Chapitre VII. L’appropriation de l’exposition par le droit royal
p. 239-272
Texte intégral
1Pendant la deuxième moitié du xiiie siècle, alors que les piloris germent dans nombre de villes du domaine royal, le législateur souverain commence à intégrer ce nouvel objet juridique à sa production normative. Si l’on s’en tenait aux ordonnances, la justice royale semblerait en retard par rapport aux autres hauts justiciers d’Île-de-France. Alors que l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés met au pilori des voleurs et des prostituées dès les années 12801, il faut attendre le milieu du xive siècle pour voir les usages de l’exposition se diversifier au-delà de la punition du blasphème dans la législation royale. Cet écart temporel est cependant un effet de sources, dû à la perte des archives du Châtelet et des registres aux causes des baillis royaux à l’occasion d’incendies à l’époque moderne2. L’état parcellaire de la documentation impose d’analyser l’exposition en tant qu’objet juridique plutôt que pratique pénale. Il ne s’agira donc pas d’inventorier les usages quotidiens du pilori dans les cours du domaine, mais d’établir comment les juristes qui entourent le roi, et parfois le souverain lui-même, appréhendent ce concept juridique nouveau, l’adaptent aux objectifs qu’ils assignent à la justice royale et le transforment à mesure qu’ils l’intègrent à leur législation.
2Le droit est une matière vivante. Non seulement les juristes royaux interprètent les usages de l’exposition jusqu’à les transformer, mais ces innovations ruissellent sur les cours laïques inférieures, par imitation du pouvoir souverain ou application ponctuelle de ses ordonnances. Ces phénomènes de transmission des usages pénaux, qui n’excluent pas des boucles de rétroaction affectant les cours royales, sont visibles dans la seule jurisprudence royale sérielle qui nous soit parvenue : celle du Parlement de Paris. Après avoir analysé les évolutions des usages de l’exposition au contact du droit royal et ses retombées sur les autres juridictions, nous confronterons donc cette théorie juridique à la jurisprudence de la chambre criminelle du Parlement, afin de discerner l’écart qui pouvait exister entre la lettre du droit souverain et son interprétation par les officiers royaux.
Le moment Saint Louis : l’entrée contingente de l’exposition dans la législation royale
3L’entrée de l’exposition dans la législation royale se superpose à celle de la répression du blasphème. La seconde partie du règne de Saint Louis, après son retour de croisade en 1254, est marquée par une fièvre législatrice visant à purifier le royaume de France dans l’espoir d’y faire descendre la Jérusalem céleste3. Les grandes ordonnances de 1254 et 1256 pour la réformation du royaume évoquent la lutte contre le blasphème, sans pour autant préciser les peines encourues4. Il faut attendre les dernières années de son règne pour que Saint Louis, vraisemblablement de sa propre initiative, produise une pointilleuse échelle des peines graduée selon la gravité du blasphème prononcé. Mais cette ordonnance de 1268 ou 12695 prise contre « ceux qui jurent le vilain serment » est l’aboutissement de plusieurs décennies de tâtonnements judiciaires et de réflexions plus théologiques que juridiques.
4Jean de Joinville relate les premières étapes de la quête de Saint Louis pour développer une réponse pénale adaptée au blasphème. Alors que le roi tient un lit de justice à Césarée, quelque temps avant de rentrer de Terre Sainte, il « fist mettre un orfèvre en l’eschiele en braie et en chemise, les boiaus et la fressure d’un porc entour le col, et si grant foison que elles li avenoient jeusques au nez6 ». Aux yeux du chroniqueur, ce supplice « puni[t] griefment » les blasphémateurs. Saint Louis n’est pas du même avis et doit trouver l’exposition trop clémente, puisqu’il expérimente une peine plus dure à son retour en France : la mutilation du visage des sacrilèges. Joinville, vieil ami et admirateur du roi, hésite à confirmer l’existence de cette pratique pénale, qu’il sait décriée : « je oÿ dire que, puis que je reving d’outre mer, que il en fist cuire le nez et le balevre a un bourjois de Paris, mes je ne le vi pas7 ». En effet, peu de ses contemporains sont prêts à défendre l’innovation de Saint Louis, même si elle s’inspire d’une lecture littérale de la Bible8. Le pape Clément IV lui-même est révulsé par cette pratique cruelle et expéditive9. Il le fait savoir au roi de France par une lettre datée du 12 août 1268 dans laquelle il l’exhorte de prescrire « des peines temporelles moins lourdes que la mutilation d’un membre ou la mort mais assez fortes pour susciter la terreur chez les délinquants10 ». Soucieux de respecter les désirs du souverain pontife, Saint Louis substitue à la mutilation un nouveau système pénal qui couple amende pécuniaire et exposition. L’ordonnance de 1268-1269, texte séminal de l’exposition comme outil de lutte contre le blasphème, est donc le fruit d’un lent processus qui mobilisa Louis IX pendant une vingtaine d’années.
5L’ordonnance contre « ceux qui jurent le vilain serment » est promulguée en grande pompe. Saint Louis convoque une assemblée des grands du royaume, tant laïques qu’ecclésiastiques, y invite le légat pontifical Simon de Brie, puis fait crier que cette législation nouvelle s’appliquera à toutes les seigneuries du royaume et devra être gardée par l’ensemble des hauts justiciers11. Le roi accorde manifestement une importance capitale à ce texte : le 25 juin 1270, alors qu’il est sur le point de s’embarquer pour la croisade à Aigues-Mortes, il rédige une lettre qui confie au Parlement la charge de contrôler son application12. La portée exceptionnelle de l’ordonnance de 1268-1269 fait de l’exposition un jalon de la législation royale contre le blasphème, alors même qu’elle n’y occupe en réalité qu’une place mineure13. L’exposition n’est en effet prescrite que dans les cas où le blasphème est grave et prononcé par un adulte qui « estoit si poure, que il ne peust poyer la poine [l’amende] desusdite ». Saint Louis demeure peu convaincu que la peine infamante soit assez rigoureuse, puisqu’il lui assortit une peine de prison. Manifestement, le roi doit, sous l’effet de l’injonction pontificale, s’accommoder d’un pis-aller qui ne lui avait pas donné satisfaction pendant ses années de croisade.
6Malgré les réticences de Saint Louis, reste que, par deux fois au cours de sa vie, il a rapproché exposition et répression du blasphème. Quel cheminement logique l’a amené à penser qu’elle serait plus adaptée que d’autres peines coercitives pour remplir ce rôle ? Ce nouvel usage de l’exposition peut se comprendre comme un prolongement de ses attributions antérieures. Le blasphème a en effet en partage avec les crimes punis d’exposition trois principaux traits. C’est d’abord un comportement scandaleux, c’est-à-dire qu’il doit être publiquement constaté pour se constituer en tant que crime14. Le blasphème est aussi le plus parfait des mensonges. C’est une parole frauduleuse envers la divinité, une « erreur » qu’il s’agit de rectifier par la force de la vérité15. Mais le blasphème n’est pas qu’un attentat contre la vérité de la foi, c’est aussi une injure faite à la majesté divine. Il se trouve ainsi, au même titre que l’hérésie, assimilé au crimen majestatis par la décrétale d’Innocent III « Vergentis in senium » du 25 mars 119916. On comprend alors qu’au temps de Saint Louis, plusieurs évolutions doctrinales relativement récentes rendent possible un rapprochement entre le blasphème et une peine dont le principal rôle est de punir la fraude et le mensonge publics afin de restaurer l’honneur de la victime.
7Si le choix de l’exposition semble correspondre aux défis posés par le blasphème au justicier, un mystère subsiste. Pourquoi, tant chez Joinville que dans l’ordonnance de 1268-1269, Saint Louis choisit-il comme support d’exposition l’échelle plutôt que le pilori ? La question pourrait sembler anecdotique si on ne connaissait pas l’écart symbolique qui sépare ces deux instruments judiciaires. Elle est d’autant plus légitime qu’il est probable que le pilori des Halles de Paris existait déjà dans les dernières années du règne de Saint Louis17. Le crime de blasphème est d’ailleurs si préoccupant pour ce roi qu’il paraît étrange qu’il ne mobilise pas un outil aussi central, imposant et utile à la publicité de la peine, pour lui préférer une alternative appauvrie, moins impressionnante et moins honorable.
8L’hypothèse la plus probable est que Saint Louis, mis en position de punir un sacrilège, va chercher l’inspiration dans les pratiques et la législation canoniques. Dans les décrétales et canons conciliaires, le support d’exposition n’est jamais appelé autrement que scala, parce que les tribunaux ecclésiastiques n’ont pas accès au pilori, réservé à la juridiction temporelle la plus prestigieuse de l’espace urbain18. Plus concrètement, l’inquisition, qui officie dans le royaume depuis les années 1230, expose sur l’échelle des faux témoins, en conformité avec les injonctions conciliaires19. Or, Jacques Le Goff le rappelle, si « Saint Louis n’est ni un intellectuel ni un théologien », il témoigne d’un appétit constant pour le savoir religieux qui le rend comparable à « un clerc ayant une bonne culture, mais plus proche de celle des Dominicains français, plutôt traditionnels20 ». Saint Louis connaît ainsi les canons des principaux conciles et est soucieux de les transcrire dans sa législation souveraine, au point de se les approprier21. Dans ce contexte de « transfert de sacralité qui s’opère de l’Église à l’État22 » et qui anime une grande partie de l’action judiciaire de Saint Louis, il est possible qu’il ait vu dans l’usage constant de l’échelle par les tribunaux ecclésiastiques une marque de sacralité facile à imiter.
La postérité de l’exposition pour blasphème dans la législation royale
9Alors que l’exposition pour blasphème tenait une place limitée dans la législation de Saint Louis, elle apparaît comme le principal outil judiciaire dans huit ordonnances prises entre 1329 et 1510 contre le blasphème23. La centralité de l’exposition dans le système pénal prévu contre les blasphémateurs ne doit rien à son efficacité, ou à une quelconque autre raison pragmatique. Elle s’avère plutôt être un effet du charisme de son inventeur mythifié. Saint Louis, devenu figure du bon justicier, est imité par ses successeurs pour acquérir des avantages symboliques ou attirer sur eux la grâce divine, plutôt que pour améliorer réellement le fonctionnement de la justice royale24. À partir de l’ordonnance de 1460 promulguée par Charles VII25, on voit toutefois l’exposition être de plus en plus marginalisée dans l’arsenal prévu contre les blasphémateurs, jusqu’à être reléguée en tant que punition de la cinquième récidive dans l’ordonnance de 151026. Cette érosion provient d’un réajustement des ordonnances pour refléter la réalité de la répression judiciaire plutôt que l’exemple mythifié du roi saint. Enfin, il est à noter que les rois de France ne sont pas les seuls à prescrire l’exposition pour blasphème dans leur législation. Les ordonnances royales déteignent sur celles des hauts justiciers locaux, au premier rang desquels les grands barons du royaume qui, à partir du xve siècle, s’approprient cette pratique pénale.
Copier le Saint Louis rêvé : des ordonnances gages de légitimité et de pureté (1329-1437)
10L’exposition pour blasphème est absente de la législation des Capétiens directs succédant à Saint Louis. Il n’est pas anodin de pointer que c’est à la suite de sa prise de pouvoir contestée de 1328 que Philippe de Valois ranime l’héritage du saint justicier. Le premier acte de la législation contre les blasphémateurs de Philippe VI est une ordonnance indirectement connue par des lettres d’application envoyées au sénéchal de Beaucaire en mars 132927. Il faut en conclure que l’affichage d’une lutte contre le blasphème faisait partie des priorités politiques de Philippe VI, puisqu’il s’y attela dès les dix premiers mois de son règne. Mais c’est moins le blasphème en lui-même qui intéresse le Valois que la récupération de l’aura de l’illustre ancêtre par l’imitation de ses pratiques judiciaires. Il s’agit d’une constante du discours politique développé par les premiers Valois pour convaincre l’opinion publique du royaume qu’ils compensent leur faible légitimité généalogique par une solide filiation symbolique. Cette stratégie politique est illustrée par les peines choisies pour figurer dans l’ordonnance de 1328-1329.
