Amitiés révolutionnaires, amitiés révolutionnées : le cas des Payan de Saint-Paul-Trois-Châteaux
p. 209-222
Texte intégral
1« L’étroite liaison entre nos deux maisons subsiste toujours1. » C’est par cette formulation lapidaire que François Payan (1720-1794), ancien conseiller au parlement Maupeou, rappelle à son fils aîné, Joseph-François, la puissante amitié qui l’unit à Esprit-Joseph de Castellane2, un important noble tricastin. Derrière les sentiments amicaux sincèrement partagés par les deux hommes, le rapprochement entre les deux familles favorise également l’insertion des Payan dans la sphère aristocratique à laquelle ils tentent de s’agréger, jusqu’à ce que la Révolution batte en brèche ce modèle social et rejette les deux amis dans des camps diamétralement opposés. Pour autant, la rupture est-elle véritablement consommée ?
2Si l’amitié a rejoint, depuis plusieurs décennies, la cohorte d’objets d’études abondamment interrogée par les sciences sociales3, notamment par les historiens modernistes4 ou contemporanéistes5, le concept reste finalement encore peu exploré pour la décennie révolutionnaire6. Or, le bouleversement sans précédent qu’a été la Révolution française met à l’épreuve bien des schémas relationnels, notamment amicaux, établis avant 1789. Cette contribution se propose de réexaminer la question, à nouveaux frais, dans une perspective micro-historique7, qui place la focale sur les structures amicales tissées, au cours d’un long xviiie siècle, par les Payan, originaires de Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme. Un riche corpus de sources administratives, judiciaires et d’actes notariés croisé avec un important fonds d’archives privées, notamment de correspondances intimes, offre l’opportunité d’interroger, en profondeur et selon des perspectives micro-analytique8 et transpériodiques pertinentes, le concept d’amitié en situation révolutionnaire. Appréhendé au ras du sol, au plus proche des vécus et des pratiques des individus9, le « cas10 » Payan11 constitue un laboratoire d’études idéal pour préciser comment la Révolution française fracture, efface, ou remodèle les liens sociaux patiemment tissés par les acteurs au cours des dernières décennies de l’Ancien Régime. En effet, en bouleversant en profondeur les structures de la vie courante et en élargissant les milieux fréquentés dans l’exercice des activités quotidiennes, civiques, ou politiques, la Révolution offre un nouveau cadre social et culturel, propice à créer de nouveaux liens sociaux.
3Si, dans les dernières années du xviiie siècle, les Payan, aspirant à s’agréger au second ordre du royaume, tissent d’étroites relations amicales avec les élites locales et provinciales, plus particulièrement aristocratiques, la Révolution française met à l’épreuve ce schéma culturel. Les anciens liens se distendent, sans pour autant, dans certains cas, se rompre totalement – lors même que les amis prennent des orientations idéologiques divergentes –, tandis que la bipolarisation précoce de la vie politique locale façonne de nouvelles amitiés, cimentées par les affrontements virulents qui affectent la commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux, donnant parfois naissance à de solides relations amicales qui survivent au bouleversement révolutionnaire.
Mobilité sociale, amitiés et identité nobiliaire au crépuscule de l’Ancien Régime
4Les renouvellements historiographiques de ces dernières années ont montré toute la pertinence de l’utilisation de l’analyse réticulaire en histoire sociale et en histoire de la famille12. Néanmoins, les études mobilisant le concept de réseaux se sont souvent bornées à inventorier leurs différentes composantes pour, in fine, tracer des liens, parfois un peu superficiels, entre les acteurs. Les travaux les plus récents invitent à dépasser cette approche en plaçant la focale sur la densité des liens construits par les individus, et à croiser les sources pour mieux appréhender les formes de réciprocité qui structurent et donnent tout leur sens aux réseaux13. La qualité et la grande variété de la documentation conservée autorisent une telle démarche pour notre enquête et révèlent les différents réseaux, notamment amicaux, dans lesquels s’imbrique la famille14. Au-delà des différents « fronts de parenté », les écrits du for privé15, notamment des correspondances intimes et un livre de raison, croisés avec les actes notariés16 dévoilent au chercheur l’existence d’une nébuleuse complexe d’individus, au profil très hétéroclite, qui gravitent autour des Payan et avec lesquels ils construisent et entretiennent des rapports plus ou moins étroits. Surtout, la correspondance échangée entre François et Joseph-François, son fils aîné, révèle à l’historien les usages et les stratégies qui sous-tendent la construction de ces liens.
5À la fin du xviiie siècle, les Payan sont en passe de parachever le processus ascensionnel amorcé au début du siècle. Après le choc de la révocation de l’édit de Nantes17 qui écarte cette famille de nouveaux convertis de toute charge locale ou provinciale, Benjamin-François (1682-1752), le père de François, reconstruit la notabilité18 des Payan en intégrant le monde des « officiers moyens19 ». En 1752, François Payan succède à son père dans les fonctions de vibailli et juge épiscopal de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Selon un schéma classique de mobilité sociale passant par l’office20, les Payan ambitionnent d’intégrer une cour souveraine et de s’agréger ainsi à la noblesse robine. En 1771, François force le destin en figurant parmi les rares roturiers qui rejoignent la fournée de conseillers nommés au parlement de Dauphiné par le chancelier Maupeou21. Reste que ce formidable coup d’accélérateur est éphémère : Payan est remercié dès le rétablissement des parlements en 1775. Après bien des péripéties, son fils, Joseph-François, parvient à faire l’acquisition d’une charge de conseiller-maître à la chambre des comptes de Dauphiné en 1787, accordant la noblesse au premier degré22. En l’espace de trois générations, les Payan sont arrivés aux portes de la noblesse de robe, mais ils n’en franchiront jamais le seuil.
