Chapitre VII. Sous le signe de la Vierge
p. 197-220
Texte intégral
1À l’issue de la Révolution, l’Église catholique de France est fragilisée et doit se reconstruire1. Le clergé, qui garde un souvenir douloureux de l’expérience révolutionnaire, a le sentiment d’avoir à regagner l’influence perdue, sentiment corroboré par les grandes enquêtes pastorales qui confirment une baisse générale de pratique dans la population française. Les autorités religieuses s’investissent dès lors dans une entreprise de rechristianisation de la société et s’attachent à la reconquête des âmes, par le biais notamment de la promotion de nouvelles dévotions, par la relance des pèlerinages ou encore l’authentification d’apparitions surnaturelles, qui rencontrent un large écho chez les fidèles. Pour servir cet objectif, elles mobilisent différents supports visuels et en encouragent la propagation.
2La première moitié du siècle est marquée en particulier par l’italianisation progressive de la piété française. La dévotion aux saints des catacombes telle sainte Philomène2, la « redécouverte » du Christ3, l’introduction de la dévotion au chemin de croix4 sont quelques-uns des signes d’un « mouvement vers Rome5 » de la part du clergé français qui voit de plus en plus le pape comme le garant du pouvoir de l’Église catholique face à un État qui maintient celle-ci sous sa tutelle dans le cadre du Concordat. C’est également par l’influence des idées romaines que s’étend la pratique du mois de Marie en France6, accompagnant un renouveau marial marqué notamment par la diffusion du culte de l’Immaculée Conception7. De grandes dates jalonnent les progrès de ce culte au xixe siècle, parmi lesquelles on peut distinguer les apparitions de la Vierge rue du Bac en 1830, la proclamation du dogme en 1854 et les apparitions de la Vierge à Lourdes en 18588. À chacune de ces étapes, la promotion de cette dévotion par l’Église s’est appuyée sur de nouvelles images qui ont été diffusées par les éditeurs d’objets d’art religieux, déclinées sur de multiples supports tels que peintures, sculptures, gravures, médailles, vitraux, bannières, etc.9.
3Les historiens ont montré que le succès rapide et général des nouvelles dévotions devait beaucoup aux progrès de l’imprimerie et de la lithographie10. L’édition de sculptures y a également contribué et se révèle un biais intéressant pour préciser les processus de diffusion de ces dévotions. Ce chapitre voudrait en particulier mettre en évidence les liens entre dynamisme dévotionnel, foisonnement iconographique et multiplication des statues à travers l’exemple de la dévotion à l’Immaculée Conception, dont les principales étapes croisent celles du développement de l’édition de sculptures. En suivant la progression de cette dévotion, il s’agit également de mettre en lumière le soutien de l’Église à tous les échelons pour diffuser les représentations de l’Immaculée Conception, depuis le clergé paroissial jusqu’au pape, en passant par les évêques et les responsables des sanctuaires de pèlerinage.
Le succès de la médaille miraculeuse
4Si toutes les nouvelles dévotions constituent des moteurs d’acquisition de statues, l’essor considérable de la dévotion à l’Immaculée Conception, jusqu’alors peu répandue en France, a peut-être tout particulièrement contribué au développement d’une production en série de sculptures tant la demande semble avoir été importante. Étroitement lié à l’apparition de la Vierge rue du Bac et à la diffusion de la « médaille miraculeuse », le succès de cette dévotion à partir des années 1830 inaugure un renouvellement de l’iconographie mariale et propage une représentation encore peu fréquente en France : la Vierge seule, sans l’Enfant Jésus, debout sur un globe et écrasant un serpent.
De l’apparition à l’édition
5La médaille connue sous le nom de « médaille miraculeuse » a été créée en 1832 à la demande de Catherine Labouré, Fille de la Charité rue du Bac à Paris, à qui elle aurait été révélée lors d’une vision survenue en novembre 183011. Le confesseur de la religieuse, Jean-Marie Aladel, rapporte :
« Vers la fin de l’année 1830, une personne me fit part d’une vision qu’elle eut, me dit-elle, dans l’oraison. Elle avait vu, comme en tableau, la sainte Vierge telle qu’elle est représentée d’ordinaire sous le titre d’Immaculée Conception, en pied et tendant les bras ; il sortait de ses mains des rayons d’un brillant qui la ravissait, et elle entendit ces paroles : Ces rayons sont le symbole des grâces qu’elle obtient aux hommes. Autour de cette image, elle lisait en caractères d’or cette petite invocation : Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. Lorsqu’elle eut considéré ce tableau quelques momens, il se retourna, et au revers elle vit la lettre M surmontée d’une croix, et au-dessous les SS. CC. de Jésus et de Marie. Alors la voix se fit entendre de nouveau et lui dit : Il faut faire frapper une médaille sur ce modèle, et les personnes qui la porteront indulgenciée, et feront avec piété cette petite prière, jouiront d’une protection toute spéciale de la Mère de Dieu12. »
6Lorsque la médaille fut frappée en juin 1832 par le bijoutier parisien Vachette, aucune information n’était encore publiée sur ce qu’elle représentait, ni sur les raisons de sa diffusion13. Elle fut dans un premier temps donnée par Aladel aux Filles de la Charité qui la transmirent à leurs malades alors que le choléra faisait rage dans Paris. Guérisons et conversions se multiplièrent dans son sillage. Les 1 500 premiers exemplaires de la médaille furent rapidement écoulés ; Vachette puis d’autres bijoutiers en éditèrent de nouvelles, suivant des modèles légèrement différents. Dès 1834, elle était qualifiée de « médaille miraculeuse ».
7Il faut attendre deux ans après la première frappe pour que soient publiées les premières notices dévoilant des informations sur la médaille, sans toutefois révéler l’identité de la voyante. Le tout premier récit publié est une lettre d’Aladel à l’abbé Le Guillou, prêtre du diocèse de Quimper, qui parut en avril 1834 dans son ouvrage Mois de Marie14. Cette publication fut suivie quatre mois plus tard d’une notice rédigée par Aladel, intitulée Notice historique sur l’origine et les effets de la nouvelle médaille frappée en l’honneur de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, et généralement connue sous le nom de médaille miraculeuse15. Ces deux publications ne comportaient pas d’illustrations, mais Aladel, dans la troisième édition de sa notice parue en novembre 1834, annonçait la préparation d’un tableau : « Un peintre habile s’occupe en ce moment de faire un tableau représentant la vision de la médaille. Dans quelques mois il sera terminé et lithographié de manière à ce qu’on puisse livrer la lithographie au public16. » On comprend ici que la peinture a été commandée dans la perspective de l’édition d’une lithographie et d’une large diffusion. Peinture et lithographie étaient prêtes l’année suivante et annoncées dans la réédition de la Notice en mars 1835 :
« La lithographie faite sur le tableau représentant la vision de la médaille, l’église où elle eut lieu et toutes les autres circonstances qui l’accompagnèrent, se trouve à la même adresse que la Notice […]. On y trouve aussi, en petit, la gravure du même sujet. L’une et l’autre de la main d’artistes très distingués17. »
8La gravure en question fut publiée pour la première fois dans la sixième édition de la Notice, en mars 1836 (fig. 60). Entre-temps était paru également un petit dépliant anonyme relatant en images l’apparition et les premiers miracles. Notices et images s’ajoutèrent donc très vite aux médailles pour en faire la publicité et la diffusion de celles-ci s’accrut dès lors significativement. De nombreux bijoutiers se mirent à en frapper et différents modèles circulaient. À l’automne 1834, plus de 500 000 médailles étaient déjà vendues ; en 1835, plus d’un million. En 1839, la médaille était répandue à plus de dix millions d’exemplaires dans le monde entier, 100 millions en 1842.
Fig. 60. – Apparition de la Vierge à Catherine Labouré, gravure d’après le tableau de Lecerf, 1835.

9Dans son récit, Jean-Marie Aladel prenait soin d’indiquer que la Vierge Marie était apparue « telle qu’elle est représentée d’ordinaire sous le titre d’Immaculée Conception, en pied et tendant les bras ». En effet, la représentation de la Vierge debout et bras ouverts n’était pas neuve en 1830. Elle était notamment présente depuis longtemps à travers l’iconographie de la Vierge de Miséricorde18. Aux xviie et xviiie siècles, Marie apparaît également bras ouverts sous le titre d’Immaculée Conception, avec le serpent sous son pied, en particulier en Espagne où cette dévotion était très vive19. Cette représentation est toutefois bien moins répandue dans l’art espagnol de la Contre-Réforme que celles de la Vierge les mains jointes ou croisées sur la poitrine, telles que les a déclinées Murillo par exemple. En France, l’œuvre la plus célèbre dans la seconde moitié du xviiie siècle et au début du xixe semble avoir été la sculpture d’Edme Bouchardon créée en 1735 pour l’église Saint-Sulpice à Paris. Des estampes en avaient popularisé l’image et cette sculpture, détruite à la Révolution et remplacée par une réplique réduite en 183220, est généralement considérée comme le modèle direct de la médaille21. Bien que la Vierge de la médaille présente en effet des points communs avec l’œuvre de Bouchardon, elle s’en différencie néanmoins par le globe sur lequel elle repose, le serpent, les rayons qui s’échappent de ses mains, et jusqu’à son titre d’Immaculée Conception22. Il serait donc plus exact de la considérer comme une combinaison de diverses représentations adaptée au récit de Catherine Labouré. Or cette adaptation est en elle-même révélatrice d’une évolution dans la réception des apparitions mariales et fait de l’iconographie de la médaille une représentation originale.
