Chapitre I. L’invention du pilori et de sa peine associée
p. 35-62
Texte intégral
1Le pilori et l’exposition sont révélés ensemble par des chartes communales à partir des années 1160, notamment dans les cinq villes de Saint-Omer (1164), Abbeville (1184), Péronne (avant 1192), Saint-Quentin (1195) et Rouen (avant 1199)1. Seules les deux premières sont des chartes originales et non des confirmations de documents antérieurs, des copies postérieures ou des attestations indirectes. Mais même celles de Saint-Omer et d’Abbeville ne marquent pas le début de l’histoire communale de ces villes : la mise par écrit des franchises des communes jurées, auparavant connues oralement, n’est qu’une étape de leur développement et non une trace de leur origine2.
2Dans ce premier corpus, l’institution est déjà nommée pillorium sans aucune forme d’explication, preuve que son sens est évident pour les rédacteurs et qu’elle doit être plus ancienne que les sources ne le laissent penser. Par ailleurs, les attestations indirectes ou tardives peuvent présenter des erreurs de transcription, des faux positifs produits par une copie trop servile, ou des choix opérés lors de la transmission du texte originel. Tout ceci rend caduque l’ambition de vouloir trouver un « point d’origine » au pilori ou à l’exposition infamante. Seul un faisceau cohérent d’indices peut être dégagé, en replaçant les cinq chartes du xiie siècle dans leur contexte géographique et social, ainsi qu’en les faisant dialoguer avec d’autres traditions d’infamie judiciaire.
3La mise au pilori ne se développe en effet pas dans un champ juridique vide où elle serait l’unique peine infamante. Au moins six autres rituels d’humiliation publique cohabitent avec elle en ce xiie siècle. La comparaison avec des pratiques voisines fournit un point d’appui pour cerner les besoins sociaux et l’imaginaire qui président à l’invention du pilori. Nous verrons ainsi que son succès dans les communes septentrionales est étroitement lié à leur insertion précoce dans une « économie des marchés3 », florissante depuis la seconde moitié du xie siècle. Le pilori est, à l’origine, un symbole de propriété foncière et de droits exercés sur le marché, tandis que sa peine associée garantit la bonne tenue et la sincérité des transactions commerciales. L’explication de ses racines réside donc en partie dans l’émergence de nouveaux pôles économiques, qui stimule l’invention d’outils juridiques de régulation, sous la houlette partagée de seigneurs et de communautés bourgeoises. Nous montrerons que si le pilori apparaît de prime abord comme un symbole du pouvoir seigneurial, c’est dans la relation dynamique qu’entretiennent cette autorité, les usagers du marché et les institutions communales qu’il trouve son relief. L’institution répond, du moins selon la rhétorique des autorités urbaines, à une aspiration à la paix et à l’ordre public commune aux bonnes gens et à leur seigneur. En cela, il ne peut être exclusivement présenté comme une coercition qui s’imposerait à la population urbaine. Sa capacité à résoudre des difficultés collectives explique certainement sa diffusion dans tout le royaume dès la première moitié du xiiie siècle.
Un nouveau mot pour une nouvelle institution
4Le constat qu’une forme judiciaire nouvelle se détache des pratiques infamantes préexistantes est subordonné à l’identification de son nom dans les sources. Or, contrairement à d’autres peines désignées par des périphrases4, la pena pillorii5 est dotée d’une appellation propre, aux origines obscures. Face à cela, la réaction la plus simple serait de vouloir déterminer des filiations linéaires entre la peine du pilori et ses prédécesseurs. David Shirt s’y est essayé dans un article de 1973, en partant du passage du Chevalier de la charrette (vers 1180) où Chrétien de Troyes affirme que « De ce servoit charrete lores \\ Don li pilori servent ores6 ». La lecture qui en résulte est assurément trop littérale : Shirt identifie la charrette de Chrétien à la peine du parcours infamant – sous sa déclinaison anglaise nommée judicium tumbrelli – et propose d’y voir l’antécédent de la peine d’exposition7.
5Cette méthode naïve ne peut pas rendre compte de la complexité de la matière anthropologique constituée par les rituels infamants du Moyen Âge central. Mais s’il est peu convaincant de chercher des « ancêtres » directs au pilori – surtout dans des œuvres de fiction –, il est certain que le tissu dense de pratiques infamantes a servi de champ fertile à l’émergence d’une variation sur un thème connu. Il s’agit donc de mettre au jour le réseau d’influences culturelles indirectes qui a permis à la mise au pilori d’éclore, indépendamment d’une quelconque lignée pénale claire.
Un terreau fertile : les rituels d’humiliation publique antérieurs au pilori
6De nombreux rituels d’humiliation publique coexistent dans la France du début du xiie siècle. Il est difficile de les classer géographiquement : certains sont communs à tout l’Occident médiéval8 ; d’autres sont propres à une région culturellement cohérente9 ; un troisième groupe se rencontre dans un espace pluriculturel s’étendant de la moitié nord du royaume à la moitié occidentale de l’Empire10. Si l’origine spatiale n’est pas un critère classant, les contours et grandes étapes du déroulement de ces rituels permettent de construire une typologie. La masse des cas peut être divisée en deux ensembles distincts, mais non disjoints : d’un côté, les rituels qui imposent au condamné de se rendre au-devant de sa victime pour s’humilier à ses pieds, de l’autre, ceux qui l’offrent au regard et aux remarques acerbes de tous les passants, sans réserver à la victime une place prépondérante. La distinction heuristique passe donc entre humiliation interpersonnelle et collective.
7La première famille, qui met l’accent sur la réparation personnelle de l’honneur blessé, est à l’évidence la plus ancienne11. Ses différents avatars, loin de former des réalités étanches, s’entrecoupent et sont liés par des modulations. À la source de la palette de variations de l’humiliation face au demandeur se trouve peut-être une réinterprétation profane de la pénitence quadragésimale, fixée dès le milieu du viie siècle12. Ce rite qui prend au xiie siècle le nom de « pénitence publique solennelle13 » impose au pécheur de rechercher le pardon de Dieu par des marques visibles d’humiliation volontaire, depuis le mercredi des cendres jusqu’au jeudi saint. Encore en pratique au xiiie siècle sous cette forme canonique14, ce rite est néanmoins adopté dès le ixe siècle, sous des traits voisins, comme instrument de résolution des conflits politiques. La pénitence publique de Louis le Pieux à Saint-Médard de Soissons en octobre 833, ou le voyage à Canossa auquel l’Empereur Henri IV doit se soumettre en 1077, reprennent la forme du rite de la pénitence solennelle, mais pour régler des conflits engagés avec des autorités ecclésiastiques15.
8Par la suite et peut-être à partir de cette première réinvention politique de la pénitence publique, un autre usage plus quotidien se détache du sacrement de pénitence pour former la peine dite de l’« amende honorable ». Le registre des visites pastorales (1248-1269) d’Eudes Rigaud, archevêque de Rouen, décrit l’état du rituel au terme de son autonomisation de la matrice sacramentelle16. Le condamné se présente devant sa victime « pieds nus, en chemise et culotte, sans ceinture ni chapeau, tenant des verges avec les mains17 », puis crie merci. La victime le pardonne alors, l’humiliation publique ayant lavé l’affront. L’amende honorable est peu ou prou commune à toutes les cours temporelles et spirituelles de la fin du Moyen Âge, avec des variations ponctuelles. Un cierge, ou une « torche ardente », sont le plus souvent tenus à la place des verges18.
9Une version « renforcée » de l’amende honorable, nommée la hachée, s’élabore au ixe siècle et est toujours en usage à Rouen au début du xive siècle19. La hachée mobilise une symbolique de dérision nettement plus infamante que sa parente. Le condamné s’humilie aux pieds de sa victime en portant un objet incongru, représentatif de sa condition sociale. Le noble porte sur les épaules une selle de cheval ou un chien de chasse, l’ecclésiastique un énorme livre, le paysan une roue de charrue, l’artisan des outils de son métier. L’inversion des attributs de son état contre le défendeur a pour but de provoquer les moqueries de l’assistance et, ce faisant, de le déshonorer. La hachée est réservée aux crimes les plus graves, tels que le meurtre ou la rébellion d’un vassal20. En parallèle, un autre rituel d’humiliation, analogue et datant au moins du xe siècle, contraint à demander pardon en arborant un objet symbolique de la peine de mort, preuve que le suppliant remet sa vie entre les mains de la victime. L’homme noble se présente en tenant une épée nue, entre ses paumes ou posée contre son cou, tandis que les roturiers se passent une corde au cou, comme si on allait les pendre21. Le criminel ne risque pas réellement d’être mis à mort, mais partage tout de même l’infamie de celui qu’on destine à l’exécution. Ainsi, la pénitence publique et l’amende honorable sont à la source d’une famille foisonnante de châtiments infamants, dont chacun se distingue par ses emprunts différenciés à la culture laïque, tels que l’inversion dérisoire ou la ritualité de la peine capitale.
10La seconde famille de peines infamantes restaure l’honneur de la société tout entière et non seulement du demandeur. Durant le xiie siècle se répand au nord du royaume un rituel d’immersion publique n’ayant pas pour but de noyer le défendeur mais de le rendre ridicule. Les Établissements de Rouen condamnent ainsi la « femme convaincue d’être querelleuse ou médisante » à être « attachée par une corde sous les aisselles et trois fois plongée dans l’eau22 ». Par ailleurs, une ordonnance perdue de Philippe Auguste, datant probablement de 1182, commande de jeter dans les eaux d’un fleuve les blasphémateurs23. Ce châtiment, s’il « rappelle lourdement le rituel baptismal [et] avait peut-être aussi une fonction médicinale24 », est surtout une pratique infamante profane, connue concomitamment dans le Parisis et en Normandie. Il est possible que Philippe Auguste ait calqué sa sanction du blasphème sur le traitement normand de l’injure publique, par analogie entre les deux crimes.
11La tradition de l’immersion infamante perdure encore au xve siècle sous des formes locales variées. Dans le sud du royaume, on enferme le perpétrant dans une cage reliée par une corde à une poulie, qui est ensuite descendue plusieurs fois dans le fleuve25. À Metz, ville libre d’Empire, on observe une variante nommée le « saut de la xippe26 ». Le condamné est assis dans « un bassin » solidaire d’un balancier géant qui, selon le chroniqueur Philippe de Vigneulles, ressemble à un fléau27. L’engin se trouve au-dessus d’un égout à ciel ouvert dans lequel le condamné est précipité par l’action du bras mécanique. L’aller-retour est répété plusieurs fois, selon l’envie des juges et du public. Indiscutablement, il existe une famille de peines infamantes d’immersion, traversée par des évolutions autonomes et pleines d’inventivité. Sa description, sa chronologie et son interprétation restent, pour l’heure, un champ historiographique à défricher.
