Chapitre I. Moulage et édition de sculptures dans la première moitié du xixe siècle
p. 23-44
Texte intégral
« Sans parler de la colonne Trajane, dont il n’appartient qu’à des souverains d’avoir des copies, et que l’impératrice de Russie vient de faire mouler de nos jours : combien de morceaux précieux, dont les amateurs ne sont redevables qu’à l’art de mouler ! Si la France jouit de l’Hercule Farnese, du Laocoon, du Gladiateur, de la Vénus de Médicis ; si l’Amour de M. Bouchardon, le Mercure de M. Pigalle, la Vénus de M. Koustou, font les délices des connaisseurs : (car pourquoi refuserions-nous à des artistes célèbres les éloges que leur prodiguera la postérité reconnaissante ?) enfin si nos jardins, nos vestibules, nos cabinets sont ornés de ces chefs-d’œuvres, nous ne les devons qu’à cette méthode ingénieuse qui fait les multiplier. Grâce à ses soins, celui qui achète n’est point le possesseur exclusif d’un trésor dont il connaît rarement tout le prix1. »
1Formulé en 1780, cet éloge de la reproduction et de l’accès aux « trésors » de l’art, sinon encore par « tous », du moins par un cercle élargi d’amateurs, s’amplifie après la Révolution pour devenir un leitmotiv au xixe siècle2. Il laisse entendre combien déjà étaient répandus les moulages parmi un certain public éclairé, tant dans les intérieurs privés que dans les jardins. Stimulé par la diffusion du goût pour l’antique et les besoins de l’enseignement artistique, le marché de l’édition se développe au cours du xviiie siècle dans toute l’Europe. En Angleterre et en Allemagne particulièrement, les historiens ont mis en lumière différentes formes de ce commerce de figures en plâtre ou en carton-pâte, copies d’antiques notamment mais également bustes et ornements3. En France, en dehors des ateliers nationaux, ce marché demeure encore mal connu4. Pourtant, le pays voit le nombre de mouleurs augmenter significativement et en particulier de nombreux professionnels italiens venir y travailler, signes d’un marché dynamique et attractif. C’est le cas de Mathieu Frediani, considéré comme le fondateur de la maison Raffl, qui s’installe à Paris au tournant du siècle5. Cette effervescence s’accompagne d’une évolution des pratiques commerciales des mouleurs qui cherchent, dans un contexte de concurrence accrue, à gagner en visibilité et à se démarquer les uns des autres. Parallèlement, le succès de la sculpture d’édition amène à reconsidérer la notion de propriété artistique et à reconnaître progressivement la valeur des modèles. Il suscite également de nombreux perfectionnements techniques qui contribuent à renouveler l’offre et permettent une augmentation de la production autant qu’une amélioration de sa qualité. L’évolution du marché français du moulage et de l’édition de sculptures depuis la fin du xviiie siècle a ainsi permis aux entreprises de statuaire religieuse qui se développent après 1850 de s’appuyer sur des bases solides : main-d’œuvre hautement qualifiée, principalement italienne, méthodes commerciales éprouvées, cadre juridique précisé, techniques et matériaux améliorés.
Le commerce de moulages
2Né en 1779 dans la principauté de Lucques, en Toscane, Mathieu Frediani se marie en 1807 à Paris, où il exerce la profession de figuriste, c’est-à-dire de mouleur en plâtre6. Depuis le milieu du xviiie siècle, nombre de figurinai et de formatori, principalement lucquois, parcourent l’Europe et Frediani n’est pas un cas isolé7. Tandis que certains circulent de manière itinérante en colportant des statuettes aux sujets variés, d’autres sont installés dans les grandes villes et développent une activité polyvalente en relation avec les artistes et les amateurs cultivés8. Formant à Paris, au tournant du xixe siècle, une petite communauté localisée dans le quartier du Faubourg Saint-Antoine, les Italiens sont réputés pour leur maîtrise technique et dominent le marché du moulage. Lorsque Frediani se fixe dans la capitale, il s’intègre à un réseau de compatriotes déjà bien implantés et bénéficiant d’une solide reconnaissance professionnelle. Almanachs commerciaux, listes de modèles, littérature juridique, presse et inventaires après décès permettent de documenter leur activité d’édition, ainsi que ses principales évolutions.
Tenir magasin de figures
3À la date de son mariage, Mathieu Frediani vit et vraisemblablement travaille chez Pellegrin Poli, 7, grande rue du Faubourg Saint-Antoine9. Originaire comme lui de la principauté de Lucques, Poli dirige un important atelier de moulage et d’édition (fig. 1). Quelques années plus tard, il accueille aussi son neveu, Pellegrin Cecconi, qui prendra sa succession. Frediani reste dans le quartier une vingtaine d’années avant de déménager quai Saint-Michel, continuant probablement de travailler avec Poli jusqu’à son départ.
Fig. 1. – Atelier des mouleurs en plâtre.

Diderot et d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, recueil de planches, 1777.
© Pauline Carminati.
4Les premiers détails sur son activité professionnelle datent seulement de 1826, quand il apparaît pour la première fois dans un annuaire commercial. Alors qu’il était encore domicilié dans le 8e arrondissement (ancien) à la naissance de sa fille Élisabeth Louise Augustine en 182310, il est désormais installé 5, quai Saint-Michel, où il demeure jusqu’en 1857. Il est établi à son compte et dispose de son propre atelier, qui donne directement sur la Seine, moyen de transport privilégié. Il a quarante-sept ans ; son fils et futur successeur, Jean Auguste, en a dix-neuf et les deux hommes travaillent sans doute déjà ensemble. En 1826, Mathieu Frediani fait paraître au moins deux annonces. La première, dans l’Almanach du commerce de Paris, est très succincte : « Frediani, mouleur, q. S.-Michel, 511 ». La seconde en revanche, publiée dans le Bazar parisien, apporte davantage de précisions sur la nature de son activité :
« Frediani, quai St.-Michel, n. 5. Mouleur, sculpteur, figuriste, fait et tient magasin de figures en plâtre pour décors ; figures et vases en terre cuite pour jardins ; vases et colonnes en stuc ; il fait aussi l’ornement pour le bâtiment, et des moules pour les confiseurs ; assortiment de bosses pour le dessin ; Christs, Saints et Vierges pour les églises ; moules pour les artistes, et en général tout ce qui concerne son état. Fait des envois pour l’étranger et les départemens12. »
5Excepté la mention de statues pour les églises, rare chez les mouleurs de cette époque et sur laquelle on reviendra dans le chapitre suivant, cette annonce est tout à fait représentative de celle de ses concurrents. On trouve par exemple à ses côtés dans le Bazar parisien :
« Micheli, rue de Seine-St.-Germain, n. 24. Successeur de son père ; mouleur en tous genres, tient magasin de bosses. »
« Orzali, rue de l’Odéon, n. 22. Tient magasin de bosses et statues pour dessin et décor ; il fait l’ornement et tout ce qui concerne son état. Envoie dans les départemens et à l’étranger. »
« Poli, rue du Faub.-St.-Antoine, n. 7. Sculpteur-figuriste ; tient grand magasin de figures, colonnes, vases en plâtre, stuc et terre cuite ; chapitaux, bas-reliefs, rosaces, frises, et généralement tout ce qui concerne les décors d’appartemens, jardins et bâtimens ; assortiment de figures et vases en marbre et en albâtre. Fait des envois dans tous les pays. »
« Valentini, boulevard du Temple, n. 47. Tient magasin de figures en plâtre, en terre cuite, bosses pour le dessin ; entreprend l’ornement des bâtimens et fait des envois en province. »
6Destinées à leur clientèle, les annonces publiées par les mouleurs dans les annuaires sont le reflet d’un ensemble de pratiques commerciales et publicitaires étroitement liées à la pratique de l’édition. À côté de leur activité de praticiens au service des sculpteurs, tous gèrent un commerce d’épreuves résultant de l’exploitation d’une série de moules : statues, moulages sur nature, ornements d’architecture, vases, etc. Leur réseau semble relativement étendu car ils envoient en province et à l’étranger. Pour toucher un si large marché, ils diffusent sans doute des listes de leurs modèles. Particulièrement mis en valeur, ce commerce va de pair avec le « magasin » et l’« assortiment ». L’expression « tenir magasin d’une chose » signifie « l’avoir en grande quantité » ; les professionnels signalent donc à leur clientèle qu’ils tiennent à sa disposition un vaste ensemble d’objets fabriqués à l’avance et prêts à être employés. Ils disposaient généralement d’une boutique attenante à l’atelier dans laquelle ils présentaient une sélection d’objets, tandis que la majeure partie du stock restait en « magasin », immédiatement accessible. Magasin et boutique impliquaient, pour le client devenu « consommateur13 », la possibilité de venir faire son choix, et pour le mouleur de fabriquer à l’avance sculptures et autres objets décoratifs en différents matériaux et en plusieurs tailles pour répondre instantanément à toutes sortes de demandes. La vocation commerciale des lieux et la nature sérielle de la production tendaient parfois à être masquées sous les dehors plus valorisants de « galeries » abritant des « collections ». La boutique pouvait en effet s’apparenter à un musée aux yeux des visiteurs qui venaient y admirer « librement » des « suites de bustes et d’ornements14 ». La valeur artistique des modèles justifiait d’autant plus ce rapprochement que les musées présentaient également nombre de moulages. Les ateliers-magasins ou musées-boutiques des mouleurs constituaient des lieux de sociabilité, étaient l’objet de visites et de rapports. Ils étaient particulièrement populaires au début du siècle, ainsi qu’en témoignent les vaudevilles dont la scène prend place en ces lieux15.