10Si Aladel a tenu à souligner dans chacun de ses récits que la Vierge était apparue « telle qu’elle est représentée d’ordinaire sous le titre d’Immaculée Conception », c’est peut-être aussi qu’il souhaitait volontairement minimiser la part de nouveauté de la médaille, notamment par rapport aux autorités religieuses chargées de contrôler les innovations iconographiques. En effet, au-delà d’apparentes similitudes formelles et thématiques, la Vierge de la médaille miraculeuse se distingue des représentations antérieures par le fait qu’elle n’est pas seulement une représentation de l’Immaculée Conception, mais qu’elle est aussi la représentation d’une apparition bien précise, d’un événement dont la date est rappelée sur les médailles et dont elle conserve la mémoire. De surcroît, rue du Bac, c’est la Vierge elle-même qui demande de reproduire sur une médaille le « tableau » dans lequel elle apparaît : l’iconographie de la médaille atteste donc le phénomène de l’apparition. L’apparition de la Vierge n’est pas en soi une nouveauté et n’est pas propre au xixe siècle23, en revanche le souci de représenter Marie d’après le récit de la voyante rompt avec le traitement général des apparitions aux siècles précédents24. L’iconographie de la médaille renvoie à un contexte précis : une date, un lieu, un message et un protagoniste, la voyante, certes anonyme mais représentée dès 1834, clairement identifiée par son costume comme une Fille de la Charité. Ce nouveau rapport est manifeste dans le tableau réalisé en 1835 sous la direction d’Aladel. Ce tableau représente à la fois l’apparition et la voyante en train de voir la Vierge, avec un souci marqué de représenter fidèlement le lieu de l’apparition « et toutes les autres circonstances qui l’accompagnèrent », faisant preuve d’une factualité qui caractérise la réception des apparitions au xixe siècle. Le binôme voyant-Vierge prenait ici une importance nouvelle ; avec les apparitions de La Salette (1846) et Lourdes (1858), les jeunes voyants seraient au cœur du fonctionnement de la représentation. Si, rue du Bac, le lieu de l’apparition ne faisait pas encore l’objet de pèlerinage et si l’identité de la voyante demeurait inconnue, la factualité et l’importance du récit du voyant, l’élaboration d’une iconographie spécifique et la publicité qui était faite autour de cette vision surnaturelle témoignent bien d’une transition entre le « modèle tridentin » et le « modèle attestataire » de réception des mariophanies tels que les a définis Philippe Boutry.
11Ce caractère novateur n’a pas échappé au Saint-Siège et l’iconographie de la médaille a très tôt fait débat. La question de sa convenance fut en effet soulevée dès 1836 lorsque des religieux napolitains firent la demande de placer sur l’autel principal de leur église une image de l’Immaculée Conception, « de la forme indiquée par la médaille frappée à Paris en 183025 ». La Congrégation des Rites leur opposa un refus pour le motif que l’image de la médaille miraculeuse était nouvelle, insolite, non approuvée, et différente de l’image par laquelle on représentait traditionnellement l’Immaculée Conception26. Elle permit néanmoins que cette image soit placée dans les églises avec l’accord des évêques, sauf sur les maîtres-autels. Sans être proscrite, l’iconographie de la médaille ne reçut donc pas l’approbation officielle du Saint-Siège et cette interdiction ne fut levée qu’en 187727. La représentation de Notre-Dame de La Salette rencontra la même opposition temporaire, signe que ce nouveau mode attestataire posait problème à Rome.
De la médaille à la sculpture
12En dépit des limitations toutes relatives imposées par la Congrégation des Rites28, médailles, iconographie et formule de prière se propagèrent dans toute la catholicité et furent associées à de nombreux phénomènes miraculeux29. La dévotion à l’Immaculée Conception, en plein essor en France dans les années 1830, se diffusa à travers cette nouvelle iconographie, qui s’imposa pour représenter ce mystère encore non défini comme dogme de foi. L’un des promoteurs les plus actifs de la médaille miraculeuse en France fut Mgr de Quélen, archevêque de Paris, qui cherchait à développer la croyance en l’Immaculée Conception dans l’espoir que celle-ci favorise la relance du culte. Mgr de Quélen encourageait la diffusion de la médaille dans un mandement de 1836 : « Nous exhortons les fidèles à porter sur eux la Médaille frappée depuis quelques années en l’honneur de la Très Sainte Vierge, et à répéter souvent cette prière gravée au-dessus de l’image : Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous30. » En 1838 et 1839, il adressa plusieurs suppliques au pape Grégoire XVI pour solenniser la fête de l’Immaculée Conception dans son diocèse et ajouter aux Litanies de la Vierge une invocation à l’Immaculée Conception, comme l’avait fait quatre ans plus tôt l’archevêque de Séville. Chaque autorisation accordée par Rome était solennellement annoncée aux Parisiens. Dans un mandement du 24 juin 1839, Mgr de Quélen se réjouissait de ces progrès :
« Désormais, dans ce diocèse, il n’y aura pas une paroisse, pas une chapelle, pas le plus modeste oratoire, pas une communauté ecclésiastique ou religieuse, pas une pieuse solitude, pas une fervente retraite, pas une famille où l’on se réunit le matin et le soir pour prier en commun, pas un lieu d’oraison le plus retiré, soit à la ville, soit à la campagne, qui ne redise le premier des privilèges de Marie, celui de sa Conception sans tache31. »
13Le journal L’Ami de la religion se faisait l’écho de démarches similaires entreprises par de nombreux évêques français. À la suite de Mgr de Quélen, les mandements se multiplièrent qui recommandaient « aux curés, prédicateurs et autres exerçant le ministère, de propager, autant qu’ils le pourront, la dévotion à Marie Immaculée dans sa conception32 ». Des paroisses furent consacrées à l’Immaculée Conception, comme celle d’Ars par Jean-Marie Vianney en 1836 ; des confréries en l’honneur de la Vierge furent fondées, telle la confrérie de Notre-Dame des Victoires en l’honneur du Saint et Immaculé Cœur de Marie, créée en 1836 et érigée en archiconfrérie en 1838, dont chaque associé devait porter sur lui la médaille miraculeuse ; les écoles, les couvents et les églises se dotèrent de supports visuels propres à soutenir cette dévotion. Dans ce contexte, la représentation mariale de la médaille miraculeuse se répandit largement. L’imagerie comme la statuaire participèrent pleinement à cet élan dévotionnel et s’ajoutèrent aux millions de médailles pour en propager l’iconographie.
14Le clergé commanda à partir des années 1830 des statues et des tableaux selon le type de la médaille afin de répandre la dévotion à la Vierge immaculée. Les œuvres précisément datées permettent de poser quelques jalons de cette diffusion. Ces représentations faisaient parfois explicitement référence à la médaille – par le rappel de la forme ovale, des miracles, des rayons, du monogramme ou encore de la formule de prière –, ou bien ne présentaient que la figure de Marie, debout sur un demi-globe, écrasant le serpent et les bras ouverts. Les rappels formels de la médaille n’étaient pas toujours présents, notamment en sculpture où ils étaient techniquement plus difficiles à rendre. À Ars, pour la chapelle de l’Immaculée Conception, Jean-Marie Vianney fit en 1835 l’acquisition d’une statue en bois doré représentant la Vierge de la médaille, avec des rayons s’échappant de ses mains33. En 1836 et 1837, le sculpteur Charles-Jean Avisseau réalisa pour des églises en Touraine deux statues en terre cuite du même modèle, sans les rayons34. En 1838 et 1839, Mgr de Quélen commanda plusieurs statues au bronzier Choiselat qui avait réalisé en 1832 la réplique de la sculpture de Bouchardon pour l’église Saint-Sulpice35. À cette occasion, Choiselat adapta son modèle et lui ajouta globe et serpent, marquant ainsi clairement le déplacement de la référence de Bouchardon à la médaille. Ces quelques exemples n’étaient pas à proprement parler des œuvres d’édition même si elles se référaient à un modèle commun. Mais, au même moment, se développait une production de série, obtenue par le moulage, comme en témoignent les catalogues et publicités des fabricants qui, après 1832, commercialisaient tous un modèle de « Vierge immaculée », c’est-à-dire la Vierge Marie sans l’Enfant Jésus, vêtue d’une robe serrée à la taille et d’un manteau, debout sur un globe écrasant le serpent et les bras ouverts. C’est le cas par exemple dans le catalogue de Romagnesi à la fin des années 1830 et dans celui de la société Berthommé, Pellet et Cie spécialisée dans les sculptures en ciment romain, au commencement des années 1840. Solon proposait dès le début de son activité, en 1844, un modèle de Vierge immaculée qu’il mettait particulièrement en valeur dans sa réclame au moyen de grandes capitales en gras36 (fig. 61). En 1846, Choiselat proposait lui aussi dans son catalogue ce modèle de série, en ronde-bosse et en bas-relief, en plusieurs dimensions et finitions, signe d’une demande importante37. Ce modèle était même le seul que le bronzier fabriquait au-delà de 60 cm et qu’il illustrait par une gravure.
Fig. 61. – J. F. Solon, Vierge Immaculée, carton-pierre, église de Tourgéville.

© Pauline Carminati.
15La promotion par le clergé de la dévotion à l’Immaculée Conception et la popularité de la médaille miraculeuse s’accompagnèrent d’une profusion d’images gravées, peintes ou sculptées représentant la Vierge immaculée. Grâce à l’édition et au moulage, les statues de ce type connurent une multiplication rapide et se répandirent largement. Quelques années seulement après la frappe de la première médaille, plusieurs mentions témoignent de l’importante diffusion en France de cette iconographie, une diffusion qui, malgré quelques cas antérieurs aux années 1830, apparaît essentiellement stimulée par le succès de la médaille miraculeuse38.
Définition dogmatique et inventivité mariale
16Le renouvellement de l’iconographie mariale inauguré avec la médaille miraculeuse et la diffusion des sculptures religieuses d’édition franchirent une étape supplémentaire avec la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Témoins de l’« inventivité mariale39 » qui accompagna cette promulgation, les représentations de la Vierge « conçue sans péché » se diversifièrent significativement dans le répertoire des éditeurs après 1854. Parmi elles, un certain nombre trouvent leur origine dans le mécénat artistique du pape en lien avec la définition dogmatique, ainsi que dans les débats des archéologues auxquels celle-ci donna lieu.
Le dogme de l’Immaculée Conception en images
17Le « mouvement vers Rome » du clergé français au cours de la première moitié du xixe siècle, évoqué plus haut à travers l’adoption progressive de formes de piété italiennes, se manifesta également par une consultation de plus en plus fréquente des autorités romaines. « Jamais en France et dans tout le monde catholique l’autorité du Saint-Siège n’a été plus incontestée et plus amoureusement proclamée », déclarait Montalembert en 185240. Cette consultation est particulièrement sensible au sujet de l’Immaculée Conception. Dans les années 1830, comme on vient de le voir, un grand nombre de suppliques furent adressées par les évêques à la Congrégation des Rites pour inclure l’adjectif d’immaculata lors de la fête de la conception de Marie et dans les litanies de la Vierge. En 1840, cinquante-et-un prélats français demandèrent au pape Grégoire XVI de définir la doctrine de l’Immaculée Conception comme dogme de foi. Des démarches furent également effectuées dans toute l’Europe pour solenniser ce culte, tandis que les évêques américains proclamaient en 1846 la Vierge conçue sans péché patronne des États-Unis d’Amérique. Face à ces vives instances, Pie IX prit en 1848 l’avis de théologiens, puis le 2 février 1849 publia l’encyclique Ubi primum pour consulter l’ensemble des évêques du monde catholique. Cette consultation reçut des réponses en grande majorité positives et en 1852 une commission spéciale fut chargée de la rédaction de la bulle. Dès lors le principe du dogme était acquis. Il fut solennellement proclamé le 8 décembre 1854 devant près de deux cents évêques, archevêques et cardinaux, « le plus grand rassemblement de mitres depuis le concile de Trente41 ». Cet événement est fondateur, non seulement pour l’histoire de l’Église catholique, mais aussi pour celle de l’édition d’art religieux en France, qui allait connaître dès lors une expansion considérable.
