Chapitre IV. Des femmes disparaissent
p. 99-114
Texte intégral
Femmes sans histoire
1« Qui gardera les enfants ? », écrivait Yvonne Knibiehler, cette question est très à propos quand on se penche sur les leaders africains-américains du mouvement pour les droits civiques1. De même que le rôle joué par la gauche radicale, celui des femmes au sein du mouvement noir a été longtemps relégué à l’arrière-plan, tout comme leur histoire a été éclipsée dans le cadre du récit dominant. Hormis « Rosa Parks, Fannie Lou Hamer et Angela Davis, les Africaines-Américaines ont été les grandes absentes de l’historiographie et de la mémoire collective jusque dans les années 19902 ». Le récit dominant s’est concentré sur l’histoire des leaders masculins, ou des organisations dirigées par des hommes (NAACP, SCLC, CORE). Depuis une vingtaine d’années, elles retrouvent leur place au sein de cette histoire. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter une pièce manquante au puzzle mais de transformer la vision que nous en avons3. « Les observatrices des femmes afro-américaines ont non seulement décrit l’exploitation dans une société raciste […] ; elles ont dénoncé celle de tous les hommes, Noirs y compris, envers les Afro-Américaines, déconstruisant ainsi les visions idéalisées d’un groupe noir nécessairement solidaire4. » Bien souvent leurs combats n’entrent pas dans le cadre clivé qui opposent deux idéologies, assimilationnisme réformiste contre nationalisme révolutionnaire, tel qu’il a été d’abord proposé par Ralph Bunche5. En effet elles affrontent les difficultés matérielles dans une approche pragmatique, qui lie les revendications économiques concrètes au combat général.
2Les Africaines-Américaines ont été tout à la fois des militantes du rang, des précurseurs, mais aussi des stratèges de ces mobilisations. S’il est impossible d’évaluer statistiquement cette participation, il est certain qu’elles représentent une part substantielle des militants et des manifestants6. Elles n’ont pas trouvé de places préparées spécialement pour elles, bien au contraire, et il leur a fallu mener leur propre combat au sein de la lutte plus générale pour l’égalité raciale, et réaffirmer continuellement leur légitimité.
3Au nom des impératifs du mouvement, les leaders masculins tentaient sans cesse de les reléguer au second plan ou à la maison, à la place que les assignations de genre leur réservaient, alors même que la majorité d’entre elles avaient toujours travaillé. Les contraintes sociales les ont souvent empêchées de jouer un rôle de premier plan, les reléguant au rôle de « leaders-relais », définis par les liens qu’elles établissent entre les organisations nationales et les communautés locales7. Les critiques récentes ont pointé trois biais significatifs dans la manière dont elles étaient représentées. Tout d’abord, des images stéréotypées, grossièrement liées aux visions les plus négatives de filles-mères, dépendantes de l’aide-sociale, au centre de familles dysfonctionnelles8. Ensuite, des représentations qui excluent les femmes de milieux plus modestes, à commencer par les domestiques qui constituent pourtant la grande majorité des activistes9. Finalement elles sont décrites comme apolitiques, se contentant de suivre les leaders masculins10. Nous avons vu comment certaines avaient dû parfois adopter un discours familialiste et antiféministe face aux pressions du consensus libéral. Cependant, les mêmes militantes fondent par ailleurs une organisation exclusivement féminine, et féministe, Sojourners for Truth and Justice, au travers de laquelle elles revendiquent une place à part égale.
4Depuis les années 1970, à l’intersection des Black Studies et des Women’s Studies, puis des Gender Studies, de nombreuses historiennes ont cherché à mettre en valeur la participation des femmes au combat pour les droits, comme des « héroïnes oubliées », des « pionnières » qui éclairent la voie11. D’autres se sont consacrées à une analyse de la spécificité du rôle des femmes dans ces événements, au travers d’une approche sociohistorique12. L’histoire du féminisme noir a ainsi été écrite en relation avec des organisations nées dans les années 1970, cependant dès le xixe siècle les Africaines-Américaines ont participé activement au combat abolitioniste, avant d’organiser de nombreux clubs qui permettaient l’entraide et les activités sociales les plus diverses13. Ces groupes se fédèrent en 1896 pour donner naissance à la National Association of Colored Women’s Clubs (NACW), qui réunit des dizaines de milliers de femmes sous la conduite de la journaliste Josephine St. Pierre Ruffin et de l’enseignante Mary Church Terrell (1863-1954). En 1914, ses membres sont plus de 50 000, plus que la plupart des organisations noires à l’époque14. Le mot d’ordre de la NACW est « Lifting as We Climb », brodé ci-dessous sur sa bannière.
Figure 8. – Bannière de l’Oklahoma Federation of Colored Women’s Clubs, American, circa 1924.

Source : Collection of the Smithsonian National Museum of African American History and Culture, domaine public, [https://nmaahc.si.edu/object/nmaahc_2010.2.1abc], consulté le 16 octobre 2017.
5C’est en s’appuyant sur les avancées permises par la NACW, mais aussi avec la volonté de mettre en avant les revendications spécifiques des femmes, que Mary McLeod Bethune (1875-1955) fonde en 1935 le National Council of Negro Women15. À la tête de ces différentes organisations on trouve le plus souvent plus souvent des membres de l’élite noire, éducatrices, femmes de pasteurs, de médecins16. Par ailleurs, elles sont aussi présentes au sein des organisations perçues comme masculines, telles la NAACP, et nous avons montré leur rôle au sein de la gauche noire.
6Le genre constitue ainsi une autre ligne de clivage de l’histoire et de l’historiographie du mouvement noir. Le féminisme noir prend une forme structurée en tant que courant politique et intellectuel dans les années 197017. Cependant, comme nous l’avons décrit avec Esther Cooper, les femmes ont toujours négocié et disputé leur place au sein des couples, de leur lieu de travail, et des organisations syndicales et politiques. Leur combat ne se limitait pas à des prises de positions politiques, ou à la participation à des organisations féministes, et beaucoup d’entre elles ont dû taire ce qu’elles souhaitaient ou pensaient, pour protéger « l’inviolabilité de leur vie intérieure18 ». C’est pourquoi les récits personnels sont une porte d’entrée privilégiée, d’autant plus que les autobiographies au féminin sont une « tradition dans la tradition » des autobiographies africaines-américaines19. Nous nous intéressons à deux autobiographies en particulier, le court texte de Rosa Parks, intitulé simplement Rosa Parks: My Story, et le livre d’Anne Moody (1940-2015), Coming of Age in Mississippi20. Mais nous commencerons par retracer les liens entre racialisation et domination masculine, au travers notamment de sources photographiques, afin de faire apparaître différents mécanismes qui ont concouru à masquer le rôle des femmes.
