Conclusion. Pour cultiver une sensibilité technique
p. 283-290
Texte intégral
1En commençant ce livre, nous remarquions que, chez Kant, l’exclusion des jeux de l’esthétique tenait à l’impossibilité d’articuler le jouer au jeu entraînant le plaisir esthétique. Comprendre alors comment une articulation entre jeu, jouer et jeu était possible constituait la tâche la plus importante et nécessaire pour justifier notre volonté de lier « esthétique, technique et jeux vidéo ». Or, par cette tâche même et par la nécessité de passer d’une esthétique à une aisthésique des jeux vidéo, puisque notre recherche s’ancre dans une compréhension à la fois technique et esthétique de son objet, nous avons assumé une double ambition.
2La première est de montrer la nécessité de penser les jeux vidéo pour eux-mêmes, comme une forme sensible aussi riche que d’autres arts plus établis et nécessitant le développement d’outils spécifiques pour être correctement analysée, ce qui demandait en même temps de traiter le jeu en général comme une pratique de réception sensible. La seconde ambition concerne moins ce que la discipline esthétique peut nous apprendre sur notre expérience des jeux vidéo, que ce que les jeux vidéo peuvent apporter à la philosophie du sensible elle-même. Il y a, selon nous, nécessité de penser une aisthésique des jeux vidéo, parce que ceux-ci sont des objets permettant le développement d’une faculté sensible technique à grande échelle, en utilisant « l’objet technologique le plus indispensable au monde contemporain1 », et non plus dans le cadre ésotérique d’un métier. Cela doit être l’occasion de réévaluer les rapports entre technique et esthétique au sein du sensible et au sein de la culture, travail pour lequel l’expérience du beau jeu a une valeur heuristique.
Penser sensiblement la technique à travers les jeux vidéo
3Bien que basé avant tout sur les jeux vidéo, ce livre n’a eu cesse de s’appuyer sur certains jeux tangibles, comme Magic: The Gathering2 ou le jeu de go, afin de donner à nos thèses sur le phénomène du jouer une portée générale. Mais sans doute la nature précise de l’articulation entre jeu tangible et jeu vidéo demande-t-elle à être encore précisée. Il semble bien trop faible de les comprendre comme deux genres au sein d’un même art, comme la poésie et le roman au sein de la littérature. Poésie et roman mettent en forme différemment une même matière, le langage verbal, là où les jeux vidéo informent une matière spécifique : le cyberespace comme élément indissociablement technique et sensible concrétisant l’ordinateur. Cette nécessaire information amène au moins une spécificité ontologique : l’espace du jeu vidéo est toujours une trace de gestes physiques, à la fois comme mesure et comme destination de ceux-ci, mais il peut en même temps être un lieu dans lequel le joueur joue sans y être, grâce à l’entremise d’un contrôleur3.
4Par cette différence matérielle, la relation entre jeux tangibles et jeux vidéo apparaît alors comme proche de celle liant le théâtre et le cinéma4. Il s’agit de deux arts aux possibilités esthétiques distinctes en raison de leur matière même (la scène en coprésence avec un public d’un côté, le mouvement des images enregistrées de l’autre), mais qui ont le plus souvent en partage le jeu d’acteur. Par leurs différences techniques et par le type de spectacle qu’ils produisent, les deux emmènent alors ce métier dans des directions différentes et développent des façons de jouer distinctes. Néanmoins, les deux formes restent apparentées, ce qui se voit à la fois dans les doubles carrières de certains acteurs et actrices, ou bien dans des croisements formels, comme les films reprenant codes et jeux théâtraux et qui ne sont pas seulement des citations d’un art par un autre. De même, les jeux vidéo et les jeux tangibles ne travaillent pas la même matière, mais ont en partage le jeu, comme rôle non ordinaire, en tant qu’il s’organise autour de règles et/ou de mécaniques de jeu. Il y a alors des transferts de compétence possibles d’une forme à l’autre5, et, plus largement, développement d’une culture ludique permettant d’appréhender et d’apprécier tant les points communs entre ces deux familles de jeux que les nuances mécaniques propres à chacune.
5Cette communauté technique des règles et des mécaniques, malgré le travail d’une matière différente, nous autorise à penser que les régimes d’expérience du jouer, liés à ces aspects, restent inchangés en passant du numérique au tangible6. Ces régimes d’expérience que nous avons élaborés partaient du principe que tout jouer n’était pas que l’actualisation ou la création d’un rôle non ordinaire, mais en même temps une expérience de réception de ce même rôle. Leur but était de rendre compte du plaisir sensible spécifique pris à ces rôles, ce qui nous a conduit à distinguer trois régimes d’expériences : deux régimes généraux, le jeu fermé et le jeu ouvert7, et le régime du beau jeu comme expérience réunissant dans un acte de jeu et par un beau jeu des attentions des éléments de jeu ouvert et de jeu fermé qui s’excluent normalement.
