Conclusion. Le passé de l’illusion méritocratique
p. 299-310
Texte intégral
« Il l’a appelé Moreau, et je m’en étonne. Moreau, c’est le nom d’un héros et d’un poète. Dans sa haine pour l’héroïsme et dans son amour pour la vulgarité, M. Flaubert n’aurait pas dû donner au drôle de son livre un nom porté par ce qu’il y a de plus beau parmi les hommes, un poète et un héros ! Il devait l’appeler quelque chose comme Citrouillard, par exemple, car il y a de la citrouille dans ce monsieur. Le Frédéric Moreau sur qui M. Flaubert a eu la bonté d’écrire un roman, et un roman de deux volumes, n’a pas même d’histoire. Réellement, ce n’est pas une histoire que les misérables faits de la vie de ce galopin sans esprit et sans caractère, de cette marionnette de l’événement qui le bouscule, et qui vit, ou plutôt végète comme un chou, sous la grêle des faits de chaque jour. Il est bête, en effet, comme un chou grêlé, ce Frédéric Moreau. De quel autre nom appeler un homme qui n’a ni libre arbitre, ni volonté, et qui se laisse manger par toutes les chenilles de la création ? »
Barbey d’Aurevilly Jules, Compte rendu de L’Éducation sentimentale, in Le Constitutionnel, 29 novembre 1869.
1Barbey d’Aurevilly voit dans Frédéric Moreau, personnage principal de L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert, un anti-héros1 : celui qui n’apprend rien de sa propre existence et qui perçoit, à la fin du parcours, comme plus beau moment de celle-ci, l’expérience faite au bordel en compagnie d’un camarade de désœuvrement, Deslauriers, au cours d’un épisode devenu fameux et dit « de La Turque ». La vie d’illusions que mène Frédéric Moreau est tout entière enfermée dans sa jeunesse qui donne déjà tous les signes des échecs à venir. Mais si Flaubert peint Frédéric Moreau en anti-héros, c’est bien en anti-héros de la modernité. Il est le produit d’une société nouvelle dans laquelle, à l’âge qui est le sien et en fonction des propriétés sociales qui le définissent, il incarne l’idée selon laquelle tout individu est en mesure et en droit d’adopter un point de vue panoramique sur l’ensemble des positions sociales, point de vue à partir duquel il peut librement choisir une place sans que soit jamais consciemment perçu le caractère labyrinthique, c’est-à-dire piégé, du monde social où il évolue. Ce piège est celui du mérite, auquel les sociétés démocratiques assignent le rôle de filtre social pour l’obtention d’une position sociale arrachée à la seule force de la volonté, du talent naturel et des efforts personnels consentis.
2Une lecture trop hâtive pourrait vouloir associer cet état à celui de la jeunesse, c’est-à-dire un état où des possibles non advenus n’ont pas encore enfermé les êtres dans un destin social, donnant ainsi l’impression d’une forme d’apesanteur du monde social où chacun serait seul responsable de son propre lestage et en bout de course de la place occupée sur l’échiquier social. Frédéric serait alors simplement un jeune adulte ne voulant pas grandir – bête comme chou. Mais n’y a-t-il pas une autre raison à cette description d’un Frédéric Moreau à ce point incapable d’entreprendre quoi que ce soit et plus particulièrement incapable de jamais trancher ni de s’identifier réellement à une position sociale qu’il espère, à un moment ou à un autre du roman, atteindre ? Flaubert révèle en partie la clef de ce mystère à la fin du roman quand il fait dire à Frédéric, qui tente d’expliquer ses échecs successifs, la chose suivante :
« Et ils résumèrent leur vie.
Ils l’avaient manquée tous les deux, celui qui avait rêvé l’amour, celui qui avait rêvé le pouvoir. Quelle en était la raison ?
C’est peut-être le défaut de ligne droite, dit Frédéric » (ES, III, 7, p. 555).
3Si la remarque de Frédéric entérine l’image d’une trajectoire sociale qui ne dépend que de la force des volontés individuelles, elle rappelle au lecteur incidemment que ces personnages sont d’un temps où la ligne droite – le lignage – n’est précisément plus au principe des existences.
4Une autre manière de le dire peut consister, comme le propose Pierre Bourdieu, à voir en Frédéric Moreau une sorte de double négatif de Flaubert, dont l’indétermination a un rôle spécifique : celui d’être un révélateur du fonctionnement social, précisément parce que n’adhérant à rien, il introduit ce léger décalage qui fait voir la société comme un jeu non pas de hasards ou de volontés, mais de déterminismes. Déterminismes que celui qui ne s’enferme dans aucun rôle permet de saisir et dont l’état d’apesanteur qui le caractérise doit être considéré comme résultat d’une position spécifique occupée dans l’espace social : le refus d’hériter n’entraîne pas mécaniquement le pouvoir de mériter.