Silences des femmes et des archives
7Les Africaines-Américaines répliquaient aux stéréotypes qui les visaient en se conformant à des normes de respectabilité et de discrétion. Elles étaient caricaturées en lien avec quelques archétypes : la Mammy, domestique noire dévouée et fidèle ; Sapphire, grossière, toujours en colère et dont la langue de vipère est prompte à menacer ; Jezabel, lascive et dominée par ses désirs21. Face à ces préjugés, une attitude fréquente consiste à en prendre le contre-pied par un respect des normes sexuelles et morales. Ces réactions ont été définies par Darlene Hine comme le phénomène de la « dissemblance », « la réponse défensive à la dimension genrée de l’oppression raciale22 ». La valorisation du cercle familial est une réponse aux accusations d’une supposée immoralité, tandis que les souvenirs amers de l’esclavage et de la ségrégation alimentent un besoin de protection familiale : « [la volonté] d’un progrès pour la minorité [racial uplift] définissait la normalité en tant que conformité avec les modèles sexuels et genrés de la classe moyenne blanche23 ». Les femmes noires de l’élite prêchent ainsi la tempérance et l’abstinence sexuelle comme des prérequis avant d’envisager une quelconque promotion sociale24. Ainsi ces conventions sociales expriment un déplacement de la question raciale vers la question morale. Le respect des normes de la famille patriarcale, autour de la figure d’un chef de famille fort et d’une pratique religieuse assidue, apparaît comme une protection contre les discriminations. Mais cela signifie aussi à l’inverse que les victimes du racisme peuvent devenir les accusées, au nom de leur prétendue intempérance, ou d’un comportement jugé non civilisé. Les membres de l’élite conservatrice noire blâment les nouveaux habitants du ghetto, tout juste arrivés du Sud, pour leur incapacité à se conformer à ce qu’ils estiment être le signe de la réussite, de la civilisation25.
8La discrétion et la modestie sont requises des femmes d’autant plus impérativement qu’elles jouent un rôle public. Septima Clark (1898-1987), qui milite avec la NAACP puis la SCLC, dit d’elle-même qu’elle n’aime pas être décrite comme « une leader noire en lutte pour l’intégration des écoles, des églises, des transports, des partis […]. Je ne me considère pas comme une combattante. Je préfère être vue comme une travailleuse, une femme qui aime son prochain, blanc ou noir […]26 ». Ella Baker préfère quitter la NAACP puis la SCLC plutôt que de plier devant leurs leaders masculins. Cependant, elle suit tout de même certaines règles de discrétion, ne révèle rien de sa vie privée, et se fait appeler « Miss Baker », mademoiselle, alors qu’elle est mariée. Il s’agit sans doute de ne pas mettre en difficulté son mari, T. J. Roberts, du fait de sa situation de femme publique engagée27. À l’inverse Coretta King, l’épouse de Martin Luther King Jr., est une personnalité publique. Mais l’idée que la priorité doit aller au combat contre la ségrégation domine, au détriment des revendications féministes. Dans son autobiographie, parue en 1972, la poétesse noire Gwendolyn Brooks exprime ce sentiment : « Je pense que le mouvement de libération des femmes ne concerne pas les femmes noires pour l’instant, car les hommes noirs ont besoin des femmes à leurs côtés, pour les soutenir dans ces jours de tempête28. » La nécessité de l’unité politique au sein du mouvement noir a pesé lourd, au moins jusqu’en 1964-1966, dans l’acceptation par certaines Africaines-Américaines du leadership masculin.
9La discrétion des militantes peut conduire au goût pour le secret, et pour l’historien à la difficulté de trouver des sources qui documentent la vie des femmes, qui sont souvent hésitantes à livrer leurs documents personnels29. Les moyens par lesquelles elles peuvent s’exprimer librement, les récits oraux, la dissémination par les réseaux familiaux, sont marginalisés, tenus pour mineurs du point de vue d’une hiérarchie subjective des sources et des archives. Celles-ci ne sont jamais neutres et participent aussi de la construction des « identités nationales […] fondées sur des élisions, distorsions et secrets dans les archives30. » Au point que certaines fonds consacrées à des femmes sont désignées comme des « contre-archives subversives », car ceux qui en sont à l’origine les ont constituées dans un but militant31. Ces sources sont souvent dévalorisées en comparaison des écrits politiques, dans une double hiérarchie : l’écrit serait plus recevable que l’oral, et par ailleurs le politique domine le culturel et le social. Enfin l’effacement des femmes passe aussi par le langage qui peine à exprimer une identité propre aux Africaines-Américaines.
10La construction historique de la notion de race dans le contexte américain semble évidente, en lien avec l’esclavage puis la ségrégation. Ce qui l’est moins, c’est le pouvoir de ce mot à effacer les autres significations et les autres catégories sociales. « Ne suis-je pas une femme ? » « Ain’t I a Woman? » proclame le discours de l’ancienne esclave et abolitioniste Sojourner Truth lors de la convention pour les droits des femmes à Akron en Ohio en 185132. Elle réagissait à une décision de la Cour suprême de l’Alabama, qui avait répondu par la négative à des juristes qui cherchaient à mettre en avant la situation particulière des femmes esclaves, afin de revendiquer pour elles une protection spécifique. En 1945 le National Council of Negro Women (NCNW), s’adresse au Département d’État, chargé des relations internationales, afin d’être représenté à la Conférence de San Francisco, qui donne naissance à l’ONU. La requête est refusée, au nom du fait que la NAACP y participe déjà, et qu’elle y représente aussi les Africaines-Américaines. Il est répondu à Mary McLeod Bethune qu’il faudrait alors inviter aussi les femmes juives, les femmes catholiques et ainsi de suite. Les femmes noires sont supposées représentées par des hommes noirs en ce qui concerne les questions raciales, et par des femmes blanches quant aux questions genrées. Le titre du livre de Gloria Hull, Patricia Bell-Scott et Barbara Smith, Toutes les femmes sont blanches, tous les Noirs sont des hommes, mais certaines sont courageuses souligne ce type d’effacement33.
