Chapitre VIII. Un « art ultramontain » ?
p. 221-244
Texte intégral
1En 1867, l’abbé Jean-Hippolyte Michon faisait paraître de manière anonyme Les odeurs ultramontaines1 en réponse aux Odeurs de Paris publiées peu de temps avant par le journaliste catholique Louis Veuillot2. En marge de ses contemporains, le prêtre menait un combat militant pour l’église gallicane3, s’opposant au pouvoir de Pie IX et à ses partisans, « secte dangereuse connue sous le nom de parti ultramontain4 », dont Veuillot était l’un des porte-parole. Michon condamnait en effet les « idées religieuses » de son époque et y voyait une conséquence de l’« ultramontanisme », c’est-à-dire, suivant Philippe Boutry, « l’attachement d’un nombre croissant de catholiques aux conceptions du dogme et de la discipline dans l’Église telles que les conçoit et les met en œuvre la Papauté au xixe siècle5 ». Dans une partie consacrée aux « folies ultramontaines », Michon fustigeait la dévotion catholique et s’en prenait à l’art religieux contemporain qu’il qualifiait d’« art ultramontain6 » :
« Vous êtes-vous arrêté quelquefois devant les magasins de la statuaire et de l’imagerie catholique ? Tout cela ne se produit aujourd’hui et ne se vend que sous l’inspiration des hommes de l’ultramontanisme. Ils ont pris, dans l’Église, la direction de l’art7. »
2Sous un angle critique, le prêtre pointait les relations étroites qui unissaient l’art religieux dit industriel et la politique du Saint-Siège, des relations que nos recherches font effectivement ressortir et dont les modalités méritent d’être précisées.
3Le long pontificat de Pie IX, de 1846 à 1878, coïncide avec la période d’essor de la statuaire religieuse de série et, plus largement, de l’art religieux industriel. Si aucun texte officiel émanant du pontife n’exprime de position définie par rapport à cette production, ni même par rapport à l’art religieux en général comme ce fut le cas d’autres papes avant et après lui, Pie IX ne fut pas pour autant indifférent à l’art, ni étranger au succès de la production sérielle. Giovanna Capitelli a mis en évidence sa politique très active de mécénat artistique, montrant notamment que le pape eut à cœur d’affirmer la suprématie de l’art sacré italien dans le monde et la centralité de Rome8. En revanche, elle n’évoque pas l’art religieux industriel, pas plus que Michel Lagrée dans ses travaux sur le rapport de l’Église à la modernité technique9. Pour mettre en lumière le soutien de Pie IX et de son successeur Léon XIII à la production de série, trois aspects de la propagande artistique pontificale qui concernent directement la statuaire d’édition vont être examinés : les enjeux politiques des images de dévotion, l’exposition internationale d’art religieux organisée à l’occasion du concile en 1870, et le fonctionnement basé sur la réciprocité qui fonde le soutien du Saint-Siège aux fabricants.
Le Christ, la Vierge et les saints contre la modernité politique
4Parmi les dévotions en faveur au cours du xixe siècle, un grand nombre a été directement encouragé par le Saint-Siège par l’intermédiaire de différents actes pontificaux (encycliques, bulles, brefs, décrets de la Congrégation des Rites, etc.). Les travaux de Daniele Menozzi, Tommaso Caliò et Giovanna Capitelli montrent que Pie IX et Léon XIII ont investi ces dévotions de fortes connotations politiques et qu’ils ont promu une utilisation des images comme moyen de diffusion de leur politique10. Celle-ci fut marquée notamment par deux directions qui eurent des répercussions importantes sur l’art religieux industriel : d’une part, une volonté d’unification de l’Église catholique et, d’autre part, un combat contre la modernité politique.
Une doctrine intransigeante
5La première moitié du xixe siècle a vu en France se dessiner un mouvement vers Rome qui s’est traduit, on l’a dit, de multiples façons, en particulier par l’introduction de formes de piété italiennes, par la dévotion aux saints des catacombes, par la consultation de plus en plus fréquente des représentants du Saint-Siège (nonces, Congrégation des Rites), mais aussi par l’adoption générale de la liturgie romaine au détriment des liturgies dites néo-gallicanes. Cette romanisation du clergé concordataire s’est appuyée sur une exaltation de l’unité catholique et de la primauté du trône pontifical, favorisant l’influence de plus en plus grande du pape sur les catholiques français. Soucieuse d’étendre son pouvoir, la papauté s’est logiquement engagée en faveur de l’unité liturgique et en a explicitement salué les progrès en France par l’encyclique Inter multiplices du 21 mars 1853. La proclamation du dogme de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854, de par la participation massive d’évêques du monde entier, signait, quant à elle, la reconnaissance de la centralité de Rome dans toute la catholicité. Cet événement fut l’occasion pour Pie IX de déployer une « rhétorique triomphaliste11 », célébrant son autorité sur toutes les nations, l’unité sans précédent de l’épiscopat catholique, et réaffirmant la centralité de Rome. Sous le signe de l’Immaculée était placé l’avènement d’un nouvel âge d’or pour le christianisme occidental qui avait reconnu le guide papal. L’uniformisation des rites dans toute l’Église catholique, symbole de cette unité idéale, devint l’un des fers de lance de la politique pontificale. Dans ce contexte, 1854 s’affirma en outre comme une étape importante dans la construction de l’image hagiographique du pape et le développement de la dévotion à sa personne12. Le renforcement du pouvoir du pape trouva un aboutissement lors du concile de 1870 avec la définition du dogme de l’infaillibilité pontificale13. Cependant, alors que l’autorité du Saint-Siège était désormais presque incontestée dans le monde catholique, le pape était menacé dans ses États temporels.
6La rhétorique triomphaliste, qui a marqué 1854 et les années qui ont suivi, fait en effet écho à la fragilisation du pouvoir temporel du pape. La Révolution française et ses conséquences en Europe ont bouleversé l’Église catholique à plus d’un titre et ont laissé une empreinte indélébile tout au long du xixe siècle. Auprès du clergé, elle a imposé durablement l’idée que la société était menacée de déchristianisation et qu’il était indispensable de régénérer les mœurs. Le Saint-Siège fut directement concerné, tant par les menaces de la France sur ses États, conduisant notamment à la perte d’Avignon et du Comtat Venaissin, que par la ratification du Concordat imposée au pape Pie VII par Napoléon en 1801. Les mouvements révolutionnaires qui secouèrent à nouveau l’Europe en 1848, et en particulier les insurrections en faveur de l’unification italienne, relancèrent la menace de perte du pouvoir temporel du pape. Pie IX fut alors contraint de fuir Rome et, s’il put y retourner l’année suivante, les conflits qui se succédèrent dans le cadre du Risorgimento aboutirent finalement à la perte définitive de Rome en 1870. Les événements de 1848, que Pie IX considérait comme une conséquence de la Révolution française, l’amenèrent à faire évoluer sa doctrine vers une opposition à la modernité politique, définissant un courant que les historiens qualifient de catholicisme intransigeant, par opposition au catholicisme libéral14. Cette réaction de rejet à l’égard de l’évolution libérale des sociétés européennes et plus largement des idées nées de la Révolution s’exprima dès 1849 dans l’encyclique Nostis et nobiscum publiée le 8 décembre, dans laquelle le retour au christianisme médiéval était envisagé comme une solution à l’apostasie du monde moderne. Elle était à nouveau au cœur de l’encyclique Quanta Cura du 8 décembre 1864, qui fut accompagnée du Syllabus, recueil dénonçant les « erreurs de notre temps », notamment le rationalisme, le socialisme et le communisme15.
Politique, images et dévotion
7Cette doctrine, Pie IX l’a attachée à des dévotions et l’a transmise par des images (fig. 69). Au moment de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854, on l’a dit, le pape a donné aux évêques une image figurant la Vierge écrasant le serpent et il a commandé plusieurs œuvres sur ce thème qui ont ensuite inspiré les éditeurs. Or cette dévotion et ses représentations étaient étroitement liées à la condamnation du monde moderne. La dévotion à l’Immaculée Conception en effet s’affirmait à ses yeux comme le remède aux maux de la Révolution. Daniele Menozzi a montré que le pontife avait initialement prévu de lier le dogme de l’Immaculée Conception à la dénonciation des erreurs modernes qui ont finalement fait l’objet du Syllabus16. En 1852, il chargeait ainsi une commission spéciale de :
« 1. Raccogliere i principali errori dei nostri tempi ; 2. ordinarli logicamente ; 3. richiamarli ai loro principi ; 4. stabilire le antitesi e i veri opposti ; 5. formare un simbolo ortodosso contro l’odierna eterodossia ; 6. determinare il modo di connettere siffatto simbolo alla definizione dell’immacolato concepimento17. »
Fig. 69. – Pie IX écrasant les bêtes de l’apocalypse, gravure d’après J. F. Overbeck (Il 12 aprile ed il popolo romano, 1860).