6Pour de nombreuses familles bourgeoises, la noblesse constitue encore au xviiie siècle un idéal de promotion sociale23. L’analyse des papiers de la famille Payan montre clairement comment, au tournant des années 1760, François tente de donner une nouvelle identité aristocratique à sa famille. Au cours de la décennie 1760, les Payan ont gagné en importance. François cumule sa fonction de vibailli avec celle de subdélégué de l’intendant tandis que la transmission d’un patrimoine familial intact lui permet de bénéficier de fonds suffisants pour faire l’acquisition d’un hôtel particulier et multiplier les achats fonciers. La stratégie déployée repose sur l’assimilation et l’adoption des codes et des modes de consommation du second ordre24 et surtout par une plus grande proximité sociale avec le vivier nobiliaire local25. La petite ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux constitue une anomalie nobiliaire (2 à 3 % de la population) dans une province où la noblesse se concentre surtout à Grenoble et dans une moindre mesure à Vienne ou à Valence26.
7La correspondance familiale reste la meilleure source pour retracer les liens amicaux tissés par les Payan. Les 150 lettres écrites par François à son fils aîné entre 1781 et 1789 révèlent l’existence d’une sociabilité nobiliaire tricastine importante, animée en grande partie par les Payan qui tiennent salon dans leur hôtel particulier et convient régulièrement les lignages les plus prestigieux de la contrée, comme les de la Roche d’Eurre ou les Petity de Saint-Vincent. Ainsi, dans une lettre de juin 1781, François se flatte de recevoir « toute la ville les après-dîners de chaque dimanche27 ». Toutes les familles nobles sont invitées et assistent fréquemment aux mondanités offertes par le couple Payan. Les sources ne permettent pas toujours de dissocier les amis des simples relations mondaines. Néanmoins, une analyse minutieuse du corpus permet d’isoler trois individus, que l’on peut incontestablement considérer comme les meilleurs amis de François Payan : François-Laurent de Pontbriant (1723-1785), Esprit-Joseph de Castellane (1720-1797), Louis-Joseph François de la Roche d’Eurre (1729-1809). Ces trois personnages présentent un profil identique. Ils appartiennent à la même génération que François Payan et sont tous trois des gentilshommes : Pontbriant termine sa carrière comme maréchal de camp, Castellane est un ancien capitaine d’infanterie tout comme le comte de la Roche d’Eurre. Ces puissantes et vieilles familles aristocratiques ont leurs entrées à Versailles, plus particulièrement les de Castellane qui ont droit aux Honneurs de la Cour. La correspondance des Payan et les actes notariés révèlent l’intensité des liens entre François Payan et ces trois personnages. Lors de ses nombreux voyages vers ses terres du sud-ouest, de Castellane visite régulièrement les fils Payan, placés en pension à l’abbaye-école de Sorèze28, tandis que de Pontbriant prend sous son aile Joseph-François Payan, lorsqu’il est envoyé à Paris parachever son droit entre 1781-1785. François Payan le qualifie d’ailleurs de « mentor » dans la correspondance intime échangée avec son fils aîné.
8C’est avec les comtes de Castellane et de la Roche d’Eurre que Payan tisse les liens amicaux les plus étroits, cimentés par la parenté spirituelle qui confère à l’amitié une dimension toute particulière29. Il s’agit, en réalité, d’une double alliance dans la mesure où les épouses sont aussi sollicitées pour devenir marraines des enfants du couple. Si elle consolide l’union entre des familles, cette habile politique de compérage participe également de la stratégie de redéfinition de l’identité noble que les Payan tentent de s’inventer. En effet, après savoir choisi parrains et marraines parmi la famille proche – une pratique très classique visant à renforcer les solidarités familiales ou à conforter des alliances fraîchement nouées30 –, les choix du couple Payan se portent sur des membres du second ordre au tournant des années 1760. La réciprocité des liens, préalable à une alliance forte, n’est avérée qu’avec les de la Roche d’Eurre, sollicités à deux reprises (1759, 1763), avant que Payan ne soit lui-même choisi comme parrain en 1774. Même si Payan n’est pas le premier parrain désigné par le couple de la Roche d’Eurre, ce choix témoigne de la capacité d’intégration de la famille parmi les lignages aristocratiques tricastins. L’absence de réciprocité de liens de compérage avec les de Castellane s’explique principalement par leur choix de se conformer aux pratiques aristocratiques consistant à choisir les parents spirituels de leurs enfants parmi leurs domestiques.
9À la veille de la Révolution française, les Payan ont réussi à construire de manière purement fictive une « maison » en affublant le rameau familial d’une ascendance noble qu’ils ont totalement usurpée. Ce processus ascensionnel a conduit la famille à nouer des relations amicales avec divers lignages aristocratiques qui renforcent l’identité nobiliaire des Payan. Reste que ce modèle relationnel est complètement remis en cause par la Révolution française.
Amitiés aristocratiques : un schéma relationnel à l’épreuve de la Révolution
10Alors que les Payan parviennent à négocier efficacement le virage révolutionnaire qui les propulse sur le devant de la scène politique, administrative et judiciaire, la radicalisation des prises de position fracture, autour de l’été 1791, le réseau amical de la famille, rejetant brutalement les amis dans des camps diamétralement opposés. Pour autant, malgré l’intensité de la crise politique qui affecte la petite ville entre 1791-1792, la Révolution n’efface pas entièrement les anciennes amitiés aristocratiques.
