Chapitre VI. La commercialisation
p. 163-188
Texte intégral
1Si les méthodes de fabrication employées par la maison Raffl lui permirent de produire des statues en grande quantité, il s’agissait ensuite pour l’entreprise de les commercialiser, ce qui nécessitait là encore des compétences et des ressources spécifiques que tous ses concurrents n’ont pas pu ou su développer et qui ont certainement contribué à sa réussite. Pour vendre et diffuser sa production en France et à l’étranger, tant auprès de la clientèle laïque que du clergé et des communautés religieuses, la maison Raffl s’est appuyée sur une combinaison de moyens, allant de la boutique à l’édition de catalogues, en passant par la coûteuse participation aux expositions universelles et par la mise en place d’un vaste réseau d’intermédiaires, sans oublier le recours à la réclame. Ces pratiques commerciales, dérivées de celles des mouleurs et manufactures d’ornements du début du siècle, étaient communes à toutes les branches de l’édition de sculptures, mais chaque secteur présentait des spécificités1. Elles seront étudiées selon trois axes. Tout d’abord, nous évoquerons les méthodes de vente proprement dites, c’est-à-dire les moyens par lesquels, concrètement, les statues étaient vendues. Il s’agira ensuite de présenter les différentes formes de publicité par lesquelles l’entreprise se faisait connaître et stimulait ses ventes. Enfin, nous examinerons plus particulièrement le cas de l’exportation, la diffusion sur tous les continents de la statuaire religieuse française constituant l’un des aspects remarquables de cette production.
Les méthodes de vente
2Les statues religieuses d’édition étaient commercialisées soit en direct, du fabricant au client, soit par l’intermédiaire d’un revendeur. Le choix et l’achat pouvaient se faire dans une boutique ou bien par correspondance, grâce à un ensemble de supports imprimés.
La boutique
« Il nous fallait beaucoup de choix, nous entrâmes dans la boutique la plus vaste ; une armée de statues s’y étalait. Tandis que je feuilletais le prix courant, mon compagnon, le cœur battant, s’avançait jusqu’au milieu de la salle et là, comme pris de vertige, s’arrêtait. Dominant la troupe innombrable des saints de sa haute taille, un Sacré Cœur colossal, sur un socle énorme, se dressait. […] Tout un peuple de saints et de saintes, d’anges, de vierges, de simples « bienheureux », de martyrs, faisait à sa divinité un cortège. […] – Ah ! que c’est beau, tout ça2 ! »
3Dès le début du xixe siècle, les mouleurs-éditeurs présentaient leur marchandise dans une boutique distincte de l’espace de fabrication, généralement attenante à l’atelier, ou parfois située ailleurs, dans un quartier plus commerçant par exemple. De même, les fabricants de sculptures religieuses se chargeaient d’une partie de la vente de leur marchandise et disposaient à cet effet d’une boutique. Dans certains cas, cette boutique pouvait avoir des proportions imposantes et constituer une véritable galerie d’exposition permanente, permettant de présenter un grand nombre de statues. Même s’il était possible de commander par correspondance, la clientèle venait parfois de loin pour faire son choix3. Le rapport direct aux objets offert par la boutique constituait un puissant instrument de séduction et n’était pas négligé par les fabricants qui accordaient un soin particulier à cet espace de représentation.
4Les bâtiments loués par Raffl en 1870 au 64, rue Bonaparte et occupés par l’entreprise jusqu’en 1936 comportaient un espace dédié à l’exposition des statues et à la vente. Cette boutique occupait le rez-de-chaussée du bâtiment donnant sur la rue Bonaparte, long de plus de trente mètres et divisé en travées. Certaines d’entre elles servaient d’ateliers, les autres de magasin de vente. Une photographie prise en 1901 dévoile une partie de cet espace tout en longueur, entièrement vitré en façade4 (fig. 47). À cet espace s’ajoutait une rotonde située dans la cour5. Haute de plafond, elle permettait d’exposer certaines pièces de grande taille comme les autels (fig. 48). Quand, en 1936, la maison Raffl quitta la rue Bonaparte, boutique et ateliers furent transférés 13, rue Pierre-Leroux, dans les locaux appartenant à la famille Peaucelle. Agrandi en 1903, le bâtiment en arrière-cour disposait d’une vaste galerie d’exposition sur deux étages6. À l’intérieur de ces galeries, les statues étaient soigneusement présentées, suivant une disposition qui tenait à la fois du musée et du lieu de culte. La plupart des espaces d’exposition avaient des proportions allongées qui permettaient d’aligner les sculptures. Visitant la galerie de Moynet à Vendeuvre, Mgr Fèvre avait découvert émerveillé, « au sommet d’un escalier magistral, dans une immense avenue ouverte du côté du ciel seulement, le panorama des saints, le paradis terrestre de l’art7 ». Au tournant du siècle, dans la galerie en façade de la maison Raffl, les statues étaient placées à intervalles réguliers sur des socles indépendants posés au sol, à l’image des sections beaux-arts des expositions. Moynet au contraire les avait disposées sur de grandes estrades en bois à plusieurs niveaux. La forme allongée de la galerie et l’alignement des statues évoquaient à Charles Géniaux « le cloître d’une antique abbaye ». C’était même au chœur d’une église ou à une chapelle que ressemblait la rotonde avec son autel central et ses statues accrochées en hauteur sur des consoles. D’autres fabricants poussaient encore plus loin l’analogie en donnant à leurs bâtiments l’architecture d’une église, comme Pierson à Vaucouleurs ou Bouriché à Angers. Si bien que le silence régnait dans ces lieux et que les visiteurs parlaient à voix basse :
« Dans la demi-obscurité, nous côtoyons l’armée hiératique des saints, et leurs gestes bénissent, leurs mains imposent, leurs visages fleurissent, émergés des toges bleues de ciel ou incarnadines. Il tombe du recueillement de toutes ces faces calmes, de tous ces doigts joints ; nous parlons bas, et des acheteurs entr’aperçus se découvrent et marchent sans bruit comme en une cathédrale8. »
Fig. 47. – La galerie d’exposition de la maison Raffl côté rue (Le Mois littéraire et pittoresque, 1901).

© Pauline Carminati.
Fig. 48. – La rotonde (Le Mois littéraire et pittoresque, 1901).

© Pauline Carminati.
5Dans le cas des grandes maisons de statuaire religieuse, ce n’était donc pas dans une simple boutique que pénétrait le client. À la fois musée et église, l’espace important accordé à l’exposition des statues et leur mise en scène permettaient d’ajouter à l’effet produit par les statues et d’impressionner les acheteurs.
6Selon un schéma commun aux autres types de commerces, devantures et enseignes signalaient les boutiques depuis la rue et contribuaient à attirer la clientèle, d’autant plus dans le contexte de forte concurrence de la capitale9. Avec ses trente mètres de façade, la devanture de la maison Raffl devait se remarquer de loin. Bien qu’aucune photographie n’ait été retrouvée, certaines cartes postales de la rue Bonaparte laissent deviner son aspect. Contrairement aux constructions adjacentes, le bâtiment n’était pas un immeuble, aussi sa façade se démarquait-elle par ses proportions : une faible hauteur (seulement deux niveaux) pour une grande largeur, affichant immédiatement le caractère artisanal de l’activité qui s’y déployait. La boutique donnant directement sur la rue, de grandes baies vitrées permettaient de faire le lien entre l’espace extérieur et l’espace intérieur. Des statues de toutes tailles étaient placées face aux fenêtres afin d’être vues des passants. Charles Géniaux décrit avant même d’entrer qu’« à travers les glaces de la montre, des théories de saints s’érigent dans leurs gestes bénisseurs et des anges s’envolent, tandis que des diables bruns, à lippes rouges, grimacent sous les pieds vainqueurs des saint Michel ». Les objets exposés « en montre » étaient renouvelés selon le calendrier liturgique. À l’approche de Noël, les crèches envahissaient les vitrines et faisaient l’admiration des enfants. Par souci à la fois d’identification et de visibilité, le nom des entreprises était inscrit en grosses lettres sur les devantures. Gravures et photographies montrent en outre que des statues étaient exposées sur la façade des boutiques, comme des enseignes (fig. 49). Le contenu du magasin débordait ainsi physiquement sur la rue. Ces statues-enseignes participaient à l’identité du quartier et faisaient écho aux autres statues religieuses qui, avant les lois de laïcisation du début du xxe siècle, peuplaient l’espace public parisien et dont certaines cartes postales anciennes gardent le souvenir.
Fig. 49. – La boutique de Peaucelle-Coquet rue de Sèvres, vers 1900.

© Pauline Carminati.
