Chapitre V. Un rituel adaptable aux besoins du justicier
p. 167-198
Texte intégral
1Nous avons décrit les formes que pouvait prendre le rituel de l’exposition infamante. La nécessité de les présenter de manière sériée pourrait cependant faire oublier leur caractère dynamique. Car en même temps que les justiciers agencent ces motifs rituels entre eux pour construire des expositions, ils manipulent également des variables juridiques, telles que le temps ou le lieu du supplice, et choisissent s’il faut combiner l’exposition à d’autres supplices publics pour produire un complexe rituel articulé. Ces variations de formes, qui peuvent paraître désordonnées de prime abord, ne sont pas choisies au hasard1. Elles dessinent la trace fuyante d’un attachement des juges des xive et xve siècles au principe d’adaptation de la sentence au cas d’espèce. La réponse pénale médiévale est un objet méticuleusement construit, qui assemble plusieurs sanctions et fixe leurs modalités parfois jusque dans les moindres détails2.
2Le calibrage de la sanction par un arbitraire du juge étendu est un des principaux moteurs de transferts entre rituels judiciaires, jusqu’à provoquer leur hybridation. L’économie de la réponse pénale, en juxtaposant des rituels, produit des effets émergents analogues à des contaminations de proximité : des motifs glissent d’un rituel à l’autre, s’amalgament pour en produire de nouveaux, ou sont dégradés jusqu’à être assimilés par un des rituels. Mais un fait spécifique au pilori accélère ce processus. Parce qu’il est le signe de haute justice le plus visible et le plus central du paysage urbain, le pilori s’immisce peu à peu dans le déroulement des actes judiciaires qui rappellent quotidiennement le pouvoir seigneurial. Les mentions dessinent ainsi un mouvement de concentration progressif, avec un sens identifiable. D’abord réservé aux rituels punissant des crimes voisins de ceux punis par l’exposition, le processus d’agglomération des rituels autour du pilori devient plus foisonnant à partir de la fin du xive siècle et se banalise un siècle plus tard. À mesure qu’il devient usuel d’associer le pilori aux autres rituels judiciaires, une différenciation locale apparaît. Chaque ville invente ses propres manières d’étendre l’influence du pilori, soit en tant que décor symbolique, soit comme une partie agissante de supplices divers.
3C’est dire que les trois facettes du pilori – la catégorie juridique, l’édifice et le rituel – contribuent, de manières différentes, à favoriser l’émergence de transformations de rituels judiciaires qui leur étaient étrangers. Cette partie tâchera de donner la mesure de ce phénomène. Nous analyserons d’abord le potentiel de variabilité interne de la peine d’exposition. Nous nous pencherons ensuite sur la centralité grandissante du pilori dans l’organisation spatiale d’autres rituels judiciaires que l’exposition. Enfin, la combinaison de ces deux mouvements, l’un interne, l’autre externe, facilite l’émergence d’hybridations rituelles originales au sein du continuum morphologique souple de la ritualité judiciaire.
La variabilité pénale de l’exposition
4L’exposition infamante est une des rares sanctions à pouvoir être modulée selon cinq variables juridiques : le lieu et le jour du supplice, sa durée, son nombre de répétitions – étalées sur plusieurs jours – et les conditions de mise en scène du condamné. De ce fait, l’exposition fait partie des peines les plus malléables de l’arsenal médiéval, particularité qu’elle tire des conditions matérielles de son dispositif rituel. Une partie des justiciers médiévaux, notamment les plus versés en droit civil, semblent pleinement conscients des avantages techniques que la peine d’exposition procure et savent en jouer avec une certaine virtuosité.
Un cadre spatio-temporel à la flexibilité limitée
5L’élaboration du cadre spatial et temporel de la peine est chargée de sens, d’abord parce que choisir le jour et le lieu d’exposition est la première question qui se pose au justicier désirant mettre au pilori un condamné, ensuite parce qu’elle conditionne la performativité du rituel. Une exposition cachée dans une partie excentrée de la ville, ou menée un jour ordinaire, attirerait moins les foules que celle trônant au centre du marché alors que les habitants font leurs emplettes, et générerait en conséquence des atteintes amoindries à l’honneur du condamné. La publicité de la peine, gage de son efficacité, dépend de la forme rituelle élaborée pour le cas d’espèce, produit d’une rencontre entre des habitudes coutumières et un choix personnel du juge. Nous verrons toutefois que la prescription coutumière, reflet de pratiques assurant une optimisation de la publicité pénale, laisse peu de place à l’imagination du justicier. La plupart des expositions se moulent dans un cadre spatio-temporel stable, propre à chaque ville.
6Commençons par confirmer une évidence : les mises au pilori se déroulent toutes de jour. Non seulement on n’expose pas la nuit, mais encore lorsqu’un condamné doit subir plusieurs journées de pilori, les sergents viennent le détacher au terme de chacune d’entre elles et lui font passer la nuit en prison. Souvenons-nous du cas de Pierre Raveau en 1396 qui était « detenuz moult estroictement prisonnier en nostre chastel de la Rochelle3 » entre chacune de ses expositions. Exposer de nuit n’aurait de fait aucun sens, étant donné que l’objectif de la peine n’est pas de faire endurer une épreuve physique au condamné, mais de le soumettre au regard et aux injures du public.
7Le justicier peut toutefois agir sur le jour de la semaine durant lequel se tient le supplice. En cette matière, le choix du justicier est orienté par la coutume de la juridiction où il exerce. Parfois, ces traditions transparaissent dans les chartes de privilèges municipaux. Celle de Vernon, écrite au xiie siècle pour une petite ville normande qui ne s’est pas instituée en commune mais jouissait tout de même de quelques avantages, ordonne au maire d’être présent « en la ville au marchié au samedi pour la coustume cuillir » et pour qu’il « garde le cry [ceps] et les larrons dampnables » qui sont exposés4. Mais les principales sources qui nous révèlent les jours coutumiers d’exposition, pour chaque ville, restent les actes de la pratique et les documents narratifs. Le lundi apparaît rarement, sauf à Vitré en Normandie, où une femme doit être « pilorizée par le boureau par deux jours de lundi et jour de marchié publique5 ». Le mardi est le jour habituel des expositions à Metz, comme le rapporte le chroniqueur Philippe de Vigneulles6.
8Cela étant, le jour d’exposition par excellence, un peu partout dans le royaume, est le samedi. C’est tout d’abord le jour coutumier de la capitale ; toutes les sources le confirment. Le Registre criminel du Châtelet l’évoque dans un arrêt de 1390 qui ordonne que deux voleurs soient « en un jour de samedi […] tournez ou pillory7 ». Quatre arrêts du Parlement portent la même mention8. Mieux, une chronique du xive siècle permet de penser que cette disposition était bien appliquée. En mars 1334, « trois faulx tesmoingz […] en ung samedi jour de feste Nostre Dame […] menez en une chareite ès halles de Paris, et là mis au pillory9 ». Saint-Germain-des-Prés présente la même disposition10, mais également Troyes11, Vernon en Normandie12, ou encore Orléans, dont les assises de 1370 condamnent Jehan de Bréviende « à estre mis au pilori par trois samedis13 » pour une fausse accusation.
9La dispersion des jours privilégiés pour mettre au pilori n’est pas aléatoire. L’habitude coutumière prolonge une bonne pratique judiciaire qui doit lui être antérieure, celle de faire coïncider les jours de supplice avec ceux du marché hebdomadaire de la ville. À Paris, le samedi est le jour retenu par la prévôté pour autoriser aux drapiers et pelletiers de tenir leur étal aux halles14. Le « marché du vendredi » de Rouen, également jour des expositions, est une institution au xive siècle ; il sert de plaque tournante aux céréales qui approvisionnent les villes du nord de la France, y compris Paris15. La même démonstration doit pouvoir être établie pour la plupart des villes précédemment citées. On en veut pour preuve que toute une série de sentences, au lieu de citer un jour de la semaine, préfère indiquer que le condamné sera exposé « un jour de marché », révélant ainsi le point commun entre les différents jours évoqués par d’autres sources. Les conseillers du Parlement, lorsqu’ils ordonnent une mise au pilori dans une ville lointaine dont ils ne connaissent pas les coutumes locales, désignent toujours le jour choisi par l’expression consacrée « palam et publice die mercati16 ». En 1410, le pouvoir échevinal de Dijon envoie au pilori « par trois jours de marché » une femme qui avait injurié le duc17. Des attestations semblables se rencontrent partout dans l’espace français, d’Anvers18 jusqu’à Pamiers19.
10Privilégier les jours de marché pour garnir le pilori permet de s’assurer que le supplice se tiendra devant une foule dense. Outre l’enjeu de garantir l’efficacité infamante du rituel, ce choix permet de donner aux justiciables l’image d’une justice active, protectrice et forte. En tout état de cause, la coutume a pétrifié à l’état de prescription une ancienne pratique, capable de répondre à ces deux objectifs.
11Par ailleurs, comme environ 70 % des expositions recensées sont des « mises au pilori », soulever la question du lieu d’exposition pourrait paraître tautologique. Puisque le pilori est un édifice permanent du marché et que le justicier est incité à l’utiliser régulièrement pour défendre ses droits juridictionnels, il en découle que la plupart des expositions se déroulent sur la place du marché. Cet état de fait n’est cependant pas seulement le fruit d’une contrainte matérielle. Lorsque les justiciers ont la liberté de choisir le lieu d’exposition, par exemple parce qu’ils utilisent une échelle mobile, on les voit tout de même privilégier le marché. Une sentence de l’échevinage de Saint-Quentin de 1391 en donne un bon aperçu20. Pierre Bernard, un habile faussaire, doit passer six heures attaché à une échelle dressée pour l’occasion sur la place du marché, puis être transféré au pilori de la ville, qui se trouve juste à côté de l’échelle. Étonnant dispositif qui met en scène l’aggravation pénale par une duplication de l’exposition, tout en conservant une unité spatiale.
12Tant qu’ils en ont la possibilité, les justiciers cherchent à produire le cadre spatio-temporel le plus public et cohérent possible. En conséquence, le duo « sur la place du marché » et « un jour de marché » est le contexte le plus banal de l’exposition. Mais qu’advient-il lorsqu’une haute justice ne dispose pas de marché au sein de son ban ? Dans ce cas, le justicier choisit le lieu le plus central et symbolique de son pouvoir. On apprend par exemple, au détour d’un arrêt du Parlement de 1326, que le chapitre de Saint-Amé de Douai a fait élever, en signe de sa haute justice, une échelle dans le cloître de sa collégiale21. De même, les chanoines du chapitre collégial de Saint-Pierre de Lille possèdent une échelle « appuyée contre le puits du cloître » au xve siècle22. L’évêque de Metz, qui n’a pas l’honneur de posséder le pilori de la ville, expose les criminels « sus l’eschielle en [s]a court23 ». L’abbaye de Sainte-Geneviève, quant à elle, préfère planter son échelle sous une croix qui orne une place publique de son ban24. Il est ainsi avéré que si l’emplacement des échelles peut varier, les justiciers choisissent toujours un lieu public, central et symbolique de leurs droits de justice.
13C’est plutôt lorsqu’une sentence prévoit deux lieux distincts d’exposition qu’on voit le justicier faire preuve d’initiative. Si le premier lieu reste le marché, le second est laissé à l’arbitraire du juge, qui s’en saisit pour infléchir le sens de la peine. Plusieurs condamnés sont exposés devant la porte de l’institution judiciaire ; en particulier ceux qui ont essayé de tromper la cour, par de faux témoignages par exemple. Ce faisant, le justicier met en scène la réparation de son propre honneur, tout en l’inscrivant dans une réponse pénale aggravée. Les justices royales, si elles n’ont pas le monopole de cette pratique, semblent être celles qui l’emploient le plus souvent. Dès 1334, on peut voir à Paris des faux témoins être « mis et liés sur iij eschielles drechiés devant l’uys du dit Chastelet25 ». La défense de la majesté royale transparaît dans ces sentences. Le méfait de Denisot Fromont, falsificateur de lettres royaux jugé en 1391, est désigné comme une « traïson & faulseté26 » envers le roi, ce qui l’amène à être « mis a l’eschiele au devant & près de l’audience du Palais » avant d’être pendu. Dans les deux cas, c’est la personne du roi qui est attaquée par l’intermédiaire des institutions que la représentent. Exposer devant le Palais permet ainsi d’offrir une vengeance appropriée à la victime.
