Chapitre III. Gaston Duplat, PG matricule 2677 au Stalag XVIII C, Markt Pongau
p. 159-196
Texte intégral
Le statut de prisonnier de guerre
Itinérance et enfermement
1Fait prisonnier le 23 juin 1940, parti le 8 mai 1941 du camp de Coëtquidan, le 18 mai de Vannes et arrivé à Markt Pongau le 22 du même mois, Gaston Duplat allait rester prisonnier de guerre jusqu’au 7 mai 1945. Il ne reverra les siens que le 3 juin 1945, soit après quatre ans de captivité en Autriche. Il connut successivement quatre Kommandos, deux de manière éphémère en début de détention et deux de manière prolongée. Ces Kommandos relevaient du Stalag XVIII C dans le Wehrkreis XVIII.
Photographie 42. – Carte de capture datée du 24 mai 1941.

© Archives du CICR.
2Les cinq premiers mois, il les passa dans deux Kommandos de montagne à Spullersee et à Rauris, essentiellement comme manœuvre à monter des baraques mais surtout à construire et entretenir les routes. Il rejoignit ensuite un Kommando à Salzbourg travaillant pour l’entreprise Preimesberger, une entreprise de menuiserie et finit dans le petit village de Bischofshofen dans l’entreprise Moser, elle aussi entreprise de menuiserie. Il travailla à Salzbourg et Bischofshofen comme menuisier-charpentier-ébéniste. Il renouait ainsi avec son métier initial de menuisier1.
Tableau 31. – Lieux de détention de Gaston Duplat pendant sa captivité.
No du Kommando | Stalag | Lieu et cadre | Dates | Durée de détention | Entreprise | Travaux |
28 865 | XVIII C | Spullersee Montagne 350 km du Stalag | 11 juin 1941 5 septembre 1941 | 3 mois | Montage de baraques Manutention | |
25 459 L | XVIII C | Tanenbach Rauris Montagne 30 km du Stalag | 5 septembre 1941 6 novembre 1941 | 2 mois | Transport de pierres Réfection de routes | |
27 311 GW | XVIII C | Salzbourg 68 km du Stalag | 6 novembre 1941 21 juin 1943 | 1 an 7 mois | Preimesberger | Menuiserie |
27 355 GW | XVIII C | Bischofshofen Village 10 km du Stalag | 21 juin 1943 7 mai 1945 | 2 ans | Moser | Menuiserie – Charpentes – Escaliers – Cercueils Manutention Déchargement de trains |
Quatre ans de détention
Sous-officier et travailleur
3Dès le début juin 1941, il se trouva envoyé dans un Kommando situé à Spullersee à proximité de la frontière suisse, à plus de 350 km du camp de base, au cœur de la montagne. Dans les premières semaines de captivité, l’embrigadement au travail se mit en place et Gaston Duplat se trouva avec d’autres sous-officiers condamnés à travailler. Il montait des baraques et effectuait des travaux de manutention. Face à la dureté du travail, les prisonniers demandèrent « à rejoindre le Stalag2 ». Ses camarades réitérèrent leur demande deux mois plus tard et ce en vain :
« Tous les sous-officiers du Kommando ont fait une demande pour rejoindre le Stalag. Je ne fais rien pour l’instant3. »
4Puis il gagna Rauris, petite localité située au sud de Markt Pongau pour des travaux très durs de terrassement. Les délégués de la Croix-Rouge venus de Suisse visiter le Kommando 25 459 L à Rauris notaient le 18 octobre 1941 :
« Les cinq sous-officiers qui se trouvent au détachement sont arrivés d’un Frontstalag il y a environ cinq mois. Ils n’ont jamais eu l’occasion de dire s’ils voulaient travailler ou non et n’ont signé aucun engagement. Maintenant, ils ne peuvent rentrer au camp alors qu’ils voudraient renoncer à travailler. »
5La situation se dénoua au début novembre : « Les camarades sous-officiers ont refusé de travailler ce matin et sont partis pour le Stalag4. » Gaston Duplat choisit de rester en Kommando. Comme sous-officier il aurait pu, conformément à la convention de Genève, refuser de travailler, ce que firent certains5. Il décida du contraire, ce que firent d’autres. À plusieurs reprises il s’en expliqua plus ou moins directement dans son courrier et dans son journal. Le 1er mars 1942, il écrivait :
« La vie au Stalag ne doit pas être gaie, il faut connaître la maladie des barbelés ; la nourriture ne doit être que suffisante. Comme il faut ici garder sa santé, c’est à ceci que je travaille ; ici nous avons assez de pain, c’est déjà beaucoup, et puis le temps semble moins long. » Il récidivait quelques mois plus tard : « Tu me dis toujours que tu aimerais mieux me savoir au Stalag. C’est le dernier lieu où je désire aller. Il te faut te faire une idée de ce que peut agir sur le moral la vue des barbelés, cela pendant des années. Seul ce fait devrait te fixer. Tu me dis que je serais moins isolé : c’est la solitude que je cherche, c’est d’être seul avec mes pensées et mes souvenirs6. »
6L’acceptation du travail reposait donc sur plusieurs raisons : le sentiment de se sentir plus libre en Kommando et d’échapper à ce qu’il appelait la « maladie des barbelés7 » ; la conviction que sa survie physique serait mieux assurée ; le refus de la promiscuité et l’aspiration à la solitude ; le rejet de l’inactivité et de la longueur du temps. Sans doute faudrait-il ajouter la perception d’un salaire qui ne manquerait pas d’aider la famille8.
La liberté : à quel prix ?
7Ces quatre années passées en captivité résultèrent des échecs de ses demandes de libération ; il rejeta aussi toute compromission pour se faire réformer et n’envisagea pas de s’évader.
Congé de captivité : l’échec
8Dès son arrivée en Autriche, il entreprit des démarches pour obtenir un congé de captivité. Les autorités française et allemande pouvaient considérer comme nécessaire le retour d’un certain nombre de prisonniers : il fallait faire fonctionner l’administration civile et militaire et faire tourner la machine économique. La demande de mise en congé de captivité passait par les autorités allemandes : une lettre circulaire adressée aux préfets par le Secrétaire d’État à l’Intérieur le 26 août 1940 définissait bien le cadre imposé par les Allemands :
« Les autorités allemandes ont accepté d’étudier, sans engagement de leur part, que certains cas particuliers, en nombre limité de fonctionnaires, employés, représentants de l’ordre public, directeurs d’entreprises, spécialistes vraiment indispensables à la reprise économique du territoire occupé [soient étudiés]. Les prisonniers qui obtiennent satisfaction ne sont pas libérés mais placés en congé de captivité dans la zone occupée afin que les autorités allemandes puissent contrôler leurs activités9. »
9Gaston Duplat tenta à deux reprises d’obtenir ce congé de captivité : en août 1941, il attendait « une réponse à [sa] demande faite au camp entre le 15 et le 25 août ». La procédure suivit son cours : « À ce propos est-ce le chef de Rennes ou du Mans qui est venu aux renseignements et la demande est-elle partie du camp10 ? » En septembre une réponse négative lui parvint : « J’ai reçu une lettre de [X], rien en haut lieu a pu être obtenu pour le moment11. » Son journal de captivité, à la date du mercredi 19 septembre, recensait « les nouvelles de la chefferie disant le résultat négatif de la demande ; j’ai un gros cafard, il nous faut attendre hélas combien de temps ». Il engagea une seconde démarche à la fin octobre 1941 : « Tu pourras peut-être tenter encore une demande de mise en congé de captivité par la chefferie qui adresserait cette demande à Armée Kontrolleur Bigard, Paris, Boulevard Saint-Germain no 321. » Les dossiers de demande de mise en congé de captivité passaient effectivement par ce service. Cette démarche échoua elle aussi.
La Relève : « une utopie »
10Le 18 avril 1942, Pierre Laval succéda comme chef de gouvernement à Darlan, démissionnaire. Le 22 juin suivant, il prononça un discours radiophonique dans lequel il annonçait la politique de la Relève. Pressé par les Allemands et notamment par le gauleiter Fritz Sauckel chargé depuis mars 1942 par Hitler de l’exploitation de la main-d’œuvre des territoires occupés, Laval accepta le principe du retour d’un prisonnier de guerre contre le départ volontaire pour l’Allemagne de trois ouvriers français. Les Français montreraient alors leur solidarité avec les prisonniers, échapperaient au chômage et renforceraient les liens avec l’Europe allemande. Le gouvernement attendait le départ de 250 000 volontaires avant la fin de l’année. Quatre campagnes de propagande s’appuyant sur la presse, les affiches, la radio et les actualités cinématographiques devaient populariser la Relève12 : « C’est l’heure de la Relève », « La Relève commence », « La Relève continue ». Les Allemands, de leur côté, profiteraient largement de l’échange inégal : augmentation de la main-d’œuvre et contrôle des flux (renvoi des mobilisés de vieilles classes, de paysans et accueil d’ouvriers du bâtiment et de l’industrie plus jeunes et plus qualifiés).
11L’annonce de la Relève suscita bien des espoirs auprès des prisonniers mais elle n’atteignit pas les objectifs fixés13. Elle devint cependant une réalité pour un certain nombre de prisonniers de Markt Pongau. Ainsi, au début du mois de mai 1943, « il y a eu ces derniers jours un départ pour la France, une centaine d’hommes ; dans quelques semaines il y en aura un autre où les bénéficiaires seront plus nombreux14 ». Le 1er mai 1943, Gaston Duplat « fait sa demande pour Relève » et demanda à son épouse de lui faire parvenir au plus tôt « des certificats de vie et les extraits de naissance de nos petits ». Il ne savait pas s’il lui était possible de le faire tant les informations se contredisaient. Dans son journal il notait le 21 mai « qu’un camarade est allé au Stalag, on lui a dit que les sous-officiers de carrière n’ont pas droit à la Relève » ; le 25 mai, « qu’un camarade rentrant au Stalag m’a dit que pour la Relève, il n’y a pas de distinction » ; le 26 mai, que « L’officier de contrôle prétend que les sous-officiers de carrière n’ont pas droit à la Relève ». Il ne se faisait guère d’illusions sur la réussite de sa demande, conscient qu’il y « a beaucoup de pères de trois enfants à libérer et la libération des pères de deux enfants viendra après15 ». Il ne voulut pas laisser à sa femme de faux espoirs quand il lui écrivait un mois plus tard : « Je vois malheureusement que tu accordes trop d’importance à la Relève et crains que tu ne sois déçue16. » Il ne bénéficia jamais de la Relève et cultiva comme tant d’autres sa déception. Pour lui elle relevait de « l’utopie » comme il l’écrivait dans sa lettre du 21 mars 1943.