11Comme le note la critique culturelle bell hooks : « Aucun autre groupe en Amérique n’a vu son identité niée autant que les femmes noires. Nous ne sommes que rarement identifiées en tant que groupe distinct des hommes noirs, ou en tant que partie intégrante du groupe plus large des “femmes34”. » Longtemps cette difficulté à penser la multiplicité des oppressions a été négligée : le concept d’intersectionnalité, forgé à la fin des années 1980 par la juriste et chercheuse Kimberlé Crenshaw, tente de répondre à ces failles35. Cette dernière montre que pour comprendre réellement la place des Noires aux États-Unis, on ne peut se contenter de considérer l’exploitation raciale dont elles sont l’objet. Il faut aussi reconnaître leurs difficultés en termes d’exploitation sexuelle et sociale, y compris au sein de leur propre communauté :
« Tout comme d’autres recherches dans le champ de la pensée féministe noire, je place au premier plan l’intersectionnalité en tant que paradigme interprétatif essentiel à la compréhension de la position complexe de femmes de couleur et à la catégorie de femme racisée36. »
12Penser ainsi l’intersection permet de faire réapparaître ces femmes, à qui Ella Baker rend hommage : « Je ne crois pas que vous puissiez participer au Freedom Movement sans découvrir que sa colonne vertébrale était les femmes37. »
13En 1945 la plupart des organisations féministes, quasi exclusivement blanches, refusent les adhésions de femmes noires, à l’exception de la Young Women’s Christian Association (YWCA), la seule à soutenir autrement qu’en paroles le projet d’intégration38. Pour autant racisme et domination masculine sont intimement liés.
Racisme et domination masculine
14La ségrégation est perçue et soutenue par les Blancs du Sud comme une défense de la femme blanche, la Southern lady et sa contrepartie plus jeune, la Southern Belle, élevées sur un piédestal au statut de mythe, celui d’un Sud qui aurait conservé sa pureté malgré sa défaite en 186539. La séparation dans les transports est souvent justifiée au sein de la presse raciste par le danger pour les femmes blanches à se retrouver assises à côté d’un Noir40. Cette obsession sexuelle, qui décrit les hommes noirs comme des prédateurs, est complétée par les lynchages, en tant que « défense de la féminité blanche, qui maintiennent les codes raciaux et le statu quo socio-économique41 ». Ce mythe des agresseurs noirs cache la réalité, celle des nombreux viols perpétrés par des Blancs contre des Africaines-Américaines, au point qu’ils fassent partie du système de domination blanche, comme un « outil d’intimidation physique et psychologique qui exprimait la domination masculine et confortait la suprématie blanche42 ». Le cas d’une affaire de viol en 1945, dans lequel Rosa Parks s’est impliquée pour le dénoncer, permet de mettre en lumière ces questions.
15Le 3 septembre 1944, Recy Taylor, 24 ans, revient de l’église, la Rock Hill Holiness Church, près d’Abbeville en Alabama. Elle est agressée et violée par six Blancs. Quelques jours plus tard, la section de Montgomery de la NAACP apprend la nouvelle, et Rosa Parks se rend à Abbeville pour y enquêter. Un Comité pour une justice équitable pour Mme Recy Taylor est formé, avec Rosa Parks, E. D. Nixon, Rufus A. Lewis and E. G. Jackson43. Les auteurs du viol comparaissent devant un jury majoritairement blanc et sont rapidement acquittés44. De telles agressions n’étaient pas rares, et durant certains lynchages, les viols se multipliaient. Ils faisaient partie intégrante de la terreur que la ségrégation faisait régner45. Le cas de la grand-mère de Fannie Lou Hamer (1917-1977) donne la mesure de l’ampleur de ce phénomène. Elle avait eu 23 enfants, dont 20 étaient issus de viols par des hommes blancs46. L’exploitation sexuelle des femmes noires trouve ses racines dans la période de l’esclavage, durant laquelle le viol n’est pas considéré comme tel. Les femmes noires sont décrites comme hypersexualisées et toute accusation d’agression sexuelle tenue comme une invention. Elles sont suspectées d’attirer traîtreusement les hommes, ou de chercher à se prostituer. La NACW tente de les dissocier de ces représentations qui les associent à des mœurs dépravées et à une sexualité incontrôlée, et revendique le droit de vote comme une protection contre le viol, une « arme de défense morale », afin que les victimes puissent paraître en justice sans risquer d’être ridiculisées, protégées par le statut d’électrices comme une marque de respectabilité47.
16Les représentations racistes vont de pair avec celles qui concernent les familles noires. Du fait de l’esclavage qui brisait les familles, la présence de la mère était centrale, elle était le seul ancrage d’une famille souvent privée de père. Cette situation est surinterprétée comme un motif culturel récurrent, celui d’une forme de matriarcat qui caractériserait la minorité noire, en ignorant complètement le contexte économique et racial qui brisait les familles48. Les pressions économiques qui pèsent sur les familles noires, et contraignent souvent les pères à partir gagner leur vie au loin, alimentent en retour un discours conservateur contre l’homme noir, supposé irresponsable et démissionnaire49. L’identité masculine normative impose la figure d’un patriarche qui se doit d’être autonome et de protéger sa famille. Ces obligations patriarcales entrent en contradiction avec les réalités socioéconomiques, puisque selon ces normes, être un homme implique une maitrise de son environnement et une domination du cercle familial sur tous les plans : des revenus supérieurs, un statut social plus élevé. Tout ce dont précisément la majorité des hommes noirs est privée, du fait de la hiérarchie raciale qui les maintient en bas de l’échelle sociale. Ainsi les discriminations multiples et les vexations les plus diverses peuvent être vécues comme des atteintes à la virilité, une forme d’émasculation sociale. En fin de compte, les représentations des hommes noirs hésitent entre le paternalisme infantilisant, qui les désignent tous sous le terme de boy, et l’image terrifiante de prédateurs sexuels, celle de violeurs en puissance50.
17Ces pressions insupportables alimentent en retour un désir de conformisme accru, pour celles et ceux des Africains-Américains qui cherchent l’intégration dans la société américaine. Pour tous ceux qui aspirent au racial uplift, à la promotion sociale de la minorité, la quête de l’intégration peut conduire au retournement du racisme contre soi-même, à l’internalisation des préjugés. L’échec individuel est interprété comme le signe d’une faillite morale, qui se traduit par l’incapacité à protéger sa famille. Les dirigeants des organisations traditionnelles, la NAACP, puis après 1957 la SCLC, participent de ce modèle familial conservateur. Les années du Black Power prolongent cette affirmation masculine sous la forme viriliste qu’on retrouve dans certaines images des Black Panthers.
18Ainsi l’inégalité raciale est étroitement liée aux inégalités de genre, et se traduit d’une manière double, à la fois par l’affirmation d’une virilité comme une réponse à l’oppression raciale, et d’autre part pour les femmes par le repli qu’on leur impose dans la sphère privée. Le contexte de la guerre froide accentue ces phénomènes en renforçant les normes genrées, y compris au sein des organisations militantes.