14Exposer devant la porte de la victime n’est pas à proprement parler une innovation des justices royales. Cela ressemble plutôt à une imitation de l’habitude des tribunaux ecclésiastiques, plus courante et ancienne, d’humilier devant la porte de l’église pour restaurer l’honneur divin – dans le cadre de pénitences ou d’amendes honorables notamment. En récupérant cet élément de mise en scène, qui renvoie peut-être pour les observateurs de l’époque au rituel de la pénitence publique, les juges des instances royales affirment avec force que l’honneur de leur figure tutélaire est semblable à celui de Dieu, et peut-être tout aussi sacré27.
15Changeons d’échelle pour aborder un second phénomène de dédoublement des lieux d’exposition, propre aux sentences du Parlement de Paris. Dans 21 de ses arrêts, la chambre criminelle prévoit des expositions dans d’autres villes que Paris, dont plusieurs ne font pas partie du domaine royal, à l’instar de Lille, Louvain ou encore Bordeaux28. Cette pratique est déjà fréquente dans les années 1330-1350. Elle existe encore au milieu du xve siècle et ne semble pas faiblir. Ces expositions extra-parisiennes sont toujours ordonnées pendant une procédure d’appel, étant donné qu’elles doivent se dérouler dans la ville d’origine des parties, scène du crime. L’humiliation du malfaiteur dans sa propre ville permet de pleinement satisfaire le besoin de réparation et de vengeance de la victime, qui ne saurait se contenter d’une punition faite dans une capitale lointaine29. Comme le fait remarquer Pascal Texier, « la simple réparation économique du préjudice ne suffit pas à résumer la demande du plaignant30 ». Celui qui a été lésé se sent en droit d’humilier son adversaire, seule manière de garantir la réparation de son honneur blessé.
16Dans le même temps, en accédant à la requête des demandeurs de localiser l’exposition dans leur ville, le Parlement s’immisce dans des juridictions qui lui sont étrangères. De fait, son jugement en appel casse non seulement le jugement criminel d’un haut justicier local, mais le dépossède aussi temporairement de la propriété de son pilori, puisqu’il lui ordonne d’appliquer une sentence qui n’est pas la sienne. Cette attitude adventice du Parlement a dû être d’autant plus mal vécue par les hauts justiciers que beaucoup défendaient encore l’idée qu’on ne pouvait pas faire appel d’un jugement criminel, à l’image de Jacques d’Ableiges écrivant vers 1385 : « se aucun en cas civil appelle, le juge doibt defférer à son appellation, mais en cas criminel en pais coustumier, non31 ». Derrière le choix des conseillers d’exposer en dehors de Paris, on peut lire une instrumentalisation des attentes des demandeurs pour mieux faire pression sur des justices locales, sommées de se faire le relais d’un pouvoir royal en structuration.
Une temporalité souple au service de la gradation pénale
17Une fois le jour et le lieu du supplice fixés, généralement en suivant des règles coutumières assez rigides, le justicier peut bien plus librement moduler la durée et le nombre d’expositions que le condamné doit subir. En jouant sur ces deux leviers, les justiciers adaptent finement l’intensité pénale au cas d’espèce. Cette ressource n’est cependant pas systématiquement mobilisée, puisque dans 65 % des 511 expositions recensées, aucune durée ni répétitivité ne sont indiquées, ce qui implique peut-être que la peine respecte les formes coutumières appliquées par la juridiction. Les 45 % de sentences plus prolixes apportent par ailleurs des informations très inégales. Bon an mal an, un quart du corpus indique le nombre d’expositions, tandis qu’environ 17 % renseignent la durée du supplice. En comparant ces temporalités prévues par les sentences aux informations données par les coutumiers, on peut établir la temporalité moyenne de l’exposition d’une part et l’espace de liberté laissé au juge d’autre part.
18Seulement 88 sentences (17 %) renseignent l’amplitude horaire du supplice, soit explicitement, soit en le bornant par des événements qui rythment la journée, comme « pendant qu’on disait la grand’messe32 », ou « jusques au reson de la clocke pour raler à l’ovre33 ». C’est dire que la plupart des documents font référence à une norme coutumière si évidente qu’il n’y a pas besoin de la rappeler. Est-il possible de révéler cette durée coutumière par le biais d’autres sources ? Difficilement, parce que les documents législatifs, qui indiquent une durée théorique, n’ont qu’une portée d’application limitée. Par ailleurs, une poignée seulement de coutumes ou ordonnances porte ce type de mention. Il serait hasardeux de les ériger en modèle représentatif de l’ensemble des règles coutumières du royaume, même lorsqu’elles sont d’émanation royale. Au mieux offrent-elles une lueur de connaissance dans un corpus globalement muet.
19Les ordonnances prises contre les blasphémateurs forment la principale série de sources normatives comportant une durée explicite d’exposition. Certainement parce qu’il s’agit d’une peine nouvelle, fabriquée de toutes pièces par le pouvoir royal et mal intégrée à l’arsenal pénal des justiciers locaux, les législateurs prennent soin de définir ses modalités concrètes. Le premier à s’en soucier est Philippe de Beaumanoir, à l’occasion de la transposition dans ses Coutumes du Beauvaisis (vers 1283) de la législation de Saint Louis. Beaumanoir précise les dispositions de l’ordonnance de 1268-1269, qui ne détaillait pas les conditions pratiques de la peine. Ce faisant, il fixe une exposition qui dure « une hore du jour, en la presence du commun34 ». Au regard des sources postérieures, la position de Beaumanoir paraît miséricordieuse. En 1329, Philippe VI prescrit en effet que les blasphémateurs doivent demeurer au pilori « de l’eure de Prime, jusques à l’eure de midy35 », soit, selon les saisons, entre 4 et 6 heures modernes. L’ordonnance du 22 février 1347 allonge cette recommandation, en la faisant durer « depuis l’heure de Prime, jusques à l’heure de Nonne36 », soit entre 6 et 8 heures. Les ordonnances suivantes reprennent cette durée sans l’altérer, à l’exception de celle du 9 mars 1510 qui la rabaisse à 5 heures37. Derrière les variations, cette série documentaire présente une amplitude horaire assez cohérente : la peine dure de quatre à huit heures, avec une préférence pour la matinée plutôt que pour l’après-midi.
20Mais les ordonnances ne sont pas ici représentatives des actes de la pratique. Une première inspection semble pencher en faveur de la position de Beaumanoir. Tout d’abord, la durée d’une heure est la plus répandue et le temps minimal que les justiciers prescrivent. Elle se rencontre dans 12 des 85 affaires dont les durées d’exposition sont précisément connues (14,1 %). Logiquement, ces supplices courts punissent des crimes d’une grande banalité, notamment de petits larrons38. À l’extrême fin de la période, on peut voir la durée d’une heure être découpée en deux expositions de trente minutes ; c’est du moins ce qui advient au voleur et sacrilège Jean Thierry, condamné en mai 1518 à être « eschellé une demi-heure devant les portes de l’église de Lyon, une autre demi-heure près de la porte Froc du cloître39 ». Mais cet hapax tardif ne remet pas en cause la règle générale, qui est que l’exposition ne peut pas durer moins d’une heure.
21Dans le même temps, la plupart des expositions durent quatre heures ou moins. Condamner à deux heures de pilori (9 cas, 10,5 %), trois heures (2 cas, 2,3 %), ou quatre heures (5 cas, 5,8 %), forme, pris ensemble, un usage assez fréquent pour prétendre au statut de norme coutumière transcendant les frontières juridictionnelles. On peut certes documenter des temporalités plus longues, à l’instar du parjure Jehan de Bréviende, condamné à huit heures de pilori en 1370 à Orléans40. Mais ces supplices de cinq à huit heures sont rares (4 cas ensemble, 4,6 %). Ainsi, si on ne peut pas exclure que les expositions longues existaient, elles ne constituaient pas la forme la plus quotidienne de ce supplice. Il devait en fait être assez rare de voir le pilori garni pendant plus de quelques heures de matinée, aussi parce que l’efficacité du rituel diminue à mesure que le temps passe. Il est en effet difficile d’imaginer que le public, rassemblé à son de trompe par les sergents au moment d’attacher le condamné, conserve la même ardeur à l’injurier, humilier et entacher de boue pendant de nombreuses heures.
22Multiplier les peines d’exposition est une pratique plus répandue qu’étendre la durée du supplice. Les condamnations de 125 criminels (24,4 % du corpus) imposent des expositions multiples, dont les plus sévères sont composées de dix séances41. C’est une manière élégante de parer à la fatigue du public. Les justiciers semblent l’avoir bien compris puisqu’ils privilégient les expositions courtes mais répétées, à l’image des conseillers du Parlement condamnant en 1391 deux faussaires à subir six séances d’une heure, réparties sur quatre jours et entre les villes de Paris et Nevers42. Mais l’efficacité rituelle que procure la division en unités courtes n’est pas l’effet le plus recherché par les justiciers. La principale ambition qui transparaît des sentences est plutôt de refléter les deux facettes de la réparation judiciaire, à savoir offrir une satisfaction à la hauteur du préjudice subi (aspect quantitatif), et mettre en scène la compensation de l’offense faite au demandeur (aspect qualitatif)43. Le second objectif est rempli en ordonnant qu’une exposition supplémentaire se déroule dans la ville du demandeur, ou devant sa porte. Comme nous avons déjà traité ce point, nous privilégierons ici la question du rapport entre nombre de répétitions et profondeur du préjudice subi.
23Multiplier les expositions offre une souplesse supplémentaire pour fabriquer une peine à la hauteur non pas de la gravité objective du crime, mais de l’intensité du préjudice subi. Tout comme les dommages-intérêts sont modulés pour satisfaire l’état du demandeur, la restauration d’honneur offerte par l’humiliation du coupable offre une vengeance à la hauteur de la qualité de la victime. Ce mécanisme explique pourquoi les 13 personnes condamnées (2,5 %) à quatre expositions ou plus ne sont pas tant semblables par leur crime que par le fait qu’elles ont lésé des figures d’autorité qui demandent une réparation d’autant plus sévère que leur honneur est élevé. On y trouve essentiellement des atteintes portées contre des institutions représentant des pouvoirs supérieurs. Pierre Le Meusnier, qui doit monter quatre fois sur l’échelle de l’officialité de Chartres, est un clerc voleur, sacrilège et récidiviste, qui déshonore toute l’Église militante par ses méfaits44. Dans le même ordre d’idées, la condamnation à cinq expositions de Jean de Salvetat, pour avoir proféré plusieurs mensonges devant l’inquisiteur Bernard Gui, répare l’honneur d’une institution issue du pouvoir pontifical45.
24Ce message assez clair de défense d’un honneur supérieur par l’aggravation pénale est toutefois brouillé par la présence de plusieurs cas où des éléments manquent pour expliquer la notable sévérité du juge. Un blasphémateur est par exemple condamné en 1453 par la justice ordinaire de Malines (duché de Brabant) à être mis au pilori pendant sept jours de marché consécutifs46. Aucun élément n’est apporté pour éclairer cette gravité exceptionnelle. La dureté de la sentence prise par le Parlement en 1401 contre un certain Geoffroy Petit interroge également. Celui-ci écope de quatre expositions dans trois villes différentes pour avoir porté un faux témoignage contre Jean de Parthenay-L’Archevêque, seigneur de Taillebourg47. Certes, le pouvoir royal est offensé par tout faux témoignage prononcé en sa cour, mais peut-être que le facteur essentiel qui explique la sévérité des conseillers dans ce cas d’espèce est la qualité de l’honneur du défendeur, vassal direct de Charles VI et chef de famille d’une puissante maisonnée du royaume. À tout prendre, ces sentences plus sévères que la moyenne semblent motivées par la nécessité de satisfaire une victime de haut rang, qu’il s’agisse d’une personne ou d’une institution.
Une sensibilité à l’individualisation pénale contrastée selon les juridictions
25Nous avons jusqu’ici présenté les caractéristiques de l’exposition en adoptant un regard trans-juridictionnel, afin d’en décrire les contours communs à tous les environnements judiciaires. À une échelle plus fine, le paysage de l’adaptation pénale est cependant traversé de nettes fractures. Toutes les cours de haute justice ne portent pas le même intérêt à la souplesse potentielle de la peine d’exposition. Certaines, comme le Parlement de Paris, y ont recours dans près de la moitié de leurs sentences48, tandis que d’autres, à l’instar des justices échevinales, ne prennent presque jamais la peine de moduler les mises au pilori qu’elles ordonnent49. Ces contrastes sont trop prononcés pour n’être qu’un effet de sources induit par le déséquilibre des échantillons. La répartition des juridictions selon leur propension à graduer la peine du pilori reproduit en fait des disparités culturelles et sociales entre leurs personnels judiciaires.