5On remarquera avec quelle célérité Flaubert scelle le destin de ses personnages2 : la vie de Deslauriers peut se résumer à la fonction qu’il occupe, « employé au contentieux dans une compagnie industrielle » (ES, III, chapitre 7, p. 553), et peu importe le caractère pittoresque voire exotique et aventureux des étapes intermédiaires qu’il aura pourtant parcourues (« chef de colonisation en Algérie, secrétaire d’un pacha, gérant d’un journal, courtier d’annonces »). Tel un rouleau compresseur, la société agit de manière à aplanir toute aspérité sociale, ramenant chaque acteur à ses origines. Cisy est à cet égard exemplaire : il est reconduit au « château de ses aïeux », « enfoncé dans la religion et père de huit enfants » (ES, III, chapitre 7, p. 553). Frédéric n’échappe pas à la règle, mais là encore, dans ce chapitre conclusif, il jouit d’un statut flou : « ayant mangé les deux tiers de sa fortune, il vivait en petit bourgeois » (ES, III, chapitre 7, p. 553). Il ne peut se prévaloir d’aucune « situation professionnelle », ne s’étant identifié à aucun rôle social, sinon celui de n’en avoir pas, mais de la moins glorieuse des manières, comme le signale le qualificatif « petit-bourgeois ». Son oisiveté n’a pas le lustre des aristocraties de la société d’Ancien Régime, elle est flottement, quand par le passé elle était un signe de noblesse. Bourdieu voit en Flaubert lui-même un Frédéric Moreau qui serait parvenu à convertir l’inactivité bourgeoise en ressort de la production artistique. Hors du mérite, point de salut, sinon dans l’art qui est un pas de côté vis-à-vis de la mécanique sociale, un pas de côté qu’autorise cette dernière, comme un supplément d’âme.
6Bourdieu cite une lettre de Flaubert à sa mère (15 décembre 1850) dans laquelle le romancier fait état de la condition sociale du romancier, sous la forme d’un sermon et d’un serment qu’il s’adresse à lui-même :
« Tu peindras le vin, l’amour, les femmes, la gloire, à condition mon bonhomme, que tu ne seras ni ivrogne, ni amant, ni mari, ni tourlourou3. Mêlé à la vie, on la voit mal, on en souffre ou en jouit trop. L’artiste, selon moi, est une monstruosité, – quelque chose de hors nature. […] Je me fous du monde, de l’avenir, du qu’en-dira-t-on, d’un établissement quelconque, et même de la renommée littéraire, qui m’a jadis fait passer tant de nuits blanches à la rêver. Voilà comme je suis ; tel est mon caractère, mon caractère est tel4. »
7Que l’on remplace le terme « nature » par « société » et l’on obtient un type social paradoxal : le sociologue malgré lui. Celui qui peut être tout ou avoir vu sur tout, parce qu’il n’est rien. Celui qui reflète l’ensemble des mondes sociaux qu’il traverse car il ne leur appartient toujours que virtuellement. Il est le spectateur impartial matérialisé, dont Adam Smith (autre source possible pour comprendre cette découverte du social à l’époque moderne) faisait le personnage pivot du fonctionnement des sociétés modernes dans sa Théorie des sentiments moraux5. Le sociologue malgré lui, c’est la mécanique sociale sans le rêve du mérite, nue, comme le montre la fin de la lettre envoyée par Flaubert à sa mère en 1850. L’ironie flaubertienne se nourrit du désenchantement du personnage et porte en elle la possibilité même du détachement social par laquelle le jeu social ne peut plus être vu autrement que comme un jeu, où tout esprit de sérieux, au principe du fonctionnement de la société ou de son ordre, peut être ramené à l’illusion que les individus nourrissent sur leur propre compte. Ils sont alors tel ce personnage sur sa barque de Daubigny, qui laisse passer le train social que symbolise, dans son dessin Le rameur, le bateau à vapeur, mais au moins le voient-ils passer. Le roman a ainsi cette vertu de porter une critique sociale que les spécialistes du social à la même époque n’enregistrent pas toujours.
8Ce détour par Flaubert et la trajectoire de Frédéric Moreau dans L’éducation sentimentale – cet antihéros qui est tel parce qu’il n’a pas su échapper à son destin social – n’en est pas vraiment un. Il permet de saisir la manière dont a pu être perçu, en France au xixe siècle, l’envers même d’un nouveau contrat social au lendemain de la Révolution française, à savoir la part de duperie qu’il contient. Il prolonge sur un mode réaliste la description d’une forme d’effervescence sociale nouvelle, la frénésie du déplacement et de l’ascension sur l’échelle de la société, qui a emporté l’époque. Frédéric Moreau est un « Jérôme Paturot » sans outrance, ou en finesse, c’est-à-dire réaliste, un « Rastignac » non romancé : un individu qui voit les portes se refermer une à une, plutôt que s’ouvrir, ce qui, aux yeux de Flaubert, correspond au lot désormais commun des individus des sociétés modernes.
