Chapitre III. De l’atelier à la manufacture
p. 83-106
Texte intégral
1Une page se tourne en 1862 avec la reprise du fonds de commerce de Frediani par Josef Ignaz Raffl. Contrairement à ses prédécesseurs, Raffl n’est pas mouleur. Sculpteur à part entière, il se dirige vers l’édition d’œuvres religieuses après avoir probablement éprouvé des difficultés à se faire reconnaître comme artiste. Une fois à la tête de l’atelier de Frediani, il conserve un rôle artistique et donne au fonds hérité un tout nouveau visage, marquant de son empreinte l’entreprise qui conserve son nom jusqu’en 1911 et en perpétue la mémoire jusqu’en 1953, année de la mise en liquidation. Son arrivée inaugure une période de forte croissance qui se poursuit après son départ et n’est interrompue que par la Première Guerre mondiale. Avec plusieurs centaines d’ouvriers, l’atelier prend la dimension d’une véritable manufacture.
2Pour retracer l’historique complexe de la maison Raffl, fait de successions, d’associations, de rachats et de fusions, plusieurs types de sources ont dû être croisés, en particulier les actes de société, les annuaires commerciaux et les sculptures, dont la mise en perspective a permis de comprendre le lien qui unissait des raisons sociales, des dénominations commerciales et des signatures différentes1. À travers l’histoire particulière de cette entreprise, ce chapitre vise également à donner un aperçu général du secteur de la statuaire religieuse et en préciser les principales étapes de développement et de déclin.
Un sculpteur tyrolien à Paris : Josef Ignaz Raffl
3En dépit du succès qu’il a connu de son vivant, Raffl semble être resté très discret et n’a fait l’objet d’aucune publication de type biographique, au contraire d’un Moynet ou d’un Bouriché2. Seule une courte notice lui est consacrée en 1872 dans le Biographisches Lexicon des Kaiserthums Österreich. Il figure ensuite dans l’Allgemeines Lexikon der Bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart (« Thieme-Becker ») publié entre 1907 et 1950. Ces informations sont reprises et résumées dans la Deutsche Biographische Enzyklopädie et dans le Dictionnaire critique et documentaire de Bénézit. Aucune de ces notices ne présente Raffl comme directeur d’un atelier de fabrication de sculptures religieuses de série. Elles se concentrent plutôt sur ses années de formation classique comme sculpteur. Pour retracer ses débuts, ces notices ont été complétées par plusieurs articles de presse antérieurs à son arrivée en France, en 1857. Le contrat de mariage de Raffl avec Marie Adélaïde Frediani, fille cadette de Jean Auguste Frediani, en 1862, ainsi que l’acte de création de la société en nom collectif « Raffl & Cie » en 1873, ont permis de documenter la suite de son parcours.
Formation et débuts en Autriche
4Josef Ignaz Raffl, en France Joseph Ignace, naît à Meran en 1828, dans la région du Tyrol appartenant à l’époque à l’Empire d’Autriche, actuellement Merano en Italie, province autonome de Bolzano, région du Trentin-Haut-Adige. La date exacte de sa naissance varie selon les notices, mais son acte de mariage donne le 17 septembre 18283. Il meurt le 11 novembre 18954. L’avis de son décès paraît dans le Journal des débats du mercredi 20 novembre : « Nous apprenons la mort d’un sculpteur de talent, M. Joseph-Ignace Raffl, décédé en son domicile à Menton, villa des Roses, à l’âge de soixante-huit ans5. »
5Raffl commence son apprentissage dans sa ville natale sous la direction de Johann Baptist Pendl, spécialisé dans la sculpture religieuse en bois polychromé et fondateur d’une dynastie de sculpteurs locaux. Le Tyrol est alors une région réputée pour sa tradition de sculpture sur bois. Les artisans tyroliens font concurrence aux sculpteurs français dans ce domaine et sont connus pour leurs prix bas. C’est également une région fortement catholique, célèbre pour ses fêtes liturgiques spectaculaires et son artisanat religieux, notamment les crèches sculptées. Raffl quitte ensuite Meran, probablement après le décès de son père en 1849, et continue sa formation entre l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie. Les journaux locaux font état de ses déplacements et permettent de retracer une partie de son parcours. En 1849, il se rend à Innsbruck puis à Munich6. Peut-être rejoint-il un temps l’atelier de sculptures religieuses de Josef Mayer7. En effet, la suite de l’activité de Raffl témoigne d’une connaissance précise des techniques employées dans cette manufacture en plein essor. En 1853, on apprend que le jeune sculpteur arrive à Innsbruck en provenance de Munich8. Est-il demeuré à Munich durant ces quatre années ? Un autre article paru en 1855 indique quant à lui que Raffl a voyagé, entre 1851 et 1855, à Vienne, Venise, Florence et Rome9. Durant cette période, il a travaillé également sous la direction du sculpteur Johann Meixner sur le chantier de la cathédrale de Gran, actuelle Esztergom en Hongrie, à l’époque sous domination autrichienne.
6En 1855, il est de retour à Innsbruck où il réalise d’après nature le buste de l’archiduc Karl Ludwig pour le compte de l’éditeur Unterberger10. On sait qu’il travaille ensuite, pour le même éditeur, à un groupe sculpté représentant la découverte de Moïse dans un panier d’osier11. Il souhaite le présenter à l’appui de sa candidature à une bourse d’étude pour pouvoir progresser dans sa formation de sculpteur, bénéficiant pour cela de la recommandation de trois compatriotes installés à Rome qu’il a sans doute rencontrés lors de son séjour dans cette ville : deux peintres du mouvement nazaréen, Gebhard Flatz et Franz Plattner, ainsi qu’un théologien et critique d’art, Alois Flir. Les deux œuvres reçoivent les éloges de la presse et Raffl est particulièrement loué pour sa célérité et son habileté. Les mentions du sculpteur dans les journaux autrichiens s’interrompent ensuite et ne reprennent qu’à partir de 1862, cinq années après son arrivée à Paris, alors qu’il succède à Jean Auguste Frediani.
7Les débuts d’Ignaz Raffl semblent donc marqués d’une part par un apprentissage dans un atelier de sculpture religieuse ancré dans la tradition tyrolienne, d’autre part par une formation cosmopolite entre l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie, étape obligée de la formation d’un sculpteur classique. Outre le buste de l’archiduc, d’autres œuvres non religieuses lui sont attribuées dans les notices biographiques, mais leur date de création n’est pas précisée. Intitulées Alpiniste, Défenseur du sol tyrolien et Andreas Hofer, elles révèlent un sculpteur inspiré par des thèmes à connotation patriotique, marquant un attachement à sa région natale alors au cœur d’enjeux territoriaux entre l’Italie et l’Autriche. Lors de l’exposition universelle de 1867, Raffl s’illustre d’ailleurs comme « artiste patriotique » aux yeux des journaux autrichiens en réalisant le portrait de l’empereur Franz-Josef d’après photographie, pour le stand du fondeur Zegut12. À cette occasion, la presse souligne à nouveau la rapidité avec laquelle le sculpteur a modelé le buste, plus grand que nature, et fait l’éloge de sa « ressemblance surprenante ».
Installation à Paris
8Désireux de compléter sa formation ou acculé à quitter son pays par manque de perspectives professionnelles, Raffl part tenter sa chance à Paris en 1857, « sans aucun soutien13 ». Il est alors âgé de vingt-huit ans. Il est probable qu’en arrivant dans la capitale il se soit rapproché d’un compatriote, peut-être Dominik Mahlknecht, statuaire d’origine tyrolienne, qui est son témoin à son mariage quelques années plus tard. De même que les mouleurs italiens, les sculpteurs autrichiens formaient un réseau transnational où les plus expérimentés accueillaient les plus jeunes au cours de leur formation. Raffl reçut également dans son atelier d’autres sculpteurs autrichiens, comme le Tyrolien Christian Thöni, formé comme lui par Pendl14.
9Raffl ne semble pas s’établir immédiatement à son compte, car il ne figure dans aucun annuaire commercial avant 1860. Son activité à Paris jusqu’à cette date demeure mal connue. Il trouve vraisemblablement du travail auprès d’éditeurs de sculptures religieuses. On sait en effet qu’il crée en 1858 un modèle de Vierge immaculée pour Panichelli, mouleur-éditeur d’origine italienne15. Le marché de l’art religieux est alors en plein développement dans la capitale. Parallèlement à la diffusion du moulage à la gélatine, les années 1850 voient très nettement augmenter le nombre de mouleurs et d’éditeurs qui proposent des « statues d’église et statuettes de piété », tels Hugon-Roydor, Fontana, Besand, Pillioud, Guillaume, Cotelle, Delarue, Mattei, Chardin et bien d’autres. Il s’agit généralement de petites entreprises commercialisant principalement des statuettes, qui n’ont encore rien à voir avec les manufactures de la fin du siècle. Certains ne sont pas spécialisés dans l’art religieux mais mettent en valeur cette facette dans les annuaires. La plupart de ces professionnels ne créent pas eux-mêmes les modèles qu’ils reproduisent, ni n’emploient de sculpteur pour cette tâche au sein de leur entreprise. Ils commandent les modèles à des artistes exerçant de manière indépendante. Un aperçu de ce fonctionnement est donné par les procès en contrefaçon qui opposent régulièrement les éditeurs entre eux16. Lorsque ces sculpteurs ne sont pas connus, comme c’est le cas pour Raffl à cette époque, les modèles ne sont pas commercialisés sous leur nom mais sous celui de l’éditeur qui en est propriétaire. Et cela reste par la suite la règle générale. Le marché de l’édition de statues religieuses repose ainsi sur un réseau de professionnels de la sculpture qui sont bien souvent restés dans l’anonymat.