12La déception et la rancœur s’exprimaient doublement. Elles s’exprimaient d’une part à l’égard de ceux qui avaient pu partir ; le sentiment d’injustice l’emportait tant les critères de retour pouvaient apparaître aléatoires, voire contestables. Le 6 novembre 1942, il « avait appris que la plupart des hommes libérés du fait de la Relève appartenait aux employés du Stalag quels que soient leur âge ou profession ; ce n’est pas juste17 ». Le 20 décembre 1943 il répondait à son épouse :
« Pour ce que tu me dis de [X] et d’un prochain départ du Stalag, j’en ai effectivement entendu parler. Il peut avoir des chances vu son âge et surtout la petite mention « services rendus. » « Ce qui est incompréhensible c’est que les hommes qui travaillent en Kommandos ont sûrement plus de mérite. Il faut qu’il y ait autre chose18. »
13Le 21 juillet 1943, il apprenait « qu’un ancien camarade, marié sans enfant, a été relevé avec un certificat de père de trois enfants ; c’est lamentable ». Cette déception et cette rancœur s’exprimaient d’autre part à l’égard des civils volontaires qui ne se montraient pas toujours sensibles à la condition des prisonniers, et dont la venue en Autriche ne relevait probablement pas de la solidarité :
« Cette détention est vraiment trop longue surtout dans la situation actuelle. Nous avons vu ici plusieurs Français venus pour y travailler. Je ne saurais exprimer les sentiments qui nous étreignent en ce moment et cette envie de liberté, peut-être d’injustice ou de dédain. Il y aurait de quoi. En tout cas cela fait mal. Sur les trois personnes, une faisait en France du marché noir et avait peut-être peur d’être prise, une autre trouvait le ravitaillement trop difficile, la troisième nous dit qu’elle a oublié la guerre. On ne peut prétendre qu’il y ait ici un sentiment de solidarité, une compréhension de la Relève. Je pense plutôt à l’égoïsme. Un français libre, dire à un autre français prisonnier de guerre qu’il l’oublie, n’est-ce pas un comble ! Je ne m’étends plus. Cela suffit19 ! »
14Dès la première Relève, les autorités allemandes du Stalag reçurent des listes de libérables à ce titre. Les unes « envoyées par le ministère de l’Agriculture et qui sont rigoureusement observées », les autres dressées par l’homme de confiance du camp, « propositions acceptées et suivies ». En fait l’homme de confiance du camp devait appliquer les directives de Vichy et sélectionner « de préférence les agriculteurs » en les hiérarchisant selon les critères suivants : « 1) Pères de quatre enfants. 2) Anciens combattants. 3) Soutiens de familles. 4) Veufs depuis la guerre avec deux ou trois enfants. 5) Cas douloureux. 6) Veufs depuis la guerre avec un enfant et ensuite père de trois enfants par ordre d’âge20 ».
15Cette Relève bénéficia à un certain nombre de prisonniers de Bretagne, du Maine et de l’Anjou. La Feldkommandantur d’Angers (centre 595) demanda à la Maison du prisonnier de lui dresser le bilan de la Relève au 9 mars 1943. Il s’agissait d’évaluer le contingent rapatrié et voir s’il était conforme à ce qu’en attendaient les autorités allemandes et françaises. L’état numérique concernait 3 313 hommes et s’établissait ainsi21.
Tableau 32. – État numérique des prisonniers rapatriés à la Maison du prisonnier d’Angers au 9 mars 1943 au titre de la Relève.
Secteur professionnel | Situation familiale | Dates de naissance | ||||||
Agriculture et Ravitaillement | 1 621 | 49 %* | Célibataire | 772 | 23 % | Avant 1901 | 470 | 14 % |
Industrie et commerce | 82 | 3 % | Marié sans enfant | 515 | 15 % | De 1901 à 1910 | 1 646 | 50 % |
Divers | 1 610 | 48 % | Marié avec enfants | 2 026 | 62 % | Depuis 1910 | 1 197 | 36 % |
Total | 3 313 | 100 % | Total | 3 313 | 100 % | Total | 3 313 | 100 % |
* Tous les % sont arrondis.
Tableau 33. – Deux exemples de prisonniers libérables au Stalag XVIII C.
Nom | Stalag | Matricule | Kommando | Commune | Situation |
Chauvin Louis Cultivateur | XVIII C | 113 332 | 27 004 GW | Vay (Loire-Inférieure) | Père veuf de 65 ans Un frère tué Deux frères prisonniers |
Guittet Maurice Chef d’exploitation | XVIII C | 39 700 | Assé-le-Boisne (Sarthe) | Mère veuve Frère parti au titre de la classe 42 Deux frères prisonniers |
16Ainsi agriculteurs et actifs des métiers du ravitaillement constituaient le groupe privilégié comme ce Louis Chauvin de Vay ou ce Maurice Guittet d’Assé-le-Boisne22. Rien d’étonnant pour des autorités confrontées, tant du côté français que du côté allemand, au rationnement et aux pénuries. La Relève privilégiait par ailleurs les pères de famille, mais près de 40 % des rapatriés ne pouvaient se prévaloir de cette qualité.
17Au Stalag XVIII C, le départ des prisonniers au titre de la Relève donna lieu, après « les formalités », à « une cérémonie sur le Planum » qui se déroula le dimanche 28 novembre 1942 en présence de tous les prisonniers. Le commandant allemand du camp prononça un discours très marqué sur le plan idéologique mais respectueux de ces prisonniers restés soldats :
« Grâce à la Relève, vous allez quitter le sol allemand où vous vivez depuis deux ans. Le fait de libérer 50 000 hommes avant la signature du traité de paix est un événement unique dans l’histoire des peuples en guerre. Vous avez vu le peuple allemand au travail, vous en avez tiré les enseignements. Vous devez vous en inspirer en reprenant contact avec la France. Dans vos foyers, vous devez aider de toutes vos forces à l’édification de l’Europe Nouvelle. Travaillez pour cela dans l’ordre et la discipline, conditions avant celle d’un prompt rétablissement.
Je vous souhaite de retrouver vos familles en bonne santé.
Adieu soldats23 ! »
18L’homme de confiance, le sergent Sis s’adressa à son tour aux prisonniers réunis :
« Pour la plupart, hélas, des circonstances pénibles ont motivé la libération, mettant une ombre sur cette joie légitime de retour. D’autres restent, dont la présence au foyer serait si motivée. Limité par le nombre, nous n’avons pu, avec l’esprit le plus juste les comprendre dans cette première fraction de la Relève24. »
19Dans les mois qui suivirent, d’autres prisonniers quittèrent le camp au titre de la Relève comme par exemple « le 25 novembre 1943, 45 relevés » ou « le 13 décembre 1943, 29 relevés25 ». Certaines dates coïncidaient avec des journées symboliques comme la Relève du 14 juillet 1943 ou celle du 25 décembre de la même année26.
Le STO et la libération exceptionnelle de 2 000 prisonniers : une impossibilité
20L’échec relatif de la Relève conduisit l’Allemagne à mettre en place le Service du travail obligatoire, le STO27. Cette mesure entraîna dans certaines familles des conséquences problématiques, notamment sur le plan économique ce qui amena Laval à négocier avec l’Allemagne un quota de prisonniers à libérer, afin de compenser ces départs au STO. Il écrivit le 5 juillet 1943 aux préfets :
« La situation quelque fois très pénible créée dans certaines familles par le départ des travailleurs pour l’Allemagne m’a amené à demander au gouvernement allemand la libération d’un certain nombre de prisonniers de guerre. Le chiffre de 2 000 a été adopté. Je vous prie, lorsque vous connaîtrez des cas particulièrement dignes d’intérêt, de bien vouloir me les signaler de toute urgence en me donnant pour chacun d’eux tous les renseignements nécessaires. Le nombre de libérations étant limité à 2 000 pour tout le territoire, vous comprendrez que je ne peux intervenir que pour des cas exceptionnels. C’est à vous qu’il appartient d’apprécier l’opportunité de me signaler les cas en vue de la libération d’un prisonnier28. »
21Le préfet régional d’Angers appliqua la circulaire no 3 565 du Secrétariat Général du chef du gouvernement et fit établir par ses services des listes recensant par département les cas prioritaires (« situation des parents, des frères, des employés partis au STO, cas de maladie, de veuvage, difficultés de l’exploitation »). Il s’adressait aux maires, à la gendarmerie, à la police ou aux entreprises. Il fallait là encore échapper aux pressions. Ainsi le maire de Beaufort-en-Vallée s’adressa en décembre 1943 à une relation du SDPG à Paris pour faire bénéficier l’un de ses proches de cette mesure de libération29 : « Je souhaite que ton intervention personnelle donne quelque chance de succès à notre demande. » Le préfet ne donna pas suite, rappelant dans un courrier les conditions requises pour être rapatrié. De fait, les listes arrêtées devaient présenter le caractère urgent du rapatriement ; il s’agissait en très grande majorité d’agriculteurs voyant le dernier actif mâle quitter l’exploitation pour l’Allemagne (frère ou « domestique »), le plus souvent des familles touchées par ailleurs par la mort de proches. Gaston Duplat n’entrait pas dans ce cas de figure.
Mépris de la Réforme
22Le retour anticipé pouvait se faire aussi pour raison médicale. Si un certain nombre de prisonniers bénéficièrent légitimement d’un rapatriement sanitaire, d’autres utilisèrent cette voie de manière moins glorieuse. Gaston Duplat ne pouvait approuver :
« Pour le cas de [X] je sais qu’il est parti sur sa demande travailler dans un Kommando à proximité de l’hôpital où il avait été proposé pour la réforme. Son intention est, qu’après quelques jours de travail, de se faire hospitaliser à nouveau et tenter de se faire réformer sur place ne le pouvant plus au Stalag ; tu vois quelles manigances, quels détours, quelles intrigues il faut pour bénéficier de cette libération anticipée. Pour l’honneur du soldat français, j’ose espérer qu’il n’y en aura pas beaucoup dans ce cas ; quant à moi je suis incapable de jouer un jeu semblable ; je tiens à conserver le plus possible ma dignité. Je ne rentrerai pas le rouge au visage30. »
Évasion
23Il ne tenta manifestement pas de s’évader et pourtant l’opportunité dut se présenter. Plusieurs de ses camarades se lancèrent dans l’aventure. Dans son journal de captivité, il nota, le 6 août 1941 : « Départ dans la nuit du 5 de 4 camarades vers la Suisse. »
« La transformation » : passer civil ?
