Utopistes, radicaux et universalistes. Les francs-maçons aux origines de la IIIe République1
p. 59-76
Texte intégral
1L’extrême droite française a toujours considéré la Troisième République comme la créature de la Franc-maçonnerie, comme l’instrument de sinistres complots ourdis par les loges. Bien sûr, la République n’était pas dirigée par un complot maçonnique, mais sa dette à l’égard de la Franc-maçonnerie ne peut être contestée. On estime que pendant la période allant de 1877 au début de la Première Guerre mondiale 40 % des ministres, à l’exclusion des militaires, étaient francs-maçons2. Chaque fois que le régime se trouvait confronté à des difficultés politiques, comme lors de l’affaire Dreyfus, la Franc-maçonnerie ne manquait pas de lui apporter son soutien. Les affinités entre les loges et le régime étaient également idéologiques, bien que le caractère précis de la filiation morale entre la Franc-maçonnerie et la République reste encore à déterminer.
2On prétend souvent que les loges des années 1860 et 1870 avaient donné naissance à une nouvelle « génération positiviste » pleine de promesses qui ne tarda pas à mettre à l’écart la cohorte vieillissante des anciens dirigeants, les vieilles barbes de 1848. Les jeunes positivistes, légalistes et pleins de bon sens, rejetaient avec mépris la rhétorique sentimentale et fraternelle des vieux quarante-huitards. Ils définirent un républicanisme différent, pragmatique et dépouillé de tout contenu radical ; il semble, qu’après tout, une telle stratégie s’avéra payante. La Seconde République, née de la révolution de 1848, ne survécut pas à sa quatrième année. La Troisième République, fille de la génération positiviste, dura près de soixante-dix ans.
3Une nouvelle génération est effectivement arrivée dans les loges au milieu du xixe siècle. La Franc-maçonnerie a connu un afflux de nouveaux membres sous le Second Empire. Le nombre d’ateliers, de chapitres* et autres niveaux d’organisation affiliés au Grand Orient, l’obédience la plus importante en France, est passé de 244 en 1857 à 392 en 18703. Beaucoup des nouveaux membres, qui plus est, étaient des positivistes, comme Émile Littré, le disciple le plus célèbre d’Auguste Comte, qui adhéra en 1875. Que Jules Ferry ait été initié lors de la même cérémonie témoigne du resserrement des liens entre la Franc-maçonnerie, le positivisme et la république libérale4.
4Pour cette étude, je me propose de présenter une vision différente de l’évolution de la Franc-maçonnerie et par conséquent des courants idéologiques qui ont alimenté la Troisième République. Le Second Empire s’est donné pour objectif d’étouffer la vie publique dans les années 1850 et la Franc-maçonnerie n’a pas échappé à cette entreprise d’étouffement par l’État. En 1854 le régime imposa une nouvelle constitution autoritaire au Grand Orient et entreprit d’imposer un candidat officiel au niveau le plus élevé de la Franc-maçonnerie, la Grande Maîtrise. Cependant, les francs-maçons s’irritèrent de la tutelle impériale. Des loges dissidentes lancèrent une campagne destinée à réaffirmer l’autonomie institutionnelle de l’Ordre, et cette campagne prit immédiatement une tournure politique, débouchant sur une opposition républicaine mal dissimulée.
5La radicalisation de l’opposition maçonnique s’inscrit pour une part en réaction contre le poids de l’oppression de l’État, mais elle avait également une source interne à l’Ordre lui-même. Le coup d’État bonapartiste de 1851 avait disséminé les militants de la gauche démocratique et socialiste. Beaucoup de ces vieux routiers (saint-simoniens, proudhoniens, fouriéristes, utopistes et socialistes de tout poil) trouvèrent refuge dans les loges. Cette vieille génération a contribué à la définition de la stratégie maçonnique pour les batailles institutionnelles du milieu du siècle. Leur activisme et les campagnes qu’ils orchestrèrent donnèrent naissance à un courant distinct du radicalisme maçonnique (fédéraliste, anticlérical et ultra démocratique) qui se manifesta par des actions orientées vers un ensemble de causes progressistes liées entre elles : le pacifisme, le féminisme et le mouvement coopératif.
6Le mélange des générations et des idéologies dans les loges du Second Empire nous mène à certaines conclusions générales relatives à la Troisième République elle-même. D’abord, que l’héritage idéologique du régime était beaucoup plus riche qu’on peut le supposer. Le positivisme libéral tel qu’il fut adopté par Ferry ou Littré a laissé son empreinte sur le caractère de la nouvelle république. Mais il en fut de même pour l’utopisme démocratique qui remonte au-delà de la Seconde République, aux années 1830 et 1840. Ainsi, et cela constituera ma seconde conclusion, le régime apparaît moins exclusivement comme l’œuvre de pragmatiques décidés à prendre un nouveau départ. Les radicaux et les visionnaires ont également contribué à la création de la république, et dans cette mesure le régime ne représentait pas tant une rupture avec le passé révolutionnaire du républicanisme qu’un accomplissement de ce passé révolutionnaire.
Entreprendre la République : le Grand Orient dans la tourmente (1851-1870)
7Les autorités impériales considéraient la Franc-maçonnerie avec méfiance, non sans raison. En mars 1848 une délégation de francs-maçons rendit une visite de cérémonie au gouvernement provisoire pour vouer obéissance à la nouvelle Seconde République. Bien que les loges n’aient joué qu’un rôle mineur dans le mouvement démocratique et socialiste des années 1849-1851, la Franc-maçonnerie gardait une coloration républicaine qui la rendait suspecte aux yeux du régime impérial né du coup d’État de 18515. Louis-Napoléon alla même jusqu’à envisager la liquidation totale de l’Ordre. Le Grand Orient, informé du danger, sollicita la protection d’un membre de la famille Bonaparte, Lucien Murat. Celui-ci sembla un candidat acceptable pour le régime qui le nomma Grand Maître en 1852. Mais Murat s’avéra être moins un protecteur qu’un tenant d’une discipline stricte. La Constitution de 1854, constitution imposée par l’État, investit le Grand Maître de grands pouvoirs de décision, que Murat utilisa pour annihiler ou « mettre en sommeil » bien plus d’une centaine de loges6.
8La Franc-maçonnerie de province fut la plus durement touchée. Au cours des dix premières années du règne de Napoléon III, plus de la moitié des loges de province fermèrent leurs portes, 120 sur 222. La Franc-maçonnerie était essentiellement tournée vers Paris, un caractère qui se renforça dans le climat répressif des années 1850. En 1858, près d’une quarantaine des loges de la France métropolitaine avaient leur siège à Paris. Il n’est donc pas étonnant que les premiers ferments d’opposition à la politique menée par Murat soient apparus au sein des loges parisiennes. Vers la fin des années 1860 un renouveau des loges de province se fit sentir, mais, même alors, les loges parisiennes gardèrent la prépondérance dans les luttes à mener7.