11Les Payan tirent rapidement profit du nouveau cadre institutionnel. Faisant preuve d’une résilience à toute épreuve, la famille parvient à se réinventer malgré la mise en vacance forcée, puis la suppression des cours souveraines31. François Payan est porté à la présidence du département de la Drôme au printemps 1790, fonction qu’il abandonne pour celle de juge paix, qu’il occupe sans discontinuité jusqu’en 1794, renouant ainsi avec une pratique sociale et judiciaire de proximité, dont il était coutumier lorsqu’il était vibailli de la sénéchaussée de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Joseph-François, quant à lui, récolte les fruits du travail de son père et parvient, grâce à ses nombreuses relations32, à conquérir l’hôtel de ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux en janvier 1790. La nouvelle équipe municipale compte dans ses rangs de nombreux proches des Payan, à commencer par Esprit-Joseph de Castellane, cumulant la fonction subalterne de notable avec celle, plus prestigieuse, de commandant en chef de la garde nationale locale. En somme, à la fin de l’année 1790, tous les pouvoirs locaux sont contrôlés par les Payan ou leurs intimes.
12Jusqu’à l’été 1791, la Révolution n’altère en rien les rapports entre les Payan et des Castellane. Bien au contraire, les deux familles n’ont jamais été aussi proches : le commandant de la garde nationale constituant un élément essentiel de la stratégie politique des Payan, dont les importantes relations sont notamment utilisées pour apaiser les querelles campanilistes qui opposent la municipalité de Saint-Paul-Trois-Châteaux à ses voisines dans l’épineuse délimitation des cantons33. Ainsi, lorsque le comte de Castellane se retrouve parmi les édiles « sortis par le sort » lors du renouvellement municipal partiel de novembre 1790, le maire remercie solennellement, dans un discours très élogieux, ce « vertueux citoyen au zèle actif et éclairé34 ». Cependant, les relations entre les deux familles se dégradent brutalement au cours du premier semestre 1791.
13Alors que les problèmes anciens restent en suspens, comme la question récurrente de l’approvisionnement alimentaire, s’ajoutent des problématiques inédites engendrées par le nouvel ordre révolutionnaire35. La grande refonte administrative, judiciaire et religieuse projetée par les Constituants affecte tout particulièrement la petite ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux, siège d’un modeste diocèse, d’une subdélégation, et d’un minuscule baillage. Dans cette optique, le diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux, l’un des plus petits de France, est fusionné avec celui d’Orange. Outre son évêché, Saint-Paul-Trois-Châteaux risque également de perdre son chapitre et son petit couvent de frères prêcheurs que la communauté était parvenue à sauver de la dissolution lorsque la Commission des réguliers était en activité36. De plus, avec la disparition des circonscriptions judiciaires d’Ancien Régime, Saint-Paul-Trois-Châteaux perd son bailliage, sans parvenir, malgré la mobilisation de la municipalité, à obtenir un tribunal de district. Par conséquent, la régénération du royaume est douloureuse pour la petite ville, dépouillée de nombreux équipements dont s’enorgueillissent ses habitants. Dans son étude consacrée à la formation des départements, Marie-Vic Ozouf-Marignier montre bien comment ces suppressions nourrissent un fort sentiment de déclassement, prélude à la ruine de la ville, partagé par de nombreux acteurs pour qui la présence d’équipements variés est consubstantielle à la viabilité économique, sinon à la survie même, du lieu37. Bien qu’une minorité d’habitants soit réellement touchée par la perte des équipements administratifs, judiciaires ou religieux, le traumatisme semble affecter une plus grande partie de la population en alimentant une sorte de crise d’identité. Le déclassement est en partie imputé à la municipalité, et plus particulièrement à son maire, impuissant à enrayer le déclin de la petite ville. Ce faisant, les Payan s’aliènent une partie de l’opinion publique. Au départ presque confidentiel, ce courant d’opposition hétéroclite, fédérant déclassés, nostalgiques de l’Ancien Régime et ceux qui ne se reconnaissent plus dans l’évolution du processus révolutionnaire, trouve une audience beaucoup plus large avec la crise religieuse qui fracture violemment la petite ville.
14L’historiographie a montré combien la question posée par la Constitution civile du clergé38 et le serment imposé aux ecclésiastiques39 a mis à mal l’unité communautaire dans de nombreuses localités, notamment méridionales40. À Saint-Paul-Trois-Châteaux, la crise religieuse avive les tensions générées par la suppression du diocèse et la perte de tous les établissements religieux. Les Payan soutiennent le curé constitutionnel, élu pour remplacer l’ex-curé réfractaire. Charles-Joseph, l’un des enfants de François Payan, vicaire de la Baume-de-Transit, prête serment à la Constitution civile du clergé. Cet abandon dans le processus révolutionnaire n’est pas partagé par tous les proches de la famille, tant s’en faut. Au cours de l’été 1791, une fronde « aristocratique » s’organise pour court-circuiter la municipalité patriote. Si elle est dirigée par des proches de l’évêque déchu, s’y rallient également de nombreux intimes des Payan. Les ecclésiastiques les plus proches, comme le prévôt du chapitre canonial, Colomb de Seillans, un habitué des réceptions organisées à l’hôtel particulier des Payan et que Joseph-François a personnellement aidé en facilitant le rachat de sa maison, décrétée bien national, rejoignent le pôle « aristocrate41 ». La plupart des amis nobles prennent position contre la Constitution civile du clergé puis émigrent. Sans doute beaucoup plus éprouvante pour François Payan est la défection de l’un de ses plus grands amis, le comte Esprit-Joseph de Castellane. Celle-ci est d’autant plus préjudiciable pour les patriotes que de Castellane est le commandant en chef de la garde nationale, exerçant de fait une influence importante sur les hommes qu’il commande. Proche du chapitre collégial et des milieux conservateurs, le comte de Castellane avait accueilli dans un premier temps la Révolution avec bienveillance avant de condamner les attaques portées à l’Église traditionnelle et à la société d’Ancien Régime. Pour les patriotes tricastins, de Castellane incarne l’archétype même du noble « aristocrate42 » et s’impose rapidement comme chef de « parti43 ». Seul le comte de la Roche d’Eurre, parrain de Joseph-François, garde une prudente expectative mais ne cache pas ses sympathies conservatrices. La Révolution bat en brèche le modèle social que Payan cherchait à construire et l’identité noble qu’il entendait donner à sa famille. En portant localement la Révolution, les Payan se placent en porte-à-faux par rapport à la plupart des élites tricastines d’Ancien Régime, trempant largement dans le « parti aristocrate ».