7Inscrite dans son quartier, la boutique bénéficiait des atouts de celui-ci. Comme pour tout commerce, l’emplacement constituait un choix stratégique. Les abords des établissements religieux et des lieux de culte très fréquentés, comme la basilique de Montmartre ou l’église Notre-Dame des Victoires, ainsi que les quartiers spécialisés comme Saint-Sulpice, représentaient des zones particulièrement attractives où la clientèle était davantage susceptible de se rendre. Les alentours de l’église Saint-Sulpice, où se trouvaient le grand séminaire ainsi que plusieurs congrégations religieuses, commencent à centraliser les commerces d’articles religieux à partir des années 186010. À cette époque, c’est-à-dire avant les travaux entrepris pour prolonger la rue de Rennes, le quartier de l’église Saint-Germain-des-Prés était lui aussi spécialisé dans les fournitures pour les églises11. Mais les travaux de voirie obligèrent les boutiques qui étaient implantées sur la place à déménager, tandis qu’au même moment les commerces se regroupaient autour de l’église Saint-Sulpice. L’attractivité de ce quartier se lit à travers le parcours de Raffl. Dès 1864, alors qu’il avait rejoint trois ans auparavant l’atelier de Frediani boulevard Saint-Jacques, il loua une boutique 59, rue Bonaparte. En 1867, il quittait définitivement le 14e arrondissement et installait son atelier rue Cassette, avant de réunir boutique et ateliers 64, rue Bonaparte en 1870, signe de sa volonté bien arrêtée de trouver des locaux adaptés à proximité de l’église Saint-Sulpice. La spécialisation du quartier constituait en effet un atout majeur. Les clients à la recherche de fournitures pour leur église ou leur chapelle s’y rendaient directement et savaient qu’ils y trouveraient tout ce dont ils avaient besoin. La concentration des commerces spécialisés dans les articles religieux donnait au lieu un visage bien particulier par le biais des devantures des boutiques. De nombreuses mentions du quartier soulignent son pittoresque, encore accru au moment des fêtes, comme ici dans l’article de François Thiébault-Sisson, qui malgré sa distance critique ne pouvait se défendre de l’attrait exercé par les boutiques :
« Je ne connais pas de quartier, dans Paris, plus pittoresque et d’une saveur plus spéciale que le quartier Saint-Sulpice. L’article religieux, qu’on y fabrique d’une manière exclusive, lui donne, surtout à l’approche des grandes fêtes, un aspect unique en son genre. Ici des parements d’autel, des surplis, ornés de merveilleuses dentelles ; là des dalmatiques, des étoles, des chasubles, chargées de lourdes broderies en or fin ; ailleurs, dans des reliures massives, chamarrées, brodées également, les livres liturgiques, antiphonaires ou missels, égayés de multicolores signets ; partout, enfin, de fastueux étalages de statues aux poses traditionnelles, aux gestes hiératiques et convenus, où la foi, tantôt déréglée, tantôt touchante, s’affirme en poupons de cire vêtus de chemises blanches et couchés, entre l’âne et le bœuf, sur la paille légendaire d’une crèche, en saints alanguis, en saintes frêles, en christs violacés et saignants12. »
8Sans équivalent ailleurs, le quartier de l’église Saint-Sulpice acquit une réputation internationale, à laquelle contribua la maison Raffl qui en était l’une des entreprises les plus célèbres. Devenu le symbole de ce commerce spécialisé, il donna à partir de la fin du siècle son nom à la production toute entière, dénomination qui perdure encore aujourd’hui.
La vente par correspondance
9Dans la continuité des pratiques commerciales des mouleurs-éditeurs et des fabricants de sculptures depuis la fin du xviiie siècle, la maison Raffl vendait également statues et mobilier par correspondance. Un ensemble de supports imprimés complémentaires assurait ce commerce : l’album illustré, le tarif et les photographies indépendantes. Ces supports se combinaient à différents moyens de communication – courrier, télégraphe et téléphone – pour permettre la gestion des commandes. La vente par correspondance s’appuyait en outre sur un réseau de transport ferré particulièrement développé et efficace.
10Le terme « catalogue » voit son sens évoluer chez les fabricants de statues religieuses au cours de la seconde moitié du xixe siècle13. Désignant d’abord la liste des modèles vendus par l’entreprise – dite aussi « nomenclature des modèles » –, il était distingué du « tarif », qui présentait les prix des statues en fonction du matériau, des dimensions et du type de décor, et de l’« album », recueil de représentations des modèles sous forme de gravures ou de photographies. Dans cette acception, le catalogue était souvent associé au tarif, tandis que l’album était diffusé séparément et en nombre plus restreint, car plus coûteux à produire. Ainsi, en 1861, Besand indiquait à la fin de son Extrait du tarif général et du catalogue des statues :
« MM. les Curés desservants pourront prendre connaissance des dessins de l’Album chez M. le Curé-doyen de leur Canton. Comme par le passé, on adressera franco, et sur demande, les feuilles de l’Album contenant les statues dont on désirera faire l’acquisition. Un Album sera adressé gratis à chaque Ecclésiastique qui fera une commande de 100 francs et au-dessus14. »
11Comme le résumait l’abbé Durand, « les statues se choisissent par les albums, elles se vendent par les catalogues15 ». Ces documents commerciaux étaient généralement diffusés sous une forme matérielle autonome, allant de la feuille libre à l’épais volume relié de plusieurs dizaines de pages. Des extraits de tarif pouvaient aussi parfois être insérés dans les journaux en guise de publicité16. Au fil du temps, le terme « catalogue » prit un sens plus large, regroupant la liste des modèles, le tarif et les illustrations dans un même imprimé, ou bien seulement le tarif et une sélection d’illustrations. C’est dans ce sens général que nous l’employons également, d’autant plus que la majorité des sources à notre disposition datent de la toute fin du xixe siècle ou du début du suivant, et sont mixtes. En effet, bien qu’il en soit fait mention dès les années 1840, rares sont les catalogues de vente de statuaire religieuse antérieurs aux années 1880 qui soient conservés.
12À l’instar des recueils de manufactures d’ornements, les premiers albums des fabricants de statues religieuses étaient illustrés par des gravures réalisées à partir de dessins. La mise au point de la photographie poussa très tôt certains éditeurs à adopter ce nouveau procédé. Solon fut l’un des premiers à en tirer parti. Dans la perspective de la vente par correspondance, la fidélité des reproductions était un enjeu important pour gagner la confiance de la clientèle et la photographie apparaissait alors comme un médium sincère qui ne pouvait pas tromper. D’après la revue Cosmos, Solon avait constitué un « album unique en son genre » : « Aujourd’hui M. Solon part pour faire connaître lui-même ses progrès à tout le clergé de France, de Belgique et d’Espagne, il peut dire qu’il emporte sa galerie de sculpture avec lui ; ses échantillons sont la vérité même17. » Ainsi la photographie paraissait-elle plus à même de traduire les spécificités de la sculpture en deux dimensions. En fait, plus encore que son « objectivité », Solon avait parfaitement compris le potentiel de mise en valeur offert par le nouveau procédé technique. Les statues pouvaient être magnifiées par la photographie, leurs défauts atténués. Lors de l’exposition universelle de 1855, il présenta son album avec une petite sélection de statues. La revue Cosmos loua une nouvelle fois son initiative et regrettait « que tous les exposants ne l’aient pas imité en offrant comme lui, aux regards du public, de belles épreuves photographiques des objets exposés, au lieu de dessins partiels qui font souvent mal juger la chose représentée18 ». Les autres éditeurs semblent donc avoir mis plus de temps à recourir à ce procédé moderne, sans doute en raison de son coût.
13La photographie s’imposa bientôt comme un outil indispensable à la vente des statues religieuses par correspondance. Dès les années 1860, Moynet fit réaliser un petit album de format carré qu’il envoyait sur demande contre une consigne de douze francs, afin d’obliger son destinataire à le retourner (fig. 50). En 1878, la maison Raffl proposait le sien à la vente au prix de 150 francs19. Les photographies servirent également de base aux gravures, offrant une précision et une fidélité plus grandes que les gravures d’après dessins du début du siècle, tout en permettant l’impression en série des albums et en abaissant leur coût. Ces albums pouvaient dès lors être diffusés plus massivement : non consignés, ils étaient envoyés non plus seulement sur demande mais spontanément par les entreprises dans tous les presbytères. Les fabricants précisaient que « ces gravures ne pouvant que donner l’ensemble des statues, sans rendre l’expression des figures, des photographies continueront à être envoyées sur demandes20 ». Elles étaient envoyées à l’unité, en fonction des sujets recherchés par le client. Moynet fit même réaliser des photographies stéréoscopiques permettant de voir les statues en relief. À la fin du siècle, la diffusion de la photogravure permit aux fabricants de reproduire dans leurs albums les photographies en noir et blanc. Quelques modèles de statues étaient également imprimés en couleurs par le procédé de la chromolithographie afin de présenter des spécimens des différents décors. Les éditeurs les plus importants employaient un photographe au sein de leur entreprise. C’était notamment le cas de la maison Raffl, qui dans son catalogue encourageait sa clientèle à demander des photographies pour lui permettre « de mieux juger nos modèles dont les gravures ci-contre ne représentent qu’imparfaitement la finesse21 ». Albums et photographies individuelles étaient donc complémentaires : le client faisait une première sélection via l’album puis commandait des tirages afin d’avoir une idée plus précise des statues.
Fig. 50. – Album de photographies de la maison Moynet, années 1860.

© Pauline Carminati.