10Raffl aurait pu demeurer dans l’ombre des éditeurs, mais il sort de cette position en créant en 1860 son propre établissement. La première annonce à son nom paraît dans l’Annuaire-almanach du commerce de 1861. Raffl s’y fait répertorier en tant que sculpteur sur bois et se présente d’emblée comme spécialisé dans l’ameublement et la décoration des églises : « Raffl, fabrication d’outils, tabernacles, chaires à prêcher, spécialité de la peinture et décoration des églises ; statues dans le style du moyen-âge, Sèvres, 12317. » Ces multiples compétences étaient-elles toutes celles de Raffl lui-même ? Était-il non seulement sculpteur mais aussi outilleur, menuisier et peintre en décor, ou avait-il des ouvriers à son service ? Quoi qu’il en soit, son atelier proposait déjà un large panel de prestations, alliant mobilier et statuaire. L’adresse correspond à un atelier précédemment occupé par un « fabricant de meubles, sculpteur » nommé Girard18. Il est possible que Raffl, pour commencer, ait racheté tout ou partie de son équipement. Dans la même rue se trouvent d’autres commerces d’art religieux, notamment ceux de Peaucelle-Coquet et Hugon-Roydor, ainsi que de nombreuses communautés religieuses. L’installation de Raffl à son compte, dans son propre atelier, témoigne du développement de son activité mais aussi de son intention de s’établir durablement en France. À cette date, il crée des sculptures en son nom, et pas seulement en bois, comme la rubrique dans laquelle il figure dans l’annuaire aurait pu le laisser penser. En effet, plusieurs statues en plâtre polychromé, signées et datées, ont été recensées dans le cadre de ce travail (pl. I, no 1).
Pl. I, no 1. – J. I. Raffl, Vierge Immaculée.

Signée « Raffl sculp. 1860 », plâtre polychromé, église de Canihuel.
© Jean-Yves Thomas.
11En 1862, l’Annuaire-almanach du commerce indique que Raffl a déménagé 90, boulevard Saint-Jacques. Cette adresse est celle de Jean Auguste Frediani, qui a quitté le quai Saint-Michel en 1857 pour ce boulevard périphérique longé par le mur d’octroi, certainement pour trouver des locaux plus vastes et plus adaptés à l’expansion de son activité19. Raffl a donc rejoint l’atelier de Frediani durant l’année 1861, mais il ne l’a pas intégré comme un ouvrier anonyme puisqu’il a continué de faire paraître une annonce à son nom dans l’annuaire. En fait, il l’intègre probablement en tant que futur gendre et successeur car, le 6 février 1862, il épouse la fille cadette de Frediani, Marie Adélaïde, dite Adèle20. Peut-être Frediani, de même que Panichelli, avait-il précédemment fait appel à Raffl pour créer des modèles de statues religieuses.
Mariage et reprise de l’atelier de Frediani
12Le contrat de mariage, établi le 22 janvier 1862 auprès de Me Demanche, laisse présumer que cette union concrétise la reprise de l’atelier par Raffl21. Celui-ci y est présenté comme déjà propriétaire de l’établissement du 90, boulevard Saint-Jacques, évalué à la somme de 15 000 francs. Il aurait donc racheté peu avant son mariage le fonds de commerce de Frediani, qui avait peut-être décidé de prendre sa retraite. Sur les 15 000 francs, il n’en possède cependant que le tiers puisqu’il est redevable d’une dette de 10 000 francs, somme importante au regard de ses biens. Une partie de cette dette a peut-être été contractée précédemment lorsqu’il s’est installé à son compte rue de Sèvres, mais il est possible aussi que ces 10 000 francs représentent une avance concédée par Frediani sur les prochains bénéfices de l’entreprise22. Les époux adoptent le régime de la communauté réduite aux acquêts, cependant le contrat précise que l’entreprise appartient à la communauté. Le mariage semble donc sceller un accord commercial entre Frediani et Raffl. L’entreprise n’appartient pas uniquement à celui-ci mais revient à part égale à Marie Adélaïde, qui fut d’ailleurs très impliquée dans sa direction administrative.
13Ce mariage est l’occasion pour le journal innsbruckois Inn-Zeitung de publier, avant même la célébration, un article intitulé « Ein Tiroler Künstler in Paris ». L’auteur établit clairement le lien entre l’union des deux jeunes gens et la transmission du fonds de commerce entre Frediani et Raffl, n’hésitant pas à caricaturer la situation23. Le premier est décrit comme riche et à la tête d’un grand atelier, renforçant l’idée d’ascension sociale du second. Une enquête du gouvernement italien réalisée en 1862 auprès des ressortissants installés en France semble confirmer l’importance de l’entreprise. Le rapport cite en effet Frediani parmi les figurinai les plus prospères et précise que son chiffre d’affaires s’élève, en cette année où Raffl prend la succession de l’entreprise, à 350 000 francs24. Lors de l’enquête menée à Paris en 1847 et 1848 par la Chambre du commerce, les chiffres d’affaires des « mouleurs en plâtre et en composition » étaient loin d’atteindre de telles sommes25. Frediani était à cette époque installé dans le 11e arrondissement (ancien), où étaient répertoriés cinq mouleurs. Pour l’année 1847, leur chiffre d’affaires cumulé atteignait 22 300 francs, soit environ 4 500 francs en moyenne par entreprise. Le chiffre d’affaires de Frediani en 1862 indique que la production a pris une toute autre échelle et suppose que l’atelier employait plusieurs ouvriers. Des éléments de comparaison portant sur la valeur du fonds de commerce vont dans le même sens : en 1846 le fonds de Cecconi, mouleur dont l’activité était proche de celle de Frediani, était estimé 3 500 francs26, tandis qu’en 1862 l’établissement repris par Raffl a une valeur de 15 000 francs.
14Par son mariage, Raffl accède donc à la direction d’un atelier relativement important pour l’époque. Sa personnalité et son expérience infléchissent à plusieurs niveaux l’évolution de l’entreprise. Contrairement à Frediani, marqué par la tradition familiale du « figuriste », Raffl s’affirme avant tout comme sculpteur. Il crée ses propres modèles, signe ses statues27 et participe à de nombreuses expositions. Alors que la plupart de ses concurrents valorisent l’ancienneté de leur entreprise, Raffl choisit au contraire de ne faire aucune mention de son prédécesseur dans ses publicités. Il s’émancipe encore davantage de Frediani et du passé de l’entreprise en quittant en 1867 l’atelier du 90, boulevard Saint-Jacques, pour retourner s’installer dans le 6e arrondissement, 8, rue Cassette28. Il y loue également depuis 1864 une grande boutique au 59, rue Bonaparte29, à proximité de l’église Saint-Sulpice autour de laquelle se rassemblent depuis quelques années les commerces d’art religieux30. Les années qui suivent son mariage sont pour lui une période d’intense activité. En dépit d’une connaissance parcellaire des modèles commercialisés à cette époque, tout laisse penser que Raffl entreprend de renouveler une grande partie du fonds hérité. Il est de plus en charge d’un atelier qui doit déjà assurer une production et une diffusion importantes, notamment en Amérique du Sud, comme le révèle en 1864 le journal autrichien Bozner Zeitung31.
15Les années 1860 sont aussi la période des premières expositions. Alors que Frediani n’a, semble-t-il, jamais participé à une manifestation de ce type, Raffl ne manque pas une occasion de présenter son travail. Il apparaît d’abord à l’exposition de l’Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l’Industrie en 1865, puis en 1867 à l’exposition universelle, et deux ans plus tard à l’exposition « horticole, industrielle et rétrospective » de Beauvais. Le catalogue de l’exposition universelle de 1867 apporte des informations précieuses pour documenter la production de Raffl durant cette première période32. Il décrit en effet l’iconographie, le « style », la matière, le décor et les dimensions des douze statues présentées par le sculpteur. Presque toutes sont des grands formats, s’échelonnant de 0,90 m à 1,90 m. Suivant l’usage de l’époque et l’organisation du pavillon des arts religieux, elles sont identifiées par style : « style moderne », « style moyen âge », « style du xiiie siècle », « style xiie siècle », « style renaissance », « style gothique ». Les modèles d’inspiration médiévale, dont Raffl se faisait une spécialité dans son annonce de 1861, sont représentés par S. Joseph recevant le bâton fleuri de la main de son Fils adoptif, la Vierge au Raisin, la Vierge à l’Enfant bénissant, S. Pierre apôtre et S. Paul apôtre, la Vierge assise tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux, et un Christ en croix accompagné de la Vierge des Douleurs. Les gravures et photographies de l’exposition ne permettent malheureusement pas de repérer ces statues. En revanche, la Vierge de Notre-Dame du Sacré-Cœur de « style moderne » peut être documentée plus précisément puisqu’il s’agit d’un modèle bien identifié dont plusieurs exemplaires sont connus (pl. I, no 2). Ce modèle est représentatif du style qui a fait le succès de Raffl, tandis que les styles historicistes semblent progressivement abandonnés au cours de la décennie suivante. Les matières et décors de ces statues sont également riches d’informations. Par rapport à Frediani ou à ce que laissait présumer l’annonce de 1861, Raffl semble avoir en quelques années considérablement développé sa gamme de matières. Il expose en effet des statues en carton-pierre, carton romain, bois de tilleul, pierre de Tonnerre, plâtre, terre cuite et ciment. Il a en outre mis au point un nouveau type de décor polychrome : le décor « genre Munich, dit brocart », pour lequel il a déposé un brevet d’invention deux ans plus tôt, sur lequel on reviendra.
