Chapitre III. Contre le courant, la vie d’Esther Cooper
p. 77-96
Texte intégral
Esther Cooper Jackson, féministe et internationaliste
1Esther Cooper (1917-2022), est née dans une famille relativement aisée de Virginie. Sa mère, Esther Irving Cooper, était la secrétaire du premier représentant noir de l’État d’Ohio. En 1940, elle participa à la création de la section de la NAACP d’Arlington, qu’elle présida. Sa fille Esther est souvent désignée sous son nom de femme mariée, Esther Cooper Jackson, cependant même après son mariage elle se faisait nommer Cooper, par choix féministe. Sa vie illustre les phénomènes qui participent à l’invisibilisation des femmes, parmi lesquels leur participation à un mouvement dont les leaders sont masculins. Il ne s’agit pas simplement de montrer que des « femmes aussi y étaient », mais plutôt de comprendre comment le combat féministe ne doit pas être restreint à une période délimitée, ou à celui des organisations féministes. Les organisations féministes des années 1960 ont d’abord réuni des Blanches, bien que le mouvement noir ait fourni la matrice du combat pour les droits1. Cependant les militantes africaines-américaines ont toujours affronté les questions de « race, de genre, de classe, et de sexualité [au sein des organisations avant tout masculines] de la gauche noire, du Black Power et des mouvements de femmes2 ».
2Esther Cooper n’a pas écrit d’autobiographie, mais elle a publié en 1953 une brochure biographique pour défendre son mari, James Edward Jackson, leader communiste alors recherché par le FBI3. This Is My Husband est diffusé par le comité de Défense de James E. Jackson. Son sous-titre, « Combattant pour son peuple, réfugié politique », joue sur un double sens : James est un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, et « son peuple » peut aussi bien signifier la minorité noire que le peuple américain dans son ensemble. « Réfugié politique » le situe dans le cadre à la fois des libertés politiques américaines mais aussi dans celui de la toute nouvelle législation internationale, celle de l’ONU et de la « Convention de 1951 relative au statut de réfugié », tout juste signée en juillet 1951. Esther Cooper Jackson endosse le rôle d’épouse et de mère, pour mieux susciter la compassion.
Figure 7. – This Is My Husband.

Crédits : Collection of the Smithsonian National Museum of African American History and Culture, Gift of the family of Dr. Maurice Jackson and Laura Ginsburg, Domaine public.
3Le texte est préfacé par Louis Burnham (1915-1960) qui présente son auteure, Esther Cooper Jackson, comme l’héritière d’une longue lignée de combattants pour la liberté, depuis l’Underground Railroad, ce réseau clandestin qui facilitait la fuite des esclaves, jusqu’à la NAACP4. Elle prend la plume pour défendre son mari et ses enfants contre le FBI, qui a contraint James à prendre la fuite, et brisé sa famille. Esther Cooper est la cible de nombreuses persécutions. Sa fille a été exclue de la crèche, afin de lui rendre la vie impossible5. Une large part du texte est consacré à la vie exemplaire de James, présenté comme un Américain moyen, athlète au lycée, leader des scouts, puis du SNYC. Ses dix-huit mois de mobilisation dans la guerre du Pacifique sont illustrés par deux extraits de sa main, une lettre adressée à sa femme – dont un long passage traite de la situation des Noirs dans le Sud –, et un article qu’il a écrit pour le journal du navire sur lequel il servait, dans lequel il met en avant la camaraderie interraciale qu’il espère voir se prolonger après-guerre. Finalement This Is My Husband dénonce les accusateurs et situe James dans la tradition de « Jefferson et Douglass », avec deux extraits de leurs discours : Thomas Jefferson salue la révolte des esclaves haïtiens, tandis que Frederick Douglass rend hommage aux abolitionistes britanniques. Le combat contre le racisme dans le Sud est ainsi replacé dans un cadre international, lié à l’un des pères fondateurs des États-Unis, rédacteur de la Déclaration d’indépendance et troisième président du pays. L’argument est transparent : les persécutions contre James vont à l’encontre des traditions américaines et de la Constitution.
4La défense de la famille traditionnelle est le fil conducteur de cette brochure, dans laquelle Esther Cooper est présentée comme une épouse éplorée, qui attend son mari à la maison. Elle se positionne ainsi dans le cadre normatif d’une féminité bourgeoise et domestique conventionnelle, ce que Deborah Gerson a décrit comme du « familialisme », un recours aux valeurs traditionnelles dont l’objectif est de démontrer que c’est le maccarthysme qui met en danger la famille américaine, plutôt que le communisme6. Il s’agit aussi de protéger la réputation du parti, accusé de promouvoir des relations sexuelles interraciales, perçues comme une véritable menace contre la sécurité nationale et l’américanisme7. Le CPUSA se conforme alors aux normes sexuelles et genrées dominantes, par exemple il exclut les homosexuels de ses rangs, tel Harry Hay, par la suite un des fondateurs du mouvement gay8. Comme le note Robert Corber, « La politisation de l’homosexualité a été cruciale pour consolider le consensus de la guerre froide9. » En effet McCarthy associe communisme et homosexualité comme deux menaces jumelles contre l’« American way of life », et la chasse aux sorcières anticommuniste se double d’une persécution des homosexuels, la Lavender Scare10.
5Esther Cooper pratique l’autocensure, car sa situation déjà difficile ne doit pas être compliquée par l’image de ce qu’elle est, une femme libre et indépendante. Les stéréotypes racistes associent la femme noire à un manque de retenue, de pudeur, voire à une sexualité débridée11. Elle prend le contre-pied de ces clichés, dans ce que Darlene Clark Hine a théorisé sous le terme d’une « culture de la dissemblance », par laquelle la personne victime de stéréotypes adopte l’attitude inverse de ce qui est attendu d’elle12. Face aux poursuites contre son mari, elle se fait nommer Jackson, alors qu’auparavant elle mettait en avant son nom de jeune fille, Cooper, que nous utilisons ici.
6Le maccarthysme impose des limites étroites dont le mouvement féministe porte la marque. Le féminisme noir, théorisé par la communiste Claudia Jones (1915-1964), est absent de cette brochure, alors qu’il s’agissait d’un des principaux combats d’Esther Cooper, comme le montre son parcours13.
7Elle a été élève du lycée Dunbar, à Washington, qui accueille les enfants de l’élite noire. Elle étudie à Oberlin College à partir de 1934, et y obtient son Bachelor of Arts en 1938. En 1940, elle obtient sa maitrise (Master’s Degree) à Fisk, sous la direction d’Addison T. Cutler, un économiste, par ailleurs membre du CPUSA. C’est sans doute alors qu’elle rejoint le parti14. Son mémoire s’intitule The Negro Woman Domestic Worker in Relation to Trade Unionism. L’idée lui en est venue à Oberlin College, alors qu’elle voyait les femmes de ménage quitter extrêmement tard le travail. Elle s’appuie sur des statistiques, du matériel syndical, une comparaison avec la situation dans les pays scandinaves et surtout des dizaines d’interviews de femmes de ménage de New York, Washington, Newark et Chicago15. Elle présente le syndicalisme comme une solution aux difficultés des domestiques noires, et évoque la possibilité que l’engagement syndical soit aussi une solution aux problèmes domestiques, aux violences que ces femmes rencontrent parfois dans la sphère privée. Bien avant la conceptualisation de l’intersectionnalité, elle pose la question de l’intersection des oppressions raciales, domestiques et sociales. Elle insiste par exemple sur le fait que les domestiques noires épargnent aux femmes blanches des travaux éreintants.