12Dans le Midi, c’est plutôt la « course infamante » qui s’impose comme châtiment au xiie siècle28. Elle vise en priorité les personnes qui ont troublé l’ordre public par leurs mœurs dissolues ou adultères. Les amants – et pas seulement les femmes – sont conduits nus par les rues de la ville, leur sexe rattaché par une corde, sous les quolibets des bonnes gens. En fait, la course des adultères connaît des échos dans les régions septentrionales. Le châtiment de port de pierres de justice, populaire du Hainaut à l’Alsace, lui ressemble quelque peu29. On lit dans la charte de Prisches (1158) que les femmes querelleuses doivent s’attacher au cou une pierre rituelle, gardée par la ville30. Les pierres de justice, dont plusieurs exemplaires ont été conservés31, ressemblent à des boulets retenus par une chaîne et gravés de visages grimaçants, symboles du péché de langue. La proximité rituelle de cette peine avec la course est frappante : une fois la pierre attachée, la condamnée doit la traîner par les rues de la ville sous les yeux de la foule, parfois suivie de sa victime qui lui pique le derrière avec un pieu32.
13L’inventivité et la richesse de ces variations rituelles ne peuvent être résumées en quelques lignes. Comme pour celle de l’immersion, la matrice pénale de la course mériterait sa propre monographie, afin de tirer au clair l’extension et la chronologie de ses nombreuses subdivisions, ainsi que les transferts culturels qu’elles entretiennent entre elles et avec les autres pratiques infamantes.
14Le pilori s’inscrit dans un environnement où les rituels d’humiliation sont des moyens répandus de résolution des conflits. C’est d’autant plus vrai que nous n’avons abordé que des châtiments judiciaires d’humiliation, ou de dérision, sans évoquer les rituels extrajudiciaires du même ordre, tel que le charivari33. Nouvelle pièce du puzzle de l’infamie judiciaire, la mise au pilori emprunte de nombreux traits à ses prédécesseurs. Comme dans l’immersion, le criminel est attaché à un support ad hoc. Comme dans la hachée ou les pierres de justice, on pend à son cou un objet ridicule qui doit susciter la moquerie. Comme dans la course des adultères, le public est invité à participer par l’injure légale, signe d’un intérêt collectif à restaurer la paix publique. Mais si les parallèles sont nombreux, pour autant la peine du pilori ne dérive pas clairement de l’amende honorable, de l’immersion ou de la course. Son déroulement statique et la soumission passive du condamné l’éloignent drastiquement de ces matrices. La peine du pilori se nourrit à vrai dire de tous ses prédécesseurs ; elle s’insère dans une grande famille rituelle, tout en proposant une lecture nouvelle de la fabrique de l’infamie. Au sein de ce milieu, elle est suffisamment unique en son genre pour recevoir un nom propre.
Enquête lexicographique : des mots, une institution
15Les sources donnent à l’exposition un nom dérivé du support matériel auquel le condamné est attaché. On peut ainsi le voir « mis ou pillory34 », « mis en l’eschelle35 », ou plus tardivement placé « en un cep portatif36 ». Mais derrière cette variété, une tendance lourde se dégage : la primauté du « pilori » sur les autres instruments d’exposition, tant d’un point de vue chronologique que quantitatif. Avant les années 1230, période d’apparition de l’échelle, tous les actes recensés désignent l’exposition soit en tant que « pena pillorii37 », soit par l’expression « mittentur in pellori38 ». Même après que les nouveaux supports se sont généralisés, environ 70 % des sentences connues dans le royaume de France continuent d’employer ces formules. L’antériorité et la préférence durable pour le « pilori », malgré les évolutions du rituel, impose de prendre au sérieux ce mot nouveau à l’étymologie contestée.
16Les philologues de l’époque moderne ont considéré la forme lexicale pil(l)ory, ainsi que son pendant latin pil(l)orium, comme des incongruités. Ils inventèrent en conséquence des étymologies, toutes plus fantaisistes les unes que les autres, pour surmonter la difficulté39. Du Cange est le premier à formuler une hypothèse sérieuse, en proposant d’y voir un dérivé du latin pila, ou de son équivalent français pile (pilier)40. Le mot renverrait à l’architecture du support, tronçon de bois planté à la verticale. L’hypothèse est confirmée par les rares sources médiévales qui tentent de trouver un synonyme à pilori, ou de décrire l’objet auquel il renvoie. L’enquêteur dépêché à la Bedosse par le présidial de Nîmes en 1402, pour le règlement d’un conflit de juridiction, nous dit par exemple avoir observé « un grand pilhier sive pillori de bois, tout droit et planté en la terre, en lequel y avoit attaché avec une cheune de fer, ung colier de fer pour atacher les malfaicteurs41 ».
17Si on peut accepter que pile constitue la base de pillory, cela n’explique pas la seconde moitié du terme, -(l)ori. Le Französisches Etymologisches Wörterbuch voit dans la forme latine pil(l)orium le suffixe locatif -orium, qui véhiculerait l’idée de lieu où l’on séjourne pendant un certain temps42. Cette hypothèse soulève des difficultés. Tout d’abord, la hiérarchisation des deux unités lexicales est arbitraire : il n’est pas établi que pillory soit d’origine latine, et même si c’était le cas, qu’il soit un dérivé direct de pil(l)orium. Il est tout autant possible que les attestations latines du xiie siècle soient des tentatives, plus ou moins adroites, de traduire un mot vernaculaire afin de maintenir l’unité linguistique de la charte. La documentation de Saint-Omer plaide en faveur de cette seconde hypothèse, car la charte de 1164, plus ancienne attestation du mot, ne s’encombre pas de cohérence linguistique : elle plaque la forme picarde pellori(n) au milieu du texte latin (mittentur in pellori)43. Les attestations postérieures dans les archives de Saint-Omer ne laissent en effet pas de doute quant à l’origine picarde du mot. Dans les bans municipaux de 1270, les fraudeurs de blé, vendeurs de viande avariée et spéculateurs sur le bétail sont tous menacés d’être « mis el pellorin », ou de finir « sour le pellorin44 ». D’autres bans de la même époque disposent que les drapiers risquent « le pellorin » s’ils fabriquent des draps frauduleux45. Le vocable reste stable au xive siècle : le « vallet oiseus » est encore « metera ou pellorin » en 131946. Autre point qui renforce l’hypothèse que le pellori de la charte de 1164 soit le pellorin vernaculaire plaqué au milieu du texte latin : ce document est coutumier du fait. Son rédacteur cite par exemple, à l’article 43, la ridechoh, un jeu populaire non identifié, sans s’encombrer d’en traduire le nom en latin. Ainsi, il est vraisemblable que le p(e/i)l(l)or(y/i) vulgaire précède le pil(l)orium latin. Ce qui expliquerait d’ailleurs l’étonnante diversité des variations latines du xiie siècle, chaque ville produisant sa propre tentative de traduction.
18Les cinq mentions primaires du pilori sont en effet toutes dissemblables. Au pellori de Saint-Omer s’opposent le pillorium d’Abbeville47, le pelloricum de Saint-Quentin48, le pedioculum de Péronne49 et, enfin, le pilloricum de Rouen50. Ces hésitations sont révélatrices de deux faits. D’une part, l’institution est si jeune et endogène au nord du royaume de France que son nom varie selon les terroirs. Une situation qui tranche notablement avec le triomphe, aux xive et xve siècles, de la forme pillori(c)um dans tout le royaume. Le pedioculum de Péronne est ainsi abandonné au profit d’un pilloricum, mieux connu des copistes royaux, à l’occasion de la confirmation des privilèges de la ville par Charles v en 136851. L’incapacité à s’accorder sur un nom commun à l’espace septentrional, ou même seulement picard, se lit comme le signe d’une institution encore en gestation, tandis que l’unité linguistique tardive est celui d’une institution établie. D’autre part, le morcellement lexical peut aussi être compris comme le fruit de tentatives répétées, mais isolées, de rendre le terme vernaculaire en latin. Chaque copiste apporte une opinion légèrement différente, en modulant le nombre de -l, en ajoutant un -d ou en hésitant entre les suffixes -um et -cum. En définitive, l’état linguistique du xiie siècle, s’il ne permet pas de déterminer le sens précis du terme, prouve du moins que l’institution a émergé récemment, peut-être entre 1100 et 1150, dans la France septentrionale.
19À mesure que la peine du pilori se transmet à de nouveaux territoires, des unités lexicales propres à chaque région apparaissent. Dans le sud-ouest de la France, où l’exposition est mentionnée pour la première fois dans la charte de Bayonne (1215), copie en langue provençale des Établissements de Rouen, le pillory a tôt fait de se métisser avec l’occitan local pour donner la sous-famille de l’espin(g)lori et de l’espillori. Pris par les historiens pour des erreurs isolées de copistes, ces lemmes semblent cependant trop répandus et réguliers pour être interprétés de la sorte. Sous sa version espin(g)lori, la forme lexicale est présente dans les coutumes en langue vernaculaire de Lafox (1254)52, de Meilhan en Bazadais (fin du xiiie siècle)53, de Nomdieu en Bruilhois (vers 1305)54. Sous sa variante espillori, plus stable et propagée, on la rencontre dans les chartes de Clermont-Dessus (1262)55, de Puymirol en Agenais (1286)56, de Lectoure (1294)57, de Tonneins-Dessous (1301)58, de Castel-Sarrasin (1303)59, de Monségur (1305)60, de Marmande (xive siècle)61, de Pujols (xive siècle)62 et enfin de Belvès (1351)63. Il serait absurde de croire que les copistes de douze chartes distinctes et sans filiation directe entre elles aient fait la même erreur à plusieurs décennies de distance. L’adoption, puis le succès, de la base (e)spi(ll/ng)- dans le Midi doit plutôt être l’aboutissement d’un lent amalgame entre le terme-souche et la morphologie de l’ancien occitan. On peut en effet constater que la déformation du mot pillory s’opère progressivement, à mesure que les populations méridionales se l’approprient. Il est néanmoins difficile d’identifier un radical occitan avec lequel le pillory aurait pu s’amalgamer pour donner l’espinglori. Le plus probable est que la déformation se soit faite phonétiquement et empiriquement, sans référence à un terme occitan précis.
