Chapitre II. La ligne rouge
p. 59-76
Texte intégral
Hosea Hudson, métallurgiste et auteur
1Hosea Hudson (1898-1988) est né en Géorgie dans le comté de Wilkes, de parents métayers. Il se marie très jeune et s’installe en 1924 à Birmingham, où il est embauché dans une fonderie. En 1931, il rejoint le CPUSA pour défendre les accusés de Scottsboro. Licencié pour son engagement, il passe plusieurs mois à l’école du parti, où il apprend à lire et à écrire1. De retour dans le Sud en 1934, il milite à temps plein à Atlanta, avant de prendre un emploi en 1937 à Birmingham, au sein la Works Progress Administration, l’agence fédérale fondée dans le cadre du New Deal, qui emploie plus de trois millions de salariés. Il participe en 1938 à la création du Right to Vote Club, qui lutte contre l’analphabétisme en vue d’inscrire les Noirs sur les listes électorales. Entre 1942 et 1947, il est vice-président d’une section du syndicat de la métallurgie, l’United Steel Workers of America (USWA). Par ailleurs à partir de 1945 il est membre du comité national du CPUSA, chargé de remettre le parti sur pied dans le Sud. Mais la guerre froide s’accompagne d’une chasse aux sorcières au sein des syndicats : en 1947 le Taft-Hartley Act limite le droit de grève et exige des responsables syndicaux une déclaration sur l’honneur qu’ils n’ont jamais soutenu le CPUSA2. Hudson est exclu de l’USWA, et perd son emploi. De 1950 à 1954 il milite clandestinement en tant qu’agent de liaison pour le parti dans le Sud. Finalement il s’installe à New York en 1954 où il trouve un emploi d’ouvrier d’entretien, mais son récit ne dit rien de cette période. Il prend sa retraite en Floride en 1985, et reste fidèle au parti jusqu’à sa mort en 1988.
2Il a écrit ou participé à deux textes autobiographiques. Le premier, édité en 1972 aux éditions du CPUSA, Black Worker in the Deep South, est assez bref, et ne contient que très peu d’éléments personnels. Moins d’un tiers du manuscrit original a été publié, pour aboutir à une sorte de bréviaire militant, qui fait l’omission du moindre désaccord avec la ligne du parti, et dont l’introduction présente Hudson comme un modèle. Entre le manuscrit et le texte final, un important travail éditorial a eu lieu, et la spontanéité de la langue utilisée par Hudson a été largement supprimée3. Cependant ce livre représente pour Hudson une véritable consécration, il ne se déplace pas sans quelques exemplaires de ce texte qui fait sa fierté et témoigne du rôle politique qu’il a joué, bien avant le mouvement pour les droits civiques. À partir des années 1950 ses activités politiques sont limitées, et Black Worker in the Deep South rappelle ses anciennes responsabilités. Le second texte, The Narrative of Hosea Hudson, a été coécrit avec l’historienne Nell Irvin Painter4. Selon cette dernière, le livre est fidèle aux propos de Hudson mais elle mentionne deux désaccords. Le premier à propos du titre et du nom l’auteur, résolu par un compromis, avec pour nom d’auteure Painter, et l’inclusion de Hudson dans le titre, ce qui explique l’apparente contradiction sur la couverture entre ces deux noms. L’autre divergence tenait au contenu de l’introduction sous la plume de Painter. Elle y mentionne Harry Haywood, ce que Hudson refusait : ce dernier avait été exclu du parti et il n’y avait plus lieu d’en parler ; les maoïstes étaient sa « bête noire5 ». Hudson obtint que Painter ajoute une note : « Les commentaires de [Nell Painter] et ses interprétations n’appartiennent qu’à elle seule6. » L’intérêt du « Narrative » est dans cette tension entre les deux projets, celui de l’historienne, face à celui du militant. Par exemple, Hudson ne souhaitait pas raconter sa vie avant son engagement, une vie passablement agitée, dont Painter fait un bref résumé dans l’introduction7. Le livre se présente comme un ouvrage scientifique, avec un appareil critique important, et deux introductions qui traitent de la question du statut de la preuve. L’intervention de Painter trouve sa place entre l’enregistrement d’Hosea Hudson, et sa retranscription, qui conserve des traces de l’oralité. Dans son introduction elle commente son parcours, ce que le parti lui a apporté comme assurance et comme éducation, mais aussi la part de fidélité aveugle. Ainsi après 1956 et le rapport de Nikita Khrouchtchev au XXe Congrès du parti soviétique, Hudson refuse de dénoncer Staline, à qui il attribue la position du parti américain en faveur des Noirs. Son récit nous permet de découvrir le Parti communiste en Alabama, majoritairement noir et ouvrier, un parti que : « les gens […] ne quittaient pas, c’était le parti qui les quittait8 ».
La lutte de classe, aussi américaine que la tarte aux cerises
3H. Rap Brown, ancien leader du SNCC en 1967, disait de la violence qu’elle était aussi américaine que la tarte aux cerises, et nous lui empruntons cette formule, pour présenter l’activité syndicale d’Hosea Hudson9. Son syndicat, le Local 2815 de l’USWA, ne compte dans un premier temps presque que des Noirs, mais il parvient à recruter quelques ouvriers blancs10. Durant les années 1930, l’essor des organisations syndicales avec le CIO donne à la question des droits civiques un « niveau d’actualité politique qu’elle ne retrouvera pas dans les 15 années suivantes11 ». Dans différentes petites villes industrielles des Appalaches les « ouvriers blancs de la métallurgie se joignent à leurs collègues noirs dans leur “révolution des droits civiques” de la fin des années 1930 […] pour déségréguer tout sur leur passage, restaurants, magasins, cinémas et piscines12 ».
Figure 6. – Birmingham, Alabama. « Les vétérans noirs de la Seconde Guerre mondiale manifestent devant le tribunal pour le droit de vote, conduits par Henry Mayfield, un mineur de charbon et un leader du Parti communiste. »

Source : Tamiment Library James E. Jackson and Esther Cooper Jackson Photographs Collection PHOTOS.221, box 2, folder 37.
4Ainsi l’action de ce « syndicalisme des droits civiques », ne se limite pas aux entreprises : ces militants s’impliquent par exemple dans les campagnes d’inscription sur les listes électorales. Ainsi Hudson participe en mai 1944 à une conférence de la Negro Democratic Non-Partisan Voters League, une organisation fondée en 1936 à Dallas par le pasteur Maynard Jackson. L’été 1946, il entraîne six vétérans devant le bureau d’inscription sur les listes électorales de Birmingham et, après une journée d’attente, ils parviennent à se faire inscrire. Par ailleurs, il est membre du Southern Negro Youth Congress (SNYC), l’organisation de jeunesse du National Negro Congress, liée au CPUSA, qui mobilise 150 vétérans noirs devant le tribunal du Jefferson County pour s’inscrire sur les listes électorales, comme le montre l’illustration ci-dessus. En 1946, Hudson participe à la conférence du SNYC qui réunit des centaines de jeunes venus de tout le Sud, mais aussi des délégués internationaux, liés au mouvement communiste et aux organisations nationalistes de différentes colonies13.