8Sa recherche s’inscrit dans une discussion plus large menée alors au sein de la gauche noire. En 1936 Louise Thompson (1901-1999), enseignante au Hampton Institute de Virginie et amie de Langston Hughes, publie un article, Toward a Brighter Dawn, dans le magazine féminin lié au CPUSA, Woman Today, qui décrit le « marché aux esclaves » du Bronx, c’est-à-dire les files de femmes qui attendent l’embauche pour quelques heures de ménage, payées entre 15 et 30 cents : « les femmes noires connaissent cette triple exploitation – en tant qu’ouvrières, en tant que femmes et en tant que noires16 ». Ella Baker et Marvel Cooke (1903-2000) défendent le même point de vue dans un article publié dans The Crisis17. Dans un essai paru en 1949, An End to the Neglect of the Problems of the Negro Woman! Claudia Jones dit son indignation du peu de cas qui est fait de la situation des femmes noires, qu’elle définit comme le segment le plus exploité de la classe ouvrière américaine18. Elle y raille notamment les leaders blancs du CPUSA qui emploient des femmes de ménages noires19. Par ailleurs, elle se saisit du cas de Rosa Ingram pour exposer l’hypocrisie des États-Unis, et brosse un portrait de cette dernière, arrêtée pour le meurtre d’un voisin qui tentait de la violer, comme celle d’une « pauvre mère », dans une représentation traditionnelle des femmes. Il s’agit de se réapproprier les valeurs conservatrices de l’adversaire pour mieux démontrer qu’il est le premier à les bafouer. Cela explique aussi le silence de Jones sur la question de la sexualité. Ce « féminisme de la gauche noire », en proposant de nouvelles manières de théoriser la classe, le genre et la race, a devancé les organisations féministes des années 1960, dites de la « seconde vague » et leur contestation de la hiérarchie au sein de la famille et de l’entreprise, leurs revendications du droit à une sexualité libérée des entraves sociales et de l’obligation d’enfanter20.
9En 1940, Esther Cooper a un projet de thèse en sociologie et elle a obtenu une bourse, la Rosenwald Fellowship. Son mémoire de master a été remarqué par Robert Park de l’université de Chicago qui lui propose de poursuivre ses recherches, mais son engagement dans le SNYC la conduit dans une autre direction, puisqu’en 1940 elle en devient permanente. Ses recherches ont cependant été une étape importante dans la réflexion sur la triple exploitation des Africaines-Américaines, qu’elle présente comme une possible « avant-garde » politique.
Le Southern Negro Youth Congress, SNYC
10L’histoire du SNYC, l’organisation de jeunesse du National Negro Congress (NNC), couvre une période de douze ans et est inséparable de la vie d’Esther Cooper21. Erik S. Gellman le désigne comme « le mouvement le plus militant depuis la période de la Reconstruction22 ». Il tient son congrès de fondation les 13 et 14 février 1937 à Richmond en présence de 534 participants, dont de nombreuses femmes23. Sa direction s’y établit dans un premier temps, avant de s’installer à Birmingham en 1939. Le SNYC est organisation interraciale, ancrée dans le Sud, qui mène « une politique d’inclusion et d’auto-détermination24 ». Le CPUSA influence son action, mais du fait de son orientation durant cette période, il lui laisse une marge d’autonomie importante. À son apogée, vers 1945, le SNYC compte plus de 11 000 membres dans 10 États du Sud, dont de nombreuses femmes. Son journal Cavalcade, dont la publication reste irrégulière, donne une large place à la littérature et à l’art, dans une continuation de la politique du « front populaire noir », initiée dans les années 193025. Parmi les actions du SNYC, on peut évoquer un spectacle de marionnettes qui parcourt les villes du Sud pour y éveiller la conscience politique des plus jeunes. Pour éviter d’éveiller les soupçons, on prétend qu’il s’agit d’une campagne éducative sur l’hygiène dentaire, mais dès que le dernier observateur blanc est sorti, les marionnettes peuvent dénoncer ouvertement Jim Crow26. Par ailleurs le SNYC appuie le mouvement syndical, notamment lors d’une campagne de recrutement à Winston-Salem, en Caroline du Nord. Quatre grèves successives entre 1937 et 1938 permettent la formation d’un syndicat des ouvrières du tabac, fort de plus de 5 000 membres27. James Jackson et Esther Cooper participent à ces activités, et cette dernière décrit ce mouvement comme « une victoire majeure », qui contribue au développement de la jeune organisation28.
11En 1940 le SNYC mène aussi campagne contre une taxe imposée pour s’inscrire sur les listes électorales, l’un des systèmes par lesquels les Noirs sont privés du droit de vote. La ségrégation dans les transports donne l’occasion d’autres actions : en 1942 des militantes du SNYC, parmi lesquelles Mildred McAdory Edelman, dénoncent la ségrégation dans les tramways de Fairfield, près de Birmingham en Alabama. Elles abaissent la barre de bois, surnommée segregator, qui séparait les deux moitiés du tram29. Il faut noter que certains des militants qui en 1955 initient le boycott des bus de Montgomery, sont déjà parties prenantes de cette action. Ainsi E. D. Nixon (1899-1987), syndicaliste du BSCP à Montgomery, siège au conseil consultatif du SNYC et participe avec McAdory à un meeting. En 1955, à la tête de la NAACP de Montgomery, il sera l’un des principaux soutiens de Rosa Parks dans le combat contre la ségrégation des transports.
12Esther Cooper rencontre James E. Jackson (1914-2007) en 1939 à l’université de Fisk, et le coup de foudre est réciproque. Il travaille alors à Nashville, sous la direction de Ralph Bunche, à une enquête sur les conditions de vie des Noirs du Sud, enquête destinée à être intégrée aux travaux de Gunnar Myrdal30. James et Esther se marient le 7 mai 1941, pour une union qui va durer soixante-six ans. Ils partagent le même engagement, mais Esther est surtout impliquée à la tête du SNYC, dont elle devient la secrétaire exécutive en 1942, c’est-à-dire la principale dirigeante. Plusieurs autres femmes y assument des responsabilités, parmi lesquelles Sallye Bell Davis, la mère d’Angela Davis31. Le CPUSA veut être un moteur du combat féministe, et considère la lutte contre le sexisme « comme une partie intégrante du combat pour changer la société toute entière32 ». Les organisations traditionnelles, telle la NAACP, cantonnent les femmes à des tâches d’organisation, et n’en comptent aucune dans les fonctions les plus prestigieuses33. Le SNYC est très différent de ce point de vue.
13Les époux Jackson défient les stéréotypes et chacun mène sa vie indépendamment de l’autre34. Elle le décrit comme un homme « en avance sur son temps quant à la question des femmes », qui la pousse à prendre des responsabilités, contrairement à l’attitude de nombreux militants de la gauche de cette époque35. La contestation du sexisme se cache parfois dans le détail. En 1942 Esther et Pete Seeger, un chanteur engagé, se rendent ensemble à une réunion syndicale à Birmingham : elle doit prononcer un discours en faveur de l’inscription sur les listes électorales, et il est attendu pour chanter36. Ils inversent les rôles, elle entre dans la salle la guitare à la main, afin de se conformer aux clichés attendus, la femme noire chante et l’homme blanc s’occupe de politique, avant finalement de reprendre leurs véritables rôles respectifs, pour mieux surprendre le public, et dévoiler ses stéréotypes37.
14James est appelé sous les drapeaux et les jeunes mariés sont séparés durant trois ans. Lorsqu’il est démobilisé, Esther se trouve à Londres. Elle a laissé sa fille aux soins de sa mère pour participer en tant que déléguée à une rencontre internationale : la première Conférence mondiale de la jeunesse38. Cet événement réunit à Londres 450 délégués de plus de 60 pays à l’initiative des Alliés. Esther Cooper passe l’essentiel de son temps avec les délégués des pays colonisés39. Elle rencontre notamment Kwame Nkrumah, leader indépendantiste et panafricaniste et visite les quartiers africains de Londres sous la conduite du Nigérian Godfrey Amachree. Elle se lie par ailleurs d’amitié avec deux déléguées communistes indiennes, Kitty Boomla et Vedya Kanuga40. Elle est invitée par des militantes au Congrès International des Femmes prévu à Paris en novembre 1945, mais elle n’obtient pas de visa pour s’y rendre, et finalement visite l’URSS41. À son retour, le SNYC tient une série de meetings dans lesquels Esther et James défendent les liens entre la jeunesse noire et la « jeunesse démocratique du monde, particulièrement celle des régions colonisées », un discours alors commun à toutes les organisations liées au mouvement communiste42.