26De prime abord, l’étude des données pourrait laisser penser que la distinction entre les institutions indiquant les conditions d’exposition et celles qui ne le font pas recoupe la séparation entre juridictions spirituelles et temporelles. Les sentences des officialités énoncent en effet la durée ou la répétitivité de 66 % des mises à l’échelle qu’elles infligent, proportion hors norme qui tranche avec le silence des justices temporelles de première instance. Le Châtelet de Paris par exemple, dont on conserve 50 condamnations au pilori grâce à la conjonction de trois faisceaux de sources, ne précise les temporalités de la peine que dans 8 cas (16 %). Les autres juridictions de première instance, tant royales que seigneuriales, affichent un taux moyen de 13,5 % d’expositions modulées, ce qui les situe bien en deçà de la pratique des tribunaux ecclésiastiques. S’en tenir à cette distinction institutionnelle serait toutefois une erreur, car plusieurs cours temporelles sont à mettre au nombre des juridictions pratiquant assidûment la modulation pénale. On l’a dit, 43 % des peines du pilori prononcées par le Parlement de Paris renseignent des paramètres d’adaptation. De plus, lorsque les cours épiscopales ou collégiales jugent au titre du temporel, elles recourent à l’inflexion pénale dans 30,7 % des cas. Ce n’est donc pas la nature juridique des cours qui détermine les divergences d’usages de la peine d’exposition.
27Les causes sous-jacentes qui expliquent ces décalages statistiques sont plutôt à chercher dans la disparité des systèmes de recrutement des hommes qui rendent la justice. Comme les différentes juridictions ne sélectionnent pas leur personnel judiciaire au sein des mêmes populations et n’appliquent pas les mêmes règles pour les recruter, elles héritent d’officiers issus de groupes socioculturels distincts, et en conséquence acculturés à des imaginaires judiciaires divergents. En partant de ce constat, les justiciers médiévaux peuvent être répartis en deux grandes catégories ; ou plutôt placés sur un gradient reliant deux pôles extrêmes.
28On distingue tout d’abord un ensemble de justiciers laïques peu professionnalisés, qui ont obtenu leur office par le jeu de l’hérédité dans le cas des seigneurs, ou par l’élection par des pairs dans celui des échevins. Les officiers des justices auxquels ces autorités seigneuriales délèguent leur justice sont de plus en plus recrutés par affermage, et tirent donc leur revenu des exploits de justice qu’ils infligent50. Ces trois modes de recrutement ne discriminent pas les candidats selon leur compétence juridique, mais selon leur naissance, richesse ou notabilité. Ce qui conduit à former un groupe social à l’éducation juridique moyenne, surtout attaché au respect de la coutume orale et à la négociation entre parties. Pour ces juges semi-professionnels, faire justice n’est en outre qu’une activité parmi d’autres, qui ne les occupe qu’environ un jour par semaine, lors des plaids hebdomadaires51. C’est chez ces justiciers qu’on observe les sentences d’exposition les plus lapidaires, soit parce qu’ils ne sont pas acclimatés à la culture universitaire de la gradation pénale, soit parce qu’ils ont pour habitude d’édicter à l’oral les conditions matérielles du supplice.
29A contrario, l’essor des écoles et l’intérêt renouvelé pour le droit romain à partir du xiie siècle, puis la naissance d’institutions judiciaires modernes fondées par l’Église et l’État royal, font apparaître une nouvelle figure d’officier de justice, éduqué aux lettres latines, compétent en droit civil ou canon et frotté de pensée scolastique. Ce nouveau personnel de justice est, dans un premier temps, un sous-ensemble de la population cléricale, puisque l’institution ecclésiastique possède le monopole de l’enseignement supérieur. Ce qui ne signifie pas que seules les cours ecclésiastiques bénéficient de leurs talents. Dès le début du xive siècle, des étudiants nobles, une fois leurs grades en droit civil validés, retournent au service de leurs réseaux d’alliance traditionnels. Ceux qu’on nomme les « légistes » de Philippe VI, qui participent à l’édification du premier embryon de l’État moderne français et servent de vivier au corps des conseillers du Parlement de Paris, en sont la parfaite illustration. Françoise Autrand les décrit comme « des nobles, presque tous clercs et futurs prélats », issus de familles au service du roi depuis des générations52.
30Dans le courant du xive siècle, c’est d’ailleurs la compétence juridique, accumulée par les études et l’expérience, qui devient déterminante pour réussir sa carrière au Parlement, et dans une moindre mesure au Châtelet de Paris. Un homme comme Guillaume de Dormans, avocat au Parlement pour le compte du duc Philippe d’Orléans en 1345, avant d’être recruté avocat du roi en 1352, puis de bénéficier d’une brillante carrière qui le conduit à devenir Chancelier de France en 1372, doit ainsi son ascension à sa maîtrise de l’art oratoire et de toutes les facettes du droit53.
31Ce qui réunit le Parlement de Paris, les cours temporelles ecclésiastiques, l’inquisition et les officialités, c’est que toutes ces institutions recrutent leurs juges au sein de ce nouveau vivier de juristes formés dans les universités d’Orléans, Montpellier, ou même Bologne pour les plus glorieux. Les similitudes que ces juridictions, en apparence dissemblables, présentent dans leur manière d’infléchir la peine du pilori trouvent alors tout leur sens. En modifiant la durée et la répétitivité de la peine, ils soumettent l’exposition au cadre théorique qu’on leur a enseigné. Il va sans dire que Bernard Guenée a montré de longue date que la séparation sociologique des juges n’était pas aussi tranchée. Même dans les villes moyennes, une population de notaires, juges professionnels et hommes de lettres alimente les personnels des juridictions laïques urbaines dès le xive siècle54. Évidemment, la population des justiciers n’est pas fragmentée en deux groupes clairement distincts, mais est plutôt structurée par un gradient éducatif qui conditionne une diversité progressive de pratiques d’individualisation pénale.
Un lieu central de justice en construction
32Loin du non-lieu que les gens traverseraient sans s’y attarder, la place du pilori est un lieu central du monde urbain. Elle n’est évidemment pas le seul espace de l’exercice de la haute justice : les audiences peuvent se tenir dans des lieux variés et les supplices se polarisent auprès des espaces de justice en général55. On les voit ainsi se répartir entre le gibet, le parvis de la prison, la place du pilori et les principaux carrefours de la ville. La réflexion historique a longtemps été guidée par une conception instrumentale de ces espaces, en pensant qu’il allait de soi que le gibet regroupait les rituels de mise à mort, le pilori les expositions et que les autres supplices se répartissaient selon des usages coutumiers supposés stables. Si cette idée est juste en général, elle ne rend pas compte de la diversité des rituels judiciaires et juridictionnels qui gravitent autour des différents signes de justice.
33Un récent dossier dirigé par Martine Charageat et Mathieu Vivas a par exemple mis en valeur le foisonnement des usages et rituels assignés aux fourches patibulaires, qui sont à la fois un « “objet” construit, espace judiciaire aux fonctions multiples, lieu de pouvoir56 ». Il en ressort notamment que l’emploi du gibet comme outil de mise à mort est concurrencé par un second usage de bornage des juridictions, qui est au moins d’égale importance57. Ce qui explique que les fourches patibulaires soient absentes de nombreuses seigneuries capables d’en ériger : elles ne sont bien souvent élevées qu’en cas de tensions avec les seigneurs voisins, par un rituel d’érection propre à défendre fermement les limites de la juridiction58. C’est d’ailleurs pourquoi les fourches sont périphériques, excentrées, placées aux limites des terres du haut justicier.
34Aux fourches patibulaires excentrées répond le pilori centralisé. Mais s’il est assez évident que le pilori incarne la juridiction du seigneur au centre de l’espace urbain, tout comme le gibet la rend visible en ses confins, le rassemblement de la plupart des punitions corporelles à ses pieds ne va pas de soi et émerge lentement, par tâtonnements successifs.
Pilori et rituels de sanction des fraudes
35L’intégration des rituels de haute justice dans l’espace du pilori semble débuter par celle d’actes judiciaires dont la praxis, le sens et la portée sont analogues à ceux de l’exposition. Dans le domaine de la répression des fraudes, ce phénomène est bien illustré par l’évolution du rituel de destruction publique des biens frauduleux.
36La saisie des biens litigieux, qui accompagne les véritables peines imposées au fraudeur59, se double d’une cérémonie publique qui prend de facto la forme d’un rituel d’humiliation : l’objet en cause est jeté au feu, devant le peuple rassemblé qui est informé du crime et de l’identité du perpétrant. Initialement, les officiers de justice procédaient à cette sanction théâtralisée dans l’enceinte du marché, immédiatement après avoir constaté une fausse mesure. D’après les coutumes de Laroque-Timbaud (vers 1270), le justicier vérifie la loyauté des balances et mesures utilisées par les vendeurs pour débiter leurs marchandises au détail60. Toute personne « qui venda vi ab falsa mesura » doit payer soixante sous d’amende, puis « aquela mesura falsa que sia arsa en la plassa en despens d’aquel que la tenia ». À la même époque, on trouve l’exacte même prescription chez Philippe de Beaumanoir, qui affirme que « quiconques mesure à fausse mesure et y est atains, le mesure doit estre arse […] et si est à soixante sous d’amende61 ». Des dispositions analogues se retrouvent dans l’Orléanais, où on « ardoi[t] à veüe et à saüe de marcheanz et d’autres genz ; et si en paiera cil qui les avra aportez LX s. d’amande62 », ainsi que dans les ordonnances royales : « la marchandise seroit arse comme fausse & paieroit avec ce soixante souls pour l’amende63 ». Ces exemples, pris aux quatre coins du royaume de France, démontrent a minima l’existence d’un rituel morphologiquement stable, fondé sur la publicité du crime et la purification par le feu, analogue aux autodafés et partagé par un grand nombre de juridictions du xiiie siècle.
37Les registres aux causes du xive siècle montrent que ce rituel était assez fréquent. Le registre de Saint-Germain-des-Prés présente un prévôt y ayant recours presque une fois par an entre 1300 et 130564. Il fait brûler des marchandises aussi diverses que de la « char mauvese », une « fausse euvre de bazanne », ou même une vache vivante parce qu’elle « n’estoit pas souffisant [et] que les piez ne povoient porter le cors ». En 1348, c’est le prévôt de l’archevêque de Reims, Jean de Senlis, qui saisit des draps défectueux chez le marchand Perrot Macquart et les fait brûler en place publique65. Le rituel de destruction des objets frauduleux sur la place publique, vraisemblablement inventé par des justiciers locaux pour réguler les transactions économiques, est si imbriqué à l’idée de dénonciation des faux et l’incarne si efficacement que le Parlement de Paris finit par adopter une de ses formes dérivées. La juridiction royale suprême a en effet pour habitude, au xve siècle, de faire lacérer publiquement les faux documents produits en sa cour66. Il n’est pas excessif d’y voir un héritage des pratiques des justiciers de première instance punissant la fraude et la malfaçon.
38Le rituel d’incinération des fausses marchandises frappe par son unité et sa stabilité morphologiques. On le retrouve tel quel au xve siècle, toujours pratiqué dans l’enceinte du marché, à un détail près : il se déroule désormais au pied du pilori. C’est le cas à Amiens, où un arrêt pris par l’échevinage le 27 août 1435 ordonne que des tuiles frappées de malfaçon soient « dépéchées au marché publiquement par le bourrel devant le piloris comme de malvaise et fausse qualité67 ». Une ordonnance prise en 1482 pour encadrer le métier de fourbisseur dans la même ville fait écho à cette affaire, en disposant que si les « alemelles et autrez choses sont deffectives et vicieuses, seront lesdites faulses derrés arses au pilory68 ». Quelques années plus tard, le receveur de l’archevêque de Rouen note dans le registre comptable de la justice temporelle de Louviers que vingt sous tournois ont été dépensés pour acheter un fagot de bois pour brûler au pied du pilori « du hareng infaict, mauvais et non digne d’estre vendu pour substentation de corps humain69 ».