14Les commandes à distance se passaient principalement par courrier. Les deux parties devaient se mettre d’accord non seulement sur le modèle et sur sa taille, mais aussi sur sa matière, son décor et son prix, ce qui n’était pas toujours facile malgré les explications fournies par les catalogues. L’abbé Durand cite plusieurs exemples de lettres échangées entre Moynet et ses clients, qui témoignent des nombreuses exigences de ces derniers et d’une certaine difficulté à comprendre le fonctionnement d’une maison d’édition22. Quelques lettres de la maison Raffl conservées dans divers fonds d’archives mettent en lumière des échanges similaires. Le marchandage était très fréquent et les négociations parfois longues. Les clients demandaient régulièrement des matières qui ne figuraient pas au catalogue mais dont ils avaient entendu parler ailleurs, ou bien des dimensions indisponibles. Dans les catalogues comme sur les photographies, les statues étaient identifiées par des numéros qui renvoyaient au registre des modèles tenu par l’éditeur. Le client devait se référer à ce numéro pour passer sa commande. Néanmoins, certains exigeaient parfois des modèles sur mesure, demandant par exemple une combinaison de plusieurs modèles différents. Des projets d’envergure, comme par exemple le chemin de croix monumental de Lourdes, nécessitaient une correspondance particulièrement fournie, agrémentée de nombreux croquis23. Un employé se rendait même parfois sur place : « Pour toute affaire d’une certaine importance, nécessitant l’examen des lieux, l’un des chefs de la Maison se déplace, à la première demande du Client, et se transporte à son domicile. Il va, de suite, lui soumettre albums, devis, croquis et explications détaillées24. » Les grandes entreprises disposaient en outre d’un voyageur de commerce qui parcourait le pays, voire partait à l’étranger, à l’affût des besoins du clergé, établissant au besoin des devis et des plans.
Les intermédiaires
15La plupart des fabricants de sculptures religieuses ne vendaient pas uniquement en direct à la clientèle. Ils travaillaient aussi avec des revendeurs implantés en France et à l’étranger. Léon Moynet déclarait en 1877 :
« Le commerce français s’empare à présent d’une bonne partie des produits de ma maison pour en faire son affaire propre. C’est pourquoi j’ai toujours soin de tenir en magasin un supplément de 4,000 statues, ce qui permet de servir la clientèle marchande aussi exactement que celle du clergé25. »
16Ces intermédiaires devaient constituer un maillon important de la diffusion des statues car ils permettaient d’étendre le réseau commercial des fabricants et d’atteindre une clientèle locale réticente à la vente par correspondance et préférant un rapport direct avec le marchand. Il s’agissait le plus souvent de « marchands d’ornements d’église » qui centralisaient la vente d’articles en tout genre à destination des églises et de la dévotion privée : linge d’autel, orfèvrerie, bibelots religieux, fleurs artificielles, etc. Des artisans – marbriers, peintres en décor, mouleurs, etc. – achetaient également des statues aux fabricants pour les revendre. Certains revendeurs, qu’ils soient marchands ou artisans, commandaient les épreuves brutes et se chargeaient de les décorer ou de le faire faire par des peintres travaillant à leur service26. Les intermédiaires n’achetaient pas toujours les statues pour les revendre mais en prenaient parfois seulement quelques-unes en dépôt en guise d’exemplaires de démonstration et relayaient les commandes directement au fabricant en prenant une commission au passage. Ces diverses pratiques ouvraient la porte à des abus divers à la limite de la contrefaçon car certains apposaient leur propre signature sur les statues, voire les faisaient surmouler pour leur propre compte sans autorisation du propriétaire des modèles. Les méthodes commerciales de ces revendeurs ne plaisaient pas à tous les fabricants. Cachal-Froc se faisait fort de ne pas travailler avec eux, ainsi qu’il l’expliquait dans son catalogue de 1895 avec son style caractéristique, parlant de lui à la troisième personne :
« M. L. Cachal-Froc ne traite que – directement – avec le Clergé et avec les Communautés. Son travail est trop artistique et trop soigné pour être vendu par l’intermédiaire de marchands… qui ne peuvent trouver des statues… au rabais… que dans les maisons dont le genre est le travail commun. Dans les Ateliers Cachal-Froc… on ne vend donc pas aux marchands-revendeurs – dits fabricants d’ornements d’églises, de chasublerie ou de bronzes de Paris… ou d’ailleurs… qui font voyager – qui s’annoncent sur leurs albums comme ayant des ateliers pour les autels et pour les statues, et qui, cependant, ne vendent que de seconde main…, au grand détriment du travail27. »
17La maison Raffl n’avait pas tant de scrupules. L’inventaire après décès de Verrebout donne le nom de plusieurs intermédiaires qui avaient en 1889 des « marchandises en consignation » : Hérard à Metz (9 stations de chemin de croix d’une valeur de 336 francs), Blondel Delor à Arras (une statue d’une valeur de 321 francs), Yvoy à Toulouse (6 grandes statues en fonte d’une valeur de 2 535 francs), Vaquès à Barcelone (241 statues d’une valeur de 5 299 francs), Mellerio à Madrid (24 stations et 61 statues d’une valeur de 1 434 francs). D’autres noms de revendeurs ont été croisés au fil des recherches : Yarz à Toulouse, Castets et Welter Lages à Lourdes, Pierron et Hozé à Nancy. Bien d’autres encore devaient certainement s’y ajouter. Les archives de Mme Hérard, marchande d’ornements d’église à Metz, permettent d’étudier plus précisément l’un de ces intermédiaires28. L’en-tête de cette commerçante indiquait :
« Ornements d’église, chasublerie, lingerie et tapis /Bronze, orfèvrerie d’église, vitraux, ornements en bois, terre cuite, ciment, appuis de communion /Statues de Munich, Paris, Vaucouleurs, chemins de croix, autels en bois, pierre, fonte, etc. /Fabrique de fleurs pour église. »
18Ses archives montrent qu’elle était en relation avec différents fabricants et artisans, à la fois français et allemands. Sa correspondance avec la maison Raffl s’étale de 1877 à 1899. La part qui en est conservée se compose d’une centaine de lettres adressées par l’entreprise, de cent vingt-cinq relevés et factures relatifs aux commandes effectuées, de deux photographies de modèles et de trois tarifs (1895, 1896 et 1898). La première lettre datée de 1877 correspond au début de leurs relations et présente les conditions offertes par la maison Raffl aux marchands. Compte tenu de l’application de droits de douane du fait de l’annexion de la Lorraine, les remises concédées à Mme Hérard allaient de 15 à 25 % selon les modèles, les dimensions et les matières, le port et l’emballage étant à la charge du marchand et non soumis à une réduction. D’après l’abbé Durand, Moynet accordait à la même époque aux commerçants établis en France une remise de 20 %, plus le franco de port et d’emballage. La lettre suivante accompagnait le « tarif général » et fournissait des explications sur le calcul des prix. De nombreuses commandes suivirent, mais d’un montant souvent peu important et de plus en plus espacées au fil des années. À travers ces archives, on comprend que Mme Hérard recevait des commandes du clergé et des particuliers qu’elle transmettait ensuite à l’un ou à l’autre de ses collaborateurs, selon son choix. Les fabricants avaient donc intérêt à s’attirer ses bonnes grâces, en lui envoyant par exemple gratuitement les albums de photographies d’ordinaire payants. La marchande commandait la plupart du temps à la maison Raffl des épreuves brutes et les faisait décorer par Jacob Resch, peintre décorateur allemand installé à Metz, probablement pour réduire les coûts. On peut donc en conclure qu’il existe des statues de la maison Raffl possédant une polychromie qui n’a pas été réalisée dans ses ateliers. Cette observation peut sans doute être appliquée à tous les fabricants.
19Pour augmenter ses ventes et étendre sa clientèle, la maison Raffl ne comptait pas uniquement sur sa boutique parisienne, ses catalogues et son réseau d’intermédiaires : elle avait également recours à la publicité.
La publicité
20En 1895, dans l’introduction de son catalogue citée précédemment, Cachal-Froc se plaignait de l’évolution mercantile de sa profession et dénonçait l’augmentation de la publicité chez ses concurrents29. Il reprochait en particulier à ces derniers de faire « des dépenses permanentes dans les Expositions » et « des réclames à l’année dans toutes les publications catholiques ». Il avançait même des chiffres : « certains de ces spéculateurs inondent les presbytères de leurs réclames ; il en est qui lancent 80,000 prospectus tous les mois ! – Un million de prospectus par an !!! » Si cette critique permettait bien entendu au fabricant de faire sa propre promotion, elle reflète l’importance des pratiques publicitaires dans le secteur de la statuaire religieuse et identifie leurs deux principaux vecteurs : la réclame et les expositions.
La réclame : supports et discours
21À l’instar de ses confrères, la maison Raffl a eu recours à la réclame dans le but non seulement de se faire connaître mais aussi de donner une image positive et attractive de sa production. Ce type de publicité se caractérise donc à la fois par une fonction informative et un rôle de mise en valeur, voire de justification. Les arguments et moyens employés traduisent les critiques sous-jacentes auxquelles la maison faisait face et tentait de répondre.
22Les annonces commerciales publiées dans la presse pouvaient être regroupées dans des pages spéciales ou intégrées aux articles. Cette forme de publicité fut largement employée par la maison Raffl et de plus en plus au fil du temps. Parmi les journaux et revues qui accueillirent la réclame de l’entreprise, on peut citer Le Figaro, La Croix, L’Univers, La Semaine religieuse, La Femme et la famille ou encore La France illustrée. Il faut ajouter à cela les annonces publiées dans les annuaires commerciaux, également payantes, qui se doublaient parfois d’une pleine page dans l’Album illustré (fig. 51). Sur tous ces supports, la publicité devait s’adapter à un espace très restreint. La forme avait donc un rôle tout aussi important que le contenu. Toutes les ressources de la typographie étaient utilisées afin d’attirer le regard du lecteur : polices différentes, capitales, caractères gras ou italiques. Des images étaient également parfois ajoutées. Aux renseignements élémentaires tels que le nom de l’entreprise, son adresse et son activité, les fabricants de statues ajoutaient tout ce qui pouvait les distinguer de leurs concurrents, par exemple la date de fondation de l’entreprise, destinée à mettre en valeur son ancienneté, ou la mention des médailles obtenues aux grandes expositions internationales. Les annuaires mettent particulièrement bien en lumière la recherche de visibilité des fabricants par le biais de la réclame. Ces derniers faisaient insérer leur annonce dans une multitude de rubriques afin d’augmenter leurs chances d’être repérés. Ils rivalisaient pour se démarquer visuellement par les jeux de typographie, par l’occupation de l’espace de la page, par l’insertion d’encadrés et d’images. Ces effets furent utilisés de manière exponentielle au cours du temps. Dans l’édition de 1900, l’annonce de la maison Raffl occupe ainsi une colonne complète, tandis que les autres se limitent à quelques lignes. La maison Peaucelle-Coquet opta pour une stratégie différente. Lorsqu’elle commença à acquérir d’autres fonds de commerce, elle fit inscrire son nom sous celui de toutes les entreprises rachetées, allant jusqu’à ressusciter leurs prédécesseurs afin de gagner en visibilité. Par la suite, la fusion des deux maisons renforça le processus, si bien que la rubrique « Statues religieuses » fut bientôt composée à plus de 50 % d’annonces de la maison Raffl. Ces pratiques coûtaient évidemment très cher, comme le soulignait Cachal-Froc en 1895, probablement en partie par dépit de ne pouvoir en faire autant.
