Chapitre VII. Les jeunes du SNCC : le vieux monde est derrière eux
p. 179-200
Texte intégral
Free in ‘63. John Lewis, la génération d’Emmett Till
1Free in 1963 est l’un des slogans les plus entendus, repris par les militants du SNCC, qui désignent cette même année John Lewis pour être leur porte-parole1. Son autobiographie, Walking with the Wind: A Memoir of the Movement, est un dense volume de plus de 500 pages, dont l’essentiel est consacré aux années 1960. Il est cosigné par le journaliste Michael d’Orso, rencontré pour ce travail éditorial, comme l’indiquent les remerciements. John Lewis fait le constat de la difficulté d’écrire, en 1996, l’histoire d’événements qui datent pour certains plus de quarante ans. Il a eu besoin de parcourir les lieux de son enfance et de sa jeunesse, de Selma à Nashville, de Birmingham à Montgomery, afin de raviver ses souvenirs, et de se convaincre que son texte aurait un intérêt pour les lecteurs. Il propose une véritable histoire du mouvement à travers ses étapes principales, les Freedom Rides de 1960, la Marche sur Washington en 1963, la première marche de Selma dite du « Bloody Sunday » et la campagne d’Albany, en Géorgie, où il n’a été que peu présent.
2John Lewis nait en Alabama, le 21 février 1940, dans une famille de métayers. Il est le troisième des 10 enfants d’Eddie Lewis et de Willie Mae Lewis. Sa mère a récolté le coton pour la première fois en 1920, et cinquante plus tard elle continuait de le faire. En 1944, son père est parvenu à acheter 110 acres de terres (40 hectares environ) dans le Pike County, à un mile de distance de la maison où il est né, pour 300 dollars. À l’âge de 6 ans John Lewis participe déjà à la récolte : « Même un enfant pouvait comprendre que la vie de métayer n’était rien d’autre qu’un puits sans fond2. » Ils gagnent 35 cents pour chaque 100 livres de coton, soit à la fin de la journée moins de deux dollars pour deux cent kilos. Le Pike County est un comté pauvre de l’Alabama, qui l’est resté jusqu’à nos jours. Leur maison est isolée. Dans la ville voisine, Troy, un monument avait été érigé au début du xxe siècle pour célébrer John Wilkes Booth, l’assassin d’Abraham Lincoln – les polémiques à son propos conduisirent en 1921 à ce que le nom de Booth soit effacé. La ségrégation est partout, magasins, cinéma y compris la bibliothèque municipale. Jusqu’à l’âge de 6 ans, et une première visite à Troy, John Lewis n’avait jamais rencontré de Blancs, à part le facteur et un vendeur ambulant. À la maison on ne parle jamais d’eux, mais parfois sa mère raconte de petits incidents qu’elle a appris à la ville, où elle travaille occasionnellement.
3L’école apparaît à John Lewis comme le seul moyen d’échapper à la vie de métayer. C’est une baraque en bois, avec deux pièces où tous les niveaux sont mélangés. De vieux poêles à bois doivent être alimentés par les enfants eux-mêmes. Il n’y a pas d’eau courante, et chaque jour ils participent à la corvée collective pour en tirer du puit. Mais Lewis adore l’école. Il y apprend les noms de Booker T. Washington, du boxeur Joe Louis, de Mary McLeod Bethune ou de George Washington Carver, l’un des premiers historiens noirs3. Il est le premier de sa famille à entrer au lycée, le Pike County Training School, en 1955, à Brunbridge, dont le programme Vocational Agriculture prépare à devenir fermier plutôt qu’aux études. La bibliothèque du lycée, la première qu’il puisse fréquenter, l’émerveille, et il y passe des heures. Il y découvre la presse noire et il lit tout ce qu’il peut trouver sur le jugement de la Cour suprême Brown v. Board of Education. Il désire ardemment entrer dans la bibliothèque municipale et sa première action militante, à 16 ans, est de faire circuler dans son lycée une pétition en faveur de la déségrégation de celle-ci. Il ne rencontre que peu de succès, et ne reçoit jamais aucune réponse des autorités. Il choisit d’écrire à la NAACP pour y adhérer, parce qu’il a appris que l’association avait été interdite en Alabama. Il envoie par la poste ses 1,5 dollar en échange de sa carte d’adhérent junior.
4Cette même année 1955, sa mère trouve par hasard une annonce pour une école qui forme des pasteurs à Nashville, sans aucun frais d’inscription, les étudiants doivent simplement assumer les tâches collectives. Il s’y installe donc où il suit des études de théologie, en faisant aussi la vaisselle quotidiennement. James Bevel, bientôt lui aussi militant du SNCC, loge à quelques chambres de la sienne. Les étudiants apprennent à rédiger et à prononcer des sermons et ils écoutent avec passion le pasteur C. L. Franklin, à la radio : ce dernier, le père d’Aretha, est un « whooper au-delà de toute comparaison », un véritable artiste dans l’art du whoop, un style de prêche caractéristique des pasteurs noirs du Sud. Lewis prêche l’évangile à la manière de Martin Luther King, c’est-à-dire l’évangile social, dans la tradition de Walter Rauschenbusch, le pasteur d’origine allemande qui en fut l’un des initiateurs à New York au début du xxe siècle. Nashville est une ville du Sud, mais comparée à d’autres elle est relativement progressiste du point de vue des rapports interraciaux4. Les Noirs ont des élus au conseil municipal, et certains policiers sont Noirs, bien qu’ils n’aient pas le droit d’intervenir auprès des Blancs. Les bus sont déségrégués. Mais dans tous les commerces la ségrégation persiste, c’est le Nord du Sud.
5Le meurtre d’Emmett Till en 1954 est le dénominateur commun de cette génération : « J’étais profondément ébranlé par ce meurtre. J’avais quinze ans, un jeune Noir qui entrait dans l’âge adulte, comme lui. Ça aurait pu être moi. […]5. » Le 18 février 1956, Thomas Brewer, une figure de la NAACP en Géorgie, est assassiné par un homme du Klan. C’était un lointain parent de John Lewis qui le connaissait. La justice conclut à un homicide « justifié ». Ce meurtre le secoua plus encore que tous ceux qu’il avait appris auparavant. Au début de 1955, il entend Martin Luther King Jr. à la radio VRMA, que sa famille écoutait sans cesse : ce dernier exprimait ce que Lewis avait toujours ressenti6.
6Il cherche alors créer une section de la NAACP au sein de l’American Baptist Theological Seminary. Le président d’école le lui interdit, son budget est trop serré pour se permettre de vexer les donateurs blancs. Alors en secret John Lewis décide d’imiter Autherine Lucy qui, en 1957, a tenté d’intégrer l’université d’Alabama. Il écrit pour demander un transfert à l’université ségréguée de Troy. Faute de réponse, au bout d’un mois il écrit à Martin Luther King Jr. Ce dernier le fait venir à Montgomery pour en discuter, et Lewis obtient son soutien, à la condition bien sûr que ses parents soient d’accord, puisque son âge impose que ces derniers signent des procurations afin qu’il puisse initier une action en justice. Ils acceptent tout d’abord, mais changent d’avis, après quelques semaines, à cause du risque qui pèserait sur toute la famille.
7À Nashville, le révérend de la principale église baptiste présente à ses fidèles James Lawson, dit Jim, membre actif de la FOR, une organisation qui développe le « pacifisme du nouveau testament ». Lawson a voyagé en Inde pour y étudier Ghandi et découvrir ses méthodes. À partir de l’automne 1958, il anime tous les dimanches une formation au pacifisme radical. John Lewis est un des premiers à y participer. Ils lisent Reinhold Niebuhr sur la philosophie d’une révolution non-violente, Henry David Thoreau et le chinois Lao Tseu7. Ils étudient les principes de Ghandi, empruntés à la religion hindoue, le concept d’ahimsa, la résistance passive, et celui de satyagraha, la persistance dans la vérité8. Ils mettent en scène des agressions racistes, lors desquelles ils doivent par exemple imaginer un bébé à la place de l’agresseur. Ils font aussi un stage à la Highlander Folk School, une « retraite », qui consiste en ateliers sur la non-violence, en discussions et différents cours, tout cela accompagné de chants9. Le groupe des jeunes de Nashville formalise son existence et se baptise le Nashville Student Mouvement, avec Diane Nash, Bernard Lafayette, James Bevel, Marion Barry, tous alors influencés par James Lawson et le pacifisme radical.
8Sur un plan personnel les relations de Lewis avec sa famille se détériorent de plus en plus. Il écrit :
« J’ai perdu ma famille au printemps 1960. Quand mes parents ont appris que j’avais été arrêté […] ils étaient choqués. Choqués et couverts de honte. Ma mère ne faisait aucune distinction entre finir en prison pour alcoolisme ou pour avoir manifesté pour les droits civiques […]. Et je ne voulais plus devenir pasteur. Cela les peina autant, si ce n’est plus, que la honte de mes arrestations. Tout cela contribua à un schisme qui mit des années à se refermer10. »
9Cela ne l’arrête pas : il participe aux sit-in du 13 février 1960, pendant lesquels 124 étudiants Noirs et Blancs prennent d’assaut la ségrégation pratiquée dans les magasins de Nashville11. En avril 1960, il est présent à la conférence à l’université Shaw de Raleigh, en Caroline du Nord, convoquée par Ella Baker.