7Les annonces des mouleurs dans les annuaires mettent l’accent tant sur la quantité (le magasin) que sur la variété, que ce soit à travers les types d’objets vendus (statues, ornements, vases, etc.), les modèles ou les matériaux. Il s’agit de s’adapter à tous les usages et à toutes les destinations (appartements, jardins, ateliers d’artistes), de répondre à tous les goûts et à toutes les bourses. La variété de l’offre était perçue comme une atténuation du caractère sériel, grâce à une plus grande place laissée à la personnalité du client. Les expressions telles que « grand assortiment » et « figures en tout genre » montrent l’importance accordée à la diversité des modèles. Les matériaux participaient aussi à donner cette impression de variété et ils représentaient un enjeu important pour faire valoir son commerce. La plupart des mouleurs en plâtre travaillaient également le stuc et la terre cuite, en fonction du type d’objet et de sa destination, le plâtre et le stuc étant privilégiés pour l’intérieur tandis que la terre cuite était plutôt destinée aux jardins. Celle-ci nécessitait une infrastructure spécifique pour sa cuisson, qui ne pouvait pas avoir lieu en plein centre de Paris, et qui était peut-être confiée à des professionnels spécialisés, comme Gossin16. Plusieurs mouleurs se démarquaient en proposant d’autres matériaux, impliquant parfois la technique de la taille : Massa mentionne le bois dès 1811 et ajoute le carton en 1812 ; à la même époque, Poli vend des figures et vases en marbre et en albâtre. De nouvelles matières sont mises au point et viennent régulièrement renouveler l’offre. Les mouleurs s’adaptent aux évolutions techniques et les intègrent dans leur pratique. Les publicités vantent les qualités de ces matériaux innovants, « inaltérables », « indestructibles » et, qui plus est, bon marché. Les annonces des annuaires font ainsi ressortir les principaux enjeux du commerce d’épreuves d’édition : quantité, variété, bon marché, mais aussi nouveauté. Lorsqu’en 1812 Massa vante son « très-bel assortiment de figures nouvelles, modernes et antiques », il met l’accent non seulement sur la variété mais aussi sur le renouvellement de ses modèles, qui répondaient, de même que les matériaux, à la demande d’un public toujours en attente de nouveauté. Les collections de modèles étaient constamment enrichies afin de suivre au plus près les fluctuations du goût, répondre à un éventail de demandes le plus large possible et se démarquer de ses concurrents. Pour augmenter leur fonds, les mouleurs avaient recours à de multiples stratégies.
Modèles et transformations
8S’il est possible de documenter à partir de sources écrites l’activité d’édition des mouleurs en plâtre au début du xixe siècle, l’étude de leur production soulève davantage de difficultés. Dans les annuaires, l’accent est mis sur la variété de destinations davantage que sur les caractéristiques des modèles vendus. À cette époque, les épreuves sont rarement identifiées par des signatures ou des estampilles, contrairement à celles fabriquées par l’atelier de moulage du musée du Louvre. Les recueils illustrés de gravures sont, quant à eux, réservés aux plus importantes manufactures, tandis que les photographies à usage commercial ne se répandent que dans la seconde moitié du siècle. Quelques listes de modèles avec tarif, utilisées notamment pour la vente par correspondance, ont exceptionnellement été conservées et fournissent de précieuses informations17. En l’absence de documents visuels, la nature des « figures » commercialisées ne peut être appréhendée qu’imparfaitement. Modèles antiques, du xviiie siècle et contemporains se mêlent dans l’offre des mouleurs du premier tiers du xixe siècle, complétés à partir des années 1830 par des reproductions d’œuvres du Moyen-Âge et de la Renaissance. Ces modèles peuvent être classés en trois grandes catégories en fonction de leur origine : ceux issus directement de sculptures ayant été moulées, ceux issus de copies ou de réductions exécutées par modelage, et ceux issus de marcottages.
9Certains modèles contemporains étaient des créations d’artistes ayant cédé au mouleur les droits de reproduction18. Celui-ci était alors autorisé à réaliser un moule à bon-creux sur le modèle original. Dans le cas des œuvres tombées dans le domaine public, il est évident que chaque praticien n’allait pas exécuter son propre moule sur les sculptures célèbres dont les amateurs souhaitaient acquérir une reproduction. Il pouvait parfois se procurer sur le marché des épreuves directement issues de moules réalisés sur les originaux, comme celles que commercialisait l’atelier du musée du Louvre ; il effectuait alors un « surmoulage », moulage fait sur une pièce déjà moulée et non sur la sculpture originale. Mais toutes les fois où c’était impossible, le mouleur devait faire réaliser par un sculpteur une copie de l’œuvre d’après une gravure, et c’est à partir de cette copie qu’il fabriquait le moule et tirait des exemplaires19. De même que les nombreuses réductions qui circulaient sur le marché au début du xixe siècle, ces copies étaient façonnées par modelage, ce qui impliquait d’importantes variations par rapport à l’œuvre originale. Les mouleurs procédaient en outre à de nombreuses adaptations, opérant des changements dans les accessoires ou combinant des morceaux provenant de différents modèles pour justifier un nouveau titre, faire d’un Bacchus une Apolline, d’une Hébé une Flore20. Spécialité des Italiens, ces variantes reposaient notamment sur la technique du marcottage, opération qui consiste à composer une nouvelle œuvre sculptée en réutilisant partiellement ou totalement des œuvres déjà exécutées. Le commerce de l’édition en plâtre impliquait donc à plusieurs niveaux un travail de sculpture, soit par le biais de la copie, soit par celui du marcottage, ainsi qu’une forme de création par le biais de la variation, ce qui pourrait éclairer l’emploi fréquent par les mouleurs des termes « modeleur » et « sculpteur » pour désigner leur activité, même s’ils ne pratiquaient sans doute pas eux-mêmes la sculpture. Un ouvrage contemporain portant sur la propriété artistique résumait ainsi que « les figuristes mouleurs en plâtre ou en terre sont également des sculpteurs, en ce sens qu’ils font ou font faire des ouvrages de sculpture21 ». L’association de la sculpture et du moulage au sein de la même activité correspond à une pratique très peu documentée, différente du schéma connu où un artiste sculpteur fait appel à un technicien mouleur, différente aussi de la stricte reproduction d’un modèle à des fins d’édition.
10L’une des spécificités de la production des mouleurs de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle est donc que se pose systématiquement la question de l’origine du modèle sur lequel a été fait le moule. Un modèle vendu sous une dénomination générale, par exemple « Cérès » ou « Vierge », peut en effet être issu, soit du moulage d’une sculpture ancienne tombée dans le domaine public, soit d’une copie de cette sculpture réalisée par modelage, soit d’une création originale sur ce thème, soit encore d’une variante, statut hybride entre la reproduction et la création. De même, un intitulé plus précis, comme « Vénus de Médicis », ne suffit pas à déterminer si l’épreuve est issue du moulage de l’original, d’un surmoulage ou d’une copie réalisée par modelage, s’il s’agit d’une version à grandeur ou d’une version réduite. Cette situation a été la source de vives critiques dès la fin du xviiie siècle, alors que l’exigence de fidélité des reproductions prenait une importance croissante. C’est pourquoi les mouleurs qui le pouvaient prenaient soin d’indiquer sur leurs publicités « moulés d’après les originaux22 », « moulés sur l’antique23 ». Les figures commercialisées étaient donc susceptibles d’être obtenues par des moyens très variés, qui impliquaient à des échelles différentes des opérations à mi-chemin entre le moulage et la sculpture. Dans un contexte d’intense développement de l’édition sculptée, les pratiques des mouleurs dans la première moitié du xixe siècle ont bouleversé les principes traditionnels de la propriété artistique en soulevant la question de la propriété de ces modèles au statut complexe, entre copie et reproduction, entre contrefaçon et création.
Propriété des modèles
11Durant tout le xixe siècle, les droits relatifs à la propriété artistique ont été définis et encadrés par la loi du 19 juillet 1793, qui remplaçait les règlements des anciennes académies et communautés de métier supprimées à la Révolution24. Cependant, cette loi ne mentionnait pas explicitement les ouvrages de sculpture. Sa formulation a entraîné immédiatement une réaction de la part des mouleurs qui, en tant que « cessionnaires » des sculpteurs, ont adressé, le 3 mars 1794, à la Convention nationale, une pétition pour obtenir le bénéfice de la loi de 179325. Cette pétition n’ayant pas eu l’effet escompté et le Code pénal de 1810 n’étant pas plus explicite sur ce point, c’est la jurisprudence qui, tout au long du siècle, a précisé les droits s’appliquant aux ouvrages de sculpture dans un contexte d’édition. Il faut tout d’abord attendre 1814 pour qu’un procès intenté par un sculpteur conduise officiellement la Cour à reconnaître que la contrefaçon d’un ouvrage de sculpture est un délit, au même titre que la contrefaçon d’un écrit ou d’une gravure. Dès lors, la contrefaçon en sculpture est définie par les juristes. Deux procédés la caractérisent : le contremoulage et la copie26. Mais l’édition de modèles originaux cédés par des sculpteurs ne constituait pas la seule activité des mouleurs. Contrairement aux créations nouvelles protégées par la loi de 1793 sur la propriété artistique, les reproductions d’œuvres tombées dans le domaine public pouvaient circuler librement sur le marché et par conséquent leur surmoulage ne pouvait pas être puni. Les antiques, par exemple, entraient dans ce cas de figure. De même, les œuvres de Canova étaient, selon le terme légal de dix ans après la mort de l’artiste, tombées dans le domaine public. Mais les copies, les réductions et les variantes de ces sculptures étaient-elles à leur tour considérées juridiquement comme pouvant être librement reproduites, notamment par le surmoulage, ou devaient-elles être considérées comme des créations nouvelles protégées par la loi, leur surmoulage constituant alors une contrefaçon susceptible d’être punie ? La question n’a pas manqué d’être soulevée par les mouleurs qui cherchaient à bénéficier de la propriété exclusive de leurs modèles dans un contexte de plus en plus concurrentiel.