Pl. I, no 2. – J. I. Raffl, Notre-Dame du Sacré-Cœur, 1867.

Carton-pierre polychromé (?), Montluçon, église Saint-Paul.
© Daniel Moulinet.
16Le dynamisme de la maison Raffl reflète l’essor général de la statuaire religieuse d’édition à destination des églises. Lors de l’exposition de 1867, Auguste Luchet remarque que « depuis quelques années la décoration sacrée paraît avoir pris chez nous un développement considérable33 ». En 1878, l’architecte Auguste Tronquois confirme rétrospectivement cette évolution : « La sculpture religieuse, considérée comme industrie, était à peu près nulle il y a vingt ans ; mais, par suite de l’impulsion donnée de 1850 à 1870 à la construction et à la restauration des églises en France, il s’est créé un grand nombre de maisons s’occupant spécialement de l’ornementation des églises34. » Les années 1860 voient en effet de nombreux ateliers spécialisés se fonder dans tout le pays. C’est le cas par exemple des maisons Bouriché à Angers, Champigneulle à Metz, ou Pierson à Vaucouleurs, qui deviennent par la suite certaines des plus importantes entreprises françaises.
17Au vu de l’évolution à venir, la période des années 1850-1860 peut être considérée comme une première phase de développement. En effet, après la guerre de 1870, le secteur de la statuaire religieuse d’édition connaît un nouvel élan.
Le tournant 1870
181870 constitue un tournant à un double titre. C’est, d’une part, l’année de l’exposition d’art religieux organisée à Rome par le pape Pie IX en marge du concile. Pour les artistes et les éditeurs qui, à l’instar de Raffl, y participent, cette manifestation représente une publicité majeure car elle leur permet de présenter leur production à l’ensemble des évêques du monde catholique réunis pour proclamer l’infaillibilité pontificale. 1870 est d’autre part l’année de la guerre franco-prussienne. Or la défaite de la France a des répercussions directes non seulement sur les pratiques de dévotion, avec le développement du culte du Sacré-Cœur et des pèlerinages mariaux notamment, mais aussi sur les commandes du clergé qui jusqu’alors appréciait beaucoup les statues fabriquées à Munich (fig. 10). Quelques années plus tard, Léon Moynet évoque avec fierté le changement opéré :
« Depuis la guerre avec l’Allemagne, il répugne au patriotisme du clergé français d’aller chercher, chez nos ennemis, des objets que je me charge de fournir aussi beaux, aussi bien faits et plus solides que les leurs, sans parler de la différence énorme du prix. C’est aujourd’hui un fait avéré, que nos produits artistiques sont à l’égal des produits allemands, et les dépassent singulièrement par le travail et la sculpture, par leur solidité bien connue, par le sentiment religieux, et surtout par la peinture des chairs. Je possède à cet égard des milliers de témoignages que je pourrais citer ; mais il serait, on le comprend, de mauvais goût de les publier ici35. »
Fig. 10. – Première page du catalogue Mayer’sche Kunstanstalt für kirchliche Arbeiten, 1875.

© Andrea Araos.
191870 marque enfin, pour Raffl, le début d’une collaboration fructueuse avec le sanctuaire de Lourdes. L’entrée dans la Troisième République inaugure donc une nouvelle ère de croissance pour le sculpteur et ses principaux concurrents.
La société « Raffl & Cie »
20En avril 1870, Raffl loue un vaste ensemble de bâtiments au 64, rue Bonaparte, qui réunit au même endroit ateliers, boutique et logement36. À l’occasion de ce changement d’adresse, il publie une nouvelle annonce indiquant les spécialités de l’entreprise : « Raffl, fabr. de statues religieuses en carton-pierre, plâtre, plastique, terre cuite, bois et pierre, autels et confessionnaux. Bonaparte, 6437 » (fig. 11). Il fait paraître également des publicités, par exemple dans le journal La femme et la famille et le journal des jeunes personnes38. Trois ans plus tard, le 1er juin 1873, Raffl et sa femme s’associent avec Auguste Louis Léopold Verrebout, peintre en décor, probablement employé de l’entreprise. La société en nom collectif est créée sous la raison sociale « Raffl & Cie ». Le fonds de commerce est évalué à 150 000 francs, appartenant en parts égales aux trois associés et comprenant « la clientèle et l’achalandage, l’outillage, les marchandises en magasin ou chez les dépositaires, fabriquées ou non, moules, modèles, droits locatifs, loyers d’avance, le nom commercial et la notoriété qui y est attachée39 ». En onze ans, sous la direction de Raffl, sa valeur a donc décuplé. La précision que le nom commercial et la notoriété qui y est attachée participent à la valeur du fonds, témoigne de la renommée acquise par le sculpteur à cette date.
Fig. 11. – En-tête de la maison Raffl entre 1870 et 1873.

© Pauline Carminati.
21L’acte de constitution de la société « Raffl & Cie » met en lumière la part active d’Adèle Frediani dans la gestion de l’entreprise. Non seulement elle figure comme associée au même titre que les deux hommes, mais elle détient toutes les responsabilités administratives. Elle est en effet « spécialement chargée de la vente, de la surveillance et la tenue de la caisse, de la correspondance et des écritures qui devront être tenues en partie double conformément aux prescriptions de la loi ». En outre, la signature sociale lui appartient exclusivement. Sa présence comme associée pourrait s’expliquer également par le projet qu’avait alors Raffl de se retirer de la direction de l’entreprise :
« Mr Raffl aura le droit de se retirer de la présente société, si bon lui semble au premier juin mil huit cent soixante-quatorze […]. Dans le cas où Mr Raffl viendrait à quitter la société, comme il est dit ci-dessus, il aura le droit de créer un atelier de sculpture artistique et de se livrer à telles occupations qu’il avisera pourvu qu’il ne porte pas de préjudice à la société. Les dessins, épures, photographies, modèles artistiques, livres et traités relatifs à l’art de la sculpture existant actuellement dans la maison, restent la propriété personnelle de Mr Raffl qui aura le droit d’en disposer, comme bon lui semblera40. »
22La société « Raffl & Cie », formée pour quatre ans, est prorogée le 1er juin 1877 pour une durée identique. L’acte de prorogation nous apprend que Raffl s’est retiré comme prévu, laissant la direction de l’entreprise à ses deux associés tout en continuant à recevoir sa rémunération, reportée sur celle de sa femme41.
23L’acte de 1873 met d’autre part en évidence le rôle essentiellement artistique de Raffl dans son entreprise. Outre son projet de « créer un atelier de sculpture artistique » – dont on ne sait pas s’il a été réalisé –, il est précisé que « Mr Raffl est spécialement chargé de la création des modèles et de la surveillance de l’atelier des modeleurs et des sculpteurs ». S’il se retire de la direction de la société en 1874, il ne continue pas moins de participer à son fonctionnement jusqu’en 1880, date de sa dissolution, en créant régulièrement de nouveaux modèles et en représentant l’entreprise lors des grandes expositions. L’évolution rapide de la valeur du fonds de commerce et la diffusion considérable de certains de ses modèles, laissent entrevoir l’accueil très positif que ces derniers ont rencontré – un enthousiasme durable car ils ont continué à être édités jusqu’à la fermeture de l’entreprise en 1953. À la fin des années 1870, la réussite de Raffl en tant que statuaire religieux est complète. Chaque exposition lui vaut de nombreux éloges. En 1876, à l’occasion de l’exposition de Philadelphie, un correspondant du Figaro souligne « tous les progrès réalisés par cette industrie de sculpture religieuse que la maison Raffl a en quelque sorte créée et qu’elle élève aujourd’hui à la hauteur de l’art le plus pur42 ». Lors de l’exposition universelle de 1878, Émile Bergerat analyse ses qualités :
« Ce qui particularise sa fabrication de celle de ses rivaux, c’est la préoccupation dont elle atteste de moderniser ces types traditionnels de la légende évangélique, d’en renouveler pour ainsi dire le saint personnel, et de mettre la statue religieuse au ton du militarisme de l’Église. Cette idée est originale et hardie, et son succès n’est point douteux. Les modèles de M. Raffl sont bons et d’un travail de statuaire presque toujours remarquable43. »
24La même année, Jean Drouais fait l’éloge de la « composition remarquable » d’une de ses sculptures, « où la perfection du détail et la richesse de la décoration n’enlèvent rien à la valeur de l’ensemble. Nous voilà bien loin de ce que faisaient et de ce qu’essaient encore les artistes de Munich, autrefois en possession du privilège à peu près exclusif de ce genre de production44 »
25Le succès critique et commercial de Raffl dans les années 1870 s’inscrit dans le développement croissant du secteur de la statuaire religieuse en France, un développement qui s’est accompagné d’un perfectionnement général de cette production. Drouais note à ce propos :
« Au premier aspect, je suis frappé du changement opéré, depuis dix ans, dans cet art dont profite si largement la décoration de nos églises. […] L’art de la sculpture et de la décoration religieuse a fait de tels progrès qu’il serait injuste de ne point féliciter hautement les hommes qui sont à la tête de ce mouvement. Grâce à eux, même dans la plus humble chapelle, nous n’aurons plus à rencontrer cette incroyable statuaire et ces inimaginables ornements, devant lesquels, souvent, se prenaient à rêver les fidèles45. »
26Ce « progrès » unanimement constaté a eu pour effet d’imposer définitivement la production française sur le marché national :
« Les moyens de fabrication se sont perfectionnés au point de livrer à des prix relativement très-bas des statues et des autels d’une véritable valeur artistique, et, grâce aux maisons principales, les commandes qui allaient à l’étranger ont fait retour à la France où d’importants progrès se font chaque jour dans cette industrie. L’essor donné aux études archéologiques a contribué puissamment à former le goût des acheteurs, qui sont des donataires pour la plupart, et à encourager le fabricant à étudier la forme de ses produits dans un sens tout artistique46. »
27Cette évolution contribue en outre à faire de la statuaire religieuse d’édition une véritable spécialité française qui s’exporte alors dans le monde entier.