15La « question raciale » américaine est perçue comme faisant partie d’une lutte mondiale, celle des peuples colonisés contre toutes les oppressions. L’invasion de l’Éthiopie par Mussolini en 1935 a donné lieu à de grandes manifestations de protestation à Harlem. En 1937 plus de 90 Africains-Américains se sont engagés aux côtés des républicains espagnols dans la brigade Abraham Lincoln, le groupe de volontaires états-uniens et canadiens au sein des Brigades internationales43. La lutte contre Jim Crow va de pair avec les combats contre le colonialisme, contre le fascisme, ce que Penny Von Eschen a nommé un « moment diasporique44 » du mouvement noir. Une organisation initiée par le CPUSA, le Council on African Affairs (CAA, 1937-1955), rassemble des libéraux noirs et des communistes dans la dénonciation du colonialisme en Afrique45. En 1946, il parvient à rassembler près de 19 000 personnes à New York lors d’une manifestation pour dénoncer la situation en Afrique du Sud.
16La 7e conférence du SNYC en octobre 1946 à Columbia, Caroline du Sud, est son dernier grand rassemblement. Esther Cooper a convaincu Paul Robeson d’accepter son invitation, en insistant sur la possibilité rare de parler dans le Sud devant un public où se mêlent Blancs et Noirs46. Elle introduit aussi son nouvel ami, rencontré à Paris, W. E. B. Du Bois, qui prononce le discours « Behold the Land », dans lequel il appelle à fonder un nouveau Sud, déségrégué47. Il établit les liens entre le système d’oppression raciale, Jim Crow, le capitalisme, et le colonialisme. Le Sud est la ligne de front d’un combat qui, bien au-delà de l’Amérique, doit unir les Antillais, les Africains, et les « esclaves blancs du capitalisme ». Il affiche par la même occasion son soutien au CPUSA. Pour la gauche noire cette période représente un apogée mais aussi le début des difficultés.
Le SNYC, vaincu et effacé
17Alors que le SNYC prépare sa 8e conférence, prévue pour se tenir en 1948, le chef de la police de Birmingham, Eugene « Bull », fait pression sur les Églises noires pour qu’elles refusent de lui prêter une salle. Les participants sont finalement accueillis dans une petite église, aussitôt cernée par la police. L’orateur principal, Glen Taylor, un sénateur candidat pour le Parti progressiste à la vice-présidence avec Henry Wallace, refuse d’entrer par la porte arrière, réservée aux Africains-Américains : il est frappé au sol et arrêté. Après 1948, le SNYC n’est plus en mesure de fonctionner, et en 1949 il cesse d’exister formellement48. Ses principaux membres quittent le Sud, parfois même le pays. Après 1951 et les condamnations au titre du Smith Act, certains d’entre eux se cachent pour éviter les arrestations et vivent sous de fausses identités.
18L’élite noire, de même que les organisations libérales blanches, se détournent prestement du SNYC, de peur d’être suspectées de sympathie communiste : « Avec l’émergence du maccarthysme qui dispersa ses soutiens du Nord et ses alliés syndicaux, le SNYC disparut. La terreur le brisa » et il est aujourd’hui largement oublié49. Il est l’une des nombreuses organisations victimes de la chasse aux sorcières. La Southern Conference for Human Welfare (SCHW, 1938-1948), animée par Virginia et Clifford Durr, une organisation interraciale inspirée par le christianisme social, qu’Eleanor Roosevelt avait longtemps soutenue, disparaît également en 1948. Le SCHW jouait un rôle important dans le lien entre Blancs libéraux du Sud et les organisations noires, notamment au travers d’un sous-comité pour les droits civiques50. Elle est accusée d’être une organisation communiste, et ses membres se déchirent à propos de la candidature de Henry Wallace. Finalement, en novembre 1948, ils décident de dissoudre la SCHW, plutôt que de risquer les poursuites en justice. Cependant la Southern Conference Educational Fund (SCEF), qu’ils ont fondée en 1946 comme une organisation indépendante dédiée à l’éducation, survit jusqu’en 1981, longtemps sous la conduite du socialiste chrétien James Dombrowsky (1897-1983), l’ancien directeur de la Highlander Folk School. Son journal, le Southern Patriot, est un relais important dans le Sud, au service du lien entre les opposants de la ségrégation, Blancs et Noirs51.
19Ces différentes organisations cibles du maccarthysme n’ont pas été seulement réduites au silence, elles ont aussi été « effacées de la mémoire collective52 ». La pression est telle que pour de nombreux jeunes qui s’étaient rapprochés d’organisations militantes dans les années 1930, le passé devient une charge insoutenable, et il doit être réécrit pour en effacer les traces. Katharine Du Pre Lumpkin, une femme blanche de Géorgie, sociologue, historienne, masque ainsi ses engagements passés à gauche, de même qu’elle tait son homosexualité de peur d’affaiblir son discours contre les normes raciales53. Le « rétrécissement politique et idéologique de l’anticommunisme de la guerre froide a duré bien au-delà du milieu des années 1950, restreignant non seulement la liberté d’expression et de mouvement des contestataires noirs, mais modelant par la suite la perspective des chercheurs sur le mouvement des droits civiques et sur les luttes antiracistes54 », favorisant les recherches sur les organisations les plus modérées. Mais si la gauche a été décimée, elle n’a pas été éliminée. Nombre de ses leaders les plus en vue se sont réfugiés à New York, à Harlem, ou à Brooklyn comme Esther et James. Les idées qui animaient ces militants ont été affaiblies, et ont dû emprunter d’autres voies, plus discrètes. Mais pour beaucoup, le reniement public de leurs engagements ne changeait rien à leur conviction. L’exemple d’Annie Lee Moss, une employée menacée par la HUAC, et de la manière dont elle parvint à duper ses juges, comme l’encadré qui suit le raconte, est éclairant.
20Durant plus de dix ans, le SNYC a développé des activités qui préfigurent le mouvement d’émancipation des Africains-Américains sous tous ses aspects : contestation de la ségrégation dans les transports et les lieux publics, campagne d’inscription sur les listes électorales, activités culturelles diverses et perspectives internationalistes. Le SNYC a préparé une génération de jeunes activistes à affronter la barrière raciale, alors que l’« ancienne gauche » (Old Left) était jeune. Mais, du fait de la guerre froide, ils vont devoir poursuivre ce combat sous d’autres formes.
Annie Lee Moss, la femme invisible
Le 11 mars 1954, Annie Lee Moss, employée de l’armée à Washington, est interrogée par le sénateur McCarthy en personne. Elle nie toute relation avec le CPUSA, jusqu’à même prétendre ignorer ce que le mot communisme signifie, pas plus qu’elle ne connaît qui que ce soit qui se nommerait Karl Marx. Pour sa défense, elle relève le fait que trois autres Annie Lee Moss vivent comme elle à Washington et que sa convocation est sûrement une erreur, liée à cette homonymie. Elle fait l’objet de différentes enquêtes, et a été suspendue à trois reprises de son activité professionnelle. Son témoignage est resté célèbre car il figure dans les prises de vue du journaliste Edward R. Murrow, pionnier de la télévision, dans son émission See It Now, le 16 mars 1954 (et par ailleurs il a été repris dans le film de George Clooney consacré à Murrow, Good Night and Good Luck *). Des milliers de téléspectateurs écrivirent à la chaîne de télévision pour s’indigner du traitement infligé à cette pauvre femme un peu simple, cette pauvre « rien du tout », cette insignifiante « vieille à la voix douce qui sait à peine lire l’anglais ** ». Cependant Annie Lee Moss était une membre active du syndicat d’employés United Public Workers, dans lequel l’influence du CPUSA était importante. Elle soutenait également la NUL, et était très probablement membre du CPUSA, comme le démontre Andrea Friedman – près d’un tiers des membres du CPUSA à Washington était Africains-Américains. Selon le témoignage de l’informatrice du FBI, Markward, Moss participe aux activités du parti le dimanche, et fait du porte-à-porte pour vendre le Daily Worker. En janvier 1955, elle retrouve son emploi et est lavée de tout soupçon. Elle a dupé McCarthy et les sénateurs démocrates qui lui accordaient leur sympathie condescendante. Elle a parfaitement joué le rôle qui confortait ses interrogateurs dans leurs préjugés, et a paru absolument insignifiante : « Le silence et l’invisibilité sont les signes distinctifs de la femme noire dans l’imagerie américaine. Du fait que nous correspondons mal aux clichés raciaux véhiculés à propos des hommes, nous disparaissons souvent ***. »
* Murrow Edward R., The Edward R. Murrow collection, New York, Docurama, 2005 ; Clooney George, Good Night, and Good Luck, Warner Independent Pictures, Participant Productions, 2005.