10Plus de deux cents étudiants de 56 écoles et universités de 12 États y fondent le SNCC. Parmi les 126 délégués étudiants, huit viennent de Nashville, conduits par Diane Nash et James Lawson. Ils représentent un groupe assez nombreux et surtout cohérent, et ils orientent la jeune organisation par leurs choix non-violents et leurs discours inspirés du christianisme radical de l’évangile social12. Les participants de la conférence se réunissent le plus souvent à l’abri des médias, selon le souhait d’Ella Baker, afin d’éviter que certains ne prennent la parole au nom des autres et ne monopolisent le leadership13. De même ils tiennent des sessions séparées selon leurs universités d’origine, pour éviter que le mouvement, qui a surgi spontanément dans le Sud, ne soit soumis à l’influence, même bienveillante, des étudiants les plus favorisés du Nord, car ceux de Harvard, de Yale, meilleurs orateurs, risqueraient de monopoliser la direction et de changer la nature de l’organisation. Les étudiants de Nashville, du Sud en général, n’ont pas la même facilité à formuler une motion ou à prendre la parole, et ils n’ont pas été, comme par exemple Stokely Carmichael, exposés à un milieu politisé comme celui qu’on peut rencontrer à New York14.
11Ella Baker s’oppose au représentant de la SCLC, Wyatt Tee Walker, qui aurait souhaité que la nouvelle organisation devienne l’organisation de jeunesse de la SLCL : elle permet au SNCC de voir le jour. Durant le printemps et l’été 1960, John Lewis et les autres jeunes de Nashville parcourent le pays à la recherche de soutiens. De son côté Robert Moses, un jeune enseignant en mathématiques, a comme projet de se porter volontaire auprès de King à Atlanta pour la durée de l’été 1960. Il y rencontre Ella Baker, qui est en charge de l’organisation du bureau de la SCLC à Atlanta, aidée de Jane Stembridge, une étudiante blanche née en Géorgie, qui a été convaincue par Baker, et a abandonné ses études de théologie. Elle est la première secrétaire du SNCC, qui n’a pour tout bureau qu’un coin de celui de la SLCL. Ella Baker persuade Robert Moses de les aider à préparer la 2e conférence du SNCC en octobre 1960. Il part donc seul dans le Delta du Mississippi, muni du carnet d’adresses d’Ella Baker, et les noms de différents militants de la NAACP, avec comme mission de trouver des représentants locaux pour la nouvelle organisation. C’est ainsi qu’il rencontre Amzie Moore, le président de la section locale de la NAACP à Cleveland, dans le Mississippi, qui lui offre son aide, à une condition : que l’accent soit mis sur la campagne en faveur de l’inscription sur les listes électorales, plutôt que sur les campagnes de déségrégation, du type des sit-in, dont les objectifs ne concernent pas les plus pauvres des Noirs. Pour les militants du Sud, la lutte pour le pouvoir noir, à travers l’élection, importe avant tout15. Moses et Moore se mettent d’accord sur un projet : faire venir des dizaines étudiants du Nord dans le Mississippi pour y lancer une mobilisation. Leur rencontre est décisive, pour le SNCC, qui n’était encore qu’un nom, et pour le mouvement.
12James Lawson munit les jeunes du SNCC d’une théorie et d’une vision qui les distinguent aussi bien du reste de la société que des organisations traditionnelles. Il met l’accent sur les fondements moraux et spirituels de leur mouvement, qu’il place avant les arguments légaux ou sociaux. Il critique vivement la NAACP et ses méthodes de collecte de fonds, qui ne servent qu’à financer des procès qu’il nomme « des demi-mesures d’accommodement16 ». Lors de la deuxième conférence du SNCC, qui se tient du 14 au 16 octobre 1960 à Atlanta, une véritable organisation se met en place. En avril, la première rencontre s’était tenue dans une période d’intense mobilisation avec la vague des sit-in. Cette réunion rassemble des activistes qui ont déjà plusieurs mois d’expérience : 140 délégués et suppléants, de 46 centres de mobilisation différents, et 80 observateurs venus des universités du Nord. Par ailleurs différentes organisations y participent : le tout jeune Student for a Democratic Society, SDS, le SCEF, les représentants de la Highlander Folk School, et des groupes marxistes, le Socialist Party et son organisation de jeunesse la Young People’s Socialist League17. Les délégués décident d’appliquer la stratégie du « jail no bail », c’est-à-dire qu’en cas d’arrestation les militants ne réclameront plus leur libération en échange d’une caution, afin de dénoncer l’illégalité de leur emprisonnement. James Lawson critique les méthodes des organisations des « adultes », qui feraient mieux, au lieu de se précipiter pour verser des cautions, de se préoccuper du système qui conduit en prison les activistes. En effet, ces cautions, le plus souvent versées par la NAACP ou la SCLC, leur conféraient une forme d’autorité morale sur les plus jeunes.
13Les rapports avec la SCLC se dégradent. Les jeunes snickers, comme ils sont désormais souvent nommés, prennent leur distance, comme le note John Lewis, du fait « d’une méfiance profonde envers les vieilles valeurs de la classe moyenne au sein de la SCLC et à cause de sa critique de notre action. Tout cela déboucha sur un conflit entre King et la fraction la plus jeune du mouvement18 ». La SCLC et le SNCC revendiquent la fin de la ségrégation, mais ces deux générations militantes ne donnent pas le même sens à ces mots, comme l’explique Jane Stembridge :
« Je ne pense pas que les jeunes du SNCC, même au tout début étaient intéressés par la fraternité, la réconciliation, l’intégration. Le SNCC n’a pas changé radicalement lorsqu’il a adopté les positions du Black Power [après 1966]. Je pense qu’il voulait la déségrégation, les droits pour les Noirs. Certes les jeunes voulaient pouvoir déjeuner au Woolworth, mais ils ne le disaient pas de la même manière que le Dr King et je ne pense pas qu’ils voulaient les mêmes choses. Ils étaient plus impatients que la SCLC19. »
14Le SNCC est une organisation doublement nouvelle, d’une part par la jeunesse de ses membres, des étudiants, majoritairement des universités noires du Sud en 1960-1961. Mais aussi du fait que la plupart d’entre eux n’avaient aucun engagement politique auparavant, hormis quelques membres de la NAACP. Les premiers débats tournent autour des campagnes d’inscription sur les listes électorales. Les élections présidentielles, qui opposent John Fitzgerald Kennedy à Richard Nixon, doivent se tenir le 8 novembre 1960. Pour King et la SCLC, qui cherchent à conserver le soutien des libéraux et du Parti démocrate, obtenir le droit de vote est la priorité absolue. Au sein du SNCC les avis sont partagés et ce débat se poursuit encore en août 1961, d’abord à Nashville, lors d’une réunion de direction, puis lors d’une conférence accueillie par la Highlander School.
15Deux groupes s’opposent, ceux qui mettent l’accent sur l’action directe, et ceux qui misent sur le vote et veulent privilégier l’inscription sur les listes électorales. John Lewis écrit : « Voter ou marcher, s’inscrire sur les listes électorales ou participer au Freedom Rides. Passer à autre chose que l’action directe et les manifestations, afin de rejoindre la vie politique à travers l’inscription sur les listes électorales, ce fut le sujet central du séminaire [de direction en juillet 1961 à Nashville]20. » Ella Baker propose un compromis, pour éviter que l’organisation n’éclate : le SNCC soutiendra les deux politiques, et acceptera que chacun rejoigne l’activité qu’il souhaite. Elle est convaincue que le cours des événements tranchera. La suite lui donne raison, et ce débat est rendu caduc, car il devient rapidement évident que les autorités blanches du Sud refusent tout autant l’inscription sur les listes électorales que les Freedom Rides. Les deux tactiques provoquent la même réponse violente, et il devient inutile de les opposer21.
16En octobre 1960, le SNCC hésite encore sur ce qu’il doit devenir. Doit-il se contenter d’être un simple comité de coordination, comme son nom l’indique, ou devenir une organisation plus centralisée ? L’influence d’Ella Baker est encore une fois déterminante. Elle défend le concept d’un « leadership fondé sur le groupe », qu’elle oppose aux organisations unies derrière des leaders charismatiques – qu’elle nomme ironiquement Moïse –, des organisations dont le fonctionnement hiérarchique, vertical, va de pair avec la domination masculine : « Vous ne me voyez pas souvent à la télévision, vous ne trouvez pas d’infos sur moi. Le genre de rôle que j’ai tenté de jouer c’était de rassembler les morceaux à partir desquels j’espérais qu’une organisation pourrait voir le jour. Ma théorie c’est que les gens forts n’ont pas besoin de leaders forts22. » La phrase qui conclut ce texte est connue, « Strong people don’t need strong leaders », mais elle est souvent mal interprétée, comme le refus de toute forme d’organisation, ainsi que le remarque sa biographe, Barbara Ransby23. En réalité, Ella Baker appelle de ses vœux un nouveau type de leadership, qui joue le rôle de facilitateur plutôt que celui de chef charismatique. De son expérience avec la NAACP, elle a retenu que cette association s’était trouvée prise au piège de ses succès légaux24. De 1960 à 1966, elle veille sur le destin du SNCC avec le souci de préserver son indépendance ; cela lui vaut le surnom de Fundi, qui en Swahili désigne la personne qui enseigne un talent à la génération suivante25. Elle imprime sa marque dans le style du militantisme du SNCC : sa manière d’impliquer les gens ordinaires, ceux des communautés locales, à qui on ne demande pas seulement des soutiens, mais aussi de prendre des décisions et des responsabilités ; une hiérarchie minimale, qui se fonde sur l’engagement et la prise de risque ; et enfin un appel permanent à l’action directe, qui seule peut permettre de rompre l’isolement du mouvement noir26. Ces principes ont influencé par la suite non seulement la nouvelle gauche, mais aussi les mouvements féministes et l’ensemble des mouvements sociaux des années 1970-198027.