Tableau 1. – Système pénal prévu par l’ordonnance de 1328-1329 contre les blasphémateurs.
Premier blasphème | Récidive | Seconde récidive |
« sera mis ou pilory » une matinée | « aura fendu à un fer chaut la baulieure [lèvre] dessus en tele maniere que les parties de ladite baulieure ne se pourront joindre » | « ladite baulieure dessus li sera coupée tout hors à un razeur ou coutel » |
11De manière claire, le système pénal valois de 1329 ne s’inspire pas de l’ordonnance de 1268-1269. Philippe VI imite plutôt un souvenir mythifié de la pratique judiciaire de Saint Louis, en reproduisant ses aspects les plus spectaculaires tels qu’ils ont été conservés, ou plutôt déformés, par la mémoire populaire du xive siècle. La sédimentation dans la mémoire collective du tropisme de Saint Louis pour les peines les plus sanglantes est parallèlement attestée par des œuvres de la culture laïque. L’imaginaire laïque voit en Saint Louis un roi qui n’hésitait pas à mutiler et pendre ; mais de toutes ces peines, c’est l’ouverture de la bouche des blasphémateurs qui a le plus marqué les esprits. L’ordonnance de 1329 est donc tout autant un objet politique que juridique. Au lieu de prolonger ou de refonder la législation de Saint Louis pour la rendre plus applicable, elle brandit des peines populairement associées au souvenir de la bonne justice du saint et insiste sur la défiguration du condamné, sentence pourtant reconnue par tous les témoignages, depuis son invention et jusqu’au xve siècle, comme trop rigoureuse. C’est la marque d’un pouvoir fragile et menacé qui fait feu de tout bois pour légitimer sa prise de pouvoir28.
12Mais les ordonnances contre le blasphème n’ont pas pour seul rôle de magnifier la monarchie valoise en la plaçant dans la droite lignée de l’ancêtre saint. Elles s’adressent également directement à la divinité : en prescrivant à grand cri des peines excessives contre les sacrilèges, les Valois espèrent attirer sur eux la grâce divine lors des périodes difficiles. C’est pourquoi on voit Philippe VI prendre une seconde ordonnance en février 1347, au lendemain de la débâcle de Crécy (26 août 1346)29. La défaite militaire étant alors analysée comme une punition divine et une désertion de Dieu au profit du camp ennemi, il est urgent de regagner sa faveur en purifiant le royaume de tout péché, et surtout des injures proférées contre la divinité. Durant la vingtaine d’années qui sépare les deux ordonnances, l’administration royale semble avoir par ailleurs développé un intérêt pour la progressivité de la réponse pénale, articulée selon le nombre de récidives.
Tableau 2. – Système pénal prévu par l’ordonnance de 1347 contre les blasphémateurs.
1er blasphème | Récidive | 2e récidive | 3e récidive | 4e récidive |
« mis au Pillory » toute la journée ; prison au pain et à l’eau | « qu’il soit audit Pillory » ; « qu’on luy fende la levre de dessus d’un fer chaud » | « la levre de dessous » fendue | « toute la bas-levre » brûlée | « qu’on luy coupe la langue, tout outre » |
13Ce texte est fondateur : il sert de modèle aux ordonnances de Charles VI (1397) et de Charles VII (1437)30 et atteste une transformation des rapports entre exposition et répression du blasphème. L’exposition gagne du terrain dans la législation en étant requise en cas de récidive ; mais surtout, le passage qui la présente est d’une grande richesse. Alors que dans celle de 1328-1329, elle n’était désignée que par la proposition « sera mis ou pilory devant le pueple, & y demorrera de l’eure de Prime, jusques à l’eure de midy31 », c’est désormais tout son rituel qui est décrit :
« C’est à sçavoir, que celuy, ou celle qui de Dieu, ou de la Vierge Marie, dira ou mal jurera le vilain serment, sera mis pour la premier fois qu’il luy adviendra, au Pillory, & y demeurera depuis l’heure de Prime, jusques à l’heure de Nonne, & luy pourra-t-on jetter aux yeux bouë, ou autre ordure, sans pierre, ou autres choses qui le blessent, & après ce demeurera au pain & à l’eau, sans autre chose32. »
14En s’attachant à réguler les conditions concrètes de son déroulement, Philippe VI livre une vision de la peine du pilori qui est pleinement la sienne et non plus un emprunt à un modèle mal compris. Avec l’ordonnance de 1347, nous ne sommes plus en présence d’un système Saint Louis réapproprié par le roi valois, mais d’un système valois inspiré par la pratique de Saint Louis. Une autre preuve de cette maturation est l’invention d’une nouvelle mutilation inspirée de la loi du talion, l’arrachage de langue – d’ailleurs davantage appliquée que ne l’a jamais été la brûlure des lèvres33.
15Ainsi, si Saint Louis est l’initiateur de l’entrée de l’exposition dans la législation royale, sa fixation revient à Philippe de Valois et ses légistes. C’est ainsi son ordonnance de 1347 qui est recopiée in extenso en mai 139734. En reprenant à son compte une législation vieille de cinquante ans, Charles VI, ou plutôt le parti qui le contrôle, affirme la continuité de l’appareil étatique par-delà les changements de gouvernement, tout en faisant sien un « marquage identitaire pour une monarchie garante de l’“ordre public chrétien”35 ». En 1437, Charles VII reprend cette législation en la plaçant sous le patronage de « nos Predecesseurs rois de France, de bien long temps36 », au moment où il a devant lui la tâche immense de discipliner les écorcheurs débandés, puis de reconquérir les territoires accaparés par la couronne anglaise.
16Alors qu’elles sont édictées en premier lieu pour des raisons théologico-politiques, les ordonnances des Valois modifient durablement la topographie de l’environnement juridique royal. Pour ne nous en tenir qu’aux enjeux spécifiques à l’exposition, on peut avancer que son intégration en tant qu’outil de lutte contre le blasphème est un bon exemple de transfert culturel qui modifie en même temps l’objet déplacé. L’invention par Saint Louis d’une pratique nouvelle n’allait pas de soi : elle est le produit d’un amalgame diffus entre la culture religieuse du roi, une interprétation de seconde main de la législation canonique, ses intuitions judiciaires et la pression d’un pape vigilant. L’exposition pour blasphème se voit ensuite remodelée par une « invention de la tradition37 » sous Philippe VI. En cela, l’apparition puis la sédimentation d’un nouvel usage de l’exposition rappelle que les dynamiques du droit ne sont pas autonomes et sont gouvernées par des contingences historiques qui les dépassent.
L’érosion progressive de la place du pilori : vers un alignement des ordonnances sur la pratique judiciaire (1460-1510)
17Le règne de Charles VII est le moment charnière où l’exposition pour blasphème commence à être lentement dévalorisée. Alors âgé de 57 ans et contemplant l’imminence du jugement de son âme, Charles VII revient en 1460 sur l’ordonnance de 143738. Au lieu de se contenter de recopier les dispositions, le roi bâtit un système pénal raffiné qui, pour la première fois depuis l’ordonnance de 1268/1269, prescrit une progressivité de la peine selon la gravité du blasphème en plus de la progressivité selon le nombre de récidives inventée par Philippe VI. Le tableau 3 permet de constater l’étendue des différences entre les clauses des ordonnances de 1437 et 1460.
Tableau 3. – Les variations du système pénal prévu pour réprimer le blasphème sous Charles VII.
Source | Type de blasphème | Premier blasphème | Récidive | Deuxième récidive | Troisième récidive | Quatrième récidive |
Ordonnance de 1437 | « dir[e] mal de Dieu » ou « jur[er] vilain serment » | « mis au Pillory » ; un mois de prison au pain et à l’eau | « mis ou pilory » ; « qu’on leur fendist la levre de dessus d’ung fer chault » | « la levre de dessoubz » fendue | « tout le baulevre » brûlée | « que l’en leur coupast la langue tout oultre » |
Ordonnance de 1460 | « malinjure ou blafème de Dieu » | un mois de prison au pain et à l’eau ; 20 s. t. d’amende | « mis au pillory » ; « la lèvre dessus fendue à ung fer chaud » | « qu’ilz soient pillorizez » ; « la lèvre dessoubz fendue à ung fer chaud » | « la langue coppée tout oultre » | |
« seremens ou juremens illicites de Dieu » | « amende pécunielle » | « qu’ilz soient pilorizez » |
18L’ordonnance de 1460 dissocie les blasphèmes des jurons, lesquels sont nommés « seremens ou juremens comme en jurant la mort, le sang, le ventre, la teste, les plaies39 ». Jurer par le sang ou les parties du corps du Christ est un mode d’expression banal, partagé par tous les groupes sociaux et généralement toléré40. Contrairement à l’échafaudage typologique de Saint Louis, qui paraissait inventé par le roi lui-même, Charles VII reprend une distinction scolastique, théorisée par Thomas d’Aquin, entre « blasphème parfait », péché grave, et « image verbale », péché véniel41. La différence de fermeté des réponses pénales prévues en cas de blasphème et de juron reflète donc la hiérarchie de ces péchés construite par la théologie.
19La place de l’exposition dans ce nouveau système pénal est ambivalente. D’un côté, elle est moindre qu’en 1437, puisqu’elle n’est plus prévue qu’en cas de récidive ; de l’autre, l’invention d’une punition spécifique pour les jurons lui fait la part belle. Ce constat, qui pourrait paraître contradictoire, est compréhensible au regard du statut intermédiaire de l’exposition dans l’échelle pénale qui lui confère une certaine plasticité. Peine suffisamment ferme pour punir les récidives des crimes véniels, tout en étant assez douce pour s’insérer dans les premières répressions des crimes graves, elle forme une jointure entre les deux volets du système pénal.
20Cela étant, l’information principale délivrée par l’ordonnance de 1460 reste que l’exposition n’est plus prévue qu’en cas de récidive, quelle que soit la qualification de la faute retenue. Elle s’efface au profit d’amendes pécuniaires, bien plus représentatives de la réalité de la répression du blasphème. Ce fait étant identifié, la mise en série des ordonnances de la fin du xve siècle permet de constater que c’est cette dynamique d’effacement qui se développe sans discontinuer jusqu’au seuil de l’époque moderne42.
Tableau 4. – L’effacement de l’exposition dans la législation royale prescrite contre les blasphémateurs à la fin du xve siècle.
Source | Type de blasphème | Premier blasphème | Récidive | Deuxième récidive | Troisième récidive | Quatrième récidive |
Ordonnance de 1478 (Louis XI) | « regnier, despiter, maugreer, blasphemer » | Un jour de prison ; amende en cire | Trois jours de prison ; amende en cire doublée | Mise au pilori ; amende honorable ; amende en cire ; huit jours de prison | Mise au pilori ; langue percée ; bannissement | |
Ordonnance de 1487 (Charles VIII) | « maulgrée, regnie, despite ou jure detestablement » | Amende pécuniaire arbitraire | Amende pécuniaire doublée | Mise au pilori | Langue percée | « Estre plus griefvement et plus corporellement pugny » |
Ordonnance de 1510 (Louis XII) | « vilains sermens et blasphemes » | Amende pécuniaire arbitraire | Amende pécuniaire doublée ; prison si insolvable | Amende pécuniaire triplée ; prison si insolvable | Amende pécuniaire quadruplée ; prison si insolvable | Mise au carcan ou pilori ; mutilations progressives |
21Si édicter une ordonnance contre le blasphème est devenu un passage obligé pour chaque administration royale, chacune offre sa propre interprétation du système pénal idéal, tout en dessinant une évolution cohérente. Les réponses pénales s’adoucissent progressivement et promeuvent l’amende, d’abord en cire puis en numéraire, comme instrument central de la répression du blasphème. Les mutilations ne sont conservées qu’à l’état de reliquats, repoussées si loin dans l’ordre des récidives qu’elles semblent n’être plus qu’un fossile laissé par la législation antérieure43. La peine du pilori suit une évolution comparable à celle réservée aux mutilations, quoique moins marquée. Alors qu’elle était la peine principale prévue dès le premier blasphème en 1437, puis à la première récidive en 1460, elle n’apparaît plus qu’à la seconde récidive en 1478 et est rejetée dans les limbes de la quatrième récidive en 1510.