5Jacquelyn Hall affirme que le « syndicalisme des droits civiques ne fut pas simplement un précurseur du mouvement moderne pour les droits civiques. Il fut sa première phase et la plus décisive14 ». Dans le contexte du combat syndical, les solidarités devenaient envisageables de part et d’autre de la ligne de couleur. Déjà du temps de l’esclavage, Frederick Douglass avait souligné cette solidarité en déclarant que « ce que l’esclave blanc s’est vu prendre par des moyens indirects, l’esclave noir se l’est vu prendre directement et sans autre forme de procès15 ».
6Hudson décrit une situation ouverte, où la haine raciale peut parfois céder le pas à la solidarité de classe. La gauche politique et syndicale semble alors en mesure de triompher de la barrière de couleur. Cela signifie aussi a contrario faire apparaître les inégalités sociales qui traversent la minorité noire.
Consensus libéral et maccarthysme
7Le conteste d’après 1945, aussi national qu’international, semble tout d’abord pouvoir favoriser le combat contre la ségrégation. L’analyse des crimes nazis et la définition du concept de génocide par Raphael Lemkin, aussitôt inclus dans la Charte des Nations Unies, fait de la discrimination raciale sur le sol des États-Unis une survivance insoutenable sur le plan diplomatique, d’autant plus que les mouvements nationalistes des pays colonisés trouvent à l’ONU une tribune nouvelle, dans un monde où les empires coloniaux apparaissent caducs16. Le NNC dépose auprès des Nations unies une première protestation « au nom des 13 millions de citoyens noirs opprimés aux États-Unis », rédigée par l’historien communiste Herbert Aptheker, elle réclame de mettre un terme à l’oppression des Noirs américains, et de conduire des enquêtes économiques, sociologiques et politiques afin de documenter ces faits17. Elle est bientôt suivie par celle de la NAACP qui dépose en octobre 1947 An Appeal to the World, soit 6 chapitres et 96 pages que W. E. B. Du Bois a rédigées ou supervisées18.
8Par ailleurs les équilibres politiques qui maintenaient au pouvoir dans le Sud les démocrates partisans de la ségrégation, sont remis en cause. Les migrations intérieures ont donné un poids nouveau aux électeurs noirs, concentrés dans quelques agglomérations, y compris dans le Nord où ils peuvent voter. Mais leur nombre augmente aussi dans les États du Sud, pour atteindre 914 000 en 1951. Cela ne représente que 15 % des électeurs africains-américains potentiels, mais au regard de la situation des années 1930, c’est un progrès important19. Lors du congrès du Parti démocrate en juillet 1948, George Vaughan, un juriste noir de Saint-Louis, demande l’exclusion de la délégation du Mississippi si celle-ci s’obstine à refuser de soutenir Harry Truman et sa plateforme de défense des droits civiques, qui mentionne notamment la déségrégation des forces armées. Sa voix est couverte par les hurlements des délégués du Sud, cependant pour la première fois, l’enjeu de la primaire démocrate s’est joué autour de la question raciale, ce qui témoigne de ce poids électoral grandissant des Africains-Américains20. En 1946, la candidature d’Henry Wallace représente une nouvelle contestation de la ségrégation issue des rangs démocrates21.
9Du point de vue économique, le système du marché du travail dans le Sud, qui reposait sur le contrôle étroit des ouvriers agricoles noirs, est de plus en plus dépassé, alors que les nouvelles techniques ne nécessitent plus autant de main-d’œuvre ; la récolte du coton connaît ses premières expériences de mécanisation. La guerre, avec le développement de nouvelles industries dans le Sud et une forte croissance urbaine, y transforment aussi les relations raciales. Selon les sociologues Piven et Cloward, « Au sens le plus large, la modernisation politique dans le Sud a son origine dans la modernisation économique22. » La crise de l’agriculture cotonnière dans la première moitié du xxe siècle, en provoquant une émigration des Noirs vers le Nord du pays, où le racisme et la ségrégation étaient moindres, a contribué à leur ouvrir de nouvelles perspectives, et a facilité la montée des contestations.
10L’accès à la consommation de masse, et la capacité d’une élite noire à adopter le mode de vie symbole de la réussite sociale de l’Amérique blanche, remettent en cause la suprématie blanche23. La bourgeoisie noire assure le succès d’universités noires qui connaissent un développement fulgurant, tout comme les Églises les plus établies, dont certaines commencent à revendiquer plus vigoureusement l’égalité après 194524. Elle est également l’inspiratrice des organisations noires modérées, telle la NAACP et la National Urban League (NUL). La classe moyenne noire a pris la direction de la contestation, qui n’aurait pu aboutir, selon le sociologue Oberschall, sans l’aide de ces alliés extérieurs qu’étaient les nouvelles classes moyennes noires du Nord, à commencer par les étudiants25. Ainsi il faut prendre en compte les inégalités sociales dans leurs différentes implications : d’une part celle d’une potentielle unité avec les ouvriers blancs, mais aussi du point de vue des failles qui traversent la minorité noire26. Comme on le constate, les mutations économiques et sociales, ainsi que la stratégie de conquête du vote noir par le Parti démocrate, ont créé un terrain favorable sur le long terme pour le mouvement pour les droits civiques27.
11Cependant la guerre froide met un coup d’arrêt brutal aux mouvements qui se développaient depuis les années 1930. La période d’après-guerre aux États-Unis redéfinit les lignes de partage politiques et idéologiques. La fin de l’alliance ambiguë avec l’URSS débouche sur une obsession du communisme en tant que menace intérieure. La superpuissance américaine s’affirme sur la scène internationale avec le plan Marshall d’aides financières à l’Europe, puis avec la guerre de Corée en 1950. Sur le plan intérieur, l’Amérique s’installe dans la société de consommation. Cela ne signifie pas pour autant la disparition des inégalités les plus frappantes en matière d’accès à l’instruction, à la santé, renforcées par les discriminations raciales. Deux traits marquants caractérisent ces années : le développement du « second ghetto » défini par l’historien Arnold Hirsch, alors que la migration des Africains-Américains hors du Sud se poursuit28. Et d’autre part la politique des milieux progressistes, qui appréhendent les relations raciales comme les signes d’une maladie sociale, et participent en 1947 à la fondation de la National Association Of Intergroup Relations Officials.
12Les années 1950 voient les analyses en termes de classe marginalisées, du fait que la moindre référence à celles-ci rend suspect de sympathies communistes. Si le mouvement syndical est fort, pour autant les ouvriers ont le plus souvent le sentiment de faire partie de la classe moyenne. Les différences de classe ne font pas partie du langage spontané des États-Unis et si les liens qui imbriquent les rapports raciaux et les rapports de classe sont évidents, ils restent masqués, tandis que les inégalités sociales sont vécues en termes raciaux29. La guerre froide conduit à une redéfinition du libéralisme américain qui évacue toute référence à l’expérience de la gauche radicale des années 1930, et associe étroitement libéralisme et anticommunisme. L’historien Arthur Schlesinger définit en 1949 la nécessité d’un retour au « centre vital », c’est-à-dire un libéralisme inspiré par les politiques étatiques du New Deal30. Ce libéralisme de la guerre froide est un modèle à la fois idéologique et politique qui s’installe pour plus d’une décennie, marquée par un grand conformisme, lié au maccarthysme et au développement de la consommation de masse. Différents de groupes d’intérêts, hommes d’affaires, Églises, officiels, « qui avaient un intérêt majeur à cimenter la cohésion nationale et à [promouvoir la notion de consensus]31 », contribuent à cette confiance dans le capitalisme et l’exceptionnalisme américains. Sous les mandats de Truman et d’Eisenhower, les problèmes intérieurs sont tenus pour résolus, du fait de la prospérité. Le consensus libéral associe le libéralisme dans les domaines raciaux et sociaux au libéralisme économique, dans un double refus du communisme et du fascisme. Il s’agit d’une forme de « libéralisme conservateur », porté par la foi selon laquelle la croissance américaine permettrait d’abolir les « injustices et les inégalités » sans heurt et sans sacrifice pour les classes moyennes32.