Auguste Verrebout
28Auguste Louis Léopold Verrebout, associé puis successeur de Raffl, est d’origine belge. Né à Bruges le 30 avril 183647, il vient chercher du travail en France au début des années 186048. Lors de la création de la société « Raffl & Cie » en 1873, il est dit « peintre en décor » et demeure 6, rue de Seine. Il travaille probablement au service de Raffl depuis plusieurs années. Après le départ de celui-ci, il est chargé de la direction des ateliers, tandis que Mme Raffl dirige les bureaux, les magasins et la caisse. Cette situation se poursuit jusqu’en 1880, date à laquelle Adèle Frediani se retire à son tour de la société et revend sa part de capital à Verrebout. Dès lors, la société est dissoute49 et ce dernier reprend seul la direction de l’entreprise jusqu’à son décès en 1889. Le départ de Raffl d’abord, puis de sa femme, laisse supposer que la perspective de la reprise du fonds de commerce par Verrebout était en fait envisagée dès 1873. Aussi la société « Raffl & Cie » apparaît-elle comme une période de relais. En 1882, un jeune sculpteur belge employé dans l’entreprise retrace dans une lettre le parcours du « grand patron » : « Il y a quelques années ce Brugeois est venu à Paris pour travailler dans la maison de Raffl et grâce à sa connaissance de la peinture de statues, il est devenu le surveillant des peintres. Plus tard, il est devenu le patron de tous les ouvriers50. » Il indique également que le frère d’Auguste, Adolphe, travaille avec lui. Une fois à la tête de l’établissement, Verrebout conserve la filiation avec son prédécesseur en utilisant dans ses documents commerciaux et publicités la dénomination « Maison Raffl-Verrebout successeur », puis « Ancienne maison Raffl-Verrebout successeur » (fig. 12).
Fig. 12. – En-tête de la maison Verrebout.

© Pauline Carminati.
29Sous sa direction, l’entreprise continue de se développer. Trop à l’étroit rue Bonaparte, il achète un terrain rue Régnier et y fait construire un atelier supplémentaire51. En 1886, il fait aussi l’acquisition de la collection de modèles de statuettes religieuses de Salvatore Marchi (fig. 13). Celui-ci étant décédé depuis plusieurs années, c’est sa veuve qui lui vend les droits de propriété des modèles en échange d’une somme de 48 000 francs et d’une rente viagère de 1 800 francs par an52. Pour annoncer la nouvelle, Verrebout diffuse un prospectus auprès de sa clientèle :
« J’ai l’honneur de vous informer que je viens de me rendre acquéreur de la belle collection de modèles des statues religieuses qu’exploitait M. Salvator Marchi, 30, passage Choiseul, à Paris. Il n’est peut-être pas inutile de vous rappeler que M. Salvator Marchi s’était fait une place très honorable dans l’art de la statuaire religieuse, et que la plupart des modèles qu’il éditait sont les œuvres d’artistes les plus éminents, tels que : Carrier Belleuse, Cambos, Norest, etc., etc. Ces modèles ont été, et sont toujours les plus recherchés par les personnes soucieuses du beau. C’est donc dans ma maison que vous trouverez dorénavant tous les modèles de la maison Salvator Marchi. »
Fig. 13. – Couverture du catalogue Vve Salvatore Marchi & Fils, 1875.

© Inventaire général, ADAGP.
30Peu après, il semble cependant rencontrer des problèmes financiers car il emprunte au couple Raffl 130 000 francs en décembre 188653. Les investissements faits en 1883 et 1886, ainsi que les deux expositions universelles auxquelles il participe à l’étranger en 1885 (Anvers et la Nouvelle-Orléans), ont peut-être mis l’entreprise en difficulté, d’autant plus dans le contexte de l’expulsion des congrégations ordonnée par le gouvernement à la suite du décret du 29 mars 1880. Plusieurs entreprises de statuaire religieuse font faillite à cette époque54 et il est possible que ces mesures n’y soient pas étrangères. Les congrégations constituent en effet une grande partie de leur clientèle, raison pour laquelle certains fabricants protestent publiquement contre leur expulsion55.
31En 1889, ces difficultés temporaires – la plupart des congrégations expulsées se reforment progressivement – paraissent déjà loin, si l’on en croit le jury de l’exposition universelle qui indique à propos de la statuaire religieuse :
« Cette industrie spéciale nous a paru en progrès et les fabricants qui l’exploitent n’ont pas à se plaindre de la marche ascendante de leurs affaires. […] Pour tous ces objets du mobilier religieux, nous avons eu souvent à lutter contre l’Allemagne, dont nous étions tributaires. Le Tyrol autrichien nous inondait également de ses produits souvent grossiers et dépourvus de style. Aujourd’hui, nous sommes heureux de constater que nos industries françaises, avec leur vitalité si puissante, sont toujours prêtes à affirmer leur supériorité. Elles nous le prouvent, cette fois encore, par une exportation de près de moitié sur un chiffre de production s’élevant à 40 millions56. »
32Verrebout est particulièrement honoré car il est nommé membre du jury et du comité d’admission. Le rapport de l’exposition ne manque pas de lui adresser des éloges, soulignant sa contribution au développement de la maison Raffl :
« Parmi les maîtres du mobilier religieux, nous devons placer M. Verrebout, successeur de la maison Raffl, pour la valeur artistique de son travail. À la tête d’un atelier très important de sculpteurs, de mouleurs, d’ornemanistes et de peintres, M. Verrebout a développé considérablement son industrie première des statues religieuses. Ses magasins contiennent tout un monde de Vierges, Mère, Immaculée, de Sacrés-Cœurs, de saints, d’évêques, de guerriers, etc., en fonte, en bois, en marbre, en carton romain, soit nature, soit décorés avec le plus grand goût57. »
33Après avoir débuté comme ouvrier, Auguste Verrebout est donc devenu en 1889 un chef d’entreprise estimé par ses pairs et un bourgeois aisé, vivant dans un vaste appartement parisien décoré de nombreuses œuvres d’art, et propriétaire d’une maison de campagne à Montlignon58. Sa mort prématurée le 23 août 1889 l’empêche de choisir son successeur. La vente de son fonds de commerce par ses héritiers inaugure un nouveau volet de l’histoire de l’entreprise : tandis que Frediani, Raffl et Verrebout étaient des hommes de métier, artiste ou artisan, les propriétaires suivants sont des investisseurs qui ne s’occuperont ni de la partie créative ni de la direction des ateliers.
L’exploitation commerciale
34En 1890, la maison Raffl passe entre les mains de financiers étrangers à la profession, signe qu’elle est prospère et offre la perspective de juteux profits. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’entreprise continue sa croissance. Elle profite de la fragilisation du secteur causée par les lois de laïcisation et la séparation des Églises et de l’État pour absorber progressivement la plupart de ses concurrents parisiens, opérant une reconfiguration profonde du secteur de la statuaire religieuse. La guerre interrompt brutalement son développement mais la maison Raffl se relève et reprend son activité jusqu’à la guerre suivante. Cependant, l’époque n’est plus aux éloges dithyrambiques et quelques années seulement après la fin du conflit, l’entreprise est mise en liquidation.
Les frères Delin
35À la mort de Verrebout, le fonds de commerce est vendu à deux frères, Charles Claude et Pierre Achille Delin, qui en font l’acquisition le 19 avril 1890 à l’issue d’une vente aux enchères, moyennant la somme de 150 100 francs59. Charles Claude était précédemment associé d’agent de change, rue des Filles-Saint-Thomas à Paris, tandis que son frère exerçait la profession de banquier, rue Cambon60. Au moment de la vente, les deux hommes sont âgés de trente-cinq et trente-sept ans. Ils exploitent dans un premier temps le fonds en « société de fait », avant de s’associer formellement devant notaire le 3 décembre de la même année61 (fig. 14). Le capital de la société en nom collectif « Delin frères » est fixé à 300 000 francs, appartenant pour les deux tiers à Claude Delin et pour le dernier tiers à Pierre, soit le double du capital de la société « Raffl & Cie ». Les deux nouveaux directeurs semblent ne pas vouloir se limiter à la fabrication de statues et avoir pour objectif d’étendre leur activité à l’ensemble des fournitures d’église. En effet, leur société a pour objet « l’industrie et le commerce de statues, ornements et ameublements d’églises, bronzes, objets d’art et de religion et tous autres qu’il conviendra aux associés d’ajouter ». Leur première annonce dans l’Annuaire-almanach du commerce mentionne également les « bronzes religieux62 », ce qui suggère que les Delin revendent la production d’un orfèvre avec lequel ils ont conclu un accord commercial, à moins qu’ils aient acquis un autre fonds de commerce dans ce domaine. Ils continuent par la suite leurs investissements. En 1891, ils louent une petite boutique donnant sur la rue du Four, vraisemblablement pour servir d’annexe au magasin principal63. En 1892, ils rachètent pour la somme de 1 000 francs un brevet d’invention pour une « machine à sculpter le bois, la pierre, le marbre, l’ivoire etc.64 ». Peu de temps après, ils font l’acquisition d’un fonds de commerce d’ornements d’église, 53, rue Bonaparte (en face du 64), qu’ils revendent l’année suivante65.