12Un premier procès, intenté en 1810 par un mouleur à Paris, est perdu car la Cour refuse d’appliquer les peines de la contrefaçon sous le prétexte que la profession de « figuriste mouleur en plâtre » est un métier et non un art, et qu’il n’y a point création dans le fait du mouleur qui reproduit par la simple opération du moulage27. De même, lors d’un autre procès en 1835, la Cour « a renvoyé absous un individu qui avait contremoulé des statues, par ce motif que les statues prétendues originales n’étaient point de véritables créations, mais des copies plus ou moins fidèles28 ». Cependant, l’année suivante, la Cour reconnaît qu’une copie qui « n’est pas le résultat d’une copie exacte, ni du moulage29 », telle que, par exemple, une copie d’après gravure, doit être considérée comme la propriété du copiste. Un journaliste rend compte avec dérision de ce procès qui oppose deux mouleurs, Cecconi et Tellier :
« M. Cecconi achète la gravure représentant le groupe de Psyché et l’Amour de Canova. Sur cette gravure il fait, ou pour mieux dire il fait faire par quelque jeune Michel-Ange avorté, une reproduction en plâtre, plus ou moins exacte, du précieux groupe et le vend pour du Canova au sieur Tellier, mouleur. Comme les œuvres de Canova sont dans le domaine public, Tellier croit pouvoir reproduire et reproduit en effet le groupe qu’il a acheté. Alors Cecconi ne soutient plus que c’est du Canova, mais bien que c’est du Cecconi ; que c’est lui qui a arrangé ce groupe d’après Canova et qu’il a seul le droit de le reproduire30. »
13En revanche, des modifications opérées par un mouleur dans les accessoires de modèles tombés dans le domaine public pour en changer l’identité, ne sont, lors d’un procès en 1838, pas reconnues suffisantes pour conférer à son auteur la propriété exclusive des modèles ainsi transformés31. La même année, un traité de législation affirme cependant un avis contraire, qui prévaut par la suite :
« La compilation du sculpteur a reçu de l’usage un nom particulier ; on l’appelle marcottage. On dit qu’un statuaire a marcotté, lorsqu’il a fait une statue ou composé un groupe par la réunion de diverses parties empruntées à des sujets connus. […] cette compilation, ce travail de l’esprit ou du goût, forment un ensemble nouveau, et assurent à l’auteur un droit de propriété exclusive. Il faut en dire autant d’un arrangement dû au goût de l’artiste. Ce travail peut servir de base à la propriété de l’auteur, bien qu’il ne résulte que de changements, d’additions, de retranchements, ou même de simples accessoires32. »
14En ce qui concerne les réductions, si dans un premier temps on a considéré qu’« une différence, même notable dans les dimensions, n’empêche pas qu’il y ait contrefaçon, si […] la copie est suffisamment caractérisée33 », un procès en 1838 finit par établir que « la reproduction, dans des dimensions plus petites, de statues tombées dans le domaine public, constitue au profit du sculpteur un droit de propriété individuelle34 ». Durant la première moitié du xixe siècle, la notion de propriété artistique se voit donc reconsidérée pour l’adapter à l’édition et à ses pratiques : copie d’après gravure, marcottage, changements d’échelle, conduisant progressivement à la reconnaissance juridique de l’activité des mouleurs.
Valeur d’un fonds de commerce
15L’activité d’édition d’un mouleur résulte de l’exploitation d’une série de moules, à partir desquels il obtient un certain nombre d’épreuves qui seules constituent la marchandise commercialisée. Ces moules sont exécutés à partir de modèles dont le mouleur doit posséder le droit de reproduction. C’est avec la notion de propriété et sa redéfinition au fil des procès que le statut des moules et modèles, ainsi que la valeur du fonds de commerce des mouleurs, se sont précisés. Trois inventaires après décès permettent de mettre en lumière cette évolution. En 1782, à la mort de la première épouse de Jean-André Getti, un inventaire de son atelier est réalisé35. Un expert est nommé pour assister le priseur dans cette tâche : Dominique Lena, compatriote de Getti. Très succinct, l’inventaire comporte, d’une part, les outils présents dans l’atelier, prisés en tout vingt-quatre livres, et d’autre part, « deux cents pièces qui sont moules et figures en plâtre […] prisés ensemble comme tels quels cent cinquante livres ». Aucun détail (dimensions, sujets représentés) n’est fourni sur ces deux cents pièces et sous le terme « figures » sont mêlés indistinctement les modèles et les exemplaires destinés à être commercialisés. En 1817, est réalisé l’inventaire après décès de l’épouse de Pellegrin Poli36. Les deux experts choisis sont Étienne Micheli et Pierre Joseph Piggiani. Cet inventaire est beaucoup plus détaillé que celui de Getti. Les figures en magasin, dans les ateliers et dans la boutique sont prisées par ensembles classés suivant le type (statue, buste, tête, groupe, vase, colonne, ornements) et les dimensions des figures. Les moules sont prisés avec les « ustensiles d’ateliers ». Là encore, aucune différence n’est établie entre modèles et exemplaires qui semblent tous évalués comme marchandise. En 1846, c’est l’atelier de Pellegrin Antoine Cecconi, successeur de Poli, qui fait l’objet d’un inventaire à la suite du décès de sa femme. Les experts sont Alexandre Picchi et Dominique Manfredi. Cet inventaire se distingue nettement des deux précédents car la prisée est réalisée selon trois rubriques : les marchandises, les outils et ustensiles, et l’achalandage. Modèles et exemplaires sont ici clairement différenciés et ils ne sont pas prisés de la même manière. Seuls les exemplaires sont évalués comme marchandises :
« Considérant que ces diverses marchandises n’ont point de valeur fixe et déterminée pour leur mérite, et pour le sujet qu’elles représentent, mais que leur valeur est déterminée seulement par la grandeur, indépendamment de l’exécution plus ou moins bonne et du sujet ; ont divisé en quatre catégories lesd. marchandises37. »
16Déterminée par la grandeur, la valeur brute des tirages est donc évaluée en termes de coût de fabrication (temps de travail, matériaux, etc.). Les modèles sont quant à eux considérés dans l’achalandage :
« Consultés sur la valeur de l’achalandage, après avoir pris connaissance tant par les renseignements que Mr Cecconi leur a fournis, que par les informations qu’ils avaient eues antérieurement par suite de leurs relations d’affaires, de l’étendue des affaires de Mr Cecconi […] ; considérant en outre que la clientèle dans le commerce dont il s’agit, n’a aucune valeur, attendu que peu de personnes achètent souvent ces sortes d’objets, mais que l’achalandage dans ce commerce consiste dans la valeur artistique des moules et modèles puisque c’est la bonté et le mérite de ces moules et modèles qui fait vendre les marchandises ; après examen fait de tous les modèles dont Mr Cecconi est propriétaire lesquels sont au nombre de quatre-vingts, ont été unanimement d’avis d’estimer, comme de fait ils estiment à quinze cents francs la valeur dud. achalandage38. »
17Dans la profession de mouleur, l’achalandage correspond donc aux modèles et aux moules, et sa valeur à la valeur artistique de ces derniers. La clientèle n’a quant à elle pas de valeur significative. Contrairement aux précédents inventaires, le terme de modèle apparaît explicitement, indissociable du moule. Ces trois inventaires témoignent qu’en l’espace de soixante ans, la définition de la valeur du fonds de commerce d’un mouleur a évolué de manière significative, intégrant au fil du temps le paramètre de la valeur artistique des modèles. Cette évolution, parallèle à celle que l’on a observée pour la propriété des modèles, est révélatrice de la reconnaissance progressive du statut des moules et modèles dans le domaine de l’édition. L’évolution de la valeur des moules est particulièrement visible : d’abord évalués en bloc avec les figures (1782), puis avec les outils (1817), ils sont finalement prisés avec les modèles (1846). Moules et modèles étaient au cœur du commerce des mouleurs et de leurs relations interprofessionnelles. Ils faisaient fréquemment l’objet de transactions financières et déterminaient le succès d’un éditeur. La richesse d’un atelier se mesurait à sa collection de modèles que chaque mouleur avait soin de compléter. La constitution et l’enrichissement de cette collection représentaient des enjeux cruciaux et les fonds d’atelier se transmettaient précieusement d’un mouleur à l’autre.