13Ce climat politique contribue au renforcement des normes sociales, ethnoraciales et genrées, liées au développement d’une culture américaine à travers l’homogénéisation permise par l’essor de la société de consommation et de la culture de masse, qui fondent l’attractivité de l’American Way of Life. Les inégalités socioéconomiques sont le plus souvent ignorées, dans une Amérique qui se veut prospère et blanche. Sur le terrain politique les expériences menées sous Roosevelt et l’esprit du New Deal sont désormais condamnés.
14L’exemple du Train de la liberté, le Freedom Train, illustre les contradictions criantes entre cette politique et la « question raciale » qui demeure entière. En mai 1947 un groupe de chefs d’entreprise, de leaders syndicaux, d’organisations des droits civiques et de religieux promeut ce Train de la liberté, qui doit circuler sur tout le territoire avec à son bord plus de 100 documents originaux, parmi lesquels une copie de la Constitution de la main de George Washington, et le brouillon du discours de Lincoln à Gettysburg, afin de célébrer la démocratie américaine. Mais son passage dans le Sud soulève la question du public noir, qui reste soigneusement ségrégué lors de sa visite33. L’American Heritage Foundation, le think tank conservateur qui est derrière ce projet, ne cède pas en apparence aux pressions des autorités sudistes et conditionne le passage du train au refus de la ségrégation. En réalité des queues séparées sont formées sous le prétexte fallacieux de gérer l’attente, et les publics blancs et noirs entrent à tour de rôle, sans jamais se croiser. Les protestataires sont réprimés : à New York, 19 manifestants de la Fellowship of Reconciliation, FOR, une organisation pacifiste, sont arrêtés. À Houston deux militants communistes sont interpellés34. Toute contestation de la ségrégation est présentée comme synonyme d’une menace communiste, et les partisans de la suprématie blanche entretiennent volontairement cette confusion35.
15En 1955 Emmett Till, un adolescent de 14 ans, est assassiné dans le Mississippi, pour avoir simplement adressé la parole à une femme blanche. Les photos de son cadavre défiguré, dans le cercueil que sa mère, Mamie E. Bradley (1921-2003), a maintenu ouvert, bouleversent les États-Unis. Mais le FBI accuse cette dernière d’avoir « été promenée par les communistes dans tout le pays telle le premier prix d’une exposition ; ils ont tout fait pour exploiter l’affaire36 ». En 1957 des panneaux publicitaires commandités par les partisans de la ségrégation montrent une photographie de Martin Luther King Jr. aux côtés de Jack O’Dell, un ancien membre du CPUSA, lors d’une rencontre organisée par la Highlander School en 1957, où Rosa Parks était aussi présente. King s’était rendu à cette rencontre pour répondre à une invitation et n’était resté que quelques heures, conscient du danger pour son image. Cette photographie est en effet utilisée pour le présenter comme un communiste. Finalement Jack O’Dell quitte la SCLC en 1963, pour éviter de compromettre Martin Luther King Jr.37. Par ailleurs cette photographie montre une assemblée militante qui réunissait des Noirs et des Blancs, ce qui était en soi une atteinte au mode de vie sudiste, le Southern way of life.
16Au sens strict, le maccarthysme ne durerait que le temps des activités du sénateur Joseph McCarthy (1908-1957), de 1950 à 1954, mais de fait, la répression politique et l’hystérie anti-communiste ont débuté plus tôt et ont duré plus longtemps, jusqu’au début des années 1960 au moins38. En 1938, le House Committee on Un-American Activities (HUAC) est fondé, plus connu sous le nom de Dies Committee, du nom de l’élu démocrate au Congrès Martin Dies, qui la préside. En 1945 la HUAC devient une commission permanente de la Chambre des représentants. Dans les bibliothèques publiques, les publications progressistes les plus innocentes, dont The Crisis, publié par la NAACP, sont retirées des rayonnages39. En mars 1947, Harry Truman met en place un programme de « loyauté » selon lequel tous les employés du gouvernement doivent faire l’objet d’une enquête. Les questions posées par les commissions ad hoc mises en place par les différentes agences gouvernementales sont de cet ordre : « Recevez-vous des Noirs chez vous ?, Lisez-vous Howard Fast ? Tom Paine, Upton Sinclair40 ? » De nombreux Américains sont « terrorisés d’avoir à répondre à cette question : Êtes-vous ou avez-vous été membres du Parti communiste41 ».
17Jusqu’aux années 1980, l’historiographie du maccarthysme semble ignorer la répression qui touche spécifiquement les Africains-Américains : elle se préoccupe des 10 d’Hollywood, du féminisme (des femmes blanches), et de liste noire (d’acteurs, de réalisateurs blancs)42. Ce n’est que récemment que des chercheurs ont mis au jour la répression qui s’en est prise spécifiquement aux Africains-Américains et à tous ceux qui les fréquentaient, convoquant devant la HUAC ceux qui « avaient des amis noirs, qui avaient épousé une ou un Noir, ou qui écoutaient de la musique noire – comme si une seule goutte de sang noir pouvait produire un communiste43 ». Certains historiens ont mis l’accent sur le rôle positif qu’aurait joué selon eux la guerre froide du point de vue des droits civiques : la concurrence avec l’URSS aurait forcé les autorités fédérales à adopter des mesures favorables à l’égalité des droits. Cependant Jeff Woods écrit que « l’anticommunisme a joué en faveur du mouvement autant qu’en faveur des opposants du Sud [à la déségrégation]44 ». En effet, il est difficile d’ignorer que « l’impact de la guerre froide, les purges anticommunistes et l’environnement quasi-totalitaire ont eu un effet dévastateur sur la cause des droits civiques et sur celle des libertés publiques45 ». La guerre froide a étroitement limité les objectifs et la portée du mouvement noir, tout en l’isolant de possibles alliés46. Les revendications économiques ont été abandonnées, de peur d’être assimilées à des mots d’ordre communistes, et seule la revendication des droits civiques a été mise en avant. De même, la perspective internationaliste et le lien avec les mouvements de décolonisation ont été mis à l’arrière-plan. L’affrontement Est-Ouest a fermé la porte à la possibilité d’un mouvement de masse autour d’objectifs fédérateurs en faveur de la justice économique, de l’égalité raciale et de la paix extérieure47.
