excepto comprend seize personnes, dont cinq sont des prêtres36. La notula testium est saccagée par les événements qui déciment sept témoins sur seize. Il n’est pas facile de tous les remplacer : on en ajoutera quatre seulement, délibérément plus jeunes que les précédents, en espérant qu’ils seront en meilleure santé et qu’ils vivront plus longtemps. Des quatorze témoins, tous des hommes, treize sont des religieux. Ils connaissent Benoît exclusivement par les hagiographies et par les livres de piété. Les témoins sont donc, dans un certain sens, les « écrivains anciens ».
36Ils s’en remettent tous à l’autorité de père Pierre de Palerme, c’est-à-dire de Pietro Tognoletto, que presque tous les témoins citent largement comme celui « qui rapporte nombre de circonstances et de faits survenus ». Les aspects hagiographiques cités dans le procès proviennent tous de son œuvre Vita e miracoli del venerabile servo di Dio Benedetto da San Fratello, detto comunemente il Nero, publiée à Palerme en 1652, en concomitance avec l’élection du frère en tant que patron de la ville37, et insérée ensuite dans le Paradiso Serafico del fertilissimo Regno di Sicilia de 1667. Aux écrits de Tognoletto, on ajoute la bibliographie ultérieure et, au procès, les livres sont « admis » comme des actes sous serment, au même titre que les témoins vivants. On tire des livres la moindre référence : le chanoine Mongitore dans son Palermo divoto di Maria Vergine, écrivit que Benoît, en 1562, en quittant les ermites de Monte Pellegrino et devant entrer dans le couvent, demanda conseil : on admet la page 327 du chapitre x ; un autre auteur l’appelle « patron de la ville » et sa déclaration est collationnée afin de renforcer le décret du Sénat palermitain. Il en va de même pour tous les auteurs qui ne mentionnent que dicto Beato Benedicto, de Didaco d’Aquila (1664) à Dominico de Gubernatis (1685), à Rocco Pirri (1733) et puis à Filippo Cagliola, Benedetto da Mazara, Leonardo di Napoli, Pietro Mataplanes (1702), Baldassare da Messina (1668), Giuseppe Bernardo Castellucci (1680), Francesco Aprile (1725), Pietro Tognoletto (1667). Sans oublier Wadding, Bollandus et le Catalogus Generalis Sanctorum. La historia qu’ils racontent, telle une peinture vivante, expose aux yeux du lecteur la Vérité qui, bien que « vierge, nue, simple, pure et belle », peut se révéler fuyante. Elle a besoin de preuves.
Les preuves
37Les preuves dans les procès de béatification et de canonisation doivent avoir le même poids que celles que l’on expose dans les procès criminels, ainsi pour le moins l’affirme la doctrine38. De même que le juge n’inflige pas la peine ordinaire dans le cas d’un homicide s’il ne trouve pas le corpus delicti, ainsi dans le procès de martyre « les témoins de visu attestent avoir assisté à la mort » du serviteur de Dieu. En outre, on ne peut pas récuser les témoins de auditu parce qu’ils peuvent être utiles si l’on n’arrive pas à prouver quoi que ce soit avec les témoins de visu. Les témoins de auditu doivent être concordants avec la voix publique et la renommée. Le problème de la construction de la preuve qui émerge dans ce cas appartient avant tout au procès criminel, dans lequel, théoriquement, les probationes doivent être plus « claires que la lumière du jour » (luce meridiana clariores). En revanche, dans la pratique, la confluence de deux témoignages directs et concordants, ou bien la confession judiciaire, précédée de preuves suffisantes et confirmée avec chaque formalité, constituait une probatio plena.
