Chapitre X. Le crépuscule des idoles
p. 269-292
Texte intégral
1La Seconde Guerre mondiale porta un nouveau coup d’arrêt au fonctionnement des entreprises de statuaire religieuse. Mais contrairement au précédent conflit, les ventes ne repartirent pas après 1945. Les années 1950-1960 sont en effet caractérisées par un déclin massif du secteur, dont la mise en liquidation en 1953 de la maison Raffl est l’une des manifestations. Cette crise concrétisait une véritable rupture au sein de l’Église vis-à-vis de l’art religieux, qui s’exprima officiellement avec la publication par le Saint-Siège, le 30 juin 1952, de l’Instruction du Saint-Office sur l’Art sacré, dont l’objectif était de rappeler les « règles à suivre pour que l’art sacré s’inspire des principes et assume les formes qui conviennent à la beauté et à la sainteté de la maison de Dieu1 ». Tout en condamnant les « excès » de l’art sacré moderne dans le contexte de la « querelle » autour du Christ de Germaine Richier à Assy2, le texte jetait le discrédit sur la sculpture religieuse d’édition :
« Selon les normes des canons 485 et 1178, que les Ordinaires veillent à faire enlever des édifices sacrés tout ce qui répugnerait en quelque manière à la sainteté du lieu et au respect dû à la maison de Dieu ; qu’ils interdisent sévèrement que des statues nombreuses et des images de peu de valeur, la plupart du temps stéréotypées, soient exposées sans ordre ni goût à la vénération des fidèles, sur les autels eux-mêmes ou sur les murs proches des chapelles3. »
2La publication de ces Instructions marquait l’aboutissement d’un processus entamé bien avant la guerre. Elle avait été précédée dès 1925 par les Disposizioni pontificie in materia d’arte sacra. Le pape Pie XI avait à cette époque créé une Commission pontificale « pour la garde fidèle et la protection du vaste patrimoine de culture artistique accumulé par la foi chrétienne de tant de siècles et pour la vigilance nécessaire sur les restaurations dans le domaine de l’art sacré ancien et sur les nouvelles constructions et productions de l’art sacré moderne4 ». Le texte issu de cette initiative, envoyé à tous les membres de l’épiscopat catholique, spécifiait à l’article 19 :
« Que l’on n’oublie jamais que la dignité et la beauté de l’église et des autels exigent : l’élimination de tout ornement artificiel inopportun (comme des fleurs et des palmes de papier ou de métal peint) ; un emplacement discret pour les troncs aux aumônes ; un usage très limité de tableaux secondaires sur les autels et l’élimination progressive des images de plâtre coloré ou d’oléographie qui sont souvent exposées à la vénération des fidèles ; une grande prudence et une grande modération dans l’ornementation et dans les installations de lumière électrique, tant pour l’éclairage des églises que pour la décoration des églises et des images5. »
3La réaffirmation de ces préconisations en 1952 montre qu’elles n’eurent en 1925 qu’un impact limité sur les pratiques. Le marché de la statuaire religieuse d’édition connut en effet un certain dynamisme durant l’entre-deux-guerres, comme on l’a vu au chapitre précédent. Cependant, ces Disposizioni mettent en lumière une évolution significative du regard porté par le Saint-Siège sur cette production, passant d’un soutien tacite à une condamnation explicite.
4Cette évolution de la position du magistère romain était le reflet d’une dévalorisation qui dépassait le cadre du Vatican. Depuis le début du siècle, les critiques se multipliaient en France sous la plume d’artistes, d’ecclésiastiques et d’intellectuels qui appelaient à une rénovation de l’art au service du culte catholique, contribuant à la stigmatisation de la statuaire issue du xixe siècle (fig. 87). Cette dépréciation grandissante suscita diverses tentatives de renouvellement dans le secteur de l’édition de sculptures religieuses qui s’exprimèrent en particulier par une modernisation du répertoire et par un regain d’intérêt pour la reproduction d’œuvres anciennes.
Fig. 87. – Couverture du magazine Sept, 19 octobre 1934.

Les statues qui illustrent « le goût du fade » sont celles de la maison Raffl.
© Pauline Carminati.
La maison Raffl au cœur des critiques
5Les critiques à l’encontre de la statuaire religieuse d’édition n’apparaissent pas au xxe siècle. Comme l’a montré Isabelle Saint-Martin, elles ont accompagné toute son histoire6. Mais jusqu’à la Première Guerre mondiale, elles sont restées dans l’ensemble limitées à certaines sphères intellectuelles et artistiques qui avaient peu de liens avec les commanditaires des sculptures pour les églises. Après la guerre cependant, les critiques se durcissent. Les débats suscités par la reconstruction des églises dévastées conduisent à stigmatiser la statuaire religieuse industrielle. Parallèlement, les évolutions esthétiques dans le domaine de l’art profane font ressortir un profond décalage entre les propositions des artistes modernes et l’art religieux hérité du siècle précédent. En 1925, les Disposizioni renforcent le trouble. De plus en plus d’ecclésiastiques sont ainsi amenés à porter un regard critique sur ce qui est désormais qualifié d’« art de Saint-Sulpice ». Tout en prolongeant des thématiques plus anciennes, les critiques faites contre cette production après-guerre traduisent les nouveaux attendus de l’art religieux moderne et soulèvent de nombreuses problématiques dont un aperçu sélectif est proposé ici à travers deux axes : la remise en question de l’édition et la critique d’ordre esthétique.
L’édition en question
6Durant l’entre-deux-guerres, un certain nombre de critiques formulées à l’encontre de la statuaire religieuse industrielle dénonçaient le principe même de l’édition : la reproduction en série, et ses corollaires, les matières moulées et le mercantilisme. La remise en cause de la reproduction en série des sculptures destinées au sanctuaire s’inscrit dans le débat de l’art et de l’industrie qui traverse le xixe siècle. Si la multiplication au moyen du moulage ou de procédés mécaniques fut généralement considérée comme l’un des bienfaits de la modernité, permettant la diffusion de l’art pour tous, des voix s’élevèrent très tôt pour dénoncer le développement de la sculpture religieuse d’édition. Pour ces détracteurs, l’art et l’industrie étaient deux termes inconciliables. L’un des reproches les plus fréquents adressés à la sculpture religieuse d’édition était qu’elle relevait davantage de l’industrie que de l’art7. Pour certains archéologues, la fabrication en série s’éloignait par trop de leurs représentations idéalisées de l’art médiéval. Le travail machinal prenait la place du geste artistique, les ouvriers celle des artistes8. L’opposition de l’art à l’industrie était un lieu commun et elle se retrouve dans la plupart des critiques, par exemple en 1932 sous la plume de l’archevêque de Cambrai considérant que « les fabrications en série par des moyens mécaniques entre les mains d’ouvriers quelconques, indifférents à leur travail, sont la mort certaine de l’art9 ». Dans son compte rendu de l’exposition universelle de 1867, l’abbé Hurel craignait lui aussi « la substitution de l’industrie à l’art10 ». À ses yeux, les conséquences néfastes étaient multiples, en particulier l’uniformité, la prolifération et l’encombrement :
« Jadis on ne pouvait craindre l’encombrement de ces sortes de représentations qui comportaient une matière et une main-d’œuvre dispendieuses. Aujourd’hui, avec une fabrication mécanique et une matière artificielle, il n’y a plus de raison pour ne pas multiplier de telles exhibitions ; si bien qu’à un moment donné, les églises se verront pleines de ce bric-à-brac qui n’a rien d’artistique et ne réussit guère à être religieux11. »
7Or, cinquante ans plus tard, dans le contexte de l’après-guerre appelant à plus d’austérité et de dépouillement dans la décoration du sanctuaire comme dans la liturgie12, « l’affligeante débauche de plâtres grossiers qui encombre certains sanctuaires13 » était bel et bien un axe récurrent des débats sur le renouveau de l’art sacré et l’encombrement des églises était implicitement visé par les Disposizioni pontificie in materia d’arte sacra. Aux yeux des critiques, le caractère industriel s’opposait également à l’idéal de l’artiste chrétien, mû par une foi ardente et désintéressé. Arsène Alexandre déclarait ainsi à propos de la statuaire religieuse présentée à l’exposition universelle de 1900 : « Cela sent uniquement l’objet fabriqué à la douzaine, et uniquement pour la vente, idée contraire précisément à celle de zèle pour la pure beauté et de pieux désintéressement14. » Travail artisanal et pieux désintéressement étaient au centre du programme des groupements d’artistes chrétiens qui se formèrent après-guerre. Face à la fabrication en série et au « bazar religieux », ces derniers revendiquaient l’œuvre unique, réalisée sur commande pour une destination particulière15.