9L’opposition suscitée par la politique menée par Murat se cristallisa en 1861. La Constitution de 1854 fixait la durée du mandat du Grand Maître à sept ans, au bout desquels il devait être remplacé par un candidat élu (et non plus nommé) par un vote à la majorité simple au cours du convent* annuel des représentants des loges. Puisque 1861 était une année électorale, les dissidents entendaient bien saisir cette occasion. Les premiers signes de troubles apparurent au début du printemps. Murat, qui était également sénateur de l’Empire, avait voté en faveur de la présence de troupes françaises à Rome. Luc-Pierre Riche-Gardon, Vénérable de la loge parisienne Le Temple des Familles dénonça le prince comme l’allié de l’obscurantisme papal et fut immédiatement destitué. Murat, qui comptait se présenter aux élections suivantes, pensa qu’il s’agissait d’un début de cabale. À la mi-mai, quelques semaines avant le vote, il destitua une demi-douzaine de francs-maçons accusés de menées conspiratrices. Sans se laisser décourager, les comploteurs se réunirent chez Charles Fauvety, Vénérable de La Renaissance par les Émules d’Hiram (encore une loge parisienne) et se mirent d’accord pour présenter la candidature du Prince Jérôme Bonaparte pour remplacer Murat. Cette décision mit dans l’embarras au moins un des frères, Jean-Marie Caubet, de La Rose du Parfait Silence (troisième loge parisienne). « La dynastie des Bonaparte », écrit-il plus tard, « n’avait rien en elle-même qui pût inspirer confiance à la république maçonnique ». Mais cette stratégie s’avéra payante. Lorsque le convent se réunit, la candidature de Murat était promise à la défaite. De désespoir il décréta un report de l’élection. Les dissidents se réunirent malgré tout. Murat, furieux, appela la police pour interrompre la session, disciplina tous les francs-maçons ayant pris part à cette session et prorogea le convent jusqu’à octobre. Mais devant la menace de nouveaux troubles à l’automne, le préfet de police décida d’ajourner le convent sine die8. Le coup de force de Murat, ainsi que les troubles qui s’ensuivirent, persuadèrent l’empereur lui-même d’intervenir. Il imposa un nouveau Grand Maître, le maréchal Bernard Pierre Magnan, qui prit ses fonctions en 1862. Dans un geste d’apaisement, Magnan réintégra dans leur grade les francs-maçons qui avaient été suspendus.
10Cependant, les dissidents continuèrent leur agitation. Magnan proposa de présenter une pétition aux autorités impériales, demandant que le Grand Orient soit désigné « institution d’utilité publique ». Ceci aurait permis à la Franc-maçonnerie de bénéficier d’avantages financiers, et le Conseil de l’Ordre, un conseil consultatif composé de vingt et un membres élus au convent annuel, apporta son soutien au projet de Magnan. Un seul membre du conseil exprima son désaccord : André Rousselle dénonça cette mesure comme « une cause de servitude ». Selon lui, l’État pourrait ainsi exercer son droit de surveillance sur des institutions déclarées d’utilité publique, ce qu’il ne manquerait pas de faire pour réduire la liberté d’action de la Franc-maçonnerie. Les loges firent parvenir au conseil un important courrier, se faisant l’écho de la mise en garde de Rousselle. L’émoi suscité par l’affaire persuada les instances dirigeantes de la Franc-maçonnerie d’en référer au convent de 1863 pour trancher. Les opposants au projet de Magnan reçurent le renfort de Jean-Claude Colfavru de l’Étoile Polaire ainsi que d’Alexandre Massol de La Renaissance par les Émules d’Hiram. Massol stigmatisa le projet en assurant qu’il s’agissait « d’une aliénation de notre liberté » qui menaçait de transférer le centre de décision des loges constituées vers le Grand Maître et en fait vers l’État lui-même. La Franc-maçonnerie n’était pas une organisation centralisée mais une « confédération » de loges, une sorte de république fédérale. Les exhortations de Colfavru et Massol emportèrent l’assentiment de l’assemblée qui rejeta la proposition de Magnan sans coup férir9.
11La résistance au projet Magnan déboucha sur une attaque contre la Constitution de 1854, et ce à trois niveaux. D’abord les dissidents se plaignaient des pouvoirs quasi régaliens que le document conférait au Grand Maître. Ensuite l’opposition voulait purger la constitution de son « langage théologico-féodal ». Était particulièrement visé l’article 1 qui affirmait l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. Enfin, l’enjeu était les privilèges de ce que l’on appelle les grades supérieurs (Frères de la Rose-Croix, Chevaliers de Kadosch, etc.). Ces hauts dignitaires jouissaient de la double appartenance, en tant qu’initiés des loges « bleues » (auxquelles tous les francs-maçons appartenaient), et en tant que membres cooptés des ateliers supérieurs d’élite (auxquelles seuls les hauts grades pouvaient appartenir). Dans la mesure où aussi bien les loges bleues que les ateliers d’élite avaient le droit d’être représentées au convent annuel, les francs-maçons de haut grade étaient doublement représentés. Pour les dissidents, ce système tenait d’un esprit hiérarchique « contraire à l’essence toute démocratique de la Franc-Maçonnerie ». Ils condamnaient les hauts grades en tant qu’importation « d’origine catholico-féodale » et réclamaient leur abolition10.
12La campagne menée par les dissidents fut d’abord couronnée de succès. Le convent de 1865 fut déclaré constituant, mais la nouvelle constitution qui émergea des débats apporta une déception aux réformateurs. Certes le caractère électif du Grand Maître était réaffirmé ; son mandat ramené de sept à cinq ans ; et Magnan étant mort à la veille du convent, un nouveau Grand Maître, le relativement libéral général Émile Mellinet, avait été choisi. Mais le convent refusa d’éliminer la référence à Dieu figurant dans l’article 1 de la Constitution. Le vote des grades supérieurs ayant été décisif, Le Monde maçonnique, l’organe principal de l’opposition, accusa les grades supérieurs d’être responsables de ce recul. Quant aux hauts grades eux-mêmes, ils n’échappèrent à l’élimination que par un vote de 86 voix contre 8311.
13Les revers de 1865 ne découragèrent cependant pas les réformateurs. Les loges dissidentes (La Renaissance par les Émules d’Hiram, Mars et les Arts, La Rose du Parfait Silence) donnèrent une série de conférences, au cours desquelles ils exprimèrent leurs doléances concernant un grand nombre de sujets. Massol lança un nouveau journal d’opposition, La Morale indépendante. De nouvelles loges furent créées, qui devinrent en peu de temps le point focal de l’opposition, en particulier la loge parisienne L’École mutuelle, dirigée par une série de jeunes avocats talentueux : Rousselle, Jean-Jules Clamageran, Eugène Delattre, Amédée Dréo. De tels efforts pour mobiliser l’opinion ne furent pas vains.