38En effet, le procès pénal entre déjà dans un cercle vicieux : une preuve plena, à part entière, correspond à une peine ordinaire. Toutefois, vu qu’en présence de preuves convaincantes, mais formellement insuffisantes, l’accusé devrait être acquitté, le juge, pour résoudre le conflit entre certitude morale et certitude légale, condamne mitius à une peine extraordinaire. Ainsi, il fait prévaloir sa propre conviction, en fin de compte, son arbitraire39. En outre, si nous prenons en compte la superposition des compétences de plusieurs tribunaux, la hiérarchie entre les différents barreaux et la qualité des statuts des accusés, nous voyons s’ouvrir, dans l’évolution de la peine, un espace de négociation. En effet, non seulement les individus impliqués y déterminent, chaque fois, la façon d’appliquer les règles, mais produisent aussi une pratique judiciaire qui acquiert une valeur de norme, car elle constitue un « précédent » dans la même doctrine. En revanche, le droit canon a une grande influence sur la jurisprudence civile et pénale. L’Église, de son côté, juge des crimes pour lesquels il est difficile de trouver des témoignages directs, tels que la sorcellerie, l’adultère, la simonie, l’hérésie, ou bien sur un autre versant, la sainteté. La prudence et le libre discernement, faiblement ancrés dans la possibilité de construire des preuves légales, relancent l’importance de l’intention, du favor du juge qui va de la discrétion jusqu’à l’arbitraire.
39Étant donné ces prémisses et l’imprescriptibilité de l’évidence physique de la probatio, même les historiae, à certaines conditions, ont valeur de témoignage. Dans les procès de canonisation et de béatification, la règle générale veut que les miracles ne puissent pas être prouvés par des histoires et des chroniques, même si deux historiens sont d’accord entre eux. Il est nécessaire en effet que les témoignages soient requis et rendus au cours de l’interrogatoire, devant le promoteur de la foi. Mais dans les causes de casus exceptus ou de non cultu, qui ne peuvent plus avoir de témoins de visu par leur ancienneté, on peut même ajouter aux témoins de auditu ac de publica voce et fama, des historica monumenta en lieu de probationae subsidiariae, si le Saint-Siège l’autorise par lettres rémissoires et de citations en justice.
40Toutes les historiae n’ont pas la même importance, même tous les historiens ne sont pas dignes de foi. Ils se divisent hiérarchiquement en quatre degrés : « d’abord ceux qui réfèrent des choses qu’ils ont vues ; deuxièmement ceux qui narrent les événements qu’ils ont recueillis de ceux qui y ont assisté ; troisièmement ceux qui écrivent les événements qu’ils ont entendus rapporter par ceux à qui les témoins oculaires (videntes) les racontèrent ; quatrièmement ceux qui tirent des histoires les mémoires qu’eux mêmes produisent (monumenta, quae edunt) ». Tous ceux-là, dit Bollandus, sont « dignes de foi s’ils sont bons, fidèles, prudents et sincères40 ». Si les majores les considèrent comme honnêtes et sincères, de nombreuses œuvres sur les vertus et le martyre peuvent être utilisées pendant le jugement, même si les érudits se querellent sur le problème. Si les historiens sont en contradiction entre eux, on doit croire à la reconstruction la plus vraisemblable. Si des auteurs de même renommée ne sont pas d’accord sur des éléments de fond, la chose reste incertaine ; s’ils sont opposés sur des éléments secondaires, « la substance des faits restera incontestable41 ». En outre, comme pour les témoins, il ne faut pas voir de contradiction chez les historiens qui se taisent sur un épisode que les autres racontent. Quelque honnête et saint que l’historien puisse être, son œuvre doit être examinée selon les règles décrites ci-dessus pour qu’il ait la force d’une véritable preuve (vim verae probationis). Puisqu’il ne s’agit pas de dogmes, même le plus avisé peut se tromper42. Certains canonistes ont attribué la valeur d’une preuve plena à des écrits authentiques, qui ne sont pas produits comme des pétitions, ni même dans le but de canoniser, mais pour conserver une mémoire perpétuelle.