8La critique de la reproduction allait bien souvent de pair avec celle de la matière et il n’est pas anodin que les Disposizioni évoquent précisément les statues en plâtre. La dépréciation de la sculpture religieuse d’édition produite par la maison Raffl et ses homologues s’enracinait dans l’opposition entre matériaux « nobles » et matériaux « vils ». Au xixe siècle, et ce depuis la Renaissance, les matières privilégiées pour la sculpture profane étaient le marbre et le bronze. Les archéologues avaient adopté une hiérarchie différente : prenant pour modèle la statuaire médiévale, le bois et la pierre calcaire étaient considérés comme les matières plus adaptées à la sculpture d’église. À l’appui de la préférence pour les matières « durables et solides », l’abbé Godard avançait en outre que « l’on fait plus d’honneur à Dieu en ne lui consacrant que ce qui a du prix16 ». À l’inverse, le plâtre et les nouvelles matières moulées telles que le carton-pierre étaient dans la première moitié du xixe siècle souvent jugées fragiles et périssables. Après le succès des années 1820-1830, le carton-pierre acquit la réputation d’être non seulement vil mais factice et trompeur, car il était associé à l’imitation des matières nobles17 :
« Les matières fausses sont pour nous au-dessous des matières viles. Ces mensonges de l’industrie moderne et de l’indigence orgueilleuse vont mal au culte de Dieu et ne sauraient s’allier aux traditions des temps chrétiens18. »
9Par la suite, cette critique des matières plastiques se banalise et n’empêche pas le développement de la sculpture religieuse d’édition, peut-être en raison du perfectionnement de ses matériaux ou de sa polychromie qui permettait en quelque sorte d’oublier la matière. Mais le thème du mensonge réapparaît sous la plume des rénovateurs de l’entre-deux-guerres, notamment dans les écrits de Maurice Denis :
« L’objet religieux est du simili ; il ne vise qu’à tromper. Faux gothique ou faux marbre ou faux or, il « fait la blague », comme on dit dans les ateliers, du style qu’il pastiche, de la matière riche qu’il simule, de l’art qu’il singe et qu’il avilit. L’objet religieux est de la camelote et du mensonge19. »
10Parallèlement, la critique de la « folle virtuosité20 » de la sculpture de la fin du xixe siècle par Bourdelle et ses émules avait replacé la problématique du matériau au premier plan21. Pour remédier à ces excès, les sculpteurs de la nouvelle génération affirmaient l’importance du « matériau vrai » et de « la soumission à la matière », amenant un regain d’intérêt pour la taille directe22 qui toucha en particulier la statuaire religieuse, comme le signalait Maurice Brillant :
« Plusieurs de nos sculpteurs et les plus logiques, pour assurer ces vertus, prônent ce qu’on appelle la taille directe. […] il faut bien reconnaître avec eux que la pierre et le bois sont les matières naturelles de la sculpture. […] Ce qu’il faut, c’est que l’artiste, n’ayant pas honte d’être artisan, attaque directement la pierre ou le bois. Rien de plus salutaire évidemment que ce contact avec la matière, qui oblige à en respecter les exigences, qui nous plonge heureusement dans le concret et le vrai, qui éloigne du toc et de l’artificiel23. »
11Si l’œuvre unique et le matériau noble constituaient l’idéal de tous, commanditaires ou artistes, la reproduction en série demeurait néanmoins une perspective largement acceptée pour ce qui concernait la sculpture, dont Maurice Denis soulignait la prééminence dans les pratiques religieuses du temps, notant dans ses Nouvelles théories qu’« une église peut se passer de peinture, elle ne se passe pas de statues. La piété des fidèles en réclame pour chaque dévotion24. » En 1925, le père Abel Fabre critiquait vertement le programme d’une nouvelle « société d’étude pour la rénovation de l’Art à l’église » qui se proposait de « réagir et combattre par tous les moyens honnêtes à l’entrée des statues, chemins de croix, peintures, etc., faits en série et à l’édition25 ». Au contraire, il avançait que :
« L’édition en série est une nécessité sociale. Les maisons qui en font répondent à un besoin de notre temps. Il est faux que l’idée d’art se confonde avec l’unité d’exemplaire. C’est avec des gestes et des positions de ce genre qu’on empêche la rénovation de notre art religieux au lieu de le favoriser26. »
12Il poursuivait par un véritable plaidoyer en faveur de l’édition des sculptures religieuses, invoquant l’augmentation du coût de la vie depuis la fin de la guerre et la nécessité de se préoccuper du cas des paroisses les plus pauvres plutôt que de la minorité des plus riches. À sa suite, Maurice Brillant admettait que « le problème du bon marché se pose cruellement de nos jours27 » et que l’édition pouvait favoriser le renouveau de l’art d’église :
« Je n’ai parlé que de la sculpture originale. C’est la véritable. La « pièce unique », – ici comme dans les autres domaines artistiques – a été la règle jusqu’à notre époque et il faut s’y tenir le plus possible. Toutefois la pièce tirée à plusieurs exemplaires, « l’édition », est souvent indispensable – et il importe, au surplus, de lutter directement contre le bazar religieux ; il importe de fournir aux églises dont les ressources sont limitées des statues vraiment artistiques à un prix modéré28. »
13Les conditions de l’édition de l’art religieux étaient l’objet de réflexions parmi les groupements d’artistes chrétiens. Des solutions intermédiaires entre l’œuvre originale et la reproduction à l’identique par le moulage furent envisagées. Maurice Denis, en 1919, proposait par exemple de faire reproduire les statues « par un sculpteur ou un praticien de la paroisse, qui la copierait, voire même naïvement, tel que cela se faisait au moyen âge, ce qui donnerait plus de charme qu’un moulage29 ». Maurice Brillant reprenait la même idée et indiquait à titre d’exemple que « les Ateliers d’art sacré [avaient] copié plusieurs fois, avec une certaine liberté, le beau Chemin de croix (peinture) de Maurice Denis pour diverses églises30 ». Dans les faits, la plupart des artistes engagés dans le renouveau de l’art sacré, Maurice Denis le premier, firent éditer certaines de leurs œuvres, que ce soit sous la forme d’estampes, de photographies ou de moulages. En sculpture, on peut citer Roger de Villiers et Simone Callède des Ateliers d’art sacré, Fernand Py et Lin Gualino du groupe de l’Arche, ou encore Georges Desgrey et Gabriel Dufrasne des Artisans de l’Autel. La Société de Saint-Jean faisait éditer des images dès avant la guerre et le concours qu’elle organisa en 1919 pour un chemin de croix exigeait que les participants prévoient « la reproduction de leur projet par des procédés à bon marché de nature à en faciliter la diffusion31 ». Ainsi l’édition était encore à cette époque une perspective presque incontournable dans le domaine de l’art religieux, à laquelle cédaient même les plus réfractaires tels que Charlier32. En 1951, la revue L’Art sacré affirmait encore qu’« il n’y a pas une impossibilité de nature dans la réalisation de bons modèles de statues pour l’édition33 » et encourageait ses lecteurs à s’adresser à certains éditeurs de son goût.
14Bien que la reproduction en série, les matières et les techniques de la sculpture religieuse diffusée par la maison Raffl soient des thèmes de la critique de l’entre-deux-guerres, elles n’étaient donc pas le cœur du problème. Était avant tout mise en cause la qualité artistique des modèles édités par ces entreprises.
Esthétique et piété
15Au xixe comme au xxe siècle, les détracteurs de la sculpture religieuse d’édition portent sur cette production un jugement esthétique négatif et considèrent par conséquent que le clergé et les fidèles la favorisant ont mauvais goût. Cette critique d’ordre esthétique se renforce sous la plume des rénovateurs de l’entre-deux-guerres, au moment où la distance s’accuse avec le siècle précédent, frappé de réprobation morale34 :
« Il faut avouer qu’au cours du dix-neuvième siècle, les arts religieux ont subi chez nous une éclipse. Nous ne méconnaissons pas des œuvres méritoires, dignes d’admiration, dans tous les genres. Mais il est de toute évidence que les créations d’art religieux au siècle dernier ne peuvent rivaliser avec l’apport de chacun des siècles précédents. C’est préoccupation utilitaire, abaissement général du goût public, manque de foi et de science religieuse chez les artistes35. »
16Or la statuaire commercialisée par la maison Raffl incarnait pour ces auteurs la décadence de l’art religieux au xixe siècle36. Pur produit de ce qui était désormais qualifié d’« art académique », elle réunissait en effet tous les travers de celui-ci : le sentimentalisme, le naturalisme et le pastiche.
17Le sentimentalisme et la mièvrerie des modèles de la statuaire religieuse sont des thèmes récurrents de la critique. Ils étaient généralement liés à une dévalorisation des sources d’inspiration des sculpteurs, en particulier Fra Angelico et Overbeck :
« Les fabricants spéciaux de France, s’inspirant mal des mièvreries de l’école de Fra Angelico, développées par l’art allemand de Düsseldorf et de Munich, ont abaissé l’art chrétien au niveau des gravures de modes. Ils ont fait de Jésus-Christ un grand bellâtre au regard doucereux, montrant à découvert un cœur sanguinolent, – parfois en verre rouge illuminé par une petite bougie – que ses longs cheveux blonds, sa barbe bien peignée, le bleu de sa prunelle, le carmin de ses lèvres et de ses joues font l’égal du héros des publications illustrées à l’usage des tailleurs parisiens. La sainte Vierge n’est plus qu’une poupée, assez distinguée peut-être, mais couverte d’oripeaux ridicules, lorsqu’elle est destinée à rappeler des faits miraculeux très récents37. »
18Quarante ans plus tard, Maurice Denis dénonçait lui aussi « les relents d’académisme mièvre et douceâtre » des imitateurs d’Overbeck38. Mais, à travers cette critique, c’était bien souvent la nature de la piété véhiculée par l’esthétique de la statuaire « saint-sulpicienne » qui était visée. Dès 1867, l’abbé Michon fustigeait le « catholicisme affadi » de son temps qu’il opposait aux « idées de piété vigoureuse à la Bossuet » :
« Vous ne voyez pas que vos petites images, vos statues, vos tableaux, tout cela n’est qu’une traduction d’idées ? […] vous avez vos Vierges mielleuses, parce que vos innombrables petits livres sur la Vierge, vos quarante mille prédications du Mois de Marie, chaque année, ne présentent qu’une Vierge mielleuse, puisque ce mot vous va. Vos cœurs trop enflammés sont nés de l’extravagance ascétique prêchée à vos jouvencelles auxquelles des directeurs imprudents enseignent “à mourir de regret de ne pouvoir mourir.” Vous n’aurez plus de colombes roucoulantes, le jour où pénitentes et confesseurs ne roucouleront plus les langoureux épanchements du mysticisme. Les images à ressorts tomberont avec une religion à ressorts, que la théorie jésuitique fait chaque jour prévaloir de plus belle. Tant que le catholicisme des grands mystiques, comme vous le nommez, de votre père Faber, de votre sœur Emmerich, de votre curé d’Ars, triomphera, la Vierge, la femme forte du Calvaire, ne sera que “la petite fille sucrée et souriante”39. »
19Maurice Brillant évoquait à son tour la « religion émolliente que traduit l’affreuse imagerie40 », et en 1951 la revue L’Art sacré déclarait dans le même ordre d’idée que « l’article bondieusard coagule une piété limace » et vilipendait encore « la sentimentalité douceâtre, mièvre » des images qui avaient la faveur du clergé41. Tandis que pour l’abbé Michon ce travers de l’art religieux contemporain était attribué à la diffusion de l’« ultramontanisme », c’était pour le père Doncœur la résultante de « l’exaltation romantique » qui dominait l’art de la fin du xixe siècle42. À l’opposé, il louait le calme, la gravité et la retenue que poursuivaient les artistes soucieux de remédier à cette décadence, quitte à encourir le risque de la froideur.