14Le Grand Maître fut le premier à tomber sous les coups de l’opposition. Le mandat de Mellinet prit fin en 1870, et le convent se tint cette année-là en avril. À la surprise même des dissidents, il vota le principe de l’abolition complète de la fonction de Grand Maître, en attendant de consulter les loges. Pendant ce temps il nomma pour une durée d’un an Léonide Barbaud-Laribière, un journaliste républicain vétéran de 1848. Les implications démocratiques de l’élection de Babaud n’échappèrent pas au candidat lui-même qui, résumant la récente évolution du Grand Orient, s’exclama : « Un prince du sang, Murat ! Un maréchal de France, Magnan ! Un général sénateur, Mellinet ! Enfin un simple journaliste de province. » Une nouvelle strate sociale avait accédé au pouvoir dans la Franc-maçonnerie bien avant que Gambetta n’évoque « son arrivée et sa présence » sur la scène nationale. Barbaud était également conscient de ce qu’on attendait de lui : qu’il agisse comme prête-nom et qu’il en réfère donc au Conseil de l’Ordre pour toutes les décisions importantes. Par la suite et comme on pouvait s’y attendre, les loges indiquèrent leur préférence indiscutable pour la disparition de la Grande Maîtrise, malgré les drames de la guerre de 1870-1871 et de la guerre civile. Le convent de 1871 entérina la décision, mettant un terme à ce qu’un franc-maçon appela « l’ère monarchique » de l’Ordre et achevant son « acheminement vers une organisation réellement démocratique12 ».
15L’attaque en règle contre la Grande Maîtrise se doubla d’opérations plus insidieuses en direction des hauts grades. À la veille du convent de 1870, le frère Ratier présenta un rapport au Conseil de l’Ordre demandant l’abolition des loges d’élite. « Toutes ces appellations nobiliaires et féodales, affirmait Ratier, blessent les principes d’égalité et de fraternité qui dominent notre institution » et sape « toute ambition d’être le plus parfait modèle de la démocratie ». La question fut finalement soumise au convent de 1872. L’assemblée vota non pas de supprimer les ateliers supérieurs, mais de leur refuser toute représentation aux réunions annuelles, ce qui scella rapidement le destin de l’article premier13.
16Les représentants de l’élite, ayant constitué un obstacle à la révision de l’article 1, avaient maintenant disparu. Le problème fut résolu définitivement lors du convent de 1877, réuni en pleine crise du seize mai. Le pasteur Frédéric Desmons, de Nîmes, proposa une motion visant à supprimer les références à Dieu dans la constitution. Selon lui, la réforme ne prenait pas pour cible les croyants qui pouvaient encore trouver leur place dans la Franc-maçonnerie. Elle visait à mettre fin à la discrimination dont étaient victimes les athées, à cause des prescriptions déistes de l’ancienne constitution. Le convent adopta la motion présentée par Desmons à une écrasante majorité14.
17La décision du Grand Orient d’embrasser le sécularisme marqua un tournant, non seulement dans son histoire interne, mais également dans ses relations avec les mouvements maçonniques à l’étranger. Les Grandes Loges d’Irlande, d’Angleterre et des pays scandinaves suspendirent immédiatement toute relation avec les Français. Les relations entre les francs-maçons français et les francs-maçons allemands avaient déjà souffert du conflit entre la France et la Prusse, quand les loges allemandes, contrairement au principe d’internationalisme, avaient décidé d’approuver la décision de Bismarck d’annexer l’Alsace et la Lorraine. L’abandon du déisme par le Grand Orient renforça les sentiments antifrançais parmi les maçons allemands qui étaient plus traditionalistes et plus religieux15.
18Les luttes constitutionnelles des années 1860 et 1870 se centraient certes sur une exigence d’autonomie, mais une autonomie par rapport à quelle institution ? Par rapport à l’État, ses serviteurs et ses représentants qui réagirent avec un esprit de résistance. Dans un tel contexte institutionnel, la dissidence maçonnique prit inévitablement un caractère antagoniste. L’exigence d’autonomie s’exprima en termes chargés de républicanisme. Pour les dissidents, la Constitution de 1854 avait des relents d’Ancien Régime. Elle consacrait le pouvoir monarchique, elle reconnaissait les titres féodaux, elle encourageait la réaction catholique. La cause réformiste, par contre, était démocratique, égalitaire et laïque. Les dissidents envisageaient un Grand Orient, débarrassé de son autoritarisme bonaparto-royaliste, qui se refondait en une fédération de loges autonomes. Les francs-maçons aimaient à se considérer comme une avant-garde morale. Ils s’étaient embarqués dans une entreprise de républicanisation dans les années 1860, se posant en modèle pour le reste de la nation. En fait, si la France elle-même devenait républicaine, c’était en partie grâce aux efforts de militants tels que Rousselle et Delattre, tous deux futurs députés, qui avaient fait leurs armes dans la Franc-maçonnerie avant d’entrer dans l’arène politique.
19Le virage de la Franc-maçonnerie vers le républicanisme dans les années 1860 ne relevait pas d’un choix contre nature. Le caractère et le comportement autoritaires de l’État bonapartiste avaient poussé les francs-maçons à s’engager dans le mouvement républicain, mais il existait également des raisons internes. Ce qui est frappant à propos des militants des loges du Second Empire, c’est le nombre de républicains, pas seulement de républicains libéraux mais de républicains radicaux, utopistes et même mystiques16.
Les francs-maçons radicaux
20Au plus fort de la crise constitutionnelle de 1861-1862, les partisans de Murat avaient tourné en dérision Riche-Gardon et ses alliés en les qualifiant de « mystagogues et socialistes », une accusation qui n’était pas dénuée de fondement17. Professeur de philosophie et homme de gauche, Riche-Gardon avait consacré sa vie à la recherche de « l’ultime religion ». Comme messager de la rédemption de l’humanité, il attendait la « révélation de la loi universelle » et était attentif, en particulier, à ce que disaient les prophétesses18.
21L’attirance de Riche-Gardon pour le transcendantal était partagée par Henri Carle et Charles Fauvety, tous deux francs-maçons actifs, membres de la loge La Renaissance. Carle, qui avait été auparavant communiste Icarien, rédigea un tract intitulé Alliance religieuse universelle, qui préconisait la création d’États-Unis de la Pensée19. Dans les années 1860, il trouva une tribune régulière pour de telles élucubrations « théophilanthropiques » dans les pages de l’Opinion nationale, un journal de libres penseurs, édité par Adolphe Guéroult, un franc-maçon ancien saint-simonien. L’itinéraire de Fauvety était similaire. Il avait travaillé au Représentant du Peuple de Proudhon en 1848, puis, dans les années 1850, avait été le coéditeur avec Charles Lemonnier (comme Guéroult, un saint-simonien devenu franc-maçon) d’un journal de spéculations morales et spirituelles, La Revue philosophique et religieuse. Fauvety était également l’hôte d’un salon qui attirait une clientèle bigarrée : les féministes Jenny d’Héricourt et Juliette Lamber (qui deviendra plus tard Juliette Adam), le fouriériste François Cantagrel (également membre de La Renaissance), le philosophe kantien Charles Renouvier, ainsi qu’Eliphas Lévi, le mage de l’occultisme20.