24En janvier 1943, Sauckel fit pression sur la France pour l’envoi de nouveaux travailleurs en Allemagne. Laval obtint en contrepartie la « transformation » des prisonniers en travailleurs « libres » ou « civils ». Vichy y voyait une amélioration du statut des prisonniers et l’Allemagne, outre l’apport d’une nouvelle main-d’œuvre, pouvait espérer une meilleure productivité. De plus cela libérait des soldats pour des tâches plus urgentes. Pour les prisonniers, cela débouchait sur un assouplissement de leur captivité même s’ils restaient attachés à leur emploi. La demande de transformation relevait de la responsabilité de chaque prisonnier dont Gaston Duplat31. Il se trouva d’abord confronté à un manque d’informations et surtout à des informations contradictoires ; certaines ne laissaient que peu d’espoir :
« Les bruits courent pour le passage des prisonniers à la vie civile. Il me semble toutefois que les sous-officiers de carrière ne bénéficient pas de cette mesure32. » « Les sous-officiers de carrière ne pourront y prétendre33. » « Marcel, [son frère] me dit que les sous-officiers de carrière ne peuvent passer civils ce qui me semble normal étant déjà engagé par contrat34. »
25D’autres se montraient plus optimistes :
« Ces jours-ci nous avons eu la visite d’un délégué civil français pour le passage des prisonniers en travailleurs civils. Pour lui je pourrais y avoir droit, restant toujours considéré par le gouvernement français prisonnier mais ce ne sont que paroles. Ainsi j’attends les instructions du Stalag35. »
26Se posa ensuite la question du choix entre la Relève et la « transformation » : « Il est question que nous devenions travailleurs civils et dans ce cas il est probable que je ne puisse prétendre à la Relève36. » « Les sous-officiers de carrière peuvent devenir civils et n’ont pas droit à la Relève » notait-il dans son journal le 24 juin 1943. Il fallait donc peser les avantages et inconvénients de la décision. Il décida fin mai, début juin 1943 de refuser la transformation :
« J’aurais pu passer civil mais je ne regrette pas d’avoir refusé » ; « réflexion faite, je ne tiens pas à passer civil. Je crains pour la solde et pour l’avenir37 ».
27Comme d’autres camarades il avait subi la pression « du délégué civil venu convaincre les hommes qui ont refusé de passer civil38 ». Dans son Kommando beaucoup franchirent le pas. À l’échelle du Stalag ce serait environ 2 500 prisonniers qui auraient opté pour la « transformation39 ». Cela permettait entre autres de bénéficier de congé de captivité et donc de permissions. Cependant, le 5 mai 1943, Laval rappelait dans une lettre circulaire « que le succès ne sera complet que si les permissionnaires rentrent en Allemagne à l’expiration de leur congé. C’est la condition même du départ en permission de nouveaux prisonniers. Ceux d’entre eux qui viendraient à y manquer et resteraient en France à l’expiration de leur permission devront être recherchés par les services de police et de gendarmerie40 ».
28Avait-il fait le bon choix ? Dans une lettre du 25 juillet 1943 il écrivait : « J’ai vu deux camarades de mon ancien Kommando passés civils, ils apprécient la liberté » et ajoutait « Mon horizon se bouche à une baraque grillagée où l’on rentre le soir un animal à l’écurie après sa journée de travail41. »
29Un certain nombre de ses camarades de captivité acceptèrent la transformation et se retrouvèrent à travailler sous ce nouveau statut. Ainsi des camarades du Kommando 20 718 à Salzbourg, du Kommando 2 087, du Kommando 27 420 passèrent « transformés ». D’autres au contraire, comme au Kommando 2 5007 L, Kommando affecté à « des travaux pénibles en forêt et en montagne », exprimèrent leur « refus de passer travailleurs libres42 ».
Homme de confiance
30Le 3 octobre 1943 il prit les fonctions d’homme de confiance du Kommando, soit quatre mois après son arrivée à Bischofshofen, son ultime Kommando de travail. Il succéda au caporal-chef Pouzeau43. « Depuis quelques semaines j’ai été pris comme Homme de confiance du Kommando, c’est-à-dire que je m’occupe des camarades. Cela me fait un travail supplémentaire mais le temps passe aussi plus vite. » Cela témoignait sans aucun doute de l’adhésion de ses camarades de captivité et de leur confiance. Il allait garder cette responsabilité jusqu’à la libération en mai 1945, confirmant ainsi qu’il savait mener sa tâche avec compétence et diplomatie.
Photographie 43. – Rapport des délégués Scapini, Kommando 27 355 GW, 7 février 1944.

© Archives nationales, F9 2720.
31Il assurait l’administration du Kommando et veillait à la distribution des colis, se rendait régulièrement au camp de base pour régler des problèmes ; « Chaque soir avec le chef du Kommando, je fais la distribution de conserves des camarades puis quelques écritures pour la vie intérieure de la baraque44. » Il servait aussi d’intermédiaire avec l’employeur et rencontrait les représentants des délégations en visite. Il rencontra les membres de la mission Scapini au camp de base le 24 juillet 1944 et il reçut une délégation le 7 février 1944.
32Il nota dans son journal à la date de la visite : « Avons eu une visite de la mission Scapini. Belles promesses et il ne voit pas la guerre terminée. » Peu d’illusions sur le discours porté par les délégués de la mission Scapini ! Il exprimait sa défiance comme d’autres déjà l’avaient exprimée dès 1941 :
« La mission Scapini […] elle est mal vue […]. Les délégués font l’objet de beaucoup de reproches. Ils parlent bien l’allemand mais la plupart sont jeunes, ignorants des questions militaires et manquent réellement de poids tant du côté allemand que du côté français. Ils reçoivent des doléances, souvent excessives, il est vrai, y répondent rarement et paraissent s’entendre pour ne jamais revenir dans un camp déjà visité45. »
33Il prenait cette responsabilité avec le sens du devoir et du dévouement : « Malgré l’égoïsme qui existe parfois, il reste bon de se dévouer un peu. » En avril 1945, en pleine débandade générale, il évoquait « les combats […] terminés depuis midi. On sent la fin mais quelle attente. Je songerai bien à partir à pied mais mon emploi d’homme de confiance s’y oppose46 ».
Les conditions de détention
Travailler
Le travail
Les conditions de travail
34Condamné à la détention mais ayant choisi le travail, Gaston Duplat connut quatre Kommandos pendant sa captivité. Les cinq premiers mois, il les passa dans deux Kommandos de montagne, le premier à Spullersee, le second à Rauris. Puis il gagna la ville de Salzbourg ; enfin il finit sa captivité à Bischofshofen.
Spullersee : 11 juin 1941-5 septembre 1941
35Spullersee se situait dans le massif du Vorarlberg, non loin de la frontière suisse, à proximité des villes de Lech et de Sankt Anton, distantes d’une vingtaine de kilomètres. Les prisonniers partirent avec d’autres détenus de Markt Pongau le 11 juin 1941 « dans des wagons à bestiaux, 33 hommes par wagon » ; « un fort contingent de 200 à 250 hommes » descendirent à Hamsee. Soixante-sept hommes accédèrent à un campement (« altitude 1 648 m ») par un « chemin montagneux » à partir du village de Langen tandis que « les bagages étaient portés par camion ». Ils y restèrent jusqu’au 26 du même mois pour faire « des travaux de route et transport de cailloux » : travail harassant compte tenu des caprices météorologiques. Arrivés sous la neige par une température de plus trois degrés, ils subirent ensuite de fortes chaleurs ; la température atteignit « 40 degrés » le 26 juin. Il fallait aussi compter avec la violence des pluies. À raison de 10 heures de travail quotidien (6 h 45 à 12 h et de 12 h 45 à 18 h 30), excepté le dimanche, les prisonniers, mal nourris, souffraient : « Nous sommes extrêmement fatigués. [X] a eu un étourdissement. »
36Le 27 juin, le Kommando quitta ce campement par un « chemin montagneux rendu pénible par le sentier caillouteux » pour un autre situé à « une vingtaine de kilomètres, à une altitude de 2 000 mètres entre deux montagnes près d’un barrage ». Il fallait ici procéder « au montage de baraques ». Les horaires tournaient toujours autour de 10 heures par jour ; « 12 jours consécutifs et deux jours de repos, samedi et dimanche » ; les jours de pluie, « pas de travail » mais par contre le dimanche permettait de récupérer parfois les heures perdues. Certains jours les prisonniers reprenaient des tâches de manutentionnaires en « charriant des pierres et en déblayant des routes ».
Rauris-Bucheben, 25 459 L : 5 septembre 1941-5 novembre 1941
37Le deuxième Kommando de travail le rapprocha de Markt Pongau ; la vallée de Rauris-Bucheben, sise à 27 km du camp de base, comptait deux Kommandos :
« Dans la vallée de Rauris-Bucheben, il y a deux détachements de travail, divisés chacun en 2 sous-détachements, le détachement L 25 459 à Rauris et Bucheben, et le détachement L 21 253 à Worth et Rauris ; les deux détachements s’enchevêtrent complètement47. »
38Gaston Duplat fut rattaché au L 25 459. Sur les deux mois passés à Rauris, il alterna des travaux de force et des travaux de menuiserie. Au début et à la fin du séjour, il effectua « dans une carrière » un « travail très dur » de « transport de pierres pour réfection de routes », toujours sur la base de 10 heures par jour avec pour conséquence beaucoup de « fatigue ». Mais pendant un mois il fut embauché chez un « menuisier de village » et il reprit goût au travail : « Travail intéressant, j’ai toupillé48 » ; il renouait avec son premier métier de menuisier-ébéniste. Mais le 6 octobre 1941, « à la rentrée du travail, le menuisier est venu dire aux sentinelles que nous n’irions plus travailler chez lui, deux anciens étant revenus ».