6La séparation entre jeu ouvert et jeu fermé repose sur l’idée que tout jeu, en tant qu’il est un rôle, demande un effort sensible spécifique et constitue une pratique technique. Un rôle ludique est alors défini à la fois par sa technicité, comme le lien qui se crée par et dans l’effort entre un acte et son milieu, mais aussi par les éléments non techniques auxquels cet effort donne accès ou qui viennent habiller l’effort lui-même. Et ces deux parts, le technique et le non-technique, sont toutes deux susceptibles de faire éprouver au joueur un plaisir sensible ludique. Et ces deux types d’attentions, et donc de plaisir, se retrouvent en droit dans tous les jeux, bien que les genres de jeux aient des affinités avec tel ou tel type, en fonction de leurs rythmes et de la tâche qu’ils demandent. Or, en définissant comme des pratiques techniques le jouer et le jeu, dans la mesure où une règle n’est pas autre chose qu’un effort objectivé à partir duquel ce même effort peut être imaginé, nous faisons un double pas de côté : d’une part, par rapport à la distinction traditionnelle entre game et play, d’autre part, par rapport à la question de la technique.
7Les jeux vidéo amènent un soupçon à l’égard de la partition entre jeu libre et jeu réglé comme deux domaines différents du jouer, en proposant des jeux comme Shenmue8 qui mêlent séquences de jeu réglé et séquences de jeu libre au sein d’un même objet. Un exemple de la sorte montre en fait la dimension locale de la partition entre jeu réglé et jeu libre : ces derniers sont au domaine ludique ce que la poésie et le roman sont à la littérature, des genres d’œuvres informant une même matière et qui peuvent être séparées ou bien s’hybrider en des œuvres repoussant les frontières traditionnelles9. Partant, aucune compréhension du jouer et des jeux en général comme source de plaisir sensible ne peut être fondée sur cette distinction. Le jeu est un type d’effort technique spécifique : un jeu n’accorde pas par l’effort un acte et un milieu pré-existant, il accorde par l’effort un acte et un milieu créé pour cet acte et entretenu par cet acte, le terrain de jeu – que ce terrain soit un lieu pour les gestes ludiques ou un plateau recueillant les traces de mouvements ludiques avant tout mentaux.
8Ce livre n’a cependant pas fait qu’insérer les gestes ludiques au sein du domaine technique : il leur y a accordé une place remarquable. En effet, par leur relative déconnexion de tout contexte pragmatique, les jeux permettent d’inventer des efforts nouveaux et, surtout, d’approfondir des nuances d’effort qui ne pourraient l’être dans un cadre pragmatique, comme l’ont montré, par exemple, nos analyses du besogneux comme catégorie du jugement. Pour autant, en quoi cela constitue-t-il un pas de côté par rapport à la question de la technique ?
9Le fait que nos analyses techniques se soient appuyé non seulement sur des jeux, mais également sur des pratiques autres, tout en ayant l’expérience ludique comme point de départ, montre, d’une manière encore juste esquissée, que le jouer est une relation technique à partir de laquelle une pensée plus large de la technique est possible. S’il semble difficile d’en faire un paradigme pour toutes les relations techniques, à supposer qu’un tel objectif soit souhaitable, du moins réfléchir à partir du jeu permet de mettre en valeur la part sensible de la technique – ce qui ouvre alors la question de savoir si la culture technique, dans sa part sensible, ne possède pas toujours une part ludique.
10Cette insistance sur l’aspect sensible de la technique constitue sans doute le principal écart par rapport aux manières traditionnelles de poser la question de la technique. En effet, il ne s’agit pas de dire que la technique informe nos conditions et possibilités de perception, ce qui est, au demeurant, vrai. Ce que nous avons eu à cœur de montrer est que la technique porte en elle la possibilité d’un rapport singulier au sensible lié à sa part d’effort. La question de la technique et de son essence n’est alors pas seulement une question métaphysique ou éthique, domaines à partir desquels serait comprise la manière dont elle informe la perception en informant qui nous sommes : elle est, essentiellement, et non secondairement, une question sensible. Le présent livre ne peut qu’esquisser également cette thèse et ce qu’elle signifie, mais ne pouvait faire l’économie d’une réflexion sur l’articulation entre cette manière de comprendre la technique et l’esthétique.