18La proclamation du dogme de l’Immaculée Conception fut l’occasion pour Pie IX d’affirmer son rôle de guide iconographique en donnant aux évêques réunis à Rome une médaille et une gravure, conçue « d’après un dessin nouveau42 » :
« Le Saint-Père a fait frapper deux cents médailles, destinées à être distribuées aux évêques présents à Rome le 8 décembre. Cette médaille porte l’inscription suivante : “Ex primitiis auri Australiæ, Beatæ Mariæ virgini sine labe Conceptæ Pius IX” et sur le revers, l’emblème de l’Immaculée Conception, avec ces mots : “Honorificentia popu i tui”. […] Sa Sainteté y a ajouté, de plus, une magnifique gravure de l’Immaculée Conception43. »
19Marie y était figurée debout sur un globe, écrasant le serpent, un croissant de lune à ses pieds ; sa tête, entourée d’une couronne d’étoiles, était légèrement inclinée vers le bas et ses mains jointes à hauteur de la poitrine. D’autres papes avant lui avaient approuvé des représentations différentes de ce mystère, mais Pie IX fit le choix de se distinguer de ses prédécesseurs44. Il se démarquait aussi clairement de l’iconographie de la médaille miraculeuse, qui à cette époque s’était pourtant imposée comme la principale représentation de l’Immaculée Conception dans l’imagerie et la statuaire. En prescrivant aux évêques une représentation précise, le pape semblait anticiper les débats à venir sur l’iconographie de l’Immaculée Conception. Il s’adressait aussi, au-delà des évêques, aux éditeurs d’objets d’art religieux dont il n’ignorait pas le rôle essentiel dans la diffusion des iconographies et, par ce biais, des dévotions (fig. 62-63).
Fig. 62. – Médaille de l’Immaculée Conception reproduisant l’image distribuée par Pie IX en décembre 1854.

Fig. 63. – Lemercier, Immaculée Conception de la B.V.M. Reproduction exacte de l’image offerte par Pie IX aux Évêques réunis pour la solennité du 8 Décembre 1854, 1855.

© BnF, Gallica.
20Par son mécénat, Pie IX lia également d’autres représentations à la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Il est en effet à l’origine de deux grands projets destinés à commémorer l’événement : l’érection de la « colonne de l’Immaculée Conception », piazza di Spagna, et la décoration des chambres du Palais du Vatican45. Le projet de la colonne fut arrêté en février 1855 et le monument inauguré le 8 décembre 1857. Une colonne antique découverte en 1777 avait été choisie pour supporter une statue en bronze de Giuseppe Obici figurant l’Immaculée debout sur un globe entouré des quatre évangélistes, symbolisant la victoire de l’Église sur le paganisme. La Vierge était représentée un bras abaissé vers la terre, l’autre élevé vers le ciel où elle portait ses regards. Dans le même temps, Pie IX chargea Francesco Podesti de peindre pour le Palais du Vatican un cycle de scènes-clés de la définition du dogme. La scène de la discussion (Discussione intorno al dogma dell’Immacolata Concezione), exécutée en 1863, fut représentée autour d’une statue en marbre de l’Immaculée Conception réalisée par Giovanni Maria Benzoni peu après la proclamation du dogme. La Vierge avait ici les mains croisées et posées à plat sur la poitrine, dans une posture évoquant la célèbre composition de Murillo, dont le tableau L’Assomption de la Vierge venait d’entrer au musée du Louvre en 1852 et allait connaître en France une grande diffusion sous le titre d’Immaculée Conception.
21Plusieurs représentations différentes de l’Immaculée Conception furent donc associées au dogme par Pie IX, qui s’appuyait sur ces images pour diffuser sa doctrine. Les éditeurs en firent immédiatement des reproductions, généralement sous le nom de « Vierge de Rome ». Les gravures et les statues portaient parfois une inscription indiquant la date du 8 décembre 1854, soulignant leur fonction commémorative. Ces nouveaux types iconographiques vinrent ainsi s’ajouter dans le répertoire des éditeurs à l’iconographie mariale de la médaille miraculeuse, dont la diffusion ne se démentit pas après 1854, bien au contraire. En 1856, Solon, avec son sens de la formule coutumier, faisait la promotion de ses statues de « la nouvelle Immaculée de Rome, soit les mains jointes, soit les bras ouverts ou les bras croisés46 ». Les versions sculptées des éditeurs pouvaient parfois être très fidèles aux œuvres de référence, comme par exemple le modèle que Raffl réalisa un peu plus tard d’après la sculpture de Benzoni, ou celui de Froc-Robert d’après l’image offerte par le pape en 1854 (fig. 64). La statue de la colonne fut quant à elle éditée en France par les fondeurs Barbezat et Durenne qui la présentèrent tous deux lors de l’exposition universelle de 1867. Ces éditions en fonte de fer ou en bronze pouvaient être commandées avec une colonne afin d’élever dans sa commune une copie réduite du monument original47. Par la suite, ces iconographies furent régulièrement réutilisées à des fins commémoratives. Ces trois représentations élaborées sous la direction du pape, quoiqu’ayant connu une diffusion moindre que la Vierge de la médaille, étaient encore proposées par les fabricants de statues au début du xxe siècle.
Fig. 64. – Modèle de Vierge de Rome dans le catalogue Froc-Robert, 1885.

© Pauline Carminati.
22La définition du dogme de l’Immaculée Conception eut pour conséquence de renforcer le culte marial et donna un nouvel élan aux commandes de statues. Toutes les paroisses et tous les pays catholiques voulurent célébrer la Vierge en lui élevant des monuments48 et des autels, en couronnant ses statues dans les centres de pèlerinage49. En 1856, Solon annonçait dans L’Ami de la religion :
« M. Solon, Sculpteur, admis et récompensé à l’Exposition universelle de 1855, donne avis au Clergé, qu’en raison de la nouvelle fête de l’Immaculée Conception, de nombreuses demandes lui ayant été faites l’année dernière, il a cru devoir pour 1856, se mettre en mesure de satisfaire à des commandes plus importantes encore. Il vient, en conséquence, d’agrandir ses ateliers et a fait fabriquer à l’avance plus de mille statues de la Vierge. Ces statues, soit pour procession ou pour autel, sont exécutées de toutes grandeurs, dans toutes les poses50. »
23La proclamation du dogme eut également pour effet de déclencher parmi les archéologues un véritable débat sur la manière de représenter l’Immaculée Conception. À leur tour, ces réflexions favorisèrent la diffusion d’iconographies différentes de celle de la médaille miraculeuse, enrichissant le répertoire des éditeurs.
L’iconographie de l’Immaculée Conception en débat
24Alors que la diffusion de l’image mariale de la médaille n’avait jusqu’à présent pas suscité de réaction d’ampleur, la promulgation du dogme généra une série de publications sur l’iconographie de l’Immaculée Conception. Les revues les plus représentatives du mouvement archéologique en France, comme le Bulletin monumental, les Annales archéologiques et la Revue de l’art chrétien, publièrent toutes dans les années suivant le dogme, des articles de débat sur le sujet51. Ces études nourrissaient un double objectif : une érudition historique visant à reconstituer la généalogie de la représentation de l’Immaculée Conception ; et une vocation de guide pour les artistes. La plupart des auteurs appuyaient leur propos sur des exemples tirés du Moyen Âge, qui étaient reproduits en marge de leur texte afin de servir de modèles aux artistes et éditeurs. Mgr Malou, évêque de Bruges, publia en 1856 un ouvrage entièrement dédié au sujet qui fit l’objet d’une recension élogieuse dans les Annales archéologiques :
« Voilà le premier ouvrage savant et sensé qu’on ait écrit sur cette grave question. À l’exception de quelques ecclésiastiques, malheureusement peu instruits, le clergé catholique n’a rien dit encore sur l’iconographie de l’Immaculée-Conception, et il s’en est tenu à ces représentations erronées ou puériles qui sortent de chez nos fabricants d’images ou de chez nos peintres les plus médiocres. Cependant, après la définition et la proclamation du dogme, il fallait qu’une voix autorisée par la science et la position se fît entendre. Cet enseignement donné par Mgr Malou doit donc être reçu avec respect et reconnaissance52. »
25Malou indiquait dans sa préface que « la définition du dogme de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge Marie a fait naître chez les fidèles le désir de posséder des statues, des médailles et des images qui leur rappellent ce beau mystère », mais que les artistes n’avaient jusqu’à présent pas réussi à composer une image répondant aux « principes de l’iconographie chrétienne53 ». Il se proposait donc de « fournir des renseignements utiles au clergé, et une direction aux artistes chrétiens ». Il dressait pour cela une liste des erreurs à ne pas commettre et des règles à suivre pour composer une « image correcte ». Il ne s’agissait pas de proposer un type unique mais d’éviter de « faire naître dans l’esprit des fidèles une notion fausse ou confuse du mystère ». L’iconographie de la médaille était classée dans la catégorie des « images historiques ». L’auteur précisait à son sujet : « Cette attitude ne convient guère aujourd’hui, que dans le cas où l’on veut rappeler l’apparition que la médaille représente. Hors ce cas, il vaut mieux que les mains soient jointes ou modestement croisées sur la poitrine pour signifier le recueillement et la prière54. » Il lui préférait « une représentation symbolique de l’Immaculée Conception », ce qui faisait écho au choix de Pie IX, mais il s’abstenait d’en donner une image précise.