Salzbourg GW 27 311 : 6 novembre 1941-21 juin 1943
39Au début du mois de novembre il gagna un autre Kommando de travail : « Depuis le 6 novembre, je suis à Salzbourg ; je travaille chez un gros menuisier, finies la carrière et les intempéries dont j’ai souffert ; Je travaille au chaud. Nous sommes au total 19 hommes. » La durée quotidienne du travail ne changeait pas, 10 heures, mais en revanche il bénéficia du repos le samedi après-midi et dimanche. Il s’agissait souvent d’un travail « aux pièces ». L’entreprise Preimesberger qui l’employait se situait au no 58 de la Schallmooserhauptstrasse.
Bischofshofen GW 27 355 : 21 juin 1943-mai-juin1945
40Il rejoignit son dernier Kommando le 21 juin 1943. Il s’agissait là encore d’une entreprise de menuiserie, l’entreprise Sepp Moser installée à Bischofshofen, à une dizaine de kilomètres au nord de Markt Pongau. Trente hommes faisaient un travail « peu intéressant » et « un peu plus dur » ; ils pouvaient être employés « à décharger des wagons chargés de matériaux », mais le plus souvent ils produisaient des pièces de menuiserie. Le « départ au travail » se faisait à « sept heures, 9 h 9 h 1/4 casse-croûte, à midi retour à la baraque jusqu’à une heure, qui est la reprise du travail jusqu’à 6 heures » ; il travailla à la fabrication d’escaliers :
« Je fais au chaud la préparation et au froid le montage… il me faut sortir souvent et le changement de température est trop brusque : à l’intérieur ; il faut être en bras de chemise et au dehors il faut être en esquimau. Je travaille pour ainsi dire en plein air, un toit sur quatre piquets, et il neige. Chaque matin, j’appelle le soir pour goûter un peu de repos au chaud. »
Photographie 44. – Gaston Duplat (deuxième à partir de la gauche) avec quelques camarades du Kommando de Bischofshofen.

© Duplat, C. Archives familiales.
41De temps à autre il partait à l’extérieur sur un chantier, pour le meilleur ou pour le pire ; en février 1944 il se rendit dans un petit village pour y monter un escalier. Il fut logé et nourri à l’hôtel : « Il m’a semblé tout drôle de coucher dans des draps bien blancs. » Mais à l’inverse, quelques semaines plus tard : « Je suis allé travailler sous un pont, il neigeait, il faisait froid, j’avais le manteau transpercé par la neige fondante. »
42À partir de février 1944 le travail fut régulièrement perturbé par les alertes qui entraînaient l’évacuation vers les abris mais « on n’évacue pas toujours, ça fait des polémiques ». De plus, il fallait « récupérer le temps perdu ». Plus dramatique encore, à l’issue de bombardements « il nous a fallu faire 30 cercueils. Il y avait plus de 50 morts et de très grands dégâts ». La veille, « les forteresses bombardent, de très gros dégâts, des bombes sont tombées à une centaine de mètres où je me trouvais il y a eu des enfants de tués » (bombardement du 22 février 1945).
43Au total, les conditions de travail dans les quatre Kommandos se caractérisaient, sauf exceptions, par leur dureté : de 10 heures à 10 h 30 de travail par jour sauf le dimanche, travail de force ou travail répétitif, conditions météorologiques difficiles. Et puis quel destin de monter des baraques pour ses compagnons d’infortune dès juin 1941 et de fabriquer en mai 1945 des cercueils pour d’autres victimes de la guerre ! Allemandes celles-là !
La rémunération du travail
44Conformément à la convention de Genève49, les employeurs civils devaient rétribuer le travail des prisonniers : « Lorsque les travaux ont lieu pour des particuliers, les conditions en seront réglées d’accord avec l’autorité militaire50. » Le travail donnait lieu à une rémunération variable selon la tâche et l’employeur. Les prisonniers ne recevaient pas leurs payes à des dates fixes mais ils la percevaient en moyenne tous les mois. Certains mois tombaient des rappels pour les heures non payées à échéance. Ce salaire dépendait de l’emploi occupé. Il se trouvait payé en « Lagergeld » ou monnaie du camp utilisable dans un périmètre économique restreint. Il fallait empêcher les prisonniers de se constituer une réserve monétaire susceptible de les aider en cas d’évasion.
45Gaston Duplat connut deux types de travail et deux types de rémunération. Ainsi, dans les deux premiers Kommandos, le salaire journalier oscillait entre 0,30 RM et 0,50 RM alors qu’il atteignait en moyenne 1,27 RM à Salzbourg et 2,17 RM à Bischofshofen. Il touchait davantage comme menuisier que comme manœuvre. Par ailleurs certains patrons payaient mieux que d’autres : à Bischofshofen, « la paye est moins intéressante qu’à Salzbourg », mais à Bischofshofen il put augmenter ses revenus grâce au travail aux pièces (« travailler aux pièces, je me suis fait un bon gain »). Certains mois la paye augmentait : 96,9 RM pour la période du 30 juin au 4 août 1943 (moyenne journalière : 2,76 RM) ou 76,88 RM du 10 août au 4 septembre 1943 (moyenne journalière : 3,07 RM).
Tableau 34. – Rémunérations en RM perçues par Gaston Duplat.
1941 | 1942 | 1943 | 1944 | 1945 | |||||
Date | Paye | Date | Paye | Date | Paye | Date | Paye | Date | Paye |
12 juillet | 5 | 31 janvier | 17,92 | 5 janvier | 42,58 | 4 janvier | 56 | 10 janvier | 97,50 |
1er août | 4 | 27 février | 2,16* | 1er février | 61,40 | 1er février | 58 | 10 février | 68 |
15 août | 7 | 28 février | 16,72 | 1er mars | 52,86 | 6 mars | 56 | 5 mars | 64,08 |
26 août | 10,20 | 31 mars | 18,2 | 31 mars | 61,40 | 4 avril | 62 | Avril | ** |
5 septembre | 4,88 | 30 avril | 17,60 | 30 avril | 45,80 | 3 mai | 52 | Mai | ** |
9 octobre | 13,30 | 31 mai | 17,52 | 1er juin | 37,84 | 4 juin | 54 | ||
5 novembre | 17,50 | 30 juin | 56,60 | 24 juin | 28,44 | 5 juillet | 70 | ||
15 novembre | 1,60* | 31 juillet | 58,02 | 29 juin | 16,23 | 2 août | 60 | ||
30 novembre | 14,32 | 31 août | 60,26 | 30 juin | 13,80 | 5 septembre | ** | ||
31 décembre | 21,24 | 30 septembre | 44,60 | 4 août | 96,90 | 5 octobre | 66 | ||
31 octobre | 45,85 | 10 août | 18,94 | 8 octobre | 15 | ||||
2 décembre | 60 | 4 septembre | 76,88 | 8 novembre | 60 | ||||
2 octobre | 68,90 | 13 décembre | 78 | ||||||
1er novembre | 59 | ||||||||
9 décembre | 58 |
* rappel de salaire.
** aucune paye.
46Au total il gagna durant sa captivité 2 170,04 RM soit 1,59 RM par jour51. Au taux de conversion mis en place par les Allemands cela représentait une somme totale de 43 400,80 F soit un gain journalier de 16,76 F. Quel pouvoir d’achat cela représentait-il ? En août 1943, le ministère de l’Agriculture et du ravitaillement et Commissariat aux Prix et aux Salaires faisait placarder un arrêté daté du 24 relatif au prix du pain : « Il est interdit d’offrir en vente, de vendre ou d’acheter du pain à un prix supérieur à 2,90 francs le kilogramme » mais au marché noir ce même kilogramme de pain atteignait les 20 francs !
47Cette rémunération fut obtenue au prix d’un travail très dur, pour des journées et des semaines très longues et parfois au prix d’affrontements : il fallait aussi tenir tête au patron pour percevoir son dû : « J’ai reçu 15 RM de plus après réclamation ; on ne voulait pas me payer mes samedis matin. »
Tableau 35. – Total des gains perçus en RM par Gaston Duplat.
1941 | 1942 | 1943 | 1944 | 1945 | 1941-1945 | |
Nombre de payes | 10 | 12 | 15 | 13 | 3 | 53 |
Total des gains | 99,04 | 415,45 | 738,97 | 687 | 229,58 | 2170,04 |
Tableau 36. – Moyennes journalières des gains de Gaston Duplat.
Spullersee 11 juin 1941 5 septembre 1941 | Rauris 6 septembre 1941 6 novembre 1941 | Salzbourg 7 novembre1941 21 juin 1943 | Bischofshofen 22 juin 1943 Mars 1945 | |
Moyenne journalière des gains dimanches compris | 31,08/87 = 0,35 | 30,8/62 = 0,49 | 754,49/592 = 1,27 | 1353,67/623 = 2,17 |
Moyenne journalière | 1,59 |
La discipline
48La main-d’œuvre faisait l’objet d’une surveillance rendue indispensable par la crainte des évasions. Cette surveillance changea au cours de la captivité. Rigoureuse au début, elle s’assouplit ensuite pour devenir plus dure à partir de juin 1944.