39Le rapprochement du rituel de répression des fraudes et de l’espace du pilori est également attesté dans le sud du royaume, par exemple dans la charte communale d’Uzès de 1346. Le consulat d’Uzès, rendu électif en 1344 sur décision de Philippe VI, fixe par ce document de nouveaux droits judiciaires et juridictionnels grignotés sur le pouvoir épiscopal70. La dimension conflictuelle de la charte est incarnée par son troisième article, qui rappelle la preuve de l’autonomie juridictionnelle du consulat : « un pilori est dressé au marché et les consuls ont coutume de s’en servir71 ». Plus loin, on apprend que « les consuls portent les pains des boulangers lorsqu’ils sont trop petits et n’ont pas le poids légal au pilori72 ». Parce qu’il n’indique aucune destruction publique, mais seulement une monstration, peut-être que cet article témoigne d’une innovation locale, qui a spontanément assimilé le pilori au concept de fraude, en inventant une sorte d’exposition des biens frauduleux. Si on accepte le postulat que l’exposition uzétienne des pains irréguliers a émergé indépendamment du rapprochement normando-picard entre rituel d’incinération et pilori, alors on doit en conclure que les mécanismes intellectuels qui amènent les agents médiévaux à assimiler pilori et rituels de répression des fraudes s’imposent suffisamment à leur imaginaire pour se reproduire, presque à l’identique, en divers lieux.
40C’est pourquoi identifier ce qui, dans les mentalités du temps, permet une telle synthèse est fondamental. Il nous semble qu’elle est facilitée, voire déterminée, par l’addition de trois facteurs. Le premier est d’ordre spatial. Avant même que toute assimilation symbolique ne s’opère, les rituels de répression des fraudes partagent l’espace du marché avec l’édifice qui rend visible sa mise sous tutelle seigneuriale. Si le bûcher aux marchandises n’était peut-être pas à l’origine allumé au pied du pilori, il ne pouvait jamais en être bien éloigné. La proximité physique entre ces deux manifestations tangibles du pouvoir seigneurial ouvre la voie à une assimilation d’un ordre supérieur. Entre alors en jeu un deuxième facteur : l’unité de sens des deux objets. Un des usages les plus anciens du pilori étant de sanctionner, par l’exposition, les fraudes et les malfaçons, l’analogie avec d’autres pratiques judiciaires équivalentes s’opère aisément. Finalement, parce qu’ils sont des actes officiels du pouvoir judiciaire, les rituels de répression des fraudes gravitent autour de sa principale incarnation, jusqu’à la percuter. Le sens correcteur du rituel, sa publicité, son efficacité, son prestige même, ne peuvent qu’être rehaussés par l’ombre imposante d’un édifice dédié à la légitimité du haut justicier. Il en résulte que le rapprochement entre tous les rituels de répression des fraudes et le pilori, s’il n’est pas nécessaire, ne peut qu’être banal : ils font partie du même univers de sens et partagent à la fois une unité spatiale et symbolique.
Le monument de la décapitation ?
41Un faisceau de sources concordantes indique que rituel de décapitation et figure du pilori sont intimement liés à la fin du Moyen Âge. L’échafaud et le billot sont usuellement dressés sur la place du marché, au pied du pilori local, puis, après l’exécution, la tête du condamné est exposée au sein du marché et auprès du pilori, tandis que le corps est acheminé au gibet73. Cette description synthétique du rituel de décapitation n’apparaît cependant de manière pleinement transparente qu’au début du xvie siècle, les textes antérieurs présentant des mentions lapidaires ou incomplètes qui se contentent de situer le rituel « ès Halles » sans rappeler la présence du pilori derrière le bourreau74. Malgré ces lacunes, plusieurs traces permettent d’étendre au moins au xve siècle le constat d’une proximité spatiale forte entre l’acte de décollation et le pilori. Ce dernier ne sert pas seulement de décor au rituel : le pilori participe visuellement de la décapitation, notamment parce qu’il est orné de têtes d’exécutés75. C’est pourquoi nous nous attacherons à d’abord constater le lien entre rituel d’exécution et pilori pour la période 1500-1536, puis à présenter les preuves qui permettent de penser qu’il ne s’agit pas d’une invention moderne, mais de l’expression tardive d’un fait médiéval.
42Un journal anonyme parisien du début du xvie siècle, dont on ne conserve qu’un seul manuscrit certainement autographe, décrit avec précision chaque supplice public qui a marqué son auteur. Entre 1517 et 1532, il recense six personnes qui sont « décapité[es] au pillory des halles de Paris76 », ou dont on a fait « coupper la teste au pillory77 ». Deux d’entre elles sont d’abord « traisné sur une claye jusques au pillory des halles78 ». Leurs crimes sont assez variés ; ainsi ces « gentilzhommes de Poictou […] voleurs, pillars et violeurs de filles et de femmes79 ». On ne peut donc pas avancer que le choix d’exécuter auprès du pilori soit motivé par une analogie entre le crime commis et les usages pénaux de l’édifice, comme cela pouvait être le cas pour les rituels spécialisés dans la répression des fraudes. Nous sommes plutôt en présence d’une procédure coutumière de la justice royale parisienne, attestée par d’autres sources contemporaines. Décapiter au pied du pilori n’est toutefois pas une particularité parisienne : on l’observe également à Tonnerre, où le prévôt ordonne, à la même époque, que Pierre Aubin de Lichères soit « decapité sur ung eschaffault en la place du pillory de la ville de Tonnerre, teste fichée sur le posteau dudit pillory et a l’entour d’icelles ces motz escriptz : C’est un forgeur de faulx tesmoings, son corps pendu au signe patibulaire80 ». Ce document en particulier décrit parfaitement la double intersection entre la décapitation et le pilori, à la fois cadre et outil du rituel.
43Ce schéma semble banal pour les premières années du xvie siècle. Mais comment déterminer s’il s’agit d’une pratique nouvelle, inconnue de la période médiévale, ou si les documents modernes rendent compte d’une habitude ancienne mais difficile à attester ? Partons d’un passage des Grandes Chroniques de France qui évoque un supplice du xive siècle :
« Item, le lundy, penultime jour du mois de decembre ensuyvant [de l’année 1359], un bourgeois de Paris, appellé Martin Pizdoe, fu decapité ès hales de Paris, sur un eschaffaut. Et apres ot couppé les II braz et les II jambes, et fu sa teste mise sur le pilori des hales, et chascun des diz membres fu pendu au dehors de III des principals portes de Paris, chascun membre à une potence de fust, qui pour celle cause fu faite. Et fu le dit bourgois ainsi executé, pour ce que il avoit traictié avecques aucuns familiers et officiers du roy de Navarre de trahir la ville de Paris et le dit regent81. »
44Le traitement réservé au traître Martin Pizdoe est d’une rare exemplarité, à la hauteur de son crime de lèse-majesté. On y retrouve tout de même des motifs communs à toutes les exécutions parisiennes de son temps, notamment le fait qu’elle se déroule « ès hales de Paris ». Mais, fait rare pour un document antérieur au xvie siècle, en précisant que « fu sa teste mise sur le pilori des hales » il révèle le continuum spatial entre les deux temps du rituel – la décollation et l’exposition du chef. Cette mention explicite en éclaire d’autres, plus allusives, comme celle de la Chronique scandaleuse qui affirme qu’en 1475, la tête de Regnault de Velort, ancien gentilhomme de la garde du roi proche du connétable de Saint-Pol et disgracié avec lui, est fichée « au bout d’une lance aux Halles de Paris82 » ; ou encore celle du Journal d’un bourgeois de Paris qui dit que la tête du prévôt Pierre des Essarts, après sa décollation aux Halles, « fut mise plus haut que les autres de trois pieds83 ». S’il y en a d’« autres », c’est donc qu’il existe, au sein des Halles, un lieu centralisé dédié à l’exposition des têtes tranchées. Le pilori, signe de force et de bien-fondé de la justice, attire ces têtes à lui, lesquelles sont plantées soit sur des lances alentour, soit directement sur son toit.
45Martin Pizdoe ne doit pas être le seul dont la tête a été fichée sur le pilori de Paris. Le pilori n’est certes pas l’unique lieu où on arbore des têtes : il partage cette fonction avec les portes des villes, les murailles et le gibet. Cependant, dans les cas de trahison les plus graves, on constate habituellement que ce sont les bras et les jambes qui sont exposés aux portes des villes, tandis que la tête demeure au sein de leur marché. En conséquence, il nous semble probable que le pilori soit la principale scène du rituel de décapitation dès le milieu du xive siècle et surtout au xve siècle, et ce à double titre. D’abord parce que derrière la mention récurrente « ès Halles » il faut voir l’ombre du pilori des Halles, ensuite parce qu’au quotidien, le pilori sert de lieu d’exposition de têtes de décapités.
46Si on accepte l’hypothèse du lien étroit entre pilori et décapitation, alors on doit se ranger à l’idée que les enluminures médiévales qui représentent des scènes de décapitation faites au pied d’un pilori ne font pas ce choix pour signifier, par métonymie, le pouvoir juridictionnel du seigneur, mais retranscrivent une réalité empirique84. Ces œuvres ne constituent évidemment pas des preuves que les décapitations qu’elles représentent se sont déroulées ainsi. Elles nous indiquent cependant que l’enlumineur a trouvé pertinent de les localiser non seulement dans l’enceinte du marché, mais également auprès du signe de justice. Qu’il s’agisse d’un témoignage d’une habitude réelle, ou bien d’un choix esthétique qui rapproche la fermeté judiciaire de son édifice symbolique, ces enluminures expriment a minima le lien constitué entre le pilori et les supplices les plus représentatifs du pouvoir haut justicier.
47Le rituel de décapitation mériterait une étude exhaustive et autonome, qui évaluerait ses modalités, sa fréquence, ou encore la répartition des têtes entre les différents lieux qui peuvent les abriter. À l’aune d’un corpus trop limité et en approchant le sujet uniquement par la question spatiale, on peut déjà sentir une certaine complémentarité entre pilori et gibet. L’acte de décapiter semble prendre place au sein du marché et au pied du pilori ; puis le corps privé de visage est emmené aux fourches où il reste pendu quelque temps. Les deux lieux sont nécessaires à la bonne tenue du rituel, mais le pilori est peut-être le pôle majeur, puisqu’il sert de scène à l’événement judiciaire. Les éléments concordants sont suffisants pour avancer l’hypothèse que le pilori était, aux yeux des contemporains, autant le monument de l’exposition que celui de la décapitation.
La polarisation des autres supplices auprès du pilori
48À partir du milieu du xive siècle, le pilori devient enfin la scène d’une multitude de supplices de haute justice étrangers à ses usages pénaux. Alors que les rituels de répression des fraudes et de décollation semblent entretenir une communauté de sens avec le monument qui dépasse la seule juxtaposition spatiale, les autres rituels ne l’exploitent qu’en tant que décor incarnant le pouvoir seigneurial. La preuve d’une polarisation générale est apportée par un arrêt du Parlement de Paris de 1464 qui cite les grands traits d’une enquête dépêchée en Auvergne, sur les terres de Jacques de Tourzel85. Cette procédure a pour objet d’informer la cour de l’étendue des droits de justice du seigneur dans le pays de Livradois, à partir des témoignages des habitants. Ceux de Monterelleno confirment que Tourzel possède dans leur village « un pilori incontestable en signe de sa haute justice », rénové en 1459 parce que l’ancien, trop vétuste, s’était effondré. Par ailleurs, ils répondent qu’« ils se souviennent de nombreuses peines faites au lieu où le vieux pilori s’élevait » et notamment d’une amende honorable imposée par Jacques de Tourzel à un certain Pierre Garnet.
49La concentration de « nombreuses peines » au pied du pilori est l’aboutissement d’un processus lent et contrasté selon les régions du royaume. Chaque seigneurie rapproche de l’édifice des peines différentes, selon un rythme qui lui est propre et en produisant parfois des rituels locaux innovants. C’est la multiplication d’initiatives locales tissant des liens entre des rituels judiciaires toujours plus variés et le lieu du pilori qui engendre la pleine unité spatiale des peines de haute justice que les juristes de l’époque moderne constatent.