8Ce projet rencontra des résistances et ne se réalisa pas, mais lorsqu’il publia le Syllabus en 1864, Pie IX le fit précisément le 8 décembre, jour anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Celui-ci resta néanmoins associé à la condamnation de la modernité politique, ce que son iconographie permit de diffuser largement. En effet, si traditionnellement Marie avait aidé l’Église dans la lutte contre les hérésies, la nouvelle qualification dogmatique établissait une équation entre le serpent et la société moderne. Le serpent qu’écrase Marie symbolisait ces erreurs modernes que la Révolution avait engendrées et permettait à tous, par le biais d’une prédication adaptée, une interprétation politique de l’image. L’Immaculée écrasant le serpent représentait l’espoir d’un triomphe de l’Église et du pontife sur la modernité antichrétienne. C’est dans la même perspective que Pie IX encouragea le culte de saint Joseph dont la médiation vers Marie lui paraissait fondamentale et qu’il associa étroitement à l’Immaculée Conception18. Cet encouragement franchit une étape supplémentaire en 1870 : la proclamation du patronage de saint Joseph au lendemain de l’entrée des troupes dans Rome constituait une nouvelle tentative d’obtenir une augmentation de la piété qui permettrait de rendre à l’Église la condition heureuse des temps de la chrétienté médiévale19. À la suite de Pie IX, Léon XIII confirma l’importance accordée au saint et en actualisa la dimension politique en l’associant à la lutte contre le socialisme qui détournait les ouvriers de l’ordre social chrétien. Le pape mit ainsi l’accent sur saint Joseph comme modèle de vie correcte pour les travailleurs, en lien étroit avec la promotion de la dévotion à la sainte Famille. Comme son prédécesseur, il utilisa les images pour diffuser les valeurs politico-sociales attribuées à ces dévotions. Par exemple à l’occasion du pèlerinage des ouvriers français à Rome en 1887 lorsqu’il offrit aux participants une médaille représentant sur une face l’Immaculée Conception, sur l’autre saint Joseph. Ou encore lors du concours qu’il présida pour la représentation de la sainte Famille en 189820. La seconde moitié du xixe siècle est ainsi marquée par un appel constant à la piété de la part de la papauté et par une politisation de cette piété. D’une manière générale, les dévotions soutenues par le Saint-Siège à cette époque doivent être replacées dans la double perspective d’une censure du monde moderne et d’une résistance à sa sécularisation21. Dans ces cultes, les catholiques militants pourraient trouver l’aliment spirituel pour mener dans le monde le combat politique et social qui vaincrait une modernité réputée diabolique et arriver ainsi à la construction d’une nouvelle société chrétienne.
9Tandis que l’adoption de la liturgie romaine bouscule le culte des saints locaux, le pouvoir spirituel du pape donne aux dévotions qu’il promeut un large écho, qui participe à un phénomène d’uniformisation de la piété. Des dynamiques différentes selon les pays ont favorisé la réception de cette politique et la circulation de ces dévotions22. Pour comprendre leur retentissement sur les fidèles en France et donc sur le marché de l’art religieux français, il faut notamment évoquer le processus de politisation des catholiques sous le Second Empire23. L’unification de l’Italie, dont les différentes étapes relayées par la presse étaient attentivement suivies dans toute l’Europe et au-delà, a provoqué chez les catholiques français une forte réaction de soutien vis-à-vis du pape dont le pouvoir temporel était considéré comme la condition nécessaire de son indépendance en tant que chef spirituel. Or ce soutien signifiait s’opposer à la politique italienne de Napoléon III : alors qu’ils avaient compté dans un premier temps parmi les principaux appuis du régime, les catholiques prirent progressivement leur distance à son égard24. Clercs et laïcs ont manifesté sous différentes formes leur opposition, que ce soit par la politisation des cérémonies religieuses et plus généralement de la parole des ecclésiastiques, par l’utilisation de la presse pour défendre le Saint-Siège ou encore par la mobilisation des catholiques à travers des dons au pape ou des engagements dans l’armée pontificale. Autour de 1860, les laïcs étaient désormais pleinement intégrés à la défense politique des intérêts de l’Église, aiguillés par le clergé secondaire qui a joué un rôle central dans la diffusion des informations et des opinions sur la « question romaine ». Cette mobilisation des catholiques, laïcs ou ecclésiastiques, de toutes les couches de la société, contribue probablement à expliquer le succès des dévotions portées par le Saint-Siège et ce en dépit de tensions entre le courant libéral et le courant intransigeant du catholicisme25. Parallèlement à la politisation des catholiques en lien avec la question romaine, les pratiques de dévotion et la prière se chargent de connotations politiques à la portée collective. Avec la perte définitive des États pontificaux en 1870, la défaite de la guerre contre la Prusse, la Commune et la montée de l’anticléricalisme en France sous la Troisième République, la politisation de la foi se renforce dans la sphère catholique et marque l’adhésion aux directives papales. Après 1870 et jusqu’à la seconde guerre mondiale, la dévotion, particulièrement à la Vierge et au Sacré-Cœur puis à Jeanne d’Arc, s’affirme de plus en plus, dans l’église ou dans les centres de pèlerinages, comme un moyen d’expression collective des catholiques en réaction à l’actualité politique et sociale, bien souvent marqué par un esprit de pénitence et de réparation mais aussi d’exacerbation nationaliste. Pour les autorités religieuses, il s’agissait alors d’opposer à la laïcisation de la vie publique la perspective d’un retour à une société chrétiennement structurée. Ce rêve de chrétienté qui marque l’engagement politique des clercs pendant le premier tiers du xxe siècle a trouvé dans la dévotion un puissant aliment spirituel et dans la statuaire en particulier un instrument privilégié, comme on le verra au chapitre suivant.
10Tout au long de son pontificat, Pie IX a associé sa politique spirituelle à une politique culturelle et artistique. Il fut un mécène actif, commanda de nombreuses œuvres d’art, notamment pour décorer les palais du Vatican, et favorisa l’exportation de l’art religieux italien, en particulier en Amérique du Sud26. Si de cette manière le pape montrait l’importance qu’il accordait aux images, son soutien à l’art industriel fut moins évident et il ne s’est pas exprimé par son mécénat. Néanmoins, le renforcement de la piété apparaît comme un enjeu crucial pour le pontife et les images représentaient l’un des moyens de propager les dévotions tout en les encadrant, aussi Pie IX a-t-il logiquement encouragé leur reproduction en série. En donnant une gravure aux évêques réunis lors de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, il manifestait déjà son intérêt pour la diffusion des images de dévotion, dispositif complémentaire à la propagation de son portrait et de ses discours. L’exposition romaine d’art religieux organisée en 1870 témoigne encore davantage de son soutien direct aux éditeurs et, à travers eux, à la reproduction à grande échelle des objets et des images.
L’exposition romaine de 1870
11En 1855, lors de l’exposition universelle, Henri de Riancey se plaignait dans L’Ami de la religion de la dispersion des objets liés au culte et imaginait une exposition qui au contraire les réunirait :
« L’Église est aujourd’hui, pour l’Art et pour l’Industrie, l’une des sources les plus fécondes d’encouragement, de travaux et de richesses ; l’Exposition universelle est la démonstration splendide de cette vérité. Seulement, combien n’eût-elle pas été plus éclatante encore si, au lieu de disséminer çà et là, dans ce vaste dédale, les objets qui se rattachent directement ou indirectement au service divin, une pensée d’ensemble les avait rapprochés et réunis ? Quelle harmonie magnifique ! Quel spectacle à la fois merveilleux en soi et honorable pour les artistes, les ouvriers, les fabricants ! […] Quelle source d’études et de perfectionnements pour les producteurs ! Et pour le public, pour les acheteurs, pour le clergé, quelle facilité de vue et de choix, que de temps épargné, que d’heureuses tentations et que d’acquisitions assurées ! Certes, à une disposition semblable, tout aurait gagné : la magnificence du coup d’œil, l’intérêt de l’art, du travail et du commerce27. »
12La manifestation parisienne de 1867 proposa un tel regroupement au sein d’un pavillon conçu comme une petite église28. En 1870, c’est dans un contexte complètement différent qu’une exposition entièrement consacrée à l’art religieux fut organisée à Rome pour démontrer au monde entier l’influence et la puissance de l’Église sur les arts et l’industrie.
L’union de l’art, de l’industrie et de la religion
13Tandis que Paris et Londres accueillaient depuis 1851 des expositions universelles auxquelles participaient les États pontificaux29, Pie IX décida d’organiser une exposition internationale d’art religieux à Rome à l’occasion de la tenue du concile œcuménique qui devait débuter le 8 décembre 1869. À la date du 4 septembre 1869, le Journal de Rome annonçait l’événement :
« Le Pontife régnant, Pie IX, qui, dans l’ampleur de ses saintes pensées, discerne et embrasse tout ce qui se présente à lui d’opportun et de grand, a décidé que l’on tiendrait à Rome une Exposition des produits des beaux-arts et de leurs applications si variées à l’industrie pour le service du culte catholique, et où l’on réunira tout ce qui s’est fait et se fait encore de mieux à notre époque dans un but aussi noble et aussi saint. Ce caractère particulier distingue l’Exposition romaine des autres Expositions qui ont eu lieu jusqu’ici. Ces expositions, destinées à faire ressortir les rapports des arts et des industries entre eux, et à mettre en relief leur harmonie avec le degré de civilisation et de puissance des diverses nations, tendaient à augmenter le bien-être matériel des peuples et ont obtenu ce résultat en grande partie. Celle-ci, conçue de façon à manifester ce que peuvent les arts et l’industrie en s’inspirant à la source sublime de la religion, doit nous révéler la merveilleuse influence du sentiment catholique dans l’inspiration et la direction des esprits vers la perfection et la beauté du procédé artistique30. »
14L’exposition romaine se proposait donc de rivaliser avec les grandes expositions des nations industrielles mais de s’en distinguer en montrant l’union des arts, de l’industrie et de la religion. Cette association n’était pourtant pas évidente de la part d’un pape qui, cinq ans plus tôt, avait fermement condamné la modernité en publiant l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus, position qu’il a rappelée à l’ouverture de l’exposition, le 17 février 1870, et qui constitue un fil rouge de la manifestation :
« J’ai voulu, oui, j’ai voulu cette exposition, pour faire voir que la religion est la maîtresse inspiratrice des arts. C’est qu’elle est la vérité ; non pas, comme on l’a dit, une idée, mais un principe. Selon quelques-uns, la religion doit changer avec le temps, et elle aussi a besoin de son 89. Je dis que c’est un blasphème. La religion de Jésus-Christ demeure avec Jésus-Christ, telle qu’elle a été dès le commencement31. »
15Ce rapport qui pourrait paraître ambigu s’éclaire à la lumière de son discours de clôture de l’exposition, le 16 mai :
« Je ne puis m’empêcher de manifester en effet ma satisfaction, et je dois exprimer ma gratitude envers ceux qui, venus de contrées éloignées, ou à Rome même, ont contribué à orner d’œuvres d’art et d’industrie ce cloître célèbre, où le silence habituel des saints religieux a été remplacé, durant quelques mois, par les bruits de l’admiration, de l’harmonie et des applaudissements. Mais tout cela a servi à prouver une fois de plus combien il est faux que le gouvernement pontifical soit ennemi du progrès et se condamne lui-même à l’immobilité. […] L’Église est immobile, sans doute, quand on veut changer les principes du vrai et du juste. Il a été dit à ses apôtres : Euntes docete, et elle maintient intact le dépôt de la doctrine de Jésus-Christ, laquelle ne peut changer parce qu’elle est la même heri et hodie… et in soecula. Mais elle est loin de s’opposer au progrès de la vertu, de la morale, de la science, des arts et de l’industrie. Elle l’accepte, le bénit et travaille à son développement32. »
16Le pontife répondait ici à l’accusation d’obscurantisme par les anticléricaux, certains catholiques intransigeants tel Louis Veuillot, directeur du journal L’Univers, s’opposant radicalement à toute forme de modernité, y compris technique33. Ce discours montre cependant que pour Pie IX, modernité politique et modernité technique étaient distinguées, et que cette exposition était l’occasion de manifester clairement son soutien à la seconde. Or dans le contexte de l’exposition, c’est l’art religieux industriel qui était au cœur de cette démonstration.