22Il nous semble que le recul de l’exposition est le reflet d’une évolution des motivations expliquant l’écriture de chaque ordonnance. Alors que jusqu’en 1437 ces documents étaient édictés lors d’événements exceptionnels qui nécessitaient de rechercher le soutien de Dieu et l’approbation de l’opinion publique, ils ne sont plus, à partir de 1460 et surtout de 1478, que des outils de gouvernement parmi d’autres. Dès lors qu’elles deviennent routinières, qu’elles ne sont plus qu’une manière aisée d’affirmer la continuité de l’action publique tout en se posant en réformateur44, leurs sources d’inspiration se modifient. Il ne s’agit plus d’invoquer le secours d’un pieux ancêtre en reproduisant les pratiques qui lui sont attribuées, mais de rapprocher la norme de la pratique des cours de première instance. En effet, si le blasphème n’est que peu réprimé, lorsqu’il fait l’objet d’une sentence, l’amende domine largement le corpus tandis que l’exposition est rare et la mutilation exceptionnelle45. L’adoucissement des peines et le recul de l’exposition peuvent donc être lus comme une sorte de réalisme juridique, à l’opposé du système pénal mythifié construit plus d’un siècle plus tôt par Philippe VI.
23Il ressort de l’analyse comparative des huit ordonnances royales que l’exposition comme instrument de répression du blasphème est un objet culturel et juridique spécifiquement médiéval. Après être née au milieu du xiiie siècle et avoir été, du moins en théorie, la peine principale requise contre ce péché au xive siècle, elle tend à disparaître au sortir du Moyen Âge. Il serait erroné d’interpréter ces données comme la preuve d’un usage qui tomberait en désuétude, car la législation royale contre le blasphème n’a jamais vraiment été appliquée. L’exposition des blasphémateurs reste rare tout au long du Moyen Âge. Son effacement est bien plus déterminé par les bénéfices politiques ou religieux recherchés par le souverain législateur d’une part, et par le modèle imaginaire qu’il imite d’autre part. À mesure que l’exemple de Saint Louis s’éloigne et que les ordonnances perdent leur caractère exceptionnel et salvateur, l’attrait pour l’exposition se dégrade jusqu’à sa marginalisation.
Une appropriation rétroactive des prescriptions royales par les justiciers locaux
24Les ordonnances royales que nous venons de parcourir ont inspiré la législation contre le blasphème de plusieurs juridictions locales. La transmission n’est cependant jamais linéaire : chaque environnement juridique s’approprie le concept en l’hybridant avec ses coutumes antérieures. Ce remodelage aboutit à une forte disparité des réponses pénales. Par ailleurs, à partir du milieu du xve siècle, des effets rétroactifs des législations locales sur le droit royal commencent à voir le jour. Après avoir intégré en la modifiant l’exposition pour blasphème, les législations locales transmettent, par effet retour, ces innovations à un pouvoir royal désireux de rendre sa norme plus représentative des pratiques judiciaires.
25La plus ancienne appropriation locale de l’exposition pour blasphème revendique sa filiation avec le pouvoir royal. Philippe de Beaumanoir commence le paragraphe dédié à la répression du blasphème de ses Coutumes de Beauvaisis (1283) en ces termes :
« Li establissement que li Rois font por le commun porfit doivent estre gardé par la porveance des baillies ; et entre les autres, il doit estre songneus de celi qui fu fes por les vilains seremens. Car il est establi que cil qui jurent vilainement de Diu et de Nostre Dame doivent estre mi en l’esquele une hore du jour, en la presence du commun, porce qu’il ait honte46. »
26Il était attendu qu’un grand officier du pouvoir royal comme Philippe de Beaumanoir, bailli depuis le début des années 1270 et en poste à Clermont depuis 1280, soit vigilant quant à l’application des ordonnances. La référence que le bailli de Clermont a en tête est assurément la législation de 1268/1269. On en veut pour preuves que l’auteur cite un texte unique (« celi qui fu fes por les vilains seremens ») et que, à l’imitation de Louis IX, il impose que le condamné soit « mi en l’esquele » et non au pilori, comme le feront tous les documents postérieurs.
27Les similitudes s’arrêtent cependant là. Beaumanoir recopie en effet moins la lettre de l’ordonnance source qu’il ne s’inspire de son idée générale. Du système complexe qui oscillait entre amende, prison et exposition, tout en ventilant les peines selon trois niveaux de gravité du crime, il ne conserve que la substantifique moelle : le blasphémateur mérite l’exposition. C’est dire que, dix ans après la mort de Saint Louis, les juristes de l’entourage royal ont déjà simplifié son héritage juridique en quelques concepts principaux.
28Après un silence d’un siècle, nous trouvons dans le Grand Coutumier de France (1385), rédigé par un bailli royal ayant été examinateur au Châtelet, une copie assez fidèle de l’ordonnance de 134747. C’est le dernier exemple d’une transcription in extenso d’un acte royal ; les textes suivants de la série cultivent une forme d’hybridation juridique qui mêle pratiques locales et emprunts aux ordonnances centrales. Jean Boutillier, pourtant homme du roi et conseiller du Parlement au moment de la rédaction de sa Somme rural (1385), ne recopie ainsi pas l’ordonnance de 1347. Qu’on en juge : il prescrit que le blasphémateur soit « mis par jours à l’eschelle & pendu à son col des grandes lettres si que tous les puissent voir & lire qui lire sçauront le cas pourquoy ainsi est mis & puis banny de la Province48 ». Boutillier ajoute à l’exposition un bannissement, peine quasiment absente de la législation royale. Ainsi, un homme à l’interface entre deux mondes juridiques, seigneur de Froidmont en Tournaisis d’un côté et conseiller, puis bailli du roi de l’autre, produit une réflexion juridique originale, mélangeant peut-être ces deux traditions.
29À mesure que l’on s’éloigne des documents produits par des officiers royaux, l’exposition perd du terrain au profit de l’amende pécuniaire, peine coutumière la plus fréquente pour punir le blasphème. Par exemple, les statuts de Bagnols, réécrits en 1380 par Guillaume de Beaufort, vicomte de Turenne, contiennent un article contre les blasphémateurs qui n’existait pas dans la version de 135649. Le vicomte y prescrit une amende de vingt sous tournois, à laquelle se substitue une exposition d’une heure si le perpétrant ne peut pas la payer.
30On retrouve une structure voisine dans les statuts de Chantoin, dont une version de 1450 a été conservée. Plus proche du système pénal royal, le texte prévoit des amendes pécuniaires progressives couronnées par une mise au pilori à la seconde récidive50. Ce système ressemble assez à l’ordonnance prise par Charles VIII en 1487, alors qu’il la précède de trente-sept ans51. Une chronologie qui appuie l’hypothèse que les ordonnances royales les plus tardives sont influencées par les coutumes et pratiques locales.
31Un autre document est à verser au dossier des preuves d’effets rétroactifs des législations locales sur les ordonnances royales. En 1475, Jean II, duc de Bourbon et d’Auvergne, édicte une ordonnance pour extirper le blasphème de ses terres :
« [les blasphémateurs] paieroient pour la premiere fois la somme de cinq sols tournois & une livre de cire à l’Eglise du lieu, qui par reparations ou autrement, en aura mieux besoin ; & pour la seconde fois doublant ladite peine, c’est à sçavoir dix sols & deux livres de cire ; & pour la tierce fois d’estre mis & lié au pilier & si pour la quartefois il y renchoit, ordonne l’oreille estre attachée audit pilier & s’il y renchoit jusqu’à la cinquieme fois, veut que la langue lui soit percée d’un fer chaud à plein jour de marché, & s’il persiste, il ordonne le bannissement perpetuel de ses Estats52 ».
32Le système pénal construit par Jean II de Bourbon présente des similitudes troublantes avec l’ordonnance prise en 1478 par Louis XI53. Ce n’est pas un hasard : comme l’a montré Olivier Mattéoni, la grande politique de rénovation juridique que mène Jean II dans ses duchés, alors qu’il est brouillé avec le roi, est interprétée comme un défi lancé contre les droits et l’honneur de la couronne54. Cela conduit Louis XI à répondre au duc de Bourbon par une série d’actes de gouvernement et, enfin, par un procès, en 1480, pour usurpation de cas royaux et autres « exploits » de juridiction souveraine. Il convient de mettre l’ordonnance de 1478 au nombre de ces réponses. Les deux pouvoirs sont engagés dans une compétition de souveraineté qui s’exprime aussi par la publication d’ordonnances contre le blasphème, marqueur de l’institution royale en tant que gardienne de l’ordre chrétien. De ce contexte politique conflictuel naît un cas original d’emprunt d’une législation princière par le droit royal.
33Toutes les sources locales ne rabaissent pas l’exposition pour blasphème à l’état de peine substitutive ou réservée aux récidives. Deux documents laconiques indiquent qu’elle s’est durablement acclimatée à quelques environnements juridiques locaux en tant que peine principale. À Piolenc, dans une ordonnance de 1407, les blasphémateurs sont mis « in postello seu pillorio cum colarum feneo in ejus collo55 ». À Pamiers, les statuts de 1420 prévoient que les blasphémateurs sont attachés « al pal ala plassa del Mercadal dus jorns del mercat56 ». Faut-il voir dans le fait que ces deux exemples se trouvent être dans le sud du royaume une fracture géographique entre un nord qui préférerait sanctionner le blasphème par l’amende et un Midi sollicitant davantage les peines corporelles ? Les preuves sont trop fragiles pour accréditer cette proposition, qui a l’air a priori bien trop schématique.
34La richesse des interprétations de l’exposition pour blasphème chez les différentes justices locales est frappante. Elle témoigne d’interactions dynamiques entre des champs judiciaires parfois éloignés. Se distingue ainsi une histoire faite d’emprunts, de transmissions différenciées et d’interprétations locales originales qui nous montrent que cet usage pénal avait du sens pour de nombreux justiciers qui l’ont récupéré. Surtout, les tenants et aboutissants de cette histoire dépassent la seule sphère juridique. On voit bien, au travers de cet exemple, à quel point les évolutions législatives sont tout autant, voire davantage, façonnées par des motivations politiques ou religieuses que par des logiques internes au droit.
Le roi, un seigneur-type ? La série des ordonnances à portée locale
35Une seconde série de textes évolue en parallèle de celle des ordonnances prises contre les blasphémateurs. Elle est composée de dix ordonnances édictées entre 1326 et 1439 qui couvrent des infractions diverses57. Contrairement à la première, sa cohérence ne vient pas du crime poursuivi mais de la portée de son action juridique. Toutes ces normes sont en effet prises par les autorités royales non pas en tant que pouvoir souverain, mais en tant que seigneur de Paris ou du domaine royal. En conséquence, le prévôt de Paris peut se substituer ponctuellement au roi en tant qu’auteur de l’ordonnance, mais toujours en rappelant son statut de gardien du « profit du Roy nostre Sire58 ».
36Par bien des aspects, ces ordonnances de police ressemblent à celles que l’on peut trouver dans les autres villes du nord du royaume. Elles réglementent des facettes de la vie quotidienne, pourchassent des crimes modestes, sont tournées vers la terre alors que les ordonnances contre le blasphème contemplaient le ciel. Nous verrons dans quelle mesure ces documents permettent de considérer l’expérience législative du seigneur de Paris comme un exemple représentatif des usages pénaux attribués au pilori par les hauts justiciers en général.
Une répression des fraudes au service des confréries de métier parisiennes
37Sans surprise, l’essentiel de la série est constitué d’ordonnances de police des marchés. L’exposition y occupe deux fonctions qui font partie de son cœur de métier : le maintien de la loyauté des transactions et, par assimilation, la punition des usurpateurs de métiers réglementés. Y recourir s’avère cependant être une décision politique forte qui n’est prise que si les législations antérieures, plus douces, ont failli.