Fig. 14. – En-tête de la maison Delin frères.

© Pauline Carminati.
36S’ils ne paraissent pas avoir marqué de leur empreinte l’histoire de la maison Raffl, les frères Delin ont en revanche été la cible de violentes critiques, qui sont intéressantes en ce qu’elles traduisent la perception d’une transformation du secteur de la statuaire religieuse par ses propres acteurs. Cachal-Froc, un de leurs concurrents, les vise en effet directement lorsqu’il dénonce en 1895, dans son catalogue, la mainmise des spéculateurs sur les entreprises de statuaire religieuse :
« Des artistes, architectes et sculpteurs avaient fondé des ateliers de Statuaire religieuse ; plusieurs de ces ateliers ont été vendus. Des courtiers de la Bourse, des avocats, des clercs d’avoué en ont acheté ; et depuis quelques années ces spéculateurs, étrangers à notre art, font à eux seuls plus de prospectus et de réclames que notre corporation de France tout entière n’en avait fait depuis un siècle ! Mais, chose bizarre, dans ces réclames continuelles, on oublie toujours de faire connaître le passé professionnel de ces successeurs acquéreurs d’ateliers. Il est d’usage cependant, lorsqu’on prend la direction d’une maison, de dire publiquement son passé professionnel pour justifier que l’on n’est pas ignorant du travail que l’on sollicite, et de montrer ainsi que l’on n’a pas acheté des ateliers, uniquement pour spéculer sur la confiance qu’inspirait autrefois le nom du fondateur disparu66. »
37Dans leurs documents commerciaux, les Delin rappellent en effet toujours le nom de Raffl et se présentent souvent comme ses successeurs directs. Cachal-Froc les fait d’ailleurs condamner à l’issue d’un procès pour usurpation de médailles et récompenses industrielles car ils s’attribuaient celles qui avaient été décernées à leurs prédécesseurs67. Ils sont également attaqués nommément dans un imprimé anonyme conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris68. Il s’agit d’une sorte de pamphlet, reproduisant et commentant de manière humoristique des lettres écrites par Claude Delin afin d’obtenir du pape la distinction de Commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Ces lettres confidentielles n’étaient bien sûr pas destinées à être rendues publiques. L’auteur de cet imprimé, qui signe « un pauvre typo », y révèle les démarches entreprises par Delin auprès d’ecclésiastiques pour solliciter leur entremise (courriers, versement de sommes d’argent). Les commentaires, agrémentés de couplets chantés et de jeux de mots, dénoncent les pots-de-vin versés par l’industriel et la contradiction entre ces pratiques et le discours vertueux des lettres. Par exemple, un petit mot de la main de Delin, vraisemblablement destiné à être recopié par l’un des ecclésiastiques qu’il sollicite, est ainsi commenté : « Je ne suis qu’un pauvre Typo, mais je comprends tout de même… que si des personnes Ecclésiastiques me proposent pour une distinction… c’est pas moi qui la leur demande. Et si c’est moi qui la leur demande… c’est pas elles qui me la proposent. […] Mes-sieurs pas-sez moi votr’qui-bus ta ra ta ta, – ta ra ta ta. » Certaines maisons de statuaire religieuse étaient depuis longtemps dirigées par des commerçants sans formation artistique et la recherche de ces distinctions n’était pas non plus nouvelle. Pourtant, il se pourrait qu’au-delà d’éventuels règlements de compte personnels ces attaques traduisent une réelle évolution, un renforcement des pratiques mercantiles.
38Finalement, six ans après avoir acheté le fonds de commerce de Verrebout, les frères Delin se retirent l’un après l’autre de la société au profit de deux nouveaux investisseurs : Henry Pacheu et Émile Lecaron.
Henry Pacheu et Émile Lecaron
39Les Delin décident, en mars 1896, d’augmenter le capital et de s’adjoindre un associé, Henry Pacheu69. Ancien juge au tribunal de commerce de la Seine, Pacheu déclare en 1902 avoir quitté son poste de fonctionnaire en réaction aux lois anticléricales du gouvernement70. La société ainsi modifiée prend le nom de « Delin frères et Pacheu ». Le capital est fixé à 800 000 francs, appartenant à Claude Delin pour trois huitièmes, à Pierre Delin pour deux huitièmes et à Henry Pacheu pour les trois derniers huitièmes. L’acte précise que Charles Claude Delin, contrairement aux deux autres associés, « sera libre de ne donner à la société que le temps et les soins qu’il jugera convenables et de s’intéresser ou associer en dehors d’elle », et qu’il « aura la faculté de céder à toute époque tous ses droits sociaux, à toute personne qui lui conviendra ». Il est donc déjà prévu qu’il quitte la société mais il cherche encore probablement quelqu’un pour le remplacer. C’est chose faite au mois de mai : Charles Claude Delin cède ses droits à Marie Henri Émile Lecaron, « sans profession », contre la somme de 300 000 francs71. La raison sociale de la société et la signature deviennent dès lors « Delin, Pacheu et Lecaron ». En novembre 1897, c’est au tour de Pierre Achille Delin de se retirer. Débiteur d’une somme de 200 000 francs envers Pacheu et Lecaron, il ne récupère rien de sa part de capital. Pacheu et Lecaron se retrouvent donc seuls propriétaires, à parts égales, de la maison Raffl. Par la même occasion, ils conviennent « de réduire ce capital, par suite d’amortissement sur le matériel et les marchandises de la société, à la somme de six cent mille francs ».
40La société ainsi modifiée a pour nouvelle raison sociale « Pacheu et Lecaron », mais c’est la dénomination commerciale « Maison Raffl » qui est utilisée et qui sert de signature sur les statues72 (fig. 15). Habiles publicitaires, les deux associés mettent en valeur l’ancienneté du fonds de commerce et font référence aux personnalités ayant marqué l’histoire de l’entreprise, comme en témoigne leur annonce dans l’Annuaire-almanach du commerce :
« RAFFL Maison fondée en 1796 par Frediani. […] Anciennement Verrebout, Delin Frères, Costet, Salvatore Marchi. Actuellement PACHEU & LECARON […] STATUES RELIGIEUSES artistiques en tous genres et en toutes matières […] CHEMINS DE CROIX sculptés et peints en toute matière et tous styles. AMEUBLEMENTS de tous genres et tous styles, Autels, confessionnaux, Chaires à prêcher, Bancs, Stalles de chœur, etc. Décoration-restauration d’églises, chapelles, oratoires. MODELAGES artistiques exécutés dans nos ateliers, au gré du client et sous ses yeux. Envoi franco de catalogues et photographies. TELEPH 704.03 Adr. T : MAIRAFFL 64, R. Bonaparte73. »
Fig. 15. – En tête de la maison Pacheu et Lecaron.

© Pauline Carminati.
41Pour la première fois mentionnée, l’acquisition de la maison Costet, statuaire établi 72 bis, rue Bonaparte depuis 1891, semble être réalisée peu après le départ de Pierre Delin74. Quelques années plus tard, en 1903, Pacheu et Lecaron rachètent également la maison Froc-Robert, exploitée à Paris, 38, rue Bonaparte, sous la raison sociale « Blondeau, Senart & Cie »75 (fig. 16). Contrairement à la maison Costet qui a laissé peu de traces, la maison Froc-Robert, fondée par Besand en 1855, a été pendant plusieurs décennies l’une des principales concurrentes de la maison Raffl76. Mais sa forte croissance initiale s’était fortement ralentie à la fin du siècle : tandis que son capital était comparable à celui de la maison Raffl au début des années 1870, il avait peu augmenté par la suite et s’élevait seulement à 200 000 francs en 1896, soit le quart de celui de sa concurrente la même année. En absorbant cette entreprise, la maison Raffl intégrait en réalité deux fonds à l’histoire ancienne car Froc-Robert avait racheté vers 1880 le fonds de Julien-François Solon. En 1905, c’est au tour du fonds de commerce d’Arnoult, 6, rue Méchain, d’être racheté par Pacheu et Lecaron77. Au fur et à mesure, les noms des dirigeants successifs de ces différentes entreprises sont ajoutés à ceux de la « maison-mère ». On lit ainsi dans l’Annuaire-almanach du commerce de 1906 : « RAFFL (maison). Maison fondée en 1796. Anciennement Verrebout, Delin Frères, Costet, Salvatore-Marchi, Arnoult, Froc-Robert, Besand, Solon, Poiret, Blondeau, Senart & Cie. Actuellement Pacheu & Lecaron78. »
Fig. 16. – Prospectus diffusé suite au rachat de la maison Froc-Robert en 1903.