18La multiplication des ateliers, le développement de la publicité, les procès entre mouleurs, l’évolution du statut juridique et économique des modèles témoignent tous de l’essor de l’édition de sculptures en France depuis la fin du xviiie siècle. Le vocabulaire en porte également la marque. Le terme d’« édition » commence à être appliqué à la sculpture au début du xixe siècle39. Celui d’« éditeur » est employé en 1837 dans l’Almanach du commerce de Paris par les frères Susse, « éditeurs de différens plâtres d’art », et il est bientôt suivi de « mouleur-éditeur », « propriétaire-éditeur », « sculpteur-éditeur » ou encore « modeleur-éditeur ». Progressivement concurrencée par le bronze dans le domaine de la petite sculpture décorative, l’édition en plâtre se renouvelle en permanence grâce à l’apport continu de nouveaux modèles, mais aussi grâce à de nombreuses évolutions techniques.
Expérimentations et innovations techniques
19Le développement continu du marché de l’édition depuis le xviiie siècle et la concurrence grandissante parmi les professionnels ont conduit les mouleurs à mettre en place un ensemble de stratégies commerciales : publicité, boutique, renouvellement des modèles, procès en contrefaçon, etc. La diversification et l’amélioration des matériaux et des techniques constituaient également un enjeu important pour faire valoir son commerce et s’adapter à de nouvelles demandes40. Si ces innovations n’étaient pas toujours le fait des mouleurs eux-mêmes, elles n’en ont pas moins eu un impact direct sur leur pratique et elles ont rendu possible l’extension de l’édition de sculptures dans la seconde moitié du xixe siècle.
Un contexte d’incitation à l’innovation
20Ces recherches s’inscrivent dans un contexte général d’incitation à l’innovation technique et de rapprochement des arts et de l’industrie portés par les nouvelles structures mises en place en France depuis la fin du xviiie siècle : lois de protection des inventions41, expositions des produits de l’industrie française42, Société d’encouragement pour l’industrie nationale (SEIN)43. L’étude des brevets offre un aperçu de tout un pan de l’invention technique maintenu secret au moment de sa mise au point. Elle apporte des informations précieuses sur les matériaux employés dans la sculpture contemporaine, les pratiques d’atelier et le vocabulaire de l’époque, témoignant de la diversité des formulations que recouvraient des appellations courantes telles que « composition plastique », « ciment » ou « pierre artificielle ». En revanche, même si le dépôt d’un brevet impliquait l’obligation d’exploiter commercialement l’invention, il est parfois difficile de déduire de cette seule source la fortune et la diffusion d’une matière ou d’un procédé technique. Les Bulletins de la SEIN et les rapports des expositions industrielles sont plus représentatifs à cet égard car ils prennent en compte « l’étendue de la fabrication, les lieux de consommation, le nombre d’ouvriers employés44 ». Enfin, les documents commerciaux des mouleurs et fabricants (annuaires, tarifs, recueils de modèles, publicités), à défaut des sculptures elles-mêmes qui restent bien souvent à identifier, apportent également des témoignages directs d’applications de ces techniques. Plus que dans les manuels de vulgarisation de la collection Roret contenant nombre d’erreurs et d’imprécisions45, c’est en croisant ces différentes sources spécialisées qu’il est possible de documenter les techniques et matériaux des sculptures d’édition produites au xixe siècle, de mesurer la part de nouveauté et la portée des innovations sur le temps long, d’étudier la circulation des savoirs et les spécificités des ateliers.
21Au tournant du siècle, les techniques traditionnelles du moulage étaient globalement maîtrisées, aussi les recherches se sont-elles surtout attachées à les adapter aux contraintes d’une production en série, à diminuer les coûts de fabrication, à améliorer les propriétés de certains matériaux ou encore à augmenter la production. Les ornements pour l’architecture et le mobilier, les statuettes et bibelots destinés à l’espace privé, ainsi que la statuaire de moyen et grand format, ont tous été concernés par ce mouvement d’industrialisation et chacun de ces domaines a soulevé des problématiques spécifiques, privilégiant des procédés et matériaux distincts. Les évolutions techniques sont également la conséquence d’autres objectifs, non directement liés à la sculpture mais dont les retombées eurent un impact sur le secteur artistique. C’est le cas par exemple de la volonté de rentabiliser des sous-produits industriels comme les déchets ligneux ou les matières grasses et les os des animaux élevés pour l’alimentation, mais aussi de s’affranchir du commerce extérieur et de favoriser des succédanés. Dans le projet social du xixe siècle, l’abaissement des coûts devait permettre une plus large diffusion de l’art et de la culture, et la production en série était la base de ce projet d’« art pour tous ». On cherche ainsi tout au long du siècle à remplacer des matériaux trop coûteux comme le marbre ou l’ivoire par des matières qui se moulent, ou à accélérer le processus de la taille. De nombreux procédés anciens sont ressuscités et adaptés afin d’allier tradition et modernité. Ainsi, nombre de matériaux composant les matières élaborées au xixe siècle et protégées par un brevet étaient déjà employés auparavant. C’est le cas notamment du plâtre, de la chaux aérienne, de l’huile de lin, du papier, de la colle animale, qui restent très utilisés au xixe siècle. Mais l’amélioration des procédés d’extraction, l’industrialisation des méthodes de fabrication, la formulation de compositions dans une perspective d’exploitation commerciale et leur protection par le dépôt d’un brevet sont des nouveautés. La plupart des innovations techniques mettent toutefois en jeu des produits ou des procédés tout à fait modernes, qui rendent compte de l’évolution des pratiques, intimement liée au développement industriel d’autres filières. Les exemples les plus représentatifs de ces innovations dans le domaine du moulage sont sans doute les emplois qui sont faits de la stéarine, de la gélatine, de la glycérine, de la dextrine, de la chaux hydraulique, du ciment, des dérivés du pétrole tels que le goudron et le bitume, ou encore du caoutchouc et de la gutta-percha.
22Tous les aspects du moulage ont été touchés par ces évolutions : tant les matériaux des épreuves que ceux des moules, tant les techniques de prise d’empreinte que celles de tirage. Par conséquent, les caractéristiques matérielles des sculptures d’édition ont évolué notablement au cours du siècle. Ces expérimentations poursuivent dans une certaine mesure celles qui avaient été menées au siècle précédent, mais le goût du spectaculaire et de la transformation de la matière qui, au xviiie siècle, était attaché aux nouveaux matériaux46, laisse place à un intérêt plus économique, davantage tourné vers la rationalisation et la productivité. De même, si de petites manufactures de statues et d’ornements sculptés existaient déjà dans la seconde moitié du xviiie siècle en Allemagne et en Angleterre, la production du xixe siècle s’en distingue progressivement, tant par le perfectionnement atteint dans la préparation et la mise en œuvre des matériaux, que par l’exploitation à grande échelle qui en a été faite.
De nouvelles matières pour multiplier la sculpture
23Les matériaux de tirage employés pour la reproduction des sculptures ont fait l’objet d’actives recherches dans le but de remplacer le plâtre ou d’en améliorer les propriétés, suscitant d’innombrables recettes et variantes de matières plastiques, parmi lesquelles certaines se distinguent par leur nouveauté et par l’application significative qui en a été faite dans la statuaire. Trois exemples représentatifs, le carton-pierre, les liants hydrauliques et le plâtre aluné, mettent en évidence les nouveaux enjeux des matières plastiques et leurs répercussions sur l’activité des mouleurs.
24Matériau phare de la première moitié du xixe siècle, le carton-pierre se compose de pâte de papier mélangée à de la craie et de la colle, ensuite doublée de morceaux de papier épais destinés à la consolider47. Sans comparaison avec les cartons moulés du siècle précédent dont la pâte était aléatoire et grossière, le pressage dans les moules imparfaits et la finesse d’empreinte très inférieure au plâtre, le carton-pierre est le produit de perfectionnements multiples, tant au point de vue de sa composition que de sa préparation (mode et qualité du broyage) et de sa mise en œuvre (type de moules, presses, étuvage, etc.), ce qui a permis une réduction importante du travail de finition (réparage et préparation pour la dorure) et une plus grande fidélité par rapport au modèle. Au xviiie siècle, la technique du carton moulé n’était pas maîtrisée et les sculpteurs déploraient « l’ingratitude » de ce matériau qui ne permettait pas de « rendre exactement la vérité des formes48 ». En 1780, Fiquet indiquait dans son traité sur l’Art du mouleur qu’elle était réservée « aux choses qui ne doivent durer qu’un jour » et qu’elle ne présentait pas d’autre avantage que sa légèreté, un avantage non négligeable pour les ornements des plafonds : « s’ils se détachent, le danger est nul et la réparation peu dispendieuse49 ». Au contraire, le carton-pierre employé à partir des années 1820 est suffisamment amélioré pour soutenir la comparaison avec le plâtre et en 1830, tout le monde s’accorde à dire qu’« un grand nombre d’épreuves en carton présentent toute la pureté, toute la finesse désirables50 ». Appliquée en fine couche sur un moule préalablement huilé, la pâte est ensuite exposée à la chaleur d’une étuve afin de lui faire éprouver un certain degré de dessiccation qui la fasse se détacher du moule. Certaines sources indiquent que le moule peut d’abord être couvert d’une fine couche de plâtre avant l’application de la couche à base de pâte de papier afin d’améliorer la finesse d’empreinte51. Dans tous les cas, le procédé permet d’obtenir une épreuve creuse et légère. Les figures complexes sont réalisées en plusieurs pièces, réunies au moyen de « garnitures, soit en bois, soit en fer ». Le carton-pierre nécessite toutefois un nombre de pièces moins important qu’un moulage à bon creux en plâtre, grâce au retrait et à la légère souplesse de l’épreuve lorsqu’elle est séparée de son moule. Une fois sèche, celle-ci peut recevoir toutes les finitions possibles, peinture ou dorure. À partir de cette technique de base consistant en une couche d’impression renforcée d’une couche de papier épais, de nombreuses variantes ont été élaborées, comme en témoignent par exemple les appellations telles que « carton pétrifié », « carton imperméable », « pâte de carton-pierre perfectionnée », « carton-pierre perfectionné par l’emploi des matières grasses » et même « simili-carton-pierre », relevées dans les annuaires commerciaux. Après la reconnaissance obtenue par Hirsch à l’Exposition des produits de l’industrie française de 1819, le carton-pierre gagne une estime croissante et il connaît une vogue importante sous la Monarchie de Juillet. De grandes manufactures se spécialisent dans ce matériau, parmi lesquelles les plus célèbres sont celles de Wallet et Huber (successeurs de Hirsch) et Romagnesi (fig. 2). Ses contraintes de mise en œuvre en limitent d’abord l’utilisation aux ornements en bas-reliefs et aux rondes-bosses de petit format, mais les fabricants parviennent progressivement à l’appliquer à la statuaire de moyen et grand format. Lors de l’exposition de 1849, le jury félicite ainsi Romagnesi car il a réussi à réaliser une ronde-bosse de grande dimension52. Le matériau se diffuse au-delà des manufactures spécialisées ; les mouleurs en plâtre l’intègrent à leur offre à partir des années 1840 et il reste employé jusqu’à la fin du siècle par les fabricants de sculptures religieuses en dépit de sa fragilité, car sa légèreté se prête particulièrement bien aux statues portées en procession.