38La plus ancienne ordonnance synthétise déjà tous ces enjeux. Elle est prise en janvier 1326 par le prévôt de Paris Jehan Bleebaut et vise à refonder la réglementation du commerce du poisson de mer dans Paris59. Le prévôt constate que l’ordonnance prise en 1315, qui servait jusque-là de cadre aux relations entre les « Marchaans & Voituriers de la mer amenant poisson à Paris » d’une part, et les « vendeurs & estaliers » d’autre part, est en échec. Du moins, c’est ce que lui rapportent les représentants des vendeurs et étaliers : « ne les Ordenances & Estatuz des coustumiers desdiz mestiers n’ont pas bien esté tenuz ne gardez ançois s’en sont plaint à nous la plus grande & saine partie dudit mestier ». Mais si la confrérie des poissonniers de mer affirme que des marchands peu scrupuleux leur vendent comme saumons des « raies » et « chiens de mer », ou que les voituriers leur font payer au prix fort des « petiz paniers » de poissons alors qu’ils « sevent bien lesquels panniers sont petiz », il y a fort à parier qu’ils sont d’abord motivés par la défense de leur monopole sur la vente de poissons plutôt que par celle du bien commun.
39Jehan Bleebaut reprend à son compte le tableau manichéen des « bonnes gens de la Ville de Paris » lésées par de malveillants marchands étrangers. C’est ce stéréotype qui motive l’écriture d’une nouvelle ordonnance « pour oster toutes fraudes & decevances ». Celle-ci prolonge en la renforçant le cadre de l’ancienne ordonnance, fondée sur une forme d’autorégulation des différents métiers. Les poissonniers de mer sont ainsi dotés de « Gardes du mestier & de la marchandise ». Ils sont chargés de contrôler la qualité des arrivages de poissons et sont associés à toute action de police menée par les « Gens-le-Roy deputez », officiers royaux rattachés au Châtelet. Le prévôt considère que ses hommes ne sont pas compétents pour juger les « malesfaçons de toute la marchandise dessusdite pour ce que les deuz députez ne sont mie du mestier ». Pour améliorer l’efficacité de ce système, le prévôt joue alors sur deux tableaux.
40Il établit tout d’abord des règles objectives qui permettent de limiter le risque de fraude. Les maquereaux seront désormais toujours vendus par lots de soixante, la taille des truites est fixée et « le harenc, le selerin, les morües & le mellent salé » seront « vendues en brouettes ». La fraîcheur du poisson est garantie : ils doivent être du jour, non « remués » et inspectés par les gardes du métier chaque matin, avant l’ouverture du marché. D’autre part, le prévôt durcit drastiquement les peines encourues par les marchands déloyaux. L’ancienne ordonnance ne prescrivait que la confiscation des denrées litigieuses, ce qui était assez peu répressif. La nouvelle commence par protéger les jurés parisiens des injures : « que nuls ne nulle ne facent ne ne dient vilanies ne despiz aus Jurez dudit mestier seur peine d’estre escheu en grosses amendes envers le Roy ». Mais surtout, elle sécurise les transactions entre marchands et revendeurs en prescrivant « que nuls garchons ne autres personnes desoresmais en avant, ne voisent, ne aillent contre les marées hors des hales de Paris, ne prennent poisson en panniers, se il ne l’achatent, sus paine d’est tournez ou Pillory ». Par cet article, l’ordonnance condamne le vol de poissons, mais criminalise également les transactions différées, notamment en forçant le paiement comptant60.
41Le prévôt dresse ainsi un lien consubstantiel entre le respect des privilèges des métiers parisiens et la garantie de loyauté des transactions. Dans cet écosystème, la peine du pilori est réservée aux personnages extérieurs, aux « garchons » qui essaieraient d’acquérir du poisson en dehors du cadre réglementaire. Le commerçant juré apparaît quant à lui comme une figure protégée par le pouvoir, qui ne risque pas de lourde peine. La même logique est à l’œuvre dans une ordonnance de juin 1381 confirmant les privilèges et statuts de la confrérie des bouchers de Paris61. Dans ce document de 42 articles, la peine la plus dure que risquent les bouchers jurés est l’amende, y compris lorsqu’ils fraudent62. A contrario, ceux qui ne font pas partie du corps des bouchers et usurpent ce statut privilégié risquent gros : « Que se aucun cope chars & il n’est Bouchier, il soit mis ou Cep & privé du mestier jusques au rappel du Maistre. »
42S’établit une géographie de la répression dont la frontière principale est l’appartenance ou non à un métier réglementé. La juridiction parisienne ne semble pas avoir adopté tel quel l’usage de l’exposition pour déloyauté commerciale, mais l’avoir réinterprété pour en faire une arme de protection des privilèges des métiers jurés. À mi-chemin entre le vol de privilèges – dont la victime serait la confrérie – et la fraude, le crime d’usurpation correspond bien au champ d’action assigné au pilori depuis son invention. Par ailleurs, l’infamie de l’usurpateur remplit ici deux objectifs que nous avons déjà décrits : la restauration de l’honneur blessé de la confrérie et l’information du consommateur de l’identité d’un « faux » commerçant qu’il vaut mieux éviter.
43En faisant preuve d’une mansuétude particulière envers les membres des métiers réglementés, le législateur royal s’avère être peu représentatif de ce qui est prévu par les autres municipalités du nord de la France et notamment celles de Picardie. Dans cette région, non seulement des ordonnances de police prévoient l’exposition des fraudeurs de poissons, mais leur appartenance à un métier juré peut être considérée comme une circonstance aggravante. À Amiens, une ordonnance encadrant la poissonnerie édictée avant 1383 par le pouvoir communal prévoit ainsi que « quiconques sera atains par fait ou par certaine presumption avoir alé ou envoyé contre aucuns desdis poissons […] pour iceulx retarder ou destourner à venir ou marquié d’Amiens, il sera mis au pilory, et s’il est du mestier de le poissonnerie, il sera banny de la ville et perdera le mestier63 ». Selon les régions, les législateurs développent deux réactions opposées face à l’émergence de confréries de métiers autonomes de leur pouvoir, capables d’élire leurs propres membres et défendant âprement leurs monopoles. La place du pilori dans la répression des fraudes est alors nuancée par ce qui s’apparente à un choix politique. D’un côté, le seigneur de Paris décide de mettre au service des poissonniers et bouchers la puissance coercitive du Châtelet. De l’autre, la commune d’Amiens rappelle les jurés à leur responsabilité de respecter leur serment en les soumettant à un régime répressif spécifique.
44Notons toutefois que cette distinction géographique a de fortes chances d’être bien plus nuancée en pratique, surtout lors des périodes de tension économique où le pouvoir judiciaire tend à se raffermir contre les fraudeurs, qu’ils appartiennent à une confrérie ou non64. Le fossé entre les usages du pilori pour fraude à Paris et dans le bassin picard n’est donc peut-être que de papier, mais il témoigne au moins de la diversité des relations entre pouvoir seigneurial et métiers jurés, plus ou moins fondées sur la confiance, la délégation de pouvoir et le respect des privilèges et de l’auto-organisation.
Usages protéiformes de l’exposition dans la réglementation fluviale
45Une autre confrérie de métier reçoit l’appui du Châtelet de Paris pour garantir son monopole par la mise au pilori des contrevenants. Les « marchands de l’eau » parisiens sont parmi les plus anciennes et puissantes associations de marchands reconnues par le pouvoir royal. Ce sont des bourgeois de Paris qui, contrairement à ce que leur nom indique, ne sont pas des bateliers, mais les entrepreneurs de la Hanse de Paris65. Ils obtiennent au début du xiie siècle un monopole sur le commerce fluvial qui se matérialise par des droits de taxes et péages sur les bateaux traversant Paris. Ce sont ces entrepreneurs des ports de Paris qui obtiennent avant 1250 un droit de juridiction dont le dépositaire est le prévôt des marchands, élu et conseillé par les membres de la confrérie66. Cette nouvelle institution est d’abord chargée de gérer le trafic fluvial et les conflits qui pourraient en découler. Elle se transforme par la suite en corps municipal de fait, intégrant tous les bourgeois de Paris quel que soit leur métier.
46Le fleuve Seine est donc soumis à un double régime juridictionnel67. Il fait partie du foncier seigneurial du roi et le Châtelet de Paris est la seule institution à pouvoir y exercer la haute justice. Cependant, à force de délégations de pouvoir accordées à la prévôté des marchands, la Seine est en même temps sous la tutelle des marchands de la Hanse de Paris et, plus largement, des bourgeois assemblés au Parloir aux bourgeois, siège de la municipalité. L’entrelacement des deux juridictions pose des problèmes de droit au législateur royal pour assurer la protection policière des usagers du fleuve. Par exemple, quelle procédure appliquer pour pourchasser efficacement les voleurs de bateaux ou de marchandises qui infestent la Seine et ses ports, sans empiéter sur les privilèges des marchands ni affaiblir le monopole royal de la haute justice ?
47Une ordonnance datée du 18 mai 1408 parvient à élaborer une procédure satisfaisante pour toutes les parties68. Elle se donne pour objectif de mettre un coup d’arrêt aux malfrats qui infiltrent les bateaux et « prennent & emportent les avirons, cordes, chables », ou dévalisent la cargaison. Le vol est un cas réservé de la haute justice et sa peine dans l’ordonnance est la « peine d’estre mis ou Pilori69 ». Ordinairement, l’ensemble de la procédure, depuis l’arrestation jusqu’à l’exposition, aurait dû revenir aux officiers du Châtelet. Mais par soucis de compromis, le pouvoir royal décide de conférer aux marchands « auctorité & puissance que toutes & quantesfoiz que eulx & chascun d’eulx trouveront lesdiz malfaicteurs […] ils les prennent & arrestent ». Ce texte fait plus qu’offrir aux marchands un droit de haro70, il les transforme en sergents royaux temporaires en les dotant de la « plaine auctorité & puissance Roial ». En associant ainsi les marchands au travail policier, le pouvoir royal sauvegarde leur juridiction spéciale et les honore même d’un nouveau droit, tout en réservant à ses officiers l’essentiel : l’acte de juger et l’exercice de la peine publique d’exposition71.
48La peine du pilori n’est pas seulement requise contre les voleurs des ports. Elle apparaît étonnamment souvent lorsqu’il s’agit de protéger les rives de la Seine d’actes délictueux. Ainsi, en janvier 1405, Charles VI constate que la ville « Souveraine & Capitale de nostre Royaume », qui devrait être maintenue « nette & en bonne ordonnance » pour pouvoir donner l’exemple « en decoracion & excellence » aux autres bonnes villes de France, est « si plaine par dedens » de déchets et d’immondices que c’est « grant orreur & abhominacion à veoir72 ». La faute en revient aux Parisiens qui ont pris l’habitude d’utiliser la Seine comme décharge à ciel ouvert. Certains vont jusqu’à « bouter feu ès fiens », ce qui devait dégager une fumée asphyxiante dans Paris. Le pouvoir royal n’y voit pas qu’un défaut de lustre pour sa capitale, il prend aussi en compte l’enjeu de santé publique posé par ces mauvaises pratiques : « se ne feust le miracle de Nostre Seigneur, comment les creatures & corps humains usans en boires & en decoccions de leurs viandes de l’eauë d’icelle riviere ne en enqueurent en très-grans multiplicacions d’inconveniens de mort & de maladies incurables ». Il s’agit alors de discipliner les Parisiens, ce qui revient à criminaliser l’épandage sauvage de déchets dans la Seine. L’ordonnance divise les infractions en deux ensembles. Les moins graves, comme « porter de leur maisons fiens & ordures en & sur ladicte riviere », sont punies d’une amende arbitraire. Les plus graves, notamment le brûlis d’ordures, sont passibles du pilori.