Un leadership masculin
19Le consensus libéral qui s’installe après 1945 va de pair avec un renforcement des normes sociales, à commencer par celles de genre. Les rôles genrés sont fixés en fonction de la famille nucléaire, perçue comme un modèle indépassable51. Une norme genrée, dichotomique et hétérosexuelle, assure la continuité de la domination masculine dans le discours politique, comme dans la publicité, les médias et la culture populaire. Ce modèle est adopté souvent sans réserve au sein de l’élite noire, dont les principales organisations, la NAACP, la NUL, puis la SCLC après 1957, sont dirigées par des hommes.
20Les militantes y sont reléguées sont à l’arrière-plan : « Les interventions des femmes étaient rares et le plus souvent peu prises au sérieux, surtout s’il s’agissait de suggestions concernant l’orientation politique52. » Comme le note bell hooks, « bien souvent l’histoire de notre combat est synonyme de l’effort des hommes noirs pour accéder au pouvoir patriarcal et aux privilèges53 ». Le rôle d’éducatrices, traditionnellement associé aux femmes, leur est dévolu. Septima Poinsette Clark est un exemple parmi d’autres de la façon dont les femmes ont été limitées à certaines fonctions. Enseignante, elle rejoint la NAACP dès 1919, et son rôle est essentiel dans le développement des « Écoles de la citoyenneté » (Citizenship School) qui forment les adultes aussi bien à la lecture qu’à la tenue d’un budget ou à l’accession à différents droits liés à l’assurance sociale. La première d’entre elles ouvre en 1957 à John Island, en Caroline du Sud54. En 1957 Septima Clark est licenciée de son poste d’enseignante à l’âge de 59 ans, par la commission scolaire de Charleston, du fait de son appartenance à la NAACP dont elle refuse de démissionner. Elle rejoint alors la Highlander School, où elle forme les éducateurs des futures Écoles de la citoyenneté, qui ouvrent partout dans le Sud. Arrêtée en 1959, alors que l’État du Tennessee fait fermer la Highlander School sur une décision de justice, elle poursuit en 1961 son programme de formation à Atlanta avec la SCLC, où il a été transféré par Myles Horton, le directeur de la Highlander School, en accord avec Martin Luther King Jr.55. Entre 1957 et 1970, plus de 5 000 adultes sont formés pour devenir eux-mêmes des éducateurs dans ces écoles. Ils constituent un réseau de militants locaux essentiels pour les mobilisations dans le Sud, parmi lesquels on compte une grande majorité de femmes56. Septima Clark participe à la campagne politique de la SCLC à Albany en 1962, à celle de Birmingham en 1963, puis à celle de Selma en 1965. Elle est bientôt surnommée la grand-mère du mouvement. Malgré cela, Ralph Abernathy, le trésorier de la SCLC, demandait régulièrement à King pourquoi elle siégeait au conseil exécutif de la SCLC, pour lui une femme n’y avait pas sa place57. Septima Clark dit des membres de cette direction qu’« ils ne pensaient pas qu’une femme ait la moindre intelligence58 ». Comme elle le raconte, ils ne respectaient guère la parole des femmes, qui ne pouvaient s’exprimer qu’à la toute fin des réunions. Voilà pourquoi, ainsi qu’elle le remarque : « [Les femmes] ont fait plein de choses pour le mouvement des droits civiques, mais vous ne voyez jamais leurs noms nulle part59. »
21La SCLC est sans doute l’organisation qui a le plus souvent été accusée de machisme, particulièrement en ce qui concerne le cercle des proches de King60. Ella Baker, qui rejoint la SCLC en 1957, n’y est guère appréciée par ses dirigeants, car, comme l’explique Septima Poinsette Clark, « elle était intelligente, et donc ils n’aimaient pas ce qu’elle leur racontait. […] Personne ne l’écoutait61 ».
22Ella Baker est une des rares militantes qui aient eu des responsabilités d’abord dans la NAACP, puis la SCLC. Elle naît à Norfolk en Virginie, en 1903. Elle débute ses études à l’université Shaw, en Caroline du Nord, mais y renonce du fait de la formation particulièrement conservatrice réservée aux jeunes filles noires. À 24 ans, elle quitte donc l’université, et s’installe en 1927 chez sa sœur adoptive Martha, à New York, au cœur de la Renaissance de Harlem, une effervescence intellectuelle et politique qui joue pour elle un rôle formateur. Le samedi et le dimanche, parcourir les rues de Harlem suffisait pour rencontrer des dizaines de connaissances et pour avoir des discussions avec absolument n’importe qui et tout le monde à la fois : « New York était le foyer de… appelons cela le radicalisme politique. Vous trouviez tout le spectre des théories radicales. On a eu de la chance ! Les ignorants, comme moi, nous avions énormément d’opportunités pour écouter et pour juger si ceci ou cela était le genre de chose dont nous voulions nous mêler. Boy, c’était génial, c’était très stimulant62. » Joan Grant rapporte une conversation avec Ella Baker : « La pensée critique que j’ai développée doit être liée à mes expériences pendant la Grande Dépression. J’ai cherché des réponses, et les groupes qui en proposaient, c’étaient les partis politiques radicaux. Je suppose qu’en vivant dans le cœur d’Harlem, j’étais plus sensible aux explications qui s’intéressaient aux plus basses couches de la société63. » En 1930 elle s’engage politiquement au côté de George Schuyler (1895-1977), un célèbre éditorialiste d’un grand journal noir, le Pittsburgh Courier. Il a été membre du Parti socialiste et a créé en 1930 la Young Negroes’ Cooperative League, dont l’objectif est d’apporter une solution économique aux problèmes du ghetto ; Ella Baker fait partie de la direction de ce groupe64.
23Puis de 1943 à 1946, elle est l’une des rares militantes avec des responsabilités au sein de la NAACP. D’abord embauchée comme secrétaire, elle est nommée directrice des sections en 1943 à la place de William Pickens, qui a été démis de ses fonctions en février 1942 par le président de la NAACP, Walter White. Ella Baker n’approuvait pas les positions de Pickens, mais elle l’appréciait pour le travail qu’il avait entrepris dans le Sud, et juge que White veut surtout se débarrasser de ceux qui lui font de l’ombre. Durant deux ans, elle parcourt tout le Sud, pour y développer le travail local de l’association.