49Les Allemands procédaient régulièrement à des fouilles plus ou moins sévères : « fouille en règle » ou « fouille sévère ». Le caractère répétitif apparaissait au prisonnier Gaston Duplat comme « une habitude humiliante ». Il fallait aussi « signer des inventaires d’effets » et déclarer ses « objets militaires », moyen pour le Kommandoführer d’empêcher tout trafic notamment de vêtements susceptibles de faciliter une évasion. La nuit, les prisonniers se trouvaient « cadenassés dans les chambres » et en certaines circonstances « il nous faut mettre nos chaussures et nos pantalons dans une pièce ». Les relations avec les Posten ou les Kommandoführer variaient en fonction des hommes et des circonstances :
« Nos nouveaux gardiens sont plus embêtants que les précédents » ;
« nous avons changé de sentinelles qui sont plus intéressantes » ;
« le Kommandoführer part, ouf ! » ;
« nous sommes empoisonnés par un abruti » ;
« nous ne faisons pas bon ménage avec notre sentinelle. »
50La situation se dégradait parfois au point de subir brimades et sanctions : « Il y a eu un petit conflit avec le capot. » « Il y a de l’orage dans notre Kommando, toutes sortes de vexations, il y a eu un incident à l’atelier : défense de parler, même de murmurer, de siffler. » « Un camarade a été en prison aux WC ; interdiction de nous éloigner des baraques. » « Enfermés à 7 h 30. » « Une humiliation, inutile d’insister, encore une séance, nous sommes cuirassés. » Gaston Duplat n’échappait pas au lot commun : « J’ai bien des humiliations en ce moment, il faut avoir beaucoup de patience. » Il prit une « observation pour avoir sifflé à l’atelier », se « fit arrêter en ville pour avoir parlé à une Française », fut mis « aux arrêts » le 7 février 1943. En décembre 1943, il se heurta à son Kommandoführer : souffrant d’un lumbago, il demanda quelques jours de repos : « Le Kommandoführer me demande de reprendre le travail sinon j’irais en prison pendant les fêtes ; pour lui les PG sont des esclaves. »
51La discipline se relâcha vers la fin 1942 au point que les prisonniers purent circuler plus librement le jour en respectant certaines conditions. Ils allaient en ville pour faire des achats ou en montagne pour s’y promener : « Depuis quelques semaines nous pouvons sortir en groupe ; cela nous permet de prendre un peu d’air frais de 13 h à 15 h ce qui nous fait du bien. » La situation se détériora gravement à partir de juin 1944 ; ils subirent à partir de ce mois-là « fouille sur fouille ». Les sorties se firent plus draconiennes. « Certaines sorties sont interdites ou alors sous la conduite d’une sentinelle ; le travail pouvait se faire avec une sentinelle en armes et un surveillant du chantier. » Quand il pouvait sortir, il subissait « des contrôles partout ». Dans les derniers mois, il ne devait plus « avoir que 5 conserves en réserve » et à partir de septembre 1944 « ne plus avoir de vivres d’avance ». Les relations se tendirent aussi avec son patron. « Notre patron nous considère comme des Russes ; cela nous laisse indifférents, il y a longtemps que nous connaissons la règle du jeu. Je me moque de ce qui pourrait arriver. » Cela montrait bien la discrimination qui pesait sur les Soviétiques, tant de la part des autorités militaires que des employeurs civils.
Endurer
Les cantonnements
52À Spullersee, en pleine montagne, il connut des conditions de logement précaires. Dans le premier camp, il logea dans « une baraque, 40 hommes par pièce éclairée le soir à la lampe tempête ». Dans le second les conditions ne s’améliorèrent pas. « Nous sommes 31 dans la chambre. Il n’y a pas d’électricité, l’air manque, l’atmosphère est irrespirable ; ça sent mauvais, trois boites sont alignées pour servir d’urinoir. » À Rauris il connut une petite pièce aménagée dans « un vieil hôtel ». À Salzbourg, après avoir bénéficié de bonnes conditions, « chauffage central et douches », ils durent « changer de chambre ; nous couchons maintenant dans une cave trop petite pour les hommes à loger (45) ; pas d’eau, pas de clarté, toujours la lumière électrique ; on sent le froid nous parcourir le dos c’est un caveau ! La fumée du poêle dégage de l’oxyde de carbone ». Enfin retour en baraque à Bischofshofen : « La barricade est à deux mètres de la baraque, c’est vraiment la prison ; comme espace vital il reste environ dix sur cinq mètres devant notre baraque, c’est tout grillagé. »
53Il souffrait donc du caractère plus que spartiate des cantonnements successifs : froid, manque d’éclairage, conditions sanitaires médiocres, manque d’espace et de liberté. À son arrivée en juillet 1943 à Bischofshofen, il procéda « au nettoyage du lit ; les lits sont sales, nous avons tué des centaines de punaises, nous avons beaucoup de mouches aussi ». Quelques mois plus tard, quand la mission Scapini passa au Kommando en février 1944, les prisonniers exigèrent une « désinfection » pour « éradiquer enfin les habitants52 ». Cependant, à chaque fois, il cherchait à « aménager » sa chambre au mieux en y disposant ses affaires : un cadre à photos « renfermant ta chère image et celles des petits53 », où, « à chaque reçu », il changeait « de manière à s’imprégner plus encore de vos présences54 » ; « un petit vase au pied de mon lit » qu’il garnissait régulièrement : « Vendredi 1er mai, je me suis procuré un beau bouquet de muguet. Le muguet voisine avec mon petit cadre55. »
54Pourtant il se faisait très mal à cette promiscuité : « Lorsque l’on se sent épié, que chacun de nos gestes est détaillé, on sait ce que la liberté compte56. » Une seule fois dans sa captivité il put échapper à cet enfermement collectif. C’était en février 1944 :
« Je suis allé dans un petit pays en déplacement pour y travailler. Pendant quatre jours, j’ai vécu à l’hôtel et cela m’a semblé bon de coucher dans un vrai lit avec de bons draps bien blancs, de m’évader un peu de la vie des baraques. »
L’alimentation
55Le régime alimentaire varia considérablement au cours de la captivité quel que soit le Kommando. Aux jours où la « nourriture va », où « la nourriture est bonne », où « nous avons assez bien mangé », où « nous avons mangé de façon parfaite » pouvaient succéder des jours où « la nourriture devient infecte et insuffisante », où « la viande est pourrie » et où « nous avons refusé de manger. Il y avait des crottes de rat dans les pâtes57 ». Après une période difficile notamment à Spullersee, l’intendance s’améliora à Rauris, Salzbourg puis Bischofshofen même s’il regrettait le manque de qualité et de quantité. L’alimentation de base reposait surtout sur le pain, les pommes de terre, les soupes et la viande servie de manière aléatoire comme la semaine de début janvier 1944 où « nous n’avons pas eu de viande58 ». Quelques fois, comme à Salzbourg, il put bénéficier au « dîner, un jour de la bière, un jour, du vin ». Certaines circonstances exceptionnelles pouvaient donner lieu à des « repas de roi ». L’arrivée dans le nouveau Kommando de Rauris commença par une excellente journée : « Matin : café, pain, trois morceaux de sucre ; midi : soupe aux pâtes, 200 grammes de veau au moins, salade de pommes de terre en robe de chambre ; soir : une soupe aux pâtes avec une grosse saucisse, trois pommes de terre en robe de chambre59. » Les déplacements pour travailler à l’extérieur du Kommando donnaient aussi l’occasion de mieux manger, l’employeur se montrant généreux comme ce fermier qui servit « du café au lait, 4 tartines avec beurre : nous mangeons bien ; nous nous sentons revivre60 ». Les repas de Noël rompaient aussi avec l’ordinaire61.
56Cet ordinaire se trouvait largement amélioré par la réception des différents colis expédiés par la famille ou les organismes de solidarité nationaux ou internationaux62. Ils permettaient d’apprécier des produits rares : « le beurre », « le lapin », « les fruits », « les haricots », « l’ail et les oignons », « le chocolat » et de se constituer « des réserves » qui devaient « rester suffisantes en cas de coup dur63 ». Il appréhendait tout changement de Kommando. « Il ne faudrait pas déménager ; je ne pourrai pas tout abandonner64. » Quand il put sortir, il acheta des produits frais comme « concombres, tomates, choux et persil65 ». Il faisait aussi sa propre « popote ».
57La situation alimentaire se dégrada fâcheusement à partir de janvier 1944 où « la viande et les pommes de terre » vinrent à « manquer ». En octobre 1944, « la nourriture devient vraiment insuffisante » et « les réserves diminuent ». En novembre de cette même année, « nous commençons à avoir faim ». En janvier 1945, « nous n’avons plus droit à rien » c’est-à-dire « 700 grammes de vivres. C’est ce qu’on appelle être dépouillé ». En février, « presque plus de pain, à peine quelques pommes de terre ». « Nous n’avons plus rien. » Il « faut batailler avec la croûte », « il faut combiner » et pour cela le « système D existe ». En avril, « les difficultés alimentaires se font de plus en plus sentir66 ».
L’hygiène et santé
58D’autres produits faisaient l’objet de toute sa sollicitude : la pâte dentifrice mais surtout le savon qui servait bien sûr à l’hygiène corporelle mais aussi à la lessive. En quatre ans de captivité, il ne connut pas de problème grave de santé. Les rudes conditions de travail, les médiocres conditions d’hygiène et les rigueurs climatiques hivernales épuisaient le corps mais il résistait : il fut touché comme tous par les « rhume », « angine » et « grippe » que guérissaient quelques jours d’interruption de travail et l’administration de cachets d’aspirine, « le seul médicament quelle que soit la maladie67 ». Il souffrit aussi « d’indispositions » sans doute provoquées par la mauvaise qualité de l’alimentation et de douleurs lombaires occasionnées par le port de lourdes charges. Ce qui l’affecta le plus, ce furent ses malheurs dentaires et ses déboires pour les guérir. En juillet 1943, malade, il se rendit au Stalag où « le dentiste me dit que ma dent ne peut être soignée. Il faut l’extraire mais il la casse et me dit qu’il ne peut pas prendre son temps à arracher les racines68 ». Ces privations alimentaires et les conditions de captivité le marquèrent indéniablement. Pour une taille de 1 m 70 il ne pesait en 1945 que 59 kg. Et puis il perdit ses cheveux.
La communication
59Gaston Duplat ne parlait pas allemand comme beaucoup de ses camarades de captivité. Il appartenait à l’une de ces familles où les enfants sortaient très vite du système scolaire pour être propulsés dans le monde du travail manuel. Alors pour communiquer un tant soit peu, tant avec ses gardes qu’avec ses employeurs, il se mit à apprendre un vocabulaire de base et quelques phrases-clés.
60Il notait dans un petit carnet les mots qui lui semblaient essentiels ; pour cela il demanda à son épouse de lui faire parvenir un petit dictionnaire franco-allemand qu’il consultait en cas de besoin. Mais manifestement le dialogue devait se limiter à des échanges réduits.
Photographie 45. – Dictionnaire franco-allemand de Gaston Duplat.

© Duplat, C. Archives familiales.