20Si les « aberrations du romantisme » étaient dénoncées à travers la statuaire religieuse, celles du naturalisme ne l’étaient pas moins. Ce reproche se cristallisait généralement sur l’emploi de la couleur. Là encore, la critique était ancienne. Les résistances à la sculpture peinte, celles de Charles Blanc notamment, ont été précédemment évoquées. La polychromie qui se donne « pour but d’imiter la nature aussi complètement que cela paraît possible43 » aboutissait selon lui au réalisme des figures de cire qui « plus elles ressemblent à la nature, plus elles sont hideuses44 ». La référence aux théories de Blanc perdure au xxe siècle. On la retrouve par exemple en 1914 chez Abel Fabre lorsqu’il écrit que « le coloriage de l’art de Saint-Sulpice […], trop nature, viole les règles essentielles et n’aboutit qu’à l’horreur des mannequins de cire45 ». Les modèles de « gravures de modes » s’associaient ainsi au naturalisme des mannequins en cire à l’usage des coiffeurs pour atteindre le comble de la vulgarité et de l’indécence. Le même type de comparaison était employé en 1927 par le père Doncœur évoquant « d’odieuses figures pommadées de rouge, aux yeux bleuis de kôhl46 ». L’assimilation de la polychromie au maquillage rencontra un grand succès. Il n’y avait pas jusqu’à la Semaine religieuse du diocèse de Cambrai qui ne déplorât : « N’est-il point triste, par exemple, de voir notre petite Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus, fardée comme une femme de quel monde47 ! » Or la vulgarité imputée à la statuaire religieuse polychrome allait à l’encontre de la convenance nécessaire au sanctuaire. C’est cette inconvenance qu’Arsène Alexandre pointait en déclarant : « l’imagerie religieuse est arrivée à produire chez nous des figures d’une banalité, d’une crudité de bariolage qui les rendent certainement bien inférieures aux fétiches des races réputées les moins civilisées48 ». Cette comparaison, déjà employée par l’abbé Dieulin dans les années 1840 à propos de l’art populaire49, se retrouvait encore dans l’Almanach catholique en 192150. Bien que, dans le domaine de la sculpture profane, l’emploi de la couleur ait connu un certain succès à la fin du siècle51, de telles critiques renforçaient la traditionnelle méfiance à l’égard de la polychromie. Henri Cochin notait ainsi en 1918 dans son étude sur la sculpture peinte : « Est-il plus artistique que la sculpture reste blanche, du ton du plâtre ou de la pierre ? Beaucoup disent oui, et cette opinion fait des progrès parmi le clergé et dans les séminaires52 ». De plus en plus prégnante jusqu’au concile, la réaction contre la polychromie se traduisit par une nouvelle série de repeints monochromes blancs ou ton pierre sur les statues, anciennes ou non, présentes dans les églises. Malgré tout, l’usage de la couleur restait encore largement admis pour la statuaire religieuse, sur le modèle du Moyen Âge. Les critiques s’accompagnèrent donc d’une volonté de renouveler la pratique de la polychromie et plusieurs auteurs encourageaient à « reprendre la tradition de la sculpture coloriée53 ». Le père Fabre distinguait trois règles principales à suivre pour éviter l’écueil du naturalisme : « le respect de la matière belle, le rôle secondaire de la couleur, le caractère conventionnel des tons54 ». Ces conceptions donnèrent lieu durant l’entre-deux-guerres à des expérimentations concrètes de la part des sculpteurs, en particulier Henri Charlier et Fernand Py55.
21Un autre axe récurrent de la critique de l’art religieux du xixe siècle était l’accusation de pastiche. Principalement dirigée contre l’architecture, elle s’étendait souvent aux autres domaines, en particulier la statuaire56. Le goût archéologique né dans les années 1830 était considéré au début du siècle suivant comme n’ayant donné naissance qu’à de « froids pastiches57 », de « pauvres reproductions de cette grande époque d’art religieux qui s’étend du douzième au quinzième siècle58 ». Le sujet était d’actualité après la guerre dans le contexte de la reconstruction des églises dévastées : fallait-il reconstruire dans le style de l’église détruite ou au contraire créer une nouvelle église dans un style moderne, adapté aux évolutions esthétiques et techniques ? Le principe de l’imitation (distinct de la copie) qui fondait le projet des archéologues chrétiens, était désormais assimilé à une absence de création, d’invention. À la suite d’Alexandre Cingria, Maurice Denis voyait dans la « préférence pour les pastiches » « une peur de ce qui est vivant », un « esprit de mort et d’ennui » qu’il associait directement à l’« académisme59 ». Pastiche et « archaïsme » étaient ainsi considérés comme des symptômes de la perte de foi du xixe siècle :
« On n’était pas assez fier d’être catholique ! On accepte loyalement, mais maussadement l’héritage. On ne le fait plus valoir. On n’est plus assez convaincu que l’Église vit, que l’Église marche, et qu’elle a autre chose à faire qu’à répéter aveuglément, dans l’ordre esthétique, comme dans l’ordre social, les formes du passé… Et l’on entassait dans des églises d’un gothique Viollet-le-Duc les plâtres multicolores de la rue Bonaparte. Étrange mariage, béni par l’Indifférence, du Génie du Christianisme et de l’économie démocratique60 !… »
22Cette citation met en évidence l’une des constantes des discours critiques : le lien étroit qui était établi entre esthétique et foi. L’enfermement dans des formules du passé procéderait de l’absence de vrai sentiment religieux. Et ce manque de foi serait finalement la cause profonde de toutes les faiblesses esthétiques de l’art religieux du xixe siècle. Réciproquement, de nombreux auteurs considéraient que la laideur des statues d’église risquait d’éloigner certains fidèles de la religion. Laideur et discrédit de la religion étaient déjà associés dans les propos de l’abbé Dieulin à l’encontre de la sculpture naïve et populaire des églises de campagne. La thématique s’est trouvée ensuite régulièrement appliquée à la statuaire industrielle et elle est au cœur des Disposizioni et des Instructions. En 1902, Arsène Alexandre considérait ainsi que « c’est au nom même des sentiments religieux qu’il faut reprendre vivement des tendances qui porteraient atteinte à toute idée de religion chez les esprits cultivés61 ». Par la suite, ce type de discours devint de plus en plus fréquent et avec lui son corollaire : la valeur apologétique de la beauté. Si les auteurs qui promouvaient la rénovation de l’art chrétien concédaient que la dévotion la plus vive était indépendante de la beauté du support, puisque force était de constater que « les images infâmes de la rue Saint-Sulpice produisent sur les âmes des fidèles un effet aussi pieux que n’importe quelle belle œuvre gothique62 », l’idée d’un apostolat par la beauté s’imposa tout de même largement sous les auspices du pape Pie X63 :
« La beauté des cérémonies liturgiques, quand elles ont pour théâtre une belle église pourvue d’un décor artistique, exerce sur les hommes un attrait puissant. Elle constitue une forme énergique de l’apostolat. Elle provoque chez les fidèles une curiosité qui les pousse à la recherche des vérités auxquelles la liturgie rend témoignage64. »
23La sculpture religieuse d’édition fait durant l’entre-deux-guerres les frais de l’apparition d’un regard rétrospectif critique porté sur l’art du xixe siècle. Jugée négativement sur le plan esthétique et dévotionnel, elle est accusée de favoriser la déchristianisation de la société. Dans la perspective de retour à l’ordre des artistes et intellectuels proches de l’Action française groupés autour de Maurice Denis, lutter contre cette décadence s’imposait. Or, puisque l’édition n’était pas inconciliable avec la beauté et pouvait même aider à rénover l’art au service du culte, un moyen de lutte était de renouveler les modèles destinés à la reproduction. Conformément à l’idée que « l’esthétique d’aujourd’hui […] s’accorde, mieux que celle qui l’a précédée, mille fois mieux que l’art académique, avec les convenances du sanctuaire65 », ce renouvellement passa notamment par une modernisation du répertoire de la statuaire religieuse.
« Prier sur de la beauté » : l’édition en quête de renouveau
24Quoique les entreprises d’édition de statues religieuses fussent beaucoup moins nombreuses à Paris qu’au tournant du siècle, l’entre-deux-guerres apparaît comme une période de grand dynamisme dans ce secteur, marquée notamment par les tentatives de renouvellement des éditeurs historiques sous le feu de la critique et surtout par l’émergence de nouvelles entreprises. L’une des plus emblématiques, « L’Art Catholique », fondée par Louis Rouart en 1911, illustre la manière dont l’édition a été mise au service de la rénovation de l’art religieux, tentant de réaliser le vœu de Pie X que les catholiques prient « sur de la beauté ».