L’articulation à l’esthétique et la promesse du beau jeu
11Notre inscription au sein d’une tradition esthétique s’est faite avec un but différent de la plupart des études de game studies consacrée à l’aesthetics des jeux : celles-ci se fixent pour objectif de penser les liens qui existent entre les jeux et la création de sens (meaning), souvent pour interroger en retour le lien entre jeu et art10, et ne s’intéressent pas ou très secondairement à la beauté des jeux11. Le jugement sur la beauté est un jugement d’appréciation sensible qui rend compte de manière culturellement partageable d’un plaisir sensible entraîné par un jeu. Celui-ci, en « réopacifiant » notre relation au monde sensible, est une forme de culture qui développe notre faculté aisthésique tout en enrichissant notre appréhension des objets eux-mêmes. Montrer que les jeux vidéo pouvaient être de tels objets était l’un des enjeux principaux de ce livre, enjeu traversé par le problème de l’articulation entre le fait de jouer à un jeu et de sentir en soi un jeu aisthésique.
12Or, penser cette articulation a révélé, non seulement la pluralité sensible du jouer, mais aussi la pluralité des appréciations sensibles en général. Le paradoxe devant lequel nous nous sommes retrouvés était le suivant : il nous semblait possible de juger belles des séquences de jeu alors que les réquisits attentionnels de celles-ci ne permettaient pas la mise en place d’une relation esthétique, condition sine qua non du jugement d’appréciation esthétique. Notre réponse à cela a donc été de penser qu’il existe un autre type de jeu permettant une « réopacification » du sensible et pouvant entraîner un jugement d’appréciation sensible exprimant une qualité analogue à la beauté esthétique : le jeu technique, un jeu intéressé entre l’effort et son but. Ce jeu se manifeste lorsque, accomplissant effectivement ou par l’imagination un acte technique, nous aimons l’effort pour lui-même, jusqu’à souhaiter que le temps de l’effort ne s’arrête jamais12, même si nous savons en même temps que c’est uniquement parce que nous nous rapprochons d’un but que l’effort a un prix.
13Or si nous avons nommé ce jeu « sensible technique », et non « jeu ludique », c’est parce qu’il est lié à la technicité des rôles et des objets techniques en général, qu’ils soient ordinaires ou non ordinaires. Nous en faisons donc l’expérience hors de la sphère du jeu, ce que l’exemple du chant ou celui, emprunté à Buob, des luthiers de Mirecourt avait pour but de montrer. Ainsi, contrairement à ce que pensait Dufrenne, percevoir la beauté d’un objet ou d’une pratique technique n’est pas qu’une affaire d’« esthétisation » : elle est aussi une affaire de technicisation, une dynamique aisthésique différente qui approfondit la relation aux objets dans une direction autre. Or, les jeux en général et les jeux vidéo en particulier, ont un rôle heuristique pour penser la nécessité et la fécondité théorique de cette distinction sur le plan sensible entre technique et esthétique.
14Notre lecture du double saut d’octave de Franco Fagioli a certes montré la richesse et la pertinence d’une réception technique d’un objet traditionnellement reçu de manière esthétique. Néanmoins, cette lecture n’allait pas sans problème, notamment par rapport à la nécessité d’une expertise préalable du chant et par la tension qu’elle pouvait instaurer avec l’œuvre, en reléguant l’expressivité musicale sur un plan plus secondaire. À l’inverse, cette technicisation va de soi dans les jeux : le joueur est un actant qui s’attache à réaliser un effort technique qui n’a, en général, pas d’autre raison d’être que lui-même, dans la mesure où l’œuvre ludique réside en grande partie dans la relation technique qui s’instaure par le jeu. Les jeux vidéo y rajoutent une dimension supplémentaire : alors que dans les jeux tangibles, de la même manière que le faisait remarquer Frédéric Pouillaude pour la danse13, nous ne pouvons pas nous voir jouer, l’interaction avec la traduction numérique de nos gestes donne de la visibilité à une part de notre effort ludique. Ainsi, beaucoup plus que dans la pratique d’un sport, la posture du joueur de jeu vidéo emprunte à la fois à celle de l’actant et à celle du spectateur, permettant d’identifier plus facilement l’existence de cette double manière d’appréhender le sensible, notamment dans le rapport aux images.