S’évader : l’information, les camarades, l’intimité
La quête d’informations
Les sources d’information
61L’obtention de l’information relevait du défi puisqu’il fallait à la fois se défier de la propagande, de la censure et de la rumeur. La lecture du courrier familial, de la presse vichyste ou allemande69, les entretiens avec les délégués de la Croix-Rouge ou de la mission Scapini, la rencontre de civils ou d’anciens prisonniers libérés venus travailler en Autriche constituaient les principales sources d’information. « Nous voyons parfois des Français civils venus ici pour travailler. Ils nous disent toutes les privations que subit notre pays jadis si prospère70. » Mais, comme ses camarades, Gaston Duplat se montrait souvent circonspect face à certaines nouvelles : « Les bruits courent », « les bruits circulent » ; « beaucoup de nouvelles contradictoires » ; il parlait de « bouteillons », de « racontars », de « bobards ». À l’occasion de l’annonce du débarquement en Normandie, il nota : « Je n’y crois pas71. » Mais il valait mieux encore s’accrocher à quelques informations, fussent-elles infondées ou imprécises plutôt que de rester sans nouvelles. Ainsi, dans les semaines qui suivirent le débarquement de Normandie, il se tenait « toujours à l’affût de nouvelles ». Il déplorait que « les journaux sont rares et discrets72 » et que « nous ne pouvons suivre les événements73 ».
La perception de la guerre
62Il fallait en effet suivre « le cours de la guerre » et il le faisait avec « anxiété74 ». Il consigna particulièrement trois sortes d’informations : des informations touchant le destin de quelques hommes d’État engagés dans la guerre (Hitler, Mussolini, Roosevelt, Laval, Darlan), des informations concernant les épisodes de déclaration de guerre, de batailles (Stalingrad, débarquements en Sicile et Normandie) ou de cessation des combats et enfin des informations ayant trait aux bombardements des villes de l’Ouest. Les premières lui semblaient donc déterminantes pour suivre le déroulement du conflit et donc imaginer peut-être la fin de la captivité ; les dernières pour noter le danger qui pouvait menacer les siens.
63L’information qu’il consignait correspondait à la réalité des événements à l’exception de deux faits : en octobre 1941, il avait « appris que Musso [sic] était renversé ». En août 1943 que « l’Italie aurait capitulé75 ». Informations erronées. D’une manière générale il obtenait l’information avec un décalage de quelques jours par rapport aux événements. Ce délai semblait se raccourcir au fur et à mesure qu’il avançait dans la guerre. Sans doute l’information circulait-elle plus facilement grâce à des circuits officieux76. Quant aux derniers mois, la perspective de la libération devait l’amener à enjoliver les nouvelles puisque manifestement il anticipait l’avancée des troupes alliées. Cependant, l’utilisation du « serait » et du « aurait » révélait bien qu’il pouvait douter et qu’il lui fallait quand même demeurer extrêmement prudent.
Tableau 37. – Perception des faits de guerre par Gaston Duplat d’après son journal de captivité.
Année | Date de la mention | Événements nationaux | Événements internationaux | Véracité de l’événement | Date réelle de l’événement | Décalage |
1941 | 13 mai | Hess en Angleterre | Oui | 10 mai | 3 jours | |
23 juin | La Russie a déclaré la guerre à l’Allemagne* | Oui | 22 juin | 1 jour | ||
28 août | Attentat contre Laval, Brinon, Déat | Oui | 27 août | 1 jour | ||
3 octobre | Avons appris que Musso était renversé | Non | 25 juillet 1943 | |||
23 octobre | L’Amérique a déclaré la guerre | Non | 8 décembre 1941 | |||
8 décembre | Angleterre a déclaré la guerre à la Finlande, Bulgarie et Hongrie L’Amérique est en guerre avec le Japon | Oui Oui | 6 décembre 8 décembre | 2 jours Aucun | ||
11 décembre | Italie et Allemagne déclarent la guerre aux États-Unis | Oui | 11 décembre | Aucun | ||
1942 | 10 novembre | Anglo-américains en Afrique du Nord, au Maroc et à Dakar | Oui | 8 novembre | 2 jours | |
11 novembre | Les troupes allemandes occupent toute la France | Oui | 11 novembre | Aucun | ||
1er décembre | La flotte française s’est sabordée | Oui | 27 novembre | 4 jours | ||
25 décembre | Darlan assassiné | Oui | 24 décembre | Aucun | ||
1943 | 3 février | Stalingrad est tombée** | Oui | 2 février | 1 jour | |
12 mars | Rennes et le Mans bombardés | Oui | 8 mars | 4 jours | ||
10 juillet | Débarquement anglo-américain en Sicile | Oui | 10 juillet | Aucun | ||
3 août | Italie aurait capitulé | Non | 3 septembre | |||
18 août | En Sicile, tout est fini | Oui | 17 août | 1 jour | ||
9 septembre | L’Italie a capitulé la veille | Oui | 8 septembre | 1 jour | ||
26 septembre | Avons appris le bombardement de Nantes | Oui | 16 et 23 septembre | 3 jours | ||
1944 | 21 mars | La Hongrie a capitulé*** | Oui | 19 mars | Aucun | |
5 juin | Angers bombardé | Oui | 29 mai | 7 jours | ||
6 juin | Anglo-saxons ont débarqué du côté de Cherbourg | Oui | 6 juin | Aucun | ||
21 juillet | Apprenons attentat contre Hitler | Oui | 20 juillet | 1 jour | ||
4 août | Rennes serait tombée | 4 août | Aucun | |||
5 août | Vous voilà maintenant libérés | Oui | 10 août | 5 jours | ||
19 août | Nous apprenons nouveau débarquement | Oui | 15 août | 4 jours | ||
24 août | Apprenons que Paris est tombé | Oui | 25 août | Anticipation | ||
6 novembre | Bagarres à Budapest | Oui | 7 novembre | Anticipation | ||
1945 | 11 avril | Les Russes seraient à Vienne | 13 avril | Anticipation | ||
13 avril | Mort de Roosevelt | 12 avril | 1 jour | |||
28 avril | La Bavière aurait capitulé, de même que les troupes d’Italie. Les Américains seraient aux portes de Salzbourg | Oui | 2 mai : Italie | Anticipation Anticipation | ||
3 mai | L’Autriche est terminée. Salzbourg serait ville ouverte | Oui | 3 mai | Aucun | ||
4 mai | Salzbourg est prise | Oui | 4 mai | Aucun | ||
7 mai | Nous apprenons la capitulation de l’Allemagne | Oui | 7 mai : Reims | Aucun |
* Invasion de l’URSS par l’Allemagne (opération Barbarossa).
** Défaite allemande à Stalingrad.
*** Occupation de la Hongrie par l’Allemagne.
Les camarades
La vie collective
64La captivité laissait peu de place et de temps pour les loisirs avec les camarades. Le plus souvent Gaston Duplat assistait à des manifestations sportives et culturelles que pouvaient présenter les compagnies du Stalag ou des autres Kommandos : matches de football77, de boxe78 ; représentations théâtrales ou musicales79. Il participait lui-même à ces activités : joueur de football, acteur de théâtre80, musicien81. Le 2 janvier 1941 il dit « avoir joué une pièce de théâtre » ; le 4 février 1943 il « fait un essai pour une pièce de théâtre » et le 6 septembre 1943 il « va jouer de la musique dans un Kommando voisin ». Avant sa captivité, il jouait du banjo. En décembre 1941, il en acheta un à Salzbourg pour la somme de 32 reichsmarks82. Il demanda à plusieurs reprises à son épouse de lui envoyer des « chansons » qui « devaient se trouver dans la valise à banjo83 ». En décembre 1943, il lui demanda de lui faire parvenir une « peau de banjo ». Il jouait pour son plaisir mais aussi au sein d’un petit orchestre rattaché à son Kommando de Salzbourg. Il partageait aussi son temps à jouer aux cartes.
Photographie 46. – Gaston Duplat au banjo, orchestre des prisonniers dans l’entreprise Preimesberger à Salzbourg.

© Duplat, C. Archives familiales.
65Ce qui le réjouissait le plus, c’était de pouvoir bénéficier de quelques moments de liberté avec ses camarades. Ce fut le cas à partir de janvier 1943. « Depuis quelques semaines, nous pouvons sortir en groupe. Cela nous permet de prendre un peu l’air de 13 à 15 heures, ce qui nous fait du bien84. » Il s’agissait de sorties en ville pour faire quelques emplettes ou boire une bière, de sorties en montagne pour respirer, récolter quelques pissenlits ou ramasser des escargots afin d’améliorer l’ordinaire. « Il y faisait bon marcher et respirer l’air pur85. » À partir de janvier 1944, il se confectionna une paire de skis et se lança pour ses trois premières descentes le 16 du mois. Le 30 janvier, il avouait « s’être bien amusé », le 27 février être « rentré rompu de fatigue » mais « avoir respiré du bon air86 ». Le 3 mars il écrivait à sa femme : « Je fais du ski ; je t’assure qu’il fait bon glisser dans le froid. Il y a encore quelques chutes mais on ne fait aucun mal et on progresse rapidement87. » Intense moment de liberté sans doute
Photographie 47. – Les plaisirs de la neige à Markt Pongau.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
66Malheureusement à partir de mai 1944, la situation changea : « Nous sommes maintenant presque complètement privés de sortie88. » Les relations commencèrent à se tendre entre certains prisonniers. « Les caractères se sont aigris. Les discussions oiseuses surgissent pour des riens. L’atmosphère devient de plus en plus irrespirable. Certains d’entre nous n’ont même plus les idées très claires89. » Et puis un signe qui ne trompe pas : « Je ne fais presque plus de musique. »
Noël : « Ce petit arbre qui représente tant de bonheur pour tous quand le ciel est clair et la route libre »
67Le temps de Noël représentait un moment fort pour les prisonniers, moment de tristesse mais aussi de solidarité. Il rappelait les fêtes familiales, ouvrait une nouvelle année qui ne manquerait pas de voir la libération et donnait l’occasion de renforcer les liens de camaraderie et de solidarité. Entamée vers les 10-11 h, la soirée comprenait toujours un bon repas que facilitait la réception « d’un colis de Noël ». Selon les circonstances les prisonniers jouaient aux cartes ou se mettaient à chanter avant de se coucher au petit matin. Le premier Noël se passa bien sobrement pour Gaston Duplat.
Noël 1941 :
« Nous avons fait avec un camarade un petit menu ; avons mangé à 23 heures, chacun une petite chanson, couché à deux heures. »
68Quels pouvaient être alors leurs sentiments ? Quel regard purent-ils porter ensuite sur le discours que le Maréchal prononça à leur intention ce soir-là ?
« Mes chers amis, ne vous laissez pas envahir par la détresse. N’est-ce pas un grand réconfort de savoir que vous êtes aimé, que vous êtes l’unique préoccupation des membres de votre famille rassemblés ce soir au coin du feu ? On n’y parlera que de vous, des nouvelles apportées dans votre dernière lettre, de celle qui partira le lendemain à votre adresse. On y formera des projets pour le moment de votre retour.