Évolutions du secteur de l’édition durant l’entre-deux-guerres
25Partisan de l’édition, le père Fabre encourageait en 1925 les fabricants historiques à se renouveler et proposait plusieurs pistes :
« Leur souci d’art a été trop souvent mince. Leurs pauvres modèles, œuvres de faibles praticiens mal rémunérés, ont amené notre misère artistique. Mais il suffirait d’un coup de fouet vigoureux pour changer cela. Imaginons dans ces maisons une direction artistique compétente, le renouvellement des modèles en cours, l’inauguration de nouvelles méthodes de polychromie, l’adoption d’une belle matière66 […]. »
26Ces différentes voies furent en effet suivies à des degrés divers. La maison Raffl, archétype des « magnats de la bondieuserie […] routiniers dans les vieilles formules de “Saint-Sulpice” » selon la revue L’Art sacré67, semble être restée imperméable aux évolutions artistiques de l’entre-deux-guerres. En revanche, tous les fabricants historiques dont les ateliers avaient été fondés au xixe siècle ne maintinrent pas une posture aussi conservatrice. Sans modifier du tout au tout leur ligne éditoriale, Rouillard (successeur de Bouriché, à Angers) et Nicot (successeur de Moynet, à Vendeuvre-sur-Barse) par exemple intégrèrent à leur catalogue quelques modèles modernes (fig. 88). À Vendeuvre, cette évolution de la politique éditoriale revient à René Nicot. Arrivé à la tête de l’entreprise auboise en 1936, il essaya d’imprimer à celle-ci un nouvel élan et édita des œuvres de Gabriel Dufrasne, Maria Caullet-Nantard, frère Marie-Bernard ou encore Jeanne Ferrez. Le renouvellement des modèles n’était pas la seule forme de modernisation. Tandis que la maison Raffl proposait en 1930 toujours la même gamme de matières qu’avant-guerre, Rouillard et Pierson employèrent de nouveaux matériaux : le premier, une pierre reconstituée pour l’extérieur, « inaltérable aux intempéries, imitation parfaite de la pierre, moitié moins chère que la fonte68 » ; le second, l’« oyonnithe69 », destinée à la fabrication des statuettes.
Fig. 88. – Catalogue de la maison Rouillard, années 1930.

© BnF, Gallica.
27Au même moment, de nouvelles entreprises étaient créées, signe manifeste de l’attractivité persistante du marché de la sculpture religieuse d’édition. Chacune possédait une ligne éditoriale propre, cherchant à se distinguer de ses concurrentes. Parmi ces nouveaux éditeurs, celui qui connut le plus grand succès commercial fut sans doute Duffour. En association avec deux autres marchands, Desplanques et Noël70, il fonde vers 1920 « L’Art à l’église et au foyer », 9 place des Petits-Pères, juste devant la basilique Notre-Dame-des-Victoires. Des publicités dans le journal La Croix faisaient la réclame de leurs modèles de statues de Jeanne d’Arc par Prosper d’Épinay71, dont l’original créé en 1902 est conservé dans la cathédrale de Reims, et du Sacré-Cœur de Paul Graf72, qui avait été exposé au Salon de 1914. En mettant ainsi en valeur le nom d’artistes relativement connus, les éditeurs manifestaient leur intention de se démarquer des fabricants ancienne mode. Ils firent rapidement publier un catalogue illustré de photographies, présentant une petite sélection de modèles soigneusement mis en avant73 (fig. 89). Plusieurs étaient dus au sculpteur André Vermare. Tout en étant contemporains, ces modèles témoignaient d’un grand classicisme, susceptible de convaincre la clientèle habituelle des éditeurs plus anciens. Le vocabulaire employé mettait d’ailleurs l’accent sur le respect de la tradition et s’il était fait mention de rénovation, c’était seulement « au point de vue religieux ». L’association entre les trois hommes ne dura pas et dès 1922 la société fut dissoute74. Duffour et Noël continuèrent cependant chacun de leur côté, le premier déménageant 61, rue Ducouëdic puis 6, rue du Vieux-Colombier, le second demeurant place des Petits-Pères. Duffour conserva pour sa part la dénomination « L’Art à l’église et au foyer » et se présenta comme son successeur, indiquant probablement qu’il resta propriétaire du fonds de modèles. Il publia un nouveau catalogue, plus étoffé que le précédent75. Le répertoire affichait une grande variété. Il comprenait notamment des modèles d’Eugène Lapayre, ancien éditeur parisien en activité depuis les années 1870, dont le style était tout à fait représentatif du répertoire de la maison Raffl. Ils étaient d’ailleurs qualifiés de « modèles classiques » dans le catalogue. À leur côté étaient proposés des modèles de Louis Alliot, André Besqueut, Maria Caullet-Nantard, Alexandre Falguière, Paul Gasq, Mabel White, frère Marie-Bernard, et toujours Paul Graf, Prosper d’Épinay et André Vermare. Esthétiquement, ce répertoire était caractéristique d’un entre-deux, s’inscrivant dans la tradition de la sculpture religieuse du xixe siècle tout en proposant des œuvres contemporaines, pour certaines d’un classicisme légèrement modernisé. Surtout, Duffour se présentait comme éditeur d’artistes renommés, pour la plupart ayant exposé au Salon ou prix de Rome, se distinguant ainsi des fabricants historiques qui avaient jusqu’alors l’habitude de commercialiser une statuaire d’artistes anonymes (fig. 90). Cette politique éditoriale, qui pourrait être qualifiée de modérée, contribua semble-t-il à séduire une large clientèle, car dans les années 1980 Pierre Rouillard se souvenait que cette entreprise était en son temps l’une des plus importantes du secteur76. Duffour ne fut pas le seul éditeur à mettre en valeur le nom des auteurs des modèles. Même la maison Raffl, qui depuis les années 1910 indiquait dans ses catalogues sous certains modèles qu’ils avaient été « admis au Salon des Beaux-Arts », mentionnait en 1930 le nom de quatre sculpteurs : Henri Allouard, Charles Maillard, Frédéric Bogino et Louis Noël77.
Fig. 89. – Catalogue « L’Art à l’église et au foyer », vers 1920.

© Pauline Carminati.
Fig. 90. – Vierge à l’Enfant, modèle de L. Alliot édité par Duffour.

Plâtre peint, église de Cheux.
© Pauline Carminati.
28D’autres éditeurs en revanche s’engagèrent plus avant dans la diffusion de l’art sacré moderne, prenant une part active dans le renouveau de l’art religieux durant l’entre-deux-guerres. C’est le cas notamment de la « Librairie de l’Art Catholique » (renommée ensuite « L’Art Catholique »), fondée en 1911 par Louis Rouart78 dans le but « d’offrir au public des “articles de piété” qui ne fussent pas des horreurs, mais au contraire des œuvres du goût le plus sûr79 ». Issu d’une famille de collectionneurs, Rouart avait une réputation bien établie d’amateur d’art et de connaisseur80. Partageant les idées de Maurice Denis dont il était proche, et convaincu du rôle apologétique de la beauté, il désirait « mettre à la disposition de la foule croyante une imagerie religieuse qui fût aussi une imagerie artistique81 ». Rouart était en relation avec un solide réseau d’artistes, d’hommes d’Église et d’intellectuels impliqués dans la presse catholique, qui lui assurèrent un soutien constant, en particulier Charles Maurras et René Brécy dans L’Action française, Maurice Brillant dans Le Correspondant, le père Paul Doncœur dans la revue jésuite Études, ainsi que les directeurs successifs de la revue L’Art sacré. Il patronnait en outre la revue La Vie et les arts liturgiques (1913-1926), dont la direction fut confiée à Dom Besse et dont il se servit pour diffuser ses idées et ses publicités. Les domaines d’activité de la librairie étaient la vente de gravures, médailles et livres anciens, et l’édition proprement dite, d’estampes et de livres dans un premier temps, puis, à partir de 1914 et surtout après la guerre, également de sculptures. Les œuvres dont il commercialisait les reproductions étaient choisies parmi les productions du passé comme du présent. Par les premières, il souhaitait « répandre les œuvres qui se sont le plus rapprochées de la beauté divine, qui ont éveillé, éveillent et éveilleront toujours les plus hauts et les plus purs sentiments religieux82 ». Pour les secondes, il travaillait en étroite collaboration avec les groupements d’artistes chrétiens :
« Louis Rouart s’est attaché à reproduire tout ce que les âges passés nous ont livré de véritable beauté catholique. Il a édité avec un soin suprême toute une imagerie. Et ses reproductions du Christ de Fra Angelico, ou du Christ-Roi de Bernardino Luini ou de la Sainte Geneviève de Puvis de Chavannes, sont des chefs-d’œuvre de la phototypie en couleurs. Par ailleurs, images ou statues, il est aussi l’homme du présent, et même de l’avenir. Et son magasin est une “école”, l’“école” de ces maîtres contemporains, qui au service d’un rajeunissement des formes de la piété, emploient une technique moderne, audacieuse, vivifiée par la foi la plus simple, la plus ardente. Car ce sont d’abord des chrétiens que les Py ou les Roger de Villiers, les Maurice Denis ou les Desvallières83. »
29Grâce à son initiative, considérée par Doncœur comme un véritable « apostolat84 », Rouart entendait œuvrer à la rénovation de l’art au service du culte catholique. Pour y parvenir plus efficacement, il s’installa au cœur du quartier honni, 6, place Saint-Sulpice. Aux yeux de Robert Vallery-Radot, sa boutique apparaissait tel un havre « en plein quartier où sévit l’horreur des statues en carton-pâte85 ». Louis Théolier attribuait pour sa part au choix de cet emplacement une vertu « expiatrice, exorcisante, libératrice86 ». Présenté comme dénué de velléités lucratives87, l’éditeur n’en exploita pas moins toutes les méthodes de vente en usage chez ses concurrents : publicités, catalogues illustrés, réseau de revendeurs et expositions.
30Éditeur emblématique de l’entre-deux-guerres, étroitement associé au mouvement de rénovation de l’art religieux et aux groupements d’artistes chrétiens qui se multiplièrent à cette époque, Louis Rouart réunissait les deux grandes directions des tentatives de renouveau de l’édition de sculptures religieuses : la reproduction d’œuvres anciennes et l’édition de sculptures modernes (fig. 91).
Fig. 91. – Publicité pour l’Art Catholique dans la revue La Vie et les arts liturgiques, 1925.

© Pauline Carminati.
