Chapitre II. Le Stalag XVIII C et ses Kommandos
p. 79-154
Texte intégral
Une Autriche nazifiée
L’Autriche, Sankt Johann im Pongau et le national-socialisme
L’Autriche : Ostmark
1Les prisonniers arrivaient dans une Autriche soumise et ralliée à l’Allemagne. Les nazis avaient pris le contrôle du pays, poursuivant ainsi leur politique révisionniste des traités et leur expansion pangermaniste. Cette annexion se déroula en plusieurs étapes.
2Dès 1934, le Reich s’appuya sur le parti nazi autrichien pour éliminer, en l’assassinant le 25 juillet 1934, le chancelier Dollfuss qui leur manifestait hostilité et résistance. Cependant la tentative de prise de pouvoir par les nationaux-socialistes autrichiens échoua même si son successeur, von Schuschnigg, dut se résigner en juillet 1936, sous la pression d’Hitler, à prendre dans son gouvernement des membres du parti national-socialiste autrichien, entraînant progressivement le pays dans une perte d’indépendance. L’amorce du renversement des alliances engagé par Mussolini et la faiblesse de la réaction française face à la remilitarisation de la Rhénanie (mars 1936) le laissaient isolé. La résistance d’un front regroupant communistes, catholiques et conservateurs ne put empêcher l’éviction par démission le 11 mars 1938 de von Schuschnigg et son remplacement par le nazi Seyss-Inquart. Le 12 mars, les troupes allemandes entrèrent en Autriche. Hitler vint à Vienne et annonça le 13 mars l’Anschluss sans qu’une réaction internationale n’ait lieu. Le 10 avril 1938, Hitler organisait un référendum, en fait un véritable plébiscite tant les pressions furent grandes sur les votants. Les Autrichiens devaient répondre à la question suivante :
« Acceptez-vous la réunification de l’Autriche avec le Reich allemand qui a été actée le 13 mars 1938 et votez-vous pour la liste de notre führer Adolph Hitler ? »
3Les Autrichiens l’approuvèrent par 99,73 % de oui et l’Autriche devint alors une Ostmark, une province allemande. La nazification du pays pouvait commencer et l’exploitation économique s’amorcer sous l’autorité du gauleiter Josef Bürckel.
Sankt Johann im Pongau
Un village du Tyrol
4Le village de Sankt Johann im Pongau se situait dans la province du Tyrol à une soixantaine de kilomètres au sud de Salzbourg sur un axe routier et ferroviaire qui s’étirait le long de la vallée de la Salzach, petite rivière affluent de l’Inn qui se déversait dans le Danube. Il occupait le fond d’une vallée d’altitude (565 m au plus bas ; 618 m au plus haut) encaissée entre des montagnes culminant de 2 400 mètres à 3 000 mètres dans les massifs du Tennengebirge, du Dachstein, du Pinzgau et du Hochkönig.
Photographie 16. – Sankt Johann im Pongau en 1937 © Duplat, C. Archives familiales.

5En 1938 la commune comptait 3 720 habitants répartis entre le village (1 522 habitants) et son terroir (2 198 habitants). Il s’agissait donc d’un petit village.
Tableau 11. – La population de Sankt Johann im Pongau en 1938.
Habitants | Dont commune rurale | Dont commune urbaine | ||||
Agriculture | 1 586 | 43 % | 1 471 | 67 % | 115 | 8 % |
Industrie et artisanat | 822 | 22 % | 291 | 13 % | 531 | 35 % |
Commerce, transport | 412 | 11 % | 146 | 7 % | 266 | 17 % |
Banque, assurances | 8 | 0,2 % | 8 | 0,5 % | ||
Fonction publique | 172 | 5 % | 7 | 0,3 % | 165 | 11 % |
Professions libérales | 146 | 4 % | 2 | 0,1 % | 144 | 10 % |
Domesticité | 25 | 0,7 % | 6 | 0,3 % | 19 | 1 % |
Sans profession | 427 | 11 % | 196 | 9 % | 231 | 15 % |
Inconnu | 122 | 3 % | 79 | 4 % | 43 | 3 % |
Total | 3 720 | 100 % | 2 198 | 100 % | 1 522 | 100 % |
6L’agriculture et les travaux forestiers fournissaient une grande partie des emplois notamment dans la campagne tandis qu’artisanat et services, tant privés que publics, se localisaient principalement dans le village. Ici, la population était catholique à plus de 99 % (vingt et un protestants, deux juifs, deux sans confession).