Lorsque vous lirez ce message chargé de tendresse et d’affection, un grand apaisement se fera en vous et ce jour-là vous vous sentirez moins malheureux.
Bonsoir mes amis et bon Noël90. »
69Comment se satisfaire de cela ?
Noël 1942 :
« Préparation du réveillon ; à 10 heures nous nous mettons à table et mangeons jusqu’à trois heures ; pas de chants ; bien mangé. »
Noël 1943 :
« Ma petite femme chérie
Comme je te l’avais promis je te fais ce soir une rétrospective de ce qu’a été notre Noël. Vendredi 24-12, nous laissons notre travail à 11 heures. Nous sommes sept camarades qui allons réveillonner. Chacun se hâte vers son poste pour cet événement. L’un de nous est baptisé cordon bleu et dès 1 heure, c’est la préparation du repas. Cette cuisine mystérieuse se poursuivra jusqu’à 10 heures du soir avec interruption à 7 heures pour manger quelques tranches de saucisson et mortadelle, cela à seule fin d’attendre l’heure fixée pour le dîner, nous avons trop faim. Après le casse-croûte, sauf le cuisinier, nous faisons quelques parties de cartes, en fumant naturellement. Mais voici 10 heures, heure fixée pour l’apéritif, qui en cette occasion est remplacé par une bonne bouteille de vin blanc. Nous sommes tous rangés autour d’une même table, il n’y a pas de nappe, cependant les hors-d’œuvre sont présentés par un authentique maître d’hôtel. Nous commençons par des filets de maquereaux au vin blanc puis viennent sardines à l’huile et beurre, thon à l’huile et saumon vinaigrette avec oignons, saucisson beurre, pâté, le tout arrosé de vin rouge. Nous soufflons un peu pour attaquer un lapin avec une sauce non définie mais qui néanmoins était succulente. Comme légumes, haricots verts et petits pois. Arrêt pour dégustation de vin rouge, encore, et pour le trou normand, qui consiste à absorber de l’alcool au milieu du repas, en l’occurrence une espèce de mixture qui tenait beaucoup de l’alcool à brûler. Nous passons ensuite au fromage et gruyère, un gâteau de riz au lait, des tartes aux raisins avec lait sucre vanillé, œufs ; nous terminons par deux biscuits secs et crème au chocolat arrosée d’une bonne bouteille de Saint-Emilion. Viennent les cigarettes françaises, américaines et cigares que tu dois reconnaître. Un véritable café Cognac, du vrai celui-là, nous conduisent à 3 heures du matin. Il n’y a pas eu de chants, il n’y avait pas de chanteurs et il me faut bien dire qu’il nous manquait quelque chose ou plutôt quelqu’un qui nous a retenu notre bonheur. Avant de se coucher nous avons pris une sorte de liqueur tirant sur la Bénédictine et chacun sagement a gagné son lit. Et c’est alors que ma pensée dans toute son acuité est allée près de vous, près de toi, oh mon Ptio. Quelle a été ma tristesse alors que ta chère présence aurait remplacé notre table trop bien garnie car j’ai bien pensé que votre dîner aura été maigre. Que ne donnerais-je pas pour te tenir dans mes bras ? Hélas ce bonheur ne m’est pas permis, ne nous est pas permis. Je vous vois bien tous réunis autour de la table de famille, les petits posant mille questions, les yeux brillant de curiosité et d’attente. Je te vois bien leur conter quelques histoires. Je te devine bien leur parlant de leur papa, je te vois aussi essuyer une larme furtive et sourire quand même. Mon petit, mon tout petit, je t’aime pour la délicatesse de ton cœur, pour toutes les mille petites prévenances que tu croyais passer inaperçues. Tu ne me connais donc pas encore. J’espère que tu as reçu quelques lettres depuis celle qui t’a fait mauvaise impression. J’aurais voulu aussi recevoir un mot de toi avant Noël, je ne l’ai pas eu, je n’ai rien reçu à ce jour ; votre veillée aura été courte sans doute ; le lendemain tu auras eu le plaisir de voir la joie de nos petits, cette joie aura été pour toi un rayon de soleil dans cette fête, le seul sans doute car pour l’un comme pour l’autre ces petits événements nous laissent encore plus tristes. Où passerons-nous notre prochain Noël ? Quels décors aura-t-il ? Nous verra-t-il penché l’un et l’autre sur ce petit arbre qui représente tant de bonheur pour tous lorsque le ciel est clair et la route libre. Espérons à ce renouveau de vie tel que nous l’avons commencée.
Embrasse bien mes chéris pour leur papa, félicite Michou pour son beau bateau. Embrasse également bien fort le papa et la maman. Ce soir c’est comme à Noël tendrement que ma pensée s’envole vers toi. Je voudrais que tu sois heureuse malgré la distance. C’est ta photo qui me tenait à cœur, qui me tient encore à cœur mais vois-tu, si cela te peine tant, je ferai le sacrifice de cette joie, de ce souvenir. Ne vois en cela que tout mon amour. Sois assurée que je fais tout ce que je peux pour vous. Je ne peux hélas beaucoup. Je n’ai que mon cœur tout entier à t’offrir ; il t’appartient. Je t’embrasse comme je t’aime.
Ton Gaston91. »
Photographie 48. – Le menu de Noël 1943.

© Duplat, C. Archives familiales.
Noël 1944 :
« Ces jours derniers nous étions en effervescence, il nous fallait préparer le réveillon ; nous avons été gâtés ; à cette occasion nous avons à nouveau perçu deux colis américains pour trois hommes ; nous avons eu cette année une table bien garnie. Il y aura un peu de bière pour cette fête car en temps normal nous ne pouvons même pas acheter un soda ». « Pour nous elle a été marquée par un bon repas fait en commun, les neuf camarades de la chambrée. Avons joué aux cartes jusqu’à onze heures puis le festin a commencé posément et s’est poursuivi jusque vers 4 h 30, chansons. Je me suis couché à 5 h 30. »
70Ainsi, chaque année, au 24 décembre, il célébrait Noël dans une forme de rituel où la camaraderie, sans aucun doute salutaire en ces journées, ne pouvait cependant faire oublier le sens profond de cette fête familiale.
L’amitié
71S’il participait pleinement à la vie collective et à ses moments privilégiés, s’il prit des responsabilités au sein de sa communauté de prisonniers comme homme de confiance, s’il se montra solidaire, il ne développa que de rares amitiés mais des amitiés sincères. Il ne se confiait que rarement aux autres, seulement si la confiance s’établissait. En juillet 1943 il « sympathise avec [un] camarade de kommando. J’ai d’ailleurs trouvé ici de gentils camarades dont un natif d’un patelin à 10 km de Croix-de-Vie. Nous parlons souvent du coin92. En avril 1944, il évoquait dans son journal une belle rencontre : « Depuis quelques semaines, j’ai fait la connaissance d’un camarade charmant avec qui je peux parler sincèrement, avec compréhension mutuelle93. » Malheureusement ce « camarade sympathique » partit pour « un autre Kommando ». Cependant il nota dans ses carnets quelques noms de camarades, leur adresse précise en France. Sans doute s’agissait-il de prendre date, espérer en l’avenir : « Bomtemps Max, 22 rue du Plessis, Saint-Leu-la-Forêt (Seine et Oise) ; Paul Lenglet, 59 rue de Meharicourt, Rosières (Somme) ; Jaouen Y, 13 rue de la Marne, Lesneven (Finistère) ; Moissiniac Basile, 2 rue Joseph Bara à Argenteuil (Seine et Oise) ; Louni Maurice, 122 boulevard de Bezons, Sartrouville ; Mornet Pierre à Sautron (Loire-Inférieure) ; Le Bars Guillaume, Poullan-sur-mer par Douarnenez (Finistère) ; le Fresne Jean, Talhouet, Guern (Morbihan), Vitrey Olivier, Aubepierre-sur-Aube (Haute-Marne) ; Billard Daniel, Courtempierre par Sceaux-du-Gâtinais (Loiret) ; Régnier Jean, 74 rue de l’Église, Charmes-Bouvies (Pas-de-Calais) ; Raby Bernard, Ervy-le-Chatel (Aube) ; Baugriet Raymond, 22 rue Franklin, Pantin (Seine)94. » Manifestement des camarades originaires du nord et surtout de l’ouest de la France, notamment de Bretagne. Mais à aucun endroit il ne donna plus de précision sur la nature et la qualité de sa relation.
L’intimité
Le quotidien
72En dehors du travail et des activités collectives, Gaston Duplat consacrait son temps à des préoccupations plus personnelles. En général il utilisait le dimanche pour les tâches ménagères : mise en ordre de la chambre, lessive et couture comme « repriser des chaussettes » ou « reprendre la doublure d’une veste ». Il s’adonnait aussi à la « popote ».
73Il aimait aussi bricoler et se rappelait son métier de menuisier-ébéniste en fabricant de nombreux objets. Pour l’orchestre, il produisit « des pupitres95 », pour ses camarades des « boîtes à rangement96 » ou « des boîtes à cigarettes97 ». Et pour lui-même et sa famille de la marqueterie : « un petit coffret pour y mettre des lettres et ce sera un bien cher souvenir98 » ou « un petit cadre pour y mettre des photos, des photos de mes chéris et les avoir ainsi sous les yeux99 ». Il confectionnait aussi à la veille de Noël des « jouets » qu’il envoyait en France100.
74Il lisait aussi la presse, des romans ou des livres sur la France : « J’ai commencé le livre envoyé. J’y ai retrouvé les anciennes coutumes du pays101. » Il s’efforçait aussi d’apprendre un peu d’allemand grâce à un dictionnaire, mais il lui manquait « une méthode » qu’il demanda à sa femme102.
Jardin secret
75Le plus important consistait en la tenue et la conservation de trois « trésors » : son journal de captivité, son herbier et son album photographique.
Photographie 49. – Les carnets de captivité de Gaston Duplat.

© Duplat, C. Archives familiales.