Fig. 2. – Recueil des dessins représentant les sculptures qui se trouvent dans l’établissement de L. A. Romagnesi, années 1830, « Figures en ronde bosse ».

© INHA.
25À la même période, on cherche également à mettre au point une matière plus solide et plus résistante à l’humidité que le plâtre et le carton-pierre. Le concours lancé par la SEIN en 1818 pour la composition d’une matière plastique blanche, susceptible de se mouler comme le plâtre et de prendre en séchant une dureté égale à l’albâtre ou au marbre, concrétise l’intérêt pour les pierres artificielles et stimule les recherches, ce dont témoigne la multiplication des brevets d’invention sur le sujet à partir des années 1820. Son programme exprime d’emblée l’objectif d’une production en série, à la fois économique et fiable :
« Le plâtre est pour l’art du mouleur une matière des plus précieuses : il donne le moyen d’obtenir promptement et à peu de frais des copies identiques de toutes les productions de la sculpture, et de multiplier ces copies indéfiniment. Malheureusement il se décompose trop rapidement en plein air pour être d’un bon usage dans les décorations extérieures, et tout ce qu’on a tenté jusqu’à présent pour en augmenter la solidité, n’a donné aucun résultat satisfaisant. L’argile est également propre à recevoir des empreintes fidèles, et, de plus, elle offre l’avantage de prendre au feu une dureté égale à celle de la pierre ; mais la cherté du combustible augmente considérablement les frais de fabrication. D’ailleurs, le retrait qu’elle prend au feu ne peut guère être soumis à un calcul précis ; il en résulte de l’altération dans les formes, laquelle s’augmente en proportion des grandeurs : aussi obtient-on difficilement des morceaux d’une grande dimension. Ce serait donc une découverte utile aux arts que celle qui procureroit le moyen de rendre le plâtre capable de résister en plein air autant que nos bonnes pierres calcaires, ou bien qui ferait connoître quelque ciment réunissant l’avantage d’une pareille solidité à celui de se mouler aussi bien que le plâtre53. »
26Différentes matières sont ainsi mises au point et appliquées à l’édition de sculptures en ronde bosse, comme par exemple le mastic « indestructible » exploité par l’architecte Dedreux puis par son successeur Texier au cours des années 1820-184054. C’est à l’occasion de ce concours que Vicat entreprend d’appliquer au moulage la chaux hydraulique dont il vient d’établir le processus de fabrication55. À cette époque, ce matériau n’est pas encore employé en sculpture, il s’agit d’« un nouvel art à créer56 ». Sur la base de ces recherches, Brian et Saint-Léger mettent au point en 1829 un mortier à base de « ciment romain57 » et de silex broyé finement, qui se gâche comme le plâtre et qu’ils font tester avec succès par Jacquet, mouleur de l’atelier du Louvre, remportant ainsi le concours58. Les liants hydrauliques se répandent dès lors peu à peu et des entreprises spécialisées voient le jour, comme la maison Berthommé, Pellet et Cie qui dépose en 1840 un brevet pour un « nouveau système de moulage en cimens hydrauliques », mortier composé de ciment romain et de sable fin59. L’introduction de son catalogue est un parfait exemple des problématiques des matières plastiques et une réponse directe au programme de la SEIN :
« La découverte de MM. Berthommé, Pellet et Cie satisfait […] à un véritable besoin de notre époque. Le ciment romain, appliqué par leurs procédés au moulage, peut reproduire toutes les statues, les bas-reliefs, les vases, les fontaines, les objets d’architecture, toutes les plus belles sculptures, en un mot, des temps anciens et modernes. Sa durée est celle du marbre, sa couleur celle de la pierre. Il ne craint ni la pluie, ni la neige, ni la gelée, ni la chaleur. Il a toute la finesse de grain du plus beau plâtre ; et, ce qui n’est pas un mince avantage, il est, par son prix, à la portée de toutes les fortunes. (Son prix est, à peu de choses près, celui des plâtres.) MM. les architectes trouveront donc dans les ateliers de MM. Berthommé, Pellet et Cie, tous les sujets convenables pour les décors, soit intérieurs, soit extérieurs, des bâtiments, des jardins, des places publiques, des fontaines et même des temples60. »
27Si le concours de 1818 a donc trouvé un terme avec la mise au point d’une matière se substituant au plâtre, de nombreuses expérimentations se sont attachées à perfectionner celui-ci. Le plâtre reste en effet, malgré tous les efforts faits pour le remplacer, prépondérant dans l’édition, étant donné l’impossibilité de trouver un matériau moins cher, aussi facile à mouler, aussi blanc. De plus, sa fabrication connaît alors d’importantes avancées techniques et devient une activité spécialisée, simplifiant encore son utilisation en épargnant aux mouleurs les contraintes et les difficultés de sa préparation. Sa fragilité, sa sensibilité à l’humidité et son aspect mat constituaient pourtant des points faibles qu’on a tenté d’améliorer. Rendre le plâtre plus résistant en durcissant la surface des objets ou en la rendant hydrofuge est l’une des directions prises par les artisans et les savants au début du siècle. Différentes substances ont été employées dans ce but : huile de lin, résines, colle animale, cire, stéarine, paraffine, seules ou en mélange61. En 1812, Penware plonge les objets dans une solution d’alun jusqu’à ce que celui-ci ait formé une couche cristallisée sur toute la surface, qui se polit une fois sèche62. Cependant, les sels ont tendance à ressortir et à former des efflorescences. Pour y remédier, l’éditeur parisien Hugon-Roydor dépose en 1849 un brevet pour un procédé combinant l’imbibition de l’épreuve dans une solution saline avec l’application d’un mélange de résine de sapin et de cire63. Parallèlement, d’autres procédés cherchent à durcir le plâtre en profondeur, par exemple en le gâchant avec une solution de colle animale ou en y mêlant du verre dissout dans l’acide fluorhydrique64. À la suite de Penware, diverses expériences sont réalisées avec l’alun au moment où la fabrication de celui-ci fait justement l’objet de perfectionnements qui permettent à la France de ne plus être tributaire de l’alun de Rome. En 1838, Greenwood met au point une matière appelée à un succès aussi vif qu’éphémère : le « plâtre aluné », dit aussi « ciment anglais », dans lequel la solution d’alun est ajoutée au cours du processus de calcination du gypse, avant son broyage65. Donnant aux épreuves l’apparence et la dureté du marbre, la nouvelle matière triomphe à l’exposition des produits de l’industrie de 1844 et est immédiatement adoptée par les mouleurs et éditeurs de la capitale.
« Gâchée comme le plâtre, mais plus serrée, elle épouse aussi parfaitement que lui les formes les plus délicates d’un moule, d’où elle sort avec une dureté comparable à celle du marbre, et qui s’accroît notablement avec le temps. […] Elle peut prendre, dans le moule même, le poli le plus parfait ou le recevoir après le moulage. Enfin sa blancheur, qui est celle du plus beau marbre, peut se modifier par un mélange de toutes les couleurs66 […]. »
28Réunissant les avantages du marbre et du plâtre, union si convoitée depuis le début du siècle, l’invention de Greenwood fait alors figure de matière idéale. Si son emploi semble être abandonné à la fin des années 1850, l’alliance du plâtre et de l’alun perdure dans les pratiques d’atelier. Celui-ci demeure en effet dans la seconde moitié du siècle un adjuvant couramment utilisé au moment du gâchage, le plus souvent en combinaison avec une solution de gélatine ou de dextrine, conférant ainsi au plâtre une plus grande dureté et améliorant la qualité générale de la production éditée dans ce matériau.