41Témoignages de procès et hagiographies, considérés comme les historiae au même titre que les témoignages de auditu, interagissent de façon éclatante : les procès sont utilisés pour la reconstruction hagiographique qui se vante d’être à son tour « tirée du procès authentique ». L’hagiographie revient ensuite dans les procès à travers les Articuli pro canonizatione et la Sequentia interrogatoria. Cette circularité apparaît de façon exemplaire dans notre histoire si nous nous penchons, en les disposant chronologiquement, sur les différentes Sequentiae et sur les hagiographies d’Antonio Daça (1611), d’Antonino da Randazzo (1623) qui, comme nous le savons, a rempli le rôle de procureur de la cause dans les procès apostoliques, de Pietro Tognoletto (1652 et 1667), qui fondera explicitement son Paradiso Serafico sur « l’autorité des écrivains et sur le témoignage dans les procès ». Enfin, lorsque le procès reprendra au xviiie siècle, les promoteurs de la foi utiliseront les incohérances entre hagiographies et témoignages du procès comme matière pour les observations critiques (Animadversiones).
42Par exemple, la fragrance qui d’ordinaire identifie la présence d’un saint, l’odeur de sainteté, n’est relevée justement ni dans les textes de Rubbiano, ni dans les deux procès ordinaires. Elle est introduite par Antonino da Randazzo, dans la description du moment de transfert de Benoît (« Et on sentit une grande fragrance comme au paradis. On comprit alors clairement que Sainte Ursule était venue avec ses saintes vierges pour le consoler43 »). Trois jours après sa mort, le vice-roi, comte d’Albadeliste, voulut voir le corps du frère, jeté n’importe comment par ses frères dans la fosse commune. Il fit ouvrir la tombe et « il émanait de ce corps une fragrance et une odeur suave, comme au paradis, tout comme le dit le frère qui entra dans la tombe pour le remettre correctement et d’autres qui furent présents44 ». Dans le procès de 1625, dont le procureur est Antonino da Randazzo, frère Guglielmo da Piazza témoigne sur la présence de l’odeur de sainteté45.
43Nous pourrions continuer à faire la liste des éléments qui, utiles à la construction du modèle de sainteté baroque, transforment les hagiographies et les témoignages du procès en simples « témoins », ce qui a pour conséquence de déconstruire tout effet de vérité du témoignage du procès, et au contraire, de contribuer à construire la vérité du miracle. Si nous observons l’ensemble des témoignages comme dans un tableau synoptique, nous pouvons conclure qu’en 1591, le témoin de la sainteté de Benoît est le marchand Rubbiano ; 29 % des quatre-vingt-dix-sept témoins de 1594 sont des frères et 17 % des médecins, donc des « techniciens de la sainteté » ; leur pourcentage devient plus important parmi les témoins de 1620, où sur soixante-huit témoins, 28 % sont des femmes et 72 % sont des hommes. 51 % d’entre eux sont des moines et des prêtres. Toujours dans le procès apostolique palermitain de 1625, sur deux cent vingt-trois témoins, 58, 2 % sont des hommes (parmi lesquels 40 % sont des moines et des prêtres) et 41, 8 % des femmes (parmi lesquelles 13 % de tertiaires). Au total 49, 2 % des hommes et des femmes sont des religieux. En revanche, à la même date, à San Fratello, sur soixante-trois témoins, 47, 8 % sont des hommes, dont 19, 4 % sont des moines et des prêtres et 1, 1 % des médecins. Tous ces témoignages reposent sur des miracles et sur l’excellence des vertus que possédait le frère. En revanche, dans les procès suivants, les miracles non seulement baissent, mais vont même jusqu’à disparaître totalement. Les témoins prévus au procès romain de 1715-1733 sur le culte voué à Benoît dans les Amériques lointaines sont au nombre de seize (en réalité treize témoignent) et cinq d’entre eux sont des prêtres. Dans le procès palermitain de 1734, il y a quatorze témoins, dont treize sont des moines et des prêtres.