49Ce document est un hapax législatif ; aucun autre ne fait de la peine du pilori un instrument de défense de l’hygiène publique. Le législateur y a pour motivation première d’intimider les habitants de Paris. L’exposition aurait donc a priori pu être remplacée par un autre supplice de haute justice. Mais le choix d’infliger cette peine plutôt qu’une autre est peut-être la marque que les jets d’ordures dans la Seine ne sont pas seulement des atteintes à l’hygiène publique. Ce sont également des défis lancés contre les droits juridictionnels du fleuve ; exposer au pilori revêtirait alors le sens classique de la défense de l’honneur et des droits du roi en tant qu’il est maître du fleuve.
50Protection de la propriété des usagers, de la propreté et de la juridiction de la Seine ; l’exposition adopte des usages assez divers dans la réglementation fluviale. Certains sont des fonctions traditionnelles du pilori, d’autres sont des adaptations ponctuelles causées par le besoin immédiat d’une réponse pénale forte face à un problème récurrent, comme la pollution fluviale. De telles ordonnances atypiques, qui attribuent de nouveaux usages à l’exposition, se retrouvent lors des crises qui menacent de mettre à bas l’ordre économique.
Un outil répressif mobilisé pour surmonter les situations de crise économique
51En regard des documents régulant les échanges commerciaux, emplois assez banals de l’exposition, d’autres ordonnances de police brillent par leur originalité. Deux d’entre elles, en particulier, prennent la forme de mesures d’urgence : l’ordonnance monétaire prise par Jean II en novembre 1354 et celle contrôlant le prix du grain édictée par Charles VI en février 142073. Il va sans dire que ces deux documents nécessitent d’être analysés séparément puisque leurs contextes sont dissemblables. Un élément les rassemble cependant. Dans les deux cas, les souverains cherchent à rétablir l’ordre social en raffermissant la répression et trouvent dans l’extension des usages de l’exposition une solution acceptable. La mise au pilori se transforme, pour un temps, en outil de gestion de crise sociale.
52L’ordonnance du 14 novembre 1354 est motivée par les graves troubles qui secouent le royaume. À la suite des guerres incessantes et de la grande peste de 1347-1348, « toutes manieres de vivres, de vesteures, chauffementes, ouvrages & autres choses necessaires pour le gouvernement & sustentation de nosre Peuple ont esté & sont chiers, que à grant peine peut souffire chose que les gens aient à trouver ce qu’il leur faut pour leurs vivres & autres necessitez74 ». Face à la crise économique, Jean II joue sur tous les tableaux. Il fixe le cours de la monnaie pour contrecarrer une inflation galopante, rappelle les valeurs monétaires en circulation pour les faire rebattre, puis menace tous les acteurs du secteur financier de « punition de corps » s’ils tentent de contourner ce dispositif ou de spéculer sur le change, par exemple en portant « or, argent, billon hors de nostre Royaume ». Cette première ordonnance est immédiatement complétée par une seconde visant à adapter les marchés des biens matériels et du travail au nouveau cours de la monnaie75. Également datée de novembre 1354, l’ordonnance complémentaire est celle qui nous intéresse en premier lieu, parce qu’elle attribue à l’exposition un rôle nouveau.
53Dès le premier article, Jean II fustige l’attitude des « Ouvriers & Laboureurs » qui « ne veulent aler ouvrer à journée, ne besoigner », sauf si on leur paie un « salaire desreisonnable ». Certains refusent de travailler si leur embaucheur ne leur offre pas « oultre le prix de leurs journées, vins, viandes & autres choses ». Le pouvoir royal ne cherche pas à comprendre les contingences économiques qui déterminent un rapport de forces en faveur des travailleurs. À ce sujet, Guy Bois a montré que la rareté de la main-d’œuvre induite par la grande peste de 1348 a permis aux travailleurs survivants de négocier leurs gages à la hausse76. L’attitude des ouvriers de 1354 est donc guidée par la raison, d’autant plus qu’un salaire moins élevé les empêcherait de subvenir à leurs besoins puisque, de l’avis même du roi, les « choses necessaires […] sont chiers ».
54Par ailleurs, la hausse des salaires permet aux ouvriers de se libérer du temps libre. Certains « ne veulent ouvrer que à leur plaisir », c’est-à-dire qu’ils s’offrent des jours de congé lorsqu’ils ont gagné assez d’argent pour vivre. L’administration royale s’offusque de ce chômage choisi. Pour elle, ces travailleurs sont des fainéants : « Ouvriers gourmans, ou frians, ou faineantises vont sejourner ès tavernes & dient que pour le grant pris des journées qu’ils ont accoutumés de prendre, que ils ne ouvriront la sepmaine que deux jours. » Ayant analysé la question non pas sous l’angle des équilibres économiques mais selon une approche morale qui assimile les travailleurs aux « gens oiseuses77 », le pouvoir royal ne peut qu’arriver à la conclusion qu’il faut criminaliser ceux qui « fraudent » le prix de leur salaire, fixé par la coutume.
55Pour parvenir à cette fin, l’ordonnance reprend telles quelles des dispositions prises en février 1351 contre les vagabonds et les applique à ces « ouvriers gourmans ». Dans la grande ordonnance de police prise par Jean II quelques semaines après son avènement, les « oiseux [qui] ne veulent exposer leurs corps à faire aucuns besongnes » doivent « vuide[r] la ville de Paris » sous peine d’être emprisonnés, « mis au Pillory », voire « signez au front78 ». Législation préventive contre les vagabonds assez banale que l’on retrouve dans plusieurs villes à la même époque et où l’exposition tient souvent une place importante. Sa reprise pour réprimer des revendications salariales est par contre très originale. L’ordonnance de 1354 n’est donc pas, comme a pu le penser B. Geremek, qu’une extension de celle de 1351 à l’ensemble du royaume79. Elle consacre aussi une transformation de la portée et du sens de la législation contre les marginaux, pour tenter de résoudre une crise du coût de la main-d’œuvre dont les termes sont précisément identifiés par le législateur.
56L’assignation du pilori à ce nouvel enjeu répressif prend alors une double signification. Plus que les autres peines invoquées par l’ordonnance, il superpose dans ce texte des usages qui lui sont propres. Il répond à ce que le législateur identifie comme une « fraude », tout en punissant les « oiseux ». Ces deux récriminations morales sont parfaitement calibrées pour criminaliser des attitudes économiques rationnelles qui émergent lors de crises économiques graves. Cela est encore plus patent dans le second exemple que nous allons produire : la tentative de résolution, par les Bourguignons et à grands coups de menaces d’exposition, de la crise du blé qui secoue Paris dans les premiers mois de l’année 1420.
57L’ordonnance datée du 17 février 1420 (nouveau style) pourrait à première vue n’apparaître que comme un maillon parmi d’autres de la longue série des ordonnances de fixation des prix du blé, de sa mouture et du pain qui en résulte80. Son contexte de production, éclairé dans ses plus fins détails par le Journal du Bourgeois de Paris81, et l’originalité des clauses pénales qu’elle prévoit contre les fraudeurs la transforment cependant en un témoignage intéressant des solutions politiques aux crises économiques.
58La crise des prix dans Paris est alors profonde. Depuis la prise de la ville par les Bourguignons en mai 1418, les Armagnacs mènent une stratégie de harcèlement du plat pays. Le Bourgeois de Paris, qui leur est défavorable, les présente « pillant, robant, boutant feux, tuant, efforçant femmes et filles, femmes de religion. Et à dix lieues autour de Paris ne demeurait aux villages nulle personne ». Les marchands n’échappent pas non plus à la « guerre guerroyante » des Armagnacs : « s’ils apportaient quelque chose, fût vitaille ou autre chose, tout leur était ôté des gens d’armes ». La longue crise d’approvisionnement des Parisiens, qui durait depuis des années vu que les Bourguignons dévastaient tout autant le plat pays avant mai 141882, est si aiguë en ce début d’année 1420 que « on ne faisait point de pain blanc et si n’en faisont-on point de moins de 8 deniers parisis la pièce83 ».
59Pour remédier à cette débâcle économique, le pouvoir bourguignon fait crier une ordonnance qui doit sanctionner la « convoitise desordonnée » des vendeurs de blé, mesureurs de setiers, meuniers et boulangers84. Encore une fois, la variation à la hausse des prix du marché, causée par les difficultés d’approvisionnement et la rareté des matières premières, est interprétée par le législateur comme un problème de spéculation et de fraude aux ordonnances régulant les prix du pain. Parmi les nouvelles prescriptions répressives l’une d’entre elles interpelle par sa fermeté : le législateur ordonne que les meuniers et leurs aides ne puissent plus exiger que 8 deniers par setier de blé. Or, d’après le toujours vigilant Bourgeois de Paris, ils obtenaient auparavant entre 8 et 10 sous parisis par setier à moudre, soit une privation de 50 % à 60 % de leurs revenus par le législateur85. Surtout, l’ordonnance prévoit en cas de déloyauté, que ce soit sur le prix ou le temps de mouture, une « peine d’estre pilorisez & d’autre peine publicque & d’amende voluntaire ». Réponse pénale plus rigoureuse que la normale, car aucun règlement parisien antérieur des métiers du pain ne prescrit l’exposition en tant que peine principale, que ce soit dans les statuts des talemeliers copiés dans le Livre des métiers dit d’Étienne Boileau (1268)86, ou dans les ordonnances royales du xive siècle. D’ailleurs, dès le mois d’octobre 1421, une nouvelle ordonnance met fin à cette législation d’exception87. Les meuniers fraudeurs écopent désormais d’une amende pécuniaire et l’exposition n’est plus réservée qu’aux récidivistes.
60Les crises économiques de la fin du Moyen Âge, engendrées par la guerre endémique et les grandes épidémies, amènent ainsi les législateurs à prendre des mesures pénales drastiques. Des pratiques qui ne sont pas forcément considérées en temps normal comme de la fraude, telles que la négociation salariale ou la spéculation, sont alors criminalisées par un pouvoir qui leur reproche d’être à l’origine du marasme économique. L’exposition est perçue comme une peine appropriée pour remplir le rôle d’outil de gestion de crise parce qu’elle est une peine ordinaire de la déloyauté, mais aussi parce qu’en mettant en scène le déshonneur du fraudeur, elle exprime visuellement la moralisation des attitudes économiques qui motive l’action juridique. Ces ordonnances ont été par le passé extraites de leur contexte et présentées comme des preuves que la politique pénale tardo-médiévale était ordinairement rigoureuse. Elles sont pourtant, à bien des égards, des textes extraordinaires, écrits pour sortir de situations d’effondrements politique et économique.
Appliquer le droit royal : l’exposition au Parlement de Paris
61La bonne conservation d’une série de registres de sentences de la chambre criminelle du Parlement de Paris fait de cette institution un des rares environnements judiciaires pour lesquels il est possible d’évaluer finement la distance entre la lettre d’une norme juridique et son application. La cour de Parlement est le lieu où les ordonnances royales sont le plus habituellement invoquées comme des sources de droit qui doivent orienter, sinon déterminer, le jugement88. Elle recourt en conséquence régulièrement à la peine d’exposition, en application d’un droit royal nuancé par sa jurisprudence. Ce dernier point implique qu’il n’est pas possible de présenter le Parlement comme un modèle représentatif des cours temporelles inférieures, y compris royales, de l’espace français.
62La tentation a pu être grande par le passé de franchir le pas de la généralisation à partir du riche exemple du Parlement, car ses arrêts forment la série la plus exhaustive et la mieux étudiée par l’historiographie. Les analyses plus récentes tendent cependant à montrer que ces sources n’éclairent que la pratique du Parlement lui-même, et encore, de manière imparfaite89. L’étude de la part de l’exposition, puis de ses usages, dans les arrêts de la chambre criminelle, confirment que le Parlement répond à des règles qui lui sont propres et qui diffèrent notablement de ceux des autres cours temporelles.