50Peut-être par imitation avec le rituel de décapitation, l’essorillement, puis plus largement les rituels de mutilations, sont dès le xive siècle communément pratiqués auprès du pilori. En Artois, leur fixation est attestée dès les années 1300-1305 : l’essorillement « se déroule en public, près du pilori86 ». Le même rapprochement s’observe à Saint-Martin-des-Champs, seigneurie trop proche de Paris pour pouvoir ériger un pilori mais qui possède tout de même une échelle de justice ; en 1355, un certain Thassin Ausoz « ot couppée l’oreille dessouz l’eschielle Saint Martin87 » pour avoir volé des draps. On peut aussi trouver des peines afflictives plus douces auprès du pilori, comme la fustigation. En avril 1415, l’exécuteur de la haute justice échevinale d’Évreux bat ainsi « par trois jours de marché autour du pillory d’Évreux, de verges, despouillé tout nu, un nommé Chardin Dehermes88 ». Quelques années plus tard, en 1431, un sergent du ban de Saint-Rémy de Reims témoigne qu’il a mené un criminel « ou marchié desdis religieux, pres d’une eschiele qui là est, et là fut encors batu de verges89 ». La place du marché n’a toutefois pas le monopole des peines afflictives ; à Mâcon, en 1390, un voleur a l’oreille coupée sur le pont de la ville après avoir été exposé au pilori du marché, ce qui implique une légère translation spatiale entre les deux temps de son supplice90.
51Il apparaît que deux logiques à la fois complémentaires et antagonistes se greffent sur des habitudes locales qui possèdent leur propre inertie. D’une part, le besoin pragmatique de publicité, qui peut amener à utiliser n’importe quel carrefour, pont ou place centrale pour mutiler les criminels ; d’autre part, l’attraction qu’exerce la place du pilori du fait de son capital symbolique cohérent avec l’acte de supplicier. Signe de pouvoir seigneurial qui accumule déjà les expositions, décapitations et incinérations d’objets, le pilori arrache, peu à peu mais jamais totalement, d’autres supplices à leur ancien cadre spatial itinérant.
52Le mouvement de centralisation finit par s’étendre au rituel de pendaison dans le courant du xve siècle. Si le gibet reste l’espace premier de cette peine, son implantation périphérique conduit certains justiciers à élaborer des rituels complémentaires intra-urbains qui se déploient au pied du pilori. Ils apparaissent en premier lieu dans des municipalités où la concurrence entre juridictions transforme le contrôle du rituel de mise à mort et du pilori en enjeu politique. La justice communale d’Abbeville se montre notablement originale en inventant un rituel de partage juridictionnel de la pendaison qui incorpore le pilori sans pour autant l’utiliser comme outil d’exposition. D’après le Livre rouge d’Abbeville, lorsque le prévôt du vicomte condamne un voleur à mort, il se doit d’en informer l’échevinage et de procéder avec lui à un rituel d’échange du criminel dont voici les contours :
« sur l’uis de la viconté, le maieur lui met les cordes au col, et ce fait, les sergens de la viconté prennent et menent le larron au pillory, auquel pillory le maieur prent la teste du larron et le hurte au fer de deux pieces estant au pillory. Et ce fait, les sergents du viconte prennent le larron et le menent jusques prez de la justice91 ».
53Le criminel n’est pas mis au pilori au sens plein du terme. On doit plutôt comprendre que le pilori monumental d’Abbeville était orné de deux « pieces » de fer, peut-être dépositaires d’une dimension symbolique. En fracassant le crâne du criminel contre le monument signifiant son pouvoir, la commune, par la main de son représentant, exprime visuellement deux idées. C’est d’abord une mise en scène du rejet du déviant par la communauté rassemblée, qui se trouve prolongée par la mise en relation des deux espaces du rituel. Le condamné, après avoir été puni au cœur de la ville et aux yeux de tous, en est extirpé par sa conduite au gibet. Le trajet de l’intérieur vers l’extérieur rend pleinement visible son exclusion. Mais ce rituel incarne également l’affirmation par les autorités échevinales de leur emprise sur les exécutions judiciaires menées dans leur ville, y compris sur celles ordonnées par leur vicomte. Dans ces communes où les droits des juridictions municipales et seigneuriales ne sont pas clairement dissociés – la première représente la seconde tout en s’en autonomisant92 – incorporer le pilori au rituel de pendaison permet à la commune de défendre l’étendue de ses droits et d’empêcher son seigneur de la maintenir à l’écart des actes de haute justice.
54L’enjeu juridictionnel est tout aussi fondamental pour comprendre la présence du pilori dans un second rituel de pendaison qui organise, depuis la fin du xive siècle, le partage des exécutions entre les justices temporelles échevinale et épiscopale de Beauvais93. Comme à Abbeville, les deux justices procèdent à un rituel de don contre-don du criminel, stable pendant tout le xve siècle puisqu’il apparaît sous des traits comparables dans un dénombrement de l’évêché de 145394 et dans un registre municipal de 150795. Considérons ce dernier, qui en propose la description la plus circonstanciée :
« Item. Toutes et quantes fois que Monseigneur de Beauvais veult faire justice en la ville, […] l’y maire ou sen lieutenant, accompagné des pers de la dicte commune et d’autres de la ville, sont montés à cheval devant le pilory, et là, attendent la justice dudict évesque qui amèneront chil ou celle qui doit estre justiciés, et se c’est un larron il convient qu’il soit mis au pilory et baillé par un des sergens dudict évesque au sergent du maire, qui le met audict pilory […] et tantost que iceluy larron a été un peu au pilory le sergent du maire qui la mis audict pilory le rebaille au sergent dudict évesque et lui dit : “délivrez en la bonne ville de Beauvais”. Et se celuy que on justice est un meurdrier, il faut que la justice dudict évesque le fasse tourner entour iceluy pilory sans le mettre en icelui, et ne le doit et ne le peut ledict évesque et ses gens autrement faire, et le maire ou son lieutenant accompagne comme dit est, les convoie jusque hors de la porte, et s’il lui plait il va jusques à la justice. »
55Ici encore, le pilori n’est pas mobilisé en tant qu’outil d’exposition. Si les voleurs doivent y rester « un peu », c’est moins pour punir leur crime que pour permettre à la justice communale de participer à leur exécution, avant qu’ils ne soient restitués à celle de l’évêque. De même, on fait courir les meurtriers autour du signe de justice sans les y attacher pour rappeler que la commune détient des droits de haute justice sur l’espace urbain. Par cette mise en scène, le pouvoir communal impose, pour un court instant, ses conditions à l’évêque. Le pilori, parce qu’il est à la confluence du pouvoir de la commune – qui l’administre et l’utilise au quotidien – et de celui de l’évêque – qui en est le détenteur officiel – devient le décor d’un rituel de partage de juridictions original.
56Le parallélisme avec celui d’Abbeville est frappant : là-bas le sergent du vicomte offre le criminel au maire qui heurte sa tête contre le pilori, ici celui de l’évêque le confie à la commune, qui le fait tourner autour. Par ailleurs, les échevins de Beauvais ne se contentent pas d’affirmer que l’évêque « ne le doit et ne le peut autrement faire », ils vont jusqu’à lui intenter un procès lorsqu’il déroge à cette règle96. Ainsi, le pilori s’impose dans plusieurs villes comme le lieu de résolution des tensions qu’implique la superposition de juridictions urbaines. Ce faisant, il devient un des lieux du rituel de pendaison et le rend bipolaire, articulé entre espaces du pilori et du gibet.
57Deux versants explicatifs complémentaires apparaissent au fil de l’inventaire des différents supplices en voie de centralisation auprès du pilori. Tout d’abord, les supplices les plus prompts à entrer dans l’orbite du pilori sont ceux qui répandent le sang, c’est-à-dire les punitions distinctives du haut justicier. Ces associations partagent un même enjeu symbolique, celui de tisser des liens sensibles entre l’acte rituel et son commanditaire. La place du pilori n’attire pas seulement la décapitation et les amputations diverses parce qu’elle leur offre la meilleure publicité. Elle les agglomère surtout en cela qu’elle les auréole d’un décor réfléchissant le caractère officiel, proprement juridique, de l’acte répressif et donc son bien-fondé. Cette mise en scène du pouvoir judiciaire dans son décor dédié ne s’adresse pas seulement au public, mais également aux autres détenteurs locaux du pouvoir de haute justice. En se saisissant de la place du pilori et en y imposant ses règles, ses gestes et ses mots, le justicier devient le dépositaire d’une autorité supérieure qui s’impose aux autres justices urbaines.
58Le second axe qui sous-tend l’association de peines variées et du pilori est lié aux sens de son rituel. Le monument attire à lui d’autres peines humiliantes que l’exposition, parce qu’il est, aux yeux des contemporains, le signe visible de l’infamie et son principal vecteur. Il est toutefois à noter que, pour la période médiévale, la défense des droits judiciaires, qui explique la fixation des peines afflictives, l’emporte en fréquence et en usages sur l’analogie entre rituels infamants et pilori. Alors que l’incinération des biens s’y rattache dès le xive siècle, les autres rituels infamants peinent à s’y fixer. L’exemple de l’amende honorable faite, avant 1459, au pilori de Monterelleno par Pierre Garnet est à vrai dire un cas isolé97. C’est surtout à partir du xvie siècle qu’on observe d’autres amendes honorables entrer dans le sillage du pilori, à l’image de Jean Linguet, condamné en 1556 à s’humilier, la corde au cou, « au lieu ou souloit estre le pilory » de Sens98. De plus, d’après Julie Claustre, il faut attendre la fin du xvie siècle pour que le rituel infamant de cession des biens du débiteur en faillite personnelle sorte du tribunal pour se fixer au pied du pilori99. On observe ainsi un écart chronologique net entre la centralisation des rituels afflictifs d’une part et infamants d’autre part. La première est en grande partie achevée au début du xvie siècle, tandis que la seconde, alors qu’elle plonge ses racines au xive siècle, ne connaît un développement véritable qu’au cœur de l’époque moderne.
Hybridations de formes rituelles entre l’exposition et d’autres supplices
59Comme le fait remarquer Paul Jorion, « le symbolique travaille pour lui-même à l’insu des hommes100 » par des reconfigurations successives et insensibles. La juxtaposition de nombreux supplices auprès du pilori accentue la souplesse des rituels judiciaires et facilite les transferts de motifs entre eux ainsi qu’avec l’exposition. Certaines hybridations sont toutefois antérieures à la centralisation des supplices au pied du pilori et jouent de proximités, de forme ou de contenu, entre l’exposition et d’autres rituels. Le champ des rituels judiciaires ne permet en effet pas à n’importe quel transfert d’émerger : s’il existe un fonds commun de pratiques que nombre de supplices ont en partage, il demeure que le potentiel de métissage des rituels judiciaires est corrélé à leur degré initial de similitude. En conséquence, l’exposition s’hybride préférentiellement, mais selon des modalités différentes, avec deux groupes de rituels : les mises à mort d’une part et les humiliations publiques – corde au cou, amende honorable, hachée et course – d’autre part.
60L’espace du pilori est donc le théâtre d’échanges dynamiques entre rituels judiciaires. Les amalgames qui émergent de cette superposition spatiale peuvent entraîner la réduction de l’exposition à l’état de motif ou d’accessoire d’autres supplices. Le choix du pilori comme décor des peines publiques incite les justiciers à l’employer pendant ces événements, ce qui entraîne l’apparition d’expositions parajudiciaires et coutumières, au sens où elles ne font pas nominalement partie de la réponse pénale produite lors de l’audience.
La souche commune des rituels de mise à mort et d’exposition
61Lorsqu’on s’intéresse de près à la morphologie des rituels judiciaires tardo-médiévaux, on ne peut qu’être frappé par le nombre de motifs que les peines de mort et du pilori ont en commun. Nous avons analysé au chapitre précédent le cas de la charrette d’infamie, mode de transport infamant mobilisé de manière indifférenciée par ces deux rituels. Nous venons d’avancer l’idée que le pilori était aussi un des lieux privilégiés pour décoller les condamnés, puis exposer leur tête. Mais ce n’est encore qu’effleurer la surface des liens anciens qu’entretiennent ces deux supplices. Leur porosité morphologique s’avère être la réminiscence d’une époque, le début du xiie siècle, où la peine capitale pouvait arborer des formes rituelles similaires à ce que sera, quelques décennies plus tard, l’exposition. Adriaan Verhulst a, à ce sujet, pointé l’importance du récit détaillé que donne Galbert de Bruges de l’exécution publique à Ypres, en 1127, du prévôt Bertulphe, meurtrier du comte de Flandre Charles le Bon101. Le chroniqueur y décrit un condamné « ignominieusement livré aux risées de la multitude102 », laquelle l’accompagne au gibet en « chantant, dansant, applaudissant de diverses manières », mais aussi en l’« accabl[ant] de boue et de pierres ». La fourche (patibulum) est dressée pour l’occasion « au milieu de la place du marché d’Ypres » et ne semble pas avoir la forme habituelle. En effet, Galbert affirme qu’« on lui étendit les bras en forme de croix sur la fourche, ses mains y furent attachées, on lui passa la tête par le trou de la fourche, en sorte que le reste de son corps demeura suspendu à ses bras et à son cou ».