44L’Église confirme donc les miracles et la continuité du culte en tant qu’éléments pour attester la sainteté ; mais la dévotion est liée à la puissance miraculeuse du saint. Le plus grand miracle est la renommée de la sainteté qui doit être grande, sinon universelle : la vox populi est la vox Dei. Dieu lui-même s’oppose ou étend la renommée de la sainteté, dont la continuité est déjà l’élément surnaturel. S’il y a tant de fidèles de Benoît, cela signifie que Dieu consent que les miracles puissent advenir par son intermédiaire et qu’il veuille en défendre la dévotion qui, de façon non contradictoire, produit la renommée de la sainteté. Mais c’est l’Église qui légitime la dévotion en la gérant chez les fidèles et la certifie avec les procès de canonisation. Si le critère de la certitude repose sur la renommée autorisée et sur les attestations prééminentes, la réserve du pape sur le sujet acquiert plus de sens. Et quelle autre attestation aurait pu avoir une autorité plus grande, sinon celle du pape ?
45L’exercice du contrôle papal sur le culte des saints remonte au xiie siècle : entre 1170 et 1234, on établit la réserve pontificale sur le droit de canoniser. Au cours du xiiie siècle, les enquêtes ordonnées par Rome sur les qualités du serviteur de Dieu deviennent un instrument de sélection dans les mains du Saint-Siège. Ainsi, celui-ci s’oppose aussi bien aux tendances spontanées à la dévotion populaire qu’aux formes de sacralisation du pouvoir laïque (les saints dynastiques). Nous sommes partis de la certification notariale pour contrôler la vérité d’un fait miraculeux46. Avec Urbain VIII « le peuple cessa définitivement d’être créateur de saints et ce rôle fut exclusivement exercé par la hiérarchie47 ». De plus, avec Benoît XIV le critère de la certitude repose seulement sur l’autorité papale. Et les papes ne sont pas témoins et ne sont jamais interrogés dans les procès. Ils parlent tout au plus à travers les bulles de canonisation.
Notes de bas de page
1 G. Dalla Torre, Processo di beatificazione e canonizzazione, dans « Enciclopedia del Diritto », vol. xxxiv, Milan, Giuffrè, 1987, p. 932-3.
2 Ibid. Voir aussi Dalla Torre, « Santità ed economia processuale. L’esperienza giuridica da Urbano viii a Benedetto xiv », dans G. ZARRI [dir.], Finzione e santità tra medioevo ed età moderna, Turin, Rosenberg & Sellier, 1989, p. 231-263.
3 Dalla Torre, Processo di beatificazione, op. cit., p. 934 et suivantes. Chronologie détaillée dans L. Hertling, « Materiali per la storia del processo di canonizzazione », Gregorianum, n. 16 (1935), p. 170-195.
4 Avec la constitution apostolique Immensa dans le cadre d’une réorganisation plus générale de la Curie.
5 Pour l’ensemble de la documentation voir G. Fiume, Il santo moro. I processi di canonizzazione di Benedetto di Palermo (1594-1807), Milan, Franco Angeli, 2002.
6 G. D. Rubbiano, La vita, l’operi et miracoli fatti cum la grazia d’Iddio per lo venerando patri Benedetto da San Fradello, Biblioteca Comunale Palerme (BCP), ms. aux inscriptions 3QqE40, feuillets non numérotés.
7 J. Delumeau, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, PUF, 1971, p. 94
8 Dalla Torre, « Santitá ed economia processuale », op. cit., p. 241.
9 Où l’enquête criminelle est ouverte ex officio et non, comme dans la procédure accusatoire, sur l’initiative de la partie offensée.
10 G. Felici, « Promotore delle fede », dans Enciclopedia Cattolica, vol. X, Vatican, 1953, coll. 119-122.
11 Voir N. Ferraro, « Postulazione e postulatore », ibid., vol. IX, Vatican, 1952, coll. 1843-1847.
12 Dalla Torre, op. cit., p. 242.
13 G. Caputo, Introduzione allo studio del diritto canonico moderno, vol. I, Lo jus publicum ecclesiasticum, Padoue, Cedam, 1978, p. 148.