15Le climat politique s’appesantit davantage lorsque le « parti aristocrate » remporte les élections municipales en novembre 1791. De l’automne 1791 au printemps 1792, la ville devient un centre conservateur, accueillant les prêtres réfractaires apatrides, à la lisière d’un ancien haut Comtat44 dominé par des forces nettement contre-révolutionnaires45. Violences verbales, rixes et vexations à l’encontre des patriotes deviennent le quotidien des habitants jusqu’à ce qu’un coup de force, piloté par Joseph-François et Claude-François Payan, renverse la municipalité « aristocrate » les 1er et 2 avril 179246. Ces « journées révolutionnaires47 » parachèvent plusieurs mois de combats intenses, menés dans la presse patriote « régionale » et nationale, dans les clubs des jacobins, devant les tribunaux et les instances administratives.
16Au plus fort de la crise politique, la micro-analyse montre toutefois que les positionnements partisans ne sont pas aussi tranchés qu’ils ne le paraissent. Si François Payan rompt avec la plupart des individus qui fréquentaient son salon avant 1789, et bien que ses deux plus proches amis se retrouvent dans le camp opposé, l’intensité et l’ancienneté des liens créent une relation particulière qui semble interdire toute rupture définitive. Entre ces hommes, que désormais tout oppose, le souvenir des solidarités passées demeure et autorise encore, lorsque le besoin s’en fait sentir, le dialogue et la recherche de protection personnelle. Ainsi, lorsque les « aristocrates » conquièrent l’hôtel de ville, François Payan peut affirmer : « Je suis personnellement assuré que les nouveaux se comporteront avec prudence et modération48. » A-t-il obtenu des garanties de son ancien ami, le comte de Castellane ? C’est une hypothèse très plausible. De même, lorsque les conservateurs rédigent une adresse visant à dénoncer les manœuvres patriotes pour contrôler l’assemblée électorale tout en incriminant et en attaquant violemment les Payan, seules quelques voix s’élèvent pour protester, parmi lesquelles celle du comte de la Roche d’Eurre : « Je signe pour ce qui s’est passé lors de la dernière assemblée mais n’approuve pas les inculpations contre les Payan49. » Cette formulation restrictive est particulièrement éclairante. De la Roche d’Eurre confirme son attachement au camp « aristocrate » mais, en refusant d’incriminer les Payan, s’inscrit en porte-à-faux. François Payan n’est pas en reste. Si, lors des émeutes du 2 avril 1792, Esprit-Joseph de Castellane ne déplore que la dévastation de son hôtel particulier et peut s’enfuir facilement, c’est probablement à son vieil ami qu’il le doit. D’ailleurs, dès la fin du mois d’avril, le comte de Castellane est autorisé à revenir après avoir fait acte de soumission. Un retour aussi rapide du chef du « parti aristocrate » a très certainement été favorisé par son amitié passée avec le patriarche des Payan. Bien qu’il soit, hélas, impossible de le prouver formellement, il semble très probable que l’ancienne et solide amitié qui unissait jadis les deux hommes ne soit pas totalement effacée. Même au plus fort du Gouvernement révolutionnaire, de Castellane n’est pas inquiété outre-mesure. S’il est « naturellement » suspect en tant qu’ex-noble et parent d’émigré, il n’est pas lui-même directement attaqué ni menacé pour son passé « aristocrate ». Cette protection – dont d’autres individus présentant le même profil ne bénéficient pas – est probablement l’œuvre de François Payan. La survivance de tels liens amicaux très distendus – mais jamais totalement rompus – a été également observée par divers historiens dans d’autres espaces de très forte conflictualité, comme le Comtat50 ou la Vendée51. En parallèle, la Révolution ouvre de nouveaux horizons amicaux, rapprochant et soudant au sein d’un même combat, des individus qui partagent les mêmes opinions politiques.
Amitiés révolutionnaires : conscience politique et construction de nouveaux liens amicaux
17Si les fractures révolutionnaires effacent d’anciennes amitiés, le partage de conceptions politiques identiques et l’engagement partisan, notamment l’expérience combattante52, créent des conditions propices à donner naissance à un nouveau type d’amitié : l’amitié révolutionnaire.