Fig. 51. – Publicité pour la maison Verrebout insérée dans l’Annuaire-almanach du commerce en 1889.

© BnF, Gallica.
23Plus largement, tous les documents commerciaux des fabricants étaient des supports publicitaires, que ce soit les courriers et factures ou les catalogues de vente. L’en-tête des courriers et factures de la maison Raffl présentait généralement les mêmes informations que les annonces des annuaires ; comme elles, il occupe de plus en plus de place au cours du temps. Dans les années 1940, il s’étendait ainsi sur près des trois quarts de la page. Les catalogues constituaient la version développée de ces publicités abrégées. Là pouvait se déployer la rhétorique commerciale des fabricants. Tout en procurant des renseignements « objectifs », comme la nomenclature des modèles, le nom des matières et des décors, les conditions de transport ou encore les tarifs, les catalogues étaient des documents promotionnels dans lesquels texte et images étaient orientés de manière à valoriser tant l’éditeur que les statues et encourager la clientèle à les acheter. Par le biais du texte (introduction, descriptifs, etc.), les fabricants mettaient en avant leurs atouts, vantaient leur supériorité, critiquaient par la même occasion leurs concurrents et flattaient le client. Le trait le plus saillant de ce discours publicitaire commun est la volonté des fabricants de valoriser le caractère artistique de leur production, et par extension de passer pour des artistes, répondant implicitement aux reproches adressés à la statuaire religieuse d’édition. Tous insistent sur la valeur artistique de leurs modèles et tentent par tous les moyens de démentir la réputation de production industrielle et d’activité uniquement commerciale. Les termes « art », « artistique », « œuvre », « artiste » étaient utilisés abondamment. La maison Raffl ayant acquis le fonds de Salvatore Marchi, elle se permettait de vanter « ses modèles exécutés par des sculpteurs connus », « d’une valeur artistique indiscutable », et ses « créations inédites ». Elle aimait tout particulièrement mettre en avant la possibilité pour le client de commander des sculptures sur mesure, comme à tout autre sculpteur traditionnel :
« Le modelage des sujets nouveaux, dont les connaisseurs veulent bien nous confier l’exécution, est accompli par de véritables artistes, qui, rivalisant de talent avec leurs illustres devanciers, les surpassent quelquefois. Le travail s’effectuant à nos ateliers de la rue Bonaparte, le Client peut en suivre la marche dans ses moindres détails et y introduire les changements avantageux pour sa statue qui, dans tous les cas, est un original et, sous son inspiration éclairée, devient souvent une œuvre d’art30. »
24Quelques années plus tôt, Froc-Robert louait lui aussi « le mérite de [ses] modèles » et affirmait s’inspirer « de la statuaire si religieuse du moyen-âge », modèle absolu associé dans l’imaginaire collectif au désintéressement et à la piété31. Il employait l’expression « mes œuvres », entretenant soigneusement l’idée qu’il était lui-même leur auteur (ce qui n’était pas le cas), suggérant ainsi une relation directe entre l’artiste et le client. Dans le même ordre d’idée, il disait tenir à surveiller lui-même les ateliers et suivre l’exécution des commandes, montrant par là qu’il ne déléguait pas tout à des collaborateurs. Il prétendait ne faire « ni prospectus, ni réclame » et être « moins préoccupé des bénéfices que de la réussite de [ses] œuvres », c’est-à-dire ne pas se comporter comme un vulgaire commerçant. Les mêmes thématiques se retrouvent dans l’introduction du catalogue de Cachal-Froc, à la différence que celui-ci avait vraisemblablement un véritable rôle artistique dans son entreprise. Se présentant comme « sculpteur et architecte », il accusait tous ses concurrents de n’être que des spéculateurs et des trafiquants uniquement intéressés par les bénéfices. Contrairement à eux, il ne déléguait rien à des gérants, des contremaîtres ou des sous-traitants ; il dirigeait personnellement ses ateliers et collaborait à tous les travaux. Donc lui seul vendait des « statues artistiques » :
« J’ai toujours réprouvé les tentatives commerciales. Aimant passionnément mon art, je n’ai jamais eu qu’une pensée, qu’un but : faire toujours mieux, créer de nouveaux modèles artistiques toujours plus parfaits en m’inspirant sans cesse des Maîtres de la Statuaire chrétienne, et en imprimant à mes œuvres le sentiment religieux qui caractérise les meilleures époques. […] Il n’y a aucune comparaison à établir entre ma Statuaire religieuse artistique et le travail genre usine que l’on fait maintenant dans certains ateliers32. »
25Il n’hésitait pas à affirmer : « encore quelques années et il n’y aura plus d’art religieux ; il n’y aura plus que des bazars dans lesquels on vendra des statues quelconques manufacturées par des manœuvres », reprenant à son compte les critiques contemporaines faites à l’encontre de la statuaire religieuse d’édition. Parmi les autres éléments récurrents dans les discours des fabricants, on peut citer également la modération des prix et le bon « rapport qualité-prix » des statues, la supériorité de leurs matières sur celles de leurs concurrents, ou encore les expressions « tous les modèles », « toutes les tailles », « toutes les matières », destinées à persuader le client qu’il trouvera tout ce qu’il recherche.
26L’image jouait également un rôle de premier plan dans cette démarche promotionnelle. Les gravures ou les photogravures présentes dans les catalogues et leur mise en page soignée et réfléchie concouraient à donner une image valorisante des statues, à les magnifier. La lumière était choisie pour mettre en valeur les volumes et, en faisant varier légèrement l’angle de vue, il était possible d’atténuer l’effet de répétition dû aux marcottages. Pour être lisibles une fois imprimées en petit format et en noir et blanc, les gravures offraient une vision simplifiée des statues et pour la même raison celles-ci étaient généralement photographiées non polychromées. Gravures et photogravures mettaient ainsi à distance la question du matériau et du décor, cible de certaines critiques, et représentaient les statues telles que des sculptures de marbre (fig. 52). La photographie permettait en outre d’accentuer l’aspect « vivant » de la statue, dont on a souligné l’importance pour la clientèle dans le chapitre précédent, en donnant l’impression d’arrêter un mouvement en cours. La mise en page de ces images dans les catalogues ajoutait à son tour des effets. La succession des modèles suivait généralement un ordre thématique mais les éditeurs avaient soin d’éviter de juxtaposer sur une même page des variantes très proches et privilégiaient la variété33. La mise en page témoigne même souvent d’une véritable mise en scène, les statues représentées sur la même page se répondant formellement ou iconographiquement. Comme dans la boutique, ces « suggestions de présentation » pouvaient susciter l’envie de les reproduire dans l’église (fig. 53). Ainsi, bien plus qu’un simple outil de vente par correspondance, le catalogue constituait un organe publicitaire entièrement conçu pour séduire la clientèle, la convaincre et l’inciter à acheter.
Fig. 52. – Catalogue Peaucelle-Coquet, vers 1905.

© Pauline Carminati.
Fig. 53. – Catalogue no 59 de la maison Raffl, années 1910.

27Outre la réclame qu’ils produisaient eux-mêmes, les fabricants bénéficièrent également de la publicité que certains journaux leur assurèrent en leur consacrant des articles élogieux. L’Univers et Le Figaro firent ainsi à plusieurs reprises la promotion des principales entreprises parisiennes. Il faut citer aussi au moins trois reportages publiés au tournant du siècle qui, bien que plus réservés quant à leur jugement, donnaient une image globalement positive des fabricants de statues religieuses. Parus dans L’Illustration, Le Mois littéraire et pittoresque et le Pearson’s Magazine, ils décrivent avec précision le fonctionnement des ateliers34. Les fabricants semblent avoir volontiers accueilli les journalistes. En leur permettant d’assister au processus de création et de fabrication des statues, ils entendaient probablement combattre la réputation d’objet industriel de la statuaire religieuse et en montrer ses aspects artistiques et artisanaux.
28Enfin, certains fabricants de grande envergure tels que la maison Raffl s’assurèrent une publicité efficace en présentant régulièrement leurs statues dans le cadre d’expositions temporaires, nationales et internationales, en particulier les prestigieuses expositions universelles.