Tableau 12. – Les activités économiques à Sankt Johann im Pongau à la veille de la guerre.
Services publics | Commune Chemins de fer |
Agriculture | Exploitations agricoles |
Bois | Entrepôt de bois Scierie |
Artisanat | Maçonnerie Électricité Cordonnerie Charpente Forge Serrurerie Peinture |
Commerces et services privés | Restauration Boulangerie Magasins Blanchisserie Coiffure Horlogerie |
Santé | Cabinet dentaire Hôpital |
7Jusqu’en 1933, la vie politique se trouvait dominée par le parti chrétien-social qui parvenait à travailler avec les sociaux-démocrates dans un climat démocratique. L’arrivée du gouvernement Dollfuss le 20 mai 1932 fit basculer l’Autriche dans un régime autoritaire hostile à la fois à la démocratie et aux extrémismes : interdiction des partis communiste et nazi, répression des mouvements sociaux, mise en place d’une nouvelle constitution anti-démocratique, rapprochement avec Mussolini. Au plan local la démocratie recula, notamment au sein de la vie municipale.
8Le gouvernement Dollfus se heurtait à de graves difficultés liées à la crise économique et sociale que l’Autriche subissait depuis le début des années trente, consécutivement aux désengagements financiers américains. Chômage, endettement, manque de logements, mendicité touchaient un certain nombre de familles de Sankt Johann im Pongau. Les politiques locales ainsi que les organisations caritatives ne parvenaient pas à endiguer le phénomène. La commune se débattait avec des problèmes financiers récurrents.
9Sur ce fond de crise économique et sociale le parti nazi autrichien commença à prospérer. Présent dès 1922 à Sankt Johann im Pongau aux élections locales, le parti obtint 11 % des voix à ces mêmes élections en 1931 au point de devenir la seconde force politique après les chrétiens-sociaux en 1932 à la veille de la prise de pouvoir par Dollfuss. Il s’appuyait de plus en plus sur les paysans et les jeunes. En 1933, interdit par Dollfuss, le parti nazi autrichien poursuivit son action dans la clandestinité, mais l’Anschluss le replaça au cœur de la vie politique locale.
L’emprise national-socialiste
10Comme leurs compatriotes, les habitants de Sankt Johann im Pongau, soumis à la propagande et au contrôle, approuvèrent à la quasi-unanimité l’Anschluss. Les taux de participation au scrutin et le taux de soutien à l’Anschluss atteignaient des scores propres aux régimes totalitaires. Les Autrichiens ne disposaient manifestement pas de leur liberté d’expression ; par ailleurs, peut-être attendaient-ils de ce nouveau statut une amélioration de leur condition économique et sociale ?
Tableau 13. – Les résultats du référendum du 10 avril 1938 à Sankt Johann im Pongau.
Circonscription | Inscrits | Votants | Nul | Non | Oui |
Circonscription générale* | 25 271 | 25 191 | 32 | 34 | 25 125 |
Circonscription cantonale de Sankt Johann** | 7 957 | 7 918 | 12 | 10 | 7 896 |
Circonscription communale*** | 2 446 | 2 421 | 2 | – | 2 419 |
* Elle comprenait les aires électorales de Gastein, Radstadt, St Johann, Werfen.
** Elle comprenait Goldegg, Goldeggweng, Grossarl, Hüttschlag, Kleinarl, St Johann, St Veit, Schwarzach, Wagrain.
*** St Johann.
11Le succès de l’Anschluss provoqua la prise de contrôle de la municipalité par les nationaux-socialistes autrichiens. Constitué de notables locaux issus des professions libérales (avocat, dentiste), du monde de l’artisanat (mécanicien, peintre) ou du commerce (aubergiste, banquier), le conseil municipal décida de marquer son arrivée au pouvoir par un acte très fort : le changement de nom de la commune. Sankt Johann im Pongau devint Markt Pongau. Les nationaux-socialistes imposèrent à la population des mesures pénibles comme l’encadrement et la surveillance de plus en plus pesants des organisations professionnelles notamment paysannes. Ils épurèrent les principaux services publics comme la gendarmerie, les pompiers ou le corps enseignant et se méfièrent d’une Église qui conservait une certaine emprise sur la société. Ils appliquèrent enfin la politique antisémite du national-socialisme. L’arrivée des nationaux-socialistes au pouvoir devait se traduire par une rupture et le retour à l’optimisme dans la population. Les autorités locales et régionales élaborèrent des plans d’investissement1. Il fallait résorber le chômage et élever le niveau de vie. Un secteur bénéficia de ces orientations : le tourisme. Il fallait exploiter au mieux la qualité et la beauté des paysages de la vallée et de ses montagnes, faire de Markt Pongau un lieu de villégiature. Par ailleurs, la politique nataliste engagée par les nazis portait ses fruits.