26D’autres publications mettaient en avant une opposition beaucoup plus forte à la Vierge de la médaille qui apparaît comme la cible principale du débat sur l’iconographie de l’Immaculée Conception. Si leurs points de vue différaient, les archéologues étaient unanimes pour affirmer que « c’est par erreur que, de nos jours, on a eu l’idée de représenter l’Immaculée-Conception dans la personne de la Sainte Vierge étendant les mains d’où partent des rayons lumineux55 ». D’après eux, cette iconographie conduisait en effet à une interprétation fautive du dogme défini par Pie IX. Hucher jugeait ainsi que les représentations de la Vierge seule, écrasant le serpent, entretenaient une confusion entre la Conception de Marie et celle du Christ. Selon lui, il fallait « que sainte Anne et saint Joachim [soient] les personnages principaux du mystère56 » et il s’appuyait sur une ancienne représentation pour le prouver. Toutefois, il fut rapidement reproché à cette proposition de ne pas suivre le sens exact du dogme. D’autres savants pointaient du doigt le caractère inhabituel de la représentation de la Vierge sans l’Enfant Jésus. Dans un article paru en 1855, Mgr Barbier de Montault rapportait que « depuis la fête du 8 décembre 1854, les statuettes et tableaux de l’Immaculée-Conception abondent », « suivant le type en vogue », mais que « c’est en iconographie une forme réellement nouvelle57 ». Il rappelait que Marie n’était déclarée « exempte de la tache originelle, qu’en vue des mérites de Jésus-Christ, par conséquent en raison seulement du privilège de sa maternité ». Il était donc plus conforme de représenter l’Immaculée Conception par l’image traditionnelle de la Vierge à l’Enfant, avec le symbole du Mal sous le pied de Marie.
27Développant cette thèse dans un article paru en 1857 dans la Revue de l’art chrétien, l’abbé Auber indiquait les éléments iconographiques qui devaient être réunis pour composer une image correcte58. Il voyait l’illustration et la preuve de ses propos dans une sculpture du xive siècle, aujourd’hui conservée dans l’église Saint-Laud d’Angers :
« De bonnes et compétentes autorités ont pensé avec nous que c’était le type le plus sûr de l’Immaculée Conception de la Mère de Dieu. Cela dit plus, en effet, à notre sens et au leur, que ces différentes poses nouvellement proposées d’une femme qui n’est ni mère, ni reine, ni victorieuse59. »
28Auber encourageait la diffusion de cette iconographie, précisant que la statue angevine avait été moulée et qu’il était possible de s’en procurer des reproductions. En 1896, Mgr Barbier de Montault confirmait que le modèle était intégré au répertoire de certains éditeurs60, ce dont témoignent plusieurs exemplaires en plâtre polychrome identifiés ici et là dans des églises, ainsi que les variantes créées par marcottage présentées dans un catalogue de la manufacture Virebent datant de la fin du siècle61. Cet exemple est particulièrement révélateur de l’influence des archéologues sur le marché de l’édition de sculptures religieuses et il faut sans doute également relier à ce débat sur l’iconographie de l’Immaculée Conception les nombreux modèles contemporains représentant Marie avec à la fois l’Enfant Jésus et le serpent, qui se multiplièrent dans les catalogues commerciaux des éditeurs d’art religieux au cours de la seconde moitié du xixe siècle. Léon Moynet, jamais à court d’explications, indiquait à propos du sien :
« La représentation de la Vierge mère immaculée des nos 141 et suivants, série B, réalise les deux idées qu’on se fait habituellement d’une Vierge mère et d’une Vierge immaculée. Le décret du 8 décembre 1854 a été rendu dans ce sens. En effet, l’unification de ces deux termes complète parfaitement l’idéal que nous devons avoir de la Mère du Sauveur. Bien que la statuaire puisse, aussi bien que la peinture, rendre dans une foule de cas la Vierge sans l’enfant Jésus, il est à remarquer que dans l’antiquité, quand il s’agissait d’ériger une statue de la Vierge, elle n’était jamais sans son divin Enfant62. »
29Malgré la diversité des représentations de l’Immaculée Conception associées par le pape à la promulgation du dogme ou proposées par les savants, l’iconographie mariale de la médaille miraculeuse resta longtemps le support visuel privilégié de cette dévotion. Cette image de Marie dispensatrice de grâces conserva une grande popularité jusqu’à la fin du siècle et l’on pouvait encore lire à son sujet en 1878 :
« Rien n’égale les charmes, la grâce, l’expression de tendresse renfermées dans son attitude, abaissant avec bonté ses regards et ses mains chargées de bienfaits, comme la mère qui invite son petit enfant à se jeter dans ses bras, ou bien encore presse le fils prodigue de se confier à sa médiation miséricordieuse. Cette image de l’Immaculée, multipliée presque à l’infini, conserve une muette éloquence qui ne cesse de remuer les cœurs ; il est toujours vrai de dire que c’est la Vierge miraculeuse63. »
30Cependant, bien que cette représentation ait continué d’être éditée sous forme de statues ou d’images pieuses tout au long du xxe siècle, à la faveur notamment du succès persistant des médailles, des pèlerinages à la chapelle de la rue du Bac et du retentissement de l’Histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux64, les apparitions de Lourdes conduisirent à l’élaboration d’un nouveau type iconographique qui vint concurrencer celui de la médaille miraculeuse comme support de dévotion à la Vierge Immaculée.
Notre-Dame de Lourdes
31L’articulation entre la promotion d’une dévotion, la diffusion d’une iconographie nouvelle et le développement de l’édition, est illustrée de façon encore plus nette avec le cas de Notre-Dame de Lourdes. Le soutien direct des autorités religieuses à la production de masse peut en effet être clairement mis en évidence dans le cadre de ce lieu de pèlerinage géré par l’évêque de Tarbes et les missionnaires que celui-ci avait installés sur place65. Depuis le Moyen Âge, les sites de pèlerinages chrétiens étaient associés à la vente de souvenirs, notamment des statuettes obtenues par un procédé simple de reproduction tel que l’estampage. Cette tradition se poursuivit au xixe siècle et se renforça d’autant plus que les pèlerinages furent relancés sous l’impulsion de Rome66. À Lourdes, la reconnaissance par l’Église des apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous inaugura la mise en place d’un commerce officiel destiné tant à favoriser l’expansion du nouveau culte qu’à financer la construction d’une chapelle. Les responsables du sanctuaire encouragèrent la diffusion de supports de dévotion, s’appuyant sur le développement des techniques de reproduction pour faire éditer photographies, images imprimées, médailles et statues à l’image de l’apparition67.
Une sculpture pour la grotte
32Comme la médaille miraculeuse, l’iconographie de Notre-Dame de Lourdes est issue d’une apparition surnaturelle. La Vierge apparut pour la première fois à Bernadette Soubirous le 11 février 1858 et continua de la visiter jusqu’au 16 juillet. Dès la troisième apparition, le 20 février, Bernadette fut suivie d’un mouvement spontané de « pèlerins » qui ne cessa de s’amplifier. La grotte de Massabielle devint dès lors le lieu d’une intense dévotion. Elle fut très vite qualifiée de chapelle, s’orna de fleurs et de cierges qui l’illuminaient jour et nuit, et, dès avant le 25 mars, accueillit une première statuette dans une niche en fil de fer posée à même le sol, figurant l’Immaculée Conception selon le modèle de la médaille miraculeuse. D’autres statues de ce type vinrent la rejoindre, puis la remplacer après que les autorités civiles locales aient vidé les lieux pour tenter de mettre un terme aux attroupements. On apprend au moment d’une de ces perquisitions que des statuettes avaient été également déposées dans la cavité du rocher où la Vierge était apparue. En juin 1862, quelques mois après la publication du mandement de reconnaissance des apparitions, le chanoine Fourcade, secrétaire de Mgr Laurence, évêque de Tarbes, suggérait à celui-ci de placer dans la grotte une statue en fonte monumentale « conforme au modèle de la médaille miraculeuse68 », aperçue chez le marchand toulousain Yarz. Fourcade comme les premiers pèlerins voulaient matérialiser par une statue l’apparition et associaient d’emblée celle-ci à la Vierge de la médaille. Mais ce projet ne se concrétisa finalement pas. L’année suivante, de pieuses donatrices proposèrent d’offrir une statue en marbre blanc pour remplacer la « pauvre Vierge en plâtre69 » qui occupait alors la niche de l’apparition. Le 26 juillet 1863, l’abbé Peyramale, curé de Lourdes, en informait Mgr Laurence : « Si vous acceptez cette offre, il faudrait envoyer à ces dames tous les renseignements nécessaires pour que l’artiste représente aussi fidèlement que possible la Vierge Immaculée dans son Apparition à Bernadette70. » Il était donc question cette fois de créer une nouvelle représentation, basée sur le témoignage de la voyante. Dans cette perspective, Joseph Fabisch, le sculpteur désigné pour le projet, se rendit à Lourdes pour la rencontrer et lui poser des questions précises71.