22Riche-Gardon, Carle et Fauvety n’étaient pas non plus très différents d’autres dissidents maçonniques de l’Empire. Colfavru avait été un militant de club en 1848, puis un proudhonien avant de devenir activiste franc-maçon. Comme de nombreux socialistes visionnaires de sa génération, il était attiré par l’Égypte, où il passa huit années, de 1872 à 1880. Massol également avait vécu au Moyen-Orient. Dans le sillage de la révolution de 1830, il était devenu saint-simonien, loyal même dans l’adversité. En 1833, lorsque le Père Enfantin s’embarqua pour son voyage malheureux en Égypte, à la recherche du messie féminin, Massol était parmi le dernier carré de fidèles à vouloir le suivre.
23Ce sont de tels hommes (légataires du socialisme utopique, républicains radicaux à la recherche d’absolu) qui dirigeaient les principales loges. Dès 1862, Massol devint l’inspirateur de La Renaissance par les Émules d’Hiram. À Mars et les Arts, les figures dominantes étaient Montanier et Léon Richer, tous deux journalistes vétérans à l’Opinion nationale. Montanier, un républicain de toujours, tenait une rubrique scientifique pour Guéroult. Richer rédigea une série d’articles qu’il publia plus tard sous le titre de Lettres d’un libre penseur à un curé de campagne, et qui examinait en détail et avec bienveillance les efforts (parmi les libres penseurs, les juifs libéraux et les protestants libéraux) visant à définir le cadre d’une religion rationnelle21. La Rose du Parfait Silence était le domaine de Caubet. C’était en fait un positiviste, mais également un « jacobin d’idées » et un intime de Massol22.
24Dans la mesure où La Morale indépendante de Massol peut être considérée comme représentative, la presse dissidente, au même titre que les loges dissidentes, était dirigée par des libres penseurs radicaux. Un groupe de collaborateurs remarquables travaillait au journal : Henri Brisson, François Coignet, Ange Guépin, et Frédéric Morin. Brisson, le plus jeune d’entre eux, était destiné à une longue carrière politique chez les républicains : il sera le premier Premier ministre radical en 1885 et un des membres fondateurs du Parti radical en 1901. Coignet et Guépin étaient relativement anciens en politique, le premier en tant qu’ancien fouriériste, le second en tant qu’ancien saint-simonien. Quant à Morin, il était professeur de philosophie lorsqu’il fut révoqué par Bonaparte pour avoir refusé de jurer fidélité à l’Empire. Dans sa jeunesse, il avait adhéré au socialisme chrétien de Philippe Buchez, avant d’évoluer vers le rationalisme libre penseur dans les années 1850.
La vision utopique
25Beaucoup des dissidents maçonniques étaient d’anciens utopistes, comme Morin, qui durent tempérer leur idéalisme de jeunesse sous les coups de la répression impériale. Un retour au réalisme ne signifiait pas pour autant un abandon total des convictions transcendantales et religieuses. Les francs-maçons exaltaient la raison, la science et l’éducation rationnelle, mais ces valeurs terre à terre ne pouvaient être qu’au service d’un humanitarisme visionnaire.
26Les francs-maçons n’épousaient une éthique rationaliste en partie que comme un antidote à la théologie catholique et à l’éclectisme cousiniste. La loi morale, selon Massol, était inscrite dans le cœur des hommes, et, grâce à l’exercice de la raison, cette loi pouvait être connue. Les hommes portaient en eux les ressorts de l’action consciente et étaient capables de choix moral sans l’intervention d’autorités extérieures telles que l’église ou l’université.
27Mais quel était le statut ontologique précis de la loi morale ? Les hommes de La Morale indépendante répondaient à cette question par une profession de foi dualiste kantienne. La réalité morale existait en dehors du monde matériel ; elle fonctionnait selon ses propres règles, qui étaient totalement intelligibles. Une science de la morale était possible, mais il s’agissait d’une science plus proche des mathématiques que de la physiologie ou la médecine. Pour de nombreux moralistes, cependant, la solution kantienne n’était pas satisfaisante. Poser en principe l’autonomie de la réalité morale ne répondait pas après tout à la question de savoir comment cette réalité était apparue. Les partisans de la religion rationnelle, comme Riche-Gardon et Richer y voyaient la main d’une divinité bienveillante à l’origine de la vie morale. Des francs-maçons d’origine protestante libérale, comme par exemple Clamageran et Desmons, donnaient à ce raisonnement une tournure plus explicitement dénominationale. Les protestants libéraux concevaient la science comme « une sorte d’impression mystérieuse de la divinité ».
« Dans la mesure où la conscience participait du sacré, son fonctionnement était inaccessible à la seule raison. L’aide nécessaire était fournie par Les Écritures. La connaissance du bien résultait d’un libre examen de la Bible, et par libre examen, on entendait non seulement une lecture rationnelle mais une lecture éclairée par “un sentiment religieux”23. »
28Dans les rangs de l’opposition maçonnique, de nombreuses voix (kantiennes, déistes, protestantes) participèrent au débat moral. Ils rejetaient tous la doctrine catholique comme un affront à la souveraineté morale de l’individu, mais ce rejet ne les empêchait pas de placer la conscience individuelle dans un monde supérieur, de nature soit métaphysique soit religieuse.
29Le scientisme maçonnique était motivé par un mélange comparable d’anticléricalisme et d’aspirations transcendantales. La doctrine du polygénisme remettait en cause la version biblique de la création, affirmant que l’espèce humaine était apparue à plusieurs endroits à la fois. L’Église, bien entendu, abominait cette doctrine, mais pas la Franc-maçonnerie. En fait, le principal partisan du polygénisme, le Rouennais protestant Félix Pouchet, était lui-même un franc-maçon qui prenait souvent la parole au cours des tenues24. Le zèle des francs-maçons à réfuter les enseignements catholiques les amenait parfois à adhérer à des théories qui, pour nos esprits plus avertis, méritent à peine l’appellation scientifique. Soucieux de découvrir les fondements matériels de l’intelligence et de la morale, Paul Broca, le fondateur de l’anthropologie physique moderne, mit au point des méthodes « scientifiques » de mesure du cerveau et du crâne. Le Journal des Initiés de Riche-Gardon présenta la craniométrie comme une grande découverte scientifique, une avancée par rapport à la phrénologie. En 1870, Guépin, lui-même jeune adepte de la phrénologie et adepte de la philosophie « magnétiste », dressa une liste des héros scientifiques de la Franc-maçonnerie qui concluait sur les noms de Gall, Broussais, et Bernard25.
30Les francs-maçons adoptèrent la cause de la science (et de la pseudo-science) en tant qu’arme contre la théologie chrétienne, mais aussi, selon les mots de Guépin, en tant que « moyen de conciliation universelle ». La science affirmait que l’homme est un être naturel, un membre du règne animal, même s’il est privilégié. Les animaux font partie d’un ordre inférieur mais sont quand même nos frères et méritent par là même un traitement humain. La science insistait également sur la fraternité entre les hommes. Les hommes, bien qu’ils aient des origines diverses, participaient d’un même univers moral. Les francs-maçons étaient, en fait de chauds partisans de l’émancipation des noirs. Abraham Lincoln, lui-même franc-maçon, était célébré comme une grande figure de l’humanité qui, « suivant l’exemple de la Convention en France et de Wilberforce en Angleterre », avait aboli l’esclavage, fléau de l’humanité. À la fin des années soixante, en fait, les relations entre le Grand Orient et son équivalent aux États-Unis furent rompues précisément à cause du refus des loges américaines d’admettre les noirs en leur sein26.