17Les snickers tiennent à l’autonomie des groupes locaux, car ils pensent que le dynamisme de leur organisation réside dans leur liberté d’action. Une nouvelle conférence en novembre 1960 confirme le choix d’une direction qui suggère plutôt qu’elle n’oriente28. Il est décidé que la charge de président du SNCC tournerait tous les ans, afin de réduire les tensions entre les groupes et d’éviter l’émergence d’un leader dominant, et Marion Barry est élu à la tête du SNCC29. En 1961, certains snickers demandent à Ella Baker d’assumer la charge de secrétaire exécutive. Elle refuse, jugeant qu’un jeune sera préférable pour ce poste, et propose que James Forman remplisse cette tâche, puisqu’il était déjà la cheville ouvrière du groupe qu’il avait rejoint en 1961. Selon Bakker, « Il est celui qui a fait du SNCC une organisation30. » De même Carmichael dit de Forman que « Plus que quiconque, il a permis les changements essentiels pour le SNCC. D’un point de vue administratif, il a transformé une association lâche de groupes éparpillés […] en une organisation extrêmement efficace à la pointe du combat des Noirs pour les droits humains dans le Sud31. » Forman, plus âgé de dix ans que la plupart des autres membres, avait été soldat, enseignant, puis, en 1958, il s’était installé à Little Rock dans l’Arkansas durant une année. Il n’est donc plus étudiant mais il cherche depuis plusieurs années une organisation qui lui convienne et que ne soit pas dominée, comme il l’écrit, par les pasteurs telle la SCLC, par les Blancs comme le CORE, ou par la bourgeoisie noire comme la NAACP32. Il est athée et ne s’en cache pas et il s’accorde avec Ella Baker sur le modèle d’organisation de la cellule, inspirée du Parti communiste, car comme elle le dit en 1968 : « Je ne crois que nous n’ayons jamais eu de démonstration plus efficace en ce qui concerne la manière d’organiser un groupe, quel que soit l’objectif à atteindre33. »
Le SNCC, enfant terrible du mouvement
18Les tensions avec la NAACP et la SCLC sont nombreuses et la question du financement n’est pas la moindre d’entre elles. Le SNCC est une organisation pauvre, avec à l’origine un seul permanent salarié, Ed King, à Atlanta34. Mais ses premiers membres font partie de la classe moyenne noire et John Lewis, de milieu très modeste, est une des rares exceptions. Cependant, avec le développement rapide du SNCC dans le Sud, sa composition se modifie, et il compte bientôt une majorité d’étudiants pauvres. L’argent est un moyen de pression utilisé aussi bien par les organisations traditionnelles que par le gouvernement fédéral, particulièrement après l’élection de Kennedy. Son administration promet de nombreuses aides financières, à la condition que le SNCC change ses priorités, et les oriente vers des activités en faveur du vote, plutôt que l’action directe35. Des organisations libérales blanches réalisent des collectes, telle la Taconic Foundation, qui récolte 800 000 dollars suite à la marche sur Washington. Mais lorsque vient le moment de répartir les fonds, c’est Roy Wilkins, de la NAACP, qui décide de leur distribution. La NUL, la SCLC, reçoivent au moins 100 000 dollars ; le SNCC, à peine 15 00036. La NUL n’a pourtant pas d’activités militantes mais elle est l’alliée de la NAACP. Le SNCC a été attiré dans cette coalition par la perspective des sommes annoncées, mais l’« enfant terrible », repart avec à peine le lot de consolation37. James Forman s’emploie dès lors à trouver des sources de financement propres, qui seules peuvent permettre l’indépendance politique.
19Les organisations plus établies tentent aussi d’attirer les snickers en échange d’un soutien financier. James Bevel quitte le SNCC pour un emploi au sein de la SCLC, et celle-ci accorde une bourse d’étude à John Lewis. Mais ces tentatives d’amadouer les jeunes ne suffisent pas à faire disparaître les dissensions, surtout quand certains, comme John Lewis, vivent leur engagement comme une mission divine tel, selon ses termes, un chrétien des premiers temps de l’Église :
« Les organisations de la vielle garde des droits civiques, particulièrement la SCLC, avaient tendance à regarder les petites gens à travers la lunette d’un télescope : elles se réunissaient entre elles, menaient des campagnes de recrutement, sollicitaient de nombreux soutiens financiers, mais elles ne descendaient jamais au niveau des gens, pour souffrir des mêmes humiliations et des mêmes injustices qu’ils devaient supporter quotidiennement. Nous au contraire, nous allions vivre et souffrir avec ceux d’en bas38. »
20La manière dont la SCLC accapare le mouvement est une autre source de conflit. Les snickers reprochent à la SCLC de monopoliser les médias et de parler à leur place, alors qu’eux seuls sont présents sur le terrain dans la durée. Les leaders de la SCLC arrivent à l’improviste, imposent leur direction, puis repartent, quitte à laisser s’écrouler derrière eux les prémices d’une organisation structurée. John Lewis partage l’amertume des militants du SNCC :
« Nous étions les premiers à creuser, nous construisions les fondations, et puis la SCLC débarquait à la poursuite de gros titres dans la presse, avec sa tactique de frappe éclair, ce qui ne permettait pas de développer des leaders locaux, puisqu’ils amenaient leur propre direction, et qu’ils repartaient lorsqu’ils en avaient tiré ce qu’ils voulaient39. »
21Medgar Evers et sa femme Myrlie, qui vivent à Jackson, critiquent aussi la SCLC, qui a adopté selon eux :
« Une tactique qui trop souvent avait signifié l’organisation complète d’une communauté pour précipiter la crise, gagner des concessions, mais qui étaient suivies par l’effondrement de tout ce qui avait été construit, lorsque la SCLC s’en allait vers une autre ville, laissant les leaders locaux subir seuls les rétorsions40. »
22John Lewis est un des plus modérés des snickers, attaché au pacifisme radical qui prévalait durant les premiers mois du SNCC, inspiré par le groupe de Nashville. Cependant dès la conférence d’octobre 1961, un tournant est perceptible parmi les participants. La politique prend le pas sur les discours religieux, et James Lawson semble en retrait, alors que Charles F. McDew (1938-2018), un natif du Nord converti au judaïsme, remplace Marion Barry à la tête du SNCC41. Le groupe de Nashville ne joue plus le rôle central : les délégués de l’université de Howard, membres du Nonviolent Action Group (NAG) affilié au SNCC, sont socialement et politiquement différents, et selon Ella Baker plus habiles au maniement de la rhétorique42. Parmi les militants de l’université Howard qui participent à la conférence de 1961 se trouvent Stokely Carmichael, originaire de Trinidad mais qui a grandi à New York, et Paul Dietrich, socialiste et homosexuel déclaré43. Charlie Cobb est comme eux très politisé – son père est un pasteur et un militant connu des droits civiques à Washington44. Ces nouveaux snickers sont d’une manière générale issus de milieux plus favorisés et plus politisés, et contestent au groupe de Nashville le leadership45. Un troisième groupe, originaire d’Atlanta, Julian Bond, Ruby D. Smith et Lonnie King, prend aussi une importance nouvelle au sein du SNCC. Ella Baker décrit ces rivalités comme un conflit entre trois bandes de jeunes qui partagent tous le « sentiment de leur propre importance », plutôt que comme une réelle dissension politique46.
23Un vote oppose Diane Nash à Marion Barry sur la question des objectifs prioritaires. Nash voudrait étendre la politique de non-violence à tout le Sud, mais elle est mise en minorité, au profit du choix de campagnes d’inscription sur les listes électorales47. Kennedy a rendu public sa décision d’investir des fonds importants dans les fondations qui financeront de telles campagnes48. Le SNCC commence à salarier ses militants : le salaire, une somme quasi symbolique, en général de 10 dollars par semaine, est versé très irrégulièrement, et ne pèse pas bien lourd face à la menace permanente d’être battu ou assassiné49.
24Une autre divergence est révélée par la discussion qui s’ouvre en 1961 sur les armes à feu. De nombreux jeunes rejoignent les sit-in, sans être passés par les formations à la non-violence, comme le regrette John Lewis : « Ils étaient indignés, en colère. Et ils toléraient à peine la notion de non-violence50. » Ainsi Stokely Carmichael ne respecte que très peu les règles de la non-violence, et multiplie les provocations, destinées à faire sortir de leurs gonds les Blancs les plus racistes. Il est rappelé à l’ordre par la direction du SNCC : « À une réunion de notre comité central en juillet [1961] nous avions décidé que Stokely devait quitter la ville51. » Ces conflits ne sont pas seulement théoriques. Un an après l’élection de Kennedy, les mesures du gouvernement pour protéger les activistes se font toujours attendre, et les autorités déclarent qu’elles ont besoin d’une nouvelle législation sur les droits civiques avant de pouvoir agir.