** Friedman Andrea, « The Strange Career of Annie Lee Moss: Rethinking Race, Gender, and McCarthyism », The Journal of American History, vol. 94, no 2, 2007, p. 464.
*** Painter Nell Irvin et Morrison Toni, Hill, Thomas, and the Use of Racial Stereotype, Ann Arbor, Mich., ProQuest Information and Learning, 2005, p. 5.
21La répression conduit le CPUSA à se refermer sur lui-même, et à alimenter les suspicions envers ses propres membres, au nom du centralisme démocratique. Le combat contre ce qui est nommé « le chauvinisme blanc », tout acte réel ou supposé de racisme, se poursuit, et devient le prétexte aux exclusions. À l’inverse, certains leaders, tel James Jackson, font l’objet d’une forme de culte de la personnalité. Le couple Jackson quitte le SNYC en 1947 pour recentrer leurs activités politiques sur le parti, confronté à la répression, pour tenter de dissocier le SNYC du parti afin de le préserver. James, installé à la Nouvelle-Orléans, devient président du parti pour la Louisiane55. Menacé par le Ku Klux Klan, il doit quitter le Sud, et est appelé à des fonctions dans la direction nationale du CPUSA. Cependant le FBI a d’autres projets pour lui : en 1951 il est accusé de « conspiration en vue de renverser le gouvernement » et il choisit de disparaître. Pendant cinq ans il est impossible de retrouver sa trace56. Il se rend aux autorités en 1956, après cinq années de cavale. Son procès dure deux ans, avant qu’il ne soit finalement acquitté – le climat politique est en train de changer.
22En 1951 Esther Cooper s’installe à New York, et vit seule à Brooklyn, avec ses deux filles. Mais les condamnations contre 12 leaders communistes, puis 26 autres, puis 126 encore, ne suffisent pas aux autorités57. Leurs familles sont systématiquement harcelées. Esther est suivie continuellement et accusée de disposer de ressources dissimulées. Elle perd son emploi et jusqu’à la possibilité pour sa fille d’être admise à la crèche.
23Le maccarthysme n’a pas seulement éradiqué les organisations radicales qui s’étaient développées depuis les années 1930. Il a créé un climat intellectuel dans lequel la moindre contestation est taxée de propagande communiste, particulièrement si elle remet en question les inégalités économiques. Tout propos en faveur de la justice sociale est suspect, alors que le HUAC mène des milliers d’enquêtes. Le sujet même des droits civiques devient hautement subversif58. Il faut garder à l’esprit ce contexte avant de se pencher sur le mouvement pour les droits civiques, dont les revendications économiques disparaissent dans un mouvement dont les objectifs sont étroitement délimités : il s’agit du droit de s’assoir à un comptoir pour déjeuner, mais pas de savoir qui a les moyens de payer l’addition.
24Pour l’ensemble du mouvement noir, c’est le repli. Les organisations les plus modérées comme la NAACP restent de fait quasiment seules en lice, et s’occupent d’exclure de leurs rangs de tous ceux qui pourraient être suspects aux yeux du gouvernement, selon la ligne anticommuniste défendue par ses dirigeants59. L’avocat communiste William Patterson rapporte comment son ancien ami Ralph Bunche s’enfuit littéralement à sa vue, de peur de le croiser : Bunche, qui travaille pour les Nations Unies, ne veut pas se compromettre même d’un simple salut60. La victoire de Truman en 1948 isole les Noirs progressistes et les réduit au silence, et ce pour de nombreuses années. La chasse aux sorcières gouvernementale s’ajoute à celle menée par les White Citizens’ Councils, ces organisations blanches fondées à partir de 1954, surnommées le « Ku Klux Klan en col blanc61 ». La guerre froide rend la ségrégation gênante sur la scène internationale, mais ses partisans dénoncent tous ceux qui la contestent comme des crypto-communistes.
25En 1950, W. E. B. Du Bois, alors âgé de 82 ans, se présente au Sénat de New York au nom de l’American Labor Party, soutenu par le CPUSA, et parvient à remporter 206 000 voix malgré le climat politique62. En 1951 il est inculpé en tant qu’agent d’une puissance étrangère, menotté et présenté par la presse comme un agent soviétique. La NAACP ne fait strictement rien pour prendre sa défense, alors même qu’il était un de ses membres fondateurs. Dans une analyse qui souligne les différences sociales au sein de la minorité noire, Du Bois décrit ces réactions comme une tendance forte parmi l’intelligentsia et l’élite noire : « Ils avaient de belles maisons, de grosses voitures et des manteaux de fourrure. Ils haïssaient le “communisme” et le “socialisme” autant que n’importe quel Américain blanc63. »
26Ainsi le mouvement qui se déclenche en 1955 à la suite du boycott de Montgomery, n’est pas la jeune pousse d’un nouvel arbre. Il s’agit plutôt d’un bourgeon qui repousse sur la souche d’un arbre abattu. Le maccarthysme a profondément modifié les perspectives, les revendications et le leadership politique du mouvement. La gauche noire, effacée des mémoires, l’a été aussi durant longtemps de l’histoire.
27L’histoire de la gauche américaine a été comme « blanchie ». Les historiens du travail ont longtemps ignoré la question raciale et les organisations de gauche ont été décrites comme extérieures au mouvement noir. Selon Herbert Hill, les premiers historiens du mouvement ouvrier ont « soit ignoré le racisme de la classe ouvrière blanche, soit l’ont attribué aux manipulations des employeurs64 ». En fin de compte, le portrait qu’ils ont donné de la classe ouvrière ne diffère que peu des représentations selon lesquelles l’ouvrier est d’abord un homme, et toujours un Blanc65. On pourrait dire que si l’histoire sociale de la classe ouvrière a un problème avec la race, inversement l’histoire des Africains-Américains a un problème avec la classe. Cette invisibilité des ouvriers noirs n’est troublée que par de rares exceptions66. En 1988, un article de Robert Korstad et Nelson Lichtenstein a marqué un tournant vers la reconnaissance des liens inextricables entre race et classe67. Les auteurs y décrivent les politiques syndicales des années 1930 qui tentèrent de combler le fossé entre le mouvement ouvrier et les Africains-Américains, des expériences qui tournèrent court avec le maccarthysme. David Roediger cherche pour sa part à montrer comment le racisme de la classe ouvrière blanche était un obstacle réel, longtemps négligé par les auteurs marxistes au nom d’une solidarité de classe supposée naturelle. Le processus de racialisation concerne aussi les Blancs, ce que souligne le concept de « whiteness », la « blanchité », proposé notamment par Roediger, qui a été critiqué pour la manière dont il conduit à essentialiser l’ouvrier blanc68. Mais de la même manière, les Africains-Américains sont eux aussi figés dans une catégorie particulière, en dehors de l’histoire, comme le dénonce l’historienne marxiste Barbara Fields69. C. L. R. James (1901-1989) dans ses polémiques avec l’historien proche du CPUSA Herbert Aptheker (1915-2003), a montré comment l’historiographie marxiste dans sa version stalinienne a participé également à l’effacement des Noirs, au nom de la centralité de la classe : tandis que le modèle libéral exclut le Noir au nom de la lutte contre le communisme, l’orthodoxie stalinienne le fait disparaître en tant qu’adjoint d’un mouvement ouvrier d’abord pensé comme blanc70. Ainsi les historiens de la gauche ont longtemps ignoré des organisations telles le SNYC. Cependant, si le maccarthysme a rendu invisible la gauche noire, la génération qui l’avait portée n’a pas baissé les bras pour autant.
Et pourtant elle tourne !