18Le maccarthysme a-t-il détruit littéralement cette gauche, comme l’écrit l’historienne Ellen Schrecker, ou bien l’a-t-il rendue invisible, sans toutefois parvenir à la supprimer totalement48 ? Le CPUSA a survécu certes, mais toutes les organisations dont il s’entourait ont disparu sous les coups de la répression. La principale école du parti à New York, la Jefferson School of Social Science, ferme ses portes en 195649. Si individuellement les victimes de cette vague d’hystérie ont souvent retrouvé un travail puis refait leur vie, les réseaux militants ont été brisés, et la peur s’est installée durablement. Des thèmes qui s’étaient imposés dans les années 1930, y compris dans la culture populaire, comme la lutte de classe ou le combat pour l’égalité raciale, sont devenus suspects. La coalition de la gauche, du mouvement ouvrier, des libéraux rooseveltiens, des humanistes chrétiens est anéantie et c’est, comme l’écrit Ellen Schrecker, une occasion ratée, « des mouvements jamais lancés, des livres jamais publiés, des films jamais produits50 ». La répression s’étend bien plus largement qu’aux seuls individus et groupes liés au CPUSA. Le mouvement syndical tout comme les organisations noires sont atteints. Les Africains-Américains et tous ceux qui les fréquentent peuvent devenir suspects. Ainsi le CORE n’a plus en 1954 qu’une existence virtuelle51.
19Des contraintes insurmontables pèsent sur ces organisations, et il faut souligner la manière dont leurs liens internationaux sont empêchés. Une organisation de femmes africaines-américaines, le National Council of Negro Women (NCNW), fondé en 1935, est comme les autres, surveillée par les autorités et elle infléchit sa politique pour éviter d’être menacée. En 1945, l’URSS initie la création d’une Fédération démocratique internationale des femmes, qui réunit son premier meeting à Paris à l’appel de l’Union des femmes françaises, organisation liée au PCF. La délégation américaine est importante, et l’organisation des femmes africaines-américaines, la NCNW, y mandate deux déléguées, la première blanche, Elinor Gimbel et la seconde noire, Vivian Carter Mason. Elles reviennent de Paris avec le projet de fonder une nouvelle organisation, le Congress of American Women (CAW), selon les objectifs fixés par la conférence de Paris. Cependant la NCNW retire son soutien à ce projet : Mary McLeod Bethune, qui la préside, craint de se lier à une organisation suspecte aux yeux de l’HUAC52.
20Après 1945, les deux forces majeures de la vie politique sont l’anticommunisme et la défense de la suprématie blanche53. La victoire du consensus libéral sur les courants noirs radicaux consiste en une forme de compromis : les élites blanches acceptent des avancées sur la question raciale dans la mesure où les organisations noires reprennent à leur compte la politique libérale contre le communisme y compris sur le plan international. Du point de vue de la minorité noire, le résultat de cette répression est un vide politique, que les libéraux occupent en fermant la porte à toute forme de contestation radicale. La rupture que représente le maccarthysme est essentielle et permet de prendre en compte les « discontinuités spatiales, temporelles, idéologiques » qui affectent le mouvement noir54.
21Le parcours d’Hosea Hudson, victime du Taft-Hartley Act en 1947, en témoigne. Philip Murray, alors leader du CIO, déclarait : « Si le communisme est un problème dans nos syndicats, envoyons-le au diable, et ses partisans avec lui55. » Hudson décrit comment après avoir été exclu de toutes les instances syndicales, il doit finalement quitter Birmingham. Cette mise à l’écart de la gauche syndicale contribue à l’échec du CIO dans le Sud, où depuis lors le mouvement syndical est demeuré très faible. Sa campagne de syndicalisation, l’Operation Dixie, lancée en 1946, tourne court56. Les rares succès avaient été obtenus précisément là où les militants avaient d’abord rallié les Africains-Américains. Il s’agissait le plus souvent des syndicats animés par la gauche radicale, mais dès 1946 celle-ci se trouve menacée et empêchée d’agir57. Le mouvement syndical, privé de son aile gauche, retrouve certes son unité avec la fusion AFL-CIO en décembre 1955, mais il a perdu l’énergie militante qui avait fait le dynamisme du CIO. Cette éclipse du syndicalisme radical, « permit que, lorsque le combat pour les droits civiques émergea dans les années 1960, il ait un caractère social différent et un autre agenda politique, qui se révéla finalement inapproprié pour résoudre les immenses difficultés sociales qui demeuraient58 ». Comme l’écrivent Lichtenstein et Korstad, « le moment opportun était passé59 ».
22Le maccarthysme a contraint les organisations de gauche à la quasi-clandestinité, et laissé la place libre à une élite noire de pasteurs et de notables qui prend la tête des mobilisations. Il devient impossible de défendre une politique au nom de l’unité de classe. Les différentes options politiques, qui restaient ouvertes en 1945, ont disparu de la scène. Les objectifs du mouvement, jusqu’aux concepts qui le sous-tendent, sont ceux qui ont triomphé sous la direction de King et de la SCLC, la revendication des droits démocratiques associée à la non-violence. Le récit historique lui-même a été simplifié à l’extrême, et a longtemps fait l’impasse sur les mobilisations antérieures aux années 1950. L’expression même qui désigne le mouvement comme un « combat pour les droits civiques » participe de ce récit, qui implique de présenter le Voting Rights Act de 1965 comme un aboutissement. Harry Haywood est un autre oublié de cette histoire, et ce bien qu’il ait été actif politiquement des années 1930 aux années 1970, malgré la chappe de plomb du maccarthysme. Son autobiographie permet de faire apparaître d’autres aspects méconnus du mouvement.
Harry Haywood, le bolchévique du Nébraska
23Harry Haywood (1898-1985), publie Black Bolshevik, Autobiography of an Afro-American Communist, en 1978, à l’âge de 80 ans60. Son parcours est significatif par sa traversée du siècle, son rôle dans le mouvement communiste, et finalement par les dissensions qui le conduisirent vers d’autres organisations, issues de la nouvelle gauche. Le texte est long et polémique, et veut attester de la fidélité à une idée : la lutte pour la libération de la nation noire. Avant de suivre son argumentation, il est nécessaire de présenter rapidement son auteur.
24Harry Haywood naît en 1898 d’un couple d’anciens esclaves installés à South-Omaha, dans le Nebraska. Attaquée par des Blancs en 1913, sa famille part pour Minneapolis, puis pour Chicago en 1915 dans le South Side, qui autant que Harlem est un centre intellectuel, artistique et religieux pour la minorité noire61. Haywood participe à la Première Guerre mondiale en France, en avril 1918, dans un régiment noir d’une armée ségréguée. Il se réjouit du fait que son régiment ait été intégré à l’armée française : les Français considéraient les Noirs « comme des êtres humains », et allaient spontanément à l’encontre des consignes de l’état-major américain à propos des troupes noires, qui avaient demandé secrètement à ce qu’elles soient isolées des troupes blanches62. De retour à Chicago, il assiste aux émeutes raciales de juillet 191963. Des bandes de jeunes Blancs racistes, surnommées Colts, Hamburgs, Shielders, s’attaquent aux Noirs dans le ghetto du South Side. Le bilan est de 35 morts, 23 Noirs et 15 Blancs. Le grand frère de Harry, Otto Haywood, est depuis longtemps à la recherche d’une idéologie qui répondrait à ses interrogations et tous deux participent à un cercle informel de discussion entre jeunes64. Ils sont attirés par les discours du nationaliste noir Marcus Garvey, mais ils trouvent ses projets de retour en Afrique peu crédibles65. La NAACP et sa ligne gradualiste ne les satisfont pas plus. Otto rejoint le Parti communiste en 1921, après être auparavant passé par l’UNIA, et l’ABB. Mais il dissuade Harry d’y adhérer, car il s’y sent traité d’une façon paternaliste, et tant que la question du « chauvinisme blanc » n’aura pas été correctement traitée il lui conseille de rejoindre plutôt l’ABB, une organisation noire. Finalement en 1923, Harry rejoint l’organisation de jeunesse du parti, la Young Communiste League et comme son frère, il entreprend le voyage vers l’URSS en 1925, pour y rester plus de quatre ans.