25La SCLC et le SNCC partagent encore la même tactique, tenter de créer des situations qui forceront les autorités fédérales à réagir, cependant ce n’est pas dans le même état d’esprit. King participe pleinement à la coalition libérale, tandis que les jeunes du SNCC sont de plus en plus mécontents de l’inaction du gouvernement52. L’administration Kennedy réagit à la pression du SNCC en cherchant à éviter toute crise, pour avancer sur le terrain des droits civiques au rythme qu’elle a choisi53. Comme le rapporte Lewis la rupture du SNCC avec la SCLC s’élargit : « Thurgood Marshall était un brave homme, une figure historique, mais en l’écoutant parler ce soir d’avril [1961] à Nashville, je fus plus que jamais convaincu que notre révolte était autant contre les structures nationales à la tête de la communauté noire, que contre la ségrégation54. »
26Les Freedom Rides, les « Voyages de la liberté », réunissent militants blancs et noirs, dans le but d’obtenir la déségrégation des transports inter-États et sont une autre source de conflits55. En décembre 1960, la Cour suprême a rendu son avis dans le procès Boynton v. Virginia : les voyages en bus entre États doivent être déségrégués. Le CORE organise un premier Freedom Ride, le 4 mai 1961. Trois jours de réunions et d’entraînement ont lieu à Washington, sous la direction de James Farmer, du CORE, pour les 13 participants à ce voyage de Washington à la Nouvelle-Orléans, parmi lesquels John Lewis. La NAACP a promis l’aide de ses sections locales à chacune des étapes. John Lewis ne peut terminer ce voyage, car alors que le bus parvient à Rock Hill en Caroline du Sud, il reçoit une réponse à sa candidature de volontariat international, de la part des Quakers. Il souhaitait une mission en Afrique mais l’American Friends Service Committee lui propose l’Inde. Il quitte provisoirement le bus, mais sitôt arrivé à Nashville il apprend qu’il a été attaqué et brûlé à Anniston, en Alabama, et que James Farmer a décidé d’abandonner le projet.
27Les snickers, entraînés par Diane Nash et John Lewis, reprennent le flambeau et le Nashville Student Movement affrète un nouveau bus, qui doit poursuivre le trajet. De nouveau il est stoppé, cette fois-ci par le shérif Bull Connor à Birmingham, qui les arrête et les conduit en voiture aux limites de l’Alabama. Ils parviennent malgré tout à revenir à Birmingham, et reprennent finalement le bus pour Montgomery, où une foule de partisans de la ségrégation les attend de pied ferme. Plusieurs snickers sont assommés, dont John Lewis, mais aussi un représentant du gouvernement fédéral, John Seigenthaler. Après quelques péripéties, ils trouvent refuge dans une église, sous la protection de Fred Shuttlesworth (1922-2011), leader local d’une association pour les droits civiques, l’Alabama Christian Movement for Human Rights, l’ACMHR. Plus de mille personnes rassemblées en urgence les ont rejoints, et tous se trouvent assiégés dans l’église toute la nuit. Lewis constate que la plupart des hommes présents, des pères de famille venus avec leurs enfants, sont armés. Finalement les Freedom Riders tentent de reprendre leur voyage le 20 mai, mais leur bus est de nouveau stoppé par des violences et ne peut quitter Montgomery. Ils sollicitent alors Martin Luther King Jr., à qui ils demandent de participer au prochain départ. Ce dernier refuse, et John Lewis entend pour la première fois le surnom moqueur dont il a été affublé par certains qui jugent son attitude hypocrite et passive, « De Lawd », The Lord, le seigneur, selon la prononciation du Sud56. Selon le sociologue et ancien snicker, John Brown Childs, il y avait ce sentiment que les pasteurs noirs « étaient très autoritaires. Il y avait une forte tension entre une jeunesse de moins en moins religieuse, et des pasteurs plus âgés. Pour certains d’entre nous, Martin Luther King […] n’était pas vraiment sur le terrain57 ». Les objectifs de la SCLC et du SNCC sont formellement les mêmes, mais ils ne donnent pas le même sens au mot intégration. Pour le SNCC, il ne s’agit plus simplement d’abolir la ségrégation légale, mais de transformer en profondeur la société58.
28Après l’épisode des Freedom Rides, John Lewis obtient une bourse d’étude de la part de la SCLC. À l’automne 1961, il s’inscrit donc à Fisk, la grande université de Nashville, pour un diplôme en philosophie, et il y retrouve la majorité des membres du Nashville Student Movement. Lorsqu’en juin 1963, Chuck Mcdew, porte-parole du SNCC qui avait pris la suite de Marion Barry, démissionne, épuisé par sa tâche, James Forman propose la candidature de John Lewis pour ses qualités et son engagement – il a déjà été en prison 24 fois. Lors du congrès d’Atlanta, Lewis est donc élu porte-parole. La motion est approuvée sans discussion et sa vie devient un véritable tourbillon. Il s’installe à Atlanta, pour être plus au cœur du Sud et des activités du SNCC. C’est son premier appartement, mais il ne peut guère en profiter : « Si vous étiez dans le mouvement à ce moment-là, les concepts de domicile et de propriété personnelle étaient différents de ceux de la majorité des gens59. » L’été 1963 il se rend à Greenwood dans le Mississippi, à Pine Bluff dans l’Arkansas, à Somerville dans le Tennessee, puis à Danville, en Virginie.
29Le SNCC, du fait qu’il est une organisation étudiante, voit sa composition se modifier rapidement, à la fois grâce à son développement rapide, mais aussi avec l’arrivée de nouveaux étudiants à chaque rentrée universitaire. De plus sa politique, en se radicalisant, attire de nouveaux milieux, de nouveaux soutiens. En à peine deux ans, entre 1960 et 1962, le SNCC a beaucoup changé et ses membres fondateurs sont un peu en retrait. Certains sont partis, et de nouvelles voix, plus radicales, comme Stokely Carmichael, James Forman, Charles Sherrod (1937-) de Virginie, ou Ruby Smith (1942-1967) du Spelman College à Atlanta, se font entendre, ainsi que des Blancs venus des groupes politiques de gauche, comme Tom Hayden du SDS. Le mot de révolution remplace peu à peu celui d’intégration. Lors de la conférence d’Atlanta, du 27 au 29 avril 1962, 250 délégués préfèrent le terme d’autodéfense à celui de non-violence. James Lawson, pourtant un des fondateurs, n’a pas été invité60. John Lewis décrit comment cette radicalisation prend sa source dans les liens que les snickers ont développés avec les communautés locales, avec les Noirs les plus pauvres des régions rurales du Sud :
« Nous découvrîmes que la plupart des gens – le peuple, pas les leaders – étaient avides de ce que nous leur proposions. Ils trouvaient que les choses évoluaient trop lentement, exactement comme nous. Nous leur disions : “vous n’avez pas besoin d’attendre que Martin Luther King vienne jusqu’à McComb. Vous pouvez le faire tout seul. Il n’y a aucun leader plus fort que vous tous, si vous vous y mettez tous ensemble”. C’est une idée très noble, l’idée d’un mouvement sans leader, d’une révolution réellement fondée sur la non-violence61. »
John Lewis et le général Sherman
30L’année suivante, la marche sur Washington du 28 août 1963, rend public les tensions entre les snickers et les autres organisations. Certains, tel Malcolm X, n’ont pas été invités, il lui a même été précisé que sa présence n’était pas souhaitée. Le SNCC n’a été associé que de très mauvaise grâce. Bayard Rustin a déclaré dans une des premières réunions d’organisation : « Je suppose qu’il va falloir qu’on fasse aussi avec les snickers62. » De fait, ils sont véritablement les « troupes de choc » du mouvement, et le SNCC est incontournable, c’est l’un des « big six » comme les journalistes ont surnommé les six groupes organisateurs de la journée. John Lewis devrait donc prendre la parole depuis la tribune. Mais de leur côté la plupart des snickers, ne veulent pas entendre parler de cette marche, perçue comme une démonstration de force des « structures conservatrices traditionnelles de l’Amérique noire, en accord avec, et très probablement sous le contrôle du gouvernement63 ». Par ailleurs l’année 1963 connaît une multitude de mobilisations locales, qu’ils craignent de voir effacées par cette manifestation nationale : 930 actions diverses, dans 115 villes différentes64. John Lewis, participe finalement à l’organisation de la marche à titre personnel. Les jeunes du SNCC auraient souhaité transformer l’événement en une gigantesque action, une marche sur Washington. Mais pour le gouvernement comme pour les organisateurs, il s’agit d’une marche à Washington. Un cadre très strict est défini, avec de nombreuses règles, afin que le résultat ressemble autant que faire se peut à une parade festive, telle que l’Amérique en connaît beaucoup.
31L’image qui en est restée est celle du discours de King, et le souvenir d’une atmosphère unanime. Mais il s’agit d’une représentation déformée de cette journée65. À Washington, John Lewis est invité à s’adresser à la foule, mais les organisateurs se méfient de ce qu’il pourrait déclarer. Par hasard le brouillon de son discours tombe dans leurs mains avant la manifestation. Il y prend directement à parti le gouvernement, évoque la colonne Sherman, pour décrire l’action à mener dans le Sud, et parle de révolution (le général Sherman commandait une armée de l’Union sur le front ouest durant la guerre de Sécession et il pratiqua la politique de la terre brûlée contre les sudistes66). L’évêque O’Boyle refuse de prendre la parole si certaines parties de ce discours sont prononcées, en particulier ses attaques contre l’administration Kennedy67. Il exigé de Lewis qu’il s’autocensure, faute de quoi la tribune lui sera refusée. Finalement c’est durant la manifestation elle-même, pendant les premiers discours, dans les coulisses derrière la statue de Lincoln, que les différends se règlent. Après une algarade violente entre Roy Wilkins et Lewis, Randolph intervient pour les séparer, et parvient, du fait du respect qu’il inspire à Lewis, à le faire céder en partie. Rustin et Lewis reprennent ensemble le brouillon, suppriment le passage sur une loi « trop limitée et qui arrive trop tard », et en récrivent d’autres. La phrase « la patience est un mot sale et dégoûtant », est remplacée par cette conclusion : « Nous ne nous arrêterons pas et nous ne serons pas patients68. » De même la question, « De quel côté est le gouvernement fédéral ? » est simplement supprimée69.