33Auparavant déjà, Bernadette avait été interrogée à maintes reprises et sa description de la « belle dame » qui lui était apparue dans la grotte de Massabielle avait été rapportée dans de nombreuses publications. Dans l’ouvrage La Grotte des Pyrénées ou manifestation de la Sainte Vierge à la Grotte de Lourdes paru en 1861, Azun de Bernétas retranscrivait le récit que la voyante lui avait fait en novembre 1859. Celle-ci y décrivait l’apparence de la dame :
« Sa tête était revêtue d’un long voile blanc, le reste de son corps était revêtu d’une robe blanche, serrée par une ceinture bleue, retenant un rosaire dont la chaîne était jaune et les grains blancs. À chacun de ses pieds était une fleur jaune, et sa ceinture tombait jusqu’au bas de sa robe. Le cou de sa robe était serré par une coulisse qui la représentait avec une grande décence et une exacte modestie72. »
34Un peu plus loin, l’auteur rapportait le récit de l’abbé Jonca qui avait également rencontré Bernadette. Lorsque celui-ci lui demanda d’imiter la position de l’apparition, « elle étend[it] ses bras qu’elle laiss[a] pendre le long de son corps, et retourn[a] ses mains dont elle offr[it] l’intérieur en avant, imitant parfaitement la tenue de la Vierge dans la médaille dite miraculeuse73 ». D’autres détails furent rendus publics dans le mandement de Mgr Laurence en janvier 1862 :
« Le jour de l’Annonciation, Bernadette demanda par trois fois à l’être mystérieux, qui il était. Alors, l’Apparition relève ses mains, les joint à la hauteur de la poitrine, lève les yeux au ciel, et s’écrie d’un air souriant : Je suis l’Immaculée-Conception. Tel est en substance le récit que nous avons recueilli de la bouche de Bernadette, en présence de la commission réunie pour l’entendre une seconde fois74. »
35Ces descriptions servirent de références pour élaborer petit à petit l’iconographie de Notre-Dame de Lourdes. L’une des premières représentations parut dans l’ouvrage d’Azun de Bernétas. Celui-ci présentait en frontispice une gravure illustrant exactement les descriptions du texte (fig. 65). Cette image ne retenait pas le geste qui fut par la suite généralement associé à l’apparition de Lourdes, peut-être parce que l’auteur comme le graveur ignoraient ce détail rapporté par d’autres. La question de la figuration de Notre-Dame de Lourdes apparaît ainsi alors que l’Église n’a pas encore reconnu officiellement les apparitions. Certains éditeurs, comme Bouasse-Lebel, prirent également les devants et éditèrent, avant même le résultat de l’enquête épiscopale, une image de l’apparition75. Ces premières représentations gravées mettaient en place les principaux attributs de Notre-Dame de Lourdes – la ceinture à deux pans tombant sur le devant, le long voile, la robe au col serré et plissé, le chapelet, les roses sur les pieds – tout en restant encore, pour l’attitude générale, fortement inspirées du modèle de la médaille miraculeuse. La prégnance de ce modèle, dont témoigne encore le projet de Fourcade pourtant postérieur au mandement, révèle peut-être, au-delà d’un attachement certain à une iconographie traditionnelle et en vogue de l’Immaculée Conception, la volonté de relier l’apparition de Lourdes à celle de la rue du Bac pour la légitimer dans un moment où les autorités ecclésiastiques ne s’étaient pas encore prononcées, ou venaient à peine de le faire76.
Fig. 65. – Représentation de l’apparition de Lourdes dans T. M. Azun de Bernétas, La grotte des Pyrénées ou Manifestation de la Sainte Vierge à la grotte de Lourdes, 1861.

36La sculpture de Fabisch en revanche s’en démarquait puisque la Vierge était représentée les mains jointes, la tête droite et non baissée (fig. 66). En fixant l’attitude attribuée à l’apparition au moment précis où elle révélait qu’elle était l’Immaculée Conception, l’accent était ainsi mis sur la confirmation du dogme énoncé en 1854 par Pie IX. Cette pose rappelait en outre l’image qui avait été transmise par le pape aux évêques le jour de la proclamation du dogme. Fabisch reprit par ailleurs la plupart des caractéristiques des précédentes représentations, mais il omit volontairement le chapelet malgré le reproche que lui en fit Bernadette lorsqu’il lui présenta la maquette en plâtre de la statue77, si bien qu’un véritable chapelet fut ensuite ajouté au bras de la sculpture en marbre. Bien qu’elle n’ait pas été commandée directement par l’évêché, l’œuvre de Fabisch était la première représentation sculptée officielle de Notre-Dame de Lourdes. Elle fit l’objet d’une cérémonie religieuse à la grotte, présidée par Mgr Laurence : la première depuis la proclamation du mandement. Incarnant la Vierge sur le lieu même de son apparition, elle entérinait les caractéristiques permettant l’identification immédiate du sujet représenté : la robe serrée par une longue ceinture à deux pans, les roses aux pieds et les mains jointes.
Fig. 66. – L’une des premières photographies de la sculpture de Fabisch, avant que la ceinture et les roses ne soient peintes.

© Pauline Carminati.
37La sculpture de Fabisch suscita d’emblée, de la part de l’évêque et de son secrétaire, l’idée d’en éditer des reproductions pour les vendre à l’occasion de son inauguration, prévue le 4 avril 1864. Très vite en effet, les responsables du sanctuaire avaient vu la nécessité de tirer profit du commerce qui s’était progressivement mis en place avant la reconnaissance officielle des apparitions, pour en retirer des fonds indispensables à leurs projets de construction que les dons ne suffisaient pas à financer.
Multiplier Notre-Dame de Lourdes
38Immédiatement après les premières apparitions, des marchands d’objets pieux vinrent s’installer aux abords de la grotte, à tel point que dès le mois de mai 1858 les autorités locales s’en inquiétèrent. Ces colporteurs prétendaient vendre des images et des médailles imprimées ou frappées en l’honneur des miracles de Lourdes. L’eau de la grotte commençait également à faire l’objet d’un commerce « illégal » car encadré ni par la ville, ni par le clergé, tandis que les prélèvements de pierres se multipliaient et furent bientôt interdits à cause des dégradations qu’ils provoquaient. L’autorisation officielle du pèlerinage par l’évêque en janvier 1862 vint donc renforcer un commerce déjà vivace. À partir de cette date, les autorités religieuses tentèrent de le contrôler, tant pour en éviter les dérives que pour en retirer des fonds destinés à financer la construction de la chapelle demandée par la Vierge, mais aussi l’aménagement de la grotte, l’extension du domaine et la construction de la résidence des missionnaires chargés du pèlerinage, qui étaient menés de front. Les premières médailles officielles furent frappées en juin. Une notice sur l’apparition78, des photographies de Bernadette et des cartes-souvenirs furent éditées sous la direction de Mgr Laurence et diffusées dans toute la France. Suite à la publication du mandement, le chanoine Fourcade reçut de nombreux courriers demandant une photographie, une image de l’apparition, de l’eau ou des petites pierres provenant de la grotte. La réaction des congrégations, des prêtres et d’une grande partie des laïcs fut immédiate et favorable au nouveau culte qui se dessinait et aux espoirs qu’il apportait avec lui. L’affluence à la grotte était telle qu’en avril 1863, on réfléchissait à l’emplacement d’un « petit magasin de chapelets, médailles et autres objets de piété79 » dans le sanctuaire. C’est dans la loge du gardien, à proximité de la grotte, que furent d’abord vendus cierges, photographies, bouteilles d’eau et publications officielles. En 1872, un second magasin géré par les missionnaires et vendant également de la « bijouterie » (chapelets, médailles, etc.) était signalé en ville. Cependant de nombreux marchands continuaient de s’installer le long de la route qui menait à la grotte : au nombre de 40 en 1866, ils étaient le double en 1869, faisant régulièrement l’objet de mesures de la part de la municipalité, soit pour limiter leurs assiduités auprès des pèlerins, soit pour déplacer et réorganiser les étals.
39Les cérémonies qui désormais se succédaient constituaient autant d’occasions pour les responsables du sanctuaire de solliciter la générosité des pèlerins. L’approche de l’inauguration de la statue de Fabisch fit ainsi naître le projet d’en commercialiser des reproductions. Le chanoine Fourcade en fit la demande au sculpteur en janvier 1864 :
« Il y aurait grand avantage à être abondamment pourvu pour le jour solennel de l’inauguration de la statue. Pour peu que le temps s’y prête, la fête sera magnifique et le concours immense. Chacun sera heureux d’emporter une copie fidèle de la statue de la miraculeuse Apparition. Il est important pour le bénéfice de l’Œuvre, que nous ayons le monopole de toutes ces reproductions et que le dépôt en soit établi à l’évêché de Tarbes ; que les fabricants ne puissent en confectionner que pour nous ; vous auriez la bonté de faire souscrire des polices dans ce sens, en arrêtant les autres conditions80. »
40Il proposait que les statues soient fabriquées en deux tailles, 20 et 30 cm, et en différents matériaux. Finalement, Fabisch ne parvint pas à livrer les statuettes commandées à temps pour le jour de l’inauguration. En outre, lorsqu’il les reçut, Fourcade fut mécontent : « les petites statuettes ne sont pas merveilleuses ; elles ont été confectionnées trop précipitamment81 ». Il en exigea donc des transformations. Fabisch n’expédia les statuettes qu’en mars 1865 et s’expliqua de ce retard en accusant le mouleur auquel il avait confié le travail82. Outre ces réductions, dont il fournit alors douze douzaines, sa statue donna lieu la même année à des photographies éditées en cartes de formats différents et à des médailles. Nous ne savons pas si d’autres statuettes ont été commandées au sculpteur. Ces éditions seront en tout cas restées très limitées car il n’en subsiste pas de trace matérielle significative. Les péripéties qui ont marqué cette commande ne doivent pas être étrangères au choix des missionnaires de se tourner quelques années plus tard vers une autre entreprise pour répondre à leurs objectifs de diffusion à grande échelle. À partir de 1871, en effet, le sanctuaire commanda régulièrement des statuettes de Notre-Dame de Lourdes à Raffl. Il est intéressant de constater que les missionnaires choisirent de diffuser un nouveau modèle de statue, et non de s’adresser à un éditeur pour diffuser le modèle de Fabisch. Celui-ci avait-il refusé de céder les droits de reproduction de son œuvre ?
41Le modèle créé par Raffl reprenait les principales caractéristiques de la sculpture de Fabisch – la Vierge était debout, la jambe gauche légèrement en avant, les mains jointes, vêtue d’une robe serrée à la taille par une longue ceinture et couverte d’un voile – tout en proposant une version plus souple avec la tête relevée, les traits expressifs, les drapés et la ceinture animés par un souffle invisible. Raffl conçut par ailleurs son modèle avec un chapelet, conformément à la demande de Bernadette. De même, sa Vierge de Lourdes était peinte aux couleurs décrites par la voyante : la ceinture était bleue, la robe et le voile blancs, les roses sur les pieds dorées. Le visage, les mains et les pieds présentaient une carnation vivante qui se détachait sur les vêtements. Cet aspect tranchait radicalement avec l’œuvre de Fabisch, dont on pouvait lire qu’elle « brill[ait] de l’éclatante blancheur du plus beau marbre de Carrare83 ». Pour un sculpteur académique au xixe siècle – qui plus est professeur à l’École des Beaux-Arts de Lyon et réputé pour son classicisme –, il n’était pas envisageable de peindre le marbre et les premières photographies de la sculpture montrent en effet que ni la ceinture ni les roses n’étaient peintes. Les statuettes en plâtre livrées par Fabisch n’étaient pas non plus polychromes mais « simplement passées à la cire ». En 1871, le modèle de Raffl était achevé et commercialisé en plusieurs tailles84. Dès l’année suivante, les commandes flambèrent : le sculpteur-éditeur vendit 7 376 statuettes et 759 statues. De 1871 à 1877, ce ne furent pas moins de 52 725 statuettes et 9 820 statues, soit 62 545 exemplaires de Notre-Dame de Lourdes qui furent vendus dans le monde entier. La première année, Raffl fournit au sanctuaire 288 statuettes, ce qui représentait la quasi-totalité de ses ventes cette année-là. Les quantités augmentèrent par la suite et Raffl envoyait à Lourdes plus d’un millier de statuettes par an. Les missionnaires effectuaient des commandes régulières, parfois pluriannuelles, dont on retrouve la trace encore au début du xxe siècle85. Ce contrat sur le long terme scella une relation privilégiée entre l’entreprise et le sanctuaire de Lourdes. Raffl et ses successeurs furent en effet les auteurs de la majorité des statues de la Basilique de l’Immaculée Conception, de la crypte et des rampes, sans oublier le chemin de croix monumental des Espélugues.