Les expositions
29Tous les documents commerciaux de la maison Raffl faisaient état de médailles obtenues à des expositions en France et à l’étranger. Le catalogue de 1900 énumérait les principales :
« Récompenses obtenues aux expositions de Paris 1878, 1879, 1886, 1888, 1889, 1891 – Rome 1870 – Vatican 1888 – Bordeaux 1895 – Barcelone 1888 – Toulouse 1887 – Anvers 1885 – Nouvelle-Orléans 1885 – Philadelphie 1876 – Beauvais 1869 – Exposition universelle Paris 1900, etc. »
30Parmi elles figurent plusieurs expositions universelles, manifestations internationales qui offraient une vitrine de l’art et de l’industrie de chaque pays participant, en particulier du pays d’accueil qui se réservait la plus belle part et mettait en valeur ses spécialités35. La France en organisa cinq entre 1855 et 1900 ; toutes comptèrent des sculptures religieuses d’édition. Celles-ci, dans la continuité des expositions industrielles de la première moitié du xixe siècle, étaient classées parmi les produits de l’industrie et non parmi les beaux-arts. La présence et le classement de cette production au sein de ce type d’expositions sont révélateurs de la perception que l’on en avait : spécialité française à part entière, elle contribuait à démontrer le développement et l’excellence des « arts industriels » nationaux, à asseoir la prééminence de la France « sans rivale partout où l’industrie touche au domaine de l’art36 ».
31Les objets destinés au culte et à la décoration des églises n’étaient pas rassemblés dans une même classe. En 1855, lors de la première exposition universelle parisienne, ils étaient répartis selon leur typologie : orfèvrerie, textile, céramique, mobilier, sculpture, etc. Dans le Palais de l’Industrie, vaste bâtiment construit pour l’occasion, ils étaient présentés par classe et par conséquent dispersés, ce dont se plaignait Henri de Riancey dans L’Ami de la religion37. La statuaire religieuse moulée, alors produite à une échelle très limitée, était représentée seulement par Solon, Hugon-Roydor et Pillioud38. Si cela concernait donc peu la sculpture, les observateurs notèrent le développement significatif des secteurs d’activité liés à la décoration des églises. Cette évolution se renforça durant la décennie suivante, comme en témoigne la nouvelle organisation adoptée à l’exposition de 1867. En 1855, une section de la 24e classe : « Industries concernant l’ameublement et la décoration », était dédiée aux « Meubles, ornemens et décors pour les services religieux » et regroupait déjà plusieurs domaines d’activité différents, mais les exposants ainsi rassemblés étaient très peu nombreux39. En 1867, cette volonté de réunir dans une même classe les entreprises spécialisées dans l’ameublement des églises fut poussée plus loin. La classe des « Ouvrages du tapissier et du décorateur » regroupait désormais la plupart de ces entreprises, à l’exception des vitraux et des ornements liturgiques40. En outre, un bâtiment spécial fut construit pour exposer l’art religieux français : la chapelle du Champ-de-Mars, un des pavillons implantés dans le parc entourant le Palais d’Exposition (fig. 54). Le projet, dû au peintre-verrier Charles Lévêque, est décrit dans un catalogue spécialement consacré à ce pavillon :
« L’auteur de ce projet a eu l’heureuse idée de profiter de l’Exposition universelle de 1867 pour placer les productions de l’art et de l’industrie dans le milieu qui leur est nécessaire. Il a conçu le plan d’une vaste chapelle, disons mieux, d’une église (elle devait en avoir les proportions), d’une nef autour de laquelle devaient rayonner des chapelles de tous les styles depuis le roman jusqu’à la Renaissance. Ce plan général était contraire sans doute aux lois d’harmonie qui doivent présider à la création de toute œuvre d’art. Cette réunion de tous les styles d’architecture était imposée ici par la nécessité de recevoir des œuvres de tous les styles et de les placer dans un milieu préparé pour elles41. »
Fig. 54. – La chapelle de l’Exposition universelle de 1867 (Le Monde illustré, 12 octobre 1867).

© BnF, Gallica.
32Ce projet ambitieux, qui rencontra des difficultés de financement et dut être réduit, concrétisait l’enjeu contemporain de la décoration des églises et l’essor du marché de l’art religieux. Dans cet écrin entièrement décoré par les exposants, depuis le carrelage jusqu’aux peintures murales en passant par les vitraux, l’orfèvrerie, le mobilier ou encore l’encens, la statuaire avait la part belle. On dénombre en effet d’après le catalogue au moins quinze éditeurs de statues religieuses, signe manifeste du développement de ce secteur42. Les expositions suivantes ne reprirent pas le principe de la chapelle et modifièrent à nouveau la classification des exposants, mais les entreprises spécialisées dans l’art religieux demeurèrent réunies dans le groupe du mobilier et furent présentées dans un même espace au sein des Palais d’Exposition successifs. En 1878, les fabricants français de statues religieuses étaient encore une quinzaine, sans compter les fonderies43. En 1889, ils n’étaient plus que sept44, six en 190045.
33Les fabricants exposaient généralement des pièces exceptionnelles destinées à donner la meilleure image de leurs compétences et à se distinguer de la concurrence. En 1867, Raffl présentait à lui seul douze statues de grand format, dont un Calvaire placé à l’extérieur de la chapelle46. Il avait choisi un échantillon de différents matériaux et décors, en particulier le décor brocart pour lequel il avait déposé un brevet d’invention deux ans plus tôt. Lors de l’exposition suivante, sa pièce maîtresse était un groupe sculpté grandeur nature représentant Pie IX et la France agenouillés devant le Sacré-Cœur47. Raffl présentait en outre plusieurs statues, notamment une Vierge en pierre et un Christ en bois de cèdre, un chemin de croix et deux autels, l’un en marbre et l’autre en chêne avec des reliefs en albâtre, tous deux conservés aujourd’hui dans l’église Notre-Dame des Cordeliers à Laval48 (fig. 55). En 1889, Verrebout exposa un autel en chêne « style Renaissance » exécuté spécialement pour l’occasion, un groupe représentant saint Martin également en chêne, deux anges en carton romain décor riche, un baptistère « treizième siècle » en marbre, un autre « quinzième siècle » en chêne, une Descente de croix en marbre, une « tête de Vierge » sans précision de matériau, une Vierge en pierre, et un Sacré-Cœur en carton romain décor brocart de 1,8 m49. En 1900, la maison Raffl présentait la première station du chemin de croix monumental commandé par le sanctuaire de Lourdes : composée de dix personnages en ronde-bosse plus grands que nature, en fonte polychromée, il s’agissait là encore d’un ensemble tout à fait exceptionnel50.
Fig. 55. – Maison Raffl, autel latéral en marbre, 1878, église Notre-Dame des Cordeliers à Laval.

© Pauline Carminati.
34Ces expositions attiraient une foule de visiteurs – quatre millions et demi en 1855, plus de neuf millions en 1867 – et apportaient à ceux qui y participaient une grande quantité de commandes. La maison Raffl expliquait ainsi en 1878 à une cliente qui se plaignait de ne pas avoir reçu sa statue : « nous ne savons depuis quelque temps à qui répondre, notre exposition nous amène un nombre considérable de visiteurs et d’acheteurs, et nous avons malheureusement et bien malgré nous une infinité de commandes en retard51 ». Autre bénéfice direct, les expositions donnaient lieu à l’attribution de médailles. Si ces récompenses ne reflétaient pas toujours les avis, parfois critiques, exprimés dans les rapports de jury, elles n’en étaient pas moins des marques officielles de reconnaissance de la qualité des statues et du mobilier fabriqués par l’entreprise. Elles conféraient un certain prestige aux lauréats, qui venait s’ajouter à celui d’avoir été sélectionné par le comité d’admission. Aussi étaient-elles systématiquement mentionnées dans la réclame des fabricants. Leur valeur publicitaire était telle qu’elle conduisit à des abus. Verrebout n’hésitait pas à indiquer sur certains documents commerciaux : « médailles or et argent à toutes les expositions ». Les frères Delin en firent autant et s’attribuèrent en outre la distinction honorifique de leur prédécesseur, qui avait été nommé membre du jury en 1889, dérives qui furent condamnées lors d’un procès en 189752.
35La participation à ces expositions témoigne de l’activité déployée par la maison Raffl pour se faire connaître. Par ce biais, celle-ci ne touchait pas seulement une clientèle française. Beaucoup d’étrangers faisaient également le déplacement. Le marché extérieur constituait un débouché important pour l’entreprise qui développa un ensemble de stratégies commerciales spécialement destinées à accroître ses exportations.
L’exportation
36La diffusion des sculptures religieuses d’édition fabriquées en France s’est étendue au monde entier ; toute la catholicité y a contribué. Pour évoquer cet aspect marquant et caractéristique de l’histoire de la statuaire religieuse au xixe siècle, nous présenterons tout d’abord les sources qui conservent la trace de ces exportations avant de décrire les moyens mis en œuvre par les fabricants pour conquérir le marché international.
Une diffusion internationale
37Quoique les objets pour témoigner de la diffusion internationale de la statuaire religieuse française ne manquent pas, les sources écrites permettant de documenter les exportations de la maison Raffl sont rares. Seuls les registres de vente pourraient rassembler la totalité de ces informations et donner une vision d’ensemble sur le long terme, mais ils n’ont pas été conservés. À défaut, la découverte ponctuelle et isolée de factures ou de signatures sur les statues retrace en pointillé ces échanges53. Deux documents permettent néanmoins de porter un éclairage ciblé : d’une part, une liste de vente conservée aux archives du sanctuaire Notre-Dame de Lourdes et, d’autre part, l’inventaire après le décès de Verrebout.