32Après coup, le jugement de John Lewis sur la marche rejoint l’opinion d’Anne Moody :
« Tout semblait avoir été récupéré par le gouvernement, et cela très rapidement. Ce que nous avions espéré transformer en protestation contre sa passivité devenait un outil de propagande pour faire la publicité d’un gouvernement juste et qui nous soutenait. L’administration Kennedy semblait essayer de nous réduire au silence, de nous calmer, en relâchant un peu de vapeur pour éviter de donner un caractère dramatique aux événements70. »
33De même Malcolm X dénonce « la farce sur Washington », détournée par les Blancs, comme il le dit dans ce passage plein d’ironie :
« L’idée était dans l’air depuis une vingtaine d’année au moins. […] L’idée d’une marche a galvanisé les masses noires comme rien n’avait pu le faire depuis Joe Louis. […] C’était une idée nationale, spontanée, non organisée, et non téléguidée. […] À New York, les “six grands leaders” Noirs, accompagnés du directeur blanc “d’une grande société philanthropique” qui versa 800 000 dollars, dit-on, à la direction unifiée des droits civiques, s’empressèrent de mettre sur pied cette marche. J’ai vu des insurgés en colère entonner harmonieusement We shall overcome, One day, en avançant bras dessus bras dessous avec ceux-là même qu’ils étaient censés combattre71. »
34Malcolm X considère cette manifestation comme le symbole de la collaboration des Oncle Tom avec les « renards » libéraux et conclut, toujours ironique : « La marche sur Washington a cependant eu un mérite, elle a calmé les Noirs pendant un temps72. » John Lewis constate lui aussi que les gains immédiats sont nuls. Les promesses gouvernementales ne sont pas tenues et les Blancs du Sud restent retranchés dans leurs bastions. Cependant, il considère tout de même que cette manifestation a été un succès : « Je pensais que n’importe quelle forme d’action, n’importe quelle dramatisation de ce genre était utile et aidait73. » Il partage les critiques contre le discours de Martin Luther King, que les jeunes trouvent incohérent, cependant il « n’est pas perturbé du tout par son message d’espoir et d’harmonie. […] Le discours de Dr. King, malgré son manque de substance, était magique et digne74 ». Personnellement, John Lewis est satisfait d’avoir représenté son organisation et d’avoir pu porter la voix de la colère du SNCC.
35La NAACP cherche avant tout à obtenir une loi sur les droits civiques, alors que pour le SNCC les objectifs affichés par la « Marche pour l’emploi et la liberté », sont plus larges75. La mainmise du gouvernement et des organisations modérées sur cet événement convainc les plus radicaux de l’urgence d’organiser un mouvement noir réellement indépendant. William Worthy, un journaliste noir de Baltimore et un allié de Malcolm X, rapporte qu’à la suite de cette manifestation, 14 militants se sont réunis pour lancer un parti noir indépendant, le Freedom Now Party, qui présente quelques candidatures en 1963, puis celle du révérend Albert Cleage lors de l’élection du gouverneur du Michigan en 196476.
36Du point de vue des organisations modérées, les jeunes sont perçus comme impatients et irresponsables. Ainsi Septima Clark a le sentiment qu’ils veulent aller trop vite. En 1965, elle est à Selma, dans l’Alabama, où des femmes du comté de Lowndes viennent la trouver car elles trouvent que Stokely Carmichael dépasse les limites et risque de toutes les faire tuer. Elle convoque Carmichael et le sermonne : « Tu ne crois pas qu’il y a autre chose à proposer à ces jeunes que de se promener les poings serrés, en criant Black Power et en effrayant les Noirs tout le long de l’avenue Auburn77 ? » John Lewis, reste attaché au SNCC des premières années, non-violent et inspiré par la foi, mais il refuse cependant de laisser la SCLC les représenter. L’enjeu pour le SNCC est de ne pas disparaître derrière les grandes organisations, ces militants plus âgés, qui voudraient bien prendre les jeunes sous leur aile, pour éviter qu’ils ne les dérangent. Pour affirmer son existence, le SNCC développe de nombreux outils au service de sa communication, au premier rang desquels la photographie.
Une étonnante agence de photographie
37La photographie a été mise au service du mouvement dans chacune de ses étapes, en 1955 à Montgomery, à Birmingham en 1963, et il s’agissait d’utiliser, selon Steven Kasher, la « soif des médias pour […] les images d’extrême violence78 ». Cependant le SNCC en fait un véritable système, toujours dans le but de jouer sur les contradictions entre les autorités fédérales et les États du Sud. James Forman a toujours avec lui un appareil photographique et conseille à chacun de faire de même. En juillet 1962, un jeune new-yorkais blanc de 19 ans, Danny Lyon (1942-), fait du stop depuis Chicago, où il étudie l’histoire, jusqu’à Cairo dans l’Illinois, où le SNCC mène une action pour déségréguer la piscine municipale. Sa photographie, légèrement recadrée, de trois snickers agenouillés, devient une affiche reproduite à 10 000 exemplaires, et vendue pour un dollar au profit du SNCC79. Son titre, « Come Let us Build a New World Together », est aussi inscrit sous la photographie sur toute la largeur : « Viens construire un monde nouveau ». Cette affiche fait partie d’un ensemble de six, dont cinq sont des photographies de Danny Lyon, produites et vendues entre 1963 et 196580.
38À travers un discours visuel très construit, le SNCC cherche à se positionner face aux autres organisations. Dans cette photo, pas de violence, mais une posture qui suggère la haute valeur morale de ces trois militants. On ne voit pas le visage de la jeune fille, presque une enfant, entre John Lewis et un autre militant, car elle est courbée sur son genou, dans une position de recueillement, qui évoque à la fois la prière et la non-violence. Sa présence souligne le rôle de la jeunesse dans la construction d’une société à venir débarrassée du racisme. Quelques instants après, elle fera face à un conducteur blanc, qui menace de rouler sur les manifestants. Dans un geste de défi, elle lui tient tête et il la renverse, l’envoyant à l’hôpital81. Sur cette photographie, le groupe agenouillé est uni, aucun ne se met en avant, bien que John Lewis, le porte-parole du SNCC, soit présent. Ils sont penchés vers le sol, leurs yeux sont cachés, et aucun ne s’individualise. Cette atmosphère de camaraderie est souligné par un cadrage serré. Il s’agit de refléter la philosophie du SNCC exprimée par Ed Brown : « C’était un leadership qui émergeait des gens, de la minorité noir, du peuple, par opposition au leadership qui est imposé par en haut82. »
39Les fonctions et les responsabilités au sein du SNCC ne sont pas associés à une quelconque forme de prestige. C’est le courage, la prise de risque sur le terrain, qui assoient l’autorité. Alors qu’ils font souvent face à des situations dangereuses, les snickers comptent avant tout les uns sur les autres. Ils vivent ensemble dans des Maisons de la liberté (Freedom Houses), des hébergements proposés par les habitants locaux qui les accueillent, parfois des appartements loués. Ils ont surnommé leur camaraderie la « beloved community », la « communauté adorée », une expression qui a une source religieuse, et que Martin Luther King Jr. a aussi utilisée pour désigner le sens de son combat83. Mais pour les snickers il ne s’agit pas seulement de l’objectif d’une société future, mais de ce qu’ils vivent au jour le jour. Le milieu qui soutient le mouvement est pour eux une famille élargie, où la solidarité dépasse le cercle familial ou celui des amis. La beloved community est un idéal de fonctionnement, à la fois interracial et démocratique. Toutes les décisions sont prises à l’unanimité84. Mike Miller, sociologue et ancien du SNCC la définit ainsi : « Nous parlions de la beloved community qui tentait de décrire et de définir à la fois nos relations à l’intérieur de l’organisation et ce que nous cherchions à construire “en dehors”, dans ce monde que nous voulions transformer85. » Les militantes sont au centre de la beloved community, qui n’existe que par « l’action vigilante des femmes noires86 ». Le SNCC utilise la photographie comme la représentation d’un futur victorieux. Ce média offre ce que les grands médias télévisés ne peuvent proposer, « des visions d’utopie vues depuis la ligne de front87 ».
40James Forman pense l’utilisation de la photographie comme une réponse à deux problèmes majeurs. Le premier, le plus évident, est de faire exister le SNCC sur la scène publique et dans les esprits88. Il insiste ainsi pour que John Lewis se mette en avant auprès des médias, et ne se fasse pas marcher sur les pieds par les autres organisations lors des conférences de presse. De son propre aveu ce n’est pas le fort de Lewis, modeste, qui se retrouve souvent loin derrière, loin des caméras et des appareils photos, comme par exemple sur les photos de 1963 lors de la Marche sur Washington. Le second objectif, moins explicite, est de distinguer le SNCC des autres organisations, dans une nouvelle identité visuelle qui se démarque des photos traditionnelles de violences et de souffrance, si courantes dans la presse à cette époque.