42Bien entendu, Raffl ne fut pas le seul à éditer un modèle de Vierge de Lourdes. Tous les fabricants de statues religieuses profitèrent du succès de cette dévotion et proposèrent leurs propres modèles, rivalisant d’inventivité pour se distinguer dans le cadre étroit imposé par le respect de la représentation officielle (pl. XII-XIII). Néanmoins, par le soutien que Raffl reçut de la part du sanctuaire de Lourdes, son modèle connut une diffusion particulièrement importante et il est aujourd’hui présent dans de très nombreuses églises et répliques de grottes.
Pl. XII. – Différents modèles de Notre-Dame de Lourdes.

De gauche à droite et de haut en bas : maisons Raffl, Moynet, Froc-Robert, Lapayre, éditeur non identifié, Monna.
© Pauline Carminati (nos 1 et 4) ; Wikimedia © Patrice Bon (n° 2) ; Wikimedia © Steffen Heilfort (n° 3) ; Wikimedia © Sukkoria (n° 5) ; Wikimedia © Père Igor (n° 6).
Pl. XIII. – Différents modèles de Notre-Dame de Lourdes.

De gauche à droite et de haut en bas : maisons Champigneulle, Cachal-Froc, Bouriché-Rouillard, Pierson, Peaucelle-Coquet, éditeur non identifié.
© Pauline Carminati. (nos 1, 4, 5) ; Wikimedia © Thesupermat (n° 2) ; Wikimedia © Fab5669 (n° 3) ; Wikimedia © Havang(nl) (n° 6).
La promotion des sculptures d’édition par le sanctuaire
43La vente des statues de Notre-Dame de Lourdes bénéficia des grands rassemblements occasionnés par les nombreuses cérémonies organisées au sanctuaire dans les années 1870 et, d’une manière générale, de l’essor considérable de la dévotion à Notre-Dame de Lourdes suite aux événements de 1870 et 1871 : guerre franco-prussienne et défaite de la France, chute du Second Empire, perte pour le Pape des États pontificaux, Commune et ses exactions anti-cléricales. Empreints d’un esprit de pénitence et de prière, les catholiques se tournèrent vers la Vierge Immaculée, au moment où Pie IX demandait aux évêques de relancer les pèlerinages. C’est dans ce contexte qu’en octobre 1871 l’idée germa d’un rassemblement de la France entière à Lourdes pour « ranimer le feu de la foi ». La première circulaire annonçant la Manifestation de foi et d’espérance de la France fut adressée à tous les sanctuaires mariaux français le 8 décembre 1871. On peut se demander si la commande passée à Raffl a été faite dans la perspective de cet événement : les quelques mois de cette fin d’année auraient-ils pu suffire pour créer le modèle et en exécuter 290 exemplaires ? Quoi qu’il en soit, quand en octobre 1872 se déroula ce qui est considéré comme le premier pèlerinage national à Lourdes, les missionnaires avaient déjà commandé à plusieurs reprises de grosses quantités de statuettes. Celles-ci étaient vraisemblablement offertes à la vue des foules dans les boutiques du sanctuaire. Un exemplaire de ce modèle fut également exposé, comme en manière de publicité, dans la rotonde au toit de chaume construite au pied de la chapelle pour abriter les pèlerins86. Les missionnaires semblent avoir, les premiers, participé à faire connaître et à diffuser ce modèle, pour « le bénéfice de l’Œuvre ». Il faut rappeler aussi qu’ils géraient alors, outre les boutiques du sanctuaire, un commerce par correspondance très important, en réponse aux nombreuses demandes qu’ils recevaient. Le résultat des ventes réalisées par Raffl pour l’année 1872 et la suivante témoigne d’une réception enthousiaste, sans doute en grande partie conséquence de l’écho de cette manifestation, en France comme à l’étranger.
44Les efforts conjoints de l’évêque de Tarbes, de son secrétaire et des missionnaires, relayés par la presse catholique, permirent de diffuser largement en France et en Belgique le résultat de la commission d’enquête épiscopale et l’appel aux dons pour la construction de la chapelle de l’Immaculée Conception. Petit à petit, la renommée du sanctuaire dépassa les limites de la France. Lorsque le 20 octobre 1870, Pie IX annonça la suspension du concile, de nombreux prélats étrangers rentrèrent dans leurs diocèses en passant par Lourdes, dont ils avaient entendu parler lors du décès de Mgr Laurence à Rome. Deux ans plus tard, la Manifestation de foi et d’espérance attira des journalistes et délégués des sanctuaires mariaux de tous les pays. Les marques de reconnaissance de Pie IX à l’égard de Lourdes accentuèrent l’intérêt des ecclésiastiques pour le sanctuaire et favorisèrent un relais international. Des pèlerins du monde entier se rendirent à Lourdes. De nombreuses statues étaient ramenées de ces pèlerinages, inaugurant des sanctuaires et des grottes dédiées à Notre-Dame de Lourdes87. L’organe de presse du sanctuaire, les Annales de Notre-Dame de Lourdes, dressait un compte rendu régulier de cette expansion, témoignant du lien étroit qui unissait diffusion des statues et diffusion du culte. Il annonçait dès 1874 :
« Des églises se fondent ça et là, sous le vocable de Notre-Dame de Lourdes ; dans d’autres églises, des chapelles lui sont dédiées, on essaie avec des pierres de maçonner des Grottes. […] En plusieurs endroits, le sanctuaire à peine établi devient le centre de pèlerinage et les foules y trouvent les bontés de la Vierge, abondantes et promptes comme à la Grotte même de Lourdes88. »
45Puis, trois ans plus tard :
« Le mouvement religieux qui part de la Grotte s’étend à la terre entière. Les statues de Notre-Dame de Lourdes sont maintenant dressées partout ; des autels, des chapelles, des cathédrales mêmes s’élèvent maintenant sous sa puissante invocation. Partout on fait des représentations de la sainte Grotte ; on la trouve dans les jardins du Vatican89. »
46Toutes les parties du monde furent touchées par la dévotion à Notre-Dame de Lourdes. Les ventes de statues réalisées par Raffl dans les années soixante-dix se font l’écho de cette diffusion. En 1887, les Annales rapportaient que « la statue de Notre-Dame de Lourdes, type Raffl, est répandue dans le monde entier90 » (fig. 67).
Fig. 67. – Statue de Notre-Dame de Lourdes de la maison Raffl dans le jardin du grand séminaire de Canton (Chine) en 1902.

© Archives MEP.
47Après le premier pèlerinage national de 1872, les processions, bien que de moindre importance, se succédèrent à un rythme soutenu. En 1876, la France entière se tourna de nouveau vers Lourdes car les 2 et 3 juillet eurent lieu consécutivement la consécration de la chapelle de l’Immaculée Conception, élevée au rang de basilique mineure depuis le 13 mars 1874, puis le couronnement simultané de deux statues de Notre-Dame de Lourdes, la première créée par Émilien Cabuchet pour le maître-autel de la basilique, la seconde par le père Pibou pour orner le porche. Cette double cérémonie fut conduite sous les auspices du Pape qui avait délégué le nonce apostolique Mgr Meglia91. Quelques semaines après cet événement, un exemplaire monumental en fonte de fer polychromée du modèle Raffl fut installé devant la basilique, à l’endroit précis où avait eu lieu le couronnement, pour commémorer la cérémonie du 3 juillet92 (fig. 68). La statue fut bénite le 8 septembre, jour de la fête de la Nativité de la Vierge, par le père Nogaro :
« Au centre de l’esplanade, dans un massif de verdure, sur un piédestal de granit, s’élevait une grande et belle statue de Notre-Dame couronnée. […] La Reine couronnée domine, orne et bénit la vallée tout entière. Elle regarde la basilique que d’une parole elle a fait surgir du sol. Elle semble vouloir présider les grands travaux qui doivent compléter son œuvre. Elle est en face de la mosaïque de Pie IX qui l’a couronnée, à la place où s’accomplit le grand acte du couronnement, dont elle est le mémorial. M. Nogaro, archiprêtre de Tarbes bénit solennellement la statue, et le Père Duboé parut en chaire au milieu d’un auditoire, ému de la grandeur du spectacle93. »
Fig. 68. – La Vierge couronnée de Raffl au début du xxe siècle.

© Pauline Carminati.
48La statue prit rapidement le nom de « Vierge couronnée » et devint le point d’aboutissement des processions aux flambeaux. À ses pieds, les pèlerins prirent l’habitude de chanter à la Vierge leur reconnaissance. Raffl se vit donc offrir, pour la deuxième fois, l’occasion d’exposer un « exemplaire de démonstration » au cœur du sanctuaire, ce que ses successeurs surent mettre en valeur en indiquant dans leurs catalogues : « modèle exact de l’apparition, recommandé par les RR. PP. de Lourdes » ou « modèle créé par Raffl et placé sur l’esplanade de Lourdes devant la Basilique du Rosaire ». Monument commémoratif du couronnement de deux sculptures issues d’ateliers traditionnels, cette statue matérialise la prégnance de la sculpture sérielle au xixe siècle. En acceptant ce don et en l’installant à cet emplacement central, les responsables du sanctuaire confirmaient leur soutien à la sculpture religieuse d’édition, un soutien qu’ils avaient déjà manifesté de multiples manières, non seulement par leurs commandes répétées à la maison Raffl (et peut-être aussi à d’autres fabricants de statues religieuses), par l’encouragement à la diffusion de ces statues, mais également par la place donnée à ces dernières sur le site de pèlerinage. Il faut imaginer en effet qu’elles étaient partout, comme en témoigne par exemple Huysmans en 1906, écrivant dans Les foules de Lourdes que « l’on tourne, du matin au soir, sur la même piste, ne voyant, où qu’on aille, […] que des statues de vierges en plâtre, les yeux au ciel, vêtues de blanc et ceinturées de bleu94 ». La majorité des sculptures du sanctuaire étaient d’ailleurs des exemplaires d’édition commandés à la maison Raffl, faisant du site entier une véritable vitrine à la gloire de l’entreprise, à l’heure du tourisme religieux de masse95.