14 V. Del Giudice, Nozioni di diritto canonico, Milan, Giuffrè, 1953 (Xe éd.), p. 276. Aujourd’hui, outre le Corpus Juris Canonici, les Bullaria (qui rapportent les Constitutions et les Décrétales du souverain pontife), les recueils des canonistes des Conciles et le recueil des Decreta, Responsa et Decisiones de la Sacrée Congrégation, des tribunaux et des bureaux de la curie romaine ont une valeur nominative. Ibid., p. 32-33.
15 Dalla Torre, Processo di beatificazione, op. cit., p. 937
16 E. De Azevedo, Benedicti Papae XIV doctrina de Servorum Dei beatificatione et Beatorum canonizatione, Bruxellis, 1840, en particulier De testium examine, l. II, caput XLIX, p. 103.
17 Les cardinaux sont dispensés des interrogatoires généraux et, s’ils ne déposent pas devant les juges, leurs témoignages sont considérés comme extrajudiciaires.
18 Regula ergo est, ne unius testimonio negotium expediatur, ibid., De numero testium, l. II, caput V, p. 111.
19 Pour prescrire une peine extraordinaire, il ne suffisait que d’un seul témoin, à condition qu’il fût digne de foi. Une autre Pragmatique, datant de 1694, réitère et confirme sur ce sujet celle de 1597.
20 Le témoignage de Vito De Policzi, datant du 20 novembre 1594, BCP, ms. 3QqE42, cc. 78v.-79v., les autres témoignages cités sont ibid., cc. 79v.-84r.
21 De Azevedo, op. cit., De qualitate testium, l. II, caput VI, p. 112.
22 Ibid. Le droit canon reprend les incapacités du droit romain, lequel restreint la sphère juridique de la femme. Sur ce sujet, cf. G. Dalla Torre, « Imbecillitas sexus e confessio in judicio dei coniugi nelle valutazioni della canonistica classica », Archivio Giuridico (1983), vol. CCIII, fasc.1-2-3, p. 31-52; et H. Leclercq, « Femme », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, vol. V, Paris, 1922, col. 1300 et suiv.
23 DE Azevedo, op. cit., p. 113. Le principe selon lequel « in veritate vir consistat » remonte au décret de Gratien sur le mariage non consommé (année 757) et revient ensuite dans la doctrine canonique postérieure. La jurisprudence médiévale va même jusqu’à considérer le témoignage de la femme deux ou trois inférieur à celui de l’homme, quia vir caput est mulieris (voir également A. Bride, « Femme » dans Catholicisme, vol. IV, Paris, 1956, col. 1174 et suiv.), tandis que la jurisprudence contemporaine demande encore au juge de considérer « la variabilité de l’opinion du sexe féminin, la subjectivité facile de ses impressions, la prépondérance affective sur son sentiment discriminatoire ».Voir S. Indelicato, Le basi giuridiche del processo di beatificazione. Dottrina e giurisprudenza intorno all’introduzione delle cause dei servi di Dio, Rome, Officina Libri Cattolici, 1944, p. 105.
24 DE Azevedo, op. cit., De confessariis et medicis, l. iii, caput VII p. 114.
25 Ibid.
26 Rubbiano, op. cit., feuillets non numérotés.
27 BCP, ms. 3QqE43, c. 2er, n.1.
28 Pietro Luminario, 17 agosto 1626, ibid., cc. 785-791.
29 Indelicato, op. cit., p. 38.
30 Au cours des soixante dernières années du XVIIe siècle, le Sénat palermitain obtient de la Sacrée Congrégation des Rites l’élection d’au moins dix-huit nouveaux patrons. Voir J.-M. Sallmann, « Il santo patrono cittadino nel ‘600 nel Regno di Napoli e in Sicilia », dans G. Galasso, C. Russo [dir.], Per la storia sociale e religiosa del Mezzogiorno d’Italia, vol. II, Naples, Guida, 1982, p. 194.