41Danny Lyon est recruté par James Forman en tant que photographe du SNCC. Julian Bond est chargé de la communication et avec Mary E. King c’est une véritable agence de presse qu’ils mettent en place ainsi qu’une agence photographique. Mary E. King décrit un service de presse qui couvre l’ensemble du Sud89. Jusqu’alors ils avaient eu recours à des photos de presse gracieusement offertes, ou aux quelques clichés photographiques pris par Forman qui avait été journaliste. En 1964 l’agence du SNCC compte 12 photographes, dont quatre salariés, parmi lesquels Danny Lyon, ainsi que trois chambres noires pour développer à Atlanta, Selma et au Tougaloo College90. Plusieurs d’entre eux ont reçu une formation du photographe Richard Avedon dans son studio de New York91. Par ailleurs il est aussi envisagé de former à la photographie des volontaires parmi la population dans les différents projets que mènent le SNCC sur le terrain, dans le but de multiplier les images, à la fois pour témoigner et aussi pour protéger les militants92. Pendant deux ans, Danny Lyon voyage au gré des actions à la demande de Forman, et ses photos illustrent The Student Voice, le journal du SNCC. Une structure, baptisée service de communication, produit des cartes postales, des affiches, des expositions et même en 1964 un livre de photographies, The Movement: Documentary of a Struggle for Equality, accompagnées des textes de Lorraine Hansberry93. La même année, le SNCC lance l’initiative du Southern Documentary Project, un projet photographique collectif qui fait référence aux expériences de la Farm Security Administration, FSA, dans les années 193094. Son objectif est ambitieux : au-delà des mobilisations politiques présentes, il s’agit d’aborder d’un point de vue plus large les transformations culturelles en cours dans le Sud95.
42D’autres photographies témoignent du renouvellement des usages de l’image par le SNCC. L’une d’elle, une photo de groupe, montre un cercle de jeunes unis par le chant96. L’enthousiasme et la fraternité sont palpables. C’est la représentation de ce que les snickers nomment le cercle de la confiance, le circle of trust, dans une atmosphère de totale liberté, comme le raconte John Lewis : « Nous nous considérions comme des frères et sœurs, un cercle de confiance97. » Pourtant leurs discussions sont parfois tendues : des polémiques très vives opposent en 1961 les partisans de l’action directe (Diane Nash) et ceux des projets d’inscriptions sur les listes électorales (Charles Jones), au point que lors de sa première participation à une réunion, James Forman doute de la viabilité du SNCC98. Mais la solidarité prime, et le chant est une manière de souder le groupe après, ou même pendant un conflit. Lors d’une discussion houleuse en février 1965, qui oppose Forman à des militants locaux, la tension est telle qu’une bagarre éclate. Ella Baker entonne We shall overcome, et les esprits s’apaisent.
43Les différentes expériences communes, les Freedom Rides du début 1961, puis le militantisme dans les régions les plus dangereuses, ont pour résultat une réelle « fraternité des tranchées » qui assure la cohésion du groupe, où tous partagent ce sentiment grisant d’être en mission vers la liberté99. Les photographes, ceux du SNCC comme ceux qui font des reportages sur le mouvement pour la presse, sont loin d’être à l’abri des arrestations et des coups. Le sentiment d’un danger partagé conduit parfois à une sorte d’exaltation, qu’ils nomment « Freedom High100 ». Cette confiance partagée se dégage de bien des photographies. Comme l’écrit John Lewis :
« Personne n’était responsable devant quiconque ou de quiconque, à part de soi-même, et on obéissait à nos instincts, à notre élan, alimenté par le sentiment puissant et juste d’une liberté qui balayait tout. Freedom High. Ça voulait dire exactement ce que ça voulait dire. On était soûlé de liberté, emporté, on planait littéralement101. »
44L’euphorie du Freedom High est une réponse face au danger, l’enthousiasme de partager un même combat, de la part de jeunes qui durant des mois vivent ensemble et qui n’ont dans ces moments pour seule attache que leurs liens avec le SNCC. Cependant cette liberté a sa contrepartie, elle contient déjà, comme l’écrit Lewis tous les éléments qui déchirent le SNCC à partir de 1964, alors que certains n’en font plus qu’à leur tête102.
45Ainsi en 1962, un groupe de militants, majoritairement blancs et originaires du Nord, choisissent de se dénommer Freedom High. Mais selon Julian Bond ils défendent surtout le droit de faire ce que bon leur semble, de suivre leur inspiration, et d’aller où ils veulent, plutôt que de s’acquitter des tâches que le SNCC leur confie103. À l’inverse, autour de James Forman ou Bob Zellner (1939-) et Dottie Zellner (1948-), une tendance que Julian Bond nomme le groupe en « faveur d’une structuration solide » réclament sans cesse le respect des décisions collectives.
46Pour revenir à la photographie, le SNCC en fait un usage spécifique, car elle n’est pas uniquement pensée comme un moyen d’action mais, dès le départ, comme une archive, une trace pour l’histoire104. Mary E. King écrit que le SNCC avait compris que si son histoire devait être écrite et transmise, ce ne pouvait être que par les activistes eux-mêmes, par l’écrit et par l’image105. Tous les documents, tracts et rapports d’activité sont précieusement conservés. La photographie est un outil de résistance politique mais elle est aussi une forme de « mémoire critique noire », qui ne conserve pas simplement l’image pour ce qu’elle a signifié, mais qui implique l’usage de l’histoire dans le temps présent, un « mode d’interprétation historique et de critique politique qui a fonctionné comme une ressource essentielle [pour les Africains-Américains]106 ». Il ne s’agit dès lors pas seulement de témoigner du présent, mais aussi de construire un passé qui soit différent des images tragiques des époques antérieures, entre cartes postales de lynchage et images de pauvreté. Par ailleurs ces photographies laissent aussi entrevoir d’autres rapports humains, y compris entre les hommes et les femmes.
Militantes du SNCC
47L’ancienne snicker Bernice Reagon exprime la libération que son engagement a représenté pour elle en tant que femme, le pouvoir de « défier n’importe quelle limite107 ». Le SNCC est, du moins entre 1960 et 1965, une organisation différente de celles qui la précédaient du point de vue des rapports entre les genres. Sa structure non hiérarchique et décentralisée permet aux militantes de trouver leur place dans l’action, bien plus qu’au sein de la NAACP ou de la SCLC108. Le SNCC inaugure un nouveau mode de fonctionnement, des rapports de camaraderie qui n’ont plus rien à voir avec les rapports de force tels qu’ils se jouent au sein de la direction de la SLCL. De nombreuses militantes témoignent du rôle qu’a joué leur engagement avec le SNCC sur le plan personnel109.
48Par cette ouverture d’un espace non hiérarchique aux femmes, le SNCC a été défini par Bernice Reagon comme un « mouvement qui donne naissance [à d’autres mobilisations] » – « a borning struggle ». Par ailleurs ces mobilisations ont aussi été un modèle pour celles des Indiens, des Latinos et d’autres minorités110. Ainsi, Anne Moody déclare lors d’une interview comment elle a pris conscience après 1965 d’enjeux plus larges que ceux des seules discriminations raciales :
« J’ai réalisé que le combat universel pour les droits humains, la dignité, la justice, l’égalité et la liberté, n’est pas et ne doit pas être seulement le combat des Noirs américains, ou des Indiens ou des Chicanos. C’est le combat de toutes les minorités ethniques ou raciales, de tous ceux qui sont niés ou exploités, de ces millions de personnes sans voix et sans pouvoir qui souffrent chaque jour d’une indignité ou d’une autre. Cette façon de voir a mis un terme à mon engagement dans le mouvement, particulièrement alors que celui-ci se divisait et devenait de plus en plus étroitement nationaliste111. »
49En donnant naissance à une conscience sociale, à une conscience féministe, l’engagement au SNCC peut conduire vers d’autres horizons idéologiques et politiques. La dynamique du mouvement et sa puissance, capables de réunir des centaines de jeunes et moins jeunes à travers le pays, expliquent la montée des tensions. Ils se sont réunis autour d’un premier objectif commun, et certains estiment que l’objectif du départ prime, tandis que d’autres découvrent d’autres motifs de colère et d’autres injustices, à commencer par les discriminations de genre.
50Malheureusement, en même temps que le SNCC s’oriente après 1965 vers une politique nationaliste et vers une structuration plus formelle, il semble aussi régresser du point de vue du sexisme. Belinda Robnett associe la mise en place d’une organisation hiérarchique au sein du SNCC après 1965 avec, pour les femmes, le retour au machisme ordinaire exprimé notamment par Carmichael112. Ce dernier, souvent interrogé à propos du rôle des militantes au sein du SNCC, répond à plusieurs reprises que la seule place pour les femmes est « la position allongée113 ».