9Frédéric Moreau, comme Jérôme Paturot, l’antihéros moqué cette fois par Louis Reybaud dans son Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale, puis dans sa suite quarante-huitarde, Jérôme Paturot à la recherche de la meilleure des républiques, symbolise l’avènement d’une promesse – il est possible à tout un chacun désormais de s’élever dans la société en fonction de son mérite – et les désillusions qui la suivent. Louis Reybaud décrit un bonnetier en sa boutique ayant traversé tout l’espace social pour retrouver, en bout de course, la place qui lui était réservée au départ :
« [j]’avais été élevé par les soins d’un oncle, vieux célibataire, qui n’aspirait qu’à se démettre en ma faveur de la suite de son commerce et de la gestion de son établissement. Faire de moi un bonnetier modèle était sa seule ambition. J’y répondis en mordant au grec et au latin avec un fanatisme religieux. Quand, au sortir du collège, je revis cette boutique avec son assortiment de marchandises vulgaires, un profond dégoût s’empara de moi. Je venais de vivre avec les anciens, d’assister à la prise de Troie, à la fondation de Rome, de boire avec Horace aux cascades de Tibur, de sauver la république avec Cicéron, de triompher comme Germanicus, d’abdiquer comme Abdolonyme, et, de cette existence souveraine, héroïque, glorieuse, il fallait descendre à quoi ? au tricot et aux chaussettes. Quel déchet ! Dès ce moment, monsieur, je fus livré au démon de l’orgueil. Je me crus destiné à tout autre chose qu’à coiffer et culotter le genre humain. Cette ambition me perdit6 ».
10On pourrait croire que Reybaud partage le désarroi de son personnage, qu’il fait sien le dépit de Paturot devant la laideur d’une modernité n’ayant pour seul horizon à offrir que le commerce de bonnets et de chaussettes. Les Anciens avaient des héros, les Modernes n’ont plus que des commerçants. Mais l’ouvrage de Reybaud est une satire, elle moque les travers d’un groupe social qui nourrit des ambitions que l’auteur juge en creux démesurées. Il défend les honnêtes espérances et les pratiques économiques nouvelles comme seules voies raisonnables du bonheur. Reybaud est éloigné de toute posture romantique et de toute critique de la modernité. Il entend au contraire vanter les vertus d’apaisement social que font naître les activités jugées incontournables dans la société nouvelle : le commerce et la production, piliers du règne de la marchandise. Reybaud appartient au groupe des Économistes et s’est fait connaître par une critique des écoles socialistes dans un ouvrage précédent, de facture plus classique, intitulé Études sur les réformateurs ou socialistes modernes. Que reproche-t-il à ces derniers ? Et que reprochera-t-il plus généralement au climat social de la révolution de Février dans la suite qu’il donne à son Jérôme Paturot en 1849 ? D’avoir encouragé tous les Jérôme Paturot de France, d’avoir, pour le dire rapidement, avec la formule saint-simonienne qui a ouvert le bal des rancœurs qui suivent les folles espérances, mis en péril l’ordre social lui-même : « À chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses œuvres7. »
11La critique de la course au mérite, sous la monarchie de Juillet et au cours de la Révolution de 1848, est résolument conservatrice. Le livre de Reybaud sur les réformateurs avait obtenu en 1841 le prix Montyon pour « l’ouvrage le plus utile aux mœurs8 », et l’on doit reconnaître que la manière dont il dépeint la recherche d’une pierre philosophale – dans Jérôme Paturot à la recherche de la meilleure des républiques – lui donne raison sur un point : les réformateurs sociaux ont eu à cœur de trouver la formule la plus adéquate pour donner du mérite la définition qui viendrait clore la question sociale. Léon Walras, tel a été l’objet de ce livre, s’est bel et bien glissé dans cette histoire. La critique sociale qui s’invite dans son économie politique – perturbant un discours qui s’était présenté depuis Jean-Baptiste Say comme le meilleur moyen de préserver l’ordre social ou du moins son pilier principal, la propriété privée – n’atteint jamais le moment réflexif où les effets négatifs des solutions envisagées pourraient être abordés pour eux-mêmes. L’idéal méritocratique, dans de multiples variantes, traverse tous les courants socialistes et républicains de la période au point de s’imposer sous la IIIe république comme la pierre de touche du régime social républicain – au point aussi d’être devenu l’imaginaire social dominant de notre temps, toutes idéologies politiques confondues.
12Le paradoxe d’une telle saturation de notre imaginaire social par l’obsession méritocratique réside dans ce que le terme même de méritocratie a été inventé, au milieu du xxe siècle, pour dénoncer sur un mode ironique les impasses d’un tel système qui veut que les inégalités sociales soient légitimes, du moment qu’elles reposent sur les faillites personnelles plutôt que sur les structures mêmes de la société. Dans La Méritocratie en mai 2033, le sociologue et urbaniste britannique Michael Young imagine en effet une société du mérite, une société où la distribution du pouvoir et des honneurs, des richesses et des gloires, est entièrement enrobée dans un discours méritocratique. Il décrit ainsi un régime spécifique aux sociétés occidentales modernes dont l’école est le moteur. Engagé politiquement au sein du Parti Travailliste, Young a en effet très tôt (la première publication en anglais de l’ouvrage date de 1958) pris conscience de la course folle dans laquelle étaient engagées les démocraties occidentales : l’égalité politique, les filets de protection sociale s’assortissaient d’une logique concurrentielle entre les individus pour désigner ceux ou celles qui mériteraient de tirer leur épingle du jeu social, logique concurrentielle dont le ressort principal était la mise en rareté des titres scolaires et la nécessité de marquer sa différence sociale par une qualification toujours plus distinctive. Les travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ne disent pas autre chose quelques années après la dystopie de Young9. Nous ne sommes pas encore tout à fait en 2033 et depuis quelques années la critique de la méritocratie a pris une ampleur inédite. L’équation mise en avant par Young, « intelligence + effort = mérite », est entrée dans une zone de soupçon généralisé10.