28La répression a comme conséquence d’orienter l’essentiel des activités militantes vers la défense des libertés politiques. Un de ses effets paradoxaux est qu’elle donne aux femmes « un rôle central dans la poursuite d’une résistance radicale71 ». Les conflits internes au CPUSA ainsi que les arrestations mettent au premier plan des militantes telles Esther Cooper ou Claudia Jones, notamment dans les campagnes de défense d’Africains-Américains poursuivis en justice, tels Rosa Ingram et Willie McGhee72. Le Civil Rights Congress (CRC, 1946-1956), une organisation de défense légale liée au CPUSA, se saisit de ces deux affaires, qu’il définit comme des lynchages légaux73. Rosa Lee Ingram a été arrêtée en novembre 1947, en même temps que son fils Charles, pour le meurtre de John Stratford, un Blanc qui avait tenté de la violer. Condamnés à mort, ils sont finalement libérés en 1955, après que leurs sentences aient été commuées en prison à vie. Des militantes du CPUSA forment un comité des familles de victimes du Smith Act74. Esther Cooper anime le James E. Jackson Committee et participe à d’autres comités de défense75. Ces activités accaparent entièrement les militants de la gauche. Ainsi lorsque James se rend aux autorités en 1956, le boycott des bus de Montgomery est en cours, mais le couple Jackson ne peut participer à ces mobilisations, bien qu’ils connaissent bien l’Alabama : ils sont isolés, humainement et politiquement.
29Malgré les difficultés les militants de la gauche africaine-américaine initient en 1950 la revue Freedom, sous la direction de Paul Robeson, rejoint notamment par Lorraine Hansberry, l’auteur de la pièce « A Raisin in the Sun ». En août 1951, 14 femmes publient un appel à se mobiliser pour W. E. B. Du Bois, alors menacé par la justice car il a rendu publique son adhésion au CPUSA. Elles annoncent l’organisation d’une manifestation à Washington en septembre. Parmi elles, Rosalie McGee, dont le mari Willie McGee était accusé injustement de viol, l’universitaire Louise Thompson Patterson, la dramaturge Alice Childress, qui participe aussi à l’équipe éditoriale de Freedom, tout comme Shirley Graham Du Bois, l’anthropologue Eslanda Goode Robeson, la poétesse Beulah Richardson, Lorraine Hansberry et Claudia Jones76. Le « séjour » (ainsi nommé car il est prévu de rester à Washington plusieurs jours), est une référence implicite à l’abolitionniste du xixe siècle Sojourner Truth (1797-1883), dont le discours « Ne suis-je point une femme ? » devint un symbole du féminisme noir77. Il s’agit de protester auprès du ministère de la justice contre les persécutions dont sont victimes les militants noirs. Le « séjour » réunit plus de 130 participantes pendant trois jours en septembre 1951, majoritairement des femmes, dont les maris ont été injustement condamnés ou même lynchés. Cette manifestation est l’occasion de fonder une nouvelle organisation, Sojourners for Truth and Justice, dont la convention inaugurale, du 29 septembre au 1er octobre 1951, aboutit à un manifeste, A Call to the Negro Women, qui condamne la ségrégation, les lynchages, les viols sur femmes noires, les violences policières, la pauvreté noire et les persécutions politiques78. Une réunion a lieu en novembre avec notamment Audley Moore (1898-1997), une militante qui venait de rompre avec le CPUSA, et Claudia Jones79. Ces femmes, anciennement ou toujours proches du CPUSA, ont une relation complexe avec le parti, du fait qu’il adopte des normes sociales conservatrices. Plusieurs d’entre elles sont les épouses de dirigeants du CPUSA, mais seule Jones est membre de la direction du parti80. Dans le contexte du maccarthysme, elles parviennent à affirmer une politique féministe indépendante : Sojourners for Truth and Justice leur donne l’occasion de diriger elles-mêmes leur combat.
30Sojourners se définit comme une organisation de femmes, mais contrairement à d’autres, n’inscrit pas son programme exclusivement dans le cadre de « la question des femmes » et déclare lutter au nom de l’ensemble des millions de citoyens noirs, mais aussi contre la guerre de Corée et l’apartheid sud-africain81. De fait, c’est la « première organisation anti-apartheid des États-Unis82 ». Néanmoins il s’agit d’un groupe fragile, dont les activités se limitent à Harlem, et qui n’a existé que durant une courte année. Sojourners n’a été que peu soutenu par le CPUSA, traversé par des conflits internes ; certains dirigeants s’opposent à Claudia Jones, et à son combat pour que les femmes soient mieux représentées dans la direction du parti83. Finalement les persécutions juridiques du maccarthysme mettent un terme à cette expérience en 195284.
31De son côté le Civil Rights Congress (CRC) poursuit ses activités jusqu’en 1956. En 1950 il lance la campagne « Nous portons plainte pour génocide », présentée dans l’encart ci-dessous.
32Les activités des militantes de Sojourners sont en relation étroite avec « une culture noire radicale de l’internationalisme85 » qui associe les combats états-uniens avec les luttes anticoloniales. W. E. B. Du Bois ne peut se rendre à la Conférence de Bandung, qui donne naissance au mouvement des non-alignés, car il a été privé de passeport par le gouvernement américain. En 1960, il s’installe au Ghana avec Shirley Graham Du Bois86. De son côté, Claudia Jones est emprisonnée à quatre reprises au titre du Smith Act, et en 1955, après neuf mois en prison, elle est expulsée vers le Royaume-Uni. Installée à Londres, elle se lie à la communauté antillaise, publie The West Indian Gazette et est à l’origine en 1959 du carnaval antillais de Notting Hill.
33Malgré tous ses efforts, la gauche reste isolée, alors que les organisations noires traditionnelles comme les syndicats participent à la chasse aux sorcières. La plupart des organisations animées par les communistes disparaissent. Ainsi Arthur McPhaul, était à la tête de la section du CRC à Detroit, qui comptait près de 2 000 membres : il rapporte comment celle-ci s’est volatilisée en à peine deux ans87. Dès lors ces militants cherchent d’autres moyens d’expression.
« We charge genocide »
La campagne du CRC s’appuie sur un rapport détaillé, intitulé « We charge genocide ». Il s’agit de répertorier les victimes de la ségrégation afin de déposer une plainte devant le nouveau Comité pour le Droits humains des Nations unies, à Paris. William L. Patterson veut se saisir de l’occasion des débats américains sur les conventions internationales sur le crime de génocide pour déposer un rapport sur les violences raciales aux États-Unis *. Son texte est publié sous le format d’un livre de plus de 200 pages qui accuse les autorités fédérales, étatiques et locales, de génocide. Le 17 décembre 1951, Patterson dépose formellement plainte à Paris. Les autorités américaines et françaises sont tout sauf ravies : les Français cherchent à l’expulser, tandis que les Américains le convoquent à l’ambassade. Il ne s’y rend pas, prend un avion pour la Suisse puis rejoint la Hongrie. La NAACP attaque ce rapport, qu’elle dénonce comme une « grossière conspiration subversive », accusant Paul Robeson de propagande communiste ***. Finalement le CRC ne parvient pas à faire établir le crime de génocide, mais son action a terriblement embarrassé le gouvernement américain.
* Le texte est rédigé par un groupe de 12 auteurs, dont Howard Fast, Richard O. Boyer, Yvonne Gregory, Dr. Oakley Johnson, John Hudson Jones, Leon Jophson, Stetson Kennedy et Elisabeth Lawson. Stone Dan, The Historiography of Genocide, Houndsmill, Palgrave Macmillan, 2010, p. 17.
** Horne Gerald, Black Revolutionary William Patterson and the Globalization of the African American Freedom Struggle, op. cit., p. 131-132.
*** Le juriste Lemkin est opposé à cette pétition qui, selon lui, obscurcit la définition du génocide, en confondant la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui doit s’appliquer en tant que droit de l’individu, et la convention internationale sur le génocide qui, elle, concerne des groupes déterminés. Stone Dan, The Historiography of Genocide, op. cit., p. 20.
Freedomways, la culture du mouvement
34La tornade qu’a été le maccarthysme a clairsemé les rangs de la gauche. Cependant cela ne signifie ni la disparition de ses traditions politiques, ni celle de ses militants88. Dès que la situation le permet, Esther Cooper et ses anciennes camarades se lancent dans de nouveaux projets. Ce qui est désormais impossible dans la sphère politique le demeure dans le champ culturel, moins soumis aux interdictions et à la surveillance policière. Clayborne Carson a suggéré que si le Black Power avait échoué à donner effectivement plus de pouvoir aux Africains-Américains, sa contribution était « plus significative dans les domaines intellectuels et culturels que dans le domaine politique89 ». On pourrait en dire autant de la gauche américaine.