La reproduction des sculptures anciennes
31L’entre-deux-guerres est marqué dans le domaine de l’édition de sculptures religieuses par la récurrence des discours prônant la reproduction d’œuvres anciennes pour remplacer les statues « de Saint-Sulpice ». Le moment était en effet propice au renouveau d’intérêt pour le patrimoine artistique français, qui venait d’être durement touché par les combats dans les régions envahies. Le sujet n’était pourtant pas neuf ; l’appel aux chefs-d’œuvre de l’art religieux ancien comme substituts à l’art religieux contemporain apparaît comme un ressort récurrent des débats depuis le début du xixe siècle. Dès 1837, Montalembert exprimait l’idée d’une telle substitution lorsqu’il invitait le clergé à acquérir les moulages « des plus belles madones de nos belles églises gothiques » au lieu des copies de la Vierge de Bouchardon qui connaissaient alors un grand succès88. La reproduction d’œuvres anciennes, envisagée dans la perspective de fournir des sculptures aux édifices du culte, ne constituait pas pour Montalembert une fin en soi mais était plutôt considérée comme un prélude : elle était la meilleure alternative à l’art religieux décadent de son temps, dans l’attente qu’une nouvelle génération d’artistes ne le rénove ainsi que semblait le laisser espérer l’école allemande d’Overbeck. L’association de la critique de l’art religieux contemporain et de la promotion des reproductions d’œuvres anciennes se renforce encore avec le développement de l’édition après 1870. À l’instar de certains mouleurs en plâtre, Froc-Robert possédait dans son fonds des moulages de sculptures anciennes dont il exposait parfois quelques spécimens aux côtés de ses créations. Lors de l’exposition universelle de 1878, Édouard Didron en signalait tout l’intérêt et considérait qu’« un grand progrès sera accompli le jour où l’on se décidera […] à substituer des imitations de la sculpture du Moyen Âge aux absurdes conceptions de notre époque, en attendant la création de types meilleurs89 ». Quoique moins critique envers la statuaire moderne, la Gazette des Beaux-Arts faisait à son tour l’éloge de ces moulages à l’occasion de l’exposition de 1889 et invoquait également comme un moyen de rénovation le fait de « substituer à l’art courant les chefs-d’œuvre universellement admirés de la vieille sculpture religieuse française, de l’art charmant du moyen âge90 ». De cette faveur la maison Raffl profita également, car elle fit l’acquisition du fonds Froc-Robert en 1904 et entra en possession de ces précieux moulages qu’elle continua de présenter lors d’expositions d’art religieux ancien, comme par exemple celle qui eut lieu à Tours en 190591.
32Aussi n’est-il pas surprenant que dans son projet de « renaissance de l’art religieux dans les courbes traditionnelles92 », Louis Rouart ait démarré son activité d’éditeur par la reproduction d’œuvres anciennes, peintures, dessins et gravures, « modèles d’une haute inspiration chrétienne et d’une qualité d’art indiscutable93 », sous forme d’images de petit format94 :
« Comme il était difficile de susciter de vrais imagiers, artistes habiles, ayant repris la vraie tradition de l’image, intelligents notamment de ce que doit être l’image populaire, l’Art Catholique a compris qu’en attendant cette résurrection d’un métier perdu, le plus simple serait de revenir aux grands maîtres de la peinture et de vulgariser leurs œuvres les plus lisibles. Il a ainsi réappris au public le goût des belles figurations classiques95. »
33La reproduction d’œuvres anciennes s’imposait donc comme un préliminaire indispensable à un double titre : non seulement à la création d’un nouvel art catholique (lui accordant en quelque sorte, comme le faisait jadis Montalembert, un délai pour parvenir à la maturité), mais également à la réception de celui-ci par le public. Postulant que la décadence du goût des fidèles et du clergé était responsable de la prolifération de l’art « de Saint-Sulpice », il apparaissait nécessaire d’éduquer ce goût afin de préparer le public à apprécier un art religieux rénové. Aux images s’ajoutèrent bientôt des sculptures (fig. 92). À en croire ses zélateurs, Rouart semble avoir fait dans ce domaine un véritable travail de sélection, faisant mouler spécialement de nouvelles statues anciennes qui n’étaient pas commercialisées ailleurs :
« Il y a, en effet, dans sa boutique […] une heureuse sélection de modèles anciens (xiiie, xive et xve siècles français, quelques pièces italiennes), pris ordinairement parmi des chefs-d’œuvre authentiques, mais non encore “vulgarisés” ; Rouart, qui est un remarquable connaisseur de l’art ancien comme de l’art moderne, un esprit curieux et fureteur, un collectionneur enfin et très averti, était bien placé pour les choisir. Ainsi répond-il au vœu de Maurice Denis, que j’ai noté : plutôt une bonne reproduction d’ancien qu’une mauvaise production moderne96. »
Fig. 92. – Catalogue de l’Art Catholique, années 1930.

© BnF, Gallica.
34D’autres éditeurs suivirent son exemple et proposèrent des reproductions de sculptures anciennes, comme par exemple Georges Boumard, également installé place Saint-Sulpice97. Au même moment, plusieurs revues catholiques faisaient de la publicité pour les moulages commercialisés par les musées nationaux, « chefs-d’œuvre de tous les âges, de tous les pays, qui tous chantent la splendeur toujours nouvelle du catholicisme éternel98 » (fig. 93). En 1938, le père Régamey publiait dans la revue L’Art sacré un article intitulé « Au lieu des statues “Saint-Sulpice” », dans lequel il invitait le clergé et les fidèles à visiter les magasins du Louvre99, qui étaient encore en 1951 l’une des rares adresses à trouver grâce aux yeux des directeurs de la revue en matière de sculpture religieuse100.
Fig. 93. – Publicité pour l’atelier de moulage des musées nationaux dans la revue L’Art sacré, 1938.

© Pierre Demenois.
35Tandis que la promotion de l’art ancien était pour Rouart, Brillant et Régamey tout à fait compatible avec celle des artistes chrétiens modernes, elle constituait au contraire pour d’autres une réponse aux « outrances » modernes. Ainsi, dans la querelle précédemment évoquée qui opposa en 1922 les partisans et les détracteurs de Maurice Denis et de ses émules, la référence à l’art religieux du passé était invoquée par le camp des opposants101. Robert de La Sizeranne, dans la Revue des deux mondes, critiquait le primitivisme de l’art chrétien moderne, « ce naïf par système qui détruit les proportions, dénature les perspectives, aplatit les modelés, ankylose les membres et outre les expressions, sous prétexte de simplicité », et lui opposait les « Vierges de Raphaël, du Corrège ou de Murillo, voire de Fra Angelico, de vingt autres maîtres, dont la foule comprend et éprouve d’elle-même et a toujours éprouvé, sans éducation préalable, la beauté », « figures d’une beauté régulière et d’une expression sereine, qui la mettent en un état d’admiration favorable à la prière102 ». À sa suite, Jean Guiraud invoquait l’art ancien comme une troisième voie entre Maurice Denis et « la nullité sulpicienne » :
« Grand merci ! Nous avons mieux que ces productions industrielles et que celles aussi de nos modernes esthètes. À défaut des Annonciations de M. Maurice Denis, nous avons celle du portail de Reims ou celles que peignirent les primitifs et les grands artistes du Quatrocento, Fra Angelico et Lippi, par exemple ; aux Vierges de Saint-Sulpice, nous opposons la Vierge dorée d’Amiens, Notre-Dame de Reims, Notre-Dame du Marthuret de Riom, Notre-Dame de Bethléem de Narbonne103. »
36Ces œuvres existaient dans le commerce sous forme de reproductions. Implicitement, ces différents auteurs encourageaient à se tourner vers elles.
37La promotion durant l’entre-deux-guerres des reproductions d’œuvres anciennes en tant que supports de dévotion et œuvres d’église s’inscrivait aussi dans un contexte d’intérêt renouvelé pour l’art religieux français et notamment pour les statues populaires autrefois qualifiées de grossières et inconvenantes. Face à l’ampleur des pertes patrimoniales liées à la guerre, une attention accrue fut en effet portée aux vestiges et aux traces du passé national. Dans le débat portant sur la décoration des églises reconstruites, nombreux étaient ceux qui recommandaient de « conserver avec soin [les statues] qui, léguées par nos ancêtres, ont pu être sauvées de la destruction du temps et des hommes104 ». Certains proposaient même d’exposer les objets qui avaient été « blessés par la mitraille […] sans toucher aux balafres105 », comme des témoins. Émile Mâle, interrogé par la rédaction de l’Almanach catholique en 1921 sur la question « Quelles idées vous paraissent devoir inspirer l’architecture dans la reconstitution des églises de nos régions dévastées ? », allait plus loin en encourageant les collectionneurs à faire don aux églises neuves de sculptures « patinées par le temps106 ». Il ne s’agissait plus seulement de conserver les traces du passé local, mais de transmettre à travers l’objet d’art ancien le « souvenir » des générations précédentes, et plus largement la mémoire de la nation. Or, au xixe siècle et encore au lendemain de la Grande Guerre, la reproduction sous forme de moulage était le reflet, l’incarnation de son modèle. Le double se substituait à l’original dans l’inconscient107. Ainsi les moulages de sculptures religieuses anciennes participaient-ils certainement à ce processus mémoriel de l’après-guerre à l’œuvre dans le décor ecclésial contemporain.
38L’intérêt pour la reproduction des œuvres du passé était également justifié par la perspective de préparer le renouveau de l’art sacré contemporain et s’articulait intimement aux discours des artistes religieux dits modernes. C’est ainsi que le tout premier essai de sculpture moderne destinée à l’édition par la librairie de l’Art Catholique fut établi à partir d’une sculpture ancienne.