La part de l’exposition dans les arrêts de la chambre criminelle
63Lorsqu’on compare les archives de la Grand Chambre avec celles de la chambre criminelle, il apparaît que leurs jurisprudences s’éloignent à mesure que les décennies passent, au point de constituer des environnements judiciaires distincts. Avant l’autonomisation de la chambre criminelle vers 1350, l’exposition était une peine régulièrement attestée dans les registres de la Grand Chambre – sept condamnations pour la décennie 133090 et cinq entre 1340 et 135291. Mais à cette date, les mises au pilori disparaissent brusquement de la série, tandis qu’elles perdurent dans les registres criminels. Il est difficile de savoir si cette asymétrie a pour origine une vraie différence de pratiques entre les deux chambres, ou si les greffiers ont fabriqué des jurisprudences artificiellement différenciées en sélectionnant les arrêts recopiés dans les registres qui nous sont parvenus. L’état de la documentation incite à étudier en priorité la place de l’exposition dans la série des registres criminels, afin de dégager, au sein de cet ensemble cohérent, des tendances quantitatives et qualitatives.
64Les registres X2A 4 à 7 couvrent une période allant de 1339-1367. Pendant ces décennies, la chambre criminelle n’est pas vraiment indépendante de la Grand Chambre : sa procédure n’est pas fixée et la chambre principale traite encore un grand nombre d’affaires criminelles92. Il en découle que seulement 10 % des arrêts de ces premiers registres prescrivent des peines de haute justice. La peine de mort définitive est absente avant les années 1350, tandis que le bannissement est la peine la plus fréquente (environ 5 %). Quant à la peine du pilori, elle est extrêmement rare. Seulement sept se trouvent dans cette première série de quatre registres (1,1 % de l’ensemble des arrêts)93, contre neuf au sein de la série civile contemporaine X1A 8 à 15 (1338-1354). Si des « registres criminels » autonomes existent bien vers 1340-1360, les greffiers semblent toutefois appliquer une ventilation homogène des peines de haute justice entre tous les registres du Parlement, sûrement parce que la chambre criminelle n’était encore qu’un organe de la Grand Chambre.
65Ces biais de sources empêchent de formuler des conclusions solides au sujet de la physionomie de la pratique judiciaire des premières années de la chambre criminelle. Les sélections opérées par les greffiers reflètent en effet moins une réalité que l’idéal jurisprudentiel porté par le personnel de la chambre criminelle. En ce premier xive siècle, le Parlement promeut une justice de conciliation qui permet aux parties de négocier, afin de donner à chacun ses droits, y compris lors d’affaires criminelles94. En cela, ces premiers registres incarnent bien l’idéal poursuivi par les conseillers : une justice de compromis qui n’a pas pour vocation première de punir.
66Le registre X2A 8 (1367-1374) ouvre une deuxième série assez statistiquement homogène jusqu’à la division du Parlement en deux entités rivales après la prise de Paris par les Bourguignons en 141895. Aucun des registres de cette période ne contient moins de 20 % d’affaires sanctionnées par une peine de haute justice et cette part est en augmentation constante jusqu’à culminer, à la fin du siècle, à 40 %. Avec seize cas conservés sur quarante ans, l’exposition n’a jamais été – et ne sera jamais plus – aussi fréquente dans les archives de la chambre criminelle. Ce bond statistique doit cependant être nuancé. Il représente en moyenne quatre expositions par décennie, soit une fréquence égale à celle du premier xive siècle lorsqu’on cumule les registres civils et criminels. Or, alors que les expositions se multiplient dans la série criminelle après 1360, elles disparaissent de la série civile. On assiste donc moins à une hausse réelle qu’à la concentration des attestations dans les registres criminels.
67Les peines de haute justice en général, et la peine du pilori en particulier, occupent néanmoins une place plus importante dans les registres de la fin du xive siècle que dans leurs prédécesseurs. En parallèle, la part des lettres de rémission entérinées par la chambre criminelle augmente notablement. Ces deux hausses contemporaines sont la trace laissée par un phénomène pointé par Claude Gauvard en 1995, celui d’un pouvoir justicier royal qui devient « biface » à la fin du xive siècle96. Durant cette période, sous l’effet du développement de la procédure inquisitoire et du raffermissement de la culture juridique, « la justice du royaume de France est devenue, dans l’ensemble, plus coercitive qu’aux siècles antérieurs97 ». Mais cela s’accompagne d’un développement sans précédent de la rémission, ce qui permet aux institutions d’à la fois mieux contrôler les décisions des cours inférieures et de prétendre incarner l’image du bon justicier, qui sait aussi bien se montrer miséricordieux que rigoureux, selon les cas d’espèce.
68Après la guerre civile du xve siècle, le Parlement de Paris réunifié est opérationnel vers 1445, soit un peu moins d’une décennie après la reprise de Paris par Charles VII98. La place de l’exposition dans les registres de la chambre criminelle s’érode alors de manière notable. À première vue, les registres couvrant la période 1445-1475 sont assez semblables à la série précédente99. La part des peines de haute justice représente toujours entre 20 % et 50 % des réponses pénales et les rémissions concernent 10 % à 15 % des arrêts. Pourtant, l’exposition n’apparaît plus que trois fois en trente ans, ce qui correspond à une division par quatre de sa fréquence. La peine du pilori semble pâtir de l’expansion de l’amende honorable, qui devient l’unique type de peine infamante employé par la chambre, ainsi que la peine de haute justice la plus fréquente. Dans cinq des sept registres de la série, elle supplante en effet le bannissement, qui pourtant avait toujours été jusqu’ici la peine de haute justice la plus souvent employée par les conseillers100.
69L’essor de l’amende honorable se fait au détriment de l’exposition. Certes, les effectifs totaux des deux peines infamantes ne varient pas entre les périodes 1350-1400 et 1445-1475. À l’instar de leurs prédécesseurs, les registres du xve siècle contiennent chacun entre 8 et 13 arrêts condamnant à une peine infamante. Mais alors que les registres du xive siècle présentaient un rapport d’environ une mise au pilori pour deux amendes honorables, ceux du xve siècle contiennent 3 peines du pilori pour 66 amendes honorables, soit un ratio de 1 pour 22. Cet effondrement quantitatif du pilori est la trace de l’absorption de ses usages par l’amende honorable ; phénomène qui s’explique par la proximité des crimes punis par les deux peines dans la pratique parlementaire101. Les conseillers semblent avoir tant rapproché leurs usages qu’ils finissent par ne plus percevoir l’intérêt de s’encombrer de l’une d’entre elles.
Des pratiques indépendantes de toute source extérieure de droit
70À partir des années 1340, le Parlement tire de sa nature d’imago regis, c’est-à-dire de représentant de la personne du roi, une préséance juridique sur les autres cours temporelles qui l’amène à développer une procédure originale d’une part et une autonomie jurisprudentielle d’autre part102. Sa jurisprudence, construite par les précédents sélectionnés pour figurer dans les registres d’arrêts, prétend être un produit délié de toute influence extérieure. Les peines d’exposition sélectionnées illustrent en particulier la mise à l’écart volontaire du droit romain par les conseillers103. Plus étonnant, leurs usages divergent aussi de ce qu’imposent les ordonnances royales. Ainsi, pour façonner les usages pénaux du pilori, la seule source de droit à laquelle puise le personnel du Parlement est sa propre coutume.
71Le droit romain était parfaitement connu de tous les praticiens qui travaillaient au Parlement, comme en attestent les nombreuses compilations présentes dans les bibliothèques de Robert Le Coq, avocat au Parlement et évêque de Laon jusqu’à son bannissement en 1358 pour avoir soutenu Charles de Navarre104, ou de Nicolas de Baye, greffier civil au tournant des xive et xve siècles105. Ils n’ignoraient pas que, d’après les Institutes de Justinien, la loi Cornelia punit ceux qui écrivent de faux actes de bannissement pour les hommes libres et d’exécution capitale pour les esclaves106. Preuve de sa diffusion, la « loy Cornelie que l’en dit des faulsaires107 » est citée par la Somme rural de Jean Boutillier.
72Si les conseillers du Parlement se référaient au droit romain, on aurait dû trouver dans les registres une large part de bannissements et de peines de mort pour punir les faussaires. Pourtant, pendant la période 1352-1408, les bannissements ne représentent jamais plus de 12 % des peines frappant ces criminels, et ce qu’ils aient produits de faux sceaux, de fausses lettres ou un faux témoignage. La peine de mort n’est quant à elle jamais appliquée, contrairement à ce que préconise Jacques d’Ableiges, pour qui les faux témoins en cause criminelle doivent « mourir de telle mort que l’autre fust mort si sa déposition eust sorti son effect108 ». C’est plutôt le pilori qui s’impose comme la réponse la plus fréquemment mobilisée par les conseillers pour sanctionner les faussaires de toutes sortes109. Pendant la période 1352-1408, près de 40 % des affaires pour faux témoignage se concluent par une peine d’exposition. L’exposition n’est pas la seule peine de haute justice imposée aux faussaires, mais elle est suffisamment fréquente pour être considérée comme la peine spécialisée de ce crime.
73En cette matière, le Parlement reprend à son compte la coutume de Paris, déjà appliquée en premier ressort par le Châtelet. Le recours à l’exposition pour faux renvoie à un imaginaire laïque de la peine partagée à la fois par les juristes et les praticiens des deux juridictions royales parisiennes. Les conseillers du Parlement choisissent de s’inscrire dans cet héritage coutumier qui opère comme une alternative explicite à l’héritage romain.
74Si on devait identifier l’usage pénal premier du pilori dans la législation royale, on retiendrait certainement la punition du blasphème, puisqu’elle représente près de la moitié des 19 ordonnances royales citant l’exposition. Comme l’a toutefois remarqué Corinne Leveleux-Texeira, les peines infamantes sont notablement absentes des arrêts parlementaires réprimant le blasphème110. On ne trouve à vrai dire que peu d’affaires instruites pour ce crime devant les deux chambres du Parlement. Les registres de la chambre criminelle n’en révèlent aucun, tandis que ceux de la chambre civile du xive siècle contiennent deux cas, mais en tant qu’infraction annexe111. Des sources indirectes permettent de documenter quelques blasphémateurs supplémentaires jugés par le Parlement. Le Nain cite un arrêt non conservé du 28 juillet 1367 par lequel les conseillers condamnent Martin Blondel à des jeûnes pénitentiels112. Jacques d’Ableiges cite un autre arrêt non conservé, qui condamnerait un « homme marchant et honneste » à une amende pénitentielle de quarante livres pour avoir dit que « jurer le sanglant corps de Dieu n’est mie parolle ou il chée peine, pour ce que Nostre Seigneur sua sang et fut sanglat en l’arbre de la croix113 » – exemple par ailleurs intéressant de réflexion théologique populaire. Ainsi, même en considérant un corpus large, l’exposition pour blasphème semble absente de la jurisprudence du Parlement, alors qu’on sait par ailleurs que le Châtelet pouvait y recourir114.
75Comment expliquer une telle absence alors que le Parlement se doit d’appliquer les ordonnances royales au nom du principe Curia representat regem115 ? Le décalage entre ordonnances et jurisprudence parlementaire découle en fait de l’application de ce principe. Certes, le Parlement est théoriquement lié par les ordonnances, mais, en tant que véritable image du corps du roi, il a également pour obligation d’interpréter la législation, ce qui lui donne le droit de hiérarchiser les ordonnances, d’en déclarer certaines obsolètes, de trancher lorsqu’une contradiction surgit116. Le droit royal est une matière malléable et concurrencée par la jurisprudence du Parlement, dont l’interprétation pratique est reconnue comme pouvant prendre le pas sur la lettre des ordonnances.
76Il est en conséquence possible que les conseillers n’hésitaient pas à déroger à la lettre des ordonnances royales imposant l’exposition aux blasphémateurs, peut-être au nom du principe d’adaptation de la réponse pénale « selon la qualité de la personne & la quantité du mefait117 ». Cette hypothèse est d’ailleurs en partie confirmée par le passage du Grand Coutumier de France qui oppose la peine légère réservée au blasphémateur « marchant et honneste » à celle retenue contre Jehan Chevallon qui « jura pareillement et pour ce qu’il estoi renommé de jurer fort et asprement, il fut pillorié ; ainsi est-il à mettre différence entre les personnes118 ». Nous assistons donc moins à une véritable mise à distance du droit royal par les conseillers qu’à une interprétation ample qui permet de le métisser avec la coutume de Paris et la propre jurisprudence du Parlement.