49L’évolution de la dévotion mariale au xixe siècle, caractérisée en particulier par la progression du culte de l’Immaculée Conception, croise plusieurs problématiques importantes pour l’histoire de la statuaire religieuse. Elle permet en premier lieu de mettre en évidence les liens étroits qui unissent la diffusion des dévotions et celle des statues, un schéma qui se poursuit au siècle suivant et qui témoigne de la place centrale de la statuaire dans le catholicisme préconciliaire. Le développement continu de l’édition au cours du xixe siècle apparaît ainsi indissociable de l’essor de nouvelles dévotions et iconographies, sous la direction et avec le soutien des autorités ecclésiastiques. Elle montre également que de nombreux acteurs interagissent et influencent la production des éditeurs. Voyants, clercs, savants, papes contribuent à renouveler et enrichir le répertoire iconographique religieux au xixe siècle, suscitant indirectement le besoin de nouvelles statues conformes à ces types et favorisant dans une certaine mesure leur reproduction en série. La prise en compte de ces différents acteurs se révèle indispensable pour comprendre l’origine des iconographies diffusées par les éditeurs. Deux événements fondateurs jalonnent ces débuts de l’édition de sculptures religieuses : la diffusion de la médaille miraculeuse à partir de 1832, inaugurant une demande importante d’une image mariale inédite, et la définition du dogme de l’Immaculée Conception en 1854, donnant un élan considérable aux commandes de statues et ouvrant la voie à l’exportation de la statuaire industrielle française, au moment où le perfectionnement du moulage à la gélatine rend désormais possibles un abaissement des coûts et une augmentation de la production. Cette promulgation s’impose comme une date clé à plus d’un titre dans l’histoire de la sculpture religieuse d’édition. Manifestation du rapprochement du clergé français autour du pape et plus largement d’une catholicité mondiale unie autour de Rome, c’est aussi la première fois que le pape, de lui-même et non par un concile, définit une vérité de foi, annonçant le dogme de l’infaillibilité pontificale promulgué en 1870. Ces deux aspects indissociables, d’une part la portée désormais mondiale de la politique romaine et d’autre part l’autorité incontestable du pape, contribuent à donner aux dévotions et aux images soutenues par le Saint-Siège un écho important. Pour les diffuser le plus largement possible, Pie IX et Léon XIII ont pu compter sur les éditeurs, en particulier français.
Notes de bas de page
1 G. Cholvy et Y.-M. Hilaire, Histoire religieuse de la France, 1800-1880, Toulouse, Privat, 2000, p. 13 sqq.
2 P. Boutry, « Les saints des Catacombes… », op. cit., p. 875-930.
3 G. Cholvy, « “Du Dieu terrible au Dieu d’amour.” Une évolution dans la sensibilité religieuse au xixe siècle », dans Transmettre la foi : xvie-xxe siècles. Pastorale et prédication en France, t. 1, Paris, CTHS, 1984, p. 141-154.
4 J.-M. Ticchi, « La diffusion de la dévotion au chemin de croix entre Italie et France au début du xixe siècle », dans F. Meyer et S. Milbach (dir.), Les échanges religieux entre l’Italie et la France, 1760-1850. Regards croisés, Chambéry, Presses de l’université de Savoie, 2010, p. 119-131.
5 P. Boutry, « Le mouvement vers Rome et le renouveau missionnaire », dans J. Le Goff et R. Rémond (dir.), Histoire de la France religieuse, t. 3, Paris, Seuil, 1991, p. 423-452 ; P. Boutry, « La romanisation du clergé secondaire français du concordat de 1801 au premier concile du Vatican », dans L. Rousseau (dir.), Le bas clergé catholique au dix-neuvième siècle. Approche comparative d’une population pastorale en voie de changement, Montréal, Cahiers de recherches en sciences de la religion, XII, 1995, p. 23-44.
6 G. Cholvy et Y.-M. Hilaire, Histoire religieuse de la France…, op. cit., p. 205.
7 C. Langlois, « Le temps de l’Immaculée Conception : définition dogmatique (1854) et événement structurant », dans B. Béthouart et A. Lottin (dir.), La dévotion mariale…, op. cit., p. 365-379.
8 J. Bouflet et P. Boutry, « Un signe dans le ciel. » Les apparitions de la Vierge, Paris, Grasset, 1997.
9 Sur l’iconographie mariale au xixe siècle, voir notamment : J.-J. Michaud, « L’image mariale au xixe siècle… », art. cité ; P. Boutry, « L’iconographie des apparitions… », art. cité ; N.-J. Chaline, « Images de Marie en Haute-Normandie au xixe siècle », dans F. Thelamon (dir.), Marie et « la fête aux Normands » : dévotion, images, poésie, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2011, p. 281-295.
10 M. Lagrée, La bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, xixe-xxe siècles, Paris, Fayard, 1999, p. 274 sqq.
11 R. Laurentin et P. Roche, Catherine Labouré et la médaille miraculeuse…, op. cit.
12 C.-M. Le Guillou, Mois de Marie sur le plan du petit ouvrage italien du P. Lalomia avec nouvelles prières pour la messe, choix de pieuses prières et sept cantiques inédits, Paris, Société des Bons Livres, 1834, p. 317-318.
13 Un exemplaire de ce premier modèle est reproduit dans R. Laurentin, Vie de Catherine Labouré, Paris, Desclée de Brouwer, 1980. Aucune source ne vient cependant justifier cette identification qui mériterait d’être vérifiée.
14 Ibid.
15 Notice historique sur l’origine et les effets de la nouvelle médaille frappée en l’honneur de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, et généralement connue sous le nom de médaille miraculeuse, Paris, Bailly, 1834.
16 R. Laurentin et P. Roche, Catherine Labouré et la médaille miraculeuse…, op. cit., p. 225.
17 Ibid., p. 232.
18 H. Körner, Die falschen Bilder. Marienerscheinungen im französischen 19. Jahrhundert und ihre Repräsentatiionen, München, Morisel, 2018.
19 S. L. Stratton, The Immaculate Conception in Spanish Art, New York, Cambridge University Press, 1994.
20 É. Pauly, « Un fidèle serviteur du trône et de l’autel : Louis-Isidore Choiselat, fabricant de bronzes, 1784-1853 », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 2008, p. 311-341.
21 R. Laurentin et P. Roche, Catherine Labouré et la médaille miraculeuse…, op. cit., p. 70, suivis par J. C. Polistena, « The Image of Mary of the Miraculous Medal: a Valiant Woman », Nineteenth-Century Art Worldwide, vol. 11, 2012 [http://www.19thc-artworldwide.org/summer12/joyce-polistena-the-image-of-mary-of-the-miraculous-medal] (erreur en 2024).
22 L’œuvre de Bouchardon est en effet intitulée de manière générique La Sainte Vierge, tant sur l’estampe de Dominique Sornique (1744) que dans les sources écrites contemporaines.
23 S. Barnay, Le Ciel sur la terre. Les apparitions de la Vierge au Moyen Âge, Paris, Cerf, 1999.
24 P. Boutry, « Dévotion et apparition : le “modèle tridentin” dans les mariophanies en France à l’époque moderne », dans B. Dompnier (dir.), La circulation des dévotions, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2000, p. 115-131 ; P. Boutry, « L’iconographie des apparitions… », art. cité, p. 347-363.
25 J.-B. Falise, Décrets authentiques de la Sacrée Congrégation des Rites, Paris/Tournai, Casterman, 1860, p. 226.
26 Sur la question plus large du rapport du Saint-Siège à la tradition, voir P. Boutry, « Papauté et culture au xixe siècle. Magistère, orthodoxie, tradition », Revue d’histoire du xixe siècle, no 28, 2004, p. 31-58.
27 R. Laurentin et P. Roche, Catherine Labouré et la médaille miraculeuse…, op. cit., p. 258. D’autres types de critiques visant l’iconographie de la médaille miraculeuse sont étudiés dans P. Carminati, « Regards sur l’iconographie mariale au xixe siècle : la Vierge de la médaille miraculeuse », dans M. Bolaños, I. Saint-Martin et R. Serrano (dir.), Imágenes, devociones y prácticas religiosas. La Europa del Sur (1800-1960), Valladolid, Associación de Amigos del Museo Nacional de Escultura, 2018, p. 153-173.
28 L’interdiction de la Congrégation des Rites ne concernait pas les médailles elles-mêmes.
29 La conversion de Ratisbonne à Rome en 1842 est l’un de ces « miracles », qui contribua à faire connaître la médaille miraculeuse dans le monde entier.
30 « Mandement à l’occasion de la consécration de l’église paroissiale de Notre-Dame-de-Lorette », 15 décembre 1836, publié dans H.-L. de Quélen, Recueil des mandemens et lettres pastorales de Monseigneur Hyacinthe-Louis de Quélen, archevêque de Paris, t. 2, Paris, Adrien Le Clere, 1840, p. 137.
31 « Mandement au sujet de l’Immaculée Conception de la très-sainte Vierge Marie, Mère de Dieu », 24 juin 1839 (Ibid., p. 267).
32 « Nouvelles ecclésiastiques », L’Ami de la religion, t. 103, 1839, p. 583.
33 R. Laurentin et P. Roche, Catherine Labouré et la médaille miraculeuse…, op. cit., p. 252.
34 G. Bertaud Du Chazaud, « Avisseau et le néo-baroque en Touraine », Sculptures en Touraine. Promenade autour de cent œuvres, cat. exp., Tours, conseil général d’Indre-et-Loire, 2014, p. 89.
35 É. Pauly, « Un fidèle serviteur… », art. cité, p. 329-331.
36 L’Ami de la religion, t. 121, 1844, p. 208.
37 Catalogue des bronzes pour les églises et des vases sacrés de Choiselat-Gallien et Poussielgue-Rusand, Paris, s. n., 1846.
38 Voir en particulier C. de Montalembert, « De l’état actuel… », art. cité, p. 612 et F. Mercey, « Salon de 1838 », Revue des deux mondes, 4e série, t. 14, 1838, p. 406.