25Il y est tout d’abord étudiant de l’université communiste des travailleurs de l’Est et y côtoie des étudiants venus de toute l’Asie66. Ces voyages d’Africains-Américains vers l’URSS ne sont pas rares : la révolution russe « avait transformé la curiosité [pour la Russie] en fascination. […] Ce qui les attirait plus que [l’idéologie] c’était le rejet virulent du racisme et du colonialisme [par le nouvel État]67 ». Fêtés et invités à toutes les célébrations, les Africains-Américains sont logés dans les hôtels du centre de Moscou, ce qui est pour eux stupéfiant. Parmi ces visiteurs se trouvent Claude McKay, Otto et Harry Haywood et Homer Smith.
26Haywood rappelle l’origine du débat sur la question noire. En 1920, contre l’avis de John Reed, Lénine insiste sur la définition des Noirs en tant que nation opprimée68. En 1928, lors du 6e congrès du Comintern, James W. Ford dénonce le fait que sur les 19 résolutions décidées par le Comintern relatives aux Africains-Américains, aucune n’a encore été mise en œuvre par le Parti communiste américain. Haywood est partisan de la thèse du droit à l’autodétermination : il aborde la question noire en tant que question nationale, dont les racines économiques profondes nécessitent une révolution qui apporterait une solution à la question agraire dans le Sud69. Son point de vue l’emporte, et le droit à l’autodétermination est désormais lié à la définition de la Black Belt, un vaste territoire qui pourrait devenir celui d’un nouvel État noir.
27De retour aux États-Unis en 1930, Haywood milite auprès des mineurs de Pennsylvanie près de Pittsburgh, puis en Alabama avec l’Alabama Sharecroppers Union, (1931-1936), syndicat interracial de métayers. En 1938 il rejoint les Brigades internationales en Espagne pour quelques mois et il est nommé commissaire politique de la XVe brigade, la célèbre Abraham Lincoln Brigade70. De retour à New York, il est victime de rumeurs au sein du parti sur une supposée désertion du front espagnol. Les désaccords politiques prennent la forme d’une querelle personnelle avec James W. Ford, mais ils masquent des divergences sur le fond, car Haywood n’accepte pas les compromis avec le rooseveltisme. Il persiste à défendre la ligne d’une « république noire indépendante » contre Lovett Huey Fort-Whiteman, qui se place sur le terrain de l’« égalité des droits ». Haywood est progressivement mis à l’écart. En octobre 1939 il est victime d’une sérieuse attaque cardiaque71. Après quatre mois d’hospitalisation il s’installe à Los Angeles, où il se marie en 1941 avec Belle Lewis, une militante comme lui – c’est son troisième mariage.
28Encore adolescent, Haywood avait juré avec son frère qu’il épouserait une Blanche, comme pour narguer la ligne de couleur. De fait ces mariages interraciaux étaient plus fréquents au sein de la gauche radicale que dans le reste de la population. Il s’est marié quatre fois, et seule sa première épouse est une Africaine-Américaine de Chicago72. En 1926, en URSS, il épouse Ekaterina. Puis il reste en couple quinze ans avec Belle Lewis, jusqu’en 1955, avant son quatrième mariage avec Gwendolyn Midlo Hall (1929-2022), une célèbre historienne de l’esclavage, pour une union qui dure jusqu’à son décès en 1985. Un certain nombre de communistes africains-américains s’étaient ainsi mariés avec des militantes blanches, dans une période durant laquelle de tels mariages mixtes étaient assez exceptionnels73. Mais l’inverse, un mariage entre une militante noire et un Blanc était beaucoup plus rare. Le parti soutient ces couples « mixtes », non sans que cela suscite des dissensions. Claude McKay raconte comment en 1938 des militantes noires du parti à Harlem, dont Claudia Jones, se réunissent pour critiquer ces leaders noirs qui ne se marient qu’avec des Blanches comme pour se conformer aux stéréotypes raciaux. Elles rédigent une « résolution à présenter au camarade Staline et à l’Exécutif de l’Internationale Communiste pour protester contre le mariage de leaders noirs avec des Blanches74 ».
29Après l’entrée en guerre de l’URSS, la politique poursuivie par les communistes se résume à « Tout pour l’unité nationale, tout pour la victoire », et conduit à dénoncer les grèves et à mettre le côté le combat pour la justice raciale. Un colloque organisé par la revue Negro Digest est significativement intitulé « Les communistes ont-ils abandonné le combat pour les droits des Noirs75 ? ». Earl Browder, leader du CPUSA, réplique que l’autodétermination n’est plus à l’ordre du jour puisque « la décision du peuple noir est déjà prise. Les Noirs voient l’opportunité, non pas comme une aspiration à un futur indéterminé, mais comme une tâche politique immédiate dans le système actuel de devenir autant que faire se peut des citoyens égaux d’Amérique76 ». En 1944 dans le cadre de gestes de conciliation avec l’allié soviétique, Roosevelt fait libérer de prison Earl Browder, et ce dernier dissout formellement le parti en 1944, pour le transformer en une association politique communiste.
30Harry Haywood a été refusé par l’armée en 1943, du fait de sa santé, et il s’est engagé dans la marine marchande. De retour en septembre 1945, il participe au débat qui s’engage au sein du CPUSA autour de la question noire, et dénonce l’intégrationnisme défendu par Earl Browder. La dirigeante communiste africaine-américaine Claudia Jones réaffirme dans un article de la revue théorique du parti, Political Affairs, que « le droit à l’autodétermination est un principe scientifique qui découle de conditions objectives77 ». Harry Haywood entreprend la rédaction d’un livre, Negro Liberation, afin de donner un fondement théorique solide à la thèse de l’autodétermination noire. Il y décrit la Black Belt, où 5 millions de Noirs vivent encore, sur un total de 15 dans le pays78. Contre ceux qui avancent que l’émigration hors du Sud est en train de vider la Black Belt, il répond que le système semi-féodal en place bloque toute évolution, en associant la ségrégation au système du métayage. Selon lui il s’agit d’une économie de plantation qui ne peut exister qu’en lien avec les capitaux du Nord ; de ce fait la situation des Noirs dans le Sud demeure une question nationale79. Contre l’intégration, il défend la perspective d’une révolution agraire, la « terre pour ceux qui la travaillent80 ». Il réaffirme l’existence d’une nation noire, qui réunirait les conditions objectives d’une indépendance nationale grâce à sa concentration dans la Black Belt, et du fait de l’existence d’une bourgeoisie noire81. Cette forme d’« étapisme » – d’abord la question nationale, puis la lutte pour le socialisme –, évoque la politique d’alliance des « quatre classes » menée par Mao Zedong, qui s’apprête alors à prendre le pouvoir en Chine.