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42En quelques années, sous la direction de Pacheu et Lecaron, le fonds de modèles de la maison Raffl se développe donc significativement. Ces acquisitions sont favorisées par la crise du secteur de l’art religieux que les nouvelles mesures contre les congrégations et la loi de Séparation ont entraînée. Le 18 avril 1905, L’Univers consacre un article aux « industries en péril » et rapporte les propos de Félix Gaudin, peintre-verrier et initiateur d’une protestation adressée au Parlement :
« Il n’y a pas d’illusions à garder, dit M. Gaudin, et l’expérience de quelques mois en dit long sur les résultats de la future loi. Bien des ruines sont déjà consommées, et si l’on maintient le principe d’une simple location, au lieu d’une cession des églises, dans toutes les branches du “bâtiment”, ceux qui ne vivaient que par les seuls travaux religieux devront disparaître. Ce sera, pour cette immense industrie déjà si cruellement éprouvée par la timidité des capitaux, un désastre. Ce ne sont point là des appréciations plus ou moins contestables que je cite, mais des faits d’ordre matériel dont la constatation est à la portée de tous. Des chantiers fermés, des ateliers sans vie, des ouvriers sans pain, tout cela est d’une éloquence autrement grave que toutes les rhétoriques du monde. Il y aurait donc grand intérêt à dresser le bilan de ce que les travaux religieux faisaient mouvoir de bras et circuler de capitaux jusqu’à ce jour79. »
43À la suite de cet appel, le journal donne un premier aperçu des faillites dans le secteur :
« Aujourd’hui, comme première suite à la proposition de M. Gaudin, l’Éclair publie ces lignes : Nous recevons cette première note qui n’est point sans ouvrir d’inquiétants horizons sur les lendemains économiques de la loi en discussion : “Sur 16 maisons occupées par diverses industries d’art religieux, rue Bonaparte, il est facile de constater que, depuis l’année 1901, six ont disparu. Blondeau, Senart et Cie, statues religieuses et ameublements d’églises, réunie à la maison Raffl. De Jaër, chasublerie, supprimée. Casciani, statues religieuses, réunie à la maison Peaucelle Coquet. Haussaire, ameublement d’église, supprimée. Périgally et Parog, éditeurs de musique, supprimée. Cabane, tableaux religieux, supprimée.” Il est évident que les premières maisons frappées devaient être celles qui font exclusivement commerce avec les églises et les congrégations. Mais la consultation ouverte prouvera que d’autres maisons seront atteintes qui ne sont point exclusivement en affaire avec les établissements du culte, mais qui trouvaient de ce côté un débouché indispensable à leur développement. »
44L’exportation et la vente aux particuliers laïcs permettent à certaines entreprises de se maintenir malgré la crise mais beaucoup d’entre elles disparaissent en ce début de siècle, ce dont profite la maison Raffl pour agrandir sa collection de modèles. C’est dans ce contexte de reconfiguration du secteur de la statuaire religieuse que Pacheu et Lecaron décident en 1907 de s’associer avec une autre entreprise parisienne, la maison Peaucelle-Coquet.
La Statue Religieuse
45La maison Peaucelle-Coquet est fondée en 1860 par Charles René Peaucelle, éditeur de médailles, et Marie Coquet, marchande d’objets religieux. Leur première annonce commune dans l’Annuaire-almanach du commerce indique : « Peaucelle-Coquet, éditeur des médailles de N.-D.-des-Victoires, grand assortiment d’objets de piété, statues et statuettes, tableaux en plastique, christs, croix, bénitiers, médailles, chapelets, images, paroissiens et livres de piété, etc. Sèvres, 9380. » L’en-tête d’une facture datée de 1868 ajoute : « Peaucelle-Coquet, fabricant de statues et statuettes (400 modèles) ». En 1871, Marie Coquet et Charles René Peaucelle achètent un immeuble 13, rue Pierre Leroux, dont une partie est utilisée pour y installer des ateliers81. Vingt ans plus tard, ils vendent leur fonds de commerce à leur fils Auguste82. L’entreprise prend dès lors la dénomination « Peaucelle-Coquet et fils », puis en 1900 elle devient « Peaucelle-Coquet fils » et en 1903, après la mort de Charles René, de nouveau « Peaucelle-Coquet » (fig. 17). À l’instar de la maison Raffl, la maison Peaucelle-Coquet se développe au début du xxe siècle en rachetant les fonds de concurrents décédés ou ayant fait faillite. En 1900, Auguste Peaucelle acquiert ainsi le fonds de commerce d’Alphonse Bogino, dit Bogino jeune, précédemment exploité par Casciani, 137, rue de Rennes, puis quatre ans plus tard celui de Cachal-Froc, 30, rue Vavin83. La maison Casciani aurait été fondée en 186284. Raphaël Casciani était alors mouleur à Angers85. Au début des années 1870, il s’associe avec Nau, également mouleur, et crée un établissement à Paris86. Il reprend ensuite seul le fonds de commerce en 188087 et connaît un certain succès, obtenant une médaille à l’exposition universelle de 1889 (fig. 18). En 1896, il vend son fonds à Alphonse Bogino, artiste-peintre, fils du statuaire Frédéric Louis Désiré Bogino. Pour exploiter ce fonds, Alphonse monte la société en commandite « Bogino A. jeune & Cie », au capital de 80 000 francs88, mais il fait faillite en 189889. La maison Cachal-Froc est quant à elle fondée en 1872 par Léonce Cachal, ancien employé de la maison Froc-Robert. Celui-ci se présentait comme architecte, il devait donc certainement dessiner lui-même ses modèles et les plans de ses autels. Il reste seul à la tête de son établissement jusqu’à sa mort en 1904 ; son fonds est alors vendu à Peaucelle par ses héritiers90.
Fig. 17. – Couverture d’un catalogue de la maison Peaucelle-Coquet, vers 1900.

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Fig. 18. – Carte d’adresse de Casciani, fin des années 1880.

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46Au lendemain de la séparation des Églises et de l’État, la concurrence sur le marché parisien de la statuaire religieuse est donc sérieusement réduite. Probablement pour s’assurer un monopole encore plus grand et unir leurs forces, les maisons Raffl et Peaucelle-Coquet se réunissent en 1907 pour former la société « Pacheu, Lecaron et Peaucelle »91. Leur apport respectif comprend les divers fonds de commerce leur appartenant, le matériel mobilier servant à leur exploitation et les marchandises les garnissant. Celui de Pacheu et Lecaron est évalué à 660 000 francs, celui de Peaucelle à 330 000 francs, formant un capital de 990 000 francs. La différence de valeur des deux entreprises est significative. Qu’elle soit due au nombre et à la qualité des modèles, à la notoriété et à la clientèle, ou aux infrastructures mobilières, la maison Raffl domine largement l’autre. C’est sans doute pourquoi le siège social de la nouvelle société est établi 64, rue Bonaparte et l’entreprise conserve la dénomination commerciale « Maison Raffl ».
47La société se défait en 1909 du fonds de commerce d’objets de piété de la rue de Sèvres pour se concentrer sur la statuaire et le mobilier92. Elle poursuit son expansion en acquérant en 1910 le fonds de Lagarde, anciennement 26, rue de la Chaise et 37, boulevard Raspail93 (fig. 19), puis en 1911, celui de Charles Pillet, 14, rue de Sèvres94 (fig. 20), deux maisons relativement anciennes. L’abbé Durand affirme qu’elle aurait eu des vues sur la maison fondée par Léon Moynet à Vendeuvre-sur-Barse, sans toutefois préciser à quelle période, mais cette opération ne s’est finalement pas réalisée95. En 1912, à l’issue de ses différentes acquisitions, la maison Raffl pouvait afficher sur la couverture de ses catalogues une longue liste de « prédécesseurs » : « Anciennes maisons Raffl, Froc-Robert, Peaucelle-Coquet, Raphaël Casciani, Cachal-Froc, Frédiani, Verrebout, Delin, Costet, Salvatore Marchi, Besand, Solon, Poiret, Blondeau, Senart et Cie, Arnoult, A. Bogino jeune et Cie, Lagarde, Pillet96. » Malgré les difficultés rencontrées par le secteur, l’entreprise semble en être sortie plus puissante encore et connaît son apogée. Bien que les éloges se raréfient, cette période est sans doute la plus faste d’un point de vue économique. En témoignent les catalogues de vente édités plusieurs fois par an et distribués largement, ainsi que les nombreuses statues portant la signature « Maison Raffl » encore en place dans les églises.
Fig. 19. – Publicité pour la maison Lagarde dans l’Annuaire-almanach du commerce, 1882.

© BnF, Gallica.
Fig. 20. – Carte-photographie de la maison Pillet.

© Pauline Carminati.
48Si, dans un premier temps, la société continue d’être désignée sous le nom de « Maison Raffl », une nouvelle appellation est bientôt adoptée. En 1911 apparaît en effet sur les documents commerciaux et dans les annuaires la dénomination « La Statue Religieuse ». Le choix de cette dénomination commerciale plus générique peut être interprété à la fois comme le signe d’une domination sur le marché de la statuaire religieuse et comme une mise à égalité des deux entreprises réunies, alors que précédemment la maison Peaucelle-Coquet disparaissait derrière l’appellation « Maison Raffl ». Dans le même temps, deux marques sont déposées le 28 mars 1911 au greffe du tribunal de commerce de la Seine : « La Statue Religieuse Paris – Plâtre-stuc » et « La Statue Religieuse Paris – Carton-romain »97. Ces marques sont apposées sur les statues, associées encore parfois à la signature « Maison Raffl », tandis que la signature « La Statue Religieuse Paris » commence à être employée.