Des divergences avec les usages des autres cours volontairement entretenues
77Dans le même temps où les conseillers construisent l’autonomie juridique de la chambre criminelle en écartant le droit romain et en interprétant intensivement le droit royal, ils mettent en scène l’écart qui les sépare des praticiens des autres cours temporelles. Pour ce faire, ils procèdent à un double mouvement de sélection d’arrêts. D’un côté, sont écartés des jugements qui documenteraient des habitudes communes à toutes les cours temporelles, de l’autre, sont conservées des réponses pénales propres à la coutume de Paris. Ce double effet de sélection est patent lorsqu’on compare le corpus des arrêts intégrés aux registres à celui des pièces de procédure citant des affaires dont les arrêts n’ont pas été conservés. Appliquée au pilori, la sélection suit deux principes : l’exclusion de l’exposition pour vol des registres et l’intégration de l’exposition pour coups et blessures, marqueur original de la coutume de Paris.
78Les registres d’arrêts couvrant la période 1352-1408 ne contiennent aucune condamnation au pilori pour vol, alors que 87 de leurs actes nous montrent des voleurs comparaissant – ou devant comparaître – devant les conseillers. Près de 60 % des cas sont clôturés sans peine, par ajournement du procès (32,7 %), remontrance (11,4 %) ou entérinement d’une lettre de rémission (14,7 %). Lorsque le voleur est effectivement sanctionné, il risque l’amende (16,3 %) ou le bannissement (18 %). Enfin, quatre personnages sont condamnés à la pendaison, mais moins pour leur larcin que parce qu’ils cumulent plusieurs crimes capitaux : deux sont des meurtriers119 ; un autre est un traître également coupable de coups et blessures120 ; le dernier a commis un sacrilège en dérobant des objets précieux dans un monastère121.
79Manquent donc à l’appel trois peines de haute justice habituellement requises contre les larrons : la fustigation, la mutilation et le pilori. Une absence interprétée par l’historiographie comme un effet de source et non le reflet de la pratique du Parlement122. La preuve en est donnée par les documents extérieurs aux registres d’arrêts : les plaidoiries, les mandements et diverses épaves. Les « cahiers de confessions » contiennent par exemple quatre autres voleurs pendus par les conseillers, mais absents des registres d’arrêts123. Le pilori pour vol a quant à lui laissé deux traces dans la documentation. Une plaidoirie de 1401 montre deux voleurs, dont un a été condamné au pilori, comparaître en appel devant la chambre criminelle124. L’arrêt de l’affaire n’a pas été conservé, mais la situation suppose que les conseillers ont dû statuer sur la validité de cette réponse pénale. Mieux, un mandement daté du 22 août 1335 ordonne au prévôt de Paris de faire mettre au pilori des Halles deux voleurs de bourse125. Cette attestation indirecte d’une sentence de la Grand Chambre a été conservée par intégration à un registre d’épaves dont la morphologie inhabituelle révèle des pratiques par la suite écartées du processus de conservation. Ainsi, les traces disséminées en dehors des registres d’arrêts trahissent à quel point la jurisprudence officielle du Parlement est un produit manufacturé par des sélections volontaires. Parmi ces sélections, il y a l’écartement des peines corporelles en général et du pilori pour vol en particulier.
80Alors qu’ils se refusent à conserver dans leurs registres les expositions pour vol, qui font pourtant partie de leurs pratiques, les conseillers sont prompts à y recopier les arrêts portant mention d’expositions pour coups et blessures. Cet usage pénal est inhabituel et n’est rapporté, en tant que peine principale, que dans le Grand Coutumier de France : « Nota que si ung homme bat ung aultre moyennant quelque somme d’argent qu’on luy donne, celuy qui prent l’argent sera pillorié à tout le moins126. »
81Mais les arrêts conservés dénotent un champ d’application plus large que le cas particulier donné par Jacques d’Ableiges. D’abord parce qu’ils condamnent des accusés aux délits ordinaires, à l’image de cette Mathia Pergnon qui est exposée et bannie de La Rochelle pour avoir commis diverses violences contre des gens des chevaliers Jean Paqueau et Jean Gadar127. Ensuite, parce que, avec neuf arrêts entre 1330 et 1408, il s’agit d’un marqueur fort de l’originalité jurisprudentielle du Parlement. On ne trouve en effet, dans l’ensemble des autres juridictions et sur une période de deux cents ans, qu’un seul autre cas d’exposition pour coups et blessures, concernant un certain Jean Philibert tourné au pilori en 1423 à Lagnieu pour avoir cassé la jambe et volé les vêtements d’une servante128. Encore est-il possible que la peine du pilori ait ici pour objectif premier de sanctionner le vol.
82Le Parlement apparaît d’autant plus isolé que même le Châtelet de Paris ne connaît pas cet usage. Dans les cas les plus graves, les justiciers du Châtelet peuvent aller jusqu’à ordonner que le criminel perde le poing et fasse amende honorable à la victime129. Toutefois, la résolution ordinaire des « injures et batteures » devant le Châtelet reste la composition financière entre parties, encadrée par les examinateurs130.
83Il ressort de tout cela que la chambre criminelle du Parlement construit, au travers de ses choix jurisprudentiels, des usages de la peine du pilori sans commune mesure avec ceux retenus par les autres juridictions laïques. La seule pratique commune à toutes les cours temporelles, dont le Parlement, est l’exposition pour faux. Mais outre cette disposition servant à préserver l’honneur de l’institution et la vérité des plaidoiries, la jurisprudence parlementaire innove, tant par les usages qu’elle délaisse que par ceux qu’elle entretient. Cette originalité jurisprudentielle concerne toutefois avant tout le xive siècle. À partir de la refondation du Parlement dans les années 1440, les usages de l’exposition par la cour s’appauvrissent. Seul l’usage consensuel du pilori pour faux est désormais conservé ; une mutation qui transforme le pilori en peine spécialisée, d’autant plus rare qu’elle est concurrencée par l’amende honorable jusque dans sa dernière niche fonctionnelle.
Conclusion
84L’environnement judiciaire dessiné par la législation royale développe un ensemble d’usages stratifiés pour l’exposition. Quand le roi endosse son rôle de seigneur temporel, maître de Paris et de son domaine, il assigne à la peine du pilori des usages similaires à ceux inventés au xiie siècle par les justices du nord du royaume. Mais le transfert de l’exposition pour fraude ou pour vol au contexte parisien s’accompagne de fines altérations, pour l’adapter aux spécificités politiques, juridictionnelles et coutumières locales. L’exposition pour fraude, par exemple, voit sa portée limitée tantôt aux marchands étrangers, tantôt aux artisans non jurés, parce que le pouvoir royal doit composer avec les privilèges des confréries de métier parisiennes. Ces mutations sont exacerbées lorsqu’une crise économique ou militaire oblige le souverain à faire feu de tout bois pour ramener l’ordre.
85Les innovations d’usages naissent de pareils tâtonnements analogiques, prolongés par les interprétations jurisprudentielles des praticiens du droit. Les inventions qui semblent les plus éloignées de l’héritage du xiie siècle, à l’instar de l’exposition pour blasphème, restent des renouvellements de l’idée de scandale déloyal ou mensonger. La diversification des usages de l’exposition forme en conséquence une arborescence à partir d’un tronc commun conceptuel qui reste stable à travers les siècles. Certaines branches nouvelles prospèrent, tandis que d’autres, comme l’exposition pour jet de détritus, ne sont que des bourgeons qui disparaissent rapidement. L’échec ou le succès d’une innovation semble moins déterminé par son efficacité à contenir le méfait puni, c’est-à-dire sa rationalité juridique, que par des facteurs extra-juridiques. La vivacité de l’exposition pour blasphème s’explique ainsi par le besoin des monarques valois d’obtenir des grâces divines et des avantages politiques, ainsi que par l’effet d’entraînement que lui confère l’exemple prestigieux de Saint Louis.
Notes de bas de page
1 Tanon Louis, Histoire des justices des anciennes églises…, op. cit., p. 432.
2 Nortier Michel, « Le sort des archives dispersées de la Chambre des comptes de Paris », Bibliothèque de l’École des chartes, 1965, no 123, p. 514.
3 Le Goff Jacques, Saint Louis, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1996, p. 249 sq.
4 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 1, p. 77.
5 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 298-299.
6 Jean de Joinville, Vie de Saint Louis, op. cit., p. 556-557.
7 Ibid., p. 557-558.
8 Matt. 5:29 : « Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le » ; Matt. 18:8 : « Si ta main ou ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-les. »
9 Gui Foucois, élu pape en février 1265 et qui prit le nom de Clément, connaissait parfaitement les affaires du royaume de France. Éminent juriste, il faisait partie de la cour du roi dans les années 1250 et avait contribué à l’élaboration de la grande ordonnance de 1254. Voir Carolus-Barré Louis, « La grande ordonnance de 1254 sur la réforme de l’administration et la police du royaume », in Carolus-Barré Louis (dir.), Septième centenaire de la mort de Saint Louis. Actes des colloques de Royaumont et de Paris (21-27 mai 1970), Paris, Les Belles Lettres, 1976, p. 85-96.
10 ANF J 360, no 1, cité par Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 302.
11 Ibid., p. 299-300.
12 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 1, p. 105.
13 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 303.
14 Ibid., p. 322.
15 Ibid., p. 120.
16 Chiffoleau Jacques, « Sur le crime de majesté médiéval », art. cité, p. 196.
17 Favier Jean, Le bourgeois de Paris au Moyen Âge, op. cit., p. 649.
18 Labbe Philippe, Cossart Gabriel et al., Acta conciliorum et epistolae decretales…, op. cit., p. 264.
19 Les livres de sentences d’inquisiteurs pour le xiiie siècle sont rares, mais on peut documenter cette pratique dès le début du xive siècle, par exemple dans le livre de sentences de Bernard Gui, inquisiteur de Toulouse entre 1307 et 1323 : Limborch Philipp von, Liber sententiarum inquisitionis Tholosanae, Amsterdam, Henri Wetstein, 1692, p. 95-96 et 180-183.
20 Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 866.
21 Ibid., p. 903.
22 Ibid., p. 901.
23 Corinne Leveleux-Texeira compte 17 ordonnances dédiées à la répression du blasphème sur cette période. L’exposition apparaît donc dans environ 50 % d’entre elles. Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 312.
24 D’où une très faible application de ces ordonnances contre les blasphémateurs. Ibid., p. 373 sq.
25 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 14, p. 499.
26 Ibid., t. 21, p. 448.
27 Ibid., t. 2, p. 38.
28 Déjà noté par Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 313.
29 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 2, p. 282.
30 Respectivement : ibid., t. 8, p. 130 ; t. 13, p. 247.
31 Ibid., t. 2, p. 38.
32 Ibid., t. 2, p. 282.
33 Aucun document ne permet de penser que la brûlure des lèvres ait pu être pratiquée après la mort de Saint Louis. Par contre, on peut trouver quelques langues coupées, et encore plus de langues percées. Ces peines restent très rares. Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 400-401.
34 Ordonnances des roys de France de la troisième race, t. 8, p. 130.
35 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 329.
36 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit. t. 13, p. 247.
37 Innovation se faisant passer pour la réactualisation de bonnes pratiques ancestrales. Voir Hobsbawm Eric, « Inventer des traditions », Enquête, 1942, no 2, p. 171-189.
38 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 14, p. 499.
39 Ibid., t. 14, p. 499.
40 Lagorgette Dominique, « Les syntagmes nominaux d’insulte et de blasphème : analyse diachronique du discours marginalisé », Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses, 2003, p. 171-188.
41 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite, op. cit., p. 118-119.