La fraternité universelle et la solidarité internationale.
31Le scientisme professé par les dissidents maçonniques avait un souci rédempteur, et il en va de même de sa philosophie pédagogique. L’engagement des francs-maçons dans l’éducation rationaliste est bien connu. Les années 1860 connurent un regain d’efforts en faveur de l’enseignement primaire laïc et universel, sous la forme d’une campagne dirigée par la Ligue de l’Enseignement de Jean Macé, fondée en 1866. Très vite, les loges accordèrent leur soutien à la Ligue, même s’il resta mesuré. Mais il faut ici procéder à un certain nombre de mises au point.
32Les polémistes catholiques condamnèrent la Ligue de l’Enseignement comme une création maçonnique, mais la Ligue à ses débuts devait autant aux utopistes qu’aux francs-maçons et, en fait, il est souvent difficile de faire la part des choses. Évidemment Macé était un ancien socialiste démocratique. Mais ses premières recrues venaient de chez les utopistes : Guéroult, François Arlès-Dufour, le courtier en textile de Lyon, un des associés les plus loyaux d’Enfantin, et l’utopiste philanthrope Auguste Verdure. Le cercle parisien de la Ligue attira tout un éventail de personnalités : Clamageran, Massol, Richer, tous francs-maçons, et Camille Flammarion, auteur de science-fiction et amateur de l’occulte27. Lorsque des francs-maçons participaient à la campagne pour l’éducation universelle, ils se retrouvaient côte à côte avec des utopistes, et parfois même des mystiques.
33Et les francs-maçons prêtaient le serment de l’éducation universelle avec le plus grand sérieux. L’École mutuelle ouvrit une école du soir en 1869. Située dans un quartier populaire, avec des enseignants francs-maçons, l’École professionnelle de la coopération entreprit d’enseigner aux ouvriers les principes de l’association et de « l’économie sociale ». Ce n’était pas la première fois que la Franc-maçonnerie s’essayait à l’éducation professionnelle. En 1862, Elisa Lemonnier et Mme Adolphe Bertillon ouvrirent une école, La Société Libre pour l’Enseignement Professionnel des Jeunes Filles, afin de donner une compétence pratique aux jeunes filles arrivant sur le marché du travail. Les maris de Bertillon et de Lemonnier étaient tous deux des francs-maçons actifs, ce qui permet de comprendre l’affirmation du Monde maçonnique selon laquelle les idées maçonniques avaient présidé à la naissance de l’école. L’école, qui plus est, souscrivait à un certain nombre de valeurs (« la tolérance, le respect de soi et des autres, le dévouement, la sincérité, la fraternité et, par-dessus tout, la haine de l’oisiveté ») qui ne manquaient pas d’encourager les militants, si nombreux dans les loges dissidentes, qui conservaient le souvenir d’un passé visionnaire28.
34De fait, quand on en venait à enseigner de tels principes, aucune institution n’était mieux qualifiée, ni plus enthousiaste que la Franc-maçonnerie elle-même. Les dissidents concevaient leur ordre comme une école mutuelle, une école de démocratie qui inculquait les principes de compagnonnage et de solidarité. La société des loges était le Temple de Salomon reconstruit, le phare qui faisait reculer l’obscurité et éclairait le chemin qui mène au nouvel ordre de fraternité universelle29. L’éducation, telle que la concevaient les francs-maçons, était à la fois pratique, morale et régénératrice.
35Le projet rédempteur de la Franc-maçonnerie de ce milieu de siècle présupposait que de nombreuses différences avaient été aplanies entre nations hostiles, entre hommes et femmes, entre ouvriers et bourgeois. Mais cette perspective ne semblait pas faire reculer les francs-maçons, qui étaient prêts à se dévouer corps et âmes au service de la réconciliation universelle, et c’est peut-être dans ce domaine que l’héritage utopiste de la Franc-maçonnerie est le plus patent.
36L’engagement maçonnique envers la fraternité humaine signifiait avant tout une opposition à la guerre, qu’elle soit internationale ou civile. À partir de 1867, la Suisse fut l’hôte d’une série de conférences de la paix. Les conférences débouchèrent sur la création d’un organisme permanent, la Ligue de la Paix et de la Liberté, et à une publication régulière, Les États-Unis d’Europe, éditée par Charles Lemonnier. En 1870, le Grand Orient exprima ses regrets devant l’ouverture des hostilités entre la France et la Prusse et s’était promis de venir en aide aux familles des francs-maçons blessés ou tués « sans distinction d’origine », un geste qui ne manquait pas de courage en pleine mobilisation générale des opinions publiques. Pendant la Commune, les loges essayèrent de s’interposer entre les belligérants. Une réunion fut organisée en avril 1871 au quartier général du Grand Orient, et les participants appelèrent les Versaillais et les Communards, au nom de l’humanité, à mettre fin à cette lutte fratricide. Après la chute de la Commune, les francs-maçons, sous la houlette de Massol et Brisson, furent les premiers à collecter des fonds pour les victimes de la répression versaillaise30.
37Pour Massol et Lemonnier, la guerre était la conséquence du militarisme et de l’autoritarisme des gouvernements. Les armées permanentes et les dictateurs s’entendaient pour imposer le despotisme dans leur pays et la guerre sur la scène internationale. Pour briser le cercle, il était nécessaire de commencer dans le pays même, de dissoudre les armées de métier et de les remplacer par des milices de citoyens, de démanteler les régimes impériaux, et de les remplacer par des institutions républicaines. Il n’y aurait plus de guerre, des différends, certes, mais de ceux qui peuvent se régler dans des cours d’arbitrage internationales. Une Europe de dynasties se faisant la guerre, laisserait la place à des États-Unis d’Europe, une fédération de peuples vivant en harmonie31. Selon la vieille idée saint-simonienne, les perspectives d’un futur internationaliste dépendaient de l’avancement de l’industrie. Les objectifs utopistes n’étaient pas abandonnés, dans le contexte plus réaliste des années 1860 et 1870, mais de nouveaux espoirs étaient maintenant placés dans le triomphe de la république plus que dans le progrès économique.
38De la même manière, la refonte des principes utopistes peut se remarquer dans les débats maçonniques sur le rôle de la femme. La quête du messie féminin était abandonnée ; l’aspiration à une réconciliation des genres était cependant préservée, réconciliation, fruit non pas d’une union cosmique, mais d’arrangements quotidiens dans la vie de couple. Les francs-maçons s’engagèrent résolument dans le mouvement féministe des années 1860. Maria Deraismes, égérie du nouveau féminisme, prononça son premier discours au Grand Orient en 1866, grâce aux bons offices de Richer. Richer lui-même lança un hebdomadaire féministe en 1869, Le Droit des Femmes, et une année plus tard il fonda une organisation de propagande et de collecte de fonds, la Ligue française pour le droit des femmes (LFDF). En 1866, des sympathisants féministes formèrent un comité destiné à promouvoir une réforme de la législation sur le mariage. Parmi la quinzaine de participants connus, on compte une demi-douzaine de francs-maçons : Brisson, Clamageran, Adolphe Clavel, Charles Floquet, Lemonnier et Morin32.