20Au xive siècle, une dernière expression désignant le pilori voit le jour dans l’est du Midi français, sans aucune relation apparente avec les formes précédemment étudiées. La charte du consulat d’Uzès (1346) évoque un « costel adreyssat en mercat », qui est la propriété exclusive des consuls et dont ils se servent pour exposer les pains « trop petits64 ». La nature de ce costel ne fait aucun doute : c’est un édifice public dressé sur le marché, qui incarne le pouvoir judiciaire et qui sert à attacher des criminels ou des denrées frauduleuses ; bref, le costel est un pilori. Si le mot a été repéré de longue date en tant que synonyme de pilori, son origine est restée obscure65. Que ce soit en français ou en occitan, les significations de la racine cost(el) ne correspondent pas aux sens véhiculés par le pilori ou sa peine associée66. C’est pourquoi Du Cange se rabat sur la variante latine et propose de voir dans costellu(s/m) un parent éloigné de collaria ou de collistrigium (littéralement « tire-cou »), termes rares qui peuvent désigner le cippus (carcan)67. Cette piste n’est appuyée que sur peu de preuves. Il faut peut-être plutôt explorer les sens de costel dans la langue provençale, dialecte occitan en usage dans l’est du Midi, région d’emploi du terme. Or, uniquement dans cette langue locale, le mot costel, coustel ou cousteu désigne un piège fait de deux mâchoires en bois qui se rabattent sur la proie68. Il est alors possible que costel ait été employé par analogie pour désigner le carcan, pièce du pilori qui se referme sur le cou et les poignets du condamné.
21L’étude lexicographique des différents mots associés à la peine d’exposition fournit suffisamment d’indices pour soutenir quelques hypothèses historiques sur leur origine. Premièrement, la région qui s’étend de la Normandie au Hainaut est l’espace d’origine du pilori et pas seulement celui de sa plus ancienne attestation. Deuxièmement, la diversité des formes lexicales n’est pas aléatoirement répartie dans l’espace et le temps. Elle retrace les circuits de diffusion de l’institution, du nord vers le sud et de l’ouest vers l’est. Troisièmement, le mot vernaculaire pillory précède son équivalent latin, ce qui n’est pas étonnant pour une pratique inventée par le monde laïque et née pour résoudre des difficultés de la société urbaine et marchande. Ainsi, le pilori est une praxis avant de devenir un véritable objet juridique.
Flandres, Artois, Picardie, Normandie : espaces et causes d’apparition du pilori
22La région d’incubation de l’exposition et de son édifice est singulière dans l’Occident du xiie siècle. Depuis la fin du xe siècle, le nord du royaume connaît une urbanisation galopante, soutenue par les prémisses d’un commerce interrégional. Cela aboutit, à partir de 1060, à la consolidation de pôles urbains importants, dont les autorités contrôlent un arrière-pays étendu par la centralisation des échanges économiques et monétaires, de la fiscalité et des pouvoirs législatifs. L’intensification de la circulation de la monnaie fait des villes de Hainaut et de Flandre d’abord, de Ponthieu et de Normandie ensuite, des foyers de « monnayeurs » et autres « orfèvres », de « marchands fameux » et d’affairistes. La place de ces artisans-entrepreneurs est telle que les autorités canoniques décident de condamner l’usure pour la première fois au concile de Reims de 104969.
23Si ces cives enrichis, qui ne forment pas encore la bourgeoisie franchisée du xiie siècle, sont en théorie dominés par des seigneurs et, plus largement, par la caste des milites, ils entretiennent en pratique avec ces derniers une relation ambivalente, autant faite de compétition que d’intérêts partagés. D’un côté, la société des cives tire profit des structures de régulation instaurées par les pouvoirs seigneuriaux, de l’autre elle doit « se défendre […] de leurs réactions successives pour l’exploiter au maximum70 ». Les rivalités économiques tournent régulièrement aux vendettas et aux combats de rue, comme c’est le cas à Cambrai en 1070 lorsque des milites aigris par la réussite des marchands locaux et avides de profit décident de piller leurs boutiques71. Inversement, la période 1060-1150 est secouée de révoltes spectaculaires. Un des premiers actes politiques de la jeune commune de Laon est, en 1112, d’assassiner son seigneur évêque72.
24Les tumultes et mutations sociales qui animent ces noyaux urbains au tournant des xie et xiie siècles sont décisifs pour comprendre l’invention de toute une série d’institutions politiques, fiscales et judiciaires, dont un des buts est de forger un nouveau compromis acceptable par tous ces agents sociaux. Le pilori s’insère dans ce contexte en étant une des institutions qui, modestement et en concurrence avec d’autres, participe à la stabilisation et à la pacification de la nouvelle société marchande. L’invention du pilori est ainsi permise par des facteurs structurels communs à toute la région, ainsi que par une organisation nouvelle de l’espace du marché urbain.
L’influence des mutations économiques et sociales du xiie siècle
25L’espace de naissance du pilori est structuré par le réseau des « villes drapantes », pôles qui concentrent la chaîne de production des textiles et leurs circuits d’échange73. Les intérêts économiques de ces villes sont intimement liés entre eux, par les cycles de foires régionales et le système des hanses occidentales74. De ces échanges tout au long de l’année naît une culture commune aux marchands du nord, qui se connaissent et se fréquentent par-delà les frontières politiques. La cristallisation, durant la période 1100-1150, des premières guildes et communes découle directement de ce mouvement culturel. Ces deux institutions se confondent au départ quelque peu, puisque les confréries de métier, ou guildes, ne servent pas qu’à réguler les productions et conditions de travail des compagnons, et à résoudre les conflits entre artisans, mais ont aussi des ambitions politiques75. Le flottement du vocabulaire en témoigne : la conjuratio des premières années du xiie siècle, souvent formalisée par un simple serment oral entre membres fondateurs, peut indistinctement désigner une association professionnelle, partisane ou politique, tant qu’elle est menée par des notables de la ville76. Ce qui prime, c’est la solidarité entre les conjurés face aux forces extérieures et l’élaboration de règles équitables entre eux. Par négociation ou par affrontement, ces conjurations parviennent au cours du xiie siècle à s’élever à l’état d’institutions politiques semi-autonomes, les communes. L’historiographie récente a insisté sur l’ambivalence des communes, à la fois représentantes de leur seigneur et pouvoir centrifuge. Elles sont le produit d’un compromis instable entre un pouvoir personnel qui n’abandonne presque jamais la totalité de ses prérogatives et une oligarchie urbaine devenue trop puissante et organisée pour se contenter de l’état de sujet77.
26Le développement économique, l’intégration à un commerce interrégional et enfin la fondation de conjurations et communes, sont trois éléments de contexte partagés par les cinq villes où des piloris s’observent avant 1200. Saint-Quentin est peut-être la plus précoce d’entre elles, avec une conjuratio politique attestée en 1081 et érigée en commune par les Établissements de 115178. Les bourgeois de Saint-Omer négocient leur première charte de franchise connue en 112779. Ceux d’Abbeville l’obtiennent à la même période et ceux de Péronne avant 115180. Enfin, la commune de Rouen a une histoire légèrement plus tardive. Les cives Rothomagi obtiennent du roi-duc Henri ii une charte de privilèges fiscaux et commerciaux vers 1150, dont le Plantagenêt dit qu’elle est une confirmation d’une charte perdue de son père81. Par la suite, les marchands de Rouen consolident leur pouvoir en accumulant des privilèges ponctuels, jusqu’à obtenir le droit, avant 1171, d’être représentés par des « legitimi homines », ancêtres des échevins82. Enfin, le terme communia fait son entrée dans le noyau primitif des Établissements de Rouen, vraisemblablement rédigé entre 1180 et 1185.
27Évidemment, la corrélation de ces facteurs ne vaut pas démonstration des causes de l’émergence du pilori, institution pénale a priori bien éloignée des considérations commerciales ou politiques. Le bouillonnement social du xiie siècle crée cependant des besoins institutionnels nouveaux, y compris judiciaires, auxquels répondent de manière différenciée chaque région d’Europe. L’analyse des documents du premier siècle d’existence du pilori dévoile un lien de causalité entre les prétentions des autorités politiques en compétition pour le contrôle des villes marchandes et les usages primordiaux de l’institution. D’un côté, le pilori est élevé au sein du marché et symbolise sa protection par un pouvoir seigneurial plus ou moins délégué aux échevins. De l’autre, il incarne la « vengeance commune83 » des habitants, conception de la justice promue par les institutions communales.
Une marque de protection et de propriété du marché
28Localiser avec précision les piloris du xiie siècle est une tâche difficile car les chartes communales n’apportent pas d’autre information que l’existence de l’objet, son nom et ses usages pénaux. C’est surtout à partir du xiiie siècle que des documents affirment clairement que des piloris sont élevés dans l’enceinte du marché. La charte d’arbitrage de mai 1227, conclue entre le comte Thibaud IV de Champagne et l’évêque de Meaux pour fixer le partage juridictionnel du nouveau centre d’échanges de la ville, fait partie des plus anciens textes permettant de situer un pilori en son marché84. Cela étant, il nous semble possible d’affirmer que les premiers piloris étaient implantés au même endroit que ceux du xiiie siècle, en nous appuyant sur la nature de leurs usages pénaux. En ces temps d’invention de l’institution, les principaux crimes punis du pilori sont le larcin et la fraude, c’est-à-dire les risques redoutés par les usagers du marché. Les Établissements de Rouen expriment cet enjeu d’identification des individus dangereux par la population : « le larron ou le faussaire sera jugé par la commune et mis au pilori pour que tous le voient et le connaissent85 ». Plus tard, d’autres chartes réservent même l’exposition à ceux qui troublent la paix du marché local, tandis que les délinquants officiant ailleurs n’écopent que d’une amende. Les statuts de Narbonne de 1275 considèrent ainsi que seuls « les voleurs qui ont volé dans le marché au blé doivent être mis au pilori86 ». La peine du pilori a pour rôle premier de pacifier le marché, de permettre à chacun d’acheter et de vendre en confiance et sans scandale. Ceci étant accepté, il devient alors logique que le pilori ne peut se trouver que dans l’enceinte du marché, afin que sa présence assure à chacun que la paix des transactions est correctement défendue.
29À partir du milieu du xiiie siècle, l’enrichissement de la documentation permet de penser que le pilori fait même partie des éléments de définition et de délimitation de l’espace du marché. La vue de l’édifice confirme qu’on se trouve dans l’espace légal de transactions, qu’il s’agisse du marché permanent ou d’une foire plus ponctuelle. D’après une ordonnance du prévôt de Paris de 1283, la foire de Saint-Ladre doit se tenir « parmy les halles et pardevant le pillory » pour être légale87. De même, on voit en 1307 le sénéchal de Poitou interdire de commercer en dehors des « places qui ordenées sont à vendre à Poytiers : c’est assavoir au viez marchié et en la place do Pilori88 ». Pour des raisons d’ordre technique, il n’est toutefois pas toujours possible pour un seigneur d’élever son pilori dans le marché. Le châtelain de Verdun a ainsi dû, en 1398, se résigner à « fond[er] dans la rivière du Doubs » son pilori « pour ce que en ladite ville […] n’avait place où l’on peust bonnement le drescier pour qu’il feust en la vue des gens venanz au marchée89 ». Encore une fois, la question de l’empreinte visuelle du pilori est fondamentale : c’est parce qu’on voit le pilori que l’on sait qu’il est légal de vendre et d’acheter. Faute de mieux, le seigneur de Verdun place son pilori sur le pont qui mène à la ville, très fréquenté par les marchands et badauds voulant se rendre au marché90.