L’édition de sculptures modernes
« Pour atteindre le but poursuivi, il ne suffisait pas de créer une atmosphère supérieure, de ramener le goût au simple et au grand, en reproduisant ce qu’il y eut de plus beau ; il fallait faire appel aux artistes modernes. Eux seuls pouvaient rendre vivante la renaissance souhaitée108. »
39Si Louis Rouart édita des œuvres de Maurice Denis dès la création de sa librairie en 1911, il semble en revanche avoir eu davantage de difficultés à trouver des sculptures modernes répondant à ses attentes. Comme on l’a dit plus haut, la première sculpture à être éditée par ses soins fut la réduction « d’un des modèles les plus purs de notre art chrétien, la Vierge du Marthuret à Riom (xve siècle)109 ». En réalité, il ne s’agissait pas d’une copie exacte mais d’« une interprétation libre, d’accent moderne quoique conservant les données essentielles et l’esprit de l’original110 », réalisée par le sculpteur André Juin. Plusieurs sources témoignent ensuite que Rouart eut entre 1920 et 1923 différents projets d’édition d’œuvres modernes qui finalement n’aboutirent pas. En janvier 1920, un article paru dans La Renaissance de l’art français et des industries du luxe évoquait son intention de « faire appel au concours d’artistes de ce temps, comme M. Maurice Denis, qui a déjà dessiné pour lui un Chemin de croix et qui modèlera pour la Librairie de l’Art Catholique une Pietà111 ». En décembre, il écrivait en effet à Denis :
« Je serais ravi d’éditer en sculpture le Sacré Cœur dont vous m’avez parlé, ainsi que votre petite Piéta et votre Vierge. J’aimerais aussi éditer la Vierge qui se trouve sur l’autel de l’Art Sacré, à l’exposition des Arts Décoratifs112. »
40La Vierge en question était l’œuvre de Jacques Bouffez, membre des Ateliers d’art sacré. Cependant, bien que Denis ne soit pas opposé en principe à la reproduction de ses œuvres, aucune de ces sculptures n’a finalement été éditée par l’Art Catholique. En avril 1922, Rouart lui proposait à nouveau d’éditer une Annonciation, sculpture réalisée pour la chapelle de Saint-Germain-en-Laye en collaboration avec Joaquim Claret113. Mais une lettre ultérieure montre que l’artiste et l’éditeur ne s’entendirent pas sur les conditions financières. Cette lettre très intéressante renseigne tant sur le fonctionnement de l’édition que sur les négociations qui pouvaient avoir lieu entre les deux parties :
« Il m’est, à mon très grand regret, impossible de vous donner, à vous et à Claret, 25 % pour les droits d’édition de l’Annonciation. Permettez-moi à ce sujet de faire avec vous un petit calcul qui vous éclairera sur les coutumes absolument nécessaires dans ce genre de commerce. Admettons, pour simplifier, que cette œuvre me coûte 20 fr de fabrication, que je la vende au prix fort de 80 fr. Aux 25 % que vous réclamez avec Claret, pour vos droits d’auteurs, il convient d’ajouter, dans l’immense majorité des cas, 25 % aux intermédiaires, c’est-à-dire aux marchands, qui forment le meilleur de notre clientèle et sans l’appui desquels il est inutile de chercher à éditer. Ajoutez à cela 15 % à donner aux voyageurs sur chaque affaire conclue. (Vous comprenez également à quel point un voyageur est indispensable). Si nous faisons l’addition, nous arrivons au joli total de : 65 %. Sur une chose vendue 80 fr il nous faut donc payer 52 fr de droits. Il me reste 28 fr, soit 8 fr de bénéfices net, ce qui est tout à fait insuffisant étant donné les frais généraux, les impôts et les risques. Il vaut donc mieux que vous éditiez vous-mêmes cette œuvre. Je pourrais, si vous me faites une remise appréciable, la prendre en dépôt114. »
41Il fallut donc à Rouart attendre 1923 pour éditer enfin des sculptures contemporaines. Les premières furent deux Vierges, l’une de Roger de Villiers, l’autre de Simone Callède, tous deux membres des Ateliers d’art sacré115. Celle de Villiers était vendue en deux hauteurs : 0,64 m en « pierre reconstituée pleine » et 1,68 m en « pierre reconstituée creuse ». La Vierge de Simone Callède n’était quant à elle éditée qu’en une seule hauteur : 1,63 m, en « pierre reconstituée creuse ». Compte tenu de leurs dimensions, les deux œuvres proposées dans cette matière s’adressaient donc d’emblée aux églises, tandis que le reste du catalogue était davantage destiné à la dévotion privée. Simultanément, Rouart ouvrait un magasin de sculptures religieuses en plus de sa librairie place Saint-Sulpice :
« Les lecteurs de La Vie et les Arts liturgiques seront heureux d’apprendre que l’Art Catholique, poursuivant son œuvre de rénovation artistique, vient d’ouvrir, 10, rue de Mézières, Paris-VIe, un magasin de sculptures religieuses. On y trouve des reproductions de nos plus belles sculptures religieuses du moyen-âge et quelques modèles modernes116. »
42Dès l’année suivante, Rouart avait notablement élargi son répertoire contemporain. Il éditait désormais également des sculptures de Georges Saupique, Georges Desgrey, Fernand Py et Léon Drivier117. L’augmentation du nombre des modèles fut accompagnée par la publication d’un catalogue illustré118. Dans ses publicités, l’éditeur n’hésitait plus à affirmer :
« On peut enfin trouver, grâce à l’ART CATHOLIQUE, des sculptures religieuses dignes de ce nom. Plus de ces niaises fadeurs qui, depuis le xixe siècle, ont déshonoré nos églises. Des œuvres d’une émotion religieuse intense et d’une qualité d’art indiscutable sont maintenant à la portée de tous. Ceux qui préféreront encore le laid n’auront plus d’excuses119. »
43L’initiative de Rouart reçut de nombreux éloges et fut chaudement soutenue. Maurice Brillant déclarait ainsi dans la revue Le Correspondant que « L’Art Catholique » était « un véritable centre pour la renaissance de l’art religieux120 ». Il vantait tout particulièrement le choix des sculptures modernes « dont la qualité artistique est incontestable, très bien appropriée à leur dessein et qui ne choqueront aucun fidèle ». Après la polémique de 1922, ce juste équilibre s’était en effet affirmé comme l’idéal des rénovateurs de l’art chrétien : les œuvres nouvelles devaient tout à la fois « plaire à l’artiste et à l’homme de goût » et « satisfaire l’ensemble des fidèles121 ». Pour cela, elles devaient être « du goût le plus sûr et de l’inspiration la plus juste, sans affectation d’archaïsme comme sans démangeaison de nouveauté122 ». L’un des sculpteurs qui à l’époque incarnaient le mieux cette modération était Roger de Villiers, dont Rouart fit un précieux collaborateur, voyant en lui un « talent qui ne trompera pas, qui saura toujours émouvoir et convaincre par sa sincérité, par cet amour du beau et du loyal travail dont il porte si noblement la marque123 ». En 1927, le père Paul Doncœur louait « le talent “robuste et tendre” de ce jeune sculpteur » et se félicitait du succès rencontré par sa Vierge à l’Enfant, dont les reproductions commercialisées par l’Art Catholique ornaient déjà « des milliers de foyers français124 » (fig. 94). Au fil des ans, Louis Rouart continua d’étoffer son catalogue de sculptures modernes, si bien qu’au milieu des années 1930 celui-ci comptait plus de quatre-vingts modèles différents, ainsi que deux chemins de croix et plusieurs crèches125.
Fig. 94. – Catalogue de l’Art Catholique, années 1930.

© BnF, Gallica.
44Les publicités, catalogues et tarifs publiés par Rouart, ainsi que les exemplaires des statues qui ont pu être identifiés, fournissent des informations précieuses sur les conditions matérielles dans lesquelles ont été édités ces modèles et témoignent des solutions adoptées pour se distinguer de la statuaire « saint-sulpicienne ». Henry Cochin rapporte que l’éditeur procéda à de multiples expérimentations préalables : « De jour en jour il a fait ses essais, ses choix de sujet, ses choix de matière et de procédé. Enfin il a pris son parti126. » Car il ne s’agissait pas seulement de reproduire de « bons modèles » : les choix techniques de Rouart font preuve d’une véritable réflexion pour adapter l’édition aux nouvelles pratiques artistiques et croisent certaines problématiques centrales de la sculpture religieuse de l’époque comme le rapport au matériau ou à la couleur. En 1923, les deux Vierges de Callède et Villiers étaient proposées en une seule dimension pour la première, deux pour la seconde, et uniquement en pierre reconstituée127. Cette matière qui commençait à se répandre auprès des artistes représentait un compromis entre la taille et le moulage car elle donnait aux sculptures l’apparence parfaite de la pierre. Simone Callède l’avait elle-même choisie pour sa Vierge, exposée au Salon d’Automne en 1922128, et la recommandait au même moment à Maurice Denis129. Rouart manifestait donc sur ce point une volonté d’adéquation avec les choix des artistes qu’il éditait et se différenciait par là nettement des autres éditeurs de statues religieuses qui ne proposaient pas encore ce type de matière. Par la suite, le choix de dimensions a été plus grand, allant jusqu’à quatre hauteurs différentes pour certains modèles, et la gamme de matières s’est élargie : dès 1927 elle comprenait, en plus de la pierre reconstituée, le plâtre, patiné ou polychromé, la céramique émaillée, la terre cuite, la pierre sculptée et le métal130. Si cette gamme peut paraître au premier abord présenter des points communs avec celle d’un éditeur classique tel que la maison Raffl, elle s’en distinguait en réalité par une approche très différente des finitions, ce qui apparaît nettement en étudiant non pas les catalogues mais les statues.