18Loin de se traduire par un total isolement de la famille, le délitement de la structure relationnelle établie par François Payan réactive et amplifie les rapports et les solidarités de voisinage, favorisant dès lors un repli des Payan sur leur environnement plus ou moins proche. En effet, l’étude du cadastre tend à démontrer que les alliés politiques des Payan les plus impliqués dans le processus révolutionnaire vivent presque tous à l’échelle du même quartier – celui du club des Jacobins, dont les frères Payan sont les principaux animateurs –, et pour certains, à celle du même îlot urbain. Par conséquent, dans cette petite ville, où les habitants se connaissent, au moins de vue, les nouveaux liens politiques tissés par la Révolution se superposent aux liens de voisinage préexistant, dont ils tirent toute leur force et leur vitalité, et qu’ils amplifient. L’analyse des actes notariés des Payan montre bien que les relations entretenues avec les voisins se cantonnent, tout au long de l’Ancien Régime, à de stricts rapports de voisinage. Ils ne sont jamais invités à signer un acte, quel qu’il soit, ce qui constitue un bon indice de la proximité entre individus53. La Révolution change la donne en multipliant les occasions de rapprochement. Ainsi, l’apothicaire Mourard, vivant à moins de 100 m des Payan, sert comme capitaine en second de Joseph-François dans la garde nationale, puis intègre la municipalité Payan en janvier 1790, enfin retrouve les deux frères au club des Jacobins, dont il est l’un des membres les plus actifs. Il contribue, avec d’autres amis politiques, comme les frères Favier, à la victoire contre les « aristocrates » en avril 1792. Ces exemples pourraient être multipliés. En définitive, le partage de convictions communes, comme la défense de la nouvelle Église révolutionnée, et la lutte contre les « aristocrates », sous toutes ses déclinaisons, transcendant les distinctions sociales, rapprochent, au sein d’un même combat politique, des voisins et des acteurs qui, parfois, ne faisaient que se croiser par le passé ou qui pouvaient n’avoir que des contacts très limités. La Révolution renouvelle en profondeur les rapports sociaux. Cette intense vie politique, à l’échelle du quartier, n’est pas sans rappeler celle qui anime certaines sections des grandes villes françaises, Paris en tête54, ou ces formes de sociabilités particulières que l’on retrouve également dans de nombreuses villes italiennes.
19La mobilité politique et géographique des frères Payan leur ouvre par ailleurs de nouveaux horizons amicaux. Au sein du département de la Drôme, dont Joseph-François est procureur général syndic55 à partir de l’automne 1792, et Claude-François administrateur, les deux frères se rapprochent de républicains de leur trempe, comme Melleret, d’Étoile, président du département, avec qui ils s’opposent à certains administrateurs, tentés par l’aventure « fédéraliste » au cours de l’été 179356. Installé à Valence57, Joseph-François fréquente également la société républicaine où il sympathise avec ses principaux animateurs qui deviennent des amis tels que les frères Forrest, le menuisier Allié, ou retrouve des connaissances, comme Jean-Pierre Melleret, fils aîné du président de l’administration départementale, dont l’amitié avec les frères Payan lui vaut d’être nommé l’un des quatre juges de la Commission populaire d’Orange58. Sans recenser toutes les nouvelles amitiés forgées par la Révolution, nous devons tout de même évoquer la rencontre entre Claude Payan et Robespierre59. Député à la barre de la Convention pour présenter l’adhésion du département de la Drôme à la Constitution de 1793, Claude Payan rencontre le député Robespierre lors de la fête du 10 août, sans doute par l’entremise des Jullien de la Drôme. La suite est bien connue60. Cette amitié propulse les frères Payan sur le devant de la scène parisienne : Claude-François intègre l’hôtel de ville comme agent national après les purges hébertistes de mars 1794 tandis que Joseph-François est nommé commissaire de l’instruction public. L’attachement de Claude-François pour Robespierre est sincère, comme en témoigne notamment son acharnement à organiser la résistance de la Commune le soir du 9 thermidor. Cette brève amitié révolutionnaire se conclut tragiquement par l’exécution de Claude-François, partageant le même sort et les mêmes convictions politiques que son ami.
20Ces amitiés révolutionnaires sont-elles durables ? Dans la plupart des cas, elles ne survivent pas à la chute des Payan. À Saint-Paul-Trois-Châteaux, les principaux alliés de la famille, tels que les Mourard ou les Favier, ayant lié leur destin à celui des frères Payan dans la lutte sans-merci qu’ils ont livrée contre les « aristocrates », les renient à présent, fustigeant les « infâmes et traîtres Payan61 ». Véritable malaise, traduisant la sensation d’avoir été trompé par des « criminels », comme le laisse entendre la propagande thermidorienne62, ou habile stratégie pour que le glaive des représentants en mission63, Méaulle en tête, ne s’abatte pas sur les « satellites » composant l’imposante galaxie Payan dans le Midi de la France ? Toujours est-il que même des amitiés antérieures à la Révolution ne résistent pas au séisme politique du 9 thermidor. Marc-Antoine Jullien, un ami d’enfance de Joseph-François mais également proche de Claude-François, et son épouse Rosalie condamnent « leur rébellion envers la patrie64 ».