30En tant qu’édifice public, le pilori matérialise en fait la totalité des droits et régulations de son propriétaire sur le marché, et pas seulement son pouvoir de juger. Le poteau est censé rappeler à tous non seulement que le marché est placé sous la sauvegarde d’un haut justicier, mais également qui y détient la plénitude des autres capacités seigneuriales, comme la désignation des lieux de vente et de placement d’étaux, la levée des taxes et péages, ou le droit d’adjudication publique91. Le marché n’est en effet pas qu’un pôle d’échanges. En ce lieu central convergent les impôts seigneuriaux payés par les villageois du plat pays92, se tiennent de nombreux rituels de justice et se crient les règlements et ordonnances seigneuriales93. C’est certainement pour représenter cette mainmise du seigneur sur l’espace du marché, et la multiplicité de ses pouvoirs, que le pilori arbore les armes de son propriétaire. Pour des raisons de conservation, ce détail de la matérialité des piloris n’est révélé que par des actes tardifs, notamment des contrats passés avec des artistes pour rénover les panonceaux. Les comptes de la ville d’Amiens portent par exemple la trace d’un paiement de quatre sous versé le 22 juin 1444 à « maistre Jehan Marmion, paintre demourant à Amiens pour sa paine et salaire d’avoir paint à oeulle et de ses couleurs, les armes d’Amiens sur une banière d’arain à l’un costé et à l’autre comme pour or et couleurs, laquelle banière est mise ou pilory, ou marchié d’Amiens94 ».
31Au fil des sources, une idée revient sans cesse : celle d’un édifice au service du bon fonctionnement du marché urbain, ou plutôt du respect des intérêts de son propriétaire sur cet espace stratégique. Le pilori n’est pas qu’un équipement du jus puniendi qu’on élèverait sur la place du marché pour maximiser la publicité de ses supplices. Il revêt, du moins dans la documentation postérieure au milieu du xiiie siècle, des significations juridictionnelles étendues. En cela, l’érection d’un pilori permet de répondre à deux ambitions des autorités judiciaires confrontées au rassemblement hebdomadaire d’une population hétéroclite, parfois étrangère, attirée par le marché. Par sa présence et l’usage de sa peine associée, l’édifice participe à la protection des consommateurs, à l’élaboration d’une paix relevant du bien public. Dans le même temps, il représente les privilèges du propriétaire du marché, leur étendue et leur caractère exclusif, notamment contre les prétentions des seigneurs concurrents de la ville. Le pilori peut donc être conçu comme l’incarnation métonymique du seigneur justicier : il en est à la fois l’œil qui surveille les comportements, le bras qui les punit et le rappel permanent de ses droits inaliénables.
32À ce point de l’analyse, une difficulté issue de la faiblesse de la documentation du xiie siècle surgit. Contrairement aux sources des siècles suivants, qui révèlent une large variété de propriétaires de piloris – hauts justiciers tant laïques qu’ecclésiastiques ou communaux –, celles antérieures à 1200 sont uniquement issues du contexte communal. Le réflexe méthodologique porte d’abord à considérer cet état de fait comme un biais de sources, puisque les chartes forment la majeure partie des actes conservés pour cette période. Cependant, l’étude du contenu des premières chartes et la prise en compte des missions et représentations propres aux échevins montrent que l’apparition du pilori dans des communes n’est pas l’effet d’un biais de conservation. L’institution pénale permet en effet de mettre en scène la solidarité des bourgeois, rassemblés autour de leurs représentants élus.
Une institution au service de la « vengeance commune » des bourgeois ?
33Il est frappant de constater que la peine du pilori est absente des plus anciennes leçons des chartes des cinq communes. À Saint-Omer, il faut attendre la confirmation des privilèges communaux par Philippe d’Alsace en 1164, presque 40 ans après la charte originelle, pour que l’institution soit mentionnée. Écart à peu près semblable au demi-siècle qui sépare la fondation de la commune d’Abbeville et l’apparition du pilori dans sa charte de 118495. De même, à Saint-Quentin, les Établissements de 1151 ne connaissent pas la peine infamante. La charte de la comtesse Aliénor de Vermandois, accordée à la ville vers 1182, ne la mentionne toujours pas, peut-être parce que ce document ne détaille pas le sort réservé aux voleurs pris par la justice échevinale96. C’est la confirmation de cette charte en 1195 par Philippe Auguste qui mentionne le pelloricum pour la première fois. La commune de Péronne connaît une histoire parallèle : la confirmation de ses privilèges par le roi de France en 1207-1209 fait apparaître un article nouveau réservant la mise au pilori des voleurs aux échevins97. C’est encore un acte produit par les clercs de Philippe Auguste qui porte mention du pilori à Rouen, à l’occasion de la réécriture de ses Établissements dans un cartulaire royal en 120498.
34Il est suspect que dans trois des cinq cas, le pilori s’invite dans la tradition locale à l’occasion d’une intervention du Capétien. Les articles de Saint-Quentin, Péronne et Rouen comportent cependant trop de différences formelles pour être attribués à une matrice unique qui aurait été recopiée selon trois leçons différentes. Ils ne partagent aucune structure grammaticale ou syntaxique et emploient des vocabulaires assez éloignés. L’action de mise au pilori est représentative de cette variété : le condamné « per scabinos in pellorico ponere debet » à Saint-Quentin, « judicabitur per communiam et ponetur in pillorico » à Rouen et les autorités de Péronne « convictum in pillorico poni facient ». On doit par conséquent éloigner l’hypothèse que le pouvoir royal ait interpolé une disposition inconnue des locaux, ou du moins qu’il ait existé un texte antérieur, mais perdu, dont il aurait imposé la copie à chaque ville conquise.
35Du point de vue de la procédure, les trois articles présentent cependant des similarités certaines. Ils énoncent dans quelles circonstances un larron capturé doit être remis aux échevins, ainsi que les étapes d’un processus judiciaire qui sépare les tâches et profits leur revenant de ceux dont le représentant du roi conserve l’exclusivité. Bien que chaque procédure varie dans le détail, leurs étapes générales sont les mêmes. Le criminel est tout d’abord « rendu aux échevins » pour qu’ils le jugent, parce qu’il a été trouvé dans les limites de leur juridiction. Eux seuls possèdent le droit d’envoyer le défendeur au pilori s’il est reconnu coupable par témoignage. Puis, une fois le temps de la peine terminé, le voleur est remis au représentant du roi, qui porte le titre de châtelain (castellanus). S’ouvre alors un second volet judiciaire qui doit déterminer comment seront répartis les exploits du cas jugé, c’est-à-dire les gains matériels obtenus par chaque juridiction. Ainsi, les privilèges de haute justice sont partagés entre les deux institutions, puisque le roi se réserve le droit de confiscation – et peut-être d’épave –, tandis que les échevins obtiennent le monopole de la mise au pilori.
36Or, la charte d’Abbeville, rédigée un an avant la prise de la ville par le Capétien, et qui ne peut en conséquence pas être soupçonnée de porter une clause adventice, comporte une procédure quasiment identique, provenant assurément de la même tradition pénale99. Comme dans les trois documents postérieurs, le voleur capturé passe tour à tour entre les mains des échevins et de l’officier du seigneur – lequel porte cette fois le titre de vicecomes, représentant du comte de Ponthieu. Aux premiers revient la satisfaction de la mise au pilori, au second celle d’obtenir les profits dégagés par la cause, une fois son dû rendu à la victime. La charte d’Abbeville est par ailleurs la plus claire quant à l’enchaînement temporel des épisodes judiciaires. La satisfaction matérielle des parties est la priorité des juges, puis la vengeance du pilori s’applique, et enfin le condamné est rendu au vicecomes pour recevoir le complément de peines approprié à la gravité de son méfait. Manifestement, il s’agit d’une forme de compromis trouvé entre les deux institutions dépositaires de parcelles de la haute justice du comte. La consolidation par la commune d’une juridiction autonome n’est pas encore achevée ; les échevins composent donc avec la concurrence d’officiers directs de leur seigneur. La charte d’Abbeville, témoin indépendant du pouvoir royal, permet d’affirmer que le partage réservant le pilori aux échevins et les exploits au seigneur est une coutume d’origine picardo-normande, qui connaît des déclinaisons assez fines selon les localités. Chaque ville, tout en suivant le même schéma directeur, en propose une interprétation originale.
37Cela étant, une interrogation de fond demeure : comment expliquer la constance de la répartition des fonctions judiciaires ? En d’autres termes, pourquoi les échevins reçoivent-ils systématiquement et uniquement l’exclusivité de la peine du pilori, tandis que les profits et autres peines arbitraires reviennent au seigneur ? L’hypothèse matérialiste, et un peu cynique, selon laquelle le seigneur choisirait d’externaliser la partie la plus coûteuse de la procédure, tandis qu’il garderait la plus rentable, rencontre une limite immédiate. S’il n’était dirigé que par l’appât du gain et l’optimisation de ses revenus, le seigneur aurait également délégué à la commune les rituels de mise à mort et de mutilation des voleurs, encore plus coûteux en matériel et en salaire d’exécuteur de justice que l’exposition infamante. En fait, la nature ciblée de la délégation ne peut être comprise qu’en explorant les avantages symboliques que le pilori offre à la communauté bourgeoise et qui pourraient expliquer que les échevins ont intérêt à en demander, et à en obtenir, le monopole.
38D’après la coutume de Rouen, la sentence échevinale du pilori se fait « per communiam100 », c’est-à-dire au nom de tous les bourgeois rassemblés et non en celui du seigneur ou des membres du Conseil de ville. Une telle allusion n’est pas sans rappeler d’autres passages qui insistent sur la dimension représentative de la justice échevinale. Par leur serment d’entraide, les conjurés se doivent « vengeance commune », expression répétée dans cinq articles de la charte de Saint-Quentin101. Les premières communes ne sont pas à proprement parler des juridictions de haute justice, mais plutôt des structures vouées à la protection de leurs membres, ce qui implique une sorte de socialisation de leur capital d’honneur. Frapper un bourgeois, c’est offenser la commune et inversement. Cette idée explique une bonne partie des traits récurrents des chartes communales, comme le fait que les étrangers qui agressent un juré encourent une peine plus dure que celle requise dans les conflits internes à la conjuration102. On pourrait dire que le maire et les échevins sont, à l’origine, l’incarnation institutionnelle d’une vengeance collective spécialisée dans la réparation de blessures socialisées.