24Dans ses nouvelles fonctions, elle multiplie les conférences sur des thèmes tels que « Techniques et stratégies de l’action de groupe minoritaire » ou bien « Développer un programme d’action dans les comités locaux ». Son but est de mettre « l’accent sur les techniques de base […] pour développer des actions locales65 ». Elle participe au lancement d’une campagne nationale de recrutement qui voit les effectifs de la NAACP passer de 250 000 en 1943 à 429 000 en 1944. Cent trente-six nouveaux comités locaux sont créés. Ce n’est pas exagéré de dire qu’elle a largement contribué à faire de la NAACP une organisation de masse, dans une période où ses effectifs ont quasiment été décuplés. Elle décrit ainsi ce développement :
« La NAACP était le meilleur cadre pour développer une organisation de masse en ce sens que toutes ses sections et ses groupes jeunes et étudiants étaient présents dans tout le pays. Ma première action, après avoir été embauchée directrice nationale des sections locales, a été d’obtenir un accord pour développer les formations pour les militants. […] On défendait l’idée que les responsables d’une région devaient s’y installer et y développer le travail [de la NAACP]. Mais qu’ils y travaillent vraiment, pas simplement qu’ils s’y rendent ponctuellement pour une campagne de recrutement66. »
25Cependant en 1946 elle démissionne de ses responsabilités et de ses fonctions salariées à la NAACP, tout en y poursuivant ses activités en tant que bénévole, elle reste très active à Harlem. Elle motive ainsi son départ : « Je pense que l’association est très en dessous de ses possibilités présentes, que toutes les compétences de son équipe n’ont pas été utilisées dans le passé, et qu’il y a peu de chances pour que les miennes le soient dans un futur proche67. » Elle reste ainsi allusive, mais il s’agit bien d’une dénonciation de la manière dont les militantes sont considérées, ou plutôt pas considérées du tout. Elle n’accepte ni le sexisme, ni le culte développé autour des leaders de la NAACP et leur « surmédiatisation », pas plus qu’elle n’acceptera cela de la part de l’entourage de King au sein de la SCLC. Son regard sur ces années est ambivalent : elle dit l’amertume de ne pas être parvenue à démocratiser la NAACP, mais aussi la certitude d’avoir formé un nombre important de militants locaux, avec qui elle garde de nombreux liens. Ces leaders locaux jouent un rôle essentiel dans les années 1960, lorsqu’Ella Baker initie le projet de ce qui va devenir le SNCC.
26Déçue par la NAACP, elle entre donc en relation avec la Fellowship of Reconciliation (FOR), un groupe pacifiste religieux radical. En 1947, la FOR et la nouvelle organisation qui en est issue, le Congress of Racial Equality, CORE, organisent le « Voyage de la Réconciliation ». Il s’agit d’un trajet déségrégué vers le Sud auquel participent huit Noirs et huit Blancs, parmi lesquels Bayard Rustin et James Peck. Ce projet préfigure les Freedom Rides de 1961 – dont James Peck fera aussi partie. Trois militantes – la pacifiste Natalie Mormon, l’auteure et activiste Pauli Murray et Ella Baker – comptent bien monter à bord. Mais Bayard Rustin et Conrad Lynn s’y opposent, jugeant cela trop dangereux pour des femmes.
27De 1947 à 1958, Baker se consacre essentiellement à lutter pour la déségrégation scolaire. Face au maccarthysme, elle ne prend pas position contre la chasse aux sorcières anticommuniste dans la NAACP. En 1956, elle rédige à ce sujet un rapport, où elle plaide pour laisser la possibilité à ces membres de démissionner publiquement du Parti communiste. Plus tard elle déclarera regretter son attitude : « Je suivais une directive du bureau national à la lettre, et je n’aurai pas dû68. »
28Elle est présente durant plusieurs semaines à Montgomery en 1956 et joue un rôle important, avec Rustin et Levison, tous deux new-yorkais comme elle, dans la formation d’une nouvelle organisation, la Southern Christian Leadership Conference (SCLC). Ensemble, ils organisent la conférence des 10 et 11 janvier 1957 à Atlanta, qui donne naissance à la SCLC69. Comme Baker l’explique en 1968 : « Nous commençâmes à parler de la nécessité de développer dans le Sud une organisation de masse qui pourrait devenir une sorte de contrepoids à la NAACP70. » Elle est désignée pour organiser le bureau de la SCLC, une fonction qu’elle n’accepte qu’à contrecœur et dans laquelle elle ne joue qu’un rôle secondaire, parce que le fonctionnement qu’on lui impose lui déplaît.
29Elle n’a de cesse de critiquer King pour son leadership personnel, alors qu’elle-même a personnellement toujours choisi de rester en retrait. Elle reproche à la SCLC de mettre en avant un leader charismatique, aux dépens de la formation de militants locaux, et brocarde les responsables des organisations noires, qu’elle nomme « des leaders aux pieds d’argile71 ». Pour elle, c’est le mouvement qui fait les leaders et non l’inverse. Lorsque King fait la une du magazine Time, elle souligne que c’est la première fois qu’il admet que le mouvement l’a fait plutôt que l’inverse. De même elle dénonce le « culte de la personnalité » qui l’entoure. Le texte qui annonce le meeting anniversaire du boycott à Montgomery lui déplaît : « Le thème de cet appel était d’honorer nos grands leaders, et les succès de l’association n’étaient pas soulignés. Tout n’était que le reflet de la grandeur des grands hommes72. » Elle est de plus en plus irritée par le style de King, qui ne délègue rien : « Aucune décision ne pouvait se prendre sans lui73. » De son côté elle ne conçoit la SCLC que comme un outil afin de développer dans le Sud un mouvement de masse. Bob Moses dira à ce propos : « Ce que je trouve essentiel dans le rapport de Miss Baker à la SCLC, c’est sa relation au leadership. Premièrement l’idée que le leadership émerge de la communauté, et deuxièmement, l’idée d’aider ce leadership à se développer. C’était quelque chose de totalement différent de la vision de la SCLC, qui était de mettre en avant un leader national74. »
30De la même manière, Septima Clark n’apprécie guère la manière dont Martin Luther King semble s’entourer de « disciples » et pense également que les gens devraient s’organiser par eux-mêmes. Elle écrit à King à ce propos. Il lut la lettre lors d’une réunion de direction et s’en moqua. Deux femmes étaient présentes, elles formaient le secrétariat de la SCLC, mais aucune n’osa soutenir Septima : « Tu ne peux pas t’opposer au patron, tu dois juste écouter. Tu dois rester assise, écouter et ne rien dire. C’était vrai dans toutes les organisations auxquelles j’ai participé75. » L’historien Eric Dyson cite Bernard Lee, un militant du SNCC très proche de King : « Martin [Luther King Jr.] était absolument un sexiste. Il pensait que la femme devait rester à la maison et prendre soin des enfants pendant qu’il était sorti76. » Évidemment, dans une société qui reléguait les femmes à la maison, ces conceptions reflétaient celles de la plupart des Américains de son temps. Il reste que la SCLC a effectivement marginalisé les femmes, comme la NAACP auparavant. Les objectifs du combat sont marqués par cette domination masculine, et les « droits » revendiqués sont ceux qui sont liés aux rôles masculins, à l’autorité du chef de famille, du mari et du père. Au contraire les problèmes des femmes, à commencer par les agressions dont elles sont souvent victimes, sont mis de côté, de même que par exemple tout projet d’une politique de soutien aux mères de famille77. La question de la déségrégation des lieux publics se focalise sur des espaces qui sont considérés comme faisant partie du champ de la politique, des espaces masculins pour l’essentiel. À l’inverse, l’espace domestique, celui de la famille, tout comme les lieux de travail, sont perçus comme exempts d’enjeux politiques78.