35La revue Freedom, lancée par Paul Robeson et Louis Burnham en 1951, donnait déjà une large place aux rubriques culturelles. Cependant, victime du maccarthysme, elle disparaît en 1955. Le relais est pris avec un nouveau projet, Freedomways, sous-titrée « revue trimestrielle du mouvement de libération noire », qui paraît de 1961 à 1985. Esther Cooper consacre désormais l’essentiel de son activité à cette revue, dont elle est la cheville ouvrière, bien que par ailleurs elle soit toujours membre du CPUSA. Une discussion s’était engagée pour savoir si le magazine devait comporter le terme « marxiste » dans son titre, mais l’équipe de rédaction choisit de ne pas l’y faire figurer90. On retrouve avec Freedomways l’essentiel des animateurs de Freedom : Paul Robeson, Shirley Graham et W. E. B. Du Bois, qui prodigue des conseils éditoriaux, et plusieurs anciens membres du SNYC. L’équipe compte aussi Ernest Kaiser, archiviste de la bibliothèque Schomburg, consacrée à la culture africaine-américaine, ou Jack H. O’Dell (1923-), de la SCLC, qui avait rencontré Esther Cooper au sein du SNYC. Esther Cooper est la responsable de la rédaction et Shirley Graham la rédactrice en chef. L’historien John Henrik Clarke est éditeur associé aux côtés de l’artiste Margaret Burroughs. Lors du lancement du magazine, une réception à l’hôtel Martinique à New York réunit 500 participants.
36Parmi les auteurs et artistes publiés figurent Lorraine Hansberry, Julian Mayfield, la sculptrice Elizabeth Catlett, le peintre Jacob Lawrence, et les acteurs Ossie Davis et Ruby Dee. Freedomways reste indépendante du CPUSA et met en avant la culture noire et diasporique. Le premier numéro a un tirage modeste de 2 500 exemplaires dont 600 vendus par correspondance91. Dans les années 1970 la revue atteint une circulation de 6 500 exemplaires92. Son numéro spécial en hommage à W. E. B. Du Bois bat les records de vente en 1965, avec 15 000 exemplaires. Par ailleurs ces chiffres modestes ne reflètent que partiellement le rayonnement de Freedomways : des interviews importantes y paraissent en exclusivité, avant d’être ensuite reprises dans toute la presse, comme celles de leaders du SNCC, Stokely Carmichael (1941-1988) et Julian Bond (1940-2015), tout comme discours de Martin Luther King contre la guerre au Vietnam, « A Time to Break Silence93 ». La revue est diffusée dans les librairies américaines, mais aussi dans différentes îles caribéennes et jusqu’en Afrique94. Esther Cooper joue un rôle central par le lien qu’elle permet entre les différentes générations, celle des années 1930 et de la période du front populaire, et celle de la nouvelle gauche des années 1960. En effet si les « deux âges d’or [de la gauche] : les années 1930 et les années 1960 » sont fréquemment opposés, comme on le voit ici, les liens sont nombreux95.
37L’équipe de rédaction développe un intégrationnisme radical qui transcende le factionnalisme de parti et d’organisation qui prévaut alors. Freedomways propose une vision internationale, ouverte sur les luttes anticoloniales. Les femmes y tiennent le premier rang, tant du point de vue de l’équipe éditoriale que de celui des auteures publiées, comme Alice Walker, Toni Morrison, Audre Lorde et la poétesse Nikki Giovanni. Ces militantes, dont beaucoup ont, ou avaient, des liens avec la gauche marxiste, développent des espaces culturels, éditent des revues et organisent des colloques qui établissent « des interconnexions entre les minorités américaines et les majorités du Tiers Monde96 ».
38À la marge des organisations traditionnelles, la gauche noire est à l’origine de revendications qui lient la question des droits humains à celle des inégalités économiques, de même qu’elle associe les mobilisations africaines-américaines aux luttes anticoloniales. Par ailleurs elle développe précocement le féminisme noir, et analyse la triple exploitation, sociale, raciale et genrée des Africaines-Américaines. Bien que cela ne soit pas comparable avec l’influence culturelle des mouvements radicaux durant les années 1930, des revues comme Freedomways ont « un impact modeste mais significatif au sein des lettres africaines-américaines des années 196097 ». Cette revue est une forme de revanche de la part de ces militantes et militants noirs qui avaient « participé activement à la politique de Front populaire98 ». Si « la gauche n’est que rarement parvenue à remettre en cause l’ordre établi, tant dans le domaine politique qu’économique, en revanche elle a souvent contribué à transformer le “sens commun” de la société, ce qui n’est pas un mince succès99 ». Esther Cooper a été essentielle dans la création de ce collectif, qui a servi de refuge à la gauche noire. Ainsi le mouvement communiste a « laissé une marque que ni les participants [au mouvement des droits civiques] ni les historiens n’ont reconnue100 ».
Notes de bas de page
1 Evans Sara M., Personal Politics: The Roots of Women’s Liberation in the Civil Rights Movement and the New Left, New York, Knopf, 1979 ; Burnham Linda, The Wellspring of Black Feminist Theory, op. cit.
2 Gore Dayo F., Theoharis Jeanne et Woodard Komozi, Want to Start a Revolution?: Radical Women in the Black Freedom Struggle, op. cit., p. 6.
3 Cooper Jackson Esther, This Is My Husband, Brooklyn, National Committee to Defend Negro Leadership, 1953.
4 Louis Burnham a été secrétaire exécutif du SNYC. En 1950 il fonde avec Paul Robeson le journal Freedom, publié pendant cinq ans, [https://dlib.nyu.edu/freedom/], consulté le 20 décembre 2017.
5 Jackson Esther Cooper, This Is My Husband: Fighter for His People, Political Refugee, Brooklyn, N.Y., National Committee to Defend Negro Leadership, 1953, p. 5.
6 Gerson Deborah A., « “Is Family Devotion Now Subversive?”: Familialism Against McCarthyism », in Joanne J. Meyerowitz, Not June Cleaver: Women and Gender in Postwar America, 1945-1960, Philadelphia, Temple University Press, 1994, p. 152.
7 McDuffie Erik S., « The March of Young Southern Black Women: Esther Cooper Jackson, Black Left Feminism, and the Personal and Political Costs of Cold War Repression », in Clarence Lang et Robbie Lieberman, Anticommunism and the African American Freedom Movement: “Another Side of the Story”, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2009, p. 97.
8 Aptheker Bettina, Intimate Politics: How I Grew up Red, Fought for Free Speech, and Became a Feminist Rebel, New York, Da Capo Press, 2017, p. 103 ; Timmons Stuart, The Trouble with Harry Hay: Founder of the Modern Gay Movement, Boston, Alyson Publications, 2010.
9 Corber Robert J., Homosexuality in Cold War America: Resistance and the Crisis of Masculinity, Durham, Duke University Press, 1997, p. 3.
10 Johnson David K., The Lavender Scare: the Cold War Persecution of Gays and Lesbians in the Federal Government, Chicago, University of Chicago Press, 2006.
11 Dagbovie-Mullins Sika A., « Pigtails, Ponytails, and Getting Tail: The Infantilization and Hyper-Sexualization of African American Females in Popular Culture », JPCU, The Journal of Popular Culture, vol. 46, no 4, 2013, p. 745-771.
12 Hine Darlene C., « Rape and the Inner Lives of Black Women in the Middle West », Signs, vol. 14, no 4, 1989, p. 912-915.
13 Davies Carole Boyce, Left of Karl Marx: The Political Life of Black Communist Claudia Jones, Durham, N.C., Duke University Press, 2008.
14 McDuffie Erik S., Long Journeys, op. cit., p. 294.
15 McDuffie Erik, « Esther V. Cooper’s “The Negro Woman Domestic Worker in Relation to Trade Unionism”: Black Left Feminism and the Popular Front », American Communist History, vol. 7, no 2, 2008, p. 205.
16 Thompson Louise, « Toward a Brighter Dawn » in Woman Today, avril 1936, p. 30, [https://viewpointmag.com/2015/10/31/toward-a-brighter-dawn-1936/], consulté le 2 mai 2017.