21Néanmoins, l’intensité des combats politiques des années 1791-1793 fait naître quelques amitiés sincères, solides et, surtout, durables. Après la disgrâce de son mari, entraînée par la chute de ses enfants, Marthe Isoard, veuve Payan, vit seule, durant ses dernières années, à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Les quelques lettres écrites à son fils aîné, réfugié en Suisse jusqu’à l’amnistie de brumaire an IV, révèlent que d’anciens compagnons de lutte des Payan, tel que le maçon Ayasse, voisin des Payan, n’ont pas abandonné la famille et subviennent aux besoins de la veuve jusqu’à sa mort au début du xixe siècle65. L’expérience combattante et l’appartenance à une minorité politique66 en butte à un environnement qui lui est résolument hostile ont créé des liens particulièrement forts, dont la survivance, dix à vingt années plus tard, sous des formes de solidarités ou d’entraides, reflètent la sincérité des sentiments et la durabilité des engagements. Natalie Petiteau a déjà montré combien les fidélités républicaines se maintiennent sous le Consulat et l’Empire67. Dans le cas des Payan, ces fidélités débouchent sur une union : le mariage, en 1809, de Joseph-François Payan avec Sophie Melleret, fille d’Antoine Melleret, président du département de la Drôme en 1792-1794 et l’un de ses anciens amis politiques. En épousant Melleret, Payan ne consolide pas seulement une vieille amitié, il pousse l’amitié révolutionnaire à son paroxysme.
⁂
22En plaçant la focale sur la famille Payan, la perspective micro-analytique montre combien le processus révolutionnaire éprouve les liens sociaux, et plus particulièrement amicaux, et donne à voir ces bouleversements au plus près des vécus des acteurs. Si durant les dernières décennies du xviiie siècle, François Payan s’attache l’amitié des élites aristocratiques dauphinoises auxquelles il aspire à s’intégrer, la Révolution bat brutalement en brèche ce schéma relationnel. À l’heure des choix, les engagements politiques fracturent les cercles amicaux et rejettent les amis dans des camps antagonistes. Si les anciennes relations mondaines sont balayées d’un revers de main, les amitiés aristocratiques les plus fortes ne s’effacent pas totalement. Les liens se distendent jusqu’à déboucher sur une véritable rivalité politique mais qui, au nom d’une intense et sincère amitié passée, interdit toute rupture définitive et, surtout, toute issue tragique. Au plus fort de la conflictualité politique, le dialogue, sans doute assorti d’une certaine protection personnelle, semble encore possible entre François Payan et le comte de Castellane, ce qui est d’autant plus intéressant qu’il est totalement rompu entre les frères Payan et l’ancien ami de leur père. Seule la mort des deux protagonistes (Payan meurt en 1794, Castellane en 1797) clôt cette relation si particulière. En parallèle, la nouvelle culture politique révolutionnaire amplifie les liens sociaux préexistants (voisinages) ou en façonne de nouveaux, cimentés par l’expérience combattante et l’intensité des luttes politiques. Cette expérience, les Payan l’ont partagée avec la minorité patriote tricastine, lors de leur combat contre la municipalité « aristocrate » entre 1791-1792 ou, à une échelle plus importante, avec les Montagnards drômois, et plus largement méridionaux, qui se regroupent derrière eux pour bloquer l’avancée des « fédéralistes » en 1793. Le sentiment de vivre et de partager un combat qui détermine l’existence, au moins politique, du groupe soude ses membres et nourrit une amitié révolutionnaire intense, intrinsèquement liée à l’engagement politique qu’elle conditionne. Cependant, ces amitiés politiques résistent inégalement au séisme de l’été 1794. Si maints amis et alliés abandonnent les Payan après thermidor, convaincus, ou feignant de l’être, par leur « trahison », certains liens résistent aux passions politiques et se renforcent durant la période postrévolutionnaire. À une époque où l’engagement révolutionnaire est désormais proscrit, les solidarités entre anciens compagnons de lutte, allant parfois jusqu’à des unions matrimoniales, maintiennent bien vivace l’idéal de fraternité républicaine, et avec lui l’une des composantes essentielles de l’amitié révolutionnaire.
Notes de bas de page
1 AD Drôme, 356 J 126, lettre de François Payan à son fils Joseph-François, 26 mai 1782.
2 Esprit-Joseph de Castellane (1720-1797) appartient à une puissante et ancienne famille noble ayant droit aux honneurs de la Cour. Après une carrière classique dans l’armée, Esprit-Joseph se fixe à Saint-Paul-Trois-Châteaux où il devient l’un des plus importants propriétaires fonciers.
3 Citons, sans prétention d’exhaustivité : Ravis-Giordani Georges (dir.), Amitiés. Anthropologie et histoire, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 1999 ; Bidart Claire, L’amitié. Un lien social, Paris, La Découverte, 1997.
4 Daumas Maurice, Des trésors d’amitié : de la Renaissance aux Lumières, Paris, Armand Colin, 2011 ; Braud Michel et Daumas M. (dir.), L’amitié dans les écrits du for privé et les correspondances de la fin du Moyen Âge à 1914, Pau, Presses universitaires de Pau et des pays de l’Adour, 2014.
5 Horowitz Sarah, Friendship and Politics in Post-Revolutionary France, University Park, Penn State University Press, 2013.
6 On trouvera quelques pistes très stimulantes dans Linton Marisa, Choosing Terror. Virtue, Friendship and Authenticity in the French Revolution, Oxford, Oxford University Press, 2013 ; Rolland-Boulestreau Anne, Les notables des Mauges. Communautés rurales et Révolution (1750-1830), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.
7 Sur ce genre historique : Lévi Giovanni, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, Paris, Gallimard, 1989 ; Ginzburg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle, Paris, Aubier, 1980.
8 Revel Jacques, « Micro-analyse et construction du social », dans Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience. Textes rassemblés par Jacques Revel, Paris, Gallimard/Seuil, 1996, p. 15-36.
9 Burstin Haim, Révolutionnaires, pour une anthropologie politique de la Révolution française, Paris, Vendémiaire, 2013.
10 Passeron Jean-Claude et Revel Jacques (dir.), Penser par cas, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005.