31Selon John Lewis du SNCC, le sexisme a éloigné Ella Baker de la SCLC, à commencer par l’attitude des associés de King, Wyatt Walker, Ralph Abernathy, et la structure même de la SCLC, dominée par les hommes. Les attitudes ouvertement machistes sont fréquentes. Septima Poinsette Clark le rappelle ainsi : « Je me souviens de Ralph Abernathy, il passait son temps à demander à la ronde, – mais que fait Septima Clark dans le comité exécutif de la SCLC79 ? » Son commentaire restait modéré face à de tels propos : « Nous vivons dans un monde créé par les hommes, et de ce fait, il ne pensait pas que des femmes puissent être suffisamment intelligentes pour faire ce que je faisais80. » « Il y eut très peu de femmes à être reconnues pour leur action et elles furent encore moins nombreuses à émerger comme leaders81. » Ella Baker quitte finalement la SCLC en 1960, et elle dira plus tard à ce sujet : « Ces femmes qui avaient prouvé leur engagement et qui avaient assez d’intelligence et assez de contacts, qui avaient été utiles, qui avaient trouvé une place pour faire bouger les choses, ces femmes, on ne leur proposait rien, c’était comme ça82. »
32Les six leaders, surnommés « big six », qui organisent en 1963 la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté sont des hommes : John Lewis (1940-2021) pour le SNCC, Whitney Young (1921-1971) pour la NUL, Asa Philip Randolph l’ancien leader syndical du BSCP, Martin Luther King Jr. pour la SCLC, James Farmer (1920-1999) pour le CORE, et Roy Wilkins (1901-1981) pour la NAACP. Le doyen, Asa Philip Randolph, est à l’origine du projet de cette manifestation ; en 1941 il avait organisé un événement comparable, finalement ajourné du fait des compromis proposés par le gouvernement.
33Il y a pourtant une femme dans le groupe organisateur, Anna Arnold Hedgeman (1899-1990), et elle est même à son origine, puisqu’elle avait mis en contact les différents leaders. Elle avait lu dans la presse que King préparait une manifestation à Washington pour l’été 1963 et elle savait par Randolph, dont elle était proche, que celui-ci prévoyait une autre mobilisation en octobre, comme un écho de celle de 1941, qu’il avait finalement décommandée83. Le 2 juillet 1963, les six leaders annoncent publiquement la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté. Hedgeman est la seule femme membre du comité administratif de la marche, et lorsqu’elle se rend compte qu’aucune oratrice n’est prévue dans le programme, elle proteste par un courrier84. Bayard Rustin lui répond : « Les femmes sont incluses, chacun des groupes comprend des femmes dans ses rangs85. » Finalement ils parviennent à un compromis, qui reste très peu satisfaisant du point de vue des militantes : Daisy Bates lira une déclaration, « Hommage aux femmes noires », écrite par le sociologue John Morsell de la NAACP – 142 mots en tout et pour tout, écrits par un homme pour qu’une femme puisse les lire. Aussitôt après la manifestation, un grand nombre de militantes participent à une conférence appelée par le NCNW, qui porte sur le traitement indigne qui leur a été réservé lors de la manifestation. Puis, en novembre 1963, Pauli Murray réunit une seconde conférence, encore une fois au sujet de l’amère humiliation qu’elles ont subie. Écartées des responsabilités, les Africaines-Américaines l’ont aussi été des images associées à cette histoire. Les photographies du mouvement pour les droits civiques ont participé à entretenir des stéréotypes genrés. Elles sont souvent effacées du récit dominant, ou bien présentée comme des victimes, de « faibles femmes », telle Rosa Parks, toujours « fatiguée ». Ou bien elles n’apparaissent qu’en rapport avec le véritable héros – comme par exemple Coretta Scott King (1927-2006), l’épouse de Martin Luther King Jr., représentée telle une madone transfigurée par la souffrance86. Les autobiographies féminines de même que la photographie mettent au jour ces phénomènes d’invisibilisation. Certaines de ces photographies sont significatives de par leur large diffusion, tandis que pour d’autres c’est leur diffusion des plus limitées qui est révélatrice.
Notes de bas de page
1 Knibiehler Yvonne, Qui gardera les enfants ? Mémoires d’une féministe iconoclaste, Paris, Calmann-Lévy, 2007.
2 Rolland-Diamond Caroline, Black America, op. cit., p. 14.
3 Scott Joan W., « Le genre : une catégorie d’analyse toujours utile ? », Diogène, vol. 225, no 1, janvier 2010, p. 5-14.
4 Le Dantec-Lowry Hélène, De l’esclave au président, op. cit., p. 224.
5 Bunche Ralph, « Conceptions and Ideologies of the Negro Problem », art. cité.
6 Barnett Bernice M., « Invisible Southern Black Women Leaders in the Civil Rights Movement: The Triple Constraints of Gender, Race, and Class », Gender and Society, vol. 7, no 2, 1 juin 1993, p. 162-182 ; Crawford Vicki L., Rouse Jacqueline A. et Woods Barbara, Women in the Civil Rights Movement: Trailblazers and Torchbearers, 1941-1965, Bloomington, Indiana University Press, 1990.
7 Robnett Belinda, « African-American Women in the Civil Rights Movement, 1954-1965: Gender, Leadership, and Micromobilization », American Journal of Sociology, vol. 101, no 6, 1996, p. 1664 ; Robnett Belinda, How long?, op. cit., p. 21.
8 Collins Patricia H., Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness, and the Politics of Empowerment, Londres, Routledge, 1990 ; Le Dantec-Lowry Hélène, De l’esclave au président, op. cit., p. 89-98.
9 Bookman Ann et Morgen Sandra, Women and the Politics of Empowerment, Philadelphia, Temple University Press, 1988.
10 Barnett Bernice M., Sisters in Struggle: Invisible Black Women in the Civil Rights Movement, 1945-1970, Londres, Routledge, 1999.