31Entre 1945 et 1946, ce débat occupe les pages du magazine théorique du CPUSA, et finalement en décembre 1946 Jones et Haywood obtiennent gain de cause : le parti réaffirme son soutien au droit à l’autodétermination82. Ce n’est qu’un court répit, et le CPUSA continue d’évoluer dans la direction opposée, ainsi il appelle à soutenir sans réserve les initiatives de la NAACP. En 1949, 11 de ses dirigeants sont condamnés au titre du Smith Act, et Harry Haywood se retrouve au chômage83. Ses relations avec le parti se sont dégradées, la carte de journaliste du quotidien communiste, le Daily Worker, lui a été refusée. Il voyage en Europe en avril 1950, puis rentre à New York pour découvrir un parti plus occupé à exclure ses membres – au nom du crime de « chauvinisme blanc » – qu’à se défendre contre la répression. Le CPUSA dissout les différentes organisations noires qu’il avait fondées, selon Haywood pour supprimer tout ce qui pourrait compromettre sa recherche d’alliance avec les libéraux : toute activité indépendante est accusée d’exprimer le « sectarisme de gauche84 ». Haywood dénonce ce sabordage, qui prive le parti de relais essentiels dans un moment décisif, alors que les mobilisations noires se multiplient. Pire, alors que le maccarthysme rend le CPUSA totalement infréquentable, celui-ci cherche à tout prix les bonnes grâces des libéraux et de la NAACP, ceux-là mêmes qui le traitent en pestiféré, et participent de bon cœur à la chasse aux sorcières. C’est mener à contretemps la politique de front populaire, qui avait réussi durant les années 1930 à rompre l’isolement, mais qui dans ce contexte n’a plus de sens, car il n’y a aucun espoir de séduire quiconque.
32Haywood et d’autres opposants se regroupent en vue de la convention du parti de 1957. Ils y défendent un texte, « Pour une position révolutionnaire sur la question noire », leur dernière tentative sérieuse en direction du parti85. Très minoritaires, ils quittent le CPUSA et fondent un Provisional Organizing Committee for a Communist Party (POC), qui réunit 83 délégués en 1958, essentiellement des Noirs et des Portoricains, qui sympathisent avec la ligne « antirévisionniste » prochinoise86. Cependant les conflits politiques se poursuivent et Haywood est rapidement exclu du POC comme il l’a été du CPUSA. Il quitte les États-Unis pour le Mexique et ne revient qu’en 1970. Désormais il place ses espoirs dans la Chine maoïste, et rejoint en 1977 un des nombreux groupes maos issu de l’éclatement de l’organisation étudiante Students for a Democratic Society (SDS), pour lequel il se rend en Chine en 197887.
33Ainsi affaiblie, en prise avec de multiples pressions extérieures, celles du gouvernement, mais aussi celles de Moscou, qui impose ses vues à distance, la gauche noire s’est fragmentée. Harry Haywood, après avoir approuvé toutes les exclusions, a lui-même été exclu. Cette logique du factionnalisme pour résoudre les différends politiques donne naissance à une profusion de petites « chapelles », et révèle la difficulté persistante à définir une politique vis-à-vis de la « question noire ». Au sein du mouvement trotskyste. C. L. R. James a théorisé la « question noire », en revendiquant, à la suite de Léon Trotsky, le droit à l’autodétermination88. D’autres, tel Ernest Rice McKinney, s’opposent à cette ligne pour défendre l’unité dans la lutte de classe, ce qu’un autre militant du SWP définira comme un intégrationnisme révolutionnaire89. Le débat sur la question nationale a des racines profondes, au sein de la Deuxième internationale, Lénine et Rosa Luxembourg s’opposaient déjà à ce sujet90. Le premier était partisan d’appuyer les revendications des nations opprimées, comme un levier pour la révolution, la seconde refusait la moindre concession aux revendications nationales, expressions d’une politique bourgeoise que la révolution dépasserait91. Les évolutions du contexte politique états-unien faisait parfois naître l’espoir d’une lutte commune, qui aurait réuni Blancs et Noirs, puis cet espoir disparaissait de nouveau, ce qui ramenait au repli vers le nationalisme noir.
34Dans les années 1950, la gauche noire et marxiste se trouve marginalisée. Le journalisme reste un des seuls espaces où il est encore possible d’exprimer ses convictions, comme le montre le parcours d’Esther Cooper Jackson, une ancienne responsable communiste.
Notes de bas de page
1 La New York Workers School était l’école du Parti communiste entre 1923 et 1944, date à laquelle elle se fond dans la Jefferson School of Social Science. Buhle Paul, Buhle Mari Jo et Georgakas Dan, Encyclopedia of the American Left, op. cit., p. 853-854 ; Painter Nell Irvin, The Narrative of Hosea Hudson, op. cit., p. 195-213.
2 Sous peine de faire perdre à leur syndicat sa représentativité légale. Le Taft-Hartey Act est déclaré anticonstitutionnel en 1965.
3 Hudson Hosea, « Hosea Hudson Papers: Writings. Notebooks and Drafts », manuscrit, New York, Schomburg Center, 1954, box 3, folders 1-5 ; Painter Nell Irvin, The Narrative of Hosea Hudson, op. cit., p. 33.
4 Wilson Joseph, « The Afro-American Labor Leadership Oral/Video History Series », The Oral History Review, vol. 14, 1er janvier 1986, p. 27-33 ; Painter Nell Irvin, The Narrative of Hosea Hudson, op. cit.
5 Painter Nell Irvin, The Narrative of Hosea Hudson, op. cit., p. viii, ix, 36.
6 Dans la note 2, in ibid., p. 368.
7 Ibid., p. 13.
8 Ibid., p. 18.
9 H. Rap Brown (1943-), lors d’une conférence de presse le 27 juillet 1967. Brown H. Rap, Die Nigger, Die!, New York, Dial Press, 1969, p. 225. Il est emprisonné depuis 2002, pour des coups de feu dont une autre personne a avoué être l’auteur.
10 Le terme Local désigne un syndicat constitué localement qui obtient ensuite sa reconnaissance par une confédération syndicale, qui lui attribue alors un numéro. Nous avons choisi de maintenir le terme américain.
11 Lichtenstein Nelson et Korstad Robert, « How Organized Black Workers Brought Civil Rights to the South », art. cité, p. 481.
12 Klehr Harvey, The Heyday of American Communism, New York, Basic Books, 1984, p. 238.
13 Hudson Hosea, Black Worker in the Deep South, op. cit., p. 97-98.
14 In Hall Jacquelyn D., « The Long Civil Rights Movement », art. cité, p. 1245.
15 Douglass Frederick, Life and Times of Frederick Douglass: Complete History to the Present Time, Boston, De Wolfe & Fiske Co., 1892, p. 223-224.
16 Rabinbach Anson et Drevon Claire, « Raphael Lemkin et le concept de génocide, Raphael Lemkin and the concept of genocide », Revue d’Histoire de la Shoah, no 189, 2008, p. 511-554 ; Charter of the United Nations, [http://www.un.org/en/charter-united-nations/index.html], consulté le 23 juin 2018.
17 Aptheker Herbert, « A Petition to The United Nations on Behalf Of 13 Million Oppressed Negro Citizens of the United States of America » ; Martin Charles H., « Internationalizing “The American Dilemma”: The Civil Rights Congress and the 1951 Genocide Petition to the United Nations », Journal of American Ethnic History, vol. 16, no 4, 1997, p. 37, [https://archive.org/details/NNC-Petition-UN-1946], consulté le 12 octobre 2017.