17 Baker Ella et Cooke Marvel, « The Slave Market », The Crisis, 42, 11/1935, [https://caringlabor.wordpress.com/2010/11/24/ella-baker-and-marvel-cooke-the-slave-market/].
18 Jones Claudia, An End to the Neglect of the Problems of the Negro Woman!, New York, Jefferson School of Social Science, 1949 ; Davies Carole Boyce, Left of Karl Marx, op. cit. ; Guy-Sheftall Beverly, Words of Fire: An Anthology of African-American Feminist Thought, New York, The New Press, 1996, p. 108-123.
19 Jones Claudia, An End to the Neglect of the Problems of the Negro Woman!, op. cit.
20 Washington Mary Helen, « Alice Childress, Lorraine Hansberry, and Claudia Jones: Black Women Write the Popular Front », art. cité, p. 193-198 ; Evans Sara M., Tidal Wave: How Women Changed America at Century’s End, New York, Free Press, 2010.
21 Jackson James E. et Jacskson Esther Cooper, The Southern Negro Youth Congress and the Communist Party: Papers of James and Esther Cooper Jackson, Farmington Hills, Mich., Gale, 2012 ; Richards Johnetta, « Fundamentally Determined: James E. Jackson and Esther Cooper Jackson and the Southern Negro Youth Congress-1937-1946 », American Communist History, vol. 7, no 2, 2008, p. 191-202.
22 Gellman Erik S., Death Blow to Jim Crow, op. cit., p. 6.
23 Richards Johnetta Gladys, The Southern Negro Youth Congress, op. cit., p. 201 ; Hughes C. Alvin, « We Demand Our Rights: The Southern Negro Youth Congress, 1937-1949 », Phylon, vol. 48, no 1, 1er mars 1987, p. 39.
24 Kelley Robin D. G., Hammer and Hoe, op. cit., p. 212.
25 Rzeszutek Sara Elizabeth, James and Esther Cooper Jackson: Love and Courage in the Black Freedom Movement, Lexington, Ky., University Press of Kentucky, 2018, p. 85.
26 Lewis David Levering, Nash Michael H. et Leab Daniel J. (dir.), Red Activists and Black Freedom: James and Esther Jackson and the Long Civil Rights Revolution, op. cit., p. 27.
27 Julien Claude, « Robert Rogers Korstad. Civil Rights Unionism. Tobacco Workers and the Struggle for Democracy in the Mid-Twentieth Century South », Transatlantica. Revue d’études américaines. American Studies Journal, no 1, octobre 2003.
28 Rocksborough-Smith Ian M., Bearing the Seeds of Struggle: Freedomways Magazine, Black Leftists, and Continuities in the Freedom Movement, master d’histoire dir. John Stubbs, Simon Fraser University, 2005, p. 1.
29 Erik S. Gellman, Death Blow to Jim Crow, op. cit., p. 192 ; McDuffie Erik S., Sojourning for Freedom: Black Women, American Communism, and the Making of Black Left Feminism, Durham, N.C, Duke University Press, 2011, p. 143.
30 Finalement ses travaux ne feront pas partie de l’ouvrage final. Myrdal Gunnar, American Dilemma, op. cit. ; McDuffie Erik S., « The March of Young Southern Black Women », art. cité, p. 84.
31 Ibid., p. 85.
32 Jacksons, interview par Erick McDuffie in ibid., p. 88.
33 Robnett Belinda, How Long? How Long?: African-American Women and the Struggle for Civil Rights, New York, Oxford University Press, 1999, p. 15-35.
34 Rzeszutek Sara Elizabeth, « “All those rosy dreams we cherish”: James Jackson and Esther Cooper’s Marriage on the Front Lines of the Double Victory Campaign », in Daniel Leab, David Lewis et Michael Nash (dir.), Red Activists and Black Freedom: James and Esther Jackson and the Long Civil Rights Revolution, Londres, Routledge, 2013, p. 44-45.
35 Enregistrements dans la seconde partie, les cinq premières minutes, [https://wp.nyu.edu/digitaltamiment/james-esther-jackson-the-american-left-and-the-origins-of-the-modern-civil-rights-movement/].
36 Pete Seeger est un chanteur engagé, sans doute l’un des plus connu à cette époque de la gauche américaine avec Woody Guthrie.
37 Rzeszutek Sara Elizabeth, Love and Activism: James and Esther Cooper Jackson and the Black Freedom Movement in the United States, 1914-1968, thèse d’histoire, dir. Steven F. Lawson, Ann Arbor, United States, 2009, p. 83-84.
38 Cette première rencontre est une initiative commune de Churchill et Staline. Mais l’organisation qu’elle met en place, la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, entre rapidement dans l’orbite soviétique.
39 Lettre à Louis Burnham, le 30 octobre 1945, reproduite dans le journal du SNYC, en décembre 1945. Tamiment Library, James E. Jackson and Esther Cooper Jackson Papers TAM.347, box 2, folder 5.
40 Godfrey Kio Jaja Amachree était un juriste et administrateur colonial nigérian, qui devint en 1962 sous-secrétaire des Nations-unies. Kitty Bomla, alias Ketayun Boomla Menon et Vidya Kanuga, alias Vidya Munshi deviendront des femmes politiques élues du Parti communiste dans l’état du Bengale. Patnaik Prabhat, « The Many Journeys of Kitty Boomla », Social Scientist, vol. 40, nos 7-8, 2012, p. 13-16 ; McDuffie Erik S., « The March of Young Southern Black Women », art. cité, p. 91.
41 Ce congrès donne naissance à une organisation liée au mouvement communiste, la Fédération démocratique internationale des femmes.
42 McDuffie Erik S., « The March of Young Southern Black Women », art. cité, p. 91.
43 Carroll Peter N., The Odyssey of the Abraham Lincoln Brigade: Americans in the Spanish Civil War, Stanford, Calif., Stanford University Press, 1994.
44 Von Eschen Penny M., Race against Empire: Black Americans and Anticolonialism, 1937-1957, Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 2014, p. 69.
45 Le CAA est fondé sous le nom de l’International Committee on African Affairs en 1937. Son premier président est Max Yergan (1892-1975), alors communiste, qui cède ensuite la place à Robeson. Lynch Hollis Ralph, Black American Radicals and the Liberation of Africa: The Council on African Affairs, 1937-1955, Ithaca, NY, Cornell University, 1978.
46 Fraser Rhone S., Monteiro Anthony B., Wonkeryor Edward L. et Joyce Joyce A., Publishing Freedom: African American Editors and the Long Civil Rights Struggle, 1900-1955, Temple University Libraries, 2012, p. 211.
47 Du Bois William E. B., « Behold the Land », Birmingham, Al., Southern Negro Youth Congress, 1947.
48 Rapport d’un agent du FBI en 1948 (Report to the Director on the SNYC, Special Agent in Charge, Birmingham Office, August 25, 1949, File No. 100-6548).
49 Strong Augusta Jackson, « Southern Youth’s Proud Heritage », Freedomways: The Southern Freedom Movement, vol. 4, no 1, 1964.
50 Le couple Durr, Virginia (1903-1999) et Clifford (1899-1975) sont les moteurs de la SCHW, d’abord à Birmingham, puis à Montgomery. Stefani Anne, Unlikely Dissenters, op. cit.
51 Le SCEF compte parmi ses membres actifs à Birmingham le couple Braden, Anne (1924-2006) et Carl (1914-1975).
52 Robbins Becci, Modjeska Monteith Simkins, a South Carolina Revolutionary, Charleston SC, S.C. Progressive Network Education Fund, 2014, [http://www.scpronet.com/modjeskaschool/wp-content/uploads/2018/03/ModjeskaBook2018web.pdf], consulté le 10 mai 2017.
53 Hall Jacquelyn D., « Open Secrets: Memory, Imagination, and the Refashioning of Southern Identity », American Quarterly, vol. 50, no 1, 1er mars 1998, p. 118-119 ; Du Pre Lumpkin Katharine, The Making of a Southerner, New York, A.A. Knopf, 1946.
54 Gaines Kevin K., « Locating the Transnational in Postwar African American History », Small Axe, vol. 13, no 1, 2009, p. 197.