Dépasser les limites du moulage en plâtre
29Le renouvellement des pratiques traditionnelles des mouleurs n’a pas uniquement concerné les matériaux de tirage ; les procédés de moulage ont eux aussi évolué. Les principes généraux ne sont pas modifiés mais les méthodes de fabrication des moules et des épreuves connaissent des transformations pour s’adapter à une plus grande production et répondre à de nouvelles exigences. Ces évolutions mettent en évidence le vif intérêt porté en particulier à la problématique de l’édition des sculptures de grande dimension.
30Bien qu’une épreuve en plâtre représente au xixe siècle le moyen le plus économique d’acquérir une sculpture, le temps de fabrication du moule à pièces et de réparage constituait une limite à l’extension de l’édition, en particulier des rondes-bosses de moyen et grand format. Le procédé de moulage à la gélatine bouleverse profondément le secteur en rendant possible une augmentation de la productivité et un abaissement des coûts. Très employé dans les ateliers d’édition au xxe siècle, il commence à faire l’objet de recherches accrues au début du siècle précédent, à partir du moment où la fabrication de la gélatine extraite des os est perfectionnée et industrialisée. En 1826, la Royal Society of Arts de Londres décerne un prix pour des « moules élastiques en gélatine67 », technique dont on trouve mention quelques années plus tard en France pour le moulage des médailles, bas-reliefs et camées, mais aussi des pièces anatomiques. Bien que son application reste encore restreinte à des objets de petites dimensions, le procédé semble se diffuser rapidement auprès des mouleurs-éditeurs. On peut lire en effet en 1843 dans le Manuel du mouleur en médailles :
« Le principal avantage du moulage à la gélatine consiste précisément en ce que l’élasticité de cette matière permet d’enlever le moule, encore bien que toutes les parties du sujet ne soient pas de dépouille. Ceci est tellement vrai, que même certains sujets en ronde bosse, peuvent être moulés d’une seule pièce à la gélatine. Il en résulte un immense avantage, puisqu’on évite par ce moyen les coutures, si difficiles à enlever, qui se trouvent inévitablement sur les objets obtenus dans un moule de plusieurs pièces. Aussi le moulage à la colle-forte a-t-il pris une grande extension depuis quelques années ; et la plupart de ces jolies statuettes que la mode a prises sous sa protection, sont moulées par ce procédé68. »
31Aux expositions de 1844 et 1849, Hippolyte Vincent se fait remarquer pour ses reproductions illusionnistes d’objets d’art moulés à l’aide de cette technique. Les rapports de ces manifestations soulignent la « révolution » dans l’art du moulage qu’elle représente ; on fait l’éloge de la rapidité d’exécution du moulage qui « se fait soixante fois plus vite que celui de l’ancien procédé », de la fidélité de l’empreinte et de l’absence presque totale de coutures. Cependant la gélatine est encore jugée trop chère et le moule obtenu trop fragile pour réussir le moulage de grandes pièces en fort relief. Le procédé est donc considéré jusqu’au milieu du siècle comme « peu praticable » et son application limitée69. Ce sont les expériences de Mme Rouvier-Paillard qui ouvrent la voie au moulage des rondes-bosses de grande dimension, comme le prouvent aux yeux des experts ses essais sur les boiseries du chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris et sur plusieurs sculptures du musée du Louvre en 1849 et 1850. Elle y parvient grâce à un procédé de fabrication spécifique de la gélatine à partir de déchets d’ivoire ou d’os « que le commerce livre à très bas prix70 », mis au point en 1844 pour obtenir une matière plastique imitant l’ivoire71. À la suite de ces travaux, l’emploi de la gélatine se répand plus largement dans les ateliers aussi bien publics72 que privés, comme en témoigne notamment la multiplication des mentions telles que « moulage sans couture par le procédé de la gélatine » ou « mouleur à la gélatine » dans les annuaires commerciaux des années 1850. Bénéficiant sans doute d’autres perfectionnements ultérieurs, le procédé s’impose durablement dans l’édition et reste utilisé jusqu’à l’apparition des silicones à la fin du xxe siècle73 (fig. 3). Ce succès s’explique par le fait que, de l’avis général, « la manière d’opérer [est] simple et expéditive74 » ; en outre, les moules usagés peuvent être refondus et servir à en fabriquer de nouveaux. Économie du matériau et gain de temps répondaient parfaitement à l’évolution du marché de l’édition de sculptures. Aussi, bien que le procédé présente quelques inconvénients qui conduisent les ateliers à continuer d’utiliser conjointement, dans certains cas, des moules à pièces en plâtre, l’économie du moulage à la gélatine par rapport au traditionnel moulage à bon-creux fait opérer un tournant à l’édition de sculptures et donne à partir de 1850 un élan supplémentaire à la production en série des rondes-bosses, d’autant plus que des progrès significatifs sont réalisés au même moment au niveau du tirage des épreuves.
Fig. 3. – Mouleurs au travail autour d’un grand moule à la gélatine.

L’Illustration, 22 décembre 1894.
© Pauline Carminati.
32Le plâtre, qui reste privilégié pour le tirage, est un matériau relativement fragile qui peut facilement se briser. Différents moyens pour assurer la résistance des épreuves ont donc été employés. Jusqu’au milieu du xixe siècle, les épreuves en ronde bosse de moyen et grand format présentent généralement des parois épaisses et les abattis, moulés séparément, sont souvent coulés pleins. Les épreuves nécessitaient malgré tout l’ajout d’armatures, en fer, en bois ou en os, d’une part pour assembler les abattis et d’autre part pour renforcer le plâtre au niveau des zones de fragilité ou supportant un poids important, comme la base des sculptures par exemple. En 1780, Fiquet rapporte que l’« on met ordinairement du fer dans le plâtre que l’on coule », et plus loin :
« Pour les grandes figures on est obligé de mettre du fer dans les bras et les jambes, on met même dans les doigts qui sont isolés, du fil d’archal que l’on entoure d’un autre fil plus fin, pour que le plâtre s’y attache. Il faut enduire le fer que l’on emploie dans les figures, de cire chaude ou de poix-résine : cela empêche la rouille de pénétrer le plâtre et de le faire casser. […] Lorsque les figures que l’on coule sont petites, on emploie du laiton au lieu de fer75. »
33La mise en place de ces armatures et l’assemblage des parties moulées séparément pouvaient être à l’origine de décalages qui nécessitaient de retravailler l’épreuve et en modifiaient l’aspect par rapport au modèle original. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Fiquet regrettait que, bien souvent, « l’œil même de l’artiste a peine à reconnaître son ouvrage » dans ces « copies infidelles et difformes76 ». Ces techniques deviennent encore plus problématiques dans un contexte d’édition de masse, alors que l’exigence de fidélité, de précision, de rentabilité, est désormais centrale et que le nombre d’épreuves s’accroît toujours davantage. Le renforcement des tirages apparaît ainsi comme une préoccupation centrale des éditeurs de sculptures tout au long du xixe siècle. Ces derniers vantent dans leurs publicités leurs systèmes d’armature, tel Texier qui dans les années 1840 insiste sur ce point dans son catalogue, soulignant que « par d’heureux perfectionnemens, on est arrivé à faire les statues d’un seul bloc, résultat qui permet d’introduire les armatures en fer d’une seule pièce, et devient inappréciable pour la beauté et la solidité de l’exécution77 ». Cependant, ces épreuves de grandes dimensions aux parois épaisses renforcées de fer ou de bois présentaient l’inconvénient d’être très lourdes. D’un autre côté, les mouleurs italiens qui maîtrisaient la technique du coulage à la volée au renversé étaient capables de réaliser des tirages légers aux parois fines, mais ceux-ci étaient alors extrêmement fragiles. Une évolution importante s’opère au milieu du siècle quand Desachy et Arrondelle déposent un brevet pour un nouveau procédé de coulage à l’imprimé, dit « mousselino-plastie » ou staff78. En renforçant le plâtre frais avec des morceaux de toile, par la suite souvent remplacée par de la filasse de chanvre, de jute ou de sisal, il était désormais possible de produire de grandes épreuves à la fois fines, légères et solides. Lors de l’exposition des arts industriels de 1861, Desachy présente pas moins de soixante-deux moulages réalisés avec ce procédé. Le poids de chaque pièce est indiqué et comparé au poids d’un tirage ordinaire :
« Desachy (Alexandre), sculpteur et mouleur de l’École impériale des Beaux-Arts, de l’Institut de France, du ministère d’État, etc., rue de Seine, 17. Nouveau procédé breveté en France et à l’étranger pour le moulage en plâtre, application aux objets destinés aux musées, à l’étude des beaux-arts et à la décoration architecturale. 1o à 19o Frise de la face occidentale du temple de Minerve dite le Parthénon, à Athènes – œuvre de Phidias – pesant ensemble environ 170 kilog. au lieu d’environ 2,000 kilog. poids des épreuves produites par le procédé ordinaire de moulage en plâtre. 20o Vénus, dite de Milo, statue antique d’après le marbre du Musée impérial du Louvre, pesant 23 kilog. au lieu de 160 kilog. […]79. »
34Ces évolutions techniques, qui vont de pair avec la mise au point du moulage à la gélatine, révèlent que les tirages de grand format représentent au milieu du xixe siècle un enjeu de taille pour les éditeurs et les mouleurs. Le marché de l’édition de sculptures religieuses à destination des églises profite pleinement de ces perfectionnements. Les tirages réalisés par la maison Raffl à la fin du siècle sont techniquement très élaborés, leurs parois sont peu épaisses, le plâtre renforcé par des adjuvants, de fines armatures habilement positionnées dans les doigts, les abattis parfaitement jointifs, les coutures peu nombreuses, de telle façon que les reprises et réparages soient réduits au minimum. La comparaison de ces épreuves avec les statues religieuses en plâtre de la première moitié du siècle permet de mesurer l’écart technique qui les sépare.