13Dans l’introduction au livre collectif La Fabrique des transclasses, les auteur·es rappellent que le mérite « n’est pas une propriété intrinsèque appartenant aux êtres, mais une pure manière de penser qui résulte d’une évaluation extérieure11 ». Si le mérite – et la manière dont il se matérialise – est toujours dépendant d’un choix collectif ou social, il est dans sa forme, Bourdieu le rappelle12, le résultat d’une compétition pour dire ce qui peut ou doit être méritoire et ce qui ne peut ou ne doit pas l’être. La forme scolaire prise par le mérite dans les sociétés méritocratiques n’est donc aucunement une forme de saisie objective des êtres, mais la traduction d’un ordre social qui a su s’imposer à tous, tout en protégeant les positions de ceux et celles qui ont intérêt à l’imposer sous cette forme-là : en ce sens la lutte (individuelle) des places reste une lutte (collective) des classes. Il y aurait donc une nécessité à retenir la leçon de Spinoza selon laquelle « [s]i chacun est tout entier ce qu’il peut être au moment où il l’est et ne peut faire autrement qu’il ne fait au moment où il le fait, alors la notion de mérite se vide de tout son sens13 ».
14Ce travail collectif sur les « transclasses », et la critique du mérite qui l’accompagne, a été précédé par un ouvrage de Chantal Jaquet centré sur le phénomène de la non-reproduction14. Elle y décrit la manière dont le passage d’une classe à une autre est moins le produit des qualités inhérentes d’un individu talentueux et capable d’efforts personnels remarquables ou remarqués que celui d’un ensemble de conjonctures sociales productrices de la « complexion » des transclasses. Personnage complexe, celui ou celle qui passe d’une classe à une autre ne le fait jamais sans médiations multiples. Comprendre ce passage nécessite un regard soucieux des détails d’une vie, des lieux, des rencontres qui font l’être social d’un individu singulier qui partage cependant un éthos commun – celui de la distanciation à l’égard du monde social, à l’image de celle qui caractérise tant Flaubert que son double négatif Frédéric Moreau. La place occupée au sein de la famille, le rapport au savoir qu’entretient cette dernière, les médiations scolaires, le contexte socio-économique, tout cela contribue à la fabrique du transclasse – dont le rôle social peut être interprété de différentes manières, depuis la justification cynique ou naïve du système méritocratique jusqu’à sa dénonciation.
15Il y a ainsi des éléments objectifs – tous référables au monde social – qui participent de la logique de non-reproduction qu’exemplifient les transclasses, logique qui, par une pirouette du jeu social, rend possible la compréhension des phénomènes dominants de reproduction. Cette tension théorique (une compréhension du monde social qui oscille entre phénomènes de reproduction et phénomènes de non-reproduction) est aussi une tension pratique (entre le monde social de départ et le monde social d’arrivée), puisque vécue dans les dispositions même qui construisent l’être au monde des transclasses, fait de distance au jeu qui voisine avec une distance vis-à-vis de soi. L’une des traductions de cet inconfort est la honte dont tout laisse penser, à lire Chantal Jaquet et quand bien même elle ne l’exprime pas aussi explicitement, qu’elle est un sentiment nourri par un gouvernement méritocratique des hommes. S’appuyant sur les écrits d’Annie Ernaux, elle rappelle que « [l]’intime est encore et toujours du social, parce qu’un moi pur où les autres, les lois, l’histoire, ne seraient pas présents est inconcevable15 ». Cette structuration intime autour de et avec la honte est ainsi le revers du mérite qui traduit la réalité profonde de ce dernier : l’impossibilité d’être sans se sentir pleinement autorisé à être dans un système hiérarchisé des valeurs qui entend marquer durablement les frontières. L’impossibilité, même la barrière franchie, de se sentir au niveau16.
16Bourdieu note ainsi qu’un système social moins ancré dans la logique méritocratique autorisait davantage par le passé à orienter la contestation sociale non sur les fautes personnelles dessinant les contours de sa propre trajectoire que sur les ressorts sociaux au fondement des dysfonctionnements du social :
« Alors que l’ancien système tendait à produire des identités sociales bien découpées, laissant peu de place à l’onirisme social, mais aussi confortables et sécurisantes dans le renoncement même qu’elles exigeaient sans concessions, l’espèce d’instabilité structurale de la représentation sociale et des aspirations qui s’y trouvent légitimement incluses tend à renvoyer les agents, par un mouvement qui n’a rien de personnel, du terrain de la crise et de la critique sociales au terrain de la critique et de la crise personnelles17. »
17Si une telle lucidité quant au fonctionnement de la réalité sociale a le mérite d’éclairer la pente néfaste que suivent nos sociétés, elle peut avoir le défaut d’enfermer la critique sociale dans la pure contestation de la méritocratie qui précisément empêche à la critique de prendre d’autres objets que l’illusion scolaire. Elle rapproche en ce sens les tenants d’une égalité réelle des chances et les critiques les plus radicaux de la méritocratie – dès lors que ces derniers en restent au seul constat du caractère intenable du système tout autant qu’immuable. Les récents travaux sur les « transclasses » participent en partie de cette ambiguïté18.