38Le premier se présente comme un cahier non relié portant une liste manuscrite des ventes de statues et statuettes de Notre-Dame de Lourdes effectuées par la maison Raffl entre 1871 et 187754. Il a vraisemblablement été recopié à partir du registre de vente de l’entreprise à la demande du sanctuaire qui désirait sans doute contrôler la diffusion des sculptures. La liste est structurée en trois colonnes : la première contient le nom des villes ou pays d’où proviennent les commandes, la seconde le nombre de statuettes achetées, la troisième celui de statues. Tous les continents sont représentés. On relève parmi bien d’autres Valparaiso, Tripoli, Constantine, Lisbonne, Rio de Janeiro, Liverpool, Dublin, Brésil, Buenos Aires, Mexique, Guadeloupe, Cayenne, Pékin, Namur, Québec, Bruxelles, Smyrne, Londres, Santiago du Chili, Constantinople, Martinique, Damas, Sénégal, Waterford, Luxembourg, New York, Philadelphie, etc. Ainsi, dès les années 1870, la maison Raffl exportait largement à l’étranger et avait donc établi des réseaux de diffusion. Dans ce cas précis, elle bénéficiait directement de la publicité organisée par le sanctuaire à la suite de la reconnaissance officielle des apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous, dont il sera question dans le chapitre suivant. Le second document, l’inventaire après décès de Verrebout, a été rédigé en septembre 1889. Il comporte une section « Déclarations actives et passives » dans laquelle sont listées les commandes livrées mais non réglées ou au contraire réglées et en attente de livraison. Chaque ligne précise le nom du commanditaire, sa ville et le montant de la créance. Le type d’objet vendu (statue, statuette, mobilier, etc.) n’est en revanche pas précisé. Ce document donne ainsi un aperçu des ventes réalisées par l’entreprise, mais sur une période plus courte que la liste du sanctuaire de Lourdes. La même diversité géographique des commandes s’y retrouve : si la métropole française domine, on relève la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande, l’Angleterre, les États-Unis, la Tunisie, la Pologne, l’Espagne, le Brésil, l’Uruguay, les Pays-Bas, la Suisse, la République tchèque, l’Italie, le Venezuela, l’Argentine, la Réunion, la Martinique, l’Algérie, le Portugal, le Chili, le Pérou, le Panama, le Vietnam ou encore l’Ukraine. À travers ces deux documents, se dessine ainsi un réseau de clientèle international uni par le catholicisme. Les pays hispanophones et ceux liés à l’empire colonial français sont de loin les plus représentés. Des sources imprimées contemporaines mentionnent ponctuellement les exportations et confirment cette distribution, mettant généralement l’accent sur l’Espagne et l’Amérique du Sud.
39Ces deux documents concernent les années 1870-1880, mais le journal autrichien Bozner Zeitung indiquait déjà en 1864 au sujet de Raffl que « ses travaux habiles ont un grand débit, notamment en Amérique du Sud55 ». L’exportation des statues religieuses d’édition françaises a commencé plus tôt encore et il est probable que la demande en provenance de l’étranger a contribué à l’essor de la production sérielle. Ainsi, dès 1854, Solon partait « pour faire connaître lui-même ses progrès à tout le clergé de France, de Belgique et d’Espagne56 » et l’année suivante, il « expédi[ait] chaque jour pour toutes les parties du monde57 ». En 1867, il indiquait avoir « notamment décoré l’immense cathédrale de Lima (Pérou), et celle du Brésil58 ». En 1889, les entreprises françaises exportaient « près de moitié sur un chiffre de production s’élevant à 40 millions59 ». Jusqu’à la fin du xixe siècle, elles eurent en effet peu de concurrence sur le marché international, à l’exception de la maison Mayer à Munich. Mais la plupart des pays qui étaient de grands importateurs de statues religieuses développèrent progressivement une production locale, conduisant à une baisse des ventes françaises à partir du tournant du siècle. En 1902, Pacheu déclarait ainsi que les commandes de l’Angleterre et de l’Espagne, pays qui jusque-là avait été un « excellent client », diminuaient, tandis que celles d’Amérique du Sud ne cessaient d’augmenter60.
40Différents réseaux ont pu contribuer à la diffusion extra-européenne de la statuaire religieuse fabriquée en France. Une partie des pays importateurs appartenaient à l’empire colonial français ou étaient sous protectorat. L’Église catholique participait au système colonial et marquait les territoires avec ses églises, ses institutions religieuses, ses écoles, et avec elles ses statues61. L’un des principaux circuits de diffusion fut celui des missions françaises62. Le rapport du jury de l’exposition universelle de 1889 soulignait leur rôle :
« Notre marché s’étend aujourd’hui sur tout le monde catholique, et la concurrence étrangère, autrefois si redoutable, se trouve distancée par la supériorité artistique individuelle de nos nationaux. La religion chrétienne n’a rien perdu de son empire sur l’esprit des hommes, et nos missionnaires la propagent avec zèle jusque dans ces contrées sauvages où ils ont le courage de chercher le martyre pour la plus grande gloire de leur Dieu63. »
41Prêtres et religieuses missionnaires présents sur tous les continents formaient un réseau transnational relié à la France où ils commandaient les objets dont ils avaient besoin (fig. 56). Les missionnaires utilisaient surtout des estampes pour la catéchèse mais la statuaire était employée pour la décoration des édifices – chapelles, séminaires, écoles, etc. – et les monuments en plein air, tels que les grottes de Lourdes. Les prêtres des Missions Étrangères de Paris ont souvent fait appel à la maison Raffl. Parmi les commandes qui lui ont été passées, on peut citer notamment les statues de la Vierge à l’Enfant, de Saint Joseph et Saint François-Xavier dans l’église d’Oura, au Japon, ainsi que les douze apôtres de la chapelle du sanatorium à Hong-Kong. Dans certaines régions, la concurrence des missions chrétiennes semble avoir favorisé la mise en place de ces supports visuels, marqueurs du catholicisme. Le succès international de certaines dévotions promues par des confréries françaises, telles que l’association de prières en l’honneur de Notre-Dame du Sacré-Cœur, a également contribué à l’exportation des statues fabriquées en France64 (fig. 57). Soutenues par un éventail de publications faisant le lien entre les associés à travers le monde, ces organisations généralement dirigées par le clergé et relayées par un réseau de missionnaires constituaient un puissant relais de diffusion des objets religieux français.
Fig. 56. – Religieuses du Dahomey photographiées autour d’une statue de l’Enfant Jésus de la maison Raffl.

© Pauline Carminati.
Fig. 57. Église de Yule, Papouasie-Nouvelle-Guinée, début du xxe siècle.

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42D’autres types d’échanges culturels peuvent expliquer aussi les commandes faites en France, comme c’est le cas par exemple au Chili où les architectes venus d’Europe ou formés là-bas choisissaient des manufactures européennes pour la décoration des églises65. Les expositions universelles étaient à cet égard des lieux de rencontre entre les différents acteurs. Au sein même de l’Église, comme on va le voir plus loin, la politique d’unification et de centralisation menée par le pape Pie IX et poursuivie par Léon XIII, s’exprima notamment par de grands rassemblements à Rome et amena régulièrement les évêques du monde entier en Europe. L’exposition d’art religieux organisée en 1870 en marge du concile fut en particulier l’occasion pour tous de découvrir la statuaire d’édition française et de passer commande. Enfin, il ne faut pas oublier les moyens mis en œuvre par les fabricants eux-mêmes, contribuant activement au développement de ces exportations.
Stratégies commerciales pour l’exportation
43La maison Raffl indiquait dans ses publicités « commission-exportation », signalant par là qu’elle pouvait recevoir des commandes des pays étrangers. Une annexe louée par les frères Delin rue du Four semble avoir servi de bureau spécialement dédié à cette fonction. Du personnel polyglotte y était sans doute attaché car le catalogue de 1900 portait la mention « English spoken. Man spricht deutsch. Si parla italiano. Se habla español. Se fala portuguez. » Mais là encore, elle ne vendait pas seulement en direct. En complément, la plupart des grands fabricants français collaboraient avec des marchands établis dans certains pays étrangers. La maison Froc-Robert indiquait dans une publicité en 1889 :
« Ses relations s’étendent à tous les pays du globe. […] Pour les pays de langue Allemande, en Europe, et pour les États-Unis de l’Amérique du Nord, les ateliers Froc-Robert ont pour correspondants les importantes maisons Benziger et Cie à Einsiedeln et Waldshut, et Benziger frères à New-York, Cincinnati et Chicago. La maison traite directement avec tous les autres pays66. »
44Son catalogue mentionnait en outre d’autres revendeurs à Saint-Louis et Madrid67. Cachal-Froc avait également pour partenaire la société Benziger & Cie pour la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, et des agences à New York, Chicago, Barcelone et Madrid68. À la fin du siècle, les maisons Raffl et Moynet étaient représentées aux États-Unis par la société hollandaise Stoltzenberg qui avait installé une agence à New York. Les sculptures de la maison Raffl étaient également diffusées par la société Bernardini & Co établie dans la même ville69 (fig. 58). Ces revendeurs travaillaient avec différents fabricants d’articles religieux et commercialisaient aussi bien des statues que des ornements d’église ou de l’orfèvrerie. Ils pouvaient avoir des relations avec plusieurs éditeurs de statues, comme c’était le cas de Stoltzenberg ou encore des frères Benziger qui diffusaient les statues de Froc-Robert et Mayer. Les agences établies aux États-Unis semblent avoir constitué un relais vers une partie de l’Amérique du Sud, mais la maison Raffl y avait d’autres représentants, à l’instar de la Casa Sucena à Rio de Janeiro70.