49La guerre met un coup d’arrêt à l’activité florissante de l’entreprise. Le 16 octobre 1915, les trois associés procèdent à la réduction du capital de la société à la somme de 600 000 francs. L’acte de cette modification évoque la situation difficile dans laquelle se trouve l’entreprise depuis le début du conflit :
« Par suite de causes diverses, entre autres : la diminution, dans le nombre et l’importance des commandes, l’augmentation, progressive et considérable, du prix des matières premières, de toute nature, employées dans leur industrie, les difficultés de recrutement de la main d’œuvre, anciennes déjà, mais considérablement aggravées par suite de la mobilisation, presque totale, de leur personnel, la disparition complète de tout bénéfice, etc, etc… les soussignés ont dû cesser, depuis longtemps, de prélever les appointements mensuels et les intérêts trimestriels, afférents aux capitaux engagés, qui avaient été prévus à leur acte de société98. »
50En juillet 1914, Henry Pacheu cède à son fils Yves, dit Yvonick, ses droits dans la société99. Mais celui-ci, étant mobilisé immédiatement après, ne peut faire les démarches nécessaires, ce qui a pour conséquence de suspendre l’effet de l’acte. Démobilisé en mars 1919, il remplace dès lors son père (entre-temps décédé) dans la société dont la nouvelle raison sociale devient « Lecaron, Peaucelle et Pacheu ». L’activité reprend rapidement à la faveur de l’intense vie religieuse de l’après-guerre et des commandes de monuments commémoratifs. De nouvelles entreprises concurrentes voient même le jour à Paris, parmi lesquelles Duffour, Serraz et « L’Art Catholique », tandis que les anciennes trouvent repreneurs. En décembre 1924, les trois associés créent la société anonyme « La Statue Religieuse », au capital de 780 000 francs. Une marque rectangulaire portant l’inscription « La Statue Religieuse Paris » caractérise la production de cette ultime phase.
51Bien que cette période soit peu documentée, les années 1930 voient certainement l’activité commencer à péricliter. C’est ce que suggère du moins l’abandon des locaux de la rue Bonaparte, dont le loyer très élevé devient probablement une charge trop importante par rapport aux revenus de la société100. En 1936, magasin et siège social sont transférés 13, rue Pierre Leroux, propriété d’Auguste Peaucelle101. Enfin, en juin 1953, les administrateurs de l’entreprise, qui sont alors Roger et René Peaucelle (les fils d’Auguste, décédé en 1941) et Yvonick Pacheu, décident de procéder à la dissolution anticipée de la société et à la mise en liquidation du fonds de commerce102. La dissolution est arrêtée au 31 décembre 1953 et la société est radiée des registres du commerce en décembre 1956103. La raison invoquée lors de l’assemblée générale extraordinaire est le récent départ en retraite du chef de la fabrication, l’un des plus anciens collaborateurs. Cependant, tout porte à croire que l’entreprise subissait également une forte baisse des ventes, comme l’ensemble de ses concurrents. La plupart des ateliers sont contraints de cesser leur activité durant les années 1950-1960, comme en témoigne la rubrique « Statues religieuses » de l’Annuaire du commerce Didot-Bottin, désormais réduite à quelques lignes seulement. Certains avaient pourtant tenté de se reconvertir, sans succès. Les maisons Rouillard à Angers et Nicot à Vendeuvre-sur-Barse ferment toutes deux en 1962, Pierson à Vaucouleurs en 1967. Le fonds de la maison Raffl, mis en vente lors de la liquidation, semble avoir été racheté – au moins en partie – par Raymond Barsanti, propriétaire de la société « Art & Religion », qui avait précédemment racheté le fonds Beau (anciennement Chovet) et était établi 12, rue du Vieux-Colombier104. Barsanti a-t-il acquis l’ensemble du fonds, y compris les moules et le matériel afin de continuer à les exploiter, ou uniquement les exemplaires déjà fabriqués ? Il cesse en tout cas son activité quelques années plus tard, en 1961, mettant définitivement fin à la diffusion des statues de la maison Raffl105.
52L’histoire de la maison Raffl n’est pas l’histoire d’un individu mais celle d’un fonds de commerce. Elle est marquée par une succession de dirigeants et, conjointement, de raisons sociales, dénominations commerciales et signatures qui ont servi à identifier l’entreprise au cours du temps. Avoir retracé précisément ces différentes phases permet désormais de dater les statues sorties des ateliers de la maison Raffl grâce aux signatures qu’elles portent. Cet historique apporte également une vision générale de l’évolution économique de l’entreprise. Compte tenu de la très faible inflation du franc au xixe siècle, l’augmentation continue de la valeur du fonds de commerce et du capital de la société est révélatrice de la forte croissance de l’entreprise jusqu’en 1914, comme si les différentes crises du secteur n’avaient pas eu d’impact sur elle. La chute du franc à partir de 1914 rend en revanche l’interprétation de la diminution du capital plus délicate. Après guerre, les prix de vente des statues sont multipliés par trois, voire cinq chez certains fabricants. Une comparaison avec l’évolution du nombre d’employés avant et après la guerre, si celui-ci avait été connu, aurait pu être utile. Néanmoins, il semble que les entreprises encore en activité après 1918 se maintiennent financièrement voire connaissent un pic d’activité, comme c’est le cas pour les maisons Rouillard106 et Pierson107. Bien qu’il demeure délicat de comparer des sociétés différentes sur la base de leur capital, deux exemples mettent en relief l’importance économique de la maison Raffl dans son secteur d’activité. Celui de la maison Froc-Robert d’abord, dont on a dit précédemment que le capital équivalait à celui de la maison Raffl au début des années 1870 mais atteignait seulement 200 000 francs en 1896 contre 800 000 francs pour cette dernière, mettant en évidence une croissance beaucoup plus limitée. De même pour la maison Pierson dont le capital était de 500 000 francs en 1881 mais ne s’éleva jamais au-delà. Il peut être intéressant également de mettre en regard ces données avec celles d’un autre secteur d’édition de sculptures comme celui du bronze d’art, à travers l’exemple de la maison Barbedienne étudié par Florence Rionnet. Comme la maison Raffl dans le domaine de l’édition de sculptures religieuses, la maison Barbedienne paraît avoir été l’une des plus importantes de son secteur. Cependant, leurs capitaux n’avaient rien de comparable : tandis que celui de la première atteignait à son apogée 990 000 francs en 1907, celui de la seconde dépassait les trois millions de francs en 1889, s’abaissant à deux millions en 1911108. Le poids économique de ces entreprises était donc bien différent. Les infrastructures, le nombre d’ouvriers, le coût des matières premières, des modèles et de la fabrication, ainsi que les bénéfices générés devaient probablement être beaucoup plus importants dans le domaine du bronze et nécessiter davantage d’investissements109.
Notes de bas de page
1 Nous renvoyons à notre thèse pour retrouver le résultat complet du dépouillement des annuaires commerciaux, ainsi qu’un aperçu des signatures et en-têtes successifs de la maison Raffl. Une sélection de signatures a également été publiée dans P. Carminati, « Documents pour l’histoire d’une entreprise parisienne de sculpture religieuse : la maison Raffl, 1796-1956 », Documents d’histoire parisienne, no 18, 2016, p. 95-104.
2 J. Fèvre, Vie et travaux…, op. cit. ; M.-P.-A. Laroche, Un sculpteur religieux. Notes sur la vie de M. Bouriché (1826-1906), Angers, Siraudeau, 1907.
3 Archives de Paris, V4E1706, 14e arrondissement, actes de mariage, 1862.
4 Archives départementales des Alpes-Maritimes, 2E84/44, Menton, actes de décès, 1895.
5 « Nécrologie », Journal des débats, 20 novembre 1895, p. 3.
6 « Angekommene in Innsbruck », Bote für Tirol und Vorarlberg, 23 juillet 1849, p. 758 ; « Angekommene und Abgereisste », Salzburger Constitutionelle Zeitung, 25 juillet 1849, p. 893.
7 Sur ce fabricant, voir K. Mayer, Franz Mayer’sche Hofkunstanstalt. Teil 1: Die 1. Generation, 1847-1883, Munich, Mayer, 2001.
8 « Angekommene in Innsbruck », Bote für Tirol und Vorarlberg, 14 septembre 1853, p. 1144.
9 « Kunstnachricht », Bote für Tirol und Vorarlberg, 31 décembre 1855, p. 1624.
10 Ibid.
11 « Kunstnachricht », Bote für Tirol und Vorarlberg, 31 janvier 1856, p. 143.
12 « Ein vaterländischer Künstler », Wiener Zeitung, 27 novembre 1867, p. 713.
13 « Ein Tiroler Künstler in Paris », Inn-Zeitung, 16 janvier 1862, p. 68.
14 « Verschiedenes », Bozner Zeitung, 22 juillet 1864, p. 4.
15 Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire, t. 19, no 12, 1874, p. 56.
16 Voir les Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire publiées à partir de 1855.
17 Annuaire-almanach du commerce, 1861, rubrique « Sculpteurs sur bois ».
18 Annuaire-almanach du commerce, 1860, classement par adresse, « Rue de Sèvres ».
19 D’après l’Annuaire général du commerce, 1858, rubrique « Sculpteurs-ornemanistes ».
20 Archives de Paris, V4E1706, 14e arrondissement, actes de mariage, 1862. Le couple a eu trois enfants : Marie Augustine, née le 24 février 1863, Paul Auguste, né le 31 août 1864, et Marie Ernestine, née le 19 février 1867.
21 Archives nationales, MC/ET/C/1298, Contrat de mariage de M. Joseph Ignace Raffl et de Madelle Marie Frediani, 22 janvier 1862.
22 Un arrangement comparable est adopté pour la vente du fonds de commerce de René Peaucelle et Marie Coquet à leur fils Auguste.
23 « Ein Tiroler Künstler in Paris », art. cité, p. 68.
24 Atti del comitato dell’inchiesta industriale (1870-1874), vol. 7, Commerci e industrie dell’Italia all’estero, Bologne, Analisi, 1987, p. 13.
25 Statistique de l’industrie à Paris résultant de l’enquête faite par la Chambre de commerce pour les années 1847-1848, Paris, Guillaumin, 1851, p. 179.