18Dans l’analyse proposée par Chantal Jaquet, en effet, l’argument oscille entre, premièrement, la volonté d’aborder les transclasses comme un groupe sociologique dont on a minoré l’étude au nom d’une perspective sociologique centrée sur la reproduction et, deuxièmement, celle de déconstruire, purement et simplement, la mythologie méritocratique. D’un côté, la reproduction seule ne suffit pas à épuiser notre compréhension du fonctionnement social. De l’autre, la non-reproduction se comprend comme un écart socialement conditionné par la reproduction même – ou certaines de ses formes. Elle est et n’est pas de la reproduction. Mais elle seule dit, tout au moins, ce qu’il en est de la reproduction.
19Cette tension dans l’ouvrage se laisse lire dans le rapport qu’une philosophie de la non-reproduction entretient avec les théories de la reconnaissance. En effet, l’une des manières de critiquer le mérite, que l’on retrouve dans La Fabrique des transclasses, tient dans la reformulation de la thèse spinoziste que nous avons déjà citée : être tout entier à ce que l’on fait, du mieux que l’on peut et n’être jugé – ou justement ne pas l’être – que pour cela19. Dit autrement, chacun devrait pouvoir être reconnu indépendamment de la compétition entre les individus au nom de leur prétendue valeur relative, indépendamment donc d’un mérite dont la définition est le résultat d’une lutte symbolique pour le monopole légitime de la représentation du monde social, c’est-à-dire l’imposition d’une « vérité du monde social » pour le dire dans les mots de Bourdieu20. Si l’espace social est aussi un espace des styles de vie et si le mérite est une manière d’entériner un style plutôt qu’un autre, alors on peut soutenir les propositions éthico-politiques d’un Axel Honneth qui suggèrent qu’un « horizon de valeurs universel […] doit en même temps être ouvert à différents modes d’autoréalisation individuelle et offrir un système global d’appréciation des contributions particulières21 ». Chantal Jaquet soutient qu’une telle approche fait courir « le risque d’enfermer l’individu dans des déterminations fixes et abstraites, par définition reconnaissables : la Femme, l’Homosexuel, l’Ouvrier, le Bourgeois, le Patron, etc.22 ». Axel Honneth semble plutôt soucieux d’articuler la trajectoire individuelle, faite de passages d’univers sociaux à d’autres, et la reconnaissance de ces univers à l’échelle de la société dans son ensemble, pour abaisser précisément le coût du passage. Comme si, en définitive, ces déplacements dans le social, rapportés aux trajectoires de vie, devaient pouvoir jouir d’une reconnaissance et n’être pas déterminés par la valeur que leur attribueraient les franges dominantes de la société. En un sens, les conditions de la lutte symbolique, celle-là même que décrit Bourdieu, devraient pouvoir faire l’objet d’un assainissement, c’est-à-dire être pensées comme un enjeu politique prioritaire dans les sociétés méritocratiques, pour les raisons mêmes que décrit Chantal Jaquet à la fin de son ouvrage.
20Chantal Jaquet admet en effet que la difficulté – liée à la honte – du passage d’une classe à une autre tient à la hiérarchie sociale, incorporée par les sujets sociaux comme légitime et qui ne cesse d’exister en chacun même une fois franchies les portes d’un nouvel univers social. La honte est une manifestation affective que quelque chose ne va pas dans le monde méritocratique tel qu’il prétend aller. On ne cesse de porter avec soi un stigmate des origines que la construction de l’échelle des valeurs au sein de nos sociétés ne permet pas de retourner23. La figure de Michelet, qui en appelle à une fierté retrouvée, à un renversement ou au moins à une pluralisation des valeurs, offre une porte de sortie, sans doute étroite, à une situation sociale qu’on pourrait décrire comme forclose, au sens juridique du terme. La démarche de réhabilitation du Peuple suivie par Michelet est décrite par Chantal Jaquet comme mise en œuvre de contrepoids, « elle montre la nécessité de forger des mythologies pour pouvoir tisser une nouvelle complexion. […] Les changements ne se nourrissent pas simplement d’analyses politiques rationnelles ; ils prennent appui sur des représentations imaginaires, qui alimentent l’espoir et la confiance en ses propres forces et en sa propre valeur24 ».
21Au mythe méritocratique, il faut substituer d’autres mythes. Dans la lutte symbolique, la confrontation des valeurs doit devenir anarchiste, satisfaisant au critère éthico-politique de la reconnaissance (Honneth) ou bien aux formules de Chantal Jaquet empruntées au Nietzsche du Gai Savoir : « 274. Qu’y a-t-il pour toi de plus humain ? Épargner la honte à quelqu’un25. » Alors il serait possible de conjurer le sort social inscrit dans le fonctionnement méritocratique des démocraties modernes, conjurer au sens où « Le difficile n’est pas de monter, mais, en montant, de rester soi », comme le résume Michelet dans Le Peuple26.