35Le premier xixe siècle est un moment d’intense expérimentation autour de la sculpture, tout particulièrement à la faveur du développement de l’édition. Les techniques de reproduction font l’objet d’un vif intérêt et connaissent de nombreuses évolutions par rapport au siècle précédent. Dans le domaine du moulage appliqué à l’édition, les matériaux et les procédés se renouvellent et se perfectionnent, aboutissant progressivement à un élargissement de la gamme des matières dites plastiques, une amélioration de la qualité des épreuves et une augmentation générale de la production. Si le moulage est au cœur de l’édition de sculptures, celle-ci fait également appel à d’autres techniques s’intégrant dans la longue chaîne opératoire menant du modelage réalisé par le sculpteur à sa reproduction commercialisée. La période est ainsi marquée par une volonté d’amélioration des techniques traditionnelles de changement d’échelle et de reproduction des sculptures en matériaux durs, jusqu’alors limitées au procédé de la mise-aux-points à l’aide de compas, ou de fil à plomb et de châssis. À l’image de la célèbre machine à réduire d’Achille Collas, de multiples expériences sont réalisées autour des machines pouvant faciliter ou optimiser différentes étapes des processus d’élaboration du modèle et de sa reproduction80. Les machines à sculpter sont néanmoins restées des appareils coûteux, dont le fonctionnement n’était pas à la portée de tous. Tous les éditeurs n’en possédaient pas. Il est donc difficile de déterminer avec précision quelle a été leur application réelle. À l’exception des machines à mettre-aux-points qui s’imposent dans les ateliers des praticiens dans la seconde moitié du siècle, la mécanisation de la sculpture dans le contexte de l’édition de statues religieuses doit sans doute être relativisée, quoiqu’aient pu rêver parfois les inventeurs et les fabricants. En revanche, ces inventions ont certainement contribué à diffuser le principe d’une sculpture déclinée dans toutes les tailles et dans tous les matériaux, s’adaptant à l’espace dont le client dispose et à l’usage qu’il souhaite en faire. Dans leur sillage, tous les éditeurs se sont mis à proposer des statues en plusieurs dimensions et en plusieurs matières. Tous ces perfectionnements techniques reflètent le goût du xixe siècle pour la sculpture, doublé d’une volonté de diffusion et de démocratisation de l’art. La sphère religieuse n’échappe pas à cet engouement et les lieux de culte se remplissent progressivement de statues, d’autant que l’art d’église connaît en même temps des problématiques spécifiques qui convergent avec celles, professionnelles, techniques et juridiques, du secteur de l’édition pour voir s’épanouir sous le Second Empire une nouvelle forme de statuaire religieuse.
Notes de bas de page
1 M. Fiquet, « L’art du mouleur en plâtre », dans J.-E. Bertrand (dir.), Descriptions des arts et métiers, faites ou approuvées par Messieurs de l’Académie royale des sciences de Paris, t. 14, Neuchâtel, Imprimerie de la Société typographique, 1780, p. 574. Sur ce texte, voir C. Chevillot, « Un traité sur l’art du mouleur en plâtre en 1780 », dans G. Bresc-Bautier (dir.), La sculpture en Occident, études offertes à Jean René Gaborit, Dijon, Faton, 2007, p. 248-251.
2 M. Shedd, « A Mania for Statuettes: Achille Collas and Other Pioneers in the Mechanical Reproduction of Sculpture », La gazette des beaux-arts, no 120, 1992, p. 36-48 ; F. Rionnet, « Barbedienne ou la fortune de la sculpture au xixe siècle », Bulletin de la société d’histoire de l’art, 2002, p. 301-324 ; É. Voillot, « Vertus et vices de l’édition. La sculpture à l’époque de sa reproductibilité technique », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, no 24, 2013 [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/bcrfj/7084].
3 Voir notamment T. Clifford, « The Plaster Shops of the Rococo and Neo-Classical Era in Britain », Journal of the History of Collections, vol. 4, no 1, janvier 1992, p. 39-65 ; V. Coltman, Fabricating the Antique. Neoclassicism in Britain, 1760-1800, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 2006 ; C. Schreiter, Antike um jeden Preis. Gipsabgüsse und Kopien antiker Plastik am Ende des 18. Jahrhunderts, Berlin, De Gruyter, 2014.
4 F. Rionnet, L’atelier de moulage…, op. cit. ; C. Chevillot, « Nineteenth-Century Sculpteurs and Mouleurs: Developments in Theory and Practice », dans S. Clairbois et M. Droth (dir.), Revival and Invention: Sculpture through its Material Histories, Oxford, Peter Lang, 2010, p. 201-223 ; J.-M. Hofman, « Rencontre avec un illustre inconnu : Jean Pouzadoux (1829-1893), mouleur en plâtre », Bulletin de la Société historique du 6e arrondissement, 2011, p. 7-31 ; P. Malone, « Les Gherardi, mouleurs à Paris et à Rome », In Situ, no 28, 2016 [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/12699].
5 D’après les publicités diffusées à la fin du xixe siècle par les dirigeants de la maison Raffl, celle-ci aurait été fondée en 1796 par Mathieu Frediani (Annuaire-almanach du commerce, 1899, rubrique « Statues religieuses »). La présence de celui-ci à Paris n’a cependant pas pu être attestée avant 1807, date de son mariage.
6 Archives de Paris, 5Mi 2015, acte de mariage de Mathieu Frediani et Marie Louise Némond, 3 mars 1807. Quatre enfants au moins sont issus de leur union : Jean Auguste né le 14 avril 1807, Marguerite Louise née le 4 décembre 1809, Pellegrin Antoine né le 25 février 1811 et Élisabeth Louise Augustine née le 27 novembre 1823.
7 P. A. Sensi-Isolani, « Italian Image Makers in France, England, and the United States », dans P. A. Sensi-Isolani et A. J. Tamburri (dir.), Italian Americans Celebrate Life, the Arts and Popular Culture. Selected Essays from the 22nd Annual Conference of the American Italian Historical Association, New York, AIHA, 1990, p. 95-113 ; C. Schreiter, « “Moulded from the Best Originals in Rome.” Eighteenth-Century Production and Trade of Plaster Casts after Antique Sculpture in Germany », dans R. Frederiksen et E. Marchand (dir.), Plaster Casts: Making, Collecting and Displaying from Classical Antiquity to the Present, Berlin, De Gruyter, 2010, p. 121-142 ; R. Wade, Domenico Brucciani and the Formatori of Nineteenth-Century Britain, Londres, Bloomsbury, 2018.
8 P. Carminati, « Du colportage au musée du Louvre. Les mouleurs italiens en France au tournant du xixe siècle », Diasporas, no 32, 2018, p. 113-124.
9 L’adresse de Frediani indiquée dans son acte de mariage est aussi celle de Poli, qui est par ailleurs l’un de ses témoins.
10 Archives de Paris, V3E/N 930, état civil reconstitué (xvie siècle-1859), actes de naissance.
11 Almanach du commerce de Paris, 1826, rubrique « Sculpteurs ».
12 Bazar parisien, 1826, rubrique « Moulures en plâtre, en carton-pierre, etc. ».
13 N. Coquery, Tenir boutique à Paris au xviiie siècle. Luxe et demi-luxe, Paris, CTHS, 2011.
14 À propos de l’atelier du mouleur toulousain Landi (« Toulouse », France méridionale, no 576, 20 juin 1832).
15 Par exemple H. de Saint-Georges et A. Simonnin, Le petit monstre et l’escamoteur, Paris, Bouquin de la Souche, 1826 ; T. Dumersan et N. Brazier, Le Pygmalion du Faubourg Saint-Antoine ou Le mouleur en plâtre, Paris, Riga, 1832.
16 M. Charageat, « Un inventaire de fonds de mouleur parisien en 1880. De l’importance du fonds Visseaux pour l’identification de sculptures du xviiie siècle », Bulletin de la société de l’histoire de l’art français, 1966, p. 237-245.
17 Comme celle diffusée par le mouleur romain Barsotti en 1789 (C. Sedlarz, « Incorporating Antiquity. The Berlin Academy of Arts’ Plaster Cast Collection from 1786 until 1815: Acquisition, Use and Interpretation », dans R. Frederiksen et E. Marchand [dir.], Plaster Casts…, op. cit., p. 197-213) ou celle de l’entrepreneur parisien Texier sous la Monarchie de Juillet (Fabrique de pierres artificielles, Tarif des statues antiques, s. l., s. n., s. d. [vers 1840]).
18 Ce qui apparaît par exemple au cours du procès intenté par le mouleur Léna en 1824 (Jurisprudence générale du royaume, 1825, p. 141).