Fig. 58. – Couverture du catalogue Bernardini & Co mettant en valeur un Sacré-Cœur de la maison Raffl, fin du xixe siècle.

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45Afin de se faire connaître, les entreprises se faisaient également répertorier dans divers annuaires publiés à l’étranger. Les expositions industrielles internationales organisées sur le modèle de celles qui avaient lieu à Paris et à Londres offraient aux fabricants un autre moyen efficace d’étendre leur marché. Durant le dernier tiers du xixe siècle, la maison Raffl participa à au moins quatre d’entre elles : Philadelphie en 1876, La Nouvelle-Orléans en 1884-1885, Anvers en 1885 et Barcelone en 188871. Lors des deux manifestations américaines, elle exposait en son nom et ne paraissait pas encore représentée par Stoltzenberg. La réception de l’exposition de 1876 révèle que la statuaire religieuse d’édition était d’introduction nouvelle aux États-Unis et que les Américains n’y étaient pas encore habitués :
« Ce qui est assez divertissant à Philadelphie, c’est l’attitude et les questions que bon nombre de visiteurs de la campagne, peu familiarisés, dans leurs temples dépourvus de statues et de peintures, avec les sujets traditionnels de la légende catholique, adressent aux employés chargés de cette exposition. Ceux-ci, en vrais Parisiens, ne se font pas faute de plaisanteries plus ou moins ingénieuses et spirituelles au sujet de l’ignorance fort excusable pourtant des vieux puritains du pays. Il ne manque pas d’ailleurs parmi les spectateurs de rigides iconoclastes qui, regardant les vierges rouges et bleues, les saints dorés et les enfants Jésus tout roses, avec une expression de pieuse indignation, passent en hochant la tête, et murmurent en manière de sentence les mots de “heathenism” et “popery” (paganisme et papisme)72. »
46Seuls deux fabricants français avaient fait le déplacement : Raffl et Froc-Robert. Ils étaient concurrencés par Mayer dans la section allemande, alors représenté par Pustet, agent à New York. Chacun bénéficia d’un large espace d’exposition et put présenter un ensemble complet et varié d’objets (fig. 59). La maison Raffl exposa plusieurs statues, un chemin de croix ainsi qu’une crèche de grand format destinée au collège du Lac, à Indiana, qui fit forte impression : « Une foule est toujours rassemblée autour, et le groupe reçoit peut-être plus d’attention que n’importe quoi d’autre dans la section française73. » En dépit de tensions, certains journaux engageant les Américains à ne pas acheter aux étrangers et une partie des exposants français ayant été reléguée à l’écart74, l’entreprise paraît ainsi avoir tiré avantage de cette manifestation et fut récompensée par une médaille. Elle réitéra l’expérience huit ans plus tard à La Nouvelle-Orléans, exposition internationale à laquelle cette fois aucun autre fabricant de statues européen ne paraît avoir participé, et elle obtint une médaille d’or de première classe75. En 1893, toujours aux États-Unis, eut lieu l’exposition universelle de Chicago. La maison Raffl n’y participa pas en son nom, mais il est possible qu’elle y ait été représentée par Stoltzenberg76, comme Froc-Robert par les frères Benziger77. De même que les États-Unis, la Belgique et surtout l’Espagne offraient d’importants débouchés justifiant que la maison Raffl engage des frais pour participer aux expositions universelles qui y furent organisées en 1885 et 1888. À chaque fois, l’entreprise fut jugée « supérieure à ses concurrents » et honorée d’une récompense pour son travail « remarquable »78.
Fig. 59. – Statues et autels présentés par la maison Froc-Robert à l’exposition universelle de Philadelphie en 1876.

© Library of Philadelphia.
47Pour répondre aux attentes et aux besoins de la clientèle internationale, les fabricants français surent adapter leur production. Ils élaborèrent par exemple des modèles spéciaux en fonction des dévotions locales. Dans la documentation iconographique de la maison Moynet se trouvent des images pieuses de divers pays dont s’inspiraient les sculpteurs pour créer ces modèles destinés à l’exportation79. Les missionnaires avaient également leurs saints privilégiés, prêtres évangélisateurs représentés brandissant un crucifix, en premier lieu Saint François-Xavier. Mais ce n’était pas seulement l’iconographie qui était adaptée à l’exportation, c’était aussi parfois la représentation elle-même qui était conçue pour s’accorder au goût de la clientèle étrangère, ou du moins à l’idée que l’on s’en faisait. Ainsi, à un journaliste qui s’étonnait du « terrible réalisme » de certaines statues destinées à l’Amérique du Sud croisées dans les ateliers de la maison Raffl et représentant avec force détails des plaies et des maladies, Pacheu répondait qu’il était « nécessaire de frapper fort pour impressionner les gens là-bas, qui sont indifférents en général à la souffrance80 ». C’étaient enfin la matière, la décoration et les accessoires qui étaient adaptés, ce qui ne manquait pas là aussi de surprendre les visiteurs, comme ici Thiébault-Sisson chez le fabricant Casciani en 1894 :
« Quant au bois, nous ne l’employons que pour l’exportation, pour les statues de saints et de saintes entièrement habillées que nous demandent l’Espagne et surtout l’Amérique du Sud. Entrons dans les ateliers ; vous allez voir un curieux spécimen de ce genre de fabrication. Voyez-vous ce grand morceau de bois de tilleul grossièrement dégrossi : nous allons en faire une Sainte Rose de Lima. Dans le visage, enluminé d’une façon que vous jugeriez criarde, mais qu’exigent les naturels du pays, nous incrusterons de grands yeux en émail. Sur la tête nous implanterons une perruque et nous draperons sur le tout des étoffes. Dans la pièce voisine, on est en train d’emballer une Vierge qui part pour le Brésil. Le manteau de velours rouge, étoilé de broderies d’or, qui la recouvrira, revient à 1,500 francs. La robe, serrée par une ceinture de strass à la taille, coûte dans les 900 francs, et la lingerie 450 à 500. […] Avec des yeux en émail, des cheveux et ces sourcils implantés, l’illusion de la vie sera complète et jettera les fidèles en extase81. »
48Une production luxueuse, taillée et non moulée, était donc fabriquée, principalement pour l’exportation. Ces différentes démarches et stratégies commerciales portèrent leurs fruits et le succès de la statuaire religieuse française à l’étranger fut très important. Parmi les témoignages laissés par la clientèle, on peut citer l’éloge adressé à Verrebout par un prêtre italien en 1880, au sujet de deux statues récemment inaugurées dans le diocèse de Côme82. La supériorité de la production française, et tout particulièrement celle de la maison Raffl, y était clairement affirmée. Le père Uberti écrivait ainsi à propos d’une Vierge à la ceinture :
« C’est un travail qui surpasse toutes les suppositions, par la piété qu’elle inspire, la suavité céleste de la Vierge et du divin Sauveur, la perfection du travail, la grâce des bras, le fini et la délicatesse de l’ornement. On sent bien la différence de cette statue venue de France, d’avec les autres d’ici. Elle est d’une telle beauté, que les indifférents en sont touchés. »
49La seconde statue, « un magnifique groupe de la Mère de douleurs avec le Sauveur mort », était même qualifiée de « vrai chef-d’œuvre de l’art chrétien ». « Ce groupe est tellement bien rendu que tout le peuple accourt pour le vénérer », ajoutait-il encore dans son enthousiasme pour cette statuaire moderne, à la fois artistique et pieuse.
50La maison Raffl réussit à toucher une très large clientèle. Non seulement elle exportait dans le monde entier mais elle s’adressait autant au clergé et aux communautés religieuses qu’aux laïcs. La grande diversité de dimensions, de matières et de prix permettait de répondre à différents besoins. Les statuettes en particulier constituaient une part importante des ventes. Casciani déclarait à ce sujet :
« Nous ne fabriquons pas que les statues pour églises ; il y a des statuettes de toutes dimensions pour cercles d’ouvriers, chambres à coucher, oratoires, et c’est d’elles que nous tirons le plus gros bénéfice, tout en les vendant bon marché. Le moulage en est tout d’une pièce, n’exige pour ainsi dire pas de réparations, et le coloriage en est généralement assez simple pour que des apprentis l’exécutent83. »
51L’inventaire après décès de Verrebout met en effet en évidence, sur la courte période représentée, un nombre important de commandes émanant de particuliers. Parmi ceux énumérés, on relève notamment de multiples comtes et comtesses, barons et baronnes, marquis et marquises, ducs et duchesses, qui rappellent que cette production ne s’adressait pas seulement aux classes sociales les plus modestes mais touchait une très grande partie des catholiques.
Notes de bas de page
1 F. Chappey, M. Hilaire et A.-L. Sol (dir.), Joseph Le Guluche…, op. cit., p. 29 sqq ; F. Rionnet, Les bronzes Barbedienne…, op. cit., p. 98 sqq.
2 F. Thiébault-Sisson, « Les Paradis », art. cité, p. 527.
3 C’est le cas par exemple du curé décrit par Thiébault-Sisson.
4 C. Géniaux, « Comment se fait une statue religieuse », art. cité, p. 99.
5 Archives de Paris, D1P4/0137, cadastre de 1862.
6 Archives de Paris, VO11/2722, permis de construire, 28 avril 1903.
7 J. Fèvre, Vie et travaux…, op. cit., p. 13.
8 C. Géniaux, « Comment se fait une statue religieuse », art. cité, p. 101.
9 N. Coquery (dir.), La Boutique et la ville. Commerces, commerçants, espaces et clientèles, xvie-xxe siècle, Tours, Publications de l’université François Rabelais, 2000.