15Mais, précisément, que cultivons-nous à travers cette relation technique au sensible qui ne pourrait pas l’être dans le cas d’une relation esthétique ? Nous avons déjà insisté sur le fait que la culture est un développement de nos facultés humaines, mais pas encore sur le fait que, comme le dit Pierre-Damien Huyghe dans Le Différend esthétique, « la culture est un processus de valorisation14 », processus qui nécessite un choix, celui de « majorer » certains aspects de la vie sur d’autres. Or, à la question de savoir ce qui est majoré au travers de la relation sensible technique, la réponse « la technique » n’est pas suffisante. Le livre de Huyghe montre bien l’importance d’un « devenir esthétique du problème de la technique15 » : l’homme est un « animal technicien », au sens où la technique lui permet de répondre à son indétermination première par rapport à son milieu16, ce pourquoi comprendre et orienter les possibilités de la technique, est alors une tâche politique de la plus haute importance. L’art, lorsqu’il fait apparaître son « fond technique », c’est-à-dire la matière et les processus qui le composent, libère la technique des usages et permet de réinterroger la manière dont celle-ci structure notre sensibilité : ainsi le cinéma permet-il, par des jeux de décalages entre le flux audio et le flux visuel d’interroger l’impression d’immédiateté et de vérité des flux audio-visuels avec lesquels nous avons appris à vivre17. Nous retrouvons alors bien les dynamiques de « réopacification », d’« étrangéisation » et de « libération » qui sont propres à l’expérience esthétique18. Et, de ce point de vue, les jeux vidéo participent à cette tâche nécessaire qu’est l’esthétisation des conditions techniques de l’audiovisuel, en raison de leur potentiel libérateur et politique19.
16Ce livre a montré que cette remise en question des conditions techniques de la sensibilité et, de ce fait, la valorisation culturelle de la richesse sensible liée à la technicité sont possibles hors de l’esthétique, par l’expérience sensible technique. À travers le chant de Fagioli, l’image saccadée de 74:78:68 ou les règles d’une carte Magic, la technicité des pratiques et des objets apparaît pour elle-même et de manière technique, c’est-à-dire comme le lien qui unit dans et par l’effort un acte à son milieu. La différence culturelle entre l’esthétique et le technique, et la nécessité de les séparer comme des domaines distincts, provient justement de cette valorisation de l’effort technique pour lui-même, que ce soit dans le jeu, où rien n’est créé, ou dans les pratiques produisant une œuvre. Sentir la beauté de l’effort réclame, pour que le jeu entre l’effort et le but se développe, de « se livrer au jeu20 » et à ses règles, par une déprise de soi rendue possible grâce à un certain degré de maîtrise préalable des gestes ludiques. Mais que gagnons-nous à cette valorisation, particulièrement dans les cas comme la musique où « [aimer] son effort pour lui-même21 » n’a rien d’évident ? C’est pour répondre à cette question que nous allons retrouver l’expérience du beau jeu.
17Si le beau jeu des attentions n’est sans doute pas exclusif aux jeux, le beau jeu est propre au domaine du ludique et se caractérise par le sentiment d’une vitalité éclatante que nous avions relié à une double source : l’intense animation due à la multiplicité et à la complexité des jeux, augmentée d’un sentiment de plénitude dû à l’accord ressenti entre élément technique et élément esthétique. Or cet accord n’est pas lui-même un accord réglé derrière lequel l’effort s’effacerait ou produirait l’élément esthétique, mais un jeu dans lequel le sentiment de l’effort est aussi nécessaire que le sentiment esthétique pour rendre cette vitalité intelligible à soi-même et aux autres, donc culturellement partageable. Par là, s’éclaire la nécessité de cultiver une sensibilité technique en plus d’une sensibilité esthétique. Il ne s’agit pas de valoriser l’effort au détriment d’autre chose, mais de rendre partageable une part de nos vies que nous aurions pu croire trop intime, trop éphémère et volatile pour faire culture, alors qu’elle est donne accès à une richesse sensible propre et permet de verbaliser, et donc de mieux sentir, ces états d’intense vitalité.
18Le beau jeu n’est pas l’expérience sensible la plus riche qui existe, bien qu’elle soit sans doute la plus animée, puisqu’elle n’est pas celle qui approfondit le plus les éléments techniques et esthétiques avec lesquelles elle est en relation. Mais par sa nature d’éclat, le beau jeu est une expérience qui doit avoir valeur de promesse : elle promet que l’effort tel qu’il est ressenti n’est pas seulement voué à s’effacer derrière ce qu’il crée et que la culture sensible qui veut être complète ne peut se passer d’une attention à lui.