Tableau 14. – Les naissances à Markt Pongau (1939-1940).
Naissances | |
1939 | 155 |
1940 | 193 |
Prisonniers de guerre, économie de guerre
L’organisation militaro-administrative de la main-d’œuvre
L’administration allemande
12Le camp de Markt Pongau relevait du Wehrkreis XVIII, circonscription militaire localisée au sud de l’Autriche (Tyrol, Vorarlberg, Carinthie, Styrie, nord de la Slovénie et de la Moravie), à proximité des frontières suisse, italienne, yougoslave et hongroise. Il était borné au nord par le Wehrkreis XVII et le Wehrkreis VII. Le Wehrkreis XVIII dépendait d’un commandement sis à Salzbourg, le XVII d’un commandement sis à Vienne, le VII d’un commandement sis à Munich. L’Allemagne comptait alors une vingtaine de circonscriptions aux territoires fort inégaux, héritage de son histoire militaire et de ses annexions tardives.
Carte 4. – Le Wehrkreis XVIII et les camps de prisonniers.

© Duplat, C.
13Ainsi les Wehrkreis XX et XXI se situaient en Pologne annexée. Deux camps se trouvaient en France le XII F à Forbach et le VD à Strasbourg ; deux camps disciplinaires en Pologne : le 323-325 à Rawa-Ruska (mars 1942) et le 369 à Kobierzyn (juin 1942).
14Les camps portaient le numéro correspondant à celui de la circonscription militaire à laquelle ils appartenaient ; l’administration allemande ajoutait une lettre en commençant par le début de l’alphabet. Pour certains un chiffre pouvait le désigner. Ainsi à Markt Pongau, le Stalag XVIII C porta aussi, à partir d’octobre 1941, le nom de Stalag 317. Le nombre et la fonction des camps dans la circonscription (Stalag ou Oflag) varièrent au cours du conflit. Certains ouvrirent dès octobre 1940 et les premières victoires sur la France, d’autres à la mi-1941 avec le déclenchement du plan Barbarossa contre l’URSS de Staline. Ce fut le cas de Markt Pongau, qui, tout en se préparant à recevoir des prisonniers de l’Armée rouge, contribua à l’intensification de l’effort de guerre rendu nécessaire par l’extension du conflit à l’Est. Il ne ferma qu’à la libération au printemps 19452.
Tableau 15. – Stalags et Oflags dans le Wehrkreis XVIII de 1939 à 1945.
Localisation | Évolution | |||
Wolfsberg Kaerntern | Oflag XVIII C Octobre 1939-Février 1941 | Stalag XVIII A Février 1941 | ||
Lienz | Oflag XVIII A Octobre 1939-Juin 1943 | |||
Spittal-Drau | Oflag XVIII C Octobre 1939-Février 1941 | Stalag XVIII B Février 1941-Octobre 1942 | Stalag XVIII AZ Octobre 1942 | Lag XVIII Octobre 1944 |
Wagna | Stalag XVIII Octobre 1942-Janvier 1943 | Oflag XVIII A Août 1943-Septembre 1944 | ||
Marburg | Stalag XVIII D Juin 1941-Octobre 1942 | Stalag XVIII BZ Août 1942-Novembre 1942 | ||
Markt Pongau | Stalag XVIII C ou 317 Juin 1941 |
15Les Mannschaftsstammlager ou Stalags regroupaient les hommes de troupes et leurs sous-officiers dans un camp de base ou Stammlager et dans des Kommandos de travail externés, mais juridiquement rattachés au camp : les Arbeitskommandos. Les Offizierslager ou Oflags rassemblaient les officiers. Le « Lag » créé en octobre 1944 à Spittal internait des civils qui se montraient hostiles au pouvoir en place mais relevait des forces armées. Le même camp de Spittal faisait aussi office de lazarett, c’est-à-dire d’hôpital, pour les prisonniers de guerre.