17Tant que les symboles de la liturgie chrétienne n’étaient pas touchés34, les innovations technologiques ont été accueillies favorablement par le pape qui a participé pleinement à la création d’une nouvelle culture catholique, utilisant à son profit les ressources des nouveaux moyens de communication et de reproduction35. Comme l’ont souligné les historiens, l’autorité du pontife a bénéficié du développement de l’imprimerie et de la presse, comme de l’utilisation du chemin de fer et des navires à vapeur qui ont notamment permis aux évêques du monde entier de se réunir régulièrement et en grand nombre lors des grands événements organisés à Rome : 1854, proclamation du dogme de l’Immaculée Conception ; 1862, canonisation des martyrs du Japon ; 1867, dix-huitième centenaire des martyres de saint Pierre et saint Paul ; 1869, concile du Vatican. Cet apport de l’industrie au service du pape était parfaitement résumé par Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans, dans sa Lettre sur le futur Concile :
« “Pour convoquer seulement tous les Évêques, disait encore J. de Maistre, et pour faire constater légalement de cette convocation, cinq ou six ans ne suffiraient pas.” Et il suffit aujourd’hui à Pie IX de faire afficher sa bulle sur les murs du Latran : la publicité moderne, en dépit même des volontés contraires, la porte aux extrémités du monde ; bientôt, grâce aux merveilleux progrès des sciences et de l’industrie, sur les ailes que la vapeur prête à nos vaisseaux et sur ces chars de feu qui dévorent l’espace, des continents les plus opposés, des îles les plus lointaines, les Évêques viendront, à l’appel du Pontife36. »
18Les techniques de reproduction des images et des objets religieux s’inscrivaient dans la même logique de renforcement du pouvoir du pape dans la catholicité. Elles représentaient en effet non seulement un outil de diffusion de sa doctrine par l’image, mais également un instrument d’uniformisation liturgique, projet cher à Pie IX et l’un des principaux moteurs de l’exposition :
« Un autre avantage de l’Exposition romaine, et ce ne sera pas le moindre, sera de permettre de réduire, s’il le faut, les objets sacrés de chaque rite, après les avoir comparés à cette uniformité de types qui est elle-même le symbole de l’admirable harmonie de l’Église universelle37. »
19L’uniformisation au service de l’unité, comme le soulignait à son tour la Correspondance de Rome :
« On ne saurait douter du succès de la manifestation du génie catholique dans les arts et dans l’industrie ; mais, à vrai dire, cette manifestation serait d’une importance insuffisante, si elle ne devait pas faciliter la réalisation du dessein qu’a eu Pie IX, de retirer du rapprochement même des produits artistiques des diverses contrées et des divers rites catholiques, les éléments d’une unité extérieure plus forte, plus en harmonie avec l’unité intérieure de l’Église et plus conforme aux tendances de notre âge38. »
20Cette unité, le pape entendait donc l’obtenir en particulier par le biais des objets liturgiques, que les techniques modernes de reproduction permettaient de produire et de diffuser à grande échelle selon un même modèle. La volonté d’uniformisation de Pie IX est probablement l’un des aspects essentiels pour comprendre son soutien à la production de série, tel qu’il s’exprime à travers l’exposition. Or ce mouvement d’uniformisation ne s’est pas limité aux objets liturgiques, il a touché également les supports visuels de dévotion tels que les statues. Les réseaux commerciaux créés dans le cadre de l’exposition ne furent sans doute pas étrangers à ce processus. La manifestation avait en effet une vocation commerciale affichée. Il s’agissait pour la première fois de réunir des fournisseurs de tous les types d’articles religieux pour permettre aux évêques rassemblés pour le concile de créer des relations commerciales. L’objectif de l’exposition était de proposer aux évêques une palette de fournisseurs permettant de répondre à différents besoins et budgets, comme le soulignait l’abbé de Clèves, missionnaire apostolique :
« Les évêques venus de toutes les parties du monde […] y verront des vases sacrés, des ornements saints, des sculptures, des statues, des peintures, de tous les styles et de tous les prix ; ils connaîtront les maisons où ils pourront se procurer ces objets à des prix plus avantageux. L’Exposition est comme une annexe du Concile. Cet événement heureux et important du pontificat de Pie IX contribuera à donner plus de splendeur au culte catholique dans toutes les parties du monde39. »
21L’intérêt économique de l’art religieux industriel lui donnait la capacité de diffuser, encadrer, uniformiser selon les vues du pape. Grâce à l’union de l’art, de l’industrie et de la religion, Pie IX pouvait réaliser son projet d’Église universelle, de catholicité unie autour de Rome. L’exposition s’annonçait donc comme un événement majeur, tout à fait inédit.
22La manifestation, qui se déroula du mois de février à celui de mai 1870, prit place dans un lieu prestigieux : le cloître de l’église Sainte-Marie-des-Anges conçue par Michel-Ange sur les ruines des anciens thermes de Dioclétien40 (fig. 70). L’histoire de ce lieu rappelait à tous le triomphe du christianisme sur le paganisme, sur le même principe que la colonne de l’Immaculée Conception piazza di Spagna, commanditée par Pie IX et qui intégrait une colonne antique41. Le cloître avait été aménagé spécialement pour l’occasion :
« Le Saint-Père a choisi ce lieu délicieux et si plein de souvenirs pour y établir le local de l’Exposition. Le comte Vespignani, sous la direction de l’éminent cardinal Bérardi, a su l’approprier avec une admirable intelligence. L’artiste a mis en relief les splendeurs du monument de Buonarroti, et y a adapté ses constructions éphémères d’une manière vraiment heureuse. Ces constructions forment une galerie circulaire tournant autour d’un jardin qui occupe le milieu du préau et qui est ombragé par les quatre cyprès de Michel-Ange. Cette galerie vient s’appuyer aux cent colonnes du portique. La disposition à l’intérieur est celle d’une large rue, limitée par des colonnes et qui ouvre à droite et à gauche sur des salons dont la plupart sont ornés avec un goût parfait42. »
Fig. 70. – L’exposition romaine dans le cloître de Sainte-Marie-des-Anges (Le Concile œcuménique de 1869-1870 illustré, 1870).

23Un règlement fut publié et une commission d’admission nommée par le pape fut constituée pour choisir les exposants et déterminer leur classe43. Ces derniers furent répartis entre quatre classes selon la nature de leur production. La première classe réunissait les ustensiles sacrés et vases d’autel, c’est-à-dire principalement l’orfèvrerie ; la seconde les ornements sacrés appropriés aux divers rangs de la hiérarchie ecclésiastique et aux différentes cérémonies ; la troisième les « beaux-arts servant au culte catholique ou représentant des sujets chrétiens44 » ; et enfin la quatrième les « œuvres d’art ou de l’industrie pour l’ornement des églises45 », qui était censée concerner plus spécifiquement l’industrie. Cette organisation calquée sur le modèle des expositions universelles était appliquée de manière inédite à une exposition d’art religieux :
« Ce règlement conçu d’après un plan tout à fait spécial, adoptait des classifications complètement nouvelles pour cet ensemble d’objets qui n’avaient jamais été envisagés à un aussi haut point de vue, jamais soumis à un pareil rapprochement, jamais réunis en de telles proportions46. »
La sculpture française à l’exposition
24Le catalogue de l’exposition indique que toutes les classes étaient mêlées dans le cloître, mais qu’une zone réservée avait été attribuée à la section française47. Les Français étaient en effet particulièrement bien représentés selon le Concile illustré :
« La France a répondu avec le plus louable empressement au désir du Pape et à l’appel du gouvernement romain. À elle seule, elle occupe au moins le tiers, sinon la moitié, des objets exposés, et par l’importance des exposants, elle peut défier toute concurrence étrangère. Lyon et Paris se sont donné la main, et représentent ensemble la grande majorité des Français48. »
25Dans le domaine de la statuaire destinée aux églises, les exposants français étaient toutefois peu nombreux par rapport aux sculpteurs italiens qui dominaient largement les représentants des autres pays49. D’après le catalogue de l’exposition, seuls participaient Raffl, qui présentait plusieurs statues, dont une Vierge à l’Enfant, et des stations de chemin de croix, Froc-Robert (un tabernacle, six statues en bois et carton-pâte peint et doré, trois stations de chemins de croix), Champigneulle (six statues en terre cuite polychromes et trois stations de chemin de croix), Choyer (un groupe en plâtre « au naturel » représentant les adieux de saint Pierre et de saint Paul avant leur martyre), Cabuchet (la statue du curé d’Ars en prière, en plâtre couleur bronze, grandeur nature), Fabisch (quatre bas-reliefs en terre cuite représentant quatre des quinze mystères du saint Rosaire, un groupe en terre cuite représentant la Vierge avec l’Enfant et saint Dominique, une statue en terre cuite représentant la Vierge à l’Enfant), Knecht (un groupe en bois représentant la Vierge, l’Enfant et saint Jean-Baptiste), Cassaing (une statue en terre cuite), Durenne (un autel en fonte de fer peint et doré avec statues) et Villard (trois statues en fonte de fer représentant la Vierge, saint Joseph et la Vierge à l’Enfant)50. Même s’ils n’étaient pas tous des éditeurs, tous présentaient vraisemblablement des exemplaires d’édition, à l’exception peut-être du sculpteur Émile Knecht.