22L’ouvrage se termine sur une formule, « l’objectif n’est pas de passer solitairement les barrières de classe, mais de les abolir pour tous27 ». Elle peut se lire comme une ultime manière de reconduire la tension. Alors que l’ouvrage a pris soin de décrire les conditions de possibilité du passage, toujours associé à des trajectoires singulières inscrites nécessairement dans la trame de tissus complexes, où se mêlent des environnements familiaux, sociaux et culturels, il conclut à une révolution sociale : au mot d’ordre du Manifeste communiste, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », résolument classiste, il oppose un horizon : « Abolition des barrières sociales ». Marx et Engels proposaient une méthode en restant flous sur l’horizon. Chantal Jaquet propose un horizon en restant floue sur la méthode.
23Du point de vue de la méthode, on peut abolir les barrières sociales de deux manières : soit en dotant d’atouts chacun·e pour qu’il ou elle puisse franchir les obstacles que sont les barrières (de classes) ; soit en faisant tomber physiquement ces barrières, en expliquant qu’elles n’ont pas de bonnes raisons d’exister. Chantal Jaquet dans La non-reproduction n’invite à considérer très explicitement ni l’une ni l’autre de ces stratégies, mais laisse entendre qu’à moins d’adopter un principe éthico-politique puisé chez Nietzsche et à teneur anarchiste – à savoir une hostilité à l’encontre de toute hiérarchie sociale fondée sur l’attribution de valeur aux valeurs – il n’est pas d’issue possible. L’ouvrage indique sans doute malgré tout une méthode douce, comme on le dit de la médecine, qui consiste à s’appuyer sur les transclasses eux-mêmes comme opérateurs du changement. L’invitation faite à leur endroit d’être barbares plutôt que bâtards tend à offrir le portrait d’une société en mine abandonnée et devenue dangereuse où quelques artificiers – les transclasses – auraient pour fonction de faire sauter les galeries28.
24La méritocratie, en définitive, est la forme contemporaine de la lutte des classes, lutte des classes légitimée en une juste lutte des places. Pierre Bourdieu le souligne dans la critique sans complaisance, une critique transclasse pourrait-on dire, de cette mécanique sociale :
« Cette forme particulière de lutte des classes qu’est la lutte de concurrence est celle que les membres des classes dominées se laissent imposer lorsqu’ils acceptent les enjeux que leur proposent les dominants, lutte intégratrice et, du fait du handicap initial, reproductrice puisque ceux qui entrent dans cette sorte de course poursuite où ils partent nécessairement battus, comme en témoigne la constance des écarts, reconnaissent implicitement, par le seul fait de concourir, la légitimité des buts poursuivis par ceux qu’ils poursuivent29. »
25Nous avons cherché à montrer dans notre ouvrage que l’école et la culture ne sont pas les seuls terrains de cette opération de métamorphose de la lutte des classes en lutte des places. La manière dont la méritocratie, souvent à partir d’intentions progressistes et critiques du conservatisme social, s’est imposée dans la seconde moitié du xixe siècle en France comme le nouveau fondement du pacte social, se comprend en grande partie dans les réflexions qui sont nées au sein du courant républicain, réduit à prendre en compte d’une part l’échec de 1848 – en particulier l’échec du programme économique et social de la République – et à prendre acte d’autre part du seul domaine où pouvaient encore peser – un peu – les idéaux républicains, à savoir la société civile. En l’absence d’État républicain, en l’absence de régime politique républicain, c’est la construction même des rapports sociaux qu’il fallait républicaniser. Tel fut l’enjeu de l’élaboration d’une économie politique républicaine. Qu’il fallut de surcroît républicaniser les individus par l’éducation, l’idée n’était pas nouvelle et continua à se frayer un chemin après 1848 jusqu’à occuper la plus grande place dans l’imaginaire méritocratique républicain après 1875 – tant sur le plan des idées que sur celui des réalisations pratiques.
26Léon Walras occupe dans cette histoire une position tout à fait exceptionnelle : transclasse à sa manière, il souhaite réparer les dommages d’un système dont il a été victime. Ayant subi, dans les premières années de son incursion heurtée dans le champ des Économistes, la litanie des titres scolaires sans rapport à la discipline économique et l’adoubement par des pairs souvent cousins, neveux ou frères, Léon Walras voit dans le marché un instrument impersonnel qui, bien conçu, saura distribuer les mérites sans céder aux privilèges d’aucune sorte30. L’articulation du mérite au fonctionnement marchand des rapports sociaux, l’idée en somme d’un marché juste parce que méritocratique, voilà la principale contribution de Léon Walras au républicanisme français de la fin du Second Empire et de la IIIe République. Comme on l’a vu, une telle construction repose sur deux piliers : d’une part, la valorisation d’un individu légitime propriétaire de ses facultés personnelles qui doit pouvoir légitimement compter sur une rétribution proportionnelle à leur mise en valeur par le travail, et cela dans un contexte où les Économistes eux-mêmes cherchent à inscrire une morale de la responsabilité individuelle dans l’analyse des mécanismes économiques ; d’autre part, la défense d’une solidarité objective, matérielle, par où se dessine la figure d’un État propriétaire de la terre et des ressources naturelles, détenteur légitime des monopoles naturels et garant d’une concurrence pure et parfaite. Là où Bourdieu pointe une concurrence nécessairement faussée, Walras théorise la justice méritocratique dans le marché.