42 Références des trois ordonnances citées : Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 18, p. 453 ; t. 20, p. 46 ; t. 21, p. 448.
43 L’hommage rendu aux anciennes ordonnances est le plus visible dans l’ordonnance de 1510, qui reprend à l’identique la progressivité des peines prévues dans celle de 1347 mais en la décalant aux récidives quatre à huit. Ibid., t. 21, p. 448.
44 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite, op. cit., p. 314-315.
45 Ibid., p. 394.
46 Philippe de Beaumanoir, Les coutumes du Beauvoisis, op. cit., t. 1, p. 42, chap. 1, § 39.
47 Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, op. cit., p. 176.
48 Jean Boutillier, Somme rural, op. cit., p. 866.
49 Bondurand Édouard, « Statuts et criées de Bagnoles, textes de 1358 et de 1380 », Mémoires de l’Académie de Nîmes, 1889, no 12, p. 56.
50 AD Rhône, 48 H 1378, fo 47, cité par Cornu Laetitia, « Vols de bois et divagations de chèvres… le quotidien de la justice seigneuriale en Velay, au xve siècle », in Brizay François, Follain Antoine et Sarrazin Véronique (dir.), Les justices de village. Administration et justice locales de la fin du Moyen Âge à la Révolution, op. cit., p. 59.
51 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 14, p. 499 ; t. 21, p. 448.
52 ANF P 1402, ordonnance de Jean II, duc de Bourbon et d’Auvergne (27 février 1475).
53 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 18, p. 453.
54 Mattéoni Olivier, Un prince face à Louis XI. Jean II de Bourbon, une politique en procès, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Le nœud gordien », 2015, p. 217 sq.
55 Bourgin Georges, « Les coutumes de Piolenc (1406) », art. cité, p. 63-64.
56 AC Pamiers, BB 11, fo 12 vo-13. Lahondès Jules de, Annales de Pamiers, op. cit., p. 473.
57 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 11, p. 507 ; t. 2, p. 350 ; t. 2 p. 593 ; t. 6, p. 595 ; t. 7, p. 395 ; t. 9, p. 43 ; t. 9, p. 338 ; t. 11, p. 49 ; t. 11, p. 135 ; t. 13, p. 304.
58 Ordonnance pour la régulation de la pêche à Paris, janvier 1326. Ibid., t. 11, p. 505.
59 Ibid., t. 11, p. 505-507.
60 « Que tout selerin sera venduz à compte, ainsint que le harenc & maquereau », ibid., t. 11, p. 506, art. 1.
61 Ibid., t. 6, p. 591.
62 Ceux « qui vendr[ont] mauvaise chair » doivent 60 sous. Ibid., t. 6, p. 593, art. 12.
63 Ordonnance qui définit le métier de poissonnier de la commune d’Amiens antérieure à 1383. Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, op. cit., t. 2, p. 140.
64 En août 1420, alors qu’une disette sévit à Paris, deux boulangers bien établis sont condamnés au pilori par le Châtelet pour avoir vendu des pains trop petits. ANF X2A 16, fo 391-392 vo, affaires Jehan Godeffroy et Pierre Lavoine.
65 Favier Jean, Le bourgeois de Paris au Moyen Âge, op. cit., p. 65 sq.
66 Ibid., p. 94.
67 Serper Arié, « L’administration royale de Paris au temps de Louis IX », Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 1979, no 7, p. 128.
68 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 9, p. 338.
69 Ibid., t. 9, p. 339.
70 Toureille Valérie, « Cri de peur et cri de haine : haro sur le voleur. Cri et crime en France à la fin du Moyen Âge », in Lett Didier et Offenstadt Nicolas (dir.), Haro ! Noël ! Oyé ! Pratiques du cri au Moyen Âge, op. cit., p. 169-178.
71 Cette ordonnance renforce incidemment les pouvoirs de police accordés à la municipalité parisienne, laquelle jouit d’une basse justice sur les quais de Seine, dans les égouts et autour des fontaines. Voir Huisman Georges, La juridiction de la municipalité parisienne de Saint Louis à Charles VII, Paris, E. Leroux, 1912, p. 181-182.
72 Ordonnance pour l’hygiène de la Seine, janvier 1405, Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 9, p. 43.
73 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 2, p. 560 ; t. 11, p. 135.
74 Ibid., t. 2, p. 560.
75 Ibid., t. 2, p. 564.
76 Bois Guy, La grande dépression médiévale, xive-xve siècles : le précédent d’une crise systémique, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 132 sq.
77 Dutour Thierry, Sous l’empire du bien…, op. cit., p. 150 sq.
78 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 2, p. 352.
79 Geremek Bronislaw, Les marginaux parisiens aux xive et xve siècles, op. cit., p. 33.
80 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 11, p. 48.
81 Beaune Colette, Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 155.
82 Ibid., p. 135.
83 Ibid., p. 155.
84 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 11, p. 48.
85 Beaune Colette, Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 155.
86 Depping Georges Bernard, Réglements sur les arts et métiers de Paris, op. cit., p. 4, titre 1.
87 Lettres qui règlent le change de la vieille & de la nouvelle monnaie & fixent le prix de diverses denrées, Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 11, p. 135, art. 8.
88 Weidenfeld Katia, « L’incertitude du droit devant les juridictions parisiennes au xve siècle », art. cité, p. 2.
89 Carbonnières Louis de, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au xive siècle, op. cit., p. x-xii.
90 ANF X1A 6, fo 157 vo, avril 1330 ; X1A 6, fo 313, 31 mars 1333 ; X1A 6, fo 351 vo, 2 décembre 1333 ; X1A 8, fo 22 vo, 1er décembre 1338 ; X1A 8, fo 28 vo, 12 février 1339 ; X1A 8, fo 30 vo, 13 février 1339 ; X1A 8, fo 43 vo, 12 mars 1339. Furgeot Henri, Actes du parlement de Paris – Deuxième série – De l’an 1328 à l’an 1350, op. cit., t. 1, p. 39, 72, 82, 227, 232, 233 et 242.
91 ANF X1A 10, fo 69, 23 janvier 1344 ; X1A 10, fo 275 vo, 23 juillet 1345 ; X1A 11, fo 138 vo, 6 juin 1346 ; X1A 12, fo 432 vo, 24 mars 1350 ; X1A 15, fo 28, 12 mars 1352. Ibid., t. 2, p. 55, 137, 181 et 332.
92 Carbonnières Louis de, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au xive siècle, op. cit., p. vi-ix.
93 ANF X2A 4, fo 146, 27 avril 1342 ; X2A 4, fo 172, 9 août 1343 ; X2A 5, fo 5 vo, 27 janvier 1346 ; X2A 5, fo 75, 15 mars 1346 ; X2A 7, fo 105, 1363 ; X2A 7, fo 142-144, 12 septembre 1364 ; X2A 7, fo 164-165, 15 mars 1364.
94 Texier Pascal, « “Offrir plus grant que son vaillant”. Réparation et rémission à la fin du Moyen Âge », Cahiers de l’Institut d’anthropologie juridique de Limoges, 2009, « La victime – II La réparation du dommage », p. 237.
95 Autrand Françoise, Naissance d’un grand corps de l’État, les gens du Parlement de Paris, 1345-1454, op. cit., p. 99-100.
96 Gauvard Claude, « Grâce et exécution capitale : les deux visages de la justice royale française à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 275-290.
97 Ibid., p. 289.
98 Hildesheimer Françoise et Morgat-Bonnet Monique, Le Parlement de Paris…, op. cit., p. 225-226.
99 ANF X2A 27, 29, 30, 34, 36, 38 et 40.
100 X2A 27 : 8 amendes honorables pour 5 bannissements ; X2A 34 : 9 pour 5 ; X2A 36 : 9 pour 6 ; X2A 38 : 6 pour 1 ; X2A 40 : 12 pour 7.
101 L’amende honorable est, au xve siècle, de plus en plus sollicitée pour punir des faux en écriture, crime dont la punition était auparavant plutôt réservée à l’exposition. Exemple : ANF X2A 30, fo 113-116, arrêt du 28 août 1456.
102 Carbonnières Louis de, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au xive siècle, op. cit., p. xxiii.
103 Guilhiermoz Paul, Enquêtes et procès. Étude sur la procédure et le fonctionnement du Parlement au xive siècle, Paris, Alphonse Picard, 1892, p. 208.
104 Delachenal Roland, « La bibliothèque d’un avocat du xive siècle : inventaire estimatif des livres de Robert Le Coq », Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, 1887, no 11, p. 524-537.
105 Autrand Françoise, « Culture et mentalité. Les librairies des gens du Parlement au temps de Charles VI », Annales. Histoire, Sciences Sociales, no 28, 1973, p. 1219-1244.
106 Hulot Henri, Les Institutes de l’Empereur Justinien, Paris, Rondenneau, 1806, livre IV, titre 18, § 7, p. 256.
107 Jean Boutillier, Somme rural, op. cit., titre 39, p. 283.
108 Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, op. cit., p. 661. Cette loi du talion qui entraînerait la mort du faux témoin est régulièrement requise par le procureur du roi mais n’est jamais suivie par les juges. Voir Carbonnières Louis de, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au xive siècle, op. cit., p. 464.
109 Fianu Kouky, « Le faussaire exposé. L’État et l’écrit dans la France du xive siècle », art. cité, p. 127-146.
110 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite…, op. cit., p. 394.
111 ANF X1A 14, fo 398, arrêt du 22 mars 1360. Un Gallois a été capturé dans une taverne de Paris parce qu’il parlait anglais et n’avait pas de sauf-conduit. Il a commis un blasphème en marge de son arrestation. ANF X1A 19, fo 334, arrêt de décembre 1368. Bernard Trosse est poursuivi à la fois pour coups et blessures et pour blasphème. Il est condamné à une amende pécuniaire et à faire amende honorable.
112 ANF U 2014, Table de Le Nain, fo 88, 28 juillet 1367.
113 Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, op. cit., p. 178.
114 Duplès-Agier Henri, Registre criminel du Châtelet de Paris, op. cit., t. 2, p. 357.
115 Autrand Françoise, Naissance d’un grand corps de l’État, les gens du Parlement de Paris 1345-1454, op. cit., p. 136.
116 Weidenfeld Katia, « L’incertitude du droit devant les juridictions parisiennes au xve siècle », art. cité, p. 8.
117 Fragment d’ordonnance de Philippe III touchant la conservation des bonnes ordonnances de Saint Louis. Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 1, p. 296.
118 Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, op. cit., p. 178.
119 ANF X2A 6, fo 129 vo, 1354 ; X2A 11, fo 204 vo, 1386.
120 ANF X2A 6, fo 308 vo, 1356.
121 ANF X2A 9, fo 24 vo, 1376.
122 Telliez Romain, « Per potentiam officii »…, op. cit., p. 657.
123 Langlois Monique et Lanhers Yvonne, Confessions et jugements de criminels au Parlement de Paris (1319-1350), op. cit., p. 34, 139 et 184.
124 ANF X2A 14, fo 32-32 vo, plaidoirie de juillet 1401. Cité par Gauvard Claude, « De grace especial »…, op. cit., p. 440.
125 ANF X2A 3, fo 25 vo. Labat-Poussin Brigitte et Lanhers Yvonne, Actes du parlement de Paris…, op. cit., no 3025.
126 Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, op. cit., p. 664.
127 ANF X2A 13, fo 129 vo, arrêt du 26 juin 1396.
128 AD Côte-d’Or, B 9879. Garnier Joseph, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Côte-d’Or – Archives civiles – Série B, op. cit., t. 4, p. 87.
129 ANF Y 1, fo 194, Livre « Doubc-Sire », arrêt du 2 avril 1479. Tuetey Alexandre, Inventaire analytique des livres de couleur et bannières du Châtelet de Paris, op. cit., p. 6, no 83.
130 Soman Alfred, Gauvard Claude, Rouse Mary et Rouse Richard, « Le Châtelet de Paris au début du xve siècle d’après les fragments d’un registre d’écrous de 1412 », art. cité, p. 580.
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