26En dépit de leur infériorité numérique, les exposants français se démarquèrent à plus d’un titre. En effet, contrairement à eux, les Italiens présentaient des sculptures en marbre dont le style et l’aspect étaient très influencés par l’art antique et la Renaissance. Dans son compte rendu pour la Revue de l’art chrétien, Mgr Barbier de Montault rapportait que « les Romains ont l’horreur du gothique, que d’ailleurs ils ne comprennent pas ou comprennent mal » et dénonçait l’indécence de leurs sculptures, faisant ici écho à certains propos de Montalembert trente ans plus tôt :
« Sans doute, la main qui modèle et façonne le marbre est une main exercée, habile, qui a étudié les modèles vivants et inanimés. Mais, presque partout, on sent une tendance marquée pour une reproduction servile de l’antique, qui, ayant à répondre aux besoins d’un autre culte, devient ainsi en complet désaccord avec la religion du Christ, toute spirituelle. On voit aussi, du premier coup-d’œil, que la nudité se glisse de toutes parts, sous le moindre prétexte et très-souvent même hors de propos. Aussi les sujets sont-ils choisis de préférence parmi ceux qui se prêtent le mieux à la nudité, telle que la pratiquait l’antiquité. C’est un devoir pour nous de protester contre cet abus criant qui a révolté le public, au point d’exiger en certaines circonstances un prolongement de vêtements, fait en papier ou en plâtre. La commission a été large dans ses admissions et certaines statues auraient dû être résolument bannies d’un local où tout devait contribuer à l’édification51. »
27À l’inverse, les exposants français représentaient, aux yeux de tous, les tenants du « gothique ». Non seulement leurs sculptures répondaient à l’exigence de pudeur et de convenance telle que l’envisageait le prélat, mais les éditeurs en l’occurrence présentaient principalement des sculptures polychromes qui tranchaient radicalement avec la blancheur des sculptures en marbre. Pour Mgr Barbier de Montault, archéologue et iconographe éminent, il allait de soi que sa sensibilité l’amenait à soutenir l’approche française qu’il avait d’ailleurs lui-même contribué à construire. Il s’affirmait ainsi comme un fervent défenseur de la polychromie en sculpture religieuse, au contraire des Italiens :
« L’Observateur Romain s’est élevé, avec une violence aussi inqualifiable qu’injuste, contre la statuaire peinte, et en cela il n’a été que l’écho des artistes de Rome. Tout au contraire, nous pensons que la couleur appliquée à la ronde-bosse l’anime et l’échauffe au point de la faire paraître vivante. Les anciens l’avaient si bien compris qu’ils peignaient leurs statues, et le Musée de Naples en fournit plus d’une preuve irrécusable. Dans une église où tout est couleur, marbre ou peinture, une statue blanche fait tache sur l’ensemble et détruit l’harmonie générale52. »
28Les exposants français se démarquaient également des sculpteurs italiens parce qu’ils présentaient des exemplaires d’édition. La France était tenue pour avoir à cette époque la spécialité de « l’art industriel » et elle en retirait un certain prestige à l’étranger, ainsi que le soulignait avec fierté le Concile illustré :
« Comme toujours, [la France] s’est montrée la fille aînée de l’Église romaine. La puissance de ses moyens d’action, l’extension de son commerce, l’activité de ses fabriques se sont révélées dans toute leur supériorité. Ses arts et ses industries, les ressources qu’elle tire de la science, ses nombreuses inventions ont fait une grande figure dans cette mémorable Exposition53. »
29Ainsi les entreprises françaises étaient-elles un élément-clé de cette démonstration voulue par le pape des avantages de l’industrie pour l’art religieux. Même l’abbé de Clèves, pourtant partisan du goût romain, notait : « nous devons de la reconnaissance à ces artistes et à ces industriels qui fournissent à nos églises de bonnes statues et à des prix accessibles54 ». Peu nombreux mais seuls avec l’Institut Mayer de Munich à proposer des sculptures d’édition pour les églises aux couleurs du Moyen Âge, les fabricants français se distinguaient par l’originalité et la nouveauté de leur production et n’en eurent que plus de succès, tant au point de vue des récompenses officielles55 qu’au point de vue commercial.
30Il faut en effet souligner l’importance de cette vitrine pour Raffl et pour ses concurrents. Les évêques du monde entier ont visité l’exposition sous les auspices du pape et ont pu passer commande :
« Le jeudi 17 février, S. S. Pie IX faisait, en présence des évêques de la catholicité et d’un certain nombre de hauts personnages romains et étrangers, la solennelle ouverture de l’Exposition romaine des arts appliqués au culte catholique. […] Le public ne fut pas, ce jour-là, admis à pénétrer, dans l’enceinte des cloîtres des Chartreux, d’abord parce qu’ils n’auraient pu contenir la foule énorme qui se serait présentée, ensuite parce qu’il était de toute convenance de laisser les salles vides et dégagées, afin que le Souverain-Pontife et ses nobles invités pussent circuler sans embarras et examiner toutes choses sans difficulté et avec toute liberté56. »
31Une description de cette visite parue dans Le Monde montre que Pie IX manifestait sans ambiguïté son soutien aux fabricants et à la production de série :
« Le Pape visita d’abord le cloître. Au moment où il s’arrêtait devant l’exposition de M. Durenne, j’ai entendu le Saint-Père féliciter le représentant de la maison et lui dire entre autres choses aimables : “Vous maniez le fer comme du carton.” […] Arrivé à la section française, le Souverain-Pontife s’arrêta premièrement à la vitrine de M. Lesort, puis il examina les images de M. Letaille ; il demanda au représentant de cette maison des détails précis sur la fabrication des images, sur la quantité produite, et, avant de s’éloigner : “Quand vous écrirez à M. Letaille, dit-il, vous lui direz que le Pape le bénit, lui et sa maison.” […] Après l’orgue de M. Cavailhé, le Saint-Père passa au salon no 12 et s’arrêta devant le pavillon de M. Biais, à qui il fit compliment d’une chasuble brodée de lis naturels, et surtout d’une superbe étole brodée avec figures en couleur. À chaque exposant, il dit quelques bonnes paroles […]. Devant l’exposition de la maison Bouasse, Sa Sainteté reçut Mme Bouasse et lui fit des questions sur les progrès de sa maison ; il lui demanda quelques détails sur les modèles de dessin destinés aux écoliers, et il passa ensuite au salon de M. Poussielgue-Rusand57. »
32Aussi n’est-il pas surprenant que les affaires aient été bonnes :
« En terminant ce compte rendu, signalons un trait particulier qui caractérise l’Exposition romaine : c’est la satisfaction de tous les exposants. Non-seulement beaucoup d’entre eux ont fait d’amples affaires, mais tous sans exception ont trouvé dans l’autorité pontificale une bienveillance extrême et des encouragements très-flatteurs. À tout prendre, l’un des résultats de l’Exposition est déjà obtenu, c’est-à-dire que les artistes et les industriels ont pu s’apprécier mutuellement, et par le rapprochement de leurs œuvres et de leurs produits, entrevoir les améliorations à introduire dans tout ce qui a rapport au culte. À leur louange, nous devons ajouter que tous partagent le désir de l’unité, qui a motivé l’Exposition, comme aussi ils reconnaissent la suprématie de Rome dans l’enseignement liturgique et dans la fidélité aux traditions. Ils comprennent qu’en acceptant cette suprématie, ils se soustraient aux caprices et aux exigences du public, souvent ignorant, et qui demande à l’art et à l’industrie des formes nouvelles toujours plus ou moins éloignées de celles consacrées58. »
33L’exposition romaine de 1870 est un exemple significatif du rapport complexe, ambivalent, de la papauté à la tradition et à son antithèse, la modernité. Si la tradition était réaffirmée dans les formes, elle s’articulait avec la modernité et le progrès apportés par l’industrie. Cette reconnaissance officielle marqua certainement une étape importante dans le développement à l’international des entreprises françaises d’édition de sculptures religieuses.
34Signe le plus éclatant du soutien de Pie IX à l’art industriel, l’exposition s’inscrivait cependant dans un ensemble plus vaste de témoignages d’approbation avec lesquels elle partageait le même schéma de réciprocité. Car si les fabricants étaient bénis par le pontife59, ils s’engageaient en retour à être les agents de « la suprématie de Rome ».
Les marques d’un soutien réciproque
35La référence au pape, qu’il s’agisse de Pie IX, de Léon XIII ou de Pie X, est constante dans les documents commerciaux des fabricants. Cette omniprésence montre qu’il était bienvenu de se placer sous sa tutelle auprès de la clientèle, mais elle est aussi le signe concret que le pape appuyait les fabricants à plusieurs niveaux.