39En obtenant le monopole de l’exposition des larrons, les Conseils ne font pas que détourner une parcelle de la haute justice du seigneur en vue de fonder ou renforcer leur juridiction indépendante. D’ailleurs, si c’est bien à cela qu’aboutit la translation des privilèges judiciaires, il serait téléologique de faire passer cette conséquence pour une motivation a priori des agents communaux. Il est plus prudent de penser que les échevins ont vu dans la peine du pilori un moyen efficace d’exprimer le caractère collectif de la vengeance publique. Parce qu’il invite les habitants à participer à l’humiliation du criminel, le rituel d’exposition permet aux autorités de faire des justiciables les acteurs du « commun profit103 ».
40Il ressort de tout cela que le pilori devait être, durant la première moitié du xiie siècle, une institution seigneuriale fondée pour défendre les privilèges des fondateurs de nouveaux marchés, mais qu’elle a promptement été récupérée, dans les années 1160-1180, par les bourgeois, premiers intéressés à la paix du commerce. Les échevinages des villes drapantes trouvent dans cet objet juridique un outil adapté aux besoins de leur société urbaine naissante. Le pilori permet tout à la fois de sécuriser les transactions, de rappeler les privilèges des gardiens du marché et de théâtraliser l’union du peuple et de l’oligarchie marchande contre le voleur-fraudeur, figure mythifiée de l’ennemi. Autant d’enjeux qui sont au cœur du projet politique des communes du xiie siècle.
Une distribution inégale des premiers piloris : des lenteurs de Flandre-Hainaut aux succès du Ponthieu
41La capacité de la peine du pilori à répondre efficacement à une partie des défis politiques générés par les mutations économiques et sociales du milieu du Moyen Âge peut être considérée comme une des causes majeures de son invention. Il est néanmoins nécessaire de distinguer dans l’analyse les causes d’invention et d’adoption. Ce n’est pas parce que les échevins des cinq communes originelles se saisissent de cet outil judiciaire que d’autres échevinages de la même région, mis face aux exactes mêmes questions politiques, ne pourraient pas développer d’autres réponses institutionnelles tout aussi pertinentes. La nature empirique du développement communal implique que les accommodements trouvés entre seigneur et échevins sont à la fois contingents et disparates.
42Nous verrons qu’il est incertain que les villes les plus septentrionales des comtés de Flandre et de Hainaut aient adopté le pilori avant le début du xiiie siècle. A contrario, l’institution jouit d’un succès fulgurant dans le comté de Ponthieu, où des piloris de village semblent apparaître au cours des années 1200-1210. Nous analyserons ce premier maillage serré de piloris connu afin de déterminer s’il est la trace d’une véritable primo-diffusion de l’institution, ou si les copies de la charte d’Abbeville biaisent les résultats. Il en résulte en tout cas que la répartition spatiale des premiers piloris est fortement inégale selon les régions.
Des disparités d’implantation dans les grandes villes drapantes
43À la mort de son père Thierry en 1164, le premier geste politique du comte de Flandre et de Vermandois Philippe d’Alsace est de confirmer les privilèges communaux de quasiment toutes les villes drapantes appartenant à ses terres. Il profite de cette occasion pour promulguer un droit rénové qui fait figure de compromis avec les oligarchies bourgeoises104. C’est ainsi qu’entre 1165 et 1177, le comte accorde des chartes nouvelles aux villes de Bruges, Douai, Gand, Lille et Ypres105. La matrice documentaire formée par ces cinq documents, dont on ne conserve que des copies tardives, est nommée la « Grande Keure des villes flamandes » par l’historiographie106. La Grande Keure rencontre un vif succès, y compris en dehors du comté : des versions remaniées en sont accordées à Orchies, Aardenburg, Hulst, Audenarde (1190), Termonde (1233) ou encore Saint-Dizier en Champagne (1228)107.
44Nous disposons donc, en recoupant les différentes leçons, d’une idée assez précise d’une tradition législative contemporaine et voisine des cinq chartes à pilori. En effet, Philippe d’Alsace possède aussi des droits sur les communes de Saint-Omer, Saint-Quentin et Péronne. Autant dire que tout est réuni pour que des transferts institutionnels s’opèrent entre ces deux groupes de villes drapantes. Pourtant, aucune des leçons de la Grande Keure flamande ne porte mention de l’exposition infamante. Par exemple, alors que la charte de Saint-Omer prévoit une amende de 40 sous et une menace de mise au pilori en cas d’injure publique108, celle d’Ypres se contente d’une amende modérée de « V sols [au demandeur] et a la justice XII deniers109 ». Concernant le vol, crime souvent associé au pilori, la Keure émet une distinction entre larcin et brigandage. Le bourgeois coupable de « reuberie ou de larchin […] ne peut plus perdre que LX livres », ce qui sous-entend que la peine coutumière antérieure était plus sévère et que les étrangers, exclus de la protection de la Keure, risquent toujours bien pire110. Pour le brigand, la sanction est la peine capitale, quelle que soit sa condition sociale111.
45Cela étant, l’absence du pilori dans la Grande Keure ne signifie pas nécessairement qu’il était inconnu des habitants. Le document comporte une série d’omissions qui forment autant d’interstices où la peine d’exposition pourrait se nicher. En particulier, les châtiments appliqués par la justice comtale directe ne sont jamais mentionnés. Comme la charte liste seulement les privilèges judiciaires communaux, tous les cas tus restent à la discrétion du comte et de ses officiers. Il est possible que des piloris s’élevaient sur les places de Bruges, Gand, Douai, Lille et Ypres dès l’époque de Philippe d’Alsace, ou au plus tard avant 1220, mais que leur usage n’ait pas été délégué aux échevinages locaux.
46Quelques documents permettent d’appuyer cette hypothèse. Un pilori lillois est évoqué par un chroniqueur anonyme à l’époque de la comtesse Jeanne, petite-fille de Philippe d’Alsace112. Il nous dit qu’en 1225, un roturier se faisant passer pour Baudouin IX, père de la comtesse, fut attaché à « un pilori tout nuef qu’on li fist en mi le marchié de Lisle » avant d’être emmené au gibet. À supposer que l’information soit exacte, il n’est pas aisé de savoir si Jeanne de Flandre inaugure à cette occasion une institution nouvelle à Lille, ou si elle rénove un vieux pilori pour que la splendeur de sa justice soit à la hauteur de l’importance du cas. La description du châtiment du faux Baudouin corrobore plutôt la seconde option. L’exécution est en effet conçue pour optimiser son efficacité symbolique. Il est juché sur un roncin et accompagné de grands chiens en signe de dérision ; surtout, il « fu penduz à un chainnon tout nuef de fer, que la corde ne rompist ; et pendi un an ou plus113 ». Tout comme Jeanne a réparé et renforcé le gibet de chaînes pour s’assurer que l’imposteur ne puisse bénéficier d’aucun miracle de sauvetage, elle peut avoir refondé l’ancien pilori de Lille pour appuyer un rituel pénal hors norme.
47Un autre document, cette fois originaire d’Ypres, trahit le maintien d’un pilori comtal non délégué à la commune jusque très tardivement. Les peines d’exposition contenues dans les registres du Conseil de ville montrent qu’en plein xive siècle, la commune ne possède qu’une échelle de justice, objet symboliquement inférieur au pilori114. Il existe pourtant un pilori planté au centre du Grand Marché d’Ypres, attesté au xiiie siècle115. Il convient donc d’en déduire que, contrairement à Saint-Omer, le comte a gardé la main sur le pilori d’Ypres. Dans ces circonstances, son absence dans la Keure de la ville révèle moins l’inexistence de l’institution pénale que le refus du comte de la déléguer aux autorités communales.
48Mais ce type de démonstration peut-il être étendu à toutes les communes septentrionales où la documentation fait défaut ? Faut-il croire que, parce qu’on perçoit des piloris cachés à Lille et Ypres, alors toutes les villes drapantes devaient en être munies avant 1250 ? Non, et le cas du pilori tardif de Valenciennes prouve qu’il faut être extrêmement prudent avant de généraliser des démonstrations locales. Le chef-lieu du comté de Hainaut, qui ne fait pas partie du royaume de France, dispose d’institutions communales au moins depuis l’obtention de la charte dite Paix de Valenciennes en 1114116. L’oligarchie marchande locale est farouchement indépendante et revendicative ; elle combat par exemple le comte de Hainaut Jean II d’Avesnes entre 1290 et 1297117. Bref, tous les facteurs sont réunis pour que le pilori soit adopté par la ville et passe sous contrôle échevinal, afin de symboliser l’autonomie du Conseil. Et pourtant, si Valenciennes connaît l’exposition infamante sous la forme de la mise au carcan au milieu du xive siècle118, ce n’est qu’en 1500 qu’un « pilori fut fait et assis dessus le pont Néron, que jamais on ne avoit vu en la ville119 ». Soit un décalage institutionnel de plusieurs siècles avec les villes voisines. Si la majorité des villes drapantes du nord de l’Europe occidentale devait connaître le pilori avant 1250, des cités proches de son espace d’origine s’en désintéressent longtemps.
49Dans le cas des chartes de la tradition Prisches-Beaumont, l’absence de pilori semble être le fruit d’une âpre concurrence entre peines infamantes. La ville de Prisches, située dans le comté de Hainaut, reçoit une charte d’autonomie en 1158 du seigneur d’Avesnes120. Avant 1250, une trentaine de bourgs du Hainaut et du Vermandois adoptent des variantes de ces statuts. Or, pour les infractions où leurs voisines immédiates emploient le pilori, notamment l’injure publique, les communes de la tradition Prisches-Beaumont préfèrent recourir au port des pierres de justice121. Les peines infamantes, à leurs balbutiements, semblent s’exclure mutuellement, peut-être parce qu’il serait inefficace de s’encombrer de doublons juridiques.
50Dans certaines parties des comtés de Flandre et de Hainaut, le pilori reste donc inconnu au moins jusqu’en 1250 et parfois jusqu’à l’aube de l’époque moderne. Chaque ville possède sa propre histoire institutionnelle et fait preuve de créativité pour relever des défis analogues d’ordre public. Ainsi, ce n’est pas parce qu’on constate que l’exposition finit par s’imposer dans toutes les villes de France à la fin du Moyen Âge qu’il faudrait croire qu’elle devait nécessairement l’emporter sur ses alternatives. Seule la multiplication des observations localisées, sans généralisation aucune, permet d’identifier les limites de son espace d’invention et de primo-diffusion. La thèse d’une zone d’origine englobant la Flandre, l’Artois, le Vermandois et le Ponthieu sort en tout cas renforcée de l’étude des échecs de sa diffusion en Hainaut et en Gâtinais.