76Le 22 décembre 1943 il évoqua son journal de captivité, « son petit journal que je tiens depuis notre séparation, les quelques mots journaliers qui s’y trouvent103 ». En effet, entre la date de son départ de Coëtquidan le 8 mai 1941 et la date de son retour à Angers le 3 juin 1945, il y consigna, au jour le jour, ce qui lui sembla l’essentiel de sa vie de prisonnier. Il relevait avec minutie le temps qu’il faisait, les itinéraires empruntés, décrivait les lieux de détention, les conditions de travail et de logement, l’alimentation ; il parlait de ses sentinelles, de ses employeurs, de ses camarades ; il notait les événements internationaux dont il avait connaissance. Il parlait de ses joies, de ses angoisses, de ses rancœurs, de ses doutes, de ses désillusions sur la vie et les hommes. Il y écrivait aussi ce qu’il ne pouvait écrire à sa femme quant à sa situation personnelle et à ses « cafards ». Il notait aussi scrupuleusement des adresses, les dates de réception des colis avec leur numéro d’ordre, la date et le montant des salaires perçus, la date et le montant des mandats. Pendant ces quatre années de captivité, il remplit au crayon à papier deux petits carnets de son écriture fine et appliquée, utilisant tout l’espace laissé par la feuille blanche, au total cent-cinquante-six pages denses écrites recto-verso.
77Il tenait aussi un herbier : « Je voudrais que tu voies aussi mon petit herbier que je tiens avec amour. Je voulais te rapporter cela comme un trophée et t’en faire la surprise. Demain je rangerai les petites violettes reçues. Elles enrichiront mon petit trésor104. » Cet herbier collectait les fleurs séchées envoyées par son épouse. Il l’enrichissait par les cueillettes qu’il faisait lui-même en montagne. Il commença par « des fleurs cueillies pour la Saint Jack le 25 juillet 1941 pour notre petit Jacques au camp de Spullersee à 2 000 m d’altitude105 ». Puis au rythme des anniversaires, des fêtes à souhaiter, il collait soigneusement violettes, myosotis, pensées, muguet, bruyères ou « des petites fleurs du froid ». Il écrivait en haut de la page un petit texte, le plus souvent intime. À la dernière page de l’herbier, à la date du 8 juillet 1944, il notait : « J’ai cueilli quelques petites violettes, ces petites fleurs que tu aimes et que j’aurais tant de plaisir à t’offrir. En collant ce petit bouquet, je me souviens de tant de bonheur et j’espère beaucoup en l’avenir ; avec ces petites fleurs tu as toutes mes pensées106. »
Photographie 50. – L’herbier de Gaston Duplat.

© Duplat, C. Archives familiales.
Texte 5. – Quelques mots d’amour.
« Quelques violettes reçues le 22.12.43. Elles me sont doublement chères que c’est un cadeau des petits pour ta fête. Je suis bienheureux ma chérie de voir Ton amour. Je pense tendrement à toi. Je t’aime. » | « Quelques brins de muguet reçus le 16.5 pour la Saint Gaston. Je suis bien heureux ma chérie de te sentir si près de moi malgré la distance. Je t’aime mon petit et pense comme toi que bientôt nous serons réunis. Encore un peu de courage. Je n’ai pas pu joindre une fleur pour ton anniversaire mais je ferai mon possible pour en chiper une le 20 mai. Tendres baisers de ton Gaston » |
78Enfin, il gardait précieusement deux petits albums de photos, l’un rouge, l’autre marron. Le premier carnet allait jusqu’en juin 1942. À la première page, une photographie de la salle à manger, le foyer en quelque sorte puis quelques photographies datant d’avant-guerre. Suivait une succession de photographies de sa femme et de ses enfants. Le second allait jusqu’en avril 1944 avec les mêmes photos de son épouse, de ses enfants et de sa belle-famille. Pas de troisième carnet. Pas de photos ou perte d’un troisième carnet ? Aucune réponse à cette question. Cependant la dernière photo représentant son épouse datait de mai 1943 alors qu’il reçut des photos de ses enfants jusqu’en mars 1944. Sans doute aurait-il aimé en recevoir davantage mais il se heurtait parfois à des réticences. Voulait-elle protéger son mari d’une image qu’elle ne trouvait pas séduisante ?
Le silence
79« Je ne peux pas être seul ; pas un seul moment de solitude. » Dans les moments de cafard, il ne pouvait « pas être seul avec [sa] tristesse ». Le manque de silence le faisait ainsi souffrir. Il attendait le soir et l’extinction des feux pour goûter à ces rares moments de calme et d’intimité : « À 10 heures, je me couche dans l’obscurité et le silence. Le silence si cher. C’est le meilleur moment pour moi107. » Comme il écrivait dans son journal de captivité le 13 octobre 1943 : « Lorsque l’on se sent épié, que chacun de nos gestes est détaillé, on sait ce que la liberté compte » et comme il lui semblait « bon de s’évader un peu de la vie des baraques ».
Notes de bas de page
1 Voir p. 17.
2 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 2 juillet 1941.
3 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 29 septembre 1941.
4 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 5 novembre 1941.
5 Voir p. 116.
6 Lettre du 12 juillet 1942.
7 Ibid.
8 Voir p. 252.
9 ADML 24 W 11.
10 Lettre du 3 août 1941.
11 Lettre du 21 septembre 1941.
12 Internet, site de l’INA.
13 L’échec de la Relève débouche sur la mise en place du STO.
14 Lettre du 6 mai 1945.
15 Lettre du 3 mai 1943.
16 Lettre du 27 juin 1943.
17 Lettre du 6 novembre 1942.
18 Lettre du 20 décembre 1943.
19 Lettre du 6 septembre 1942.
20 Le Stalag XVIII C vous parle, no 12, novembre 1942.
21 ADML 24 W 11.
22 ADML 18 W 76.
23 Le Stalag XVIII C vous parle, no 12, novembre 1942.
24 Ibid.
25 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e bureau, secret ; Bibliothéca Andana ; postérieur à janvier 1945.
26 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C.
27 STO : Le Service du travail obligatoire, instauré par la loi du 16 février 1943, mit en place la réquisition et le transfert en Allemagne de travailleurs contre leur gré. Il s’agissait de remédier à l’échec relatif de la Relève.
28 ADML 18 W 76.
29 Beaufort-en-Vallée devenue en 2016 commune déléguée de Beaufort-en-Anjou.
30 Lettre du 5 décembre 1942.
31 Durand Yves, op. cit., p. 331.
32 Lettre du 23 mai 1943.
33 Lettre du 26 mai 1943.
34 AN F9 2301, Visite des Délégués Scapini, le 4 avril 1942.
35 Ibid.
36 Lettre du 25 mai 1943.
37 Lettres des 30 mai et 12 juin 1943.
38 Lettre du 11 juin 1943.
39 Durand Yves, op. cit., p. 333.
40 ADML 18 W76.
41 Lettre du 27 juillet 1943.
42 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e Bureau, Secret, Bibliothéca-Andana. Sans date mais postérieur à janvier 1945.
43 AN F9 2720.
44 Lettre du 26 décembre, 1943.
45 AN F9 2890, lettre d’un officier supérieur rapatrié datée du 18 décembre 1941.
46 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 30 mai 1945.
47 AN F9 2720, Rapport du Dr Rubli à l’issue de sa visite du 18 octobre 1941.
48 Toupiller : évider le bois avec une toupie (entailles, moulures).
49 Section III : du travail des Prisonniers de guerre, chapitre 5, du salaire.
50 Article 34 : indemnité de travail.
51 Journal de captivité de Gaston Duplat.
52 Voir p. 170.
53 Lettre du 3 mai 1942.
54 Lettre du 22 novembre 1942.
55 Lettre du 5 mai 1944.
56 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 13 octobre 1943.
57 Lettre du 21 juin 1941.
58 Lettre du 7 janvier 1944.
59 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 7 septembre 1941.
60 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 8 septembre 1941.
61 Voir p. 189.
62 Voir p. 248.
63 Lettre du 5 septembre 1944.
64 Lettre du 2 mars 1942.
65 Lettre du 5 septembre 1942.
66 Journal de captivité de Gaston Duplat de janvier 1944 à avril 1945.
67 Lettre du 9 janvier 1944.
68 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 27 juillet 1943.
69 Voir p. 115.
70 Lettre du 17 janvier 1943.
71 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 9 octobre 1941, le 3 septembre 1943, le 7 juin 1944, le 28 août 1944.
72 Voir p. 115.
73 Journal de captivité de Gaston Duplat le 8 août 1944, le 17 août 1944, le 28 août 1944.
74 Lettre du 6 août 1944.
75 Voir p. 95.
76 Voir p. 125.
77 Journal de captivité de Gaston Duplat le 28 septembre 1941.
78 Journal de captivité de Gaston Duplat le 15 octobre 1944.
79 Journal de captivité de Gaston Duplat le 21 décembre 1941 : « Une séance de musique par un orchestre franco-serbe » ; le 7 octobre 1942 : « Nous sommes allés au théâtre au Stalag dans un Kommando voisin » ; le 5 mars 1944 : « Nous avons eu la visite de la troupe de théâtre du Stalag ».
80 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 24 janvier 1941 : « Nous allons jouer une pièce de théâtre » ; le 4 février 1943 : « Nous faisons un essai pour une pièce de théâtre. »
81 Lettre du 3 mai 1943 : « Nous faisons de temps à autre un peu de musique » ; Journal de captivité de Gaston Duplat, le 6 septembre 1943 : « Nous allons jouer de la musique au Kommando voisin. »
82 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 6 décembre 1941.
83 Lettre du 16 août 1942.
84 Lettre du 17 janvier 1943.
85 Lettre du 1er octobre 1944.
86 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 27 février 1944.
87 Lettre du 1er janvier 1943.
88 Lettre du 15 mai 1944.
89 Lettre du 10 décembre 1944.
90 ADML 18 W 76.
91 Lettre du 29 décembre 1943.
92 Lettre du 31 juillet 1943.
93 Lettre du 14 avril 1944.
94 Journal de captivité de Gaston Duplat ; certains, à la lecture de cet ouvrage, retrouveront les traces du passé de leur père.
95 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 2 décembre 1941.
96 Journal de captivité de Gaston Duplat, le 20 juillet 1941, le 31 août 1941.
97 Lettre du 8 août 1943.
98 Lettre du 1er février 1942.
99 Lettre du 22 février 1942.
100 Lettre du 2 décembre 1944.
101 Lettre du 13 décembre 1944.
102 Lettre du 12 juillet 1942.
103 Lettre du 22 décembre 1943.
104 Lettre du 22 décembre 1943.
105 Archives familiales.
106 Ibid.
107 Lettre du 26 décembre 1943.
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