39Mais le féminisme n’était pas plus qu’un courant mineur dans les loges. Lorsqu’en 1868 la loge Le Travail entreprit d’initier une femme, le Conseil de l’Ordre s’y opposa33. Maria Deraismes et Clémence Royer (le premier traducteur de Darwin en français) durent adhérer à des loges indépendantes, non affiliées au Grand Orient. Et ce qu’il faut garder à l’esprit, ce n’est pas seulement les limites du féminisme maçonnique mais aussi ses priorités.
40Les féministes francs-maçons étaient partisans de l’accès des femmes à l’enseignement. Mais elles avaient tendance à concevoir l’école, davantage comme un lieu où l’on prépare la femme à son rôle de ménagère heureuse et vertueuse, qu’à une vie de travail. Une épouse sachant lire et écrire et ayant de l’instruction faisait une compagne compréhensive et une bonne mère de famille. Rousselle encourageait ses frères francs-maçons à élever leurs filles, non pour qu’elles deviennent de belles courtisanes, des Phrynés d’aujourd’hui, mais des Cornélies modernes, qui, comme la matrone romaine de la légende, éduquent leurs fils pour en faire des serviteurs de la république. L’éducation, dans la mesure où elle protégeait la femme contre les méfaits de l’obscurantisme et de la coquetterie, préparait les jeunes filles à leur état de mère de famille, pour qu’elles donnent naissance aux futures générations de garçons voués à la république34.
41Un mélange de préoccupations assez voisines sous-tendait l’engagement maçonnique dans le combat pour la réforme de la législation sur le mariage. Celui-ci devait être selon eux, non pas une relation de subordination, le seigneur dominant le serf, mais une association morale de partenaires égaux unis par le respect mutuel et un tendre attachement. Le mari et la femme devaient par nature assumer des rôles différents, l’homme gagnant le pain du ménage et la femme tenant sa maison. Cependant, une telle division du travail n’excluait pas qu’ils coopèrent pour atteindre des objectifs familiaux et sociaux. En fait, un mariage qui manquerait de cet esprit de coopération perdrait sa raison d’être, et un divorce serait alors conseillé. Un foyer dans lequel l’harmonie et l’affection règnent est une source de bonheur pour toute la famille. Le Code civil en vigueur exaltait le patriarcat, et la famille patriarcale à son tour engendrait des comportements autoritaires et monarchiques. Mais, modifiez le Code civil pour transformer le foyer en une cellule morale, et les enfants apprendront de nouveaux comportements fondés sur la réciprocité et la solidarité qui les prépareront à une citoyenneté républicaine35.
42La réconciliation des genres envisagée par les féministes francs-maçons mènerait à l’émancipation des femmes, à la moralisation de la vie domestique, et à la mise en place du foyer républicain. La défense de la conciliation des genres était présentée au moyen d’une rhétorique ponctuée de mots propres à un utopisme endurant : association, mutualité, coopération. Et de la même manière que l’association était la promesse de relations harmonieuses entre les sexes, elle était la promesse de la réconciliation des classes.
43Les dissidents francs-maçons considéraient le réveil du mouvement ouvrier comme un combat semblable au leur. L’Ordre ne proclamait-il pas aussi la dignité du travail ? Les outils du franc-maçon, le compas et l’équerre n’étaient-ils pas les symboles mêmes de la Franc-maçonnerie ? Si les francs-maçons s’enthousiasmaient pour l’associationnisme ouvrier, c’était en partie parce qu’ils considéraient leur Ordre lui-même comme une association, un temple de la coopération et de la mutualité. Et si le mouvement ouvrier caressait l’espoir d’un internationalisme humanitaire, il en allait de même avec les francs-maçons. Ils voulaient faire de leur Ordre un modèle de fraternité, le microcosme du futur régime social « où il n’y aura plus de guerres fratricides, plus de castes ni de parias, où le genre humain proclamera son unité originelle36 ». Le travail, la mutualité, la fraternité, tels étaient les principes essentiels de la Franc-maçonnerie, et c’étaient aussi, du moins le pensait-on, les idéaux du mouvement ouvrier.
44Les francs-maçons agissaient à la base pour affirmer cette communauté présumée de principes en patronnant certaines institutions ouvrières. Ils se réjouirent de la formation de la Première internationale comme « une application des principes fondamentaux de la Maçonnerie ». Fauvety fut parmi les premiers actionnaires de L’Association, périodique publié pour la première fois en 1864 et qui se définissait comme l’organe officiel du mouvement coopératif renaissant. La même année, Lemonnier créait un organisme syndical de crédit spécialisé dans les services financiers destinés « aux ouvriers et aux petits négociants37 ».
45La Franc-maçonnerie française, au cours de sa campagne pour l’autonomie institutionnelle, se forgea une image à part dans la communauté maçonnique internationale. La politique démocratique et laïque du Grand Orient, le sérieux de son engagement pour la cause de la fraternité entre tous les hommes, qu’ils soient noirs ou blancs, le distinguait des mouvements maçonniques de la plupart des pays du Nord de l’Europe et des États-Unis. Mais bien plus importantes encore furent les conséquences, en France, des luttes institutionnelles maçonniques.
46Le Grand Orient au sortir des luttes du milieu du siècle, apparaissait comme le bastion du républicanisme, à la fois en termes de structures et d’adhérents. Le legs de la Franc-maçonnerie à la république était double. Elle léguait un groupe de militants qui se mettaient au service du public comme députés et, dans le cas de Brisson et de Floquet, comme Premiers ministres. De plus, les loges préservaient et transmettaient un héritage idéologique bien distinct. Elles offraient un sanctuaire aux survivants d’une époque plus utopiste, et les saint-simoniens, les fouriéristes et autres chercheurs de vérité si nombreux dans leurs rangs laissèrent une trace durable sur le mouvement. Les élans pacifistes, féministes et associationnistes des années 1830 et 1840 furent nourris et rajeunis par la pratique et l’expérience.
47Ces principes et ces préoccupations furent transmis aux générations suivantes. Richer et Deraismes militèrent pour la cause féministe jusque dans les années 1890. Puis la direction du LFDF passa à des militants plus jeunes : Maria Pognon, Marie Bonnevial, et Marguerite Durand. Cette dernière fonda plus tard La Fronde, organe officieux du féminisme républicain au tournant du siècle. Ce journal comptait plus d’un ancien parmi ses collaborateurs, en particulier l’ancien compagnon d’armes de Richer et Deraismes, Clémence Royer38.