La transmission de la charte d’Abbeville : des piloris de village pour armer les marchés locaux ?
51Concentrons-nous pour finir sur le comté de Ponthieu, petit ensemble territorial détaché du domaine royal par Hugues Capet en 996, dont le chef-lieu est Abbeville et qui se trouve sous le contrôle d’une lignée indépendante jusqu’en 1272, date à laquelle le comté devient une dépendance de l’Empire plantagenêt. L’édition systématique par Robert Fossier des chartes de franchises de ce comté éclaire les processus de transmission de la charte d’Abbeville à un réseau de villages avoisinants, parfois si minuscules qu’on s’étonne de les voir jouir de droits analogues à ceux d’une ville drapante autonome122. De 1192 à 1218, quinze localités de faible envergure adoptent une copie quasiment conforme de la charte du chef-lieu du comté, ce qui permet d’analyser avec précision la circulation du pilori au sein d’un espace cohérent.
52Un succès d’une telle ampleur soulève cependant des doutes quant à la véracité de l’application des clauses transmises par Abbeville. En effet, tout ce que l’on peut affirmer sans extrapoler est que le comte de Ponthieu a fait copier une charte urbaine et a ordonné, parfois impérieusement, parfois avec l’accord des prud’hommes locaux, qu’elle soit plaquée sur le monde villageois. L’éventualité est par conséquent grande que les habitants aient reçu des dispositions qui leur étaient étrangères, ou qu’ils ne comptaient pas vraiment appliquer. Considérer que la pena pillorii des versions rurales de la charte d’Abbeville est une attestation de piloris réels, et non le résultat d’une copie servile, serait donc périlleux. Cela étant, il est tout aussi envisageable que certaines lois d’Abbeville étaient déjà connues et appliquées dans son plat pays sous la forme de coutumes orales123. A minima, la rapide diffusion de la charte d’Abbeville consacre la maturation des « échevinages ruraux » au tournant du xiie et du xiiie siècles, conséquences institutionnelles de l’intégration des bourgs aux réseaux d’échanges et de migrations pilotés par leur pôle urbain.
53La concession de la charte d’Abbeville entraîne la communication de son article 2, qui réserve aux échevins l’exclusivité du droit de mettre au pilori les larrons capturés dans le ban communal. Parmi les quinze chartes villageoises connues qui reprennent les statuts abbevillois, onze contiennent, avec des variations mineures, la phrase « Fur autem a scabinis primo judicabitur et penam pillorii sustinebit124 ». L’impossibilité de confirmer cette mention dans quatre des quinze villages de la tradition abbevilloise tient à des contingences documentaires. Pour deux d’entre eux, la perte de la charte empêche de vérifier si l’expression s’y était maintenue125. La charte de Labroye, accordée par le châtelain Pierre d’Amiens en 1194, est quant à elle certes conservée, mais alors que son préambule affirme que le village adopte les coutumes abbevilloises, « on n’y trouve aucun des éléments de la charte d’Abbeville, à moins qu’il ne faille comprendre que la teneur en est sous-entendue et s’ajoute aux articles propres à Labroye126 ». Enfin, la charte de Hiermont, accordée en 1192, présente un article 2 amputé de son pilori. Du moins si on en croit la traduction française qui en a été faite au xviiie siècle, unique leçon conservée de l’acte. Son auteur a décidé de rendre la fin de l’article 2 par la phrase suivante : « et sera le larron jugé premierement par les eschevins, et après sera baillé à mes justiciers et officiers127 ». Or, il est hautement improbable que Hiermont soit le seul village où on ait précisément écarté les quatre mots « et penam pillorii sustinebit ». On peut supposer que la charte originale contenait cette expression, comme ses onze sœurs connues, mais qu’elle a été tronquée par le traducteur moderne.
54Les chartes de Picardie révèlent l’existence d’un maillage serré de communes rurales, mais dont la tradition coutumière locale est en partie masquée par l’adoption d’un modèle exogène. La propagation de l’article 2 de la charte d’Abbeville permet néanmoins de soulever une question capitale : à quelle période les piloris sont-ils sortis du contexte urbain pour germer sur les places de village ? Le processus de ruralisation de l’institution est manifestement achevé vers 1250, date à laquelle un pilori est observable dans le village de Cosne-sur-Loire128, et qui inaugure une période où les actes de la pratique commencent à fourmiller de piloris villageois authentiques. Mais si on considère que les chartes des villages picards attestent une adoption réelle de l’institution par le plat pays, alors la datation des piloris ruraux peut être reculée aux années 1200. Qu’on retienne la date butoir de 1200 ou de 1250, la transmission du pilori au monde rural s’avère précoce. Elle s’explique certainement par l’intégration des bourgs aux réseaux économiques de leur chef-lieu, ce qui entraîne une diffusion d’institutions politiques et judiciaires urbaines vers le plat pays129.
Conclusion
55L’exposition infamante et le pilori sont les deux versants d’une même institution qui naît vers 1150 dans les villes drapantes, plutôt francophones, de Flandre, Artois, Vermandois et Ponthieu. Sa forme rituelle et pénale s’élabore à partir d’une tradition prolixe de peines de dérision initialement propres aux justiciers laïques, tout en entretenant des liens plus distendus avec les rituels d’humiliation d’inspiration pénitentielle. La peine du pilori est à coup sûr endogène à la période tardo-médiévale et n’a pas à proprement parler d’ancêtre direct. Au mieux peut-on y voir la rencontre féconde de la hachée et de la course, dont les principes rituels sont condensés, ou réinterprétés, dans le cadre d’une mise en scène originale par son caractère statique. Peut-être peut-on considérer, en suivant Adriaan Verhulst, que le gibet érigé sur la place du marché d’Ypres en 1127 pour pendre l’assassin du comte de Flandre Charles le Bon est un prototype de pilori, mais l’hypothèse est invérifiable130. Quoi qu’il en soit, l’exposition ne peut pas être antérieure à la période 1050-1100, car son invention a pour but premier de résoudre les difficultés de maintien de l’ordre public issues de l’essor des foires et marchés, lieux de brassage de populations perçues comme étrangères ou à risque.
56La peine du pilori reflète en effet deux préoccupations majeures des oligarchies urbaines qui s’organisent en conjurations à cette époque. D’une part, elle assure la protection des transactions et de la paix sociale dans l’enceinte du marché, cœur matériel et symbolique de leur ascension sociale. D’autre part, elle donne corps à la solidarité en actes que jurent les membres des premières communes, sous les traits d’un rituel d’exclusion qui permet de réaffirmer la limite séparant le monde des bonnes gens de celui des gens scandaleux. Il n’est pour autant pas assuré que le pilori soit une institution d’inspiration échevinale. Bien que son existence soit dévoilée par les chartes communales, leur analyse convainc qu’il s’agissait d’une institution seigneuriale plus ancienne, servant à montrer les droits du fondateur, propriétaire et protecteur du marché. Mais son entrée en résonance avec les besoins des agents économiques, ainsi que son statut d’édifice symbolique du pouvoir justicier, en ont fait un objet de convoitise pour les jeunes autorités échevinales. De fait, au seuil du xiiie siècle, les piloris d’au moins sept grandes villes marchandes sont soit partagés entre le seigneur tutélaire et la commune, soit totalement accaparés par cette dernière. La tendance va en se raffermissant, puisque le xive siècle voit aussi la capture du pilori seigneurial par les communes de Dijon, Lille, Amiens, Bordeaux et combien d’autres grandes villes.
57Il reste que l’adoption, puis la diffusion, du pilori sont des réalités empiriques, contingentes, parcourues d’accrocs. Aux régions où l’institution s’impose comme une solution élégante et efficace s’opposent d’autres régions qui lui préfèrent des solutions alternatives pour résoudre les mêmes problèmes politico-judiciaires. Nous approfondirons cette perspective dans un deuxième chapitre dédié aux voies et mécanismes de propagation du pilori en dehors de sa région d’origine, en insistant sur les concurrences, blocages, ou au contraire métissages, que ce transfert culturel produit au fil de son périple.
Notes de bas de page
1 Respectivement : Hemptinne Thérèse de et Verhulst Adriaan, De oorkonden der graven van Vlaanderen (juli 1128-september 1191), II, Uitgave, Band I : Regering van Diederik van de Elzas (juli 1128-17 januari 1168), Bruxelles, Palais des Académies, 1988, p. 360-363, art. 31, 32, 43 ; Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, Paris, Typographie de Firmin Didot Frères, 1850, t. 4, p. 10 sq., art. 2 ; Fossier Robert, Chartes de coutume en Picardie (xie-xiiie siècle), Paris, Bibliothèque nationale, 1974 t. 1, p. 498 ; Martin Henri, Le livre rouge de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, Saint-Quentin, Imprimerie Charles Poette, 1881, p. 6 sq. ; Audouin Édouard, « Les chartes communales de Poitiers et les Établissements de Rouen », Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques. Section d’histoire et de philologie, 1912, no 1, p. 125-158.
2 Voir Deck Suzanne, « Formation des communes en Haute-Normandie et communes éphémères », Annales de Normandie, 1960, no 10, p. 207-227.
3 Petrowiste Judicaël, « Consommateurs et marchés locaux à la fin du Moyen Âge : un état de la question », in Petrowiste Judicaël (dir.), Faire son marché au Moyen Âge : Méditerranée occidentale, xiiie-xvie siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2018, p. 2.
4 C’est le cas de la course : Carbasse Jean-Marie, « “Currant nudi”… », art. cité, p. 83-102.
5 Formule employée par la charte d’Abbeville (1184). Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, op. cit., t. 4, p. 10 sq., art. 2.
6 Chrétien de Troyes, Le chevalier de la charrette, Paris, Le livre de poche, coll. « Lettres gothiques », 1992, v. 321-322.
7 Shirt David, « Chrétien de Troyes et une coutume anglaise », Romania, 1973, no 94, p. 178-195.
8 Moeglin Jean-Marie, « Pénitence publique et amende honorable au Moyen Âge », art. cité, p. 225.
9 Gessler Jean, « Le port des pierres de justice », Revue belge de philologie et d’histoire, 1942, no 21, p. 113-139.
10 Moeglin Jean-Marie, « Harmiscara – Harmschar – Hachée. Le dossier des rituels d’humiliation et de soumission au Moyen Âge », art. cité, p. 11-65.