27L’économiste républicain s’éloigne du sociologue de la république31, tels la rose et le réséda, le premier proposant une reconstruction idéale empreinte d’utopie pour dégager les conditions de possibilité d’une société sans domination, quand le second perçoit dans le réel tout ce qui au contraire œuvre au maintien de la domination. L’économie politique pure selon Walras doit se concevoir comme l’hydraulique d’un corps vaseux où il est fait abstraction de la vase, ainsi que nous avons eu l’occasion de le mentionner32. La sociologie bourdieusienne met au jour le ressort profond de la concurrence entre agents, qui est une lutte, dont l’horizon intégrateur repose sur l’élection et la sélection – à la manière de tous les rites sociaux qui ont pour objet de marquer les frontières33. L’économie politique républicaine de Léon Walras valide la métaphore de la course – une même ligne de départ, des participants qui franchissent en ordre dispersé la ligne d’arrivée – quand l’inspiration républicaine de la critique sociologique de Bourdieu permet à ce dernier de mesurer l’écart entre l’idéal et la réalité. Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas, chacun animé par la même volonté de résister aux formes du social qui produisent systématiquement la domination sociale34. Le risque du premier étant de reconduire le mal par le remède proposé, celui du second de ne pas proposer de remède du tout.
28En ce sens l’œuvre de Léon Walras s’inscrit dans un moment utopique du républicanisme35 qui prolonge une manière d’aborder le social en le reconstruisant sur le fondement de principes clairement établis et démontrés – droit naturel de l’individu et droit naturel de l’État dans le cas de Walras –, une approche non exclusive d’allers et retours réalistes pour comprendre ce qui, dans le réel, fait naître et entretient les phénomènes de domination. Moment utopique qui touche cependant à sa fin au moment où, la république installée, le réel de la République suscite plus de déceptions que de satisfactions. Certains républicains très actifs sous le Second Empire abandonnent pour cette raison l’idéal politique qui avait nourri leurs espoirs et occupé leurs efforts intellectuels36. On peut voir dans cette espérance déçue une raison de la transformation de l’exercice de défense et illustration de l’idéal républicain sous la IIIe République – la sociologie d’Émile Durkheim en est un bon exemple. Les constructions normatives voisinent désormais davantage avec une attention plus fine au réel, animée par le souci de voir les normes non comme des idées platoniciennes, mais comme des mouvements inscrits dans les pratiques dont il faut savoir épouser les contours pour, peut-être, les pousser plus avant. Ainsi se comprend par exemple l’intérêt que Durkheim accordait au droit comme lieu de manifestation des élans sociaux, comme manière, pour les sociétés, de se dire et de dire leurs attentes morales. Dans cette perspective, le traitement du mérite dans l’imaginaire social et moral républicain est abordé de deux façons, dont l’une semble avoir peu à peu éclipsé l’autre : celle de l’architecte, celle du greffier.
29Le premier recherche la formule qui, bien assurée théoriquement, devrait pouvoir entraîner des réalisations pratiques. Le second enregistre des écarts entre le réel et l’idéal et soulève par là quelques voiles pour corriger ces derniers. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas certain que le républicanisme, tel qu’il s’est exprimé dans la France de la seconde moitié du xixe siècle, et tel qu’il a durablement imprimé sa marque, soit en mesure de questionner en profondeur l’adossement de l’idéal de non-domination à un fonctionnement méritocratique de la société. Léon Walras nous permet ainsi peut-être de méditer sur deux aspects importants du républicanisme : 1) la nécessité de penser l’inscription de ce dernier jusque dans les rapports sociaux ; 2) la nécessité de douter que la quête d’un perfectionnement du modèle méritocratique soit la meilleure voie pour assurer cette inscription. L’enquête sur le passé d’une illusion ne doit conduire ni à devenir chagrin, ni à abandonner l’idéal de non-domination. Peut-être la formule spinoziste que nous avons déjà évoquée deux fois dans cette conclusion mérite-t-elle d’être citée une troisième fois, non en un reniement à la Pierre la veille de la crucifixion du Christ, mais au contraire comme une affirmation et une exigence à suivre pour reformuler un républicanisme plus en adéquation avec son idéal de non-domination : « [s]i chacun est tout entier ce qu’il peut être au moment où il l’est et ne peut faire autrement qu’il ne fait au moment où il le fait, alors la notion de mérite se vide de tout son sens37 ». La question de savoir quelle société découlerait d’un tel programme reste, hier comme aujourd’hui, ouverte – elle est celle d’un monde où l’action doit être la sœur du rêve38.
Notes de bas de page
1 Flaubert Gustave, L’éducation sentimentale, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2005. Dans la suite de cette conclusion les références à cet ouvrage sont signalées entre parenthèses : (ES, numéro partie, numéro chapitre, numéro page).
2 Dans le fameux chapitre vii de la troisième partie.
3 Soldat fantassin qui portait l’habit rouge (pantalon).
4 Correspondance de Flaubert – Centre Flaubert, université de Rouen, [https://flaubert.univ-rouen.fr/jet/public/correspondance/trans.php?corpus=correspondance&id=9855&mot=&action=M].