11 Olson Lynne, Freedom’s Daughters: The Unsung Heroines of the Civil Rights Movement from 1830 to 1970, New York, Scribner, 2001 ; White Deborah G., Too Heavy a Load: Black Women in Defense of Themselves, 1894-1994, New York, W.W. Norton, 1999.
12 Ling P. J. et Monteith S. (dir.), Gender and the Civil Rights Movement, New Brunswick, NJ, Rutgers University Press, 2004.
13 En 1793 la Female Benevolent Society of St. Thomas est créée à Philadelphie. Firor Scott Anne, « Most Invisible of All: Black Women’s Voluntary Associations », The Journal of Southern History, vol. 56, no 1, 1990, p. 6.
14 Hine Darlene C., « Rape and the Inner Lives of Black Women in the Middle West », art. cité, p. 917.
15 Collier-Thomas Bettye et Franklin V. P., « For the Race in General and Black Women in Particular: The Civil Rights Activities of African American Women’s Organizations, 1915-50 », in Bettye Collier-Thomas et Vincent P. Franklin, Sisters in the Struggle: African-American Women in the Civil Rights and Black Power Movement, New York, NYU Press, 2001.
16 White Deborah G., Too Heavy a Load, op. cit., p. 11, 21 et 56.
17 Dawson Michael C., Black Visions: The Roots of Contemporary African-American Political Ideologies, Chicago, University of Chicago Press, 2003, p. 241.
18 Hine Darlene C., « Rape and the Inner Lives of Black Women in the Middle West », art. cité, p. 20.
19 Cudjoe Selwyn, « Maya Angelou and the Autobiographical Statement », art. cité, p. 7.
20 Parks Rosa et Haskins James, Rosa Parks: My Story, New York: Paw Prints, 1992 ; Moody Anne, Coming of Age in Mississippi: An Autobiography, op. cit.
21 West Carolyn, « Mammy, Jezebel, Sapphire, and Their Homegirls: Developing an “Oppositional Gaze” Toward the Images of Black Women », Lectures on the Psychology of Women, 1er janvier 2012, p. 286-299 ; Drew Bernard A., Black Stereotypes in Popular Series Fiction, 1851-1955: Jim Crow Era Authors and Their Characters, Jefferson NC, McFarland, 2015 ; Nance Teresa A., « Hearing the Missing Voice », art. cité, p. 555 ; Higginbotham Evelyn B., Righteous discontent, op. cit.
22 Hine Darlene C., « Rape and the Inner Lives of Black Women in the Middle West », art. cité ; Gaines Kevin K., Uplifting the Race: Black Leadership, Politics, and Culture in the Twentieth Century, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1996, p. 5-6.
23 Higginbotham Evelyn B., « African-American Women’s History and the Metalanguage of Race », art. cité, p. 270.
24 Ibid., p. 271.
25 Gaines Kevin K., Uplifting the race, op. cit., p. 2, 4.
26 Clark Poinsette Septima, Ready from Within: Septima Clark and the Civil Rights Movement, Navarro CA, Wild Trees Press, 1986, p. 131.
27 Ransby Barbara, Ella Baker and the Black Freedom Movement, op. cit., p. 102-103.
28 Brooks Gwendolyn, Report from Part One, Detroit, Mich., Broadside Press, 1972, p. 179.
29 White Deborah G., « Mining the Forgotten: Manuscript Sources for Black Women’s History », in Anke Voss et Tanya Zanich-Belcher, Perspectives on Women’s Archives, Chicago, Society of American Archivists, 2013.
30 Burton Antoinette, « Introduction: Archive Fever, Archive Stories », in Antoinette Burton, Archive Stories: Facts, Fictions, and the Writing of History, Durham, N.C., Duke University Press, 2005, p. 2, 8.
31 Le Dantec-Lowry Hélène, « Dorothy B. Porter, une bibliothécaire au service de l’histoire des Noirs aux États-Unis », in Claire Bourhis-Mariotti, Claire Parfait, Marie-Jeanne Rossignol, Hélène Le Dantec-Lowry, Renault Matthieu et Pauline Vermeren (dir.), Anthologie des historiens africains-américains (1850-1965), op. cit.
32 Barbara Crenshaw rappelle le contexte de ce discours fait lors d’une assemblée qui a pour objet la revendication du suffrage féminin. Les femmes blanches veulent la faire taire, de peur qu’elle n’aborde la question de l’abolition. Fox-Genovese Elizabeth, Within the Plantation Household: Black and White Women of the Old South. Gender & American Culture, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1988, p. 326 ; Crenshaw Kimberlé, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », University of Chicago Legal Forum, 1989, p. 153.
33 Collins Patricia H., « Toujours courageuses [brave] ? Le féminisme noir en tant que projet de justice sociale », CEDREF, Les cahiers du CEDREF, 2015 ; Hull Gloria T., Bell-Scott Patricia et Smith Barbara, All the Women Are White, All the Blacks Are Men, but Some of Us Are Brave: Black Women’s Studies, New York, The Feminist Press at the City University of New York, 2015 (la traduction en français fait perdre le jeu sur l’indétermination du féminin et du masculin en anglais [« some of us »] et conduit à une rupture de construction grammaticale [« des hommes, mais certaines »] ici volontaire).
34 Hooks bell et Collective The South End Press, Ain’t I a Woman: Black Women and Feminism, New York, South End Press, 2007, p. 7.
35 Elle l’a défini à partir des expériences et des conceptualisations des féministes africaines-américaines. Crenshaw Kimberlé, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex », art. cité, p. 139.
36 « Race woman » que nous traduisons imparfaitement par « femmes racisées » prend son sens dans le contexte américain, dans lequel cette expression désigne aussi l’appartenance à un groupe ethnoracial minoritaire. Crenshaw Kimberlé, « Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », Stanford Law Review, vol. 43, no 6, 1 juillet 1991, p. 1241-1299 ; Elsa Dorlin, « L’Atlantique féministe. L’intersectionnalité en débat », Papeles del CEIC, vol. 2, no 83, 2012, p. 4.
37 Baker Ella, « The Black Woman in the Civil Rights Struggle » in Marilyn Bordwell DeLaure, « Planting Seeds of Change: Ella Baker’s Radical Rhetoric », Women’s Studies in Communication, vol. 31, no 1, 2008, p. 1-28.
38 Laville Helen, « Spokeswomen for Democracy: The International Work of the National Council of Negro Women in the Cold War », art. cité, p. 127.