19 « Chronique », Gazette des tribunaux, 4 août 1836, n. p. ; A. Gastambide, Traité théorique et pratique des contrefaçons en tous genres, Paris, Legrand et Descauriet, 1837 ; E. Blanc, Traité de la contrefaçon et de sa poursuite en justice, Paris, Raymond, 1838.
20 « Cour royale de Bordeaux, 26 mai 1838 », Journal du Palais, t. 2, 1838, p. 581.
21 A. Gastambide, Traité théorique…, op. cit., p. 367.
22 « Formate tutte dagli originali » précise la publicité de Vincenzo Barsotti en 1789.
23 Annonce de Micheli dans l’Annuaire général du commerce, 1843, rubrique « Mouleurs-figuristes ».
24 Sur la question de la propriété artistique dans le domaine de la sculpture d’édition, voir pour le cas du bronze : É. Voillot, Créer le multiple…, op. cit., p. 201 sqq.
25 F. Rionnet, L’atelier de moulage…, op. cit., p. 326-327.
26 A. Gastambide, Traité théorique…, op. cit., p. 383.
27 Ibid., p. 362 et 381.
28 Ibid., p. 384.
29 Ibid., p. 381.
30 « Chronique », art. cité, n. p.
31 « Cour royale de Bordeaux… », art. cité, p. 581.
32 E. Blanc, Traité de la contrefaçon…, op. cit., p. 552.
33 A. Gastambide, Traité théorique…, op. cit., p. 388.
34 « Cour royale de Bordeaux… », art. cité, p. 581.
35 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/494, Inventaire après le décès de Mme Getty, 14 juin 1782.
36 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/716, Inventaire après le décès de Mme Poli, 12 février 1817.
37 Archives nationales, MC/ET/XXVIII/949, Inventaire après le décès de Mme Cecconi, 28 mai 1846.
38 Ibid.
39 P.-A. Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, t. 3, Paris, Garnery, 1827, p. 716.
40 Sur la réception sociale des nouveaux matériaux de moulage, voir en particulier M. Charpy, Le théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité bourgeoise. Paris, 1830-1914, thèse d’histoire, dir. J.-L. Pinol, université François-Rabelais, Tours, 2010, p. 745 sqq.
41 G. Galvez-Behar, La République des inventeurs. Propriété et organisation de l’innovation en France (1791-1922), Rennes, PUR, 2008.
42 C. Demeulenaere-Douyère, « Pour le progrès des “arts” en France : les expositions nationales des produits de l’industrie (1798-1849) », Artefact, no 10, 2019, p. 53-74.
43 S. Benoît, « Associer le développement artistique et l’innovation et promouvoir les arts industriels : une orientation majeure de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale au xixe siècle », dans P. Lamard et N. Stoskopf (dir.), Art & industrie (xviiie-xxie siècle), Paris, Picard, 2013, p. 39-50.
44 L. Héricart de Thury, Rapport du jury d’admission des produits de l’industrie du département de la Seine, à l’exposition du Louvre, Paris, Ballard, 1819, p. viii.
45 Lebrun, Manuel complet du mouleur, ou l’art de mouler en plâtre, carton, carton-pierre, carton-cuir, cire, plomb, argile, bois, écaille, corne, etc., etc., Paris, Roret, 1829, réédité tout au long du siècle.
46 V. Nègre, L’art et la matière. Les artisans, les architectes et la technique (1770-1830), Paris, Garnier, 2016.
47 C. Gourlier, « Rapport fait par M. Gourlier, au nom du Comité des arts économiques, sur les sculptures en carton-pierre exécutées par M. Romagnesi et par MM. Wallet et Huber », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 29e année, 1830, p. 320-327 ; V. Nègre, L’ornement en série. Architecture, terre cuite et carton-pierre, Sprimont/Liège, Mardaga, 2006 ; V. Rousseau, « Une innovation industrielle au service de l’art : le carton-pierre dans la première moitié du xixe siècle », Sculptures, no 3, 2016, p. 88-94.
48 V. Nègre, L’art et la matière…, op. cit., p. 115.
49 M. Fiquet, « L’art du mouleur en plâtre », art. cité, p. 602.
50 C. Gourlier, « Rapport fait par M. Gourlier… », art. cité, p. 325.
51 Lebrun, Manuel complet du mouleur…, op. cit., p. 169.
52 Rapport du jury central sur les produits de l’agriculture et de l’industrie exposés en 1849, Paris, Imprimerie nationale, 1850, p. 369.
53 « Prix pour la découverte d’une matière se moulant comme le plâtre, et capable de résister à l’air autant que la pierre », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 20e année, 1821, annexe p. 29-30.
54 Archives de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), 1BA1470, « Pierre artificielle propre à remplacer la terre cuite, le plâtre et même la pierre de carrière », 20 novembre 1822.
55 L. J. Vicat, Recherches expérimentales sur les chaux de construction, les bétons et les mortiers ordinaires, Paris, Goujon, 1818.
56 L. Mérimée, « Rapport fait par M. Mérimée, sur le concours pour le prix proposé pour la découverte d’une matière plastique moins altérable que le plâtre », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 20e année, 1821, p. 285.
57 Le ciment romain désigne au xixe siècle un ciment naturel obtenu à partir de calcaires argileux. Il se distingue du ciment artificiel type Portland fabriqué avec des méthodes différentes, notamment une cuisson à plus haute température. Sur les débuts de la sculpture en ciment, voir É. Voillot, « Le renouveau des matériaux, le ciment », dans C. Chevillot (dir.), Oublier Rodin ? La sculpture à Paris, 1905-1914, cat. exp., Paris, Hazan, 2009, p. 49-53.
58 L. Mérimée, « Rapport sur le concours relatif au prix proposé pour la découverte d’une matière se moulant comme le plâtre », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 29e année, 1830, p. 469-472.
59 INPI, 1BA8403, « Nouveau système de moulage en cimens hydrauliques », 8 octobre 1840.
60 Berthommé, Pellet et Cie, Statues, fontaines, vases, bas-reliefs, parquets mosaïque, etc., Paris, Dupont, s. d. (1840-1843).
61 V. Risdonne, C. Hubbard, V. H. López Borges et C. Theodorakopoulos, « Materials and Techniques for the Coating of Nineteenth-Century Plaster Casts: a Review of Historical Sources », Studies in Conservation, 2021 [https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1080/00393630.2020.1864896].
62 R. O’Reilly, « Plâtre avec l’apparence du marbre », Annales des arts et manufactures, t. 45, 1812, p. 104.
63 INPI, 1BB8848, « Durcissement du plâtre moulé », 15 septembre 1849.
64 INPI, 1BA10123, « Fabrication d’un marbre dit plâtre-stuc », 25 octobre 1842.
65 A. Chevallier, « Rapport fait par M. Chevallier, au nom du comité des arts chimiques, sur la fabrication du plâtre aluné de MM. Greenwood et Savoye », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 40e année, 1841, p. 376-382.
66 N. Boquillon, « Études techniques sur l’exposition des produits de l’industrie française en 1844 », Revue scientifique et industrielle, t. 6, 2e série, 1845, p. 118.
67 « Prix et médailles décernés par la Société d’Encouragement des arts et manufactures, séant à Londres, pendant l’année 1826 », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 26e année, 1827, p. 302.
68 F.-B. Robert et E. de Valicourt, Nouveau manuel complet du mouleur en médailles, Paris, Roret, 1843, p. 58.
69 E. Silvestre, « Rapport fait par M. E. Silvestre, au nom du comité des arts économiques, sur un nouveau procédé de moulage inventé par madame Rouvier-Paillard », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, 49e année, 1850, p. 322.
70 Ibid.
71 INPI, 1BB622, « Procédé de liquéfaction de l’ivoire et autres matières cornées, et application de la matière liquéfiée à tous objets d’art ou d’utilité, par le moulage ou par tout autre moyen », 24 décembre 1844.
72 L’atelier de moulage du musée du Louvre adopte ce procédé à partir de 1855 (F. Rionnet, L’atelier de moulage…, op. cit., p. 39).
73 É. Lebon, « Le moulage à la gélatine », dans Le fondeur et le sculpteur, Paris, Ophrys, 2012 [https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/inha/3469] ; A. Lebrun, « Les moules, les modèles et la production de l’atelier de moulage de la Rmn-GP aujourd’hui », In Situ, no 28, 2016 [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/12627].
74 E. Silvestre, « Rapport fait par M. E. Silvestre… », art. cité, p. 322.
75 M. Fiquet, « L’art du mouleur en plâtre », art. cité, p. 590.
76 Ibid., p. 575.
77 Fabrique de pierres artificielles, Tarif des statues antiques et modernes, s. l., s. n., s. d. (vers 1840).
78 Desachy dépose son brevet en Angleterre, Arrondelle en France (INPI, 1BB31773, « Procédé de moulage dit mousselino-plastie ou léger plastique », 18 avril 1857).
79 Exposition des arts industriels au Palais de l’Industrie. Catalogue, Paris, Vallée, 1861, p. 41.
80 Pour en savoir plus sur ces recherches, voir P. Carminati, « Le Paradis en boutique ». L’édition de sculptures religieuses au xixe siècle : la maison Raffl, thèse d’histoire de l’art, dir. I. Saint-Martin, École pratique des hautes études, 2020, p. 93-106.
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