62Ce vivant récit est confirmé par un autre auteur contemporain, Gautier de Thérouanne, qui ajoute que les habitants d’Ypres jetaient des têtes de poisson à Bertulphe pendant son supplice103. Ce récit de mise à mort prend la forme explicite d’un proto-rituel d’exposition létal. Quel sens doit-on alors donner au terme patibulum utilisé par Galbert pour désigner l’instrument du supplice ? Paul de Win refuse d’y voir un véritable pilori et préfère le nommer « gibet104 », tandis qu’Adriaan Verhulst considère qu’il peut s’agir d’un pilori primitif qui ne dit pas son nom, sinon, comment expliquer qu’on puisse faire « passer » la tête de Bertulphe « par le trou de la fourche105 » ? Il est en tout cas trop tôt pour que les auteurs du temps emploient le mot pillorium, qui n’est pas formé en latin avant les années 1150-1160.
63A minima, on peut tirer de ce document que le rituel d’exposition est dès l’origine enchevêtré au rituel de mise à mort, lequel en a peut-être inspiré une partie des formes. Tous les éléments significatifs de la mise au pilori sont présents, mais sous un aspect plus violent, vindicatif et surtout afflictif. On expose le condamné sur la place du marché, mais pour le pendre ; on laisse le public se livrer à un déchaînement festif et lui lancer de la boue au visage, mais également des pierres ; on lui fait passer la tête dans un orifice qui évoque le futur carcan de tête, mais pour l’y étrangler. En définitive, Galbert ne se trompe pas quant à l’objectif de cette mise en scène : il ne s’agit pas seulement d’exécuter Bertulphe, mais de lui faire subir une dérision populaire (« derideretur ») qui débouche sur son humiliation maximale. Voici, pour ainsi dire, une exposition antérieure à l’invention du pilori. Toutefois, la mise en scène décrite par Galbert s’efface dès le xiie siècle au profit d’un rituel de mise à mort où le public redevient un spectateur et où le bourreau s’affirme comme le principal, sinon l’unique, acteur106. Le rituel d’exposition pourrait peut-être être pensé comme le conservatoire dégradé d’un ancien mode de pendaison spécifique à l’espace flamand.
64L’isomorphie originelle des rituels flamands de mise à mort et d’exposition s’efface rapidement, mais est prolongée par une porosité qui reste importante tout au long du Moyen Âge. Le couvre-chef infamant, inventé au xiiie siècle dans le cadre de l’exposition, est par exemple progressivement récupéré par le rituel de mise à mort, sous la forme épurée d’une mitre de papier. Ce transfert de motif s’opère d’abord par l’articulation des deux peines, comme le montre le traitement réservé en 1391 à des sorcières par le Châtelet : « du Chastellet, elles toutes mittrées & ayans mis mittres sur leurs testes, esqueles seroit escript ces mos : Je suis ensorcelerresse, elles feussent menées ès hales de Paris, illec tournées ou pilory, que d’ilec, elles & chascune d’icelles feussent menées à la place aux Pourceaux & arses comme sorcieres107 ». Dans le même temps, la mitre s’autonomise de l’exposition et est versée au rituel de mise à mort108. La proximité des deux rituels est ainsi telle qu’il est probable que la foule qui voyait passer dans les rues une personne mitrée et juchée sur une charrette, en partance pour les Halles, ne pouvait déterminer à l’avance si elle serait exposée ou mise à mort.
Exposition et corde au cou
65La corde au cou est un rituel de restauration de la majesté par l’humiliation qui est attesté depuis le début du xie siècle dans toute l’Europe occidentale109. À l’instar de la soumission des bourgeois de Calais à leur vainqueur Édouard III en 1347, qui n’est qu’un exemple parmi d’autres du déroulement de ce rituel, les rebelles se rendent à la merci du prince en habit de pénitent, corde au cou ou épée sur la nuque, et implorent son pardon. Le prince, qui semblait prêt à les exécuter, accède à leur demande et les gracie, en bon justicier miséricordieux. L’humiliation publique des sujets révoltés permet tout à la fois de sanctionner leur désobéissance, de restaurer l’honneur blessé de leur maître et de rappeler que le risque ordinaire qu’encourent les rebelles est la peine capitale.
66D’un rituel sanctionnant la lèse-majesté, principalement employé pour clore des séditions, la corde au cou se transforme en motif mobilisable par des rituels judiciaires du quotidien. Ce processus est permis par la relation analogique qu’entretiennent la forme – l’objet corde au cou – et le contenu – la demande de miséricorde110. Par proximité de sens, l’amende honorable, qui est aussi un rituel de réconciliation par l’humiliation du suppliant, hérite rapidement de la corde au cou. Dès 1260, on peut voir des écuyers meurtriers être soumis par Eudes Rigaud, archevêque de Rouen, à une penitentia publique qu’ils font « déchaussés et nus, portant seulement des braies, la corde au cou, des verges dans les mains111 ». Cas classique et intéressant de transfert morphologique entre rituels aux sens proches, la corde au cou ne se contente cependant pas de s’acclimater à l’amende honorable. Plus tardivement, elle s’insère dans d’autres rituels judiciaires, par le jeu d’ambiguïtés et de superpositions de sens. L’allusion à la peine de pendaison, à laquelle le suppliant est censé échapper, semble être le principal moteur de ces transferts tardifs.
67L’amalgame de la corde au cou et de la peine de mort est d’autant plus aisé que les condamnés à la pendaison peuvent être vus portant la corde qui servira à les pendre. Le Livre rouge d’Abbeville précise ainsi que le maire doit passer « les cordes au col112 » du condamné au seuil de la prison, avant de l’emmener « jusques prez de la justice ». C’est cette mise à mort symbolique qui commence à se transmettre à l’exposition à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle. En 1527, le bailli de Rouen fait mettre au pilori, avec des cordes au cou, deux miséreux qui ont volé une brebis et n’étaient pas capables de payer leur séjour en prison113. Quelques années plus tard, en 1532, le receveur général Étienne Besnier, coupable d’avoir détourné de l’argent du trésor royal, fait amende honorable et est tourné au pilori « la corde au col », puis banni du royaume114. Enfin, en juin 1535, madame de Jonvelle, « grande dame et terrienne », est jugée pour avoir tenté d’empoisonner son beau-fils le seigneur de Boissy. Elle est « menée par le bourreau en une charrette, la corde au col, au pillory, et illec tournée trois tours115 ». Dans les trois cas, les condamnés échappent à une peine de mort qui aurait été adaptée à la gravité de leur crime. En remplacement, l’exposition est articulée à la corde au cou, comme pour redoubler les allusions à l’exécution commuée.
68Reste une question en suspens : pourquoi est-ce l’exposition, plutôt que d’autres peines publiques, qui se combine à la corde au cou ? Si le motif est rare au sein des expositions, il semble en effet quasiment inexistant dans les rituels de fustigation, de bannissement ou de mutilation. Il est possible que la réponse à cette question réside dans la continuité de sens entre les différents rituels d’humiliation publique. Même si leurs dénouements diffèrent, l’amende honorable et l’exposition partagent le même objectif d’abaisser visuellement et symboliquement le coupable. Par ailleurs, Jean-Marie Moeglin remarque que, dès le xiiie siècle, des porosités existent entre la corde au cou et la hachée, peine infamante teintée de dérision116. Le rapprochement entre corde au cou et pilori a pu être facilité par ces transferts antérieurs. On ne pourrait pas réellement déterminer laquelle, de la hachée ou de l’amende honorable, a le plus participé au rapprochement entre corde au cou et exposition. Plutôt que d’essayer d’écarter l’un au profit de l’autre, on peut penser que ces quatre rituels d’humiliation publique constituent, au sein de l’ensemble des rituels judiciaires, un écosystème particulier, où les interpénétrations et isomorphies de toutes sortes sont facilitées. Si on admet que les quatre humiliations publiques appartiennent à un ensemble symbolique commun, il devient aussi peu étonnant de voir la corde au cou passer entre ces rituels que de constater les similitudes entre objets portés par les condamnés à la hachée et au pilori, ou la nudité héritée de la pénitence publique être imposée à ceux soumis à la corde au cou, à l’amende honorable et parfois à l’exposition.
69Tout ceci amène à penser que la présence tardive de la corde au cou dans le rituel d’exposition s’explique par un double mouvement d’hybridation de formes. D’un côté, l’association entre corde au cou et mise à mort symbolique est le mécanisme, en filiation directe, qui permet à la peine du pilori d’hériter du motif. De l’autre, ce transfert est facilité par les liens anciens que l’exposition entretient avec les autres rituels d’humiliation, lesquels s’échangent dynamiquement des motifs, par transferts successifs pouvant tâtonner pendant des centaines d’années avant de se fixer. L’hybridation des rituels judiciaires apparaît donc comme un processus lent, empirique, foisonnant, toujours incomplet et pourtant efficace pour maintenir ces rituels vivants, c’est-à-dire aptes à produire du sens pour leurs contemporains.
L’exposition comme motif coutumier d’autres rituels judiciaires
70La proximité du pilori lors de l’exécution de supplices afflictifs peut générer un phénomène rare mais frappant : la dégradation de l’exposition à l’état de pratique parajudiciaire intégrée à la ritualité d’une autre peine. C’est lorsqu’un écart est pris avec la coutume qu’on s’aperçoit qu’une mise au pilori n’était pas véritablement une peine autonome, mais plutôt un motif d’un autre rituel. Philippe de Vigneulles relate ainsi l’exécution d’un hérétique, Jehan le Clerc, en 1525, qui aurait dû être, à dix heures du matin, « men[é] au piloris, jusques à deux heures apres midi, comme la coutume est en Mets. Mais, pour plusieurs raisons, il fut advisé que l’on n’en feroit rien ; fut dilaté jusques à deux heures qu’il fut mis sur la brouette et trayné au lieu devant dit117 ». D’après le chroniqueur, l’entorse à la coutume du rituel d’exécution s’explique par l’inquiétude des justiciers que Jehan le Clerc profite de sa mise au pilori pour prêcher la mauvaise parole au public, car il « estoit le plus biaul langaigier et le mieulx assuré en parolles que l’on sceust trouver ». L’exceptionnalité de cet événement permet d’éclairer en creux les conditions ordinaires de la mise à mort à Metz à la fin du Moyen Âge, qui semble usuellement comporter une mise au pilori auxiliaire.
71On peut alors se demander si les autres exécutions précédées par une exposition rapportées dans cette chronique ne répondent pas aux mêmes règles coutumières. En 1490, un certain Cottenat est « mis au pillory et trainé au pont des Morts où eult la teste tranchée118 » pour avoir détruit et profané une image de la Vierge. Il serait défendable d’affirmer que le pilori adopte ici le rôle de peine ordinaire du crime de blasphème. À la lumière du cas postérieur de Jehan le Clerc, cependant, un doute s’installe : cette exposition ne pourrait-elle pas être la trace du déroulement coutumier de l’exécution capitale, telle qu’elle se pratique alors à Metz ?
72Metz n’a pas le monopole des expositions réduites à l’état de motif coutumier de la peine de mort. Le parallélisme avec le déroulement des exécutions à Beauvais au xve siècle, déjà présenté dans ce chapitre, est d’ailleurs assez notable. Là aussi, le condamné est « lie au pillory119 », mis « un peu au pilory120 », avant d’être emmené aux fourches patibulaires. Certes, cette pratique est issue d’un rituel de partage de juridiction entre les justices temporelles de l’évêque et de la commune, mais on ne peut que constater que, comme à Metz, la mise au pilori y perd son statut de peine autonome et devient un élément parmi d’autres de la ritualité de la mise à mort.