Les éditeurs et la dévotion au pape
36Les références au pape se retrouvent notamment dans les multiples mentions de « modèles approuvés ». Ces approbations se faisaient par l’intermédiaire de brefs pontificaux adressés le plus souvent en réponse à une sollicitation des fabricants. Ce type de sollicitation de la part des éditeurs et de réponse favorable de la part du pape semble avoir été courant, la plupart des éditeurs se réclamant en effet de l’approbation du pape. Ce fonctionnement apparaît par exemple dans le cas de l’éditeur Pierre-Alexandre Gaspard60, qui publia intégralement le bref reçu en 1853 dans tous ses catalogues :
« Très illustre et très honorable Monsieur, Votre lettre du 27 avril dernier et les quatorze Stations représentant les souffrances de Jésus-Christ, notre souverain Rédempteur, ont été remises à notre Très-Saint-Père le pape Pie IX. Cette touchante marque de votre rare mérite et de votre religion a été on ne peut plus agréable au souverain pontife ; et, en conséquence, très illustre seigneur, j’ai l’ordre de vous féliciter du zèle éclairé et infatigable que vous mettez à accroître et à propager le culte du Chemin de la Croix de Notre-Seigneur. Or, pour l’acquit de sa gratitude et comme gage de sa propre satisfaction, Sa Sainteté m’a ordonné de vous envoyer une médaille en or, où se trouve gravée son auguste image ; et le très bienveillant pontife veut que, comme présage certain de tout bien céleste, vous receviez la bénédiction apostolique, qu’il vous donne à vous et à toute votre famille, du fond de son cœur paternel et plein d’amour. En exécutant les ordres de Sa Sainteté, je saisis cette occasion de vous offrir, Monsieur, l’expression de mon respect et des vœux que je fais pour que le Seigneur couronne vos travaux des plus heureux et des plus brillants succès. Votre très humble et très dévoué serviteur, Dominique Fioramonti, Secrétaire de notre Très Saint-Père le Pape, pour les lettres latines. Au très illustre et très honorable Pierre-Alexandre Gaspard, à Paris. Donné à Rome, le 11 juin 185361. »
37Le contenu de ce bref est particulièrement révélateur de la relation de réciprocité qui s’instaurait entre le pontife et les éditeurs. Il montre en premier lieu que ces derniers prenaient l’initiative de solliciter l’avis du pape sur leurs produits, ici un chemin de croix peint. En réponse, le pape les félicitait par l’intermédiaire d’un bref, voire même ici d’une médaille, et bénissait leur entreprise de diffusion. Il se portait ainsi ouvertement garant de ce type de production. Ce bref exprime parfaitement l’intérêt du pape pour la propagation des dévotions au moyen de l’édition. De plus, en accueillant ce type de demande, Pie IX encourageait les éditeurs à continuer à se référer au Saint-Siège, à se conformer à l’orthodoxie de sa doctrine, et consolidait par ce biais son rôle centralisateur. En retour, il diffusait sa propre image par l’envoi d’une médaille et comptait implicitement sur l’éditeur pour propager la dévotion à sa personne62.
38Des portraits de Pie IX, puis de Léon XIII et Pie X, étaient en effet commercialisés par tous les éditeurs d’art religieux, sous toutes les formes63. En sculpture, il s’agissait essentiellement de petits bustes destinés à la dévotion privée, comme ceux que l’on aperçoit sur les stands de Froc-Robert ou de l’Institut d’art chrétien de Munich à l’exposition internationale de Philadelphie organisée en 1876 (fig. 71). Le journal La Croix invitait en 1889 ses lecteurs à acheter le buste de Léon XIII commercialisé par Froc-Robert :
« Au moment où des vexations sans nombre attirent, plus que jamais, les yeux sur la grande figure du Représentant de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la terre, chacun voudra avoir chez soi une reproduction fidèle des traits de celui qui tient, si haut et si ferme, l’étendard de la chrétienté. Nous ne saurions trop recommander le buste de S. S. Léon XIII, par M. le comte de Bengy Puyvallé, édité par les ateliers Froc-Robert, 36 et 38, rue Bonaparte, Paris ; c’est assurément le meilleur portrait qu’il nous ait été donné de voir jusqu’à ce jour, la ressemblance est parfaite, l’expression noble et digne64. »
Fig. 71. – Buste de Pie IX présenté par Froc-Robert à Philadelphie en 1876.

© Library of Philadelphia.
39Mais les fabricants se sont parfois engagés plus avant en créant de véritables compositions intégrant l’image du pape. C’est le cas par exemple de Raffl, qui présenta à l’occasion de l’exposition universelle à Paris en 1878 un groupe en ronde-bosse, grandeur nature, représentant Pie IX et l’allégorie de la France agenouillés aux pieds du Christ au Sacré-Cœur, selon une composition qui fut reprise plus tard dans la grande mosaïque du chœur de la basilique de Montmartre65. Ce groupe créé en hommage au pontife qui venait de mourir66 fit sensation et fut reproduit dans Les chefs-d’œuvre d’art à l’Exposition universelle 1878 publiés sous la direction d’Émile Bergerat67 (fig. 72). Jean Drouais aussi en fit l’éloge pour le Figaro :
« Le morceau qui saisit tout d’abord le regard est un groupe dit “du Sacré-Cœur de Jésus”. Aux pieds du Sauveur, à droite, une figure symbolique de la France ; à gauche, le pape Pie IX, agenouillé. Le souverain-pontife est revêtu d’un camail d’or et d’une robe d’argent à bordure d’or. Composition remarquable, où la perfection du détail et la richesse de la décoration n’enlèvent rien à la valeur de l’ensemble. Nous voilà bien loin de ce que faisaient et de ce qu’essaient encore les artistes de Munich, autrefois en possession du privilège à peu près exclusif de ce genre de production. La figure du Pape, surtout, est très belle. On comprend que M. Raffl, qui a résidé longtemps à Rome, et qui a eu l’insigne honneur d’être plusieurs fois reçu par Pie IX, a pu s’inspirer directement de son modèle68. »
Fig. 72. – La France et Pie IX aux pieds du Sacré-Cœur par la maison Raffl (Les chefs-d’œuvre d’art à l’Exposition universelle, 1878).

© BnF, Gallica.
40Ce groupe sculpté, dont la destination n’est pas connue, a été utilisé par Raffl dans ses publicités et sa photographie fut reproduite sur les cartes de visite de l’entreprise pendant plusieurs années.
41Il faut ajouter aux portraits proprement dits, la diffusion de la dévotion au pape à travers les statues de saint Pierre, dont Pie IX avait fêté le XVIIIe centenaire du martyre en 1867, donnant une importance nouvelle à la fête des saints Pierre et Paul.
42Cette relation de réciprocité entre le pape et les éditeurs se perçoit également à travers d’autres cas significatifs d’approbation, en particulier celle du modèle de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Raffl et celle du modèle de saint Pierre de Froc-Robert.
Notre-Dame du Sacré-Cœur
43Le 5 août 1873, Pie IX élevait au rang d’archiconfrérie universelle l’association de piété fondée l’année précédente à Rome en l’honneur de Notre-Dame du Sacré-Cœur69. À cette occasion, l’archiconfrérie commanda au peintre Silverio Capparoni un tableau pour son autel70. La Vierge Marie y est représentée debout, écrasant sous ses pieds le serpent. Elle porte l’Enfant Jésus, avançant sa main droite sous le cœur du Christ, dont les bras grands ouverts dessinent une croix. Cette iconographie nouvelle créée à la demande expresse du pontife venait remplacer celle précédemment diffusée par l’association de prières d’Issoudun, qui représentait l’Enfant Jésus plus âgé, debout devant la Vierge71. Pie IX avait en effet manifesté son souhait que l’archiconfrérie romaine utilise une image différente et que le Christ ne soit pas figuré debout au pied de la Vierge mais dans ses bras, selon la formule traditionnelle72. Ce changement était important car l’image officielle de l’archiconfrérie était destinée à être adoptée par toutes les associations établies à travers le monde en l’honneur de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Un décret de la Sacrée Congrégation de l’Inquisition promulgué le 28 février 1875 éclaire les motivations théologiques de cette rupture73. La condamnation de l’iconographie d’Issoudun y est associée à la réprobation de l’interprétation que certaines personnes en Pologne avaient voulu donner au titre de Notre-Dame du Sacré-Cœur, attribuant à la Vierge un empire sur son fils. Bien que le lien entre les deux ne soit pas explicité, cette association laissait deviner que le Saint-Siège établissait une certaine forme de responsabilité de la représentation visuelle de Notre-Dame du Sacré-Cœur sur l’interprétation fautive observée en Pologne, ou du moins considérait qu’elle pouvait être une source d’interprétation fautive. Dans son catalogue publié en 1888, Léon Moynet commentait ce changement d’iconographie :
« Notre-Dame du Sacré-Cœur, ce type bien connu autrefois, était la représentation de la Vierge présentant son divin Fils comme le Rédempteur du monde, et qui lui-même indiquait son auguste mère comme étant l’intercession la plus directe pour arriver jusqu’à lui. Le culte basé sur ce type a été un peu paralysé par une observation de S. S. le pape Pie IX, observation qui, en apparence, reposait sur la situation debout de l’enfant Jésus qui, à son sens, devait être porté par sa mère. Cette critique eut pu tomber d’elle-même par cette seule réponse que l’on ne porte pas dans ses bras un enfant de douze ans. Mais le motif réel est que l’arrangement des deux personnages, la composition de ce groupe enfin, représente une idée schismatique qui se propage en Russie dans des conditions de représentation tout à fait identiques, mais, naturellement, interprétée différemment. Il fallut donc créer un type suivant le thème nouveau : la Vierge mère portant l’enfant Jésus au Sacré-Cœur, mais dont l’appellation est : Notre-Dame du Sacré-Cœur74. »
44Peu après la parution du décret de la Congrégation de l’Inquisition, l’archiconfrérie de Notre-Dame du Sacré-Cœur s’adressa à Raffl pour réaliser une version sculptée du tableau de Capparoni destinée à la reproduction en série. Le sculpteur se rendit à Rome pour soumettre au pape une photographie de son modèle. Immédiatement après, l’archiconfrérie diffusa un communiqué indiquant qu’elle cédait ses droits à Raffl :
« Le soussigné, secrétaire de l’Archiconfrérie universelle de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Jésus érigée à Rome par Sa Sainteté le Pape Pie IX, certifie pour la vérité que la petite statue en plâtre, faite par M. Raffl, statuaire à Paris, en ce moment demeurant à Rome, est le type même imposé par le Saint-Père à la susdite Archiconfrérie romaine, déclare aussi que le susnommé, M. Raffl, a présenté son modèle à Sa Sainteté dans l’audience du 7 septembre, et que le Saint-Père l’a bénie et approuvée en la déclarant exécutée selon ses désirs, ainsi qu’en témoigne le compte-rendu de cette audience publié par le journal l’Osservatore romano, dans son numéro du 11 septembre. On certifie enfin que tout cela a été fait par M. Raffl avec le plein consentement de l’Archiconfrérie romaine, et de commun accord, ladite Archiconfrérie ayant renoncé à ses droits exclusifs sur cette image, mais uniquement en ce cas, et seulement en faveur de M. Raffl. En foi de quoi, on donne cette déclaration pour tous les effets75. »
45Ce communiqué fut reproduit par le journal L’Univers qui soulignait l’importance de cette approbation pour Raffl et entendait informer ses lecteurs de cette propriété exclusive. Le sculpteur diffusa lui aussi largement cette information, soit par le biais de prospectus isolés76, soit par des publicités insérées dans des journaux77, mais également en inscrivant sur le socle de la statue : « N. D. du Sacré-Cœur/Appvé. par le St. Père le 7 Septbre 1875 » (fig. 73). Avec ce modèle, Raffl lia en quelque sorte son nom à celui de Pie IX et toutes les mentions ultérieures rappelaient ce privilège. Ainsi, par exemple, après avoir décrit le groupe de Pie IX présenté par le sculpteur à l’exposition universelle de 1878, le journaliste du Figaro, Jean Drouais, poursuivait :
« Ceci me servira de transition pour parler de la Notre-Dame du Sacré-Cœur, statue de la Vierge, dont la maquette fut présentée au Saint-Père et, on peut le dire, faite sous ses inspirations. Comme exécution ce n’est pas moins irréprochable, et, comme richesse, ce n’est pas moins splendide que le groupe dont je viens de parler. Comme type, cette Vierge est appelée à prendre sa place dans la moderne iconographie catholique ; comme œuvre d’art, elle peut tenir la sienne dans toutes nos basiliques78. »
Fig. 73. Publicité de la maison Raffl dans La France illustrée, 1876.