26 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/949, Inventaire après le décès de Mme Cecconi, 28 mai 1846.
27 Plusieurs signatures peuvent lui être attribuées, notamment « Raffl sculp. Paris », « Raffl scu. » ou encore « Raffl » suivi d’une date.
28 Annuaire-almanach du commerce, 1868, rubrique « Sculpteurs-statuaires ».
29 Annuaire-almanach du commerce, 1865, rubrique « Sculpteurs sur bois ».
30 Voir C. Savart, « À la recherche… », art. cité, p. 265-282, et M. Albaric, « Le commerce des objets religieux dans le quartier Saint-Sulpice », dans De pierre et de cœur. L’église Saint-Sulpice, 350 ans d’histoire, Paris, Cerf, 1996, p. 131-155.
31 « Verschiedenes », art. cité, p. 4.
32 C. Lévêque (dir.), Exposition universelle 1867, Paris. Chapelle du parc, Paris, Dentu, 1867, p. 62.
33 A. Luchet, L’art industriel à l’exposition universelle de 1867, Paris, Librairie internationale, 1868, p. 356.
34 H. Lemoine et A. Tronquois, Exposition universelle internationale de 1878 à Paris. Groupe III, Classes 17 et 18, Paris, Imprimerie nationale, 1880, p. 49.
35 J. Fèvre, Vie et travaux…, op. cit., p. 48.
36 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/1597, Inventaire après le décès de Mr Verrebout, 30 septembre 1889.
37 Annuaire-almanach du commerce, 1871, rubrique « Sculpteurs-statuaires ».
38 La femme et la famille et le journal des jeunes personnes, no 12, 1871, Annexes, p. 8.
39 Archives de Paris, D31U3/332, Formation de la société en nom collectif « Raffl & Cie », 30 mai 1873.
40 Ibid.
41 Archives de Paris, D31U3/385, Prorogation de la société en nom collectif « Raffl & Cie », 29 avril 1877.
42 D. Jonathan, « Exposition de Philadelphie », Le Figaro, 6 juillet 1876, p. 2.
43 É. Bergerat (dir.), Les chefs-d’œuvre d’art à l’exposition universelle de 1878, t. 1, Paris, Baschet, 1878, p. 104.
44 J. Drouais, « Exposition universelle. Objets religieux (suite) », Le Figaro, 6 juin 1878, p. 2.
45 Ibid.
46 E. Lacroix (dir.), Études sur l’exposition de 1878, t. 4, Paris, Lacroix, s.d. (1878), p. 544.
47 Archives départementales du Val d’Oise, 3E116/11, Montlignon, registre d’état civil, 1873-1894. Auguste a été marié à Cécile Rosalie Tarroux, décédée le 6 avril 1864.
48 En février 1864, au moment de la naissance de sa fille, il était domicilié à Paris.
49 Archives de Paris, D31U3/451, Dissolution de la société en nom collectif « Raffl & Cie », 15 juin 1880.
50 Archives privées, lettre de Pieter Boncquet au maire d’Ardooie, M. Vanden Bussche, datée du 21 juillet 1882. Traduction de Jan Boncquet.
51 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/1597, Inventaire après le décès de Mr Verrebout, 30 septembre 1889.
52 Contrat passé devant Me Deslandes le 2 avril 1886. Le lot de modèles était estimé 20 000 francs dans l’inventaire après décès de Verrebout.
53 Archives nationales, MC/ET/CI/1616, Affectation hypothécaire par Monsieur Verrebout au profit de Monsieur et Madame Raffl, 15 et 17 janvier 1889.
54 Notamment Panichelli et Lapayre, tous deux en 1884.
55 Le Figaro, 26 octobre 1880, p. 1.
56 A. Picard (dir.), Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Rapports du jury international : groupe III, mobilier et accessoires, Paris, Imprimerie nationale, 1891, p. 101-102.
57 Ibid., p. 103.
58 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/1597, Inventaire après le décès de Mr Verrebout, 30 septembre 1889.
59 Archives nationales, MC/RE/XXVIII/31, répertoire chronologique, 1886-1896. Entrée en jouissance le 24 mai 1890.
60 D’après l’acte de mariage de Charles Claude Delin et Rose Peter daté du 23 avril 1889 (Archives de Paris, V4E/6612, 11e arrondissement, actes de mariage, 1889).
61 Archives de Paris, D31U3 663, Formation de la société en nom collectif « Delin frères », 5 décembre 1890.
62 Annuaire-almanach du commerce, 1891, rubrique « Statues religieuses ».
63 Archives de Paris, D31U3/769, Modification et prorogation de la société « Delin frères », 13 mars 1896.
64 Archives INPI, 1BB221722.
65 Le précédent propriétaire du fonds, Maillot, avait fait faillite (Archives commerciales de la France, 20e année, 1893, p. 180). Il est revendu à Cheyrouze le 19 novembre 1894 (Archives commerciales de la France, 21e année, 1894, p. 1515).
66 Cachal-Froc, La statuaire et le mobilier d’églises, Montrouge, Schmidt, 1895.
67 Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire, t. 43, 1897, p. 346-349.
68 Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Actualités, Série 120, Objets d’art.
69 Archives de Paris, D31U3/769, Modification et prorogation de la société « Delin frères », 13 mars 1896.
70 R. H. Sherard, « A Maker of Saints », Pearson’s Magazine, vol. 13, 1902, p. 258.
71 Archives de Paris, D31U3/773, Cession de droits sociaux par M. Delin à M. Lecaron, 15 mai 1896.
72 Pacheu et Lecaron utilisent parfois également la signature « Raffl Paris », qui semble avoir été ponctuellement employée précédemment par Raffl.
73 Annuaire-almanach du commerce, 1899, rubrique « Statues religieuses ».
74 Archives commerciales de la France, 18e année, 1891, p. 1472.
75 Archives de Paris, D31U3/1121, Formation de la société en nom collectif « Pacheu, Lecaron et Peaucelle », 25 février 1907.
76 Sur cette entreprise, voir P. Carminati, « Froc-Robert, fabricant de statues religieuses et de mobilier d’église à Paris, 38, rue Bonaparte (1855-1903) », Documents d’histoire parisienne, no 20, 2018, p. 61-72.
77 Archives de Paris, D31U3/1121, Formation de la société en nom collectif « Pacheu, Lecaron et Peaucelle », 25 février 1907. Arnoult apparaît dans l’Annuaire-almanach du commerce en 1857 à la rubrique « Objets de religion » (37, rue Vaugirard) ; en 1864, il est répertorié comme « éditeur de statuettes religieuses, carrefour de l’Observatoire, 4 ». De 1891 à 1905, il figure à la rubrique « Statues religieuses ».
78 Annuaire-almanach du commerce, 1906, rubrique « Statues religieuses ».
79 « Industries en péril », L’Univers, 18 avril 1905, n. p.
80 Annuaire-almanach du commerce, 1861, rubrique « Objets de religion ».
81 Archives privées, inventaire après décès de Charles René Peaucelle, 30 juin 1903.
82 Archives commerciales de la France, 18e année, 1891, p. 999.
83 Archives de Paris, D31U3/1121, Formation de la société en nom collectif « Pacheu, Lecaron et Peaucelle », 25 février 1907.
84 A. Peaucelle-Coquet successeur. Statues religieuses artistiques. Catalogue no 46, s. l., s. n., s. d. (1905-1906).
85 Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 27e année, 1895, p. 3659.
86 Annuaire-almanach du commerce, 1873, rubrique « Objets de religion ».
87 Archives commerciales de la France, 8e année, 1881, p. 58.
88 Archives commerciales de la France, 23e année, 1896, p. 431 et 490.
89 Archives commerciales de la France, supplément au no 25, 26e année, 1899, p. 135.
90 Archives commerciales de la France, 31e année, 1904, p. 975.
91 Archives de Paris, D31U3/1121, Formation de la société en nom collectif « Pacheu, Lecaron et Peaucelle », 25 février 1907.
92 Archives commerciales de la France, 36e année, 1909, p. 444.
93 Archives commerciales de la France, 37e année, 1910, p. 1312.
94 Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1912, rubrique « Statues religieuses ».
95 J. Durand, Une manufacture d’art chrétien…, op. cit., p. 41.
96 La Statue Religieuse, Maison Raffl. Catalogue no 56, Crèches pour Noël, s. l., s. n., s. d. (1912).
97 Bulletin officiel de la propriété industrielle et commerciale, 1911, p. 537.
98 Archives de Paris, D31U3/1564, Modification et réduction du capital de la société, 16 octobre 1915.
99 Archives de Paris, D31U3/1694, Modification d’un acte de société : changement de raison sociale, 1er avril 1919.
100 Ce loyer s’élevait à 24530 francs par an en 1924.
101 La Croix, 15 septembre 1936, n. p. Les locaux rue Pierre Leroux étaient loués par Peaucelle à la société 7300 francs en 1924.
102 Archives de Paris, D31U3/4560.
103 Archives de Paris, D33U3/1086, registre du commerce.
104 Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1955, rubrique « Statues religieuses ».
105 Archives de Paris, 3223W/118, fichier du registre du commerce.
106 C. Rouillard, « Le purgatoire de tous les saints… », art. cité, p. 6.
107 J. Durand, Les statues dites de Saint-Sulpice…, op. cit., p. 26.
108 F. Rionnet, Les bronzes Barbedienne…, op. cit., p. 474.
109 Les éléments précis de comparaison manquent, mais en ce qui concerne les ouvriers par exemple, la maison Barbedienne en employait 450 vers 1880, la maison Raffl 200 à la même époque.
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