11 Sur la « société à honneur » médiévale et les tactiques de réparation, voir Gauvard Claude, « De grace especial »…, op. cit., p. 705 sq.
12 Vogel Cyrille, « Les rites de la pénitence publique aux xe et xie siècles », in Gallais Pierre et Riou Yves-François (dir.), Mélanges offerts à René Crozet, Poitiers, 1966, t. 1, p. 137-144.
13 Moeglin Jean-Marie, « Pénitence publique et amende honorable au Moyen Âge », art. cité, p. 233.
14 Mansfield Mary Claire, The Humiliation of Sinners: Public Penance in Thirteenth-Century France, New York, Cornell University Press, 1995, p. 189 sq.
15 Moeglin Jean-Marie, « Pénitence publique et amende honorable au Moyen Âge », art. cité, p. 233.
16 Eudes Rigaud, Regestrum visitationum archiepiscopi rothomagensis, éd. Théodose Bonnin, Rouen, Auguste Le Brument, 1852.
17 Ibid., p. 166.
18 C’est le cas de toutes les amendes honorables énoncées par les sentences du Parlement de Paris. Par exemple : ANF X2A 40, fo 196, 21 juillet 1475, le faussaire et parjure Jean Nicolas est condamné à faire amende honorable avec une torche de cire ardente pesant quatre livres.
19 Moeglin Jean-Marie, « Harmiscara – Harmschar – Hachée », op. cit., p. 11-12.
20 Ibid., p. 45.
21 Moeglin Jean-Marie, Les bourgeois de Calais, essai sur un mythe historique, op. cit., p. 79 sq.
22 Giry Arthur, Les Établissements de Rouen. Études sur l’histoire des institutions municipales de Rouen, Falaise, Pont-Audemer, Verneuil, La Rochelle, Saintes, Oleron, Bayonne, Tours, Niort, Cognac, Saint-Jean d’Angély, Angoulême, Poitiers, etc., Paris, F. Vieweg, 1883, t. 2, p. 23, art. 16.
23 L’ordonnance est connue indirectement par le récit de Rigord : Rigord, Histoire de Philippe Auguste, Paris, CNRS Éditions, coll. « Sources d’histoire médiévale », no 33, 2006, p. 14.
24 Leveleux-Texeira Corinne, La parole interdite : le blasphème dans la France médiévale, xiiie-xvie siècles : du péché au crime, Paris, De Boccard, 2001, p. 294.
25 Otis-Cour Leah, « La répression des infractions contre l’ordre moral à Pamiers à la fin du Moyen Âge », in Faure Marcel (dir.), Conformités et déviances au Moyen Âge. Actes du deuxième colloque international de Montpellier, université Paul-Valéry (25-27 novembre 1993), Montpellier, Centre de recherche interdisciplinaire sur la société et l’imaginaire au Moyen Âge, 1995, p. 273-286.
26 Xippe, xuppe ou xeuppe signifie littéralement, en lorrain médiéval, « bouche d’égout ».
27 La chronique de Philippe de Vigneulles, éd. Charles Bruneau, Metz, Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, 1929, t. 2, p. 229, t. 3, p. 81-82 et 163, t. 4, p. 124.
28 Carbasse Jean-Marie, « “Currant nudi”… », art. cité, p. 83-102.
29 Gessler Jean, « Le port des pierres de justice », art. cité, p. 113-139.
30 Walraet Marcel, « Les Chartes-lois de Prisches (1158) et de Beaumont-en-Argonne (1182) », Revue belge de philologie et d’histoire, 1944, no 23, p. 151, art. 36.
31 Le Klapperstein de Mulhouse est encore aujourd’hui pendu au fronton de l’Hôtel de ville. Le musée archéologique d’Orléans conserve une « pierre des bavardes » similaire. Voir leur reproduction : Gessler Jean, « Le port des pierres de justice », art. cité, p. 115-116.
32 Charte de Trazegnies (1222, Belgique), citée par : Gessler Jean, « Tortures et supplices “modérés” (?) sous l’Ancien Régime », Revue belge de philologie et d’histoire, 1950, no 28, p. 117.
33 Belmont Nicole, « Fonction de la dérision et symbolisme du bruit dans le charivari », in Le Goff Jacques et Schmitt Jean-Claude (dir.), Le Charivari. Actes de la table ronde organisée à Paris (25-27 avril 1977) par l’École des hautes études en sciences sociales et le Centre national de la recherche scientifique, Paris, Mouton Éditeur, 1981, p. 15-21.
34 Parmi beaucoup d’autres : « Tuit d’acort que Hanequins soit mis ou pilory, par un samedi, consideré la longue prison et les jehines qu’il a souffertes », ANF X2A 4, fo 218, sentence du 14 décembre 1340. Langlois Monique et Lanhers Yvonne, Confessions et jugements de criminels au Parlement de Paris (1319-1350), op. cit., p. 145.
35 « Seront mis en l’eschelle […] devant notre audience en notre dit Palais a Paris ou ilz seront par l’espasse d’une heure », ANF X2A 11, fo 204-305, sentence du 14 septembre 1391 contre les faussaires Jean de Germigny et Jean Bretonneau. Gauvard Claude, « L’honneur du roi. Peines et rituels judiciaires au Parlement de Paris à la fin du Moyen Âge », in Gauvard Claude et Jacob Robert (dir.), Les rites de la justice. Gestes et rituels judiciaires au Moyen Âge occidental, Paris, Le Léopard d’Or, coll. « Cahiers du Léopard d’Or », no 9, 2000, p. 104.
36 Règlement pour les arbalétriers de la ville de Paris, ordonnance de janvier 1390, Ordonnances des roys de France de la troisième race, Paris, Imprimerie royale, 1723-1849, t. 7, p. 395-396.
37 Charte d’Abbeville (1184), Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, op. cit., t. 4, p. 10 sq., art. 2.
38 Charte de Saint-Omer (1164), Hemptinne Thérèse de et Verhulst Adriaan, De oorkonden der graven van Vlaanderen…, op. cit., p. 360-363, art. 31, 32, 43.
39 Pour une généalogie des étymologies mythiques du pilori, puits de Lori et autres pille oreille, voir la liste qu’en donne : Win Paul de, De schandstraffen in het wereldlijk strafrecht in de zuidelijke Nederlanden van de Middeleeuwen tot de Franse tijd, bestudeerd in Europees perspectief, Koninklijke Academie voor Wetenschappen, Bruxelles, 1992, p. 100.
40 Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, Niort, Typographie de L. Favre, 1883, t. 5, p. 257, col. 3.
41 Enquête du présidial de Nîmes à la Bedosse (Gard), 1402. Seguin Joseph, « Les justices seigneuriales », Bulletin historique et archéologique de Vaucluse, 1882, no 4, p. 449, note 1.
42 Wartburg Walther von et Keller Hans-Erich, Französisches Etymologisches Wörterbuch, Bâle, R. G. Zbinden, 1922-1967, t. 8, p. 478-479.
43 Hemptinne Thérèse de et Verhulst Adriaan, De oorkonden der graven van Vlaanderen…, op. cit., p. 360-363.
44 Giry Arthur, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, Paris, F. Vieweg, libraire-éditeur, 1877, p. 502-523, art. 12, 50, 51, 57, 61, 77, 298.
45 AC Saint-Omer, boîte 134, pièce 1, bans échevinaux divers allant de 1268 à 1319. Espinas Georges et Pirenne Henri, Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre, Bruxelles, Librairie Kiessling, 1920, vol. 3, p. 239, art. 53.
46 « Commandemens fais le vendredi après l’éphifaine par coutume », 1319. Pagart d’Hermansart Émile, Documents inédits contenus dans les archives de Saint-Omer, Paris, Imprimerie nationale, 1901, p. 77, art. 47.
47 Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, op. cit., t. 4, p. 10, art. 2.
48 Martin Henri, Le livre rouge de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, op. cit., p. 8-9.
49 Berger Élie, Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, Paris, Imprimerie nationale, 1916, t. 1, p. 498.
50 Giry Arthur, Les Établissements de Rouen…, op. cit. t. 2, p. 10, art. 10.
51 Ramon Gustave, Coutumes, ordonnances et usages locaux de la ville de Péronne avant 1789, Péronne, Quentin Imprimeur, 1879, p. 72, art. 15.
52 Cabié Edmond, Coutumes de Lafox, octroyées par Sicard Alaman en 1254, Agen, Imprimerie & lithographie Lamy, 1883, p. 13, art. 10.
53 « Coutumes de la ville de Meilhan en Bazadais », in Archives historiques du département de la Gironde no 25, Bordeaux, Imprimerie G. Gounouilhou, 1887, p. 144, art. 36.
54 Rébouis Hippolyte-Émile, Les coutumes de l’Agenais : Nomdieu – Sauvagnas, Paris, L. Larose et Forcel, Libraires-Éditeurs, 1890, p. 19, art. 53.
55 Rébouis Hippolyte-Émile, Coutumes de Clermont-Dessus en Agenais 1262, Paris, L. Larose, libraire-éditeur, 1881, p. 36-37, art. 54.
56 Rébouis Hippolyte-Émile, Coutumes de Puymirol en Agenais, Paris, L. Larose et Forcel, libraires-éditeurs, 1887, p. 38, art. 17.
57 Druilhet Paul, Archives de la ville de Lectoure : coutumes, statuts et records du xiiie au xvie siècle : documents inédits publiés pour la société historique de Gascogne, Paris, Honoré Champion, 1885, p. 63, art. 25.
58 Lagarde Alphonse, Note historique sur la ville de Tonneins, Agen, Imprimerie et lithographie V. Lamy, 1884, p. 126.
59 Vacquié E. de, « Mémoire sur les coutumes de Castel-Sarrasin », Mémoires de l’Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 1851, p. 285, art. 17.
60 « L’esclapot, ou Cartulaire de Monségur », Archives historiques de la Gironde, no 5, 1864, p. 50.
61 « Statuts et établissements de la ville de Marmande », ibid., p. 227, art. 83.
62 « Anciennes coutumes de Pujols, extraites des Archives de la Gironde », in Gerbeau Jean-Baptiste, Essai historique sur la baronnie de Pujols en Agenais, Agen, J. Roche, libraire-éditeur, 1891, p. 433, art. 14.
63 Vigié Albert, « Coutumes inédites de Belvès (Dordogne) », Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, 1899, no 23, p. 653, art. 21.
64 Rozière Eugène de, Charte du consulat d’Uzès : Choix d’anciennes coutumes inédites ou rarissimes, Paris, Ernest Thorin, libraire-éditeur, 1870, p. 11, art. 3, art. 10.