39 C. Langlois, « Le temps de l’Immaculée Conception… », art. cité, p. 371.
40 C. de Montalembert, Des intérêts catholiques au xixe siècle, Paris, Lecoffre, 1852, p. 40.
41 N.-J. Chaline, « 1854 : proclamation du dogme de l’Immaculée Conception », dans F. Thelamon (dir.), Marie et « la fête aux Normands »…, op. cit., p. 278.
42 J.-B. Malou, Iconographie de l’Immaculée Conception…, op. cit., p. 14.
43 L’Ami de la religion, t. 166, 1854, p. 618 et 681.
44 J.-B. Malou, Iconographie de l’Immaculée Conception…, op. cit., p. ii-iii.
45 G. Capitelli, Mecenatismo pontificio…, op. cit., p. 59 sqq.
46 L’Ami de la religion, t. 171, 1856, n. p.
47 Hauts fourneaux et fonderies du Val d’Osne, Barbezat et Cie. Fontes d’art, extrait de l’album no 1, s. l., s. n., s. d. (vers 1866), planche 338 bis.
48 Notamment des statues colossales : A. Pingeot, « Les Vierges colossales du Second Empire », dans La sculpture française au xixe siècle, op. cit., p. 208-213 ; C. Langlois, « Mariophanies sculpturales… », art. cité, p. 297-315 ; C. Langlois, « Notre-Dame de France (1860), modernité et identité : le succès et l’échec », dans E. Fattorini (dir.), Santi, culti, simboli nell’età della secolarizzazione (1815-1915), Turin, Rosenberg & Sellier, 1997, p. 301-330 ; C. Simon, « Notre-Dame de France… », art. cité, p. 71-79.
49 P. D’Hollander et C. Langlois (dir.), Foules catholiques et régulation romaine. Les couronnements des Vierges de pèlerinage à l’époque contemporaine (xixe et xxe siècles), Limoges, PULIM, 2011.
50 L’Ami de la religion, t. 171, 1856, n. p.
51 E. Hucher, « L’Immaculée Conception figurée sur les monuments du Moyen-Âge et de la Renaissance », Bulletin monumental, vol. 21, 1855, p. 145-148 ; A. Crosnier, « L’Immaculée Conception de Marie, proclamée par les iconographes du moyen âge », Bulletin monumental, vol. 23, 1857, p. 57-72 ; C. A. Auber, « Iconographie de l’Immaculée Conception », Revue de l’art chrétien, t. 1, 1857, p. 148-151 ; V. Pelletier, « Iconographie de l’Immaculée Conception », Revue de l’art chrétien, t. 1, 1857, p. 314-318. Le sujet est également abordé à plusieurs reprises dans les Annales archéologiques notamment par X. Barbier de Montault, « Exposition d’art et d’industrie à Rome », Annales archéologiques, t. 15, 1855, p. 440-441.
52 A. N. Didron, « Bibliographie archéologique », Annales archéologiques, t. 16, 1856, p. 269.
53 J.-B. Malou, Iconographie de l’Immaculée Conception…, op. cit., p. i.
54 Ibid., p. 33.
55 E. Hucher, « L’Immaculée Conception… », art. cité, p. 145.
56 Ibid.
57 X. Barbier de Montault, « Exposition… », art. cité, p. 440-441.
58 C. A. Auber, « Iconographie de l’Immaculée Conception », art. cité, p. 149.
59 Ibid., p. 151.
60 X. Barbier de Montault, « Bibliographie », Revue de l’art chrétien, t. 45, 1896, p. 419.
61 Virebent Frères, Album 1890, s. l., s. n., 1890, n. p.
62 Art chrétien. Catalogue général des statues, bas-reliefs et autres sculptures en terre cuite de Léon Moynet, Statuaire, Bar-sur-Aube, Lebois, 1888, p. 67.
63 J.-M. Aladel [J. Chevalier], La médaille miraculeuse. Origine, histoire, diffusion, résultats, Paris, Pillet et Dumoulin, 1878, p. 83.
64 Thérèse raconte en effet qu’une statuette de la Vierge inspirée de Bouchardon lui aurait souri et que les souffrances qu’elle ressentait alors disparurent. C’est pourquoi des sculptures de ce modèle sont diffusées sous le nom de « Vierge du sourire ».
65 Sur l’histoire du sanctuaire pendant la période étudiée ici, voir : R. Laurentin, B. Billet et P. Galland, Lourdes, documents authentiques, 7 t., Paris, Lethielleux, 1957-1966 ; R. Harris, Lourdes. La grande histoire des apparitions, des pèlerinages et des guérisons, Paris, Lattes, 2001 ; C. Touvet, Histoire des Sanctuaires de Lourdes, 1858-1870 : les origines du pèlerinage, Lourdes, NDL, 2007 ; C. Touvet, Histoire des Sanctuaires de Lourdes, 1870-1908 : la vocation de la France, Lourdes, NDL, 2008.
66 P. Boutry et M. Cinquin, Deux pèlerinages au xixe siècle : Ars et Paray-le-Monial, Paris, Beauchesne, 1980 ; C. Vincent (dir.), Identités pèlerines, Mont-Saint-Aignan, Publications de l’université de Rouen, 2004 ; P. D’Hollander et C. Langlois (dir.), Foules catholiques…, op. cit.
67 Une version plus développée de cette étude de cas a été publiée dans P. Carminati, « L’industrie au service de la Vierge. Lourdes et la statuaire de série », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 102, 2016, p. 319-341.
68 Lettre du chanoine Fourcade à Mgr Laurence, 20 juin 1862 (C. Touvet, Histoire des Sanctuaires de Lourdes, 1858-1870…, op. cit., p. 237).
69 Récit d’une pèlerine anonyme, 7 août 1863 (Ibid., p. 275).
70 Lettre de l’abbé Peyramale à Mgr Laurence, 26 juillet 1863 (ibid., p. 267).
71 Sur les détails de cette commande et les étapes de sa réalisation, nous renvoyons à la notice rédigée par M.-A. Lavigne dans le catalogue d’exposition Les peintres de l’âme. Art lyonnais du xixe siècle, cat. exp., Lyon, musée des beaux-arts de Lyon, 1981, p. 76-79. Voir également I. Saint-Martin, « La sculpture religieuse à Lyon au xixe siècle : le rêve de l’“artiste-apôtre” », dans C. Barbillon, C. Chevillot, S. Paccoud et L. Virassamynaïken (dir.), Sculptures du xviie au xxe siècle. Musée des Beaux-Arts de Lyon, Paris, Somogy, 2017, p. 56-61.
72 T.-M. Azun de Bernétas, La Grotte des Pyrénées ou manifestation de la Sainte Vierge à la Grotte de Lourdes (diocèse de Tarbes), précédé d’une notice sur les Pyrénées, Tarbes, Dufour, 1861, p. 102.
73 Récit de l’abbé Jonca, 20 février 1860 (Ibid., p. 115).
74 J.-G. Fourcade, L’apparition à la Grotte de Lourdes en 1858. Notice rédigée par M. l’abbé Fourcade, chanoine, secrétaire de la Commission, approuvée par Monseigneur l’Évêque de Tarbes et contenant l’ordonnance et le mandement du prélat sur la question, Tarbes, Fouga, 1862, p. 82.
75 Reproduite dans C. Touvet, Histoire des Sanctuaires de Lourdes, 1858-1870…, op. cit., p. 82.
76 Ruth Harris pense d’ailleurs que la vision de Bernadette aurait été systématiquement transformée par ses interlocuteurs pour qu’elle concorde avec l’apparition de 1830 (R. Harris, Lourdes…, op. cit., p. 118).
77 On sait que Bernadette fit de nombreuses critiques lorsqu’elle vit la maquette et qu’elle ne fut pas davantage satisfaite de l’œuvre définitive. Voir P. Boutry, « L’iconographie des apparitions… », art. cité, p. 347-363.
78 La notice du chanoine Fourcade est publiée en mars.
79 Lettre de l’abbé Dasque à Mgr Laurence, 10 avril 1863 (C. Touvet, Histoire des Sanctuaires de Lourdes, 1858-1870…, op. cit., p. 259).
80 Lettre du chanoine Fourcade à Fabisch, 25 janvier 1864 (Ibid., p. 279).
81 Lettre du chanoine Fourcade aux Sœurs de Sainte-Chrétienne, 29 juin 1864 (Ibid.).
82 Lettre de Fabisch au chanoine Duboé, 23 mars 1865 (Ibid., p. 280).
83 Annales de Notre-Dame de Lourdes, 5e année, 1872-1873, p. 26.
84 Archives du sanctuaire N.-D. de Lourdes, 5B7, ventes des statues de N.-D. de Lourdes, Raffl, 1871-1877.
85 Archives du sanctuaire N.-D. de Lourdes, 5B1, carton 8, correspondance entre la maison Raffl et le père Duthu.
86 C. Touvet, Histoire des Sanctuaires de Lourdes, 1870-1908…, op. cit., p. 76.
87 Sur les répliques de grottes, voir P. Bruneau, « Études d’archéologie du catholicisme français (IV) : les grottes de Lourdes », Revue d’archéologie moderne et d’archéologie générale, no 4, 1986, p. 151-165, et M. Lagrée, « Les répliques de la grotte de Lourdes : suggestions pour une enquête », dans Homo religiosus : autour de Jean Delumeau, Paris, Fayard, 1997, p. 25-33.
88 « Notre-Dame de Lourdes en 1874 », Annales de Notre-Dame de Lourdes, t. 7, avril 1874-mars 1875, p. 198.
89 « Notre-Dame de Lourdes en 1876 », Annales de Notre-Dame de Lourdes, t. 9, avril 1876-mars 1877, p. 242.
90 « L’exposition de la grotte », Annales de Notre-Dame de Lourdes, t. 20, avril 1887-mars 1888, p. 34.
91 S. Blenner-Michel, « Le couronnement de Notre-Dame de Lourdes (1876) ou le triomphe de la dévotion pontificale », dans P. D’Hollander et C. Langlois (dir.), Foules catholiques…, op. cit., p. 65-76.
92 La statue n’occupe plus aujourd’hui le même emplacement ; elle a dû être reculée au moment de la construction de la basilique du Rosaire.
93 « Pèlerinages », Annales de Notre-Dame de Lourdes, t. 9, avril 1876-mars 1877, p. 156.
94 J.-K. Huysmans, Les foules de Lourdes, Paris, Stock, 1906, p. 39.
95 S. K. Kaufman, Consuming Visions. Mass Culture and the Lourdes Shrine, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2005.
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