73Il est à vrai dire délicat de distinguer les documents qui témoignent d’une exposition intégrée à un autre rituel punitif de ceux qui nous montrent une réponse pénale articulant deux peines distinctes. Il faudrait, pour avancer que l’on se trouve en présence d’une coutume locale qui utilise l’exposition comme motif d’un autre rituel, prouver la répétitivité de la pratique et évaluer son extension géographique. Jacques Chiffoleau note par exemple qu’à Avignon, un grand nombre de voleurs sont « attachés une matinée au pilori avant d’être bannis121 ». Il est tout à fait possible, au vu de sa fréquence, que cette exclusion symbolique préalable à l’éloignement physique du criminel fasse partie du rituel de bannissement coutumier local. Avignon ne serait d’ailleurs pas la seule ville dans ce cas ; on trouve une juxtaposition similaire du pilori et du bannissement à Saint-Quentin par exemple122. Les sources judiciaires étant laconiques, impossible de déterminer si ces régularités correspondent à une articulation de deux peines ou à leur fusion au sein d’un seul grand rituel fixe. Du moins, on peut supposer que l’exposition n’est pas, dans ces configurations locales, le cœur de la réponse pénale ; elle n’est au mieux qu’une peine accessoire, et peut-être même qu’une habitude coutumière qui renforce le bannissement.
Conclusion
74Le rituel de l’exposition infamante ne peut donc être compris dans sa totalité sans percevoir que ses réalités matérielles – son intrication avec l’édifice pilori – et juridiques – sa malléabilité par l’arbitraire du juge – favorisent la multiplication de dynamiques rituelles qui travaillent en tous sens. En amont du supplice, le justicier recherche une adaptation de la peine aux circonstances du cas d’espèce, ainsi qu’aux soubresauts des étapes de la procédure. De toutes les ressources disponibles pour adapter la réponse pénale, l’exposition semble particulièrement flexible. La souplesse de son rituel n’est limitée que par des principes coutumiers simples, qui édictent que le condamné doit être attaché à un support, qu’il est interdit de le blesser, ou encore que la peine doit être publique. Le justicier est ensuite libre de modifier ses paramètres spatio-temporels, ou de l’enrichir de pratiques rituelles provenant de divers autres supplices.
75Cette flexibilité interne est encadrée, et en partie déterminée, par des relations dynamiques avec ces autres supplices. La peine du pilori ne s’hybride cependant pas avec tous de la même manière et avec autant de facilité. On observe une porosité ancienne avec les rituels de mise à mort, peut-être due à une matrice commune au xiie siècle dont les justiciers conserveraient un souvenir à l’état d’imaginaire dégradé. Au fil des siècles, l’exposition garde la capacité à être convertie en motif de la peine de mort. Dans le même temps, des réponses pénales composites articulent ces deux peines sans les fusionner. Il est cependant toujours hasardeux de trancher : quelles expositions conservent leur autonomie et quelles autres se fondent dans la ritualité de l’exécution capitale ? Nul doute que cette distinction ne devait qu’être floue pour les contemporains assistant à la scène : que le justicier décide que le condamné mérite, en sus de la mort, une véritable peine de pilori, ou bien qu’il soit coutumier d’ouvrir une exécution par une exposition coutumière, la mise en scène et l’expérience qui en découle sont identiques pour le public.
76Les possibilités d’hybridation entre supplices publics peuvent également dériver d’analogies entre leurs rituels. Une similarité, ne serait-ce qu’apparente, de buts, contenus ou formes, semble expliquer une grande partie des transferts observables entre rituels judiciaires. Mais le fonds de motifs rituels que les supplices ont en partage voit sa souplesse limitée, voire compartimentée, selon les groupes de sens qui structurent le champ des supplices. L’exposition connaît bien plus de transferts de motifs avec la corde au cou, la course ou l’amende honorable, qu’avec la fustigation ou la mutilation. Le thème de l’humiliation publique forme un ciment suffisamment solide pour permettre des hybridations croisées, si bien qu’il n’est parfois plus possible d’identifier quel rituel infamant est à l’origine de chaque motif. Mais étudier les interactions entre l’exposition et des motifs dont l’origine est bien connue, comme la corde au cou, permet d’établir les mécanismes concrets des échanges interrituels. Il semblerait que derrière la modulation de sens par l’intégration de motifs exogènes se joue l’actualisation du rituel, voire sa survie.
77Pour pouvoir conserver sa puissance évocatrice et ainsi rester performatif, le rituel doit être capable d’évoluer au même rythme que les mentalités et sensibilités de ses acteurs, sans quoi il est condamné à devenir une suite de gestes creux, obsolètes et incompréhensibles. L’enjeu est d’autant plus important pour l’exposition que les autres rituels infamants, frappés d’obsolescence, disparaissent peu à peu autour d’elle. La hachée se dissout pendant le xive siècle123 ; la course devient rare au xve124 ; le rituel de la corde au cou est considéré comme désuet au milieu du xvie125 ; et toute une suite de rituels infamants locaux, comme l’immersion dans un fleuve126, reculent également au cours du Moyen Âge. Les reconfigurations des rituels publics sont en fait l’expression d’une réappropriation par chaque nouvelle génération de vieilles formes parfois mal comprises, mais qui résonnent encore suffisamment avec l’imaginaire du temps pour être reprises et aménagées. Toutefois, à mesure que les sensibilités évoluent, tout rituel finit par se vitrifier et se vider de son sens, soit parce qu’il devient redondant avec d’autres jugés plus appropriés, soit parce qu’il est désormais jugé étrange, désuet, ou même scandaleux.
Notes de bas de page
1 Toureille Valérie, Crime et châtiment au Moyen Âge, ve-xve siècle, op. cit., p. 248-249.
2 Schnapper Bernard, « Les peines arbitraires du xiiie au xviiie siècle », Revue historique de droit, no 41, 1973, p. 237-277.
3 ANF JJ 151 no 122, fo 57 vo, Guérin Paul, Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France, op. cit., t. 8, p. 263-264.
4 Lebeurier Pierre-François, « Coutumes de Vernon au xiie siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, no 16, 1855, p. 526, art. 12.
5 ANF AA 60, lettre de rémission datée du 1er mai 1480, Broussillon Bertrand de, La maison de Laval…, op. cit., p. 286-287.
6 La chronique de Philippe de Vigneulles, op. cit., t. 4, p. 124-125.
7 Duplès-Agier Henri, Registre criminel du Châtelet de Paris, op. cit., t. 1, p. 301-305.
8 ANF X2A 4, fo 218, arrêt du 14 décembre 1340 ; X2A 5, fo 160 vo, arrêt du 23 février 1349 ; X2A 9, fo 22-22 vo, arrêt du 13 mars 1376 ; X2A 40, fo 196, arrêt du 21 juillet 1475.
9 Hellot Amédée, Chronique parisienne anonyme du xive siècle, op. cit., p. 162. Deux mois plus tard, quatre autres faux témoins subissent la même peine, ibid., p. 163.
10 Tanon Louis, Histoire des justices des anciennes églises…, op. cit., p. 449.
11 ANF X2A 5, fo 160 vo, arrêt du 23 février 1349.
12 Lebeurier Pierre-François, « Coutumes de Vernon au xiie siècle », art. cité, p. 526, art. 12.
13 AD Loiret A 1977. Doinel Jules, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Loiret – Archives civiles – Série A. 1800 – 2200 et B. 1 – 1535, Orléans, Imprimerie de Georges Jacob, 1886, t. 2, p. 38-39.
14 Favier Jean, Le bourgeois de Paris au Moyen Âge, Paris, Tallandier, 2015, p. 273.
15 Theiller Isabelle, « Prix du marché, marché du grain et crédit au début du xiiie siècle : autour d’un dossier rouennais », Le Moyen Âge, 2009, no 115/2, p. 258.
16 ANF X2A 16, fo 185 vo-188, arrêt du 22 septembre 1420.
17 AD Côte-d’Or, B II 362/01 fo 36, Papier rouge de l’échevinage de Dijon. Garnier Joseph, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Côte-d’Or – Archives civiles – Série B, op. cit., t. 4, p. 468.
18 Win Paul de, De schandstraffen in het wereldlijk strafrecht in de zuidelijke Nederlanden…, op. cit., p. 153.
19 Vatican ms. 4030, fo 76 vo-86. Douais Célestin, Documents pour servir à l’histoire de l’inquisition dans le Languedoc, Paris, Librairie Renouard, 1900, p. 110.
20 Janin Eugène, « Documents relatifs à la peine du bannissement (xiiie et xive siècles) », Bibliothèque de l’École des chartes, no 8, 1847, p. 420-421.
21 Boutaric Edgard, Actes du parlement de Paris – Première série – De l’an 1254 à l’an 1328, op. cit., t. 2, p. 622.
22 Théodore Émile, « Les exécutions des sentences criminelles à Lille avant la Révolution », art. cité, p. 347.
23 « Fut mis sus l’eschielle en la court de l’evesque ung blan moyne pour ces desméritte et y fut environ cinq heures, et y alloit pour le veoir qui voulloit », affaire jugée en 1499. Huguenin Jean-François, Chroniques de la noble ville et cité de Metz, Paris, S. Lamort, 1838, p. 397.
24 Tanon Louis, Histoire des justices des anciennes églises…, op. cit., p. 397.
25 Hellot Amédée, Chronique parisienne anonyme du xive siècle, op. cit., p. 1334.
26 Duplès-Agier Henri, Registre criminel du Châtelet de Paris, op. cit., t. 2, p. 70.
27 Gauvard Claude, « L’honneur du roi. Peines et rituels judiciaires au Parlement de Paris à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 99-123.
28 Respectivement : ANF X2A 4, fo 172, sentence du 9 août 1347 contre Jacquemard de la Tombe (coups et blessures) ; X2A 16, fo 35 vo, sentence du 17 juillet 1409 contre Georges Bougaut et Thévonote Normandeau (fausse accusation) ; X2A 34, fo 271-274, sentence du 7 septembre 1467 contre Emeric Gaufred (faux témoignage).
29 Texier Pascal, « La victime et sa vengeance. Quelques remarques sur les pratiques vindicatoires médiévales », art. cité, p. 155-179.
30 Texier Pascal, « “Offrir plus grant que son vaillant”. Réparation et rémission à la fin du Moyen Âge », Cahiers de l’Institut d’anthropologie juridique de Limoges, 2009, « La victime – II La réparation du dommage », p. 237.
31 Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, op. cit., p. 664.
32 Ordinaire de Paris pour l’année finie à la Saint-Jean-Baptiste 1502. Desmaze Charles, Le Châtelet de Paris, son organisation, ses privilèges, Paris, Didier et Cie libraires-éditeurs, 1863, p. 89.
33 AM Ypres Reg. Diverse Memoirien, fo 22, sentence du 23 décembre 1360. Espinas Georges et Pirenne Henri, Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre, op. cit., t. 3, p. 646.
34 Philippe de Beaumanoir, Les coutumes du Beauvoisis, op. cit., t. 1, p. 42, chap. 1, § 39.
35 Lettres adressées au sénéchal de Beaucaire pour punir ceux qui jurent le vilain serment, 1329. Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 2, p. 48.
36 Ibid., t. 2, p. 282.
37 Les blasphémateurs « seront mis au carcan, au jour de feste ou de marché, et y demeureront depuis huit heures du matin jusques à une heure après midy », ibid., t. 21, p. 448.
38 AD Rhône 10 G 603, fo 87-88. Gonthier Nicole, Délinquance, justice et société dans le Lyonnais médiéval…, op. cit., p. 241.
39 AD Rhône 10 G 643, no 2. Gonthier Nicole, Le châtiment du crime au Moyen Âge (xiie-xvie siècles), op. cit., p. 33.
40 AD Loiret A 1977. Doinel Jules, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Loiret – Archives civiles – Série A. 1800 – 2200 et B. 1 – 1535, op. cit., p. 38-39.
41 ANF X2A 8, fo 440-441 vo, sentence du 18 août 1375. Jehan Grasselli et Béatrice de Bapalm sont condamnés pour faux témoignage à être mis au pilori par quatre samedis à Paris, quatre autres samedis à Amiens et deux autres fois dans une troisième ville.
42 ANF X2A 11, fo 204-305, sentence rendue contre Jean de Germigny et Jean Bretonneau le 14 septembre 1391.
43 C’est la distinction que fait Pascal Texier entre la « réparation du dommage » et la « compensation de l’offense », qui peuvent entraîner deux volets parallèles de peines spécialisées. Voir Texier Pascal, « “Offrir plus grant que son vaillant”. Réparation et rémission à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 238.