45Celles-ci témoignent en effet que Rouart privilégiait le plus souvent le matériau brut ou les finitions monochromes, se démarquant résolument des polychromies naturalistes de ses concurrents jugées vulgaires par leurs détracteurs. Ce choix faisait directement écho aux débats contemporains sur l’usage de la couleur en sculpture, évoqués plus haut. Mais tous les partisans d’une rénovation de l’art chrétien ne rejetaient pas la polychromie ; certains y demeuraient attachés et appelaient à expérimenter de nouvelles voies. Suivant cette direction, la première tentative d’édition de sculpture menée par Rouart et l’abbé Marraud à partir de la Vierge du Marthuret s’appliqua à mettre en pratique les idées développées par Abel Fabre :
« L’étude de M. Abel Fabre parue dans le numéro d’Avril, a montré l’intérêt qu’il pourrait y avoir à essayer de reprendre la tradition de la sculpture coloriée. Nous avons voulu tenter un essai sur la statuette de M. Juin. Cet essai nous paraît confirmer très heureusement la thèse. Si l’on place auprès d’un exemplaire blanc l’exemplaire en couleur, on sent aussitôt tout ce que celle-ci ajoute à la valeur décorative. L’œil ne se porte qu’avec effort sur la Vierge blanche et revient instinctivement à l’autre. Même à distance assez grande, il y lit avec aisance le mouvement de la forme, saisit la composition, réalise l’œuvre, comme on dit, avec plus d’intensité et de vie. Comme dans les mises en couleur antiques ou médiévales, on s’est borné au jeu de trois ou quatre tons choisis, dont l’harmonie s’ajoute à celle des lignes et des masses, tandis que les coloriages trop célèbres du commerce font disparaître ces dernières sous leurs recherches de vérisme grossier131. »
46Deux artistes avaient été sollicités pour peindre chacun un exemplaire de la statuette : George Desvallières et Paul Buffet. Le premier employa « quelques tons mats, manteau bleu à revers chamois, voile jaune clair, rouge brique de la tunique de l’enfant, [formant] une gamme claire dont la fraîcheur s’accorde avec l’expression de grâce juvénile de la statue », tandis que Buffet « a varié l’effet du manteau vert sombre par des ombres d’outre mer dans les plis. Le voile est teinté par un frottis de rouge de laque, la tunique blanc bleuté, la robe violette. Cela forme un ensemble de tons rompus qui a de la douceur et de l’éclat de certaines majoliques132 ». Ces expérimentations furent interrompues par la guerre mais Rouart reprit par la suite ses recherches et développa progressivement une gamme variée de finitions polychromes tout à fait différentes de celles proposées au même moment par les éditeurs de type Saint-Sulpice. Les exemplaires de statues identifiés en offrent quelques exemples, depuis le plâtre subtilement animé de petites projections de couleurs à la céramique émaillée aux couleurs vives inspirée des œuvres des Della Robbia, en passant par des polychromies plus affirmées dont la palette réduite, les couleurs posées en aplats et l’absence de modelé suivaient autant les recommandations du père Fabre que la sensibilité des artistes dont les œuvres étaient ainsi reproduites (pl. XVI, no 1-2). Monochromes ou polychromes, les matières et les finitions proposées par l’Art Catholique étaient très originales dans le paysage de la sculpture religieuse d’édition. Elles reflétaient fidèlement les débats et les pratiques artistiques de l’entourage de Louis Rouart et constituaient une véritable application de ces théories et de ces pratiques à l’édition. Rares sont les éditeurs qui s’engagèrent autant en ce sens, si ce n’est Georges Serraz, à la fois sculpteur et éditeur de ses œuvres et de celles d’Yvonne Parvillée (pl. XVI, no 3).
Pl. XVI, no 1-2. Deux stations du chemin de croix de F. Py édité par l’Art Catholique,

Plâtre polychromé, église de Quatre-Champs.
© Ministère de la Culture, conseil départemental des Ardennes et Région Grand Est, inventaire général, photo M. Bennani.
Pl. XVI, no 3. – Y. Parvillée, Sainte Thérèse de Lisieux.

Statuette en plâtre polychromé éditée par G. Serraz, collection privée.
© Pauline Carminati.
47Tandis que la maison Raffl continuait son activité sans infléchir semble-t-il sa politique éditoriale, signe qu’une partie de la clientèle demeurait fidèle à cette production, l’entre-deux-guerres vit apparaître de nouvelles entreprises et avec elles une évolution formelle de la statuaire religieuse d’édition. Parmi ces nouveaux venus se distingue Louis Rouart, qui fut sans doute avec Georges Serraz l’un des plus investis dans la diffusion d’un art sacré modernisé. En dépit d’un soutien infaillible au sein de son réseau social, les sculptures qu’il a éditées semblent toutefois avoir connu une diffusion limitée, en particulier dans les églises, pourtant la cible principale des tenants de la rénovation de l’art religieux. Les années se succédaient et les partisans de l’Art Catholique ne cessaient de déplorer cette situation, qui n’a certes pas empêché Rouart de développer son répertoire, probablement grâce à sa fortune personnelle. Après la Seconde Guerre mondiale, l’éditeur fut cependant, comme la maison Raffl, contraint de réduire son offre133, puis de fermer boutique134. Malgré tout, le cas de l’Art Catholique est emblématique du dynamisme et du renouveau du secteur de l’édition de sculptures religieuses durant l’entre-deux-guerres. Il est révélateur d’une évolution significative au sein de ce secteur : le passage d’un modèle de l’anonymat de l’artiste sur l’exemple d’un Moyen Âge idéalisé, à un modèle où le nom de l’artiste et sa reconnaissance dans les milieux artistiques deviennent, bien plus qu’avant, gage de qualité des sculptures éditées. Il montre aussi qu’à cette époque encore, la critique de l’art « saint-sulpicien » n’était pas incompatible avec une forme de promotion de l’édition dans la perspective d’une nouvelle apologétique par la beauté répondant au vœu de Pie X. Cet espoir, partagé par Rouart et les artistes qui travaillaient pour lui, que la reproduction en série puisse contribuer à la rénovation de l’art religieux, met en lumière la difficulté à se détacher du modèle de l’édition véhiculé par la statuaire « saint-sulpicienne » et c’est pourquoi, malgré sa volonté de renouvellement, Rouart s’est finalement inscrit dans la continuité de ce qu’il pensait combattre, utilisant des méthodes commerciales, telles que la réclame, la boutique, les catalogues de vente, et des procédés techniques, en particulier le moulage, identiques. Or, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce modèle est profondément remis en question. Les tentatives antérieures de renouveau de la statuaire religieuse sont jugées sévèrement et les critiques à l’encontre de la production de série sont désormais largement partagées au sein du clergé. La plupart des entreprises mettent alors la clé sous la porte, quelles qu’aient pu être leur orientation stylistique et leur histoire.
Notes de bas de page
1 I. Saint-Martin, Art chrétien/art sacré…, op. cit., p. 226.
2 P.-L. Rinuy, « La sculpture dans la “querelle de l’Art Sacré” (1950-1960) », Histoire de l’art, no 28, 1994, p. 3-13.
3 I. Saint-Martin, Art chrétien/art sacré…, op. cit., p. 287, note 156.
4 « L’art au service de Dieu. Le Saint-Siège et l’Art Religieux », La Semaine Religieuse du diocèse de Cambrai, 24 mars 1928, p. 171.
5 Ibid., p. 173.
6 I. Saint-Martin, Art chrétien/art sacré…, op. cit., p. 158 sqq.
7 Voir par exemple C. L. de Clèves, L’Exposition romaine, op. cit., p. 161.
8 R. Bordeaux, Principes d’archéologie pratique…, op. cit., p. 46.
9 « L’inauguration de l’Exposition… », art. cité, p. 296.
10 A. Hurel, L’Art religieux contemporain. Étude critique, Paris, Didier, 1868, p. 337.
11 Ibid., p. 344.
12 A. Fabre, « L’art liturgique », Le Mois littéraire et pittoresque, t. 34, juillet 1916-juin 1917, p. 738.
13 M. Brillant, L’Art chrétien en France au xxe siècle, Paris, Bloud & Gay, s. d. (1927), p. 141.
14 Exposition universelle internationale de 1900. Rapports du jury international. Groupe XII, décoration et mobilier des édifices publics et des habitations, Paris, Imprimerie nationale, 1902, p. 25.
15 M. Denis, Nouvelles théories…, op. cit., p. 276.
16 L.-N. Godard, Cours d’archéologie sacrée, op. cit., p. 30.
17 J.-P. Schmit, Nouveau manuel…, op. cit, p. 103.
18 L.-N. Godard, Cours d’archéologie sacrée, op. cit., p. 30. On retrouve la critique du « faux luxe » chez Viollet-le-Duc, par exemple dans son Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance, t. 1, Paris, Gründ et Maguet, s. d. (1858), p. 427. Voir J.-M. Leniaud, La révolution des signes…, op. cit., p. 264.
19 M. Denis, Nouvelles théories…, op. cit., p. 245.
20 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 142.
21 Sur les enjeux de la sculpture au tournant du siècle, voir C. Chevillot, La sculpture à Paris. 1905-1914, le moment de tous les possibles, Vanves, Hazan, 2017.
22 P.-L. Rinuy, Le renouveau de la taille directe dans la sculpture en France, 1880-1940, thèse d’histoire de l’art, dir. P. Vaisse, université Paris Nanterre, 1991.
23 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 146.
24 M. Denis, Nouvelles théories…, op. cit., p. 276.
25 Fulcran [Abel Fabre], « L’édition des œuvres d’art en série », La Croix, 13 janvier 1925, n. p.
26 Ibid.
27 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 155.
28 Ibid., p. 162.
29 « Société de Saint-Jean. Assemblée mensuelle du 27 janvier 1919 », La Vie et les arts liturgiques, 5e année, novembre 1918-octobre 1919, p. 1047.
30 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 162.
31 É. Charles, « Contre le mauvais art… », art. cité, p. 36.
32 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 162.
33 « Les marchands et le Temple », art. cité, p. 10.
34 Y.-M. Hilaire, « Le regard du xxe siècle sur le catholicisme du xixe siècle. Siècle mal aimé ou siècle refondateur ? », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 86, no 217, 2000, p. 341-346.
35 L. Roure, « La réaction contre le respect humain », Études, t. 160, 1919, p. 441.
36 Sur ce thème de la décadence dans les discours des théoriciens de l’art chrétien, voir I. Saint-Martin, Art chrétien/art sacré…, op. cit., p. 165.
37 É. Didron, Rapport d’ensemble…, op. cit., p. 61.
38 M. Denis, Nouvelles théories…, op. cit., p. 55.
39 Les odeurs ultramontaines, op. cit., p. 246.
40 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 8.
41 « Les marchands et le Temple », art. cité, p. 3.
42 P. Doncœur, « Comprendre et juger l’art religieux contemporain », Études, t. 216, 1933, p. 318.
43 É. Didron, Rapport d’ensemble…, op. cit., p. 59.
44 C. Blanc, Grammaire des arts du dessin, op. cit., p. 464.
45 A. Fabre, « La polychromie. À propos de l’art roman », La Vie et les arts liturgiques, avril 1914, 2e année, mars 1914-mars 1915, p. 87.