10 C. Savart, « À la recherche… », art. cité, p. 265-282, et M. Albaric, « Le commerce des objets religieux… », art. cité, p. 131-155.
11 Guide illustré du clergé…, op. cit., p. 33.
12 F. Thiébault-Sisson, « Les Paradis », art. cité, p. 526.
13 Sur les catalogues commerciaux d’art religieux, voir I. Saint-Martin, Mobilier et objets religieux…, op. cit.
14 Extrait du tarif général…, op. cit.
15 J. Durand, Une manufacture d’art chrétien…, op. cit., p. 65.
16 C’est le cas par exemple de Raffl dans La femme et la famille et le journal des jeunes personnes, no 12, 1871, p. 8, et de Solon dans la Revue du monde catholique, t. 18, 1873, p. 588.
17 F. N. M. Moigno, « La photographie et M. Solon », art. cité, p. 663.
18 F. N. M. Moigno, « Sculptures et photographies… », art. cité, p. 507-508.
19 Archives privées, lettre adressée à Mme Hérard, marchande d’ornements d’église à Metz, le 11 mai 1878.
20 Froc-Robert. Statues religieuses…, op. cit., n. p.
21 Maison Raffl. Statues religieuses…, op. cit., p. 5.
22 J. Durand, Une manufacture d’art chrétien…, op. cit., p. 72-73.
23 Archives du sanctuaire N.-D. de Lourdes, 5B3-1, registre des esquisses.
24 Maison Raffl. Statues religieuses…, op. cit., p. 5.
25 J. Fèvre, Vie et travaux…, op. cit., p. 47.
26 C. Pacco, Sur la terre comme au ciel…, op. cit., p. 81-82.
27 Cachal-Froc, La statuaire…, op. cit., n. p.
28 Archives privées.
29 Cachal-Froc, La statuaire…, op. cit., n. p.
30 Maison Raffl. Statues religieuses…, op. cit., p. 3.
31 Froc-Robert. Statues religieuses…, op. cit., n. p.
32 Cachal-Froc. La statuaire…, op. cit., n. p.
33 Ce n’est pas le cas en revanche de Rouillard qui dans ses catalogues alignait d’innombrables variantes les unes à côté des autres.
34 F. Thiébault-Sisson, « Les Paradis », art. cité, p. 526-529 ; C. Géniaux, « Comment se fait une statue religieuse », art. cité, p. 90-101 ; R. H. Sherard, « A Maker of Saints », art. cité, p. 257-264.
35 A.-L. Carré, M.-S. Corcy, C. Demeulenaere-Douyère et L. Hilaire-Pérez (dir.), Les expositions universelles en France au xixe siècle : techniques, publics, patrimoines, Paris, CNRS, 2012.
36 Exposition universelle de 1855…, op. cit., p. 1113.
37 H. de Riancey, « L’Exposition universelle des arts et de l’industrie », L’Ami de la religion, t. 170, 1855, p. 56-57.
38 Exposition des produits de l’industrie de toutes les nations, 1855. Catalogue officiel, Paris, Panis, 1855 ; Promenades dans l’exposition universelle de 1855, Paris, Cherbuliez, 1855, p. 45 et 48.
39 Se trouvaient dans cette section seulement quatre exposants : Dubus (ornements d’église), Gamet (autel en bois), Lemoine (bannière) et Vincent (châsse en bois) [Exposition des produits de l’industrie de toutes les nations, op. cit., p. 73].
40 Exposition universelle de 1867. Catalogue général…, op. cit.
41 C. Lévêque (dir.), Exposition universelle 1867…, op. cit., p. 4.
42 En fonte de fer : Barbezat, Ducel, Durenne ; en terre cuite : de Bay, Champigneulle ; en cire : Talrich ; en matières variées : Raffl, Froc-Robert, Solon, Cassaing fils, Angiolini, Bouasse-Lebel, Putois-Cretté, Chovet, Grienewaldt.
43 Biais, Bouasse Jeune, Bouasse-Lebel, Casciani et Nau, Champigneulle, Chovet, Cassaing, Froc-Robert, Marchi, Meunier, Pierson, Pillet, Raffl, Solon et Virebent.
44 Biais, Bouasse Jeune, Casciani, Chovet, Daniel, Poiret et Verrebout.
45 Beau, Blondeau, Nicot, Pacheu et Lecaron, Peaucelle-Coquet et Rouillard.
46 C. Lévêque (dir.), Exposition universelle 1867…, op. cit., p. 62.
47 J. Drouais, « Exposition universelle… », art. cité, p. 2.
48 I. Guédon, Laval et ses environs. Guide de l’étranger, Laval, Imprimerie mayennaise, 1896, p. 72.
49 A. Picard (dir.), Exposition universelle internationale de 1889…, op. cit., p. 103. Informations complétées par l’inventaire après décès de Verrebout.
50 « La consécration de l’église du Rosaire à Lourdes », La Croix, 8 octobre 1901, n. p.
51 Archives privées, correspondance de la maison Raffl adressée à Mme Hérard, lettre du 1er juin 1878.
52 Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire, t. 43, 1897, p. 346-349.
53 À cet égard, je suis redevable aux personnes qui ont eu la gentillesse de me signaler certaines statues, en particulier Sylvie Morishita, Andrea Araos, Claudio Díaz Vial, Mathieu Masson et Philip Soden.
54 Archives du sanctuaire N.-D. de Lourdes, 5B7, Ventes des statues de N.-D. de Lourdes, Raffl, 1871-1877.
55 « Verschiedenes », art. cité, p. 4.
56 F. N. M. Moigno, « La photographie et M. Solon », art. cité, p. 663.
57 F. N. M. Moigno, « Sculptures et photographies… », art. cité, p. 507.
58 C. Lévêque (dir.), Exposition universelle 1867…, op. cit., p. 64.
59 A. Picard (dir.), Exposition universelle internationale de 1889…, op. cit., p. 102.
60 R. H. Sherard, « A Maker of Saints », art. cité, p. 263.
61 Voir notamment, pour le cas de l’Algérie : O. Saaïdia, L’Algérie catholique, xixe-xxie siècles, Paris, CNRS, 2018.
62 C. Prudhomme, Missions chrétiennes et colonisation, xvie-xxe siècles, Paris, Cerf, 2004.
63 A. Picard (dir.), Exposition universelle internationale de 1889…, op. cit., p. 101.
64 P. Carminati, « La fabrique des dévotions au xixe siècle. Notre-Dame du Sacré-Cœur en images », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 108, no 260, 2022, p. 73-101.
65 A. Araos, Introduction du vitrail néogothique en Amérique du Sud : exemples de transmission de savoirs européens au Chili, entre la fin du xixe et le début du xxe siècle, mémoire de master, dir. F. Journot, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014 ; C. Díaz Vial, Escultura sacra patrimonial en Santiago de Chile siglos xvi al xx, Santiago, Ograma, 2016.
66 Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Catalogue général officiel : groupe III, mobilier et accessoires, Lille, Danel, 1889, n. p. Sur la firme « Benziger Brothers », voir S. Zalesch, « The Religious Art… », art. cité, p. 58-79 ; R. Bean, « The Art and Advertising of Benziger Brothers’ Church Goods Manufacture, New York, 1879-1937 », Studies in the Decorative Arts, no 11, 2004, p. 78-109.
67 Froc-Robert. Statues religieuses…, op. cit., n. p.
68 Cachal-Froc. La statuaire…, op. cit., n. p.
69 Bernardini & Co. Catalogue of Religious Statuary in composition, s. l., s. n., s. d.
70 C. Antunes Cavaterra, « Os catálogos ilustrados: devoção, iconografia e comercialização de obras sacras na Belle Époque brasileira », Imagem brasileira, no 10, 2020, p. 115-124.
71 Les documents commerciaux de la maison Raffl mentionnent également les expositions organisées à Rome en 1870 et au Vatican en 1888, mais celles-ci n’étaient pas des expositions industrielles classiques. Il en sera question plus loin.
72 « Lettres d’Amérique. La Section Française de la galerie de l’Industrie (suite) », Le Temps, 15 septembre 1876, n. p.
73 J. D. McCabe, The Illustrated History of the Centennial Exhibition, Philadelphia/Chicago/Saint-Louis, The National Publishing Company, 1876, p. 382.
74 « Chronique de l’exposition », L’Exposition illustrée de Philadelphie, 1er juillet 1876, p. 8.
75 Official Catalogue of the World’s Industrial and Cotton Centennial Exposition, New Orleans, Rivers, 1885.
76 E. Lourdelet, Exposition de Chicago, Paris, Librairies-Imprimeries Réunies, 1893, p. 325.
77 Benziger Brothers Art Embroidery and Regalia Manufacture. Catalogue of Vestments, Banners and Regalia, s. l., s. n., s. d. (après 1893).
78 Rapport des ouvriers délégués…, op. cit., p. 76-77.
79 Archives départementales de l’Aube, 56J/56-81, dossiers iconographiques.
80 R. H. Sherard, « A Maker of Saints », art. cité, p. 260.
81 F. Thiébault-Sisson, « Les Paradis », art. cité, p. 529.
82 Ar Wirionez (La Vérité), 9 octobre 1880, n. p.
83 F. Thiébault-Sisson, « Les Paradis », art. cité, p. 529.
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