18 Du Bois W. E. B., « An appeal to the world: a Statement on the Denial of Human Rights to Minorities in the Case of Citizens of Negro Descent in the United States of America and an Appeal to the United Nations for Redress », NAACP Records, Manuscript Division, Library of Congress, Container II, J54 ; Dudziak Mary L., Cold War Civil Rights: Race and the Image of American Democracy, Princeton, N.J., Princeton University Press, 2002 ; Anderson Carol Elaine, Eyes Off the Prize: The United Nations and the African American Struggle for Human Rights, 1944-1955, New York, Cambridge University Press, 2003.
19 Rolland-Diamond Caroline, Black America, op. cit., p. 202.
20 Bloom Jack M., Class, Race, and the Civil Rights Movement: The Changing Political Economy of Southern Racism, Bloomington, Indiana University Press, 1987, p. 75.
21 Henry Wallace, ancien vice-président de 1940 à 1944, n’avait pas été accepté sur le « ticket » présidentiel de Truman, avec lequel il était en désaccord sur la politique étrangère d’hostilité à l’URSS. Il est candidat en 1948 pour le Parti progressiste, fondé en 1946, dont le programme mentionne une couverture sociale universelle, un salaire minimum et la fin de la ségrégation. Soutenu par le CPUSA, il obtient 2.54 % des voix. Devine Thomas W., Henry Wallace’s 1948 Presidential Campaign and the Future of Postwar Liberalism., Chapel Hill, NC, University Of North Carolina Press, 2013.
22 Piven Frances F. et Cloward Richard A., Poor People’s Movements. Why They Succeed, How They Fail, New York, Random House, 1979, p. 182.
23 Rolland-Diamond Caroline, Black America, op. cit., p. 124.
24 Ibid., p. 205-207.
25 Oberschall Anthony, Social Conflict and Social Movements, Londres, Pearson Education Limited, 1973 ; Bloom Jack M., Class, Race, and the Civil Rights Movement, op. cit., p. 10. Le sociologue Frazier s’en prend au conservatisme des universités noires, de leurs dirigeants et de leurs enseignants, accusés de chercher avant toute chose à se distancier de la classe ouvrière noire. Frazier Edward F., Black Bourgeoisie: The Rise of a New Middle Class in the United States, New York/Londres, Collier-Macmillan, 1957.
26 Manning Marable rappelle que « même avant la guerre de Sécession il y avait des Noirs du Sud qui avaient accès à la propriété de la terre et à de considérables privilèges ». Marable Manning, Black American Politics: From the Washington Marches to Jesse Jackson, Londres, Verso Books, 1993, p. 145.
27 McAdam Doug, Political Process and the Development of Black Insurgency, op. cit.
28 Arnorld Hirsch définit un « second ghetto » de 1934 à 1968, marqué par l’intervention fédérale. Entre 1940 et 1970 cinq millions de Noirs s’installent dans le Nord et dans l’Ouest. Hirsch Arnold R., Making the Second Ghetto, op. cit. ; Diamond Andrew J. et Ndiaye Pap, Histoire de Chicago, Paris, Fayard, 2013, p. 209.
29 Bloom Jack M., Class, Race, and the Civil Rights Movement, op. cit., p. 3.
30 Schlesinger Arthur M., The Vital Center: The Politics of Freedom, Boston Mass., Houghton Mifflin, 1949.
31 Wall Wendy L., Inventing the « American Way »: the Politics of Consensus from the New Deal to the Civil Rights Movement, Oxford/New York, Oxford University Press, 2008, p. 5.
32 Hodgson Godfrey, America in Our Time: From World War II to Nixon – What Happened and Why, Princeton, N.J., Princeton University Press, 1976, p. 76.
33 Ibid., p. 82-88.
34 Ibid., p. 82 ; Friends Intelligencer Association, Friends’ Intelligencer, no 105, Philadelphia, Friends’ Intelligencer Association, 1948, p. 2.
35 Crespino Joseph, In Search of Another Country: Mississippi and the Conservative Counterrevolution, Princeton, Princeton University Press, 2009.
36 Télégramme de Maxwell Rabb attaché du président pour les minorités, à James Hagerty, secrétaire de la communication de la Maison Blanche : [https://www.eisenhower.archives.gov/research/online_documents/civil_rights_emmett_till_case/1956_10_23_Rabb_to_Hagerty.pdf], consulté le 12 septembre 2017.
37 Buhle Paul M., « The Jack O’Dell Story », Monthly Review, vol. 63, no 1, mai 2011.
38 Caute David, The Great Fear: Anti-Communist Purge Under Truman & Eisenhower, New York, Simon & Schuster, 1978.
39 Marable Manning, Race, Reform, and Rebellion: The Second Reconstruction in black America, 1945-1990, Jackson, University Press of Mississippi, 1991, p. 33.
40 Rogin Michael, « La répression politique aux États-Unis », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, vol. 120, no 1, 1997, p. 37.
41 Lorde Audre, ZAMI: a New Spelling of my Name., New York, Crossing Press, 1982, p. 149.
42 Les 10 d’Hollywood désigne les 10 producteurs, scénaristes et réalisateurs convoqués en 1947 devant la HUAC, pour leurs liens supposés avec le CPUSA. La liste noire d’Hollywood, dévoilée en novembre 1947, répertoriait ceux que l’industrie du cinéma refusait d’embaucher car coupables de liens avec les communistes. Nadel A. (dir.), Containment Culture: American Narratives, Postmodernism, and the Atomic Age, Durham, N.C., Duke University Press, 1995 ; Weigand Kate, Red Feminism: American Communism and the Making of Women’s Liberation, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2001.
43 Washington Mary Helen, « Alice Childress, Lorraine Hansberry, and Claudia Jones: Black Women Write the Popular Front », in Bill Mullen et James E. Smethurst (dir.), Left of The Color Line: Race, Radicalism, And Twentieth-Century Literature of The United States, op. cit., p. 183.
44 Woods Jeff, Black Struggle, Red Scare: Segregation and Anti-Communism in the South, 1948-1968, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2004, p. 10.
45 Marable Manning, Race, Reform, and Rebellion: The Second Reconstruction in Black America, 1945-1990, op. cit., p. 18.
46 Lieberman Robbie et Lang Clarence, Anticommunism and the African American Freedom Movement: « Another Side of the Story », Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2009.
47 Ibid., p. 7.
48 Schrecker Ellen, « L’impact du maccarthysme », in Jean Heffer, François Weil et Pap Ndiaye (dir.), La démocratie américaine au xxe siècle, Paris, Belin, 2000, p. 207-234.
49 Cette école avait connu son apogée en 1947, avec jusqu’à 5 000 étudiants inscrits. Elle n’était plus uniquement une école du parti, mais accueillait aussi toutes sortes de cours, depuis la décoration d’intérieure jusqu’à des ateliers d’écriture. Elle avait ouvert des annexes, la Harlem Leadership Training School et la Maceo Snipes School, à Harlem. Gettleman Marvin E., « “No Varsity Teams”: New York’s Jefferson School of Social Science, 1943–1956 », Science & Society, vol. 66, no 3, 2002, p. 389-390.
50 Schrecker Ellen, « L’impact du maccarthysme », art. cité, p. 208.
51 Meier August et Rudwick Elliott M., CORE, a Study in the Civil Rights Movement, 1942-1968, University of Illinois Press, 1975, p. 64-65.
52 Helen Laville, « Spokeswomen for democracy: the international work of the National Council of Negro Women in the Cold War », in Paola Boi, CrossRoutes: The Meanings of “Race” for the 21st Century, LIT FORECAAST Forum for European Contributions in African American Studies 9, Hamburg, 2003, p. 128.