31 Archivio Segreto Vaticano, Sacra Congregatio pro Causis Sanctorum, Nomina testium examinandorum, vol. 2179, cc. 38v.-39r. Il y a trois Mineurs observants et un réformé, deux Carmes, un Bethléem, deux Jésuites, deux théologiens, un prélat, un clerc qui a prononcé seulement ses voeux mineurs, un protonotaire apostolique ; le seul laïc est dans la suite d’un jésuite. Au fils du temps, cette liste s’allongea.
32 Le franciscain Francisco Solano, mort en 1602, a été béatifié en 1675 ; l’archevêque de Lima, Toribio Alfonso de Mogrovejo, mort en 1606, béatifié en 1679, avait été canonisé en 1726 ; Juan Macías (1585-1645) et le métisse Martin de Porres (1579-1639), fils d’une noire et d’un Espagnol, patron de l’égalité raciale, ne seront béatifiés qu’en 1837. Seule la Dominicaine Rosa da Lima (1586-1617), dont le procès de canonisation commença en 1617, quelques jours avant sa mort, gravit rapidement les autels : béatifiée le 12 février 1668 par Clément IX, elle est proclamée sainte patronne de l’Amérique, des Philippines et des Indes occidentales par son successeur Clément X en 1670.
33 DE Azevedo, op. cit., p. 63.
34 La Sententia se trouve à la Biblioteca Centrale Regione Siciliana de Palerme, aux inscriptions B 112.
35 Sacra Rituum Congregatione, Positio super dubio an costet de casu excepto a Decretis Sa. me Urbani VIII in casu et ad effectum de quo agitur, Rome, 1742, p. 14.
36 Voir Notula testium, Archivio Storico Arcidiousi Palermo, vol. 1606, cc. 78r. et v.
37 L’oeuvre se fonde sur des sources de procès et sur la première hagiographie de frère Antonino da Randazzo datant de 1623, ainsi que sur l’autorité d’Ottavio Gaetani, Antonio Daça, Filippo Cagliola, Girolamo Cascini, Rocco Pirri et de Lope de Vega Carpio. Sur les problèmes de l’histoire religieuse sicilienne à l’époque moderne, cf. M. Modica, « La prima agiografia francescana della Sicilia moderna », dans G. Fiume, M. Modica [dir.], San Benedetto il Moro. Santità agiografia e primi processi di canonizzazione, Palerme, Biblioteca Comunale, 1998, et S. Cabibbo, Il Paradiso del Magnifico Regno. Agiografi, santi e culti nella Sicilia moderna, Rome, Viella, 1996.
38 De Azevedo, op. cit., De sententia Congregationis Sacrorum Rituum, l. III, caput III, p. 109.
39 G. Alessi, Prova legale e pena. La crisi del sistema tra evo medio e moderno, Naples, Jovene, 1979.
40 DE Azevedo, Benedicti Papae XIV doctrina, op. cit., In quo nonnullae explicantur et resolvuntur controversiae ad eandem historiarum materiam pertinentes, l. III, caput IX, p. 115, en italique dans le texte.
41 Ibid., p. 116.
42 « Prudentia christiana non admonet, ne nimis creduli ; pietas ne nimis increduli simus ». Ivi, In quo aliae explicantur et resolvuntur controversiae ad eandem historiarum materiam pertinentes, caput X, p. 117.
43 Randazzo, op. cit., c. 301v. La fragrance est un signe de la présence des vierges saintes qui viennent lui rendre visite au moment de sa mort, tandis qu’on ne peut pas l’attribuer à Benoît de manière certaine.
44 BCP, ms. 3QqE41, cit., c. 302r.
45 Ibid., c. 416r.
46 C’est un notaire qui réunit les témoignages des miracles opérés par un défunt, dotée d’une renommée de saint. C’est à lui que l’on demande d’attester le fait miraculeux des stygmates, cf. A. Prosperi, « L’elemento storico nelle polemiche sulla santità », dans Zarri, op. cit., p. 94.
47 A. Vauchez, Saints, prophètes et visionnaires. Le pouvoir surnaturel au Moyen Âge, Paris, Albin Michel, 1999, p. 36, 221-229.
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