46Les catalogues commerciaux ultérieurs de la maison Raffl continuèrent de mettre en valeur ce lien qui apportait une caution prestigieuse non seulement au modèle mais également, par extension, à l’entreprise tout entière.
Le moulage du Saint Pierre de Rome
47La statue de saint Pierre éditée par Froc-Robert à partir de 1882 apporte un autre exemple de l’implication des papes en faveur de l’édition d’art religieux. Dans son compte rendu de l’exposition romaine de 1870, Mgr Barbier de Montault s’arrêtait sur l’iconographie de cet apôtre :
« S. Pierre a un type à part que j’ai essayé d’esquisser dans mon Iconographie des SS. Apôtres. Ce type est à la fois historique et archéologique, et notre devoir est de le conserver scrupuleusement, tel que les siècles nous l’ont transmis. […] La statue de bronze, dont les fidèles baisent le pied dans la basilique Vaticane, frappe tellement qu’on ne peut l’oublier, et pour nous elle a toute la valeur d’un portrait authentique. La mauvaise copie qui est à Notre-Dame des Victoires, à Paris, n’en donnera malheureusement qu’une pauvre idée79. »
48Alors que seules de « mauvaises copies » étaient jusqu’à présent diffusées, la maison Froc-Robert connut un large retentissement en faisant mouler en 1882 la statue de la basilique vaticane. Le journal L’Univers rapporta l’événement et fit la promotion du fabricant :
« Un beau fac-simile de la célèbre statue de saint Pierre, de Rome, vient d’être exécuté pour la première fois à Paris. Chrétiens et archéologues accueilleront cette nouvelle avec une égale faveur. […] La statue est connue du monde entier. M. Louis Veuillot, dom Guéranger, Mgr Gaume, Mgr Gerbet, pour ne citer que les plus illustres, l’ont glorifiée dans leurs plus beaux livres. Un habile peintre français, M. Lafon, en a popularisé les traits dans un beau tableau, où il a représenté Pie IX priant à la romaine et inclinant son front, chargé de gloire sur le pied de l’apôtre. À M. Froc-Robert revient l’honneur de donner au monde catholique la première reproduction exacte de la vénérable statue vaticane. Jusqu’ici quelques prétendues imitations du St-Pierre de Rome, absolument défectueuses, étaient, faute de mieux, exposées à la piété des fidèles, à Notre-Dame des Victoires, à St-Germain des Prés, et ailleurs encore. […] Au moment où, après deux années de labeur, le modèle venait d’être achevé, M. Froc avait l’honneur de recevoir dans son atelier Mgr le nonce à Paris, chargé par le Saint-Père d’apprécier la perfection de l’œuvre et d’acquérir en son nom la première épreuve qui serait coulée en bronze80. »
49Le journal soulignait l’implication de Léon XIII à toutes les étapes de ce projet. C’est le pape en effet qui, « [pressentant] tout le haut intérêt qu’il y [avait] à répandre partout un objet si vénérable, si cher à la chrétienté tout entière et si propre à raviver dans les cœurs l’amour et la soumission à la Chaire de Saint-Pierre », avait donné l’autorisation exceptionnelle de mouler la statue originale. C’est encore lui qui délégua le nonce et approuva par son intermédiaire le résultat de l’opération. Enfin, c’est lui qui, symboliquement, acquit le premier exemplaire en bronze, dont le même article nous apprend qu’il était destiné à une église américaine :
« Quelle est […] l’âme catholique qui ne se sentirait pas émue en présence de cette antique statue du prince des apôtres, et comme pressée d’entrer dans le concert d’amour et de foi de tant de générations qui, depuis treize siècles, ont usé les pieds de bronze sous leurs baisers ? Ce saint Pierre n’est-il pas comme une déposition séculaire en faveur de l’autorité doctrinale du Saint-Siège ? Et l’antiquité même du monument ne constitue-t-elle pas une réponse péremptoire à toutes les erreurs et un défi à toutes les critiques ? Voilà apparemment pourquoi le Saint-Père a voulu destiner ce don vraiment royal à l’église française de Boston, au cœur même de l’Amérique protestante81. »
50Le pape était traditionnellement considéré comme le successeur de saint Pierre ; aussi cette statue représentait-elle symboliquement le pontife régnant. Sa diffusion était donc pour celui-ci un moyen de renforcer le pouvoir spirituel du Saint-Siège. Peu de temps après, le journal indiquait encore à ses lecteurs :
« Le souverain Pontife Léon XIII, désirant que la statue de saint Pierre, copie exacte de celle que l’on vénère dans la basilique Vaticane, soit plus efficacement propagée, a daigné accorder à cette fin des encouragements particuliers à M. Froc-Robert, fabricant de sculptures religieuses, qui vient de faire hommage d’un exemplaire de première grandeur de la célèbre statue à l’église du Vœu national au Sacré-Cœur de Jésus82. »
51La statue était mise en évidence dans le catalogue commercial illustré que Froc-Robert publia en 188583 (fig. 74). Elle était alors proposée en six grandeurs différentes, depuis 9 cm jusqu’à 185 cm, dimension de l’original. De multiples églises et cathédrales se dotèrent de cette reproduction exacte, qui devint comme à Rome « l’objet de la vénération des fidèles : l’extrémité du pied droit s’use sous les pieux baisers84 ».
Fig. 74. – Catalogue de la maison Froc-Robert, 1885.

© Pauline Carminati.
Récompenses et décorations
52Parmi d’autres signes de ce soutien réciproque, on peut évoquer également l’exposition organisée en 1888 au Vatican pour le Jubilé sacerdotal de Léon XIII85, qui était composée de dons adressés par les fidèles au Saint-Père et à laquelle les fabricants ont rivalisé pour se faire remarquer, à commencer par Froc-Robert qui avait offert une reproduction en bronze de son saint Pierre de Rome86. Les nombreuses gravures publiées dans L’Exposition vaticane illustrée montrent des salles surchargées dans lesquelles la statuaire d’édition avait une large place87 (fig. 75). La plupart des statues étaient mises en valeur sur de hauts socles et accompagnées de riches accessoires d’orfèvrerie et de fleurs. Léon XIII poursuivit encore ses marques d’encouragement aux fabricants lors des concours qu’il présida pour la représentation de la Sainte Famille en 189888 et du Sacré-Cœur l’année suivante89, dévotions qu’il a particulièrement favorisées au cours de son pontificat (fig. 76). Il récompensa pour le second une entreprise italienne de statuaire religieuse d’édition, la maison Rosa et Zannazio. Auparavant les deux associés travaillaient en France et Rosa était employé par la maison Raffl. La Civiltà cattolica saluait à l’occasion de cette distinction le retour « courageux » de ces artisans dans leur pays et la création d’un atelier de statuaire religieuse à la française à Rome. Ces différents exemples mettent ainsi tous en évidence une imbrication étroite entre les visées apostoliques du Saint-Siège et celles plus commerciales des éditeurs.
Fig. 75. – Deux anges envoyés par Verrebout dans une salle de l’exposition vaticane (L’Exposition vaticane illustrée, 1888).

© Pauline Carminati.
Fig. 76. – Le Sacré-Cœur créé par la maison Raffl pour Léon XIII en 1899.