53 McDuffie Erik S., « Black and Red: Black Liberation, the Cold War, and the Horne Thesis », Journal of African American History, vol. 96, no 2, 2011, p. 236-247 ; Horne Gerald, Black Liberation/Red Scare: Ben Davis and the Communist Party, Newark, DE, University of Delaware Press, 1994.
54 Cha-Jua Sundiata K. et Lang Clarence, « The “Long Movement” as Vampire: Temporal and Spatial Fallacies in Recent Black Freedom Studies », art. cité, p. 269.
55 Polenberg Richard, One Nation Divisible, New York, Viking Press, 1980, p. 106.
56 Griffith Barbara S., The Crisis of American Labor: Operation Dixie and the Defeat of the CIO, Philadelphia, Temple University Press, 1988 ; Goldfield Michael, « The failure of Operation Dixie: A Critical Turning Point in American Political Development? », in Gary Fink et Merl E. Reed, Race, Class, and Community in Southern Labor History, Tuscaloosa, University Press of Alabama Press, 1994, p. 166-189.
57 Goldfield Michael, « The failure of Operation Dixie: a Critical Turning Point in American political Development? », art. cité, p. 185.
58 Lichtenstein Nelson et Korstad Robert, « How Organized Black Workers Brought Civil Rights to the South », art. cité, p. 485.
59 Korstad Robert et Lichtenstein Nelson, « Opportunities Found and Lost: Labor, Radicals, and the Early Civil Rights Movement », art. cité, p. 800.
60 Haywood Harry, Black Bolshevik, op. cit.
61 Ibid., p. 32-33.
62 Ibid., p. 55.
63 Diamond Andrew J. et Ndiaye Pap, Histoire de Chicago, op. cit., p. 165-168.
64 Haywood Harry, Black Bolshevik, op. cit., p. 99-107.
65 Né à la Jamaïque en 1887, Marcus Garvey s’installe aux États-Unis en 1916 et fonde en 1917 l’association United Negro Improvement Association (UNIA) qui revendique un droit de retour en Afrique pour les descendants d’esclaves. Grâce au large soutien qu’il reçoit de la population noire, il fonde une compagnie maritime, la Black Star Line, qui vend des billets pour le « retour » en Afrique. Cependant les autorités lui mènent la vie dure et il est condamné pour escroquerie en 1925 et emprisonné. À sa sortie de prison, il est expulsé à la Jamaïque, où on lui fait un accueil triomphal. Moses Wilson J., The Golden Age of Black Nationalism: 1850-1925, New York, Oxford University Press, 1988.
66 Universitet Trydyashchiysya Vostoka Imeni Stalina. Cette école de l’Internationale, créée en avril 1921 pour les communistes des pays colonisés, forma des milliers de cadres politiques jusqu’à la fin des années 1930.
67 Matusevich Maxim, « Black in the U.S.S.R: Africans, African Americans, and the Soviet society », Transition, no 100, 2008, p. 60.
68 John Reed (1887-1920) avait rejoint la Russie révolutionnaire en septembre 1917.
69 Haywood Harry, Black Bolshevik, op. cit., p. 254, 269.
70 Eby Cecil D., Comrades and Commissars: the Lincoln Battalion in the Spanish Civil War, University Park, Pa., Pennsylvania State University Press, 2007, p. 139.
71 Haywood Harry, Black Bolshevik, op. cit., p. 497.
72 Son premier mariage avec Hazel ne dure qu’un an. Ibid., p. 78-80, 175.
73 Naison Mark D., Communists in Harlem during the Depression, op. cit., p. 280.
74 McKay Claude, Harlem: Negro Metropolis, New York, E.P. Dutton, 1978, p. 232 ; McDuffie Erik S., Long Journeys: Four Black Women and the Communist Party, USA, 1930-1956, thèse d’histoire, dir. Robin D. G. Kelley, New York, New York University, 2003, p. 237.
75 Negro Digest, no 2, décembre 1944, p. 56-70.
76 Cet article « On the Negroes and the Right of Self-Determination », a été écrit à l’occasion de la session finale des deux semaines d’école du parti sur « Negro People and the War », organisée par la Workers School, le 19 novembre 1943. Il est reproduit deux ans après dans un pamphlet : Ford James W., Communists in the Struggle for Negro Rights, New York, New Century Publishers, 1945, p. 19-24.
77 Campbell Susan, « “Black Bolsheviks” and Recognition of African-America’s Right to Self-Determination by the Communist Party USA », art. cité, p. 459.
78 Haywood Harry, Negro Liberation, New York, International. Publishers, 1948, p. 11.
79 Ibid., p. 21-49.
80 Ibid., p. 117.
81 Ibid., p. 144.
82 Ibid., p. 554.
83 L’Alien Registration Act, voté en 1940, et connu sous le nom de Smith Act, d’après Howard W. Smith, élu démocrate à son origine. Défendre le renversement du gouvernement ou appartenir à un groupe qui le défend devient un crime puni de 10 ans d’emprisonnement.
84 Ibid., p. 600-604.
85 Ce texte d’orientation proposé au CPUSA a été republié en brochure par l’organisation maoïste de Haywood : Haywood Harry, For a Revolutionary Position on the Negro question, Chicago, Liberator Press, 1977.
86 Le POC dénonce la ligne du CPUSA comme titiste, du nom du leader communiste Yougoslave Josip Broz Tito qui a pris ses distances avec l’URSS, [https://www.marxists.org/history/erol/1956-1960/national-parley.htm]. Peery Nelson, Black Radical: The Education of an American Revolutionary, New York, New Press, 2007, p. 171-172.
87 À 80 ans il adhère au Communist Party (Marxist-Leninist), issu d’une des factions du SDS.
88 Né à Trinidad, il s’installe en 1932 en Angleterre, où il rejoint l’Independent Labour Party, l’ILP, puis le mouvement trotskyste. En 1938 aux États-Unis il adhère au SWP puis au Workers’ Party, pour lequel il définit la ligne pour la question noire. Renault Matthieu, C. L. R. James: la vie révolutionnaire d’un Platon noir, Paris, La Découverte, 2016 ; Mahéo Olivier, « Du cricket, de la révolution mondiale et de Trinidad : jeunesse caribéenne de C. L. R. James », IdeAs. Idées d’Amériques, no 16, 1er octobre 2020.
89 Il s’agit de Richard S. Fraser. Twiss Pamela, « Ernest Rice McKinney: African American Appalachian, Social Worker, Radical Labor Organizer and Educator », Journal of Appalachian Studies, vol. 10, nos 1-2, 2004, p. 95-110.
90 Luxemburg Rosa, Chuzeville Julien, Laigle Marie et Sevault Eric, La brochure de Junius, la guerre et l’Internationale, Marseille, Agone, 2014 ; Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/01/19160100.htm], consulté le 13 août 2018.
91 Lénine prenait exemple sur la situation créée par l’impérialisme grand-russe qui écrasait les nationalités au sein de l’empire tsariste. Rosa Luxembourg, polonaise et juive, était en lutte contre des nationalistes polonais antisémites et chauvins, avec qui aucun compromis n’était envisageable. Haupt Georges, Löwy Michael et Weill Claudie, Les marxistes et la question nationale, 1848-1914. Études et textes, Montréal, Éditions l’Étincelle, 1974.
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Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016