51En 1964, deux militantes blanches Casey Hayden – Casey est son surnom, il s’agit de Sandra Cason Hayden (1937) – et Mary E. King écrivent un texte polémique, non signé, qu’elles font circuler autour d’elles114. Cette note, A Kind of Memo, dénonce leur situation dans le groupe en tant que militantes115. Elles relèvent par exemple que toutes ont fait l’expérience de réunions essentiellement masculines durant lesquelles on demandait à la seule femme présente de bien vouloir prendre des notes. Elles décrivent une inégalité figée en tant que caste, et lorsque leur texte est publié dans le magazine pacifiste Liberation, en avril 1966, il s’intitule désormais Sex And Caste116. Elles établissent le lien entre leur conscience féministe et leur engagement, grâce auquel elles ont découvert que le « personnel est politique », comme l’exprime cette expression utilisée fréquemment par les féministes dans les années 1960, que la féministe radicale Carol Hanisch a contribué à populariser par un essai en 1969117. Casey Hayden et Mary E. King écrivent qu’« après avoir appris à penser radicalement à propos de la valeur personnelle et des capacités de [chacun et chacune], beaucoup de femmes dans le mouvement ont tenté d’appliquer ces leçons aux relations avec les hommes118 ». Elles mettent en avant six points, sur les relations personnelles, le travail, les formes légales de la domination, et surtout constatent que lorsqu’elles ont tenté d’en discuter avec des militants, ceux-ci ont souri ou même se sont moqués d’elles. Ruby Doris Robinson écrit un texte plus long sur « la situation des femmes dans le mouvement » qui doit servir aux débats de la conférence de Waveland dans le Mississippi en novembre 1964. Elle compare cette situation à celle des Noirs dans le Sud, puisque ce sont leurs efforts qui permettent à l’organisation d’exister119. Le texte est anonyme et l’auteure s’en justifie, au nom des attaques qu’elle devrait supporter si elle était connue.
52Entre 1963 et 1966 le SNCC connaît des bouleversements rapides, agités par les débats autour des questions de la violence, de la place des militants blancs en son sein, des revendications féministes, et finalement par la question de savoir de quelle politique et de quelle organisation il est nécessaire de se doter. Nous abordons maintenant ces questions au travers des textes de Robert Moses, Radical Equations, et de Stokely Carmichael, Ready for Revolution120.
Notes de bas de page
1 Comme l’avait exprimé le Pasteur Wyatt Tee Walker (1928-2018), un membre du comité directeur de la SCLC, « Negroes want to be free in 1963 ». Adams Alvin et Britton John H., « Taste of Freedom in 1963 », Jet, vol. 25, no 12, 9 janvier 1964, 9 janvier 1964.
2 Le grand-père, Frank Carter, avait la peau plus claire. Il avait le sentiment qu’il était un peu au-dessus des autres Noirs. Ce coin du Pike County était surnommé Carter’s Quarter et l’été jusqu’à trois cent membres de la famille Carter se réunissaient dans la maison du grand-père. Celui-ci n’était cependant qu’un métayer, qui comme 125 autres familles travaillaient pour « the man », le propriétaire blanc, Josh Soules Copeland. Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 31.
3 Joe Louis est devenu un symbole de la fierté noire dans les années 1920.
4 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 72.
5 Ibid., p. 47.
6 La radio mentionne qu’il est diplômé de Morehouse College, et Lewis décide donc que c’est là qu’il doit s’inscrire. Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 46.
7 Ce théologien américain, Reinhold Niebuhr, est l’auteur d’une théorie de la « guerre juste ». L’ouvrage de Henry David Thoreau, Civil Disobedience, publié en 1849, est leur livre de chevet. Thoreau Henry David, Civil Disobedience, New York, Classic Books America, 2009 (1849).
8 Ces concepts de la religion hindoue signifient approximativement non-violence, ou respect de la vie (ahimsa), et l’« étreinte de la vérité » ou l’honnêteté (Satyagraha).
9 Par exemple le célèbre We shall overcome, fusion d’un hymne baptiste, I’ll overcome Someday et d’un chant syndical, We will overcome, dont Pete Seeger, le chantre folk de la gauche, avait fait les arrangements.
10 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 115.
11 Halberstam David, The Children, Newburyport, Open Road Media, 2012 ; Morgan Iwan W. et Davies Philip, From Sit-ins to SNCC, op. cit.
12 La liste des délégations est disponible sur ce site : [http://www.crmvet.org/docs/6004_shaw_delegations.pdf].
13 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker interview, op. cit., p. 43.
14 Ibid., p. 45.
15 Carson Clayborne, In Struggle, op. cit., p. 26.
16 Ibid., p. 23.
17 Ibid., p. 28.
18 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 119.
19 Interview réalisée en 1966 par l’étudiante Emily Stoper, qui rédigeait une thèse sur le SNCC, sans doute la première sur le sujet. Cette thèse a finalement été publiée en 1989 à l’initiative de David Garrow. Stoper Emily, « The Student Nonviolent Coordinating Committee: Rise and Fall of a Redemptive Organization », Journal of Black Studies, vol. 8, no 1, 1977, p. 13-34.
20 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 179.
21 Ibid., p. 181.
22 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker interview, op. cit., p. 37 ; Cantarow Ellen, O’Malley Susan G., Strom Sharon H., Luscomb Florence, Baker Ella et De La Cruz Jessie Lopez, Moving the Mountain: Women Working for Social Change, Old Westbury, NY, Feminist Press/McGraw-Hill, 1980, p. 55.
23 De nombreux auteurs voient dans les théories politiques d’Ella Baker les fondements de la démocratie participative. Ransby Barbara, Ella Taught Me: Shattering the Myth of the Leaderless Movement, [https://www.colorlines.com/articles/ella-taught-me-shattering-myth-leaderless-movement], consulté le 24 septembre 2018 ; Waldschmidt-Nelson Britta, « “Strong People Don’t Need Strong Leaders!” – Ella Jo Baker and the Role of Black Women in the Civil Rights Movement », in Patrick Miller, Elisabeth Schäfer-Wünsche et Therese Steffen (dir.), The Civil Rights Movement Revisited: Critical Perspectives on the Struggle for Racial Equality in the United States, Hambourg, LIT Verlag Münster, 2001, p. 228.
24 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker interview, op. cit., p. 12.
25 Mueller McClurg Carol, « Ella Baker and the Origins of “Participatory Democracy” », in Vicki L. Crawford, Jacqueline A. Rouse et Barbara Woods (dir.), Women in the Civil Rights Movement, op. cit., p. 79.
26 Mueller McClurg Carol, « Ella Baker and the Origins of “Participatory Democracy” », art. cité, p. 51-52.
27 Ibid., p. 1979-1990.
28 Carson Clayborne, In Struggle, op. cit., p. 30.
29 Ibid., p. 54.
30 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker interview, op. cit., p. 58.
31 Carmichael Stokely et Thelwell Michael, Ready for Revolution, op. cit., p. 224.
32 Forman James, Making of Black Revolutionaries, op. cit., p. 107.
33 Grant Joanne, Ella Baker, op. cit., p. 141.
34 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 179.
35 Ibid.
36 Ibid., p. 236.
37 Carson Clayborne, In Struggle, op. cit., p. 92.
38 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 186-187.
39 Ibid., p. 314.
40 Evers-Williams Myrlie et Marable Manning, The Autobiography of Medgar Evers, op. cit., p. 218.
41 Carson Clayborne, In Struggle, op. cit., p. 29.
42 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker interview, op. cit., p. 38.
43 Carmichael Stokely et Thelwell Michael, Ready for Revolution, op. cit., p. 137.
44 Auteur inconnu, Fellowship Center at St. John’s Congregational Church named after civil rights leader Rev. Charles Cobb, [http://www.masslive.com/news/index.ssf/2013/06/fellowship_center_at_st_johns.html], consulté le 25 septembre 2018.
45 Lewis John et Shannon Katherine, John Lewis interview, août 1967, Moorland-Spingarn Research Center, RJB 30.
46 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker interview, art. cité, p. 50.
47 Bond Julian et Britton John H., Julian Bond interview.
48 Tels le Stern Family Fund, la Taconic Fundation et la Field Foundation.
49 Stoper Emily, « The Student Nonviolent Coordinating Committee: Rise and Fall of a Redemptive Organization », art. cité, p. 15.
50 Ibid., p. 178.
51 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 177.
52 Carson Clayborne, In Struggle, op. cit., p. 83.
53 Ibid., p. 88.
54 Ibid., p. 107.
55 Menés par James Farmer du CORE, avec 6 Blancs et 7 Noirs.
56 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 160.
57 Communication de J. Brown Childs à la Sorbonne Nouvelle : « Personal Recollections: from SNCC to Transcommunal Cooperation », 10 octobre 2014.
58 Hall Jacquelyn D., « The Long Civil Rights Movement and the Political Uses of the Past », The Journal of American History, 91, no 4, mars 2005, p. 1252.
59 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 202.
60 Ibid., p. 189.
61 Ibid., p. 188.
62 Ibid., p. 210.
63 Ibid., p. 204.
64 Carson Clayborne, In Struggle, op. cit., p. 90.
65 Dudziak Mary L., « The 1963 March on Washington: At Home and Abroad », Revue française d’études américaines, vol. 107, no 1, 2006, p. 61-76.
66 Le général de l’Union, William Tecumseh Sherman, alors qu’il conduit sa « marche vers la mer » depuis Atlanta à la fin de la guerre de Sécession, déclara qu’il voulait faire « hurler la Géorgie ».
67 Brown Edward et Lewis Harold O., Edward Brown interview, Moorland-Spingarn Research Center, RJB 2, 30 juin 1967.
68 Discours sur le site CRM Veteran Lewis John, Veterans of the Civil Rights Movement – March on Washington, [http://www.crmvet.org/info/mowjl.htm], consulté le 25 septembre 2018 ; Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 227-228.
69 Veterans of the Civil Rights Movement – March on Washington, [http://www.crmvet.org/info/mowjl.htm], consulté le 26 septembre 2018.