44 Sentence du 18 mai 1413. Merlet Lucien, « Registres des officialités de Chartres », art. cité, p. 589-590.
45 British Library, ms. Add. 4697, fo 84 vo. Théry Julien, Le livre des sentences de l’inquisiteur Bernard Gui, op. cit., p. 144.
46 Win Paul de, De schandstraffen in het wereldlijk strafrecht in de zuidelijke Nederlanden…, op. cit., p. 153.
47 Affaire connue par une lettre de rémission datée de juillet 1401 : ANF JJ 156, no 219bis, fo 139. Guérin Paul, Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France, op. cit., p. 398-399.
48 67 des 155 sentences prononcées par le Parlement (43 %) précisent soit la durée, soit le nombre d’expositions infligées.
49 Les 27 sentences collectées parmi 7 justices échevinales des xive et xve siècles (Abbeville, Amiens, Ypres, Cambrai, Châlons, Dijon et Semur) ne contient que 2 peines d’expositions modulées (7,4 %).
50 Guenée Bernard, Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis…, op. cit., p. 149.
51 Mathieu Isabelle, Les justices seigneuriales en Anjou et dans le Maine…, op. cit., p. 183 sq.
52 Autrand Françoise, Naissance d’un grand corps de l’État, les gens du Parlement de Paris, 1345-1454, op. cit., p. 56.
53 Ibid., p. 59.
54 Guenée Bernard, Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis…, op. cit.
55 Mathieu Isabelle, Les justices seigneuriales en Anjou et dans le Maine…, op. cit., p. 219 sq.
56 Charageat Martine et Vivas Mathieu (dir.), Les fourches patibulaires du Moyen Âge à l’Époque moderne. Approche interdisciplinaire, op. cit., § 2.
57 « Chaque contributeur affirme en ce sens que les fourches patibulaires marquent des limites juridictionnelles. Si leur construction répond d’une pratique judiciaire qui évolue selon les lieux et les époques, elle répond donc au jeu plus politique de leurs détenteurs », ibid., § 9.
58 Par exemple, seules 14 % des justices seigneuriales d’Anjou et du Maine érigent des gibets. Mathieu Isabelle, Les justices seigneuriales en Anjou et dans le Maine…, op. cit., p. 137.
59 Abraham-Thisse Simonne, « La fraude dans la production des draps au Moyen Âge », in Béaur Gérard, Bonin Hubert et Lemercier Claire (dir.), Fraude, contrefaçon, contrebande de l’Antiquité à nos jours, Genève, Librairie Droz, coll. « Publications d’histoire économique et sociale internationale », 2007, p. 431-456.
60 Moullié Amédée, Coutumes de Larroque-Timbaud, 1270, Paris, Auguste Durand, libraire-éditeur, 1865, p. 70 et 83.
61 Philippe de Beaumanoir, Les coutumes du Beauvoisis…, op. cit., t. 1, p. 372.
62 Viollet Paul, Établissements de Saint Louis…, op. cit., t. 2, p. 287.
63 Ordonnances des roys de France de la troisième race, op. cit., t. 1, p. 512.
64 Tanon Louis, Histoire des justices des anciennes églises…, op. cit., p. 368-371.
65 Demaison Louis, « Documents sur les drapiers de Reims au Moyen Âge », Bibliothèque de l’École des chartes, no 89, 1928, p. 16-17.
66 Entre autres exemples : ANF X2A 19, fo 5 vo-8, arrêt du 28 septembre 1423 contre Jehan Allouete. Les faux qui ont été présentés ont été précédemment « in judicio lacerabuntur ». Cet arrêt condamne Allouete à cent livres tournois d’amende et deux mises au pilori (deux jours de marché, à Mauléon).
67 Dubois Auguste, Justice et bourreaux à Amiens dans les xve et xvie siècles, op. cit., p. 5.
68 Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, op. cit., t. 2, p. 392-394.
69 AD Seine-Maritime G 691. Registre aux comptes de la justice de Louviers, 1490. Vernier Jules-Joseph, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Seine-Inférieure – Archives ecclésiastiques – Série G (1 à 1566), op. cit., t. 1, p. 212.
70 Rozière Eugène de, Charte du consulat d’Uzès…, op. cit., p. 3.
71 « Item an costel adreyssat en mercat et uzatge de ne uzar », ibid., art. 3, p. 11.
72 « Item prenon los pans dels pestres cant son trop petits, que non son de pes donan los al costel », ibid., art. 10, p. 11.
73 Gonthier Nicole, Le châtiment du crime au Moyen Âge (xiie-xvie siècles), op. cit., p. 121 sq.
74 C’est notamment le cas des décapitations relatées par le « bourgeois de Paris » au xve siècle, qui se déroulent souvent « ès Halles » : Beaune Colette, Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 34, 44, 59, 60, 93 et 272.
75 Le pilori est en concurrence pour cette fonction avec les fourches patibulaires et les portes de ville. Voir Voyer Cécile, « Fourches patibulaires et corps suppliciés dans les enluminures des xive-xve siècles », in Charageat Martine et Vivas Mathieu (dir.), Les fourches patibulaires du Moyen Âge à l’Époque moderne. Approche interdisciplinaire, op. cit., § 32.
76 Lalanne Ludovic, Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, 1515-1536 : publiée pour la société de l’histoire de France, Paris, Librairie Renouard, 1854, p. 67 (1518), 283 (1528), 402 (1529).
77 Ibid., p. 53 (1517).
78 Ibid., p. 328 (1527), 452 (1532).
79 Ibid., p. 402 (1529), 452 (1532).
80 ANF X2A 86, 1536. Porée Charles, « Inventaire de la collection de Chastellux (suite) », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 1904, no 58, p. 67.
81 Delachenal Roland, Chronique des règnes de Jean II et de Charles V. Les Grandes Chroniques de France. Publiées pour la société de l’histoire de France, Paris, Librairie Renouard, 1910, t. 1, p. 252.
82 Jean de Roye, Chronique scandaleuse…, op. cit., p. 278.
83 Beaune Colette, Journal d’un bourgeois de Paris, op. cit., p. 60.
84 British Library, ms. Harley 4379, fo 64 ro. Chroniques de Jean Froissart, vers 1470. Exécution de Merigot Marchès (1391) ; BNF, département des Manuscrits, division occidentale, fr. 5054, fo 239. Vigiles de Charles VII, 1484. Exécution de Pierre de Montferrant.
85 ANF X2A 30, fo 327-328 vo, arrêt du Parlement de Paris en faveur de Jacques de Tourzel, 7 août 1464.
86 Balouzat-Loubet Christelle, « Punir et composer. La justice artésienne sous le règne de la comtesse Mahaut (1302-1329) à travers les comptes de bailliages », in Wirth-Jaillard Aude, Musin Aude, Demaret Nathalie, Bodart Emmanuel et Rousseaux Xavier (dir.), Monuments ou documents ? Les comptabilités, sources pour l’histoire du contrôle social (xiiie-xviiie siècles). Actes du colloque de Bruxelles (archives générales du royaume, 13-15 décembre 2012), Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2015, p. 102.
87 Tanon Louis, Histoire des justices des anciennes églises…, op. cit., p. 552.
88 AD Eure, 11 F 4043, quittance de salaire du bourreau d’Évreux, citée par Plaisse André et Plaisse Sylvie, La vie municipale à Évreux pendant la guerre de Cent Ans, op. cit., p. 164-165.
89 Varin Pierre, Archives législatives de la ville de Reims, op. cit., t. 1, p. 525.
90 ANF JJ 129, no 88, lettre de rémission de mars 1390. Gauvard Claude, « De grace especial »…, op. cit., p. 888.
91 Telliez Romain, Le « Livre rouge » de l’échevinage d’Abbeville (fin xiiie-1516), Paris, Honoré Champion, coll. « Histoire et archives », 2020, p. 431.
92 Dutour Thierry, Une société de l’honneur…, op. cit., p. 179.
93 Sa plus ancienne mention qu’il nous a été donné de rencontrer est extraite d’un registre municipal de 1395. Voir Mathon G., « Notice sur le pilori de Beauvais », art. cité, p. 496.
94 L’Oisel Antoine, Mémoires des pays, villes, comté et comtes, évesché et évesques, pairrie, commune et personnes de renom de Beauvais et Beauvaisis, Paris, Samuel Thiboust, 1617, p. 327.
95 Mathon G., « Notice sur le pilori de Beauvais », art. cité, p. 490-491.
96 Ibid., p. 496.
97 ANF X2A 30, fo 327-328 vo, arrêt du Parlement de Paris en faveur de Jacques de Tourzel, 7 août 1464.
98 ANF X2A 118, arrêt du Parlement de Paris, 16 avril 1556. Porée Charles, « Inventaire de la collection de Chastellux (suite) », art. cité, p. 238.
99 Claustre Julie, « La honte de l’endetté (Paris, xve siècle) », in Sère Bénédicte et Wettlaufer Jörg (dir.), Shame between Punishment and Penance…, op. cit., p. 240.
100 Jorion Paul, « Compte rendu : J.-C. Schmitt, Le saint Lévrier Guinefort, guérisseur d’enfants depuis le xiiie siècle, Paris, Flammarion, 1979 », L’Homme, 1980, no 20/3, p. 162.
101 Verhulst Adriaan, « Les origines de la ville d’Ypres (xie-xiie siècles) », art. cité, p. 11.
102 Galbert de Bruges, Galbertus notarius Brugensis : De multro, traditione, et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum, Turnhout, Brepols, 1994, p. 91-93.
103 Gautier de Thérouanne, Vita Karoli comitis, Turnhout, Brepols, 2006, p. 554.
104 Win Paul de, De schandstraffen in het wereldlijk strafrecht in de zuidelijke Nederlanden…, op. cit., p. 157.
105 Verhulst Adriaan, « Les origines de la ville d’Ypres (xie-xiie siècles) », art. cité, p. 11.
106 Gauvard Claude, Condamner à mort au Moyen Âge…, op. cit., p. 219.
107 Duplès-Agier Henri, Registre criminel du Châtelet de Paris, op. cit., t. 2, p. 337.
108 Gonthier Nicole, Le châtiment du crime au Moyen Âge (xiie-xvie siècles), op. cit., p. 131.
109 Moeglin Jean-Marie, Les bourgeois de Calais, essai sur un mythe historique, op. cit., p. 79-88.
110 Moeglin Jean-Marie, « Pénitence publique et amende honorable au Moyen Âge », art. cité, p. 226.
111 Eudes Rigaud, Regestrum visitationum archiepiscopi rothomagensis, éd. Théodose Bonnin, op. cit., p. 239.
112 Telliez Romain, Le « Livre rouge » de l’échevinage d’Abbeville (fin xiiie-1516), op. cit., p. 431.
113 BNF, ms. fr. 26121, no 1035. Rouen, 31 octobre 1527. Cité par Toureille Valérie, Crime et châtiment au Moyen Âge, ve-xve siècle, op. cit., p. 271.
114 Lalanne Ludovic, Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de François Ier…, op. cit., p. 427-428.
115 Ibid., p. 456-457.
116 Moeglin Jean-Marie, « Pénitence publique et amende honorable au Moyen Âge », art. cité, p. 268.
117 Bruneau Charles, La chronique de Philippe de Vigneulles, t. 4, p. 539.
118 Ibid., t. 3, p. 205.
119 L’Oisel Antoine, Mémoires des pays, villes, comté et comtes, évesché et évesques, pairrie, commune et personnes de renom de Beauvais et Beauvaisis, op. cit., p. 327.
120 Mathon G., « Notice sur le pilori de Beauvais », art. cité, p. 490-491.
121 Chiffoleau Jacques, Les justices du pape…, op. cit., p. 233.
122 Hamel Sébastien, « Bannis et bannissement à Saint-Quentin aux derniers siècles du Moyen Âge », art. cité, p. 127.
123 Moeglin Jean-Marie, « Harmiscara – Harmschar – Hachée… », art. cité, p. 11-65.
124 Carbasse Jean-Marie, « “Currant nudi”… », art. cité, p. 91.
125 Moeglin Jean-Marie, Les bourgeois de Calais, essai sur un mythe historique, op. cit., p. 404.
126 Encore attesté dans le Midi au xve siècle, mais désuet au nord de la Loire depuis le xiiie siècle. Pour les cas les plus tardifs : Otis-Cour Leah, « Réflexions sur l’application de la peine dans le midi de la France à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 99-109.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008