46 P. Doncœur, « L’art catholique. Les instruments de la prière et du culte », Études, t. 192, 1927, p. 571.
47 « L’Art au service de Dieu. Chez nos frères de Hollande », La Semaine religieuse du diocèse de Cambrai, 29 octobre 1927, p. 542.
48 Exposition universelle internationale de 1900…, op. cit., p. 25.
49 J.-S. Dieulin, Guide des curés…, op. cit., p. 236.
50 M.-L. Baud, « Comment orner chrétiennement sa maison », Almanach catholique français, 1921, p. 177.
51 É. Papet, En couleurs…, op. cit., p. 17-32.
52 H. Cochin, « La sculpture peinte », La Vie et les arts liturgiques, novembre 1918, 5e année, novembre 1918-mars 1919, p. 555.
53 Faber [Léonce Marraud], « Une statuette de la Sainte-Vierge », La Vie et les arts liturgiques, juin 1914, 2e année, mars 1914-mars 1915, p. 161.
54 A. Fabre, « La polychromie… », art. cité, p. 87.
55 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit, p. 160. Voir également P.-L. Rinuy, « Henri Charlier (1883-1975) : “le maître du Mesnil-Saint-Loup” et l’art religieux de l’entre-deux-guerres », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 1993, p. 205-216.
56 Par exemple dans Faber [Léonce Marraud], « Notre statuette de la Sainte-Vierge », La Vie et les arts liturgiques, avril 1914, 2e année, mars 1914-mars 1915, p. 65. Voir également M. Denis, Nouvelles théories…, op. cit., p. 245.
57 M. Denis, « Tendances actuelles de l’art chrétien », La Vie et les arts liturgiques, mars 1914, 2e année, mars 1914-mars 1915, p. 21.
58 L. Sainte-Marie Perrin, « À propos de la basilique de Fourvière », Études, t. 112, 1907, p. 328.
59 M. Denis, Nouvelles théories…, op. cit., p. 219.
60 L. Théolier, « L’Église et la beauté, Marie et l’art », Le Recrutement sacerdotal, 31e année, 1931, p. 311.
61 Exposition universelle internationale de 1900…, op. cit., p. 25.
62 Journal de Maurice Denis (1899), cité par I. Saint-Martin, Art chrétien/art sacré…, op. cit., p. 115.
63 Pie X publia en 1903 le motu proprio « Inter pastoralis officii sollicitudines » sur la réforme des chants liturgiques. D’après son camérier Camille Bellaigue, le pape aurait dit pour justifier son initiative : « je veux que mon peuple prie sur de la beauté », phrase qui est systématiquement citée par les rénovateurs de l’art sacré (« Prier sur de la beauté », L’Action française, 29 juin 1913, n. p.).
64 « L’art dans nos églises », La Vie et les arts liturgiques, décembre 1913, 1re année, mars 1913-février 1914, p. 27.
65 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 150.
66 Fulcran [Abel Fabre], « L’édition des œuvres d’art en série », art. cité, n. p.
67 « Les marchands et le Temple », art. cité, p. 11.
68 Rouillard statuaire. Statues, chemins de croix, autels, Nancy, Hélio-Lorraine, s. d. (après 1933).
69 Archives départementales de l’Aube, 101J 176, tarifs des statuettes en oyonnithe, s. d.
70 Il ne s’agit pas du sculpteur Louis Noël car le prénom de l’associé de Duffour commence par la lettre A.
71 La Croix, 21 avril 1920, n. p.
72 « Nouvelle statue du Sacré-Cœur », La Croix, 30 avril 1920, n. p.
73 L’Art à l’église et au foyer. Statues, autels, ameublement d’églises : quelques modèles, s. l., s. n., s. d. (vers 1920).
74 La Croix, 7 décembre 1922, n. p.
75 L’Art à l’église et au foyer. Statues religieuses, s. l., s. n., s. d. (après 1924).
76 H. Fruneau, Un atelier de statuaire, op. cit., p. 31.
77 La Statue Religieuse. Catalogue spécial no 69…, op. cit.
78 Une lettre adressée à Maurice Denis en décembre 1911 porte l’en-tête de la librairie (musée Maurice Denis, Ms 9586). Sur cet éditeur, voir P. Toinet, « Philosophie de la petite imagerie dévote », Bulletin de la Société archéologique, historique et artistique Le Vieux Papier, no 220, janvier 1967, p. 1-32 ; M. Albaric, « Le commerce des objets religieux… », art. cité, p. 143-144.
79 R. Vallery-Radot, « La renaissance de l’art catholique », Le Gaulois, 29 juin 1919, p. 4.
80 Sur cette famille, voir notamment J. Alvarez (dir.), Au cœur de l’impressionnisme : la famille Rouart, cat. exp., Paris, Paris musées, 2004.
81 É. Charles, « Contre le mauvais art… », art. cité, p. 36.
82 R. Zeller, « La renaissance de la sculpture religieuse », La Vie et les arts liturgiques, avril 1925, 11e année, novembre 1924-octobre 1925, p. 271.
83 L. Théolier, « L’Église et la beauté… », art. cité, p. 314.
84 P. Doncœur, « L’art catholique… », art. cité, p. 563.
85 R. Vallery-Radot, « Des images… », L’Univers, 6 juillet 1919, n. p.
86 L. Théolier, « L’Église et la beauté… », art. cité, p. 312.
87 P. Doncœur, « L’art catholique… », art. cité, p. 563.
88 C. de Montalembert, « De l’état actuel… », art. cité, p. 612.
89 É. Didron, Rapport d’ensemble…, op. cit., p. 62.
90 « Revue de l’art industriel… », art. cité, n. p.
91 « Exposition mariale de Tours », Annales catholiques, t. 126, 1905, p. 629.
92 « L’initiative d’une librairie française », L’Action française, 12 février 1917, n. p.
93 La Vie et les arts liturgiques, 9e année, novembre 1922-octobre 1923, n. p.
94 « L’initiative d’une librairie française », art. cité, n. p.
95 P. Doncœur, « L’art catholique… », art. cité, p. 568.
96 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 163.
97 Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1925, rubrique « Statues religieuses ».
98 M.-L. Baud, « Comment orner… », art. cité, p. 180.
99 R. Régamey, « Au lieu des statues “Saint-Sulpice” », L’Art sacré, no 33, 1938, p. 261.
100 « Les marchands et le Temple », art. cité, p. 23.
101 Pour Maurice Denis, cette querelle était d’ailleurs celle des « partisans du passé » contre « ceux de l’art moderne » (M. Denis, « La crise de l’art religieux moderne », La Vie et les arts liturgiques, avril 1923, 9e année, novembre 1922-octobre 1923, p. 258-269).
102 R. de La Sizeranne, « Les aspects des “Salons” de 1922 », art. cité, p. 571.
103 J. Guiraud, « L’offensive du bon sens », art. cité, n. p.
104 V. Bucaille, « Nos églises qui se relèvent », art. cité, p. 165.
105 R. Bazin, « L’église provisoire », La Semaine religieuse du diocèse de Paris, 8 juillet 1916, p. 54.
106 É. Mâle, « Le relèvement de nos églises détruites », art. cité, p. 150.
107 F. Rionnet, « Les multiples en sculpture face à l’originalité », dans M. Lista (dir.), De main de maître. L’artiste et le faux, Paris, Hazan, 2009, p. 134.
108 Propos de Louis Rouart rapportés dans P. Doncœur, « L’art catholique… », art. cité, p. 573.
109 Faber [Léonce Marraud], « Une statuette de la Sainte-Vierge », La Vie et les arts liturgiques, mars 1914, 2e année, mars 1914-mars 1915, p. 49.
110 Faber [Léonce Marraud], « Notre statuette de la Sainte Vierge », art. cité, p. 66.
111 É. Charles, « Contre le mauvais art… », art. cité, p. 38.
112 Musée Maurice Denis, Ms 11729.
113 Musée Maurice Denis, Ms 11748.
114 Lettre du 24 novembre 1923 (musée Maurice Denis, Ms 11735).
115 Publicité insérée dans La Vie et les arts liturgiques, 9e année, novembre 1922-octobre 1923, n. p.
116 Ibid.
117 « Librairie de l’Art catholique », Le Correspondant, t. 297, 1924, p. 954.
118 Catalogue annoncé dans Ibid., n. p.
119 Publicité insérée dans La Vie et les arts liturgiques, 11e année, novembre 1924-octobre 1925, n. p.
120 « Librairie de l’Art catholique », art. cité, p. 954.
121 M. Brillant, « Des œuvres et des hommes », Le Correspondant, t. 297, 1924, p. 626.
122 R. Vallery-Radot, « La renaissance… », art. cité, p. 4.
123 Propos de Louis Rouart rapportés par Paul Doncœur (P. Doncœur, « L’art catholique… », art. cité, p. 574).
124 Ibid.
125 Sculpture religieuse ancienne et moderne, s. l., s. n., s. d. (années 1930).
126 H. Cochin, « Pour une statuaire populaire chrétienne », Notes d’art et d’archéologie, 28e année, no 4, 1924, p. 56.
127 Publicité insérée dans La Vie et les arts liturgiques, 9e année, novembre 1922-octobre 1923, n. p.
128 C. Maingon, « Les sections d’art religieux dans les Salons du Grand Palais. Une expression publique de la rénovation de l’art chrétien entre 1919 et 1925 », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 2008, p. 399.
129 Musée Maurice Denis, Ms 01555.
130 M. Brillant, L’Art chrétien…, op. cit., p. 166.
131 Faber, « Une statuette de la Sainte-Vierge », art. cité, p. 161.
132 Ibid.
133 Un tarif daté de 1936 inséré dans le catalogue Sculpture religieuse ancienne et moderne présente des annotations manuscrites qui semblent postérieures à la guerre : suppression de certaines matières et dimensions, augmentation très importante des prix.
134 La date exacte de fermeture de l’Art Catholique n’est pas connue. L’entreprise est encore en activité en 1951 et Louis Rouart meurt en 1964.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008