65 Du Cange l’avait déjà fait remarquer : « Costellum ut Cotellus, supplicii genus, Gall. Carcan, pilori », Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, op. cit., t. 2, p. 634, col. 2.
66 Voir les entrées coste, costa dans : Wartburg Walther von et Keller Hans-Erich, Französisches Etymologisches Wörterbuch, op. cit., t. 2, p. 1248-1253.
67 Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, op. cit., t. 2, p. 634, col. 2, entrée costellus.
68 Mistral Frédéric, Lou Tresor dóu Felibrige ou Dictionnaire Provençal-Français, 2e éd., Raphèle-lès-Arles, M. Petit, 1886-1979, vol. 2, entrée cousteu, coustel.
69 Barthélemy Dominique, Nouvelle Histoire des Capétiens, 987-1214, Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 2012, p. 195.
70 Ibid., p. 194.
71 Ibid., p. 201.
72 Jacob Robert, « Le meurtre du seigneur dans la société féodale. La mémoire, le rite, la fonction », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 1990, no 45, 2, p. 247-263.
73 Barthélemy Dominique, Nouvelle Histoire des Capétiens, 987-1214, op. cit., p. 199.
74 Carolus-Barré Louis, « Les XVII villes, une hanse vouée au grand commerce de la draperie », Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1965, no 109, p. 21.
75 Barthélemy Dominique, Nouvelle Histoire des Capétiens, 987-1214, op. cit., p. 197.
76 Hamel Sébastien, La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen Âge. Étude sur la pratique judiciaire à Saint-Quentin (fin xie-début xve siècle), Turnhout, Brepols, 2011, p. 17.
77 Dutour Thierry, Une société de l’honneur. Les notables et leur monde à Dijon à la fin du Moyen âge, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 179.
78 Hamel Sébastien, La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen Âge…, op. cit., p. 28-31.
79 Espinas Georges, « Le privilège de Saint-Omer de 1127 », Revue du Nord, 1947, no 29, p. 45.
80 Desportes Pierre, « Les communes picardes au Moyen Âge », Revue du Nord, 1988, no 70, p. 265.
81 Deck Suzanne, « Formation des communes en Haute-Normandie et communes éphémères », art. cité, p. 215.
82 Ibid., p. 217.
83 Terme récurrent pour désigner la solidarité judiciaire des bourgeois dans les Établissements de Saint-Quentin (1151). Voir Hamel Sébastien, La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen Âge…, op. cit., p. 31.
84 ANF J 203, Champagne XI, no 19, charte originale de mai 1227. Teulet Alexandre, Layettes du Trésor des chartes, Paris, Henri Plon, 1863-1909, t. 2, p. 123-124, n 1929. BNF, ms. latin 18355, fo 30-31 v, copie contenue dans le cartulaire de l’évêché de Meaux.
85 Giry Arthur, Les Établissements de Rouen, op. cit. t. 2, p. 16.
86 « Confirmation des coutumes de Narbonne, 1275 », in Vic Claude de, Histoire générale de Languedoc avec des notes et les pièces justificatives, Toulouse, J.-B. Paya, 1838, t. 6, p. 607.
87 Ordonnances du prévôt de Paris sur les droits de la foire de Saint-Ladre, 1283. Depping Georges Bernard, Réglements sur les arts et métiers de Paris, rédigés au xiiie siècle et connus sous le nom du livre des métiers d’Étienne Boileau, Paris, Imprimerie de Chapelet, 1837, p. 438-439.
88 ANF J 190 B, no 64, ordonnance du sénéchal de Poitou, 1307. Guérin Paul, Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France, Poitiers, Société des archives historiques du Poitou, 1879, vol. 8, p. 410.
89 AD Côte-d’Or, B 6416, Comptes de Guillaume Gespel, châtelain de Verdun, 1398, Garnier Joseph, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Côte-d’Or – Archives civiles – Série B, Paris, Imprimerie administrative de Paul Dupont, 1863, t. 2, p. 406.
90 La frustration du châtelain de Verdun a dû empirer lorsqu’il découvrit neuf ans plus tard que son pilori avait été emporté par les eaux du Doubs lors d’une crue. Ibid., p. 407.
91 Ce dernier point s’observe dans l’Évreux du xive siècle, où les ventes aux enchères royales ont lieu au pied du pilori, devant la cohue du roi. Voir Plaisse André et Plaisse Sylvie, La vie municipale à Évreux pendant la guerre de Cent Ans, Évreux, Société libre de l’Eure, 1978, p. 165.
92 Fossier Robert, « La naissance du village », art. cité, p. 162-168.
93 Offenstadt Nicolas, En place publique. Jean de Gascogne, crieur au xve siècle, Paris, Stock, 2013, p. 128 sq.
94 AM Amiens, Comptes de la ville de 1443-1444, fo 170 vo. Hénault Maurice, « Les Marmion (Jehan, Simon, Mille et Colinet), peintres amiénois du xve siècle. Pièces justificatives », Revue archéologique, 1907, no 9, p. 410-411.
95 Desportes Pierre, « Les communes picardes au Moyen Âge », art. cité, p. 276.
96 Martin Henri, Le livre rouge de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, op. cit., p. 6.
97 Ramon Gustave, Coutumes, ordonnances et usages locaux de la ville de Péronne avant 1789, op. cit., p. 72, art. 15.
98 Berger Élie, Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, op. cit., t. 2, p. 362.
99 Thierry Augustin, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Tiers-État, op. cit., t. 4, p. 10.
100 Giry Arthur, Les Établissements de Rouen…, op. cit., t. 2, p. 16.
101 Hamel Sébastien, La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen Âge…, op. cit., p. 31.
102 On trouve une clause de ce genre, entre autres, dans la keure d’Ypres : Caenegem Raoul van et Milis Ludo, « Édition critique des versions françaises de la “Grande Keure” de Philippe d’Alsace, comte de Flandre pour la ville d’Ypres », Bulletin de la Commission royale d’histoire. Académie royale de Belgique, 1981, no 147, p. 37.
103 Expression souvent employée par : Philippe de Beaumanoir, Les coutumes du Beauvoisis, Paris, Librairie Renouard, 1842, t. 1, p. 463, chap. 31, § 14.
104 Ganshof François, « Note sur deux chartes de Philippe d’Alsace pour la ville d’Arras », Revue du Nord, 1948, no 119, p. 97-98.
105 Ibid., p. 97.
106 Caenegem Raoul van et Milis Ludo, « Édition critique des versions françaises de la “Grande Keure” de Philippe d’Alsace, comte de Flandre pour la ville d’Ypres », art. cité, p. 1-3.
107 Caenegem Raoul van, « Note sur la date de la première charte de Philippe d’Alsace pour la ville d’Arras », Revue belge de philologie et d’histoire, 1951, no 29, p. 483.
108 Hemptinne Thérèse de et Verhulst Adriaan, De oorkonden der graven van Vlaanderen…, op. cit., p. 360, art. 32.
109 Caenegem Raoul van et Milis Ludo, « Édition critique des versions françaises de la “Grande Keure” de Philippe d’Alsace, comte de Flandre pour la ville d’Ypres », art. cité, p. 27, art. 11.
110 Ibid., p. 31, art. 17.
111 « Quiconques est convenqus par tiesmoingnaige des eschevins de rapine, c’est sour la hart », ibid., p. 23, art. 6.
112 Wailly Natalis de, Récits d’un ménestrel de Reims au treizième siècle : publiés pour la société de l’histoire de France, Paris, Librairie Renouard, 1876, p. 170-171.
113 Ibid., p. 171.
114 AM Ypres, Reg. Diverse Memoirien, fo 22, sentence du 23 décembre 1360, Espinas Georges et Pirenne Henri, Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre, op. cit., t. 3, p. 646.
115 Verhulst Adriaan, « Les origines de la ville d’Ypres (xie-xiie siècles) », Revue du Nord, 1999, no 91, p. 11.
116 Godding Philippe et Pycke Jacques, « La paix de Valenciennes de 1114. Commentaire et édition critique », Bulletin de la Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique, 1979-1981, no 29, p. 1-142.
117 Moeglin Jean-Marie, « Les bourgeois de Valenciennes demandent le “rattachement” de leur ville au royaume de France », Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 2015, p. 261.
118 AM Valenciennes, C 2, fo 11 vo, 2 février 1347, Bauchond Maurice, La Justice criminelle du magistrat de Valenciennes au Moyen Âge, Paris, A. Picard et fils, 1904, p. 224.
119 BM Valenciennes, cod. 550, t. 1, Registre des Anciens Magistrats de Valenciennes, dit Livre d’or de la commune de Valenciennes, liste chronologique des prévôts locaux tenue en temps réel de 1302 à 1624.
120 Gessler Jean, « Le port des pierres de justice », art. cité, p. 114.
121 Ibid., p. 115.
122 Fossier Robert, Chartes de coutume en Picardie (xie-xiiie siècle), op. cit., p. 56.
123 Ibid., p. 25.
124 Chartes de : Crécy (2 juin 1194), Noyelles-sur-Mer (8 mars 1195), Waben (29 avril 1199), Marquenterre (4 septembre 1199), Ponthoile (7 novembre 1201), Wavans (19 juin 1205), Mayoc (25 mars 1209), Ergnies (26 novembre 1210), Villeroy (novembre 1211), Vismes (25 mars 1212), Port (28 juillet 1218). Ibid., respectivement p. 201, 206, 220, 225, 238, 265, 286, 298, 303, 318 et 344.
125 La commune de Saint-Josse est évoquée par un accord de décembre 1204 entre l’abbé de Saint-Josse-sur-Mer et le comte de Ponthieu. La commune d’Airaines est confirmée tardivement par Simon de Ponthieu, mais sans que la charte ne soit recopiée. Respectivement : ibid., p. 264 et 415.
126 Ibid., p. 211.
127 Ibid., p. 194.
128 Charte réglant les droits du comte de Nevers sur Cosne-sur-Loire, 1250, publiée par Marolles Michel de, Inventaire des titres de Nevers de l’abbé de Marolles suivi d’extraits des titres de Bourgogne et de Nivernois, d’extraits des inventaires des archives de l’église de Nevers et de l’inventaire des archives des Bordes, Nevers, Paulin Fay, 1883, p. 644, § 17.
129 Petrowiste Judicaël, Naissance et essor d’un espace d’échanges au Moyen Âge : le réseau des bourgs marchands du Midi toulousain (xie-milieu du xive siècle), thèse d’histoire, dir. Mireille Mousnier, université Toulouse 2, 2007, p. 6-23.
130 Verhulst Adriaan, « Les origines de la ville d’Ypres (xie-xiie siècles) », art. cité, p. 11.
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