© BnF, Gallica.
53En reconnaissance de leurs mérites et des services rendus à la religion et à l’Église, les fabricants étaient admis dans les ordres équestres pontificaux, titres qu’ils convoitaient et ne manquaient pas d’afficher ostensiblement dans leurs publicités et documents commerciaux90. Auguste Verrebout avait ainsi été nommé commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire et chevalier de l’ordre de Saint-Sylvestre. À ce titre, il faisait partie du Comité international des dignitaires et chevaliers des ordres équestres pontificaux, qui prit notamment une part importante à l’organisation et au financement du Jubilé sacerdotal de Léon XIII91. Pour recevoir ces décorations, il était nécessaire de se faire appuyer par un certain nombre d’ecclésiastiques et la demande devait être portée auprès du pape par un évêque. Claude Delin entreprit d’actives démarches afin d’obtenir la distinction de commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, n’hésitant pas, semble-t-il, à verser d’importantes sommes d’argent aux intermédiaires qu’il sollicitait. Il adressa également une lettre au pape pour plaider sa cause :
« Très Saint-Père, Claude Charles Delin humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, a l’honneur de la prier de lui accorder le grade de Commandeur de l’ordre de St Grégoire le Grand, que ses prédécesseurs avaient reçu de Votre Bonté. Il considère que cette faveur lui est nécessaire pour marquer d’un signe indéniable l’intérêt moral que Votre Bonté porte à l’œuvre qu’il veut entreprendre de réunir dans une seule famille chrétienne les 400 ouvriers qui travaillent sous ses ordres92. »
54Ces démarches aboutirent et son frère, Pierre Delin, fut lui aussi décoré. En 1912, Auguste Peaucelle, qui dirigeait alors la maison Raffl avec Henry Pacheu et Émile Lecaron, était reçu commandeur de l’ordre de Saint-Sylvestre tout comme ses associés avant lui. Le diplôme est signé du Cardinal Merry del Val, secrétaire d’État :
« Nous, Pie X, pontife et pape, à notre cher fils Auguste Peaucelle à Lutèce – Paris. Cher fils, salut et bénédiction apostolique. Notre S.R.E Léon Adolphe Amette, cardinal prêtre, avec notre permission apostolique, archevêque de Paris, notre cher fils, nous a fait savoir que vous êtes un catholique du plus haut mérite et digne de louange, qui a rendu d’utiles services à l’Église. En conséquence, et tenant compte de vos mérites éminents, nous désirons vous donner un témoignage tout particulier de notre bon vouloir à votre égard et nous vous créons, nous vous nommons Chevalier Commandeur de l’Ordre de Saint Sylvestre Pape, et nous vous incorporons dans la glorieuse légion de ces chevaliers. Nous vous permettons de revêtir l’habit afférent à votre grade, particulier aux chevaliers de cet Ordre, et d’en porter l’insigne, savoir : une croix d’or de grand modèle, octogone, blanche à sa superficie, portant en son milieu l’image de saint Sylvestre Pape, suspendue autour du cou par un ruban de soie rouge et noire, rouge à ses extrémités, pour qu’il ne puisse se produire quelque différence, tant le port de l’habit que dans celui de la croix, nous avons ordonné de vous transmette le modèle ci-joint. Fait à Rome à St Pierre, sous l’anneau du pêcheur, le 4 mars 1912, en la neuvième année de notre pontificat93. »
55Si le monde catholique ne fut pas unanime sur la question romaine, s’il y eut en particulier des courants d’opposition à la doctrine intransigeante et au pouvoir absolu du pape, il n’en demeure pas moins que la politique du Saint-Siège durant la seconde moitié du xixe siècle eut des répercussions dans toute la catholicité et une influence considérable sur le développement de la sculpture religieuse d’édition et sur sa diffusion à l’international. La papauté, et en premier lieu Pie IX, a joué un rôle déterminant dans la mise en réseau mondiale du catholicisme et dans l’internationalisation de l’art sacré, une dynamique à laquelle les éditeurs français ont été associés. Remède à la perte de la foi et aux erreurs des temps modernes, la dévotion a été encouragée de multiples manières par Rome, entretenant une demande en statues dans le monde entier. Chacun à leur façon, Pie IX et Léon XIII ont réaffirmé l’importance des supports visuels de dévotion dans l’idée de ne pas parler seulement à l’esprit mais aussi au cœur des fidèles grâce aux images. Ils se sont appuyés notamment sur la statuaire d’édition pour étendre et maintenir leur pouvoir spirituel, soutenant l’industrialisation de l’art religieux. Vecteur de diffusion de la politique romaine, les statues furent également des instruments au service des catholiques pour exprimer leurs convictions et leur foi, comme ce fut le cas par exemple en France au début du xxe siècle, dans le contexte des lois de laïcisation et de la Grande Guerre.
Notes de bas de page
1 Les odeurs ultramontaines, Paris/Bruxelles, Librairie internationale/Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1867. Sur Michon, voir C. Savart, L’Abbé Jean-Hippolyte Michon (1806-1881). Contribution à l’étude du libéralisme catholique au xixe siècle, Paris, Belles lettres, 1971.
2 L. Veuillot, Les odeurs de Paris, Paris, Palmé, 1867.
3 Michon définit le gallicanisme comme le refus de « la suprématie absolue des papes dans l’ordre spirituel et leurs prétendus droits, soit directs, soit indirects, sur le temporel des empires » (Les odeurs ultramontaines, op. cit., p. 160).
4 Ibid., p. 1.
5 P. Boutry, « Papauté et culture… », art. cité. Comme le souligne Philippe Boutry, le terme ultramontanisme n’est pas neutre et a souvent une connotation polémique, c’est le cas ici avec Michon qui l’oppose au gallicanisme. Il peut également véhiculer la notion d’intransigeance par opposition au libéralisme. Sur le débat entre gallicanisme et ultramontanisme, voir P. Boutry, « La romanisation du clergé… », art. cité ; V. Petit, « Clergé romain, évêque gallican. La guérilla liturgique au sein du catholicisme français au milieu du xixe siècle », Mélanges de l’École française de Rome, t. 120, no 1, 2008, p. 223-234.
6 Les odeurs ultramontaines, op. cit., p. 236.
7 Ibid.
8 G. Capitelli, Mecenatismo pontificio…, op. cit. ; G. Capitelli, S. Grandesso et C. Mazzarelli (dir.), Roma fuori di Roma. L’esportazione dell’arte moderna da Pio VI all’Unità (1775-1870), Roma, Campisano, 2013.
9 M. Lagrée, La bénédiction de Prométhée…, op. cit. ; M. Lagrée, Religion et modernité. France, xixe et xxe siècles, Rennes, PUR, 2003. Dans La bénédiction de Prométhée, Michel Lagrée évoque succinctement les techniques d’impression et de duplication de l’image imprimée, montrant que celles-ci ont été accueillies favorablement par l’Église.
10 T. Caliò, « Corpi santi e santuari a Roma nella seconda Restaurazione », dans A. Volpato (dir.), Monaci, ebrei, santi. Studi per Sofia Boesch Gajano, Roma, Viella, 2008, p. 305-373 ; G. Capitelli, Mecenatismo pontificio…, op. cit. ; D. Menozzi, « Rappresentazioni del religioso… », art. cité ; D. Menozzi, Il potere delle devozioni. Pietà popolare e uso politico dei culti in età contemporanea, Roma, Carocci, 2022.
11 T. Caliò, « Corpi santi e santuari… », art. cité, p. 306.
12 Ibid., p. 307. Voir également B. Horaist, La dévotion au pape et les catholiques français sous le pontificat de Pie IX (1846-1878), Rome, École française de Rome, 1995.
13 Sur ce dogme, voir notamment C. Langlois, « L’infaillibilité, une idée neuve au xixe siècle », dans Le continent théologique. Explorations historiques, Rennes, PUR, 2016, p. 51-62.
14 Sur cette opposition, voir S. Milbach, « Catholicisme intransigeant et catholicisme libéral au xixe siècle », dans A. Tallon et C. Vincent (dir.), Histoire du christianisme en France, Paris, Armand Colin, 2014, p. 341-360.
15 Sur le Syllabus, voir notamment C. Langlois, « Contextualiser et lire le Syllabus », dans Le continent théologique…, op. cit., p. 63-82.
16 D. Menozzi, « Contro la modernità politica : l’Immacolata Concezione di Maria », Annuario di teologia politica, 2014, p. 149-176.
17 « 1. Rassembler les principales erreurs de notre temps ; 2. les ordonner logiquement ; 3. rappeler leurs principes ; 4. établir les antithèses et les vrais opposés ; 5. former un symbole orthodoxe contre l’hétérodoxie d’aujourd’hui ; 6. déterminer comment relier ce symbole à la définition de l’Immaculée Conception. » (Ibid., p. 154.)
18 D. Menozzi, « Un patrono per la Chiesa minacciata dalla Rivoluzione. Nuovi significati del culto a san Giuseppe tra Otto e Novecento », Rivista di storia del cristianesimo, no 1, 2005, p. 39-68.
19 Le décret Quemadmodum Deus, le 8 décembre 1870, proclame saint Joseph Patron de l’Église universelle. Le décret Inclytum Patriarcham, le 7 juillet 1871, lui reconnaît le droit à un culte supérieur à celui des autres saints.
20 Arte Sacra, Turin, Roux, Frassati et Cie, 1898, p. 153.
21 Voir par exemple, pour la dévotion au Sacré-Cœur, D. Menozzi, Sacro Cuore. Un culto tra devozione interiore e restaurazione cristiana della società, Rome, Viella, 2001.
22 Pour l’Amérique du Sud, voir en particulier F. J. Ramón Solans, Más allá de los Andes. Los orígenes ultramontanos de una Iglesia latinoamericana (1851-1910), Bilbao, Universidad del País Vasco, 2020.