39 Crété Liliane, « Du mythe à la réalité. La Southern Belle et la guerre », Autres Temps, 67, no 1, 2000, p. 38-45.
40 Chappell Marisa, Hutchinson Jenny et Ward Brian, « “Dress Modestly, Neatly – As if you Were Going to Church”: Respectability, Class, and Gender in the Montgomery Bus Boycott and the Early Civil Rights Movement », in Peter Ling et Sharon Monteith (dir.), Gender and the Civil Rights Movement, op. cit., p. 84.
41 Higginbotham Evelyn B., « The Problem of Race in Women’s History », Coming to Terms: Feminism, Theory, Politics, Londres, Routledge, 1989, p. 132.
42 McGuire Danielle L., At the Dark End of the Street: Black Women, Rape, and Resistance – a New History of the Civil Rights Movement from Rosa Parks to the Rise of Black Power, New York, Vintage Books, 2011, p. 3.
43 Ibid., p. 11. Onze ans plus tard en 1955 ce même groupe de militants, toujours présents à Montgomery, est à l’origine du boycott des bus.
44 En 2011 Recy Taylor obtiendra les excuses du gouverneur de l’État. Chan Sewell, Recy Taylor, Who Fought for Justice After a 1944 Rape, Dies at 97 – The New York Times, [https://www.nytimes.com/2017/12/29/obituaries/recy-taylor-alabama-rape-victim-dead.html], consulté le 30 août 2018 ; Sherman Shantella, « Forced Into Darkness: Unearthing Attacks on Black Womanhood », Washington Informer, 2011.
45 Feimster Crystal N., Southern Horrors: Women and the Politics of Rape and Lynching, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2011.
46 Lee Chana K., For Freedom’s Sake, op. cit., p. 9.
47 Hine Darlene C., « Rape and the Inner Lives of Black Women in the Middle West », art. cité, p. 918.
48 Le Dantec-Lowry Hélène, De l’esclave au président, op. cit., p. 123.
49 Blount Marcellus et Cunningham George, Representing Black Men., Hoboken, Taylor and Francis, 2014, p. x.
50 Sur l’identité masculine cet ouvrage analyse le terme « boy » utilisé comme un mot générique pour tous les hommes noirs : Majors Richard et Gordon Jacob U., The American Black Male: His Present Status and His Future, Chicago, Nelson-Hall Publishers, 1994, p. 275.
51 May Elaine T., Homeward Bound: American families in the Cold War Era, New York, Basic Books, 1988.
52 Robnett Belinda, « African-American Women in the Civil Rights Movement, 1954-1965 », art. cité, p. 1671-1672.
53 Hooks bell, Talking Back: Thinking Feminist, Thinking Black, Boston, South End Press, 1989, p. 178.
54 Hall Jacquelyn D. et Walker Eugene P., « I Train the People to Do Their Own Talking », Southern Cultures, été 2010, vol. 16, no 2, p. 31-52, p. 32-33.
55 Levine David P., « The Birth of the Citizenship Schools: Entwining the Struggles for Literacy and Freedom », History of Education Quarterly, 44, no 3, 2004, p. 388-414 ; Clark Poinsette Septima, Ready from Within, op. cit.
56 Hall Jacquelyn D. et Walker Eugene P., « I Train the People », art. cité, p. 35.
57 Ibid., p. 48.
58 Crawford Vicki L., Rouse Jacqueline A. et Woods Barbara, Women in the Civil Rights Movement, op. cit., p. 93.
59 Hall Jacquelyn D. et Walker Eugene P., « I Train the People », art. cité.
60 Ling Peter, « Gender and Generation: Manhood at the Southern Christian Leadership Conference », in Peter Ling et Sharon Monteith (dir.), Gender and the Civil Rights Movement, op. cit., p. 101.
61 Hall Jacquelyn D. et Walker Eugene P., « I Train the People to Do Their Own Talking », art. cité, p. 48.
62 Grant Joanne, Ella Baker: Freedom Bound, New York, Wiley, 1998, p. 25.
63 Ibid., p. 25, 220.
64 À partir de 1937 les opinions ultraconservatrices de Schuyler s’affirment nettement.
65 Grant Joanne, Ella Baker, op. cit., p. 73.
66 Ibid., p. 45.
67 Lettre d’Ella Baker à Walter White le 14 mai 1946 Ella Baker’s Papers, cité in ibid., p. 81.
68 Ibid., p. 99.
69 Dans une interview à John Britton : « Vous dites donc que la genèse de l’idée de la SCLC débute dans l’esprit de gens du nord, et pas à Montgomery ? C’est exact, répond-elle. » Britton John, Moorland Spingarn Collection, Howard University 19 juin 1968, cité in ibid., p. 103.
70 Baker Ella et Britton John H., Ella Baker Interview, Moorland-Spingarn Research Center, RJB 203, 19 juin 1968.
71 Grant Joanne, Ella Baker, op. cit., p. 230.
72 Ibid., p. 107.
73 Ibid., p. 109.
74 Ibid., p. 121.
75 Hall Jacquelyn D. et Walker Eugene P., « I Train the People », art. cité, p. 48.
76 Dyson Michael Eric, I May Not Get There With You: The True Martin Luther King, Jr., New York, Free Press, 2000, p. 211.
77 Green Laurie B., « Challenging the Civil Rights Narrative: Women, Gender, and the “Politics of Protection” », in Emilye Crosby, Civil Rights History from the Ground Up: Local Struggles, a National Movement, op. cit., p. 54 ; McGuire Danielle L., « “It Was like All of Us Had Been Raped”: Sexual Violence, Community Mobilization, and the African American Freedom Struggle », Journal of American History, 2004, p. 906-931.
78 Green Laurie B., « Challenging the Civil Rights Narrative: Women, Gender, and the “Politics of Protection” », art. cité, p. 75.
79 Clark Poinsette Septima et Walker Eugene P., Documenting the American South: Oral Histories of the American South, Southern Oral History Program Collection, Chapel Hill NC, 1976, [https://docsouth.unc.edu/sohp/G-0017/menu.html], consulté le 21 septembre 2017.
80 Ibid.
81 À Little Rock en Alabama Eisenhower fait intervenir l’armée face à l’impossibilité pour neuf élèves noires d’entrer dans un lycée. Lewis John et D’Orso Michael, Walking with the Wind, op. cit., p. 214.
82 Grant Joanne, Ella Baker, op. cit., p. 108.
83 Hedgeman Anna A., The Trumpet Sounds: A Memoir of Negro Leadership, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1966, p. 180.
84 Ibid., p. 189.
85 Height Dorothy, « We Wanted the Voice of a Woman to Be Heard », in Bettye Collier-Thomas et Vincent P. Franklin, Sisters in the Struggle, op. cit., p. 86.
86 Rolland-Diamond Caroline, Black America, op. cit., p. 232.
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