5 Smith Adam, Théorie des sentiments moraux, Paris, PUF, 1999. Sur ce sujet, voir Gautier Claude, Voir et connaître la société. Regarder à distance dans les Lumières écossaises, Lyon, ENS Éditions, coll. « La croisée des chemins », 2020.
6 Reybaud Louis, Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale (1842), Paris, Paulin éditeur, 1846, p. 6.
7 Reybaud Louis, Études sur les réformateurs ou socialistes modernes. Saint-Simon, – Charles Fourier, – Robert Owen, Paris, Guillaumin, 1849 (sixième édition – 1841 pour la première édition).
8 Lyon-Caen Judith, « Louis Reybaud panoramiste », Romantisme, 2007/2 (no 136), p. 27. L’article décrit l’ouvrage comme une « fable édifiante sur les chimères de l’ambition » (p. 37).
9 Young Michael, The Rise of the Meritocracy, op. cit. Le livre a paru en français, édité par la revue Futuribles en mai 1969, sous le titre La méritocratie en mai 2033 ; Bourdieu Pierre et Passeron Jean-Claude, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964 ; des mêmes, La Reproduction. Éléments d’une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit, 1970.
10 Pour les plus récents exemples, voir Sandel Michael, The Tyranny of Merit, op. cit. ; Markovits, Daniel, The Meritocracy Trap, op. cit. ; Krop Jérôme, La méritocratie républicaine, op. cit. ; Pasquali Paul, Héritocratie, op. cit. ; Allouch Annabelle, Mérite, op. cit.
11 Jaquet Chantal et Bras Gérard (dir.), La Fabrique des transclasses, Paris, PUF, 2018, p. 23.
12 Voir en particulier Bourdieu Pierre, « Classement, déclassement, reclassement », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 24, novembre 1978, p. 2-22.
13 Jaquet Chantal et Bras Gérard (dir.), La Fabrique des transclasses, op. cit., p. 23.
14 Jaquet Chantal, Les transclasses ou la non-reproduction, Paris, PUF, 2014.
15 Ernaux Annie, L’écriture comme un couteau, Paris, Stock, 2003, p. 152, cité in Jaquet Chantal, Les transclasses ou la non-reproduction, op. cit., p. 96.
16 Par cette formule, je fais référence à l’ouvrage ancien et précurseur d’Edmond Globot : La barrière et le niveau. Étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, Paris, PUF, coll. « Le lien social », 2010.
17 Bourdieu Pierre, « Classement, déclassement, reclassement », art. cité, p. 19.
18 Voir Jaquet Chantal, Les transclasses ou la non-reproduction, op. cit. ; Jaquet Chantal et Bras Gérard (dir.), La Fabrique des transclasses, op. cit.
19 Jaquet Chantal et Bras Gérard (dir.), La Fabrique des transclasses, op. cit., p. 23.
20 Bourdieu Pierre, « Espace social et genèse des « classes », in Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, p. 307.
21 Honneth Axel, La lutte pour la reconnaissance, Paris, éditions du Cerf, 2000 (1992), p. 154.
22 Jaquet Chantal, Les transclasses ou la non-reproduction, op. cit., p. 108.
23 Sur le retournement du stigmate et sa difficulté, voir Goffman Erving, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit, 1975. Cité in Jaquet Chantal, Les transclasses ou la non-reproduction, op. cit., p. 195.
24 Ibid., p. 193.
25 Cité in ibid., p. 193.
26 Cité in ibid., p. 185.
27 Ibid., p. 231.
28 Sur les crises sociales contemporaines en France comprises comme crises de la reproduction plutôt que de la production, voir Jeanpierre Laurent, In Girum. Les leçons politiques des ronds-points, Paris, La Découverte, 2019.
29 Bourdieu Pierre, « Classement, déclassement, reclassement », art. cité, p. 22.
30 Sur ce motif, voir Perrot Jean-Claude, « La main invisible et le dieu caché », in Une histoire intellectuelle de l’économie politique xviie-xviiie siècles, Paris, EHESS, 1992.
31 Vincent Julien, « The Sociologist and the Republic: Pierre Bourdieu and the Virtues of Social History », art. cité.
32 Cf. Lettre (737) à Wilhelm Lexis, Lausanne 30 juillet 1886, in Jaffé William (éd.), Correspondence of Leon Walras and Related Papers, vol. II, op. cit., p. 145.
33 Bourdieu Pierre, « Les rites d’institution », in Langage et pouvoir symbolique, op. cit.
34 La mention de la rose et du réséda, la phrase « celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas », renvoient bien sûr au poème de Louis Aragon, « La Rose et le Réséda ».
35 Voir Nord Philip, The Republican Moment, op. cit.
36 C’est le cas par exemple d’Étienne Vacherot qui adopte des positions royalistes quelque temps après l’installation de la IIIe République, voir Hazareesingh Sudhir, « From Democratic Advocate to Monarchist Critic of the Republic: The Ambiguous Republicanism of Étienne Vacherot », in Intellectual Founders of the Republic, op. cit., p. 129 sq.
37 Jaquet Chantal et Bras Gérard (dir.), La Fabrique des transclasses, op. cit., p. 23.
38 Baudelaire Charles, « Le Reniement de Saint Pierre », in Les Fleurs du mal (1857).
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