70 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 215.
71 X Malcolm et Haley Alex, L’autobiographie de Malcolm X, op. cit., p. 242.
72 Ibid., p. 245.
73 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 205.
74 Ibid., p. 231.
75 Brown Edward et Lewis Harold O., Edward Brown interview, op. cit., p. 30.
76 Worthy, William, William Worthy interview, Moorland-Spingarn Research Center, RJB 520, 28 février 1970.
77 Hall Jacquelyn D. et Walker Eugene P., « I Train the People », art. cité, p. 50.
78 Kasher Steven, The Civil Rights Movement: A Photographic History, 1954-68, New York, Abbeville Press, 1996, p. 13.
79 Pour des raisons de copyrights, il nous est impossible de reproduire cette photographie, dont voici les références et qui peut facilement être consultée en ligne. Lyon Danny, Come Let Us Build a New World Together, 1968, [https://americanhistory.si.edu/collections/search/object/nmah_1160332], consulté le 18 avril 2017.
80 Raiford Leigh, « “Come Let Us Build a New World Together”: SNCC and Photography of the Civil Rights Movement », art. cité, p. 1137.
81 Lyon Danny et Bond Julian, Memories of the Southern Civil Rights Movement, op. cit., p. 26.
82 Brown Edward et Lewis Harold O., Edward Brown interview, op. cit., p. 60.
83 On pourrait traduire par « communauté des biens-aimés » mais cela ne rend qu’imparfaitement compte de la version américaine, et nous préférerons laisser la version originale. Cette expression a d’abord été utilisée par le philosophe idéaliste Josiah Royce (1855-1916).
84 Miller Mike, « Prefigurative Politics and the Student Nonviolent Coordinating Committee », Berkeley Journal, novembre 2014, [http://berkeleyjournal.org/2014/11/prefigurative-politics-and-the_student-nonviolent-coordinating-committee/], consulté le 27 août 2018.
85 Ibid.
86 Collins Patricia H., Black Feminist Thought, op. cit., p. 140.
87 Raiford Leigh, Imprisoned in a Luminous Glare, op. cit., p. 127-128.
88 Forman James, Making of Black Revolutionaries, op. cit., p. 241.
89 King Mary E., « Getting out the News », in Faith S. Holsaert, Martha Prescod Norman Noonan, Judy Richardson, Betty G. Robinson, Jean S. Young et Dorothy M. Zellner, Hands on the Freedom Plow, op. cit., p. 335.
90 Voici leurs noms : Joffre Clark, Fred deVan, Bob Fletcher, Doug Harris, Rufus Hinton, Julius Lester, Norris McNamara, Francis Mitchell, Clifford Vaughs, l’hispanique Mary Varela, le Canadien d’origine japonaise Tamio « Tom » Wakayama, et Dee Gorton.
91 Kasher Steven, The civil rights movement, op. cit., p. 144.
92 Schmeisser Iris, « Camera at the Grassroots: The Student Nonviolent Coordinating Committee and the Politics of Visual Representation », in Patrick Miller, Elisabeth Schäfer-Wünsche et Therese Steffen, The Civil Rights Movement Revisited, op. cit., p. 113.
93 On peut aussi mentionner deux films courts, le groupe de chanteurs The Freedom Singers et la troupe de théâtre Free Southern Theater. Hansberry Lorraine, The Movement: Documentary of a Struggle for Equality, New York, Simon and Schuster, 1964 ; Richards Harvey et Brandon Films, We’ll Never Turn Back, Student Nonviolent Coordinating Committee and Harvey Richards, Brandon Films, 1966.
94 La FSA était une agence fédérale créée sous le New Deal, qui dépendait du ministère de l’agriculture, et dont l’objectif était d’aider les agriculteurs les plus pauvres.
95 Schmeisser Iris, « Camera at the Grassroots: The Student Nonviolent Coordinating Committee and the Politics of Visual Representation », art. cité, p. 111-112.
96 Pour des raisons de copyrights il nous est impossible de reproduire cette photographie, qui est consultable sur ce site : SNCC Digital, « Jean Wheeler », [https://snccdigital.org/people/jean-wheeler/], consulté le 2 avril 2017.
97 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 300.
98 Forman James, Making of Black Revolutionaries, op. cit., p. 234.
99 Lawson Steven F. et Payne Charles M., « Debating the Civil Rights Movement: The View from the Trenches », in Steven F. Lawson et Charles M. Payne, Debating the Civil Rights Movement: 1945-1968, Lanham, MD, Rowman & Littlefield, 2006.
100 D’après des expressions utilisées pour des personnes sous l’emprise de la drogue, telle High on dope.
101 Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 303.
102 Ibid.
103 Bond Julian et Britton John H., Julian Bond interview, op. cit., p. 28.
104 Schmeisser Iris, « Camera at the Grassroots: The Student Nonviolent Coordinating Committee and the Politics of Visual Representation », art. cité.
105 King Mary, Freedom Song: A Personal Story of the 1960s Civil Rights Movement, New York, Morrow, 1988, p. 503 ; Schmeisser Iris, « Camera at the Grassroots: The Student Nonviolent Coordinating Committee and the Politics of Visual Representation », art. cité, p. 108.
106 Raiford Leigh, Imprisoned in a Luminous Glare, op. cit., p. 16-17, 62 ; Raiford Leigh, « Photography and the Practices of Critical Black Memory », History and Theory, vol. 48, no 4, 2009, p. 119.
107 Reagon Bernice J. et Cluster Dick, « The Borning Struggle: The Civil Rights Movement, an Interview with Bernice Johnson Reagon by Dick Cluster », Radical History, vol. 12, no 6, 1978, p. 21.
108 Robnett Belinda, How Long?, op. cit., p. 193.
109 Témoignages enregistrés de quatre anciens militants du SNCC qui parlent d’une nouvelle naissance. Holsaert Faith S., Culbreth Rambeau J., Sherrod Shirley et Rubin Larry, « Southwest Georgia: Born into the Movement », « Southwest Georgia: Born into the Movement », [https://snccdigital.org/our-voices/strong-people/part-1/], consulté le 2 avril 2017.
110 Krauthamer Barbara, African Americans and Native Americans, Ann Arbor, Mich., Proquest, 2006 ; Enck-Wanzer Darrel, The Young Lords: A Reader, New York, New York University Press, 2010.
111 Interview extraite de Black Writers, Gale Research, 1989, [http://www.mswritersandmusicians.com/writers/anne-moody.html], consulté en novembre 2010.
112 Robnett Belinda, « Women in the Student Non-violent Coordinating Committee: Ideology, Organizational Structure, and Leadership », art. cité, p. 160.
113 Urban Dennis J., « The Women of SNCC: Struggle, Sexism, and the Emergence of Feminist Consciousness, 1960-1966 », International Social Science Review, vol. 77, nos 3-4, 2002, p. 185-190.
114 Le texte n’est pas signé mais Casey Hayden dans les années qui suivent en a assumé l’essentiel de la paternité.
115 Hayden Casey et King Mary, « A kind of Memo », in « Sex and Caste: A Kind of Memo », novembre 1965, [http://www.historyisaweapon.com/defcon1/sexcaste.html] ; Moravec Michelle, « Revisiting “A Kind of Memo” from Casey Hayden and Mary King (1965) », [http://0-womhist-alexanderstreet-com.catalogue.libraries.london.ac.uk/SNCC/revisiting.htm] ; Gosse Van, « Casey Hayden and Mary King », in Van Gosse, The Movements of the New Left, 1950-1975: A Brief History with Documents, The Bedford Series in History and Culture, New York, Palgrave Macmillan, 2005, p. 99-103.
116 Liberation est le magazine de la War Resister League, une organisation pacifiste fondée en 1923. Hayden Casey et King Mary, « Sex and Caste: A Kind of Memo », art. cité.
117 Cette formule est aujourd’hui le plus souvent traduite en France par « le personnel est politique ». Le texte est disponible sur le site de l’auteure. Par ailleurs il est d’abord publié en 1970 dans une anthologie de textes féministes. Elle écrivit ce texte alors qu’elle travaillait pour le SCEF. Hanisch Carol, The Personal Is Political: the Original Feminist Theory Paper at the Author’s Web Site, [http://www.carolhanisch.org/CHwritings/PIP.html], consulté le 7 octobre 2018 ; Firestone Shulamith et Koedt Anne, Notes from the Second Year: Women’s Liberation., New York, Radical Feminism, 1970.
118 Hayden Casey et King Mary, « Sex and Caste: A Kind of Memo », art. cité.
119 Robinson Ruby D., SNCC Position Paper: Women in the Movement, [http://www2.iath.virginia.edu/sixties/HTML_docs/Resources/Primary/Manifestos/SNCC_women.html], consulté le 1er octobre 2018. Auteur inconnu, « Position Paper », [https://www.crmvet.org/docs/6411w_us_women.pdf], consulté le 1er octobre 2018.
120 Carmichael Stokely et Thelwell Michael, Ready for Revolution, op. cit. ; Moses Robert P. et Cobb Charles E., Radical Equations, op. cit.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Premiers Irlandais du Nouveau Monde
Une migration atlantique (1618-1705)
Élodie Peyrol-Kleiber
2016
Régimes nationaux d’altérité
États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950
Paula López Caballero et Christophe Giudicelli (dir.)
2016
Des luttes indiennes au rêve américain
Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis
Alejandra Aquino Moreschi Joani Hocquenghem (trad.)
2014
Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016