Introduction à la troisième partie
p. 195-196
Texte intégral
1Le développement d’une production de masse de statues religieuses, s’il a été rendu possible comme on l’a vu dans les deux précédentes parties par la convergence de facteurs professionnels, techniques et esthétiques, est d’abord l’expression de la piété des catholiques au xixe siècle. À côté d’une multitude de cultes locaux, de grands courants dévotionnels ont marqué le siècle et suscité une large demande de supports visuels : dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, à la Passion, à la Nativité, à saint Joseph, saint Antoine de Padoue, Jeanne d’Arc, sans oublier la Vierge Marie. Intégrée à un réseau d’objets et d’images – médailles, images pieuses, vitraux, tableaux, etc. –, la sculpture religieuse d’édition fut l’un des principaux supports de cette piété. Acquises en grand nombre dans toutes les dimensions, présentes aussi bien dans l’espace privé (celui du couvent ou de l’habitation par exemple) que public (lieux de culte, écoles, cimetières, hôpitaux, façades des bâtiments, abords des routes, etc.), les statues participaient à la vie religieuse individuelle et collective. Si cette omniprésence atteste dans une certaine mesure leur succès auprès des fidèles, en revanche le rôle de l’Église dans leur diffusion demeure moins bien identifié et mérite d’être précisé.
2La lecture des catalogues commerciaux d’art et de mobilier religieux fait apparaître de nombreuses mentions telles que « Fournisseurs de N.-S. P. le Pape, de la Nonciature, des Missions Étrangères, des RR. PP. Franciscains, des RR. PP. de Lourdes, des Filles de la Charité, etc. », « Exécuté d’après le désir de Sa Sainteté Léon XIII », « Modèle approuvé par N.-S. Père le Pape », qui laissent supposer un lien avec les autorités religieuses et notamment la papauté1. Certains éditeurs reproduisent également les courriers élogieux qu’ils reçoivent de leur clientèle ecclésiastique, comme par exemple celui de Mgr Bouché, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier de 1882 à 1888, publié dans le catalogue de la maison Chovet en 1899 :
« Je suis heureux de joindre mon humble suffrage à ceux de mes vénérables collègues de l’épiscopat. Je connais, depuis bien des années, votre honorable maison. Pendant que j’étais attaché au ministère de la marine, j’ai eu plusieurs commandes à vous faire et toujours vous m’avez donné entière satisfaction. Dans un grand nombre d’églises et de chapelles du diocèse que la Providence m’a appelé à gouverner, j’ai rencontré les stations de votre Chemin de Croix, soit en peinture, soit en relief, soit en émail. J’ai retrouvé, dans ces compositions heureusement variées, les sentiments religieux et le sentiment de l’art. De plus, j’ai constaté combien ces belles compositions contribuent à l’ornementation de nos édifices religieux. Lorsque l’occasion s’est présentée, j’ai recommandé votre maison à MM. les recteurs et aux fabriques, en les engageant à s’adresser à vous. Je souhaite que vos Chemins de Croix se répandent encore davantage dans mon diocèse : je suis persuadé qu’ils peuvent aider beaucoup à la conservation de la piété et de la dévotion au grand mystère de la Rédemption2. »
3Au-delà de son caractère publicitaire, ce type de sources montre que les autorités catholiques ont favorisé elles aussi la diffusion de l’art religieux d’édition et que le goût pour cette production n’était pas le fait exclusif des fidèles.
4Cette troisième partie se propose de mettre en lumière les modalités de ce soutien apporté à la sculpture religieuse d’édition à travers une sélection de quatre études de cas qui constituent autant de points d’entrée possibles pour aborder cette production statuaire. Tout d’abord, ces modalités seront analysées sous l’angle des nouvelles dévotions promues par les autorités religieuses en prenant pour exemple le culte de l’Immaculée Conception. Il sera question ensuite du rôle de la papauté dans l’industrialisation de l’art religieux et de son rapport à la modernité technique. Le chapitre suivant sera consacré à la place de la statuaire dans les crises qu’ont traversées les catholiques de France au début du xxe siècle. Enfin, le dernier chapitre évoquera le renouvellement de l’édition de sculptures durant l’entre-deux-guerres et son déclin. Ces quatre axes, couvrant toute la période d’activité de la maison Raffl, tenteront d’éclairer la manière dont les dynamiques religieuses que la sécularisation a suscitées, en particulier les dévotions de masses d’un catholicisme à la vitalité redoublée, se sont appuyées sur la statuaire d’édition et en ont favorisé l’essor et la diffusion pendant plus d’un siècle.
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