48L’associationnisme et le pacifisme francs-maçons perdurèrent également, trouvant un écho dans le mouvement Solidariste des années 1890, qui prêchait la conciliation de classe au travers de la réforme sociale et la paix mondiale grâce à l’arbitrage international. Léon Bourgeois, le père fondateur du Solidarisme, était lui-même, ce qui n’étonnera personne, un notable franc-maçon. Que les francs-maçons aient joué un rôle décisif dans la formation du Parti radical, le principal protecteur politique du mouvement Solidariste, n’étonnera personne non plus. Le congrès fondateur du Parti radical se tint en 1901. Le Grand Orient en fut l’un des principaux initiateurs, son président Desmons et quelque 155 loges affirmant leur soutien immédiat au nouveau parti39.
49Et qu’advint-il de l’engagement pour la fonction morale de l’individu rationnel ? En 1898, pendant l’affaire Dreyfus, des membres de la Ligue des droits de l’homme lancèrent un appel en faveur du colonel Picquart, officier pro-dreyfusard, victime de persécutions de la part de ses supérieurs. Parmi les signataires on trouvait Arthur Ranc et Clamageran, tous deux membres, dans les années 1860, de La Renaissance par les Émules d’Hiram, loge présidée par Massol40. En fait, plus d’un tiers des membres du premier comité d’organisation de la Ligue, parmi lesquels son président Ludovic Trarieux, étaient des francs-maçons, et les deux mouvements restèrent intimement liés pratiquement jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale41.
50La Troisième République doit beaucoup au mouvement maçonnique. Sa dette envers les positivistes libéraux des années 1860 et 1870 est établie depuis bien longtemps, mais pas sa dette envers les radicaux francs-maçons. Des hommes comme Richer, Brisson, et Massol ont maintenu en vie un humanitarisme visionnaire, modérant la fougue utopiste pour la mettre au service de la république. Ce sont de tels efforts d’adaptation qui ont dynamisé les mouvements et les organisations (le féminisme républicain, le Solidarisme, la Ligue des droits de l’homme) qui, chacun à leur façon, ont préservé un noyau d’aspirations radicales. De ce point de vue, la réussite du mouvement franc-maçon du milieu du xixe siècle ne fut pas de créer un républicanisme positiviste dé-radicalisé, mais, bien au contraire, de préserver et de renouveler l’héritage radical du républicanisme.
Notes de bas de page
1 Cet article est la traduction du chapitre « Freemasonry », du livre toujours inédit en France, The Republican Moment. Struggles for Democracy in Ninteenth-Century France, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1995, p. 15-30 et p. 259-262.
2 Jean Estèbe, Les Ministres de la République, 1871-1914, Paris, 1982, p. 210.
3 Mildred J. Headings, French Freemasonry under Third Republic, Baltimore, 1949, p. 39.
4 Voir Serge Bernstein, « La Franc-maçonnerie et la République (1870-1940) », Histoire, 49, 1982, p. 30 ; John Eros, « The Positivist Generation of French Republicanism », Sociological Review, 3, 1955, p. 255-273; François Furet, La République, de Turgot à Ferry 1770-1880, Paris, 1988, p. 499- 507.
5 Pierre Chevallier, Histoire de la Franc-maçonnerie Française, Paris, 1974, t. 2, p. 298-299 ; John Merriman, The Agony of the Republic : The Repression of the Left in Revolutionnay France, 1848-1851, New Haven, 1978, p. 59.
6 Pierre Chevallier, op. cit., t. 2, p. 328 et 379.
7 Ce n’est pas que la Franc-maçonnerie se trouvât abattue après le coup d’État de 1851. Les loges provinciales, tout autant que celles de la capitale, servirent de refuge à de nombreux républicains, alors qu’ils continuaient leur agitation politique contre le régime, même dans le climat de répression qui caractérisait les années 1850. Mais les francs-maçons de province, malgré leur engagement dans des luttes politiques plus larges, jouèrent un rôle modeste dans les luttes constitutionnelles qui agitèrent la Franc-maçonnerie elle-même. Jean-André Faucher et Achille Ricker, Histoire de la Franc-maçonnerie en France, Paris, 1967, p. 304-307 ; Raymond Huard, Le mouvement républicain en Bas- Languedoc, 1848-1881, Paris, 1982, p. 117, 132 et 323.
8 Sur la crise de 1861-1862, voir Jean-Marie Caubet, Souvenirs, 1860-1889, Paris, 1893, p. 48-68. BN, FM1 206, Registre du Conseil du Grand Maître, 1860-1863, p. 50-100 ; BN, FM1 211, liasse de 41 documents pour servir à l’histoire du Grand Orient en 1861-1862, p. 50-127.
9 Quant au débat sur l’utilité publique, voir BN FM1 206, séance du 23 février 1863, p. 244-249 ; et séances des 4 et 18 mai 1863 p. 278 et 288 ; « Assemblée annuelle du Grand Orient », Le Monde maçonnique, juillet 1863.
10 « Assemblée législative du Grand Orient de France », Le Monde maçonnique, juillet 1862, p. 130 ; « Chronique », ibid., mai 1870, p. 5 ; Isis-Montyon : proposition de révision de la constitution, BN FM1 92 bis, « Révision de la constitution, 1864 », p. 776 et 780 ; « La Renaissance par les Émules d’Hiram », proposition de révision de la constitution, ibid., p. 560-570 ; également, P. Chevallier, op. cit., t. 2, p. 461.
11 L. Redon, « Convent maçonnique de 1865 », Le Monde maçonnique, juin 1865, p. 65-87.
12 « Assemblée du Grand Orient de France », Le Monde maçonnique, juillet 1869, p. 160; « Assemblée », ibid., juin 1870, p. 86-107; « Chronique », ibid., juillet 1870, p. 134; « Chronique », ibid., novembre 1871, p. 388 et BN FM1 202, séance du 4 septembre 1871, p. 151.
13 BN FM1 201, « Procès-verbaux du Conseil de l’Ordre, 1868-1870 », séance du 11 avril 1870. Rapport de F. Ratier, p. 502-506; « Assemblée générales du Grand Orient de France », Le Monde maçonnique, août-septembre 1872, p. 210, et octobre 1873, p. 292.
14 P. Chevallier, op. cit., t. 2, p. 543.
15 Faucher et Ricker, op. cit., p. 361 ; Nadine Lubelski-Bernard, « Freemasonry and Peace in Europe, 1867-1914 », Ch. Chartfield & P. Van Den Dungen (ed.), Peace Mouvements and Political Cultures, Knoxville, 1988, 82, p. 89.
16 Une mine de renseignements biographiques sur les activistes francs-maçons dans les années 1850 et 1860 se trouve dans André Combes, « Jean-Charles Fauvety (1813-1894), fondateur de la religion laïque », Annales historiques de la Franc-maçonnerie, 19, 1977, p. 26-41 ; et « Une loge sous le Second Empire : La Renaissance par les Emules d’Hiram », Humanisme, 111, juin 1976, p. 13-17.