23 Sur ce sujet, voir en particulier A. Hérisson, Les catholiques français face à l’unification italienne (1856-1871) : une mobilisation internationale de masse entre politique et religion, thèse d’histoire, dir. P. Boutry et G. Pécout, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2018.
24 A. Hérisson, « Le Pape ou l’Empereur ? L’attitude des catholiques français face aux autorités spirituelle et temporelle au moment de l’unification italienne (1859-1861) », Page 19, no 4-5, 2016, p. 21-31.
25 La défense des intérêts du pape n’était pas uniquement le fait des catholiques intransigeants, comme l’a montré notamment A. Hérisson dans « Défendre Pie IX mais s’opposer à Veuillot. Les catholiques libéraux français face à la question romaine », dans O. Andurand et A. Pialoux (dir.), Les forces de la modération. Ligne politique ou accommodements raisonnés dans les crises politico-religieuses européennes (xvie-xixe siècles) ?, Berlin, Peter Lang, 2020, p. 293-310.
26 G. Capitelli, Mecenatismo pontificio…, op. cit. ; G. Capitelli, S. Grandesso et C. Mazzarelli (dir.), Roma fuori di Roma…, op. cit.
27 H. de Riancey, « L’Exposition universelle des arts et de l’industrie », art. cité, p. 56-57.
28 C. Lévêque (dir.), Exposition universelle 1867…, op. cit.
29 G. Capitelli, « L’archeologia cristiana al servizio di Pio IX : “la catacomba in fac-simile” di Giovanni Battista De Rossi all’Esposizione Universale di Parigi del 1867 », dans A. Coscarella et P. de Santis (dir.), Martiri, santi, patroni : per una archeologia della devozione, Cosenza, Università della Calabria, 2012, p. 555-566 ; M. Forti, F. Guth et R. Pagliarani (dir.), Attraversare la storia, mostrare il presente. Il Vaticano e le Esposizioni Internazionali (1851-2015), Città del Vaticano/Milan, Edizioni Musei Vaticani/ORE, 2016.
30 Le Concile œcuménique de 1869-1870 illustré, Lyon/Paris, Casterman/Bouquerel, 1870, p. 208.
31 L. Veuillot, Rome pendant le Concile, t. 1, Paris, Palmé, 1872, p. 238.
32 Le Concile œcuménique…, op. cit., p. 262.
33 A. Hérisson, « Catholicisme intransigeant, progrès technique et modernité politique au milieu du xixe siècle. La dystopie d’un “monde sans le pape” chez Juan Donoso Cortès et Louis Veuillot », dans Le xixe siècle au futur, actes du VIIe congrès de la SERD, 19-22 janvier 2016 [https://serd.hypotheses.org/2168].
34 La Congrégation des Rites s’est par exemple longtemps opposée à l’usage de la stéarine à la place de la cire d’abeille pour les cierges, ou à celui du coton en remplacement du lin pour le linge sacré. Voir à ce sujet les ouvrages de Michel Lagrée cités précédemment.
35 Sur les rapports entre religion et modernité, voir, outre les publications de Michel Lagrée, S. Gilley, « Varieties of Ultramontanism », dans J. De Maeyer et L. Verpoest (dir.), Gothic Revival…, op. cit., p. 122, et S. K. Kaufman, Consuming Visions…, op. cit.
36 F. Dupanloup, Lettre sur le futur Concile œcuménique adressée par Mgr l’Évêque d’Orléans au clergé de son diocèse, Paris, Douniol, 1868, p. 16.
37 Le Concile œcuménique…, op. cit., p. 209.
38 Ibid., p. 210.
39 C. L. de Clèves, L’Exposition romaine, Bruxelles/Paris, Devaux et Cie/Palmé, 1870, p. 20.
40 F. Guth, « The International Exhibitions Organized by the Holy See: from the Exposition of 1870 to the Esposizione mondiale della stampa cattolica of 1936 », dans M. Forti, F. Guth et R. Pagliarani (dir.), Attraversare la storia…, op. cit., p. 57-91.
41 G. Capitelli, Mecenatismo pontificio…, op. cit., p. 60.
42 C. L. de Clèves, L’Exposition romaine, op. cit., p. 11-12.
43 Le règlement est reproduit dans Le Concile œcuménique…, op. cit., p. 209.
44 Ibid., p. 263.
45 Ibid., p. 209.
46 Ibid., p. 259.
47 Catalogo degli oggetti ammessi alla Esposizione Romana del 1870 relativa all’arte cristiana e al culto cattolico nel chiostro di Santa Maria degli Angeli alle Terme Diocleziane ordinata dalla Santità di Nostro Signore Papa Pio IX felicemente regnante, Rome, Stabilimento Tipografico Camerale, 1870.
48 Le Concile œcuménique…, op. cit., p. 210.
49 C. L. de Clèves, L’Exposition romaine, op. cit., p. 166.
50 Catalogo degli oggetti…, op. cit., p. 139, 142, 144-145, 147-148. D’autres exposants présentaient des statuettes, notamment de nombreux ivoiriers dieppois.
51 X. Barbier de Montault, L’archéologie et l’art chrétien à l’Exposition religieuse de Rome en 1870, Arras, Imprimerie de la société du Pas-de-Calais, 1877, p. 51.
52 X. Barbier de Montault, « L’Exposition religieuse à Rome », Revue du monde catholique, no 61, 1870, p. 913.
53 Le Concile œcuménique…, op. cit., p. 259.
54 C. L. de Clèves, L’Exposition romaine, op. cit., p. 161.
55 Le Concile œcuménique…, op. cit., p. 263.
56 Ibid., p. 211.
57 Ibid., p. 214.
58 Ibid., p. 264.
59 « Je bénis vos arts, vos industries, votre commerce, vos personnes » (ibid., p. 262).
60 Pierre-Alexandre Gaspard est le prédécesseur de Louis Chovet. Il était éditeur de peintures religieuses, en particulier de chemins de croix, puis son successeur a étendu les activités de l’entreprise à la sculpture. Le magasin était situé 1, puis 19, rue Madame, à Paris, avant de déménager 12, rue du Vieux-Colombier.
61 À Nosseigneurs les Évêques…, op. cit., p. 2.
62 Sur la dévotion au pape, voir B. Horaist, La dévotion au pape…, op. cit.
63 En photographie principalement. Pie IX fit également circuler en Amérique latine des portraits peints.
64 La Croix, 9 août 1889, n. p.
65 Mosaïque réalisée par l’atelier Guilbert-Martin entre 1918 et 1922.
66 Le 7 février 1878. L’exposition ouvrit le 1er mai.
67 É. Bergerat (dir.), Les chefs-d’œuvre d’art…, op. cit., p. 104.
68 J. Drouais, « Exposition universelle… », art. cité, p. 2.
69 Sur la dévotion à Notre-Dame du Sacré-Cœur et son iconographie, voir P. Carminati, « La fabrique des dévotions… », art. cité.
70 Le tableau est aujourd’hui conservé dans l’église Sant’Andrea della Valle.
71 J. Chevalier, Notice sur l’association en l’honneur de Notre-Dame du Sacré-Cœur, Bourges, Pigelet, s. d. (1864).
72 E. Driedonkx, « La statua di Nostra Signora del S. Cuore nella cappella della Curia generale a Roma », Dehoniana, no 3, 2001, p. 63-67.
73 « Lettre de la S. Congrégation de l’Inquisition », Nouvelle revue théologique, t. 7, 1875, p. 205-208.
74 Art chrétien. Catalogue général…, op. cit., p. 67.
75 « Statue de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Jésus », L’Univers, 19 octobre 1875, n. p.
76 L’un d’eux est conservé aux Archives départementales de l’Aube, 56J/68, dossiers iconographiques.
77 Par exemple dans La France illustrée. Journal littéraire, scientifique et religieux, 3e année, no 105, 1876, p. ccxii.
78 J. Drouais, « Exposition universelle… », art. cité, p. 2.
79 X. Barbier de Montault, L’archéologie et l’art chrétien…, op. cit., p. 54.
80 « La statue vaticane de S. Pierre à Paris », L’Univers, 18 janvier 1882, n. p.
81 Ibid.
82 « Fête des saints apôtres Pierre et Paul », L’Univers, 3 juillet 1883, n. p.
83 Froc-Robert. Statues religieuses…, op. cit.
84 I. Guédon, Laval et ses environs…, op. cit., p. 46.
85 Sur ce Jubilé, voir J.-M. Ticchi, « Le Jubilé pontifical de 1888. Un exemple de l’interaction entre Question romaine, diplomatie vaticane et dévotion de masse au pape », dans V. Viaene (dir.), The Papacy and the New World Order. Vatican Diplomacy, Catholic Opinion and International Politics at the Time of Leo XIII, Bruxelles/Rome, Institut historique belge de Rome, 2005, p. 225-248.
86 « Nouvelles diverses », Journal des débats, 7 novembre 1887, n. p. ; « Diocèses de France (Revue des Semaines et des journaux) », La Semaine religieuse du diocèse de Rouen, 12 novembre 1887, p. 1107-1108.
87 L’Exposition vaticane illustrée, Rome, Bianchi, 1888.
88 Arte Sacra, op. cit., p. 153.
89 « Cronaca Contemporanea », art. cité, p. 102.
90 Voir B. Dumons, « La “romanisation” des élites catholiques françaises au xixe siècle. Ordres et décorations du Saint-Siège », dans B. Dumons et G. Pollet (dir.), La Fabrique de l’honneur. Les médailles et décorations dans la France, xixe-xxe siècles, Rennes, PUR, 2009, p. 85-97.
91 O. de Poli, Livre d’or du Comité international des ordres équestres pontificaux, Paris, s. n., 1889.
92 Lettre du 20 juillet 1892 (bibliothèque historique de la ville de Paris, Actualités, Série 120, Objets d’art).
93 Archives privées.
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