11 Nous préparons actuellement un travail plus poussé sur cette dynastie politique.
12 Castellano Juan-Luis et Dedieu Jean-Pierre (dir.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS Éditions, 1998 ; Lemercier Claire, « Analyse de réseaux et histoire de la famille : une rencontre encore à venir ? », Annales de démographie historique, no 1-2005, p. 88-112.
13 Voir notamment Flamein Richard, La société fluide. Une histoire des mobilités sociales (xviie-xixe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018 (plus particulièrement le chap. iv, p. 161-205).
14 Bellavitis Anna, Casella Laura et Raines Dorit, Construire les liens de famille dans l’Europe moderne, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013.
15 Bardet Jean-Pierre et Ruggiu François-Joseph (dir.), Au plus près du secret des cœurs ? Nouvelles lectures historiographiques des écrits du for privé, Paris, PUPS, 2005.
16 Ruggiu F-J., Beauvalet Scarlett et Gourdon Vincent (dir.), Liens sociaux et actes notariés dans le monde urbain en France et en Europe, Paris, PUPS, 2004.
17 Arnaud Eugène, Histoire des protestants du Dauphiné aux xvie, xviie et xviiie siècles, Genève, Slatkine Reprints, 1970, 3 vol. ; Boulet François, Cogne Olivier et Gal Stéphane (dir.), Protestants en Dauphiné. 500 ans d’histoire (xvie-xxie siècles), Grenoble, PUG, 2017.
18 Laurence Jean-Marie (dir.), La notabilité urbaine xe-xviiie siècle, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, coll. « Histoire urbaine » no 1, 2007.
19 Michel Cassan (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne : pouvoir, culture, identité, Limoges, PULIM, 1999.
20 Descimon Robert, « La vénalité des offices et la construction de l’État moderne. Des problèmes de la représentation symbolique aux problèmes du coût social du pouvoir », dans Descimon R., Schaub Jean-Frédéric et Vincent Bernard (dir.), Les figures de l’administrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal, Paris, Éditions de l’EHESS, 1997, p. 77-93.
21 Coulomb Clarisse, Les Pères de la patrie. La société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières, Grenoble, PUG, 2006.
22 Soulingeas Yves, « La chambre des comptes de Grenoble », Bulletin de l’Académie delphinale, 10e série, no 2, février 1997, p. 46-51.
23 Pontet Josette, Figeac Michel et Boisson Marie (dir.), La noblesse de la fin du xvie siècle au début du xxe siècle un modèle social ?, Bordeaux, Atlantica, 2002, 2 vol.
24 Chevé Joëlle, « L’être et le paraître nobles en Périgord en 1789 », dans Constant Jean-Marie, Debord André, Ruggiu François-Joseph et Baury Roger (dir.), L’identité nobiliaire. Dix siècles de métamorphoses (ixe et xixe siècles), Le Mans, Publication du Laboratoire d’histoire anthropologique du Mans, 1997, p. 313-326.
25 Castan Yves, Honnêteté et relations sociales en Languedoc (1715-1780), Paris, Plon, 1974 ; Gutton Jean-Pierre, La sociabilité villageoise dans la France d’Ancien Régime, Paris, Hachette, 1979.
26 Favier René, Les villes du Dauphiné aux xviie et xviiie siècles, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1993, p. 261.
27 ADD, 356 J 126, lettre de François à son fils Joseph-François, 26 juin 1781.
28 Compère Marie-Madeleine et Julia Dominique, Les collèges français (xvie-xviiie siècle), t. 1, Paris, Institut national de recherche pédagogique, 1984, p. 608-622. Le choix d’une école royale aussi éloignée du Dauphiné n’est pas un hasard. Contrairement à de nombreuses familles dauphinoises qui envoient leur enfant au collège de Tournon ou même à Juilly, les Payan placent leurs enfants à Sorèze, l’un des établissements les plus renommés, notamment par la qualité de ses enseignements. Sans doute aussi, est-il plus facile de paraître noble dans un établissement où les élites dauphinoises, minoritaires, ne risquent pas de contrarier la stratégie ascensionnelle de François Payan.
29 Fine Agnès, Parrains, marraines. La parenté spirituelle en Europe, Paris, Fayard, 1994.
30 Mouysset Sylvie et Thomas Jack, « Livres de raison, Livres de réseaux ? Parenté spirituelle et hiérarchie urbaine : Toulouse et Rodez aux xvie et xviie siècles », dans Pouvoirs de la famille, familles de pouvoir, Toulouse, CNRS/université de Toulouse-Le Mirail, 2005, p. 405-420.
31 Michallet Bernard, « Résilience. Perspective historique, défis théoriques et enjeux cliniques », Frontières, 22, 1-2, automne-printemps 2009-2010, p. 10-18.
32 De nombreux chercheurs ont déjà montré le poids des réseaux dans les élections révolutionnaires. Voir notamment, sans exhaustivité, à l’échelle régionale : Jessenne Jean-Pierre, Pouvoir au village & Révolution. Artois 1760-1848, Lille, PUL, 1987, p. 238 et suiv ; au niveau local : Rolland-Boulestreau A., Les notables des Mauges…, op. cit., p. 116-132.
33 Sur cette thématique, Margadant Ted W., Urban Rivalries in the French Revolution, Princeton, Princeton University Press, 1992.
34 AM Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 6, délibération municipale du 17 novembre 1790.
35 Brun-Jansem Marie-France, La Révolution au quotidien à Grenoble. Histoire de l’administration municipale (1789-1795), Grenoble, PUG, 2018.
36 Blondy Alain, « La commission des Réguliers (1766-1784). Un joséphisme à la française ? », dans Morgain Stéphane-Marie (dir.), Libertas Ecclesiæ. Esquisse d’une généalogie (1650-1800), Toulouse, 2010, p. 281-295.