17 BN FM1 211, « Sédition au sein de la Maçonnerie », p. 104. L’auteur de ce document est inconnu, mais c’était probablement un partisan de Murat.
18 Ibid., p. 101-102.
19 BN FM1 211, p. 102.
20 Lemonier et Caubet fréquentaient aussi régulièrement ce salon. Voir Caubet, Souvenirs, p. 2-11.
21 Montanier, un vétéran de 1848 fut nommé préfet par Gambetta en 1870 et, pendant la Commune, préconisa la conciliation. Voir « Docteur Montanier », Le Monde maçonnique, mars-avril 1872, p. 616-625. Sur Richer, voir Caubet, « Bibliographie », La Morale indépendante, 26 juillet 1868, p. 412-413 ; D. G. Charlton, Secular Religions in France, 1815-1870, London, 1963, p. 216 ; Richer, Lettres d’un libre-penseur à un curé de campagne, Paris, 1868-1869.
22 A. Combes, « Une loge sous le Seconde Empire… », art. cit., p. 13.
23 Massol, « Bulletin », La Morale indépendante, 6 août 1865; Brisson, « Contre un équivoque », ibid., 6 août 1865; Massol, « Bulletin », ibid., 24 mars 1867, p. 264. Sur le protestantisme libéral, voir MASSOL, « Bulletin », ibid., 7 juillet 1867, p. 386 ; Caubet, « Le Protestant libéral et la morale indépendante », ibid., 7 octobre 1866, p. 78-79 ; et BN FM1 211, Riche-Gardon tel qu’il est cité dans le Journal des Initiés, décembre 1861, p. 341-342.
24 « Chronique », Le Monde maçonnique, mai 1867, p. 26.
25 BN FM1 211, extrait du Journal des Initiés, septembre-octobre 1861, p. 227; GUÉPIN, « Lettres phrénologiques », La Morale indépendante, 17 juillet 1870, p. 403-404 ; et « Esquisse d’une philosophie maçonnique », Le Monde maçonnique, août 1868, p. 237.
26 Guépin, cité dans Jules Verne de Jean Chesnau, Paris, 1982, p. 73 ; J. Gourdon, « De la transformation et origines des espèces », Le Monde maçonnique, octobre 1868, p. 385-387. Pour des exemples de la vénération portée à Lincoln, voir BN FM1 200, Procès-verbaux du Conseil de l’Ordre, 1862-1865, séances des 1er et 8 mai 1865, p. 536 et 542 ; et les remarques par Caubert et Massol dans « Le F(rère) Abraham Lincoln », Le Monde maçonnique, mai 1865, p. 44-46.
27 Caubet, « De l’œuvre de l’enseignement », Le Monde maçonnique, février 1867, p. 640 ; « Chronique », ibid., février 1869, p. 586 ; Jean Macé, Les Origines de la Ligue de l’Enseignement, 1861-1870, Paris, 1891, p. 221 et 478 ; Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune, Paris, 1978, 2, p. 275 ; Paul Chapelle, « Le Cercle parisien de la Ligue Française de l’Enseignement », Cahiers laïques, 47-48, septembre-décembre 1958, p. 86-87.
28 « Chronique de la Ligue », Ligue de l’Enseignement, 15 février 1869 ; « Nécrologie », La Morale indépendante, 10 juin 1866 ; François Favre, « Enseignement professionnel des femmes », Le Monde maçonnique, novembre 1862, p. 385 ; Charles Lemonier, Elisa Lemonier, fondatrice de la Société pour l’Enseignement des Femmes, Paris, 1974, p. 34-37.
29 L’article 1er de l’ancienne constitution affirmait la croyance maçonnique non seulement en l’existence de Dieu et en l’immortalité de l’âme, mais aussi en la « solidarité humaine ». Les deux premiers principes étaient l’objet de débats animés, pas le troisième. Sur ces questions voir, BN FM1 201, séance du 11 avril 1870, rapport du Dr Guépin, p. 496 ; Caubet, « Du rôle de la Franc- Maçonnerie dans l’avenir », Le Monde maçonnique, avril 1876, p. 523 ; Juliette Adam, Mes premières armes littéraires et artistiques, Paris, 1904, 8e éd., p. 367-368.
30 Caubet, Souvenirs, p. 7; BN FM1 202, Procès-verbaux du Conseil de l’Ordre, 1870-1872, séances des 25 juillet, 1er et 8 août 1870, p. 43 sqq ; Philip NORD, « The Party of Concilation and the Paris Commune », French Historical Studies, 15, printemps 1987, p. 21 ; BN FM1 203, Procès-verbaux du Conseil de l’Ordre, 1872-1874, séance du 25 janvier 1873, p. 71-72.
31 Sur le pacifisme des années 1860 et 1870, voir Katherine Auspitz, The Radical Bourgeoisie. The Ligue de l’Enseignement and the Origins of the Third Republic, 1866-1885, Cambridge (England), 1982, p. 87 ; I. Tchernoff, Le Parti Républicain au coup d’État et sous le Second Empire, Paris, 1906, p. 467-468 et 483. Voir aussi Lemonier, Rapport du 8 août 1875 et Ligue de la Paix (prospectus de date incertaine, années 1870) [APP B/a 1151].
32 Sur cette question, voir Claire Goldbergmoses, French Feminism in the Ninteenth Century, Albany, 1984, p. 180-188 ; Maïté Albistur et Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français, Paris, 1977, 2, p. 493.
33 BN FM1 201, séance du 11 mai 1868, p. 59-61.
34 Voir, « Chronique », Le Monde maçonnique, mars 1868, p. 662-663 ; et C. G. MOSES, op. cit., p. 201-202.
35 Adolphe-Charles Clavel, La Morale positive, Paris, 1873, p. 127 ; « Chronique », Le Monde maçonnique, juin, 1866, p. 120-121 ; Massol, « Bulletin », La Morale indépendante, 16 décembre 1866, p. 153 ; Léon RICHER, Le Code de femmes, Paris, 1883, p. 92-97.
36 « Nouvelles des ateliers », Le Monde maçonnique, octobre 1862, p. 343. Également, BN FM1 201, séance du 11 avril 1870, rapport Guépin, p. 496.
37 « Chronique », Le Monde maçonnique, juillet 1866, p. 156 ; Jean Gaumont, Histoire générale de la Coopération en France, Paris, 1924, 1, p. 464-475. Rapport du 28 janvier 1873 [APP B/a 1151].
38 Charles Sowerwine, Sister or Citizens ? Women and Socialism in France since 1876, Cambridge (England), 1982 ; Steve Hause & Anne Kenny, Women’s Suffrage and Social Politics in the French Third Republic, Princeton, 1984, p. 34-35.
39 Serge Bernstein, Histoire du Parti Radical, la recherche de l’âge d’or, 1919-1926, Paris, 1980, 1, p. 37-40.
40 Clameageran, « Appel à l’opinion », 15 juillet 1898 [APP B/a 898].
41 Henri Sée, Histoire de la Ligue des Droits de l’Homme, 1898-1926, Paris, 1926, p. 11-12 ; M. J. Headings, op. cit., p. 98-99.
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