Notes de bas de page
1 Triclot Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, op. cit., p. 185.
2 Magic: The Gathering, Garfield, op. cit.
3 Ma thèse distinguait deux autres spécificités, qu’il n’a pas été lieu ici de préciser et qui devraient être développées dans ce livre sur l’esthétique des jeux vidéo que j’ai plusieurs fois appelé de mes vœux.
4 Nous parlons ici de cinéma en prise réelle, et laissons de côté les dessins animés. De manière générale, cette comparaison a avant tout une valeur propédeutique, notamment parce que la relation ordinateur/joueur ne nous semble pas être le même que celle entre la caméra et l’acteur, d’autant que l’étude de ce rapport ne peut se faire sans l’étude du milieu technique au sein de laquelle elle prend place. Elle indique un rapport proche, mais non identique.
5 La capacité à chercher des objets cachés et à s’ingénier à trouver comment combiner ces objets, mécanique de base des point & click comme The Longest Journey, est ainsi mobilisée de manière proche dans les jeux d’évasion (ou escape games) tangibles, et inversement.
6 Sur ce point, la comparaison avec le cinéma et le théâtre atteint l’une de ses limites. En ne confrontant plus l’acteur au temps du spectacle et à l’œil du public, mais au temps du tournage et à l’œil de la caméra, le cinéma nous semble bouleverser beaucoup plus l’expérience de l’acteur, que le passage du jeu tangible au jeu numérique ne bouleverse l’expérience du joueur.
7 À la vérité, les formes extrêmes de jeu fermé (la compétition) et de jeu ouvert (la promenade) peuvent compter comme des régimes à part entière, mais, à nouveau, nous n’avons pu ici que les mentionner et non en distinguer précisément les spécificités.
8 Shenmue, Yu Suzuki, op. cit.
9 Des jeux tangibles, comme les jeux de rôles, peuvent eux aussi mêler ces deux dimensions, qui n’est donc pas une prérogative des jeux vidéo, mais ces derniers, par leur rapport à l’image et par la plasticité de la matière numérique, rendent cette dimension plus saillante.
10 C’est tout l’enjeu du livre de Kirkpatrick Graeme, Aesthetic Theory and the Video Game, Manchester, Manchester University Press, p. 22-30, qui retient avant tout de Kant une théorie des formes créant le sens. Cette orientation vers la question du meaning est également la question centrale de deux ouvrages parus la même année, le livre de Upton, Brian, The Aesthetic of Play, Cambridge, MA, MIT Press, 2015 et celui de Sharp John, Works of Game. On the Aesthetics of Game and Art, Cambridge, MA, MIT Press, 2015.
11 En vingt ans d’existence, la revue Game Studies n’a publié aucun article ayant la beauté pour objet principal, au contraire du sublime, auquel deux articles ont été consacrés, l’un dans une acception proche de celle d’Olivier Caïra (Vella Daniel, « No Mastery Without Mystery: Dark Souls and the Ludic Sublime », Game Studies, vol. 15, no 1, 2015, [http://gamestudies.org/1501/articles/vella], consulté le 14-02-2022), l’autre par rapport au sublime de la nature et des paysages (Martin, Paul, « The Pastoral and the Sublime in Elder Scrolls IV: Oblivion », Game Studies, vol. 11, no 3, 2011, [http://gamestudies.org/1103/articles/martin], consulté le 14-02-2022).
12 Il est à noter que cet aspect est au centre du concept de « jeu pour l’effort » (striving play) proposé par Nguyen C. Thi, Games. Agency As Art, Oxford, Oxford University Press, 2020. Je n’ai pu prendre connaissance de cet excellent ouvrage que très tardivement, et je me permets donc de renvoyer à un travail ultérieur la discussion de ses thèses.
13 Pouillaude Frédéric, « L’expression en danse », art. cité, p. 43-44.
14 Huyghe Pierre-Damien, Le Différend esthétique, Belval, Circé, 2004, p. 15.
15 Ibid., p. 134.
16 Ibid., p. 12-13.
17 Ibid., p. 157-160.
18 Massin Marianne, Expérience esthétique et art contemporain, op. cit., p. 40.
19 Voir notamment l’analyse de Rez proposée par Wark McKenzie, Gamer Theory (2007), trad. Noé Le Blanc, Théorie du gamer, Paris, Éditions Amsterdam, 2019, p. 101-114.
20 Boissière Anne, Le mouvement à l’œuvre, op. cit., p. 86.
21 Sève Bernard, L’Altération musicale, op. cit., p. 89.
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