55 Gellman Erik S., Death Blow to Jim Crow, op. cit., p. 250.
56 Rzeszutek Sara Elizabeth, « James and Esther Cooper Jackson, Communism, and the 1950s Black Freedom Movement », in Danielle McGuire (dir.), Freedom Rights: New Perspectives on the Civil Rights Movement, Lexington, Ky., University Press of Kentucky, 2011, p. 111-115.
57 Belknap Michal R., Cold War Political Justice: The Smith Act, the Communist Party, and American Civil Liberties, Westport, Conn, Greenwood Publishing Group, 1977, p. 226.
58 Verney Kevern, The Debate on Black Civil Rights in America, op. cit., p. 102.
59 Berg Manfred, « Black Civil Rights and Liberal Anticommunism: The NAACP in the Early Cold War », The Journal of American History, vol. 94, no 1, 2007, p. 96.
60 Horne Gerald, Black Revolutionary William Patterson and the Globalization of the African American Freedom Struggle, 2013, p. 130.
61 Woods Jeff, Black Struggle, Red Scare, op. cit. ; Rolph Stephanie Renee, Resisting Equality: The Citizens’s Council, 1954-1989, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2018.
62 Ce parti avait scissionné du Parti socialiste en 1934.
63 Bromell Nicholas Knowles, A Political Companion to W. E. B. Du Bois, Lexington, Ky., University Press of Kentucky, 2018, p. 71.
64 Hill Herbert, The Problem of Race in American Labor History, op. cit., p. 190-192.
65 Nelson Bruce, Divided We Stand: American Workers and the Struggle for Black Equality, Princeton, N.J., Princeton University Press, 2002, p. xxii-xxiii.
66 Meier August et Rudwick Elliott M., Black Detroit and the Rise of the UAW, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1979.
67 Korstad Robert et Lichtenstein Nelson, « Opportunities Found and Lost: Labor, Radicals, and the Early Civil Rights Movement », art. cité.
68 Painter Nell Irvin, Histoire des blancs, Paris, Max Milo, 2018 ; Roediger David R., The Wages of Whiteness, op. cit. ; Arnesen E., « Whiteness and the Historians’ Imagination », International Labor and Working-Class History, no 60, 2001, p. 3-32.
69 Fields Barbara J., « Slavery, Race and Ideology in the United States of America », New Left Review, no 181, coll. « I », 1990, p. 110.
70 James Cyril L. R., « Herbert Aptheker’s Distortions », Fourth International, vol. 10, no 11, décembre 1941, p. 337-341.
71 Gore Dayo F., Radicalism at the Crossroads: African American women activists in the Cold War, New York/Londres, New York University Press, 2011, p. 2.
72 Willie McGhee est condamné à mort pour le viol d’une Blanche, Willette Hawkins, avec qui il avait une relation amoureuse de longue date. Il est exécuté en 1951 malgré les protestations. Martin Charles H., « Race, Gender, and Southern Justice: The Rosa Lee Ingram Case », The American Journal of Legal History, vol. 29, no 3, 1985, p. 251-268 ; Gore Dayo F., Radicalism at the Crossroads, op. cit., p. 90 ; Keohane Jennifer, Communist Rhetoric and Feminist Voices in Cold War America, Lanham, NY, Lexington Books, 2018, p. 73 ; Biondi Martha, To Stand and Fight. The Struggle for Civil Rights in Postwar New York City, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2003, p. 197-199.
73 Le CRC nait de la fusion de trois organisations, l’ILD, la National Federation for Constitutional Liberties (NFCL) et le NNC. Il disparaît en 1956, victime du maccarthysme.
74 Families’ Committee of Smith Act Victims, in « Dear Friend » Families of the Smith Act Victims, 28 June 1956, in Arnold Johnson Papers, box 2, folder 24, Tamiment Institute, Bobst Library, New York University.
75 McDuffie Erik S., « The March of Young Southern Black Women », art. cité, p. 95.
76 McDuffie Erik S., Sojourning for Freedom, op. cit., p. 98.
77 De son vrai nom Isabella Baumfree, mais certaines sources la nomment Isabella Van Wagener. Son discours fut prononcé lors de la convention des Femmes en 1851, Women’s Convention, à Akron.
78 McDuffie Erik S., Sojourning for Freedom, op. cit., p. 177.
79 Mahéo Olivier, « “Queen Mother” Moore, une militante longtemps oubliée à l’origine des revendications pour les réparations aux États-Unis », Esclavages et post-esclavages/Slaveries et Post-Slaveries, no 5, novembre 2021.
80 Esther Cooper Jackson, Louise Thompson Patterson, et Eslanda Robeson sont toutes trois mariés à des militants de la direction du parti.
81 Gore Dayo F., Radicalism at the Crossroads, op. cit., p. 86.
82 Nesbitt Francis N., Race for Sanctions. African Americans Against Apartheid, 1946-1994, Bloomington, Indiana University Press, 2004, p. 2.
83 Shapiro Linn, Red feminism: American Communism and the Women’s Rights Tradition, 1919-1956, thèse d’histoire, dir. Bernice J. Reagon, Harvard, 1996, p. 315-318.
84 McDuffie Erik S., Sojourning for Freedom, op. cit., p. 184.
85 Gaines Kevin K., « From Center to Margin: Internationalism and the Origins of Black Feminism », in Russ Castronovo et Dana D. Nelson, Materializing Democracy: Toward a Revitalized Cultural Politics, Durham, N.C., Duke University Press, 2009, p. 295.
86 Boyce Davies Carole, « Sisters Outside: Tracing the Caribbean/Black Radical Intellectual Tradition », Small Axe, vol. 13, no 1, 2009, p. 217-229 ; Von Eschen Penny M., Race against Empire Black Americans and Anticolonialism, 1937-1957, op. cit., p. 57, 184.
87 Arthur McPhaul était le permanent à la tête de cette section du CRC. Il est condamné en 1961 pour avoir refusé de livrer l’ensemble des documents du CRC de Detroit, particulièrement la liste de ses membres. Horne Gerald, Black Revolutionary William Patterson and the Globalization of the African American Freedom Struggle, op. cit., p. 138.
88 Kelley Robin D. G., Freedom Dreams: The Black Radical Imagination, Boston, Beacon Press, 2002, p. 58.
89 Carson Clayborne, « Black Political Though in Post-Revolutionary Era », in Tony Badger et Brian Ward (dir.), The Making of Martin Luther King and the Civil Rights Movement, New York, NYU Press, 1996, p. 122.
90 Rocksborough-Smith Ian M., Bearing the Seeds of Struggle, op. cit., p. 12.
91 Comme l’indique un agent du FBI dans ses télégrammes. Unknown Agent to FBI investigation director, telegram 8 May 1961. Dans Freedomways (Magazine) case file, NY FM 105-160936 Sec 1, FOI FBI HQ.
92 Buhle Paul, Buhle Mari Jo et Georgakas Dan, Encyclopedia of the American Left, op. cit., p. 245.
93 Freedomways 7, no 2 (printemps 1967). King Martin Luther et Washington James Melvin, A Testament of Hope: The Essentiel Writings and Speeches of Martin Luther King Jr., New York, Harper Collins, 2006, p. 231-244.
94 Rocksborough-Smith Ian M., Bearing the Seeds of Struggle, op. cit., p. 24.
95 Kazin Michael, « Repenser la gauche américaine », art. cité.
96 Young Cynthia A., Soul Power Culture, Radicalism, and the Making of a U.S. Third World Left, Durham, N.C, Duke University Press, 2006, p. 3.
97 Smethurst James E., The New Red Negro: The Literary Left and African American Poetry, 1930-1946, New York, Oxford University Press, 1999, p. 210 ; Nash Michael H. et Leab Daniel J., « Freedomways », in Daniel Leab, David Lewis et Michael Nash (dir.), Red Activists and Black Freedom: James and Esther Jackson and the Long Civil Rights Revolution, op. cit., p. 56.
98 Smethurst James E., The Black Arts Movement: Literary Nationalism in the 1960s and 1970s, Chapel Hill NC, Univ of North Carolina Press, 2005, p. 45 ; Young Cynthia A., Soul Power Culture, Radicalism, and the Making of a U.S. Third World Left, op. cit., p. 3.
99 Kazin Michael, « Repenser la gauche américaine », art. cité.
100 Kelley Robin D. G., Hammer and Hoe: Alabama Communists during the Great Depression, op. cit. p. 230.
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