37 Ozouf-Marignier Marie-Vic, La formation des départements. La représentation du territoire français à la fin du xviiie siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.
38 Martin Jean-Clément, Religion et Révolution, Paris, Anthropos-Economica, 1994.
39 Tackett Timothy, La Révolution, l’Église, la France. Le serment de 1791, Paris, Éditions du Cerf, 1986.
40 Duport Anne-Marie (dir.), Religion, Révolution, contre-révolution dans le Midi, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1990 ; Chopelin Paul, Ville patriote et ville martyre. Lyon, l’Église et la Révolution, 1788-1805, Paris, Letouzey & Ané, 2010.
41 Pour une mise en perspective récente : Hou François, Chanoines et chapitres de France entre deux mondes, thèse de doctorat sous la direction de Philippe Boutry, université Paris I-Panthéon-Sorbonne, 2019.
42 Alzas Nathalie, « La représentation du noble, enjeu de la mobilisation patriotique pendant la Révolution », dans Bourdin Philippe (dir.), Les noblesses françaises dans l’Europe de la Révolution, Rennes, PUR, 2010, p. 563-570.
43 Sur l’utilisation problématique du terme de « parti » : Peyrard Christine, « Partis, factions, lignées et pouvoir local », Rives nord-méditerranéennes, no 1, 1998, p. 19-23.
44 Lapied Martine, Le Comtat et la Révolution française. Naissance des options collectives, Aix-en-Provence, PUP, 1996.
45 Pour une mise en perspective régionale, nous renvoyons le lecteur à la publication de notre thèse de doctorat : Soulas Nicolas, Révolutionner les cultures politiques. L’exemple de la vallée du Rhône, 1750-1820, Avignon, Éditions de l’université d’Avignon, 2020.
46 Chevalier Jules, Saint-Paul-Trois-Châteaux pendant la Révolution française, Valence, Jules Céas, 1910. Après avoir appelé en renfort les gardes nationaux et les clubistes des villages voisins, les Payan et leurs alliés s’emparent de la petite ville le 2 avril. Les soldats pillent les maisons des « aristocrates » tandis qu’une partie des édiles démissionne sous la pression et les violences. Claude Payan est élu par la suite procureur général syndic de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
47 Boulant Antoine, La journée révolutionnaire. Le peuple à l’assaut du pouvoir (1789-1795), Paris, Passés composés, 2021.
48 AD Drôme, 356 J 126, lettre de François à Joseph-François, 28 novembre 1791.
49 AD Drôme, L 1309, papiers Payan, sans date.
50 Lapied Martine, Le Comtat et la Révolution française…, op. cit., p. 159.
51 Rolland-Boulestreau Anne, « Entrer en guerre civile en Anjou. Les notables à l’heure des choix (1792-1793) », dans Caron Jean-Claude et Ponsard Nathalie (dir.), La France en guerre. Cinq « années terribles », Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 25-40.
52 Sur ce concept : Cochet François (dir.), Expérience combattante, xixe-xxie siècles, Paris, Riveneuve, 2011-2015, 4 vol.
53 Ruggiu F-J., Beauvalet S. et Gourdon V. (dir.), Liens sociaux et actes notariés…, op. cit.
54 Genty Maurice, Paris 1789-1795. L’apprentissage de la citoyenneté, Paris, Messidor, 1986 ; Burstin H., Une révolution à l’œuvre : le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Seyssel, Champ Vallon, 2005.
55 Andro Gaïd, Une génération au service de l’État. Les procureurs généraux syndics de la Révolution (1780-1830), Paris, SER, 2015.
56 Pour une mise au point sur la trame événementielle : Nicolas Jean, La Révolution française dans les Alpes, Dauphiné et Savoie, Toulouse, Bibliothèque historique Privat, 1989 ; Pierre Roger (dir.), 240 000 Drômois. Aux quatre vents de la Révolution, Valence, Notre Temps, 1989.
57 Sur Valence pendant la Révolution : Rochas Adolphe, Journal d’un bourgeois de Valence du 1er janvier 1789 au 9 novembre 1799, Grenoble, Allier, 1891.
58 Et de partager leur sort tragique en juin 1795.
59 Voir la superbe biographie que lui consacre Leuwers Hervé, Robespierre, Paris, Fayard, 2014.
60 Peyrard Christine, « Portrait d’un jacobin méridional : Claude Payan en 1793 », dans Mélanges Michel Vovelle. Volume aixois. Sociétés, mentalités, cultures France (xve-xxe siècles), Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 1997, p. 367-373.
61 Archives municipales de Saint-Paul-Trois-Châteaux, RV 4, délibérations de la société républicaine, 21-23 thermidor an II.
62 Tulard Jean, Les Thermidoriens, Paris, Fayard, 2005 ; Chavanette Loris, Quatre-vingt-quinze. La Terreur en procès, Paris, CNRS Éditions, 2017.
63 Biard Michel, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, CTHS, 2002.
64 Duprat Annie, « Les affaires d’État sont mes affaires de cœur. » Lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution 1775-1810, Paris, Belin, 2016, p. 319.
65 AD Drôme, L 1309, papiers Payan, lettre de Marthe Isoard à Joseph-François Payan, sans date (mais postérieure à 1794).
66 Peyrard Christine (dir.), Minorités politiques en Révolution, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2007.
67 Petiteau Natalie, « Les fidélités républicaines sous le Consulat et l’Empire », AHRF, 346, 2006, p. 59-74.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008