16Les camps se trouvaient sous la responsabilité de la Werhmacht, notamment du haut commandement (OKW : Oberkommando der Wehrmacht) et de son administration générale (AWA : Allgemeinen Wehrmachtsamt). Il fallait traiter de nombreuses questions en vue du bon fonctionnement du système : statistiques et fichiers ; installation et organisation des camps ; déploiement des forces de garde ; traitement des prisonniers ; organisation de la main-d’œuvre ; affaires postales et transports ; relations avec la Croix-Rouge ; mises en congés, renvois ou échanges de prisonniers ; évasions. Au cours de la guerre, les services se renforcèrent par la création de nouveaux « bureaux » et postes. En juillet 1943, la charge d’Inspecteur général pour les services des PG de la Wehrmacht fut créée. Il fallait contrôler et surveiller l’efficacité de l’organisation afin que la main-d’œuvre captive participe au mieux à l’effort de guerre, d’autant que les bombardements intensifs sur l’Allemagne pesaient de plus en plus fortement sur l’appareil productif du Reich. En 1944, une autre évolution s’opéra. À la suite des difficultés du régime symbolisées par l’attentat manqué contre Hitler en juillet 1944 et auquel participèrent des officiers supérieurs de la Wehrmacht, et consécutivement à une évasion spectaculaire au Stalag Luft III Sagan (76 évadés), la SS interféra dans l’organisation et imposa une double chaîne de commandement3 : l’une relevant de l’OKW, l’autre de la SS. Celle-ci put ainsi agir jusqu’au niveau des commandants de camp et introduisit dans les Kommandanturen un délégué du Reichssicherheitshauptamt (RHSA)4. La SS s’immisçait dans un secteur initialement dévolu à la Wehrmacht.
La Délégation à l’inspection des camps
17Jusqu’au protocole du 16 novembre 1940 signé à Berlin entre Vichy et Berlin, les prisonniers de guerre français en Allemagne bénéficiaient de la médiation des États-Unis, puissance neutre habilitée à ce titre à servir d’intermédiaire entre eux et leurs vainqueurs et à faire respecter la convention de Genève de 1929. Après cet accord où chaque parti semblait y trouver son compte (pour Vichy, une emprise sur les captifs ; pour Berlin, un moyen de pression), la France devint la puissance protectrice des prisonniers. Le régime de Vichy mit en place rapidement, tant dans la zone occupée que dans la zone libre, une importante administration dévolue aux PG, le Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre5. Pétain nomma à la tête de ce SDPG Georges Scapini avec rang d’ambassadeur. Ancien combattant et blessé de guerre, député de droite pendant l’entre-deux-guerres, favorable au vote des pleins pouvoirs à Pétain en juin 1940, ancien dirigeant du comité « France-Allemagne » et président des aveugles de France, Scapini présentait aux yeux du Maréchal toutes les garanties pour assurer cette mission qui prit vite le nom de mission Scapini.
18Une Délégation à l’inspection des camps, créée en décembre 1940, se fixa à Berlin au printemps 1941. Elle envoya d’abord dix puis seize inspecteurs dans les différents Wehrkreis ; certains venaient de France. Puis à partir du 23 mai 1941 elle installa un réseau de délégués itinérants, recrutés dans les Oflags ; ils agissaient souvent par paire et en civil aux côtés des autorités allemandes. Enfin à partir de mars 1942 ces délégués furent doublés d’officiers-conseils directement attachés à un Wehrkreis et résidant le plus souvent dans le camp de base le plus important6.
Délégués et officiers-conseils à Markt Pongau
19Les délégués et les officiers-conseils devaient en premier lieu visiter les camps et les Kommandos et établir des rapports à destination de la délégation de Berlin du Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre. Ces rapports pouvaient ensuite être acheminés sur Paris. Ils constituaient pour Vichy une base d’informations pour développer sa politique à l’égard des prisonniers de guerre. Il s’agissait d’une part, d’améliorer les conditions de détention en s’appuyant sur la convention de Genève, d’autre part, d’encadrer politiquement ces hommes. Ils représentaient un véritable enjeu pour le régime de Vichy. Les rapports des délégués Jarry (21 septembre 1941), de Cotteret et du capitaine de la Chapelle (4 avril 1942), de Druon et Bronnet (24 juillet 1944) ou de l’officier-conseil le capitaine Auboyneau (22 mai 1942 ou 17 septembre 1942) furent rédigés en ce sens7.
20Les rapports rendus après la visite des camps ou des Kommandos en compagnie des hommes de confiance8, des autorités allemandes, faisaient état d’abord des conditions matérielles : population captive, logement, nourriture, vêtements, conditions sanitaires (hygiène, soins) et spirituelles (exercice des cultes, bibliothèque), efficacité du service postal. Ils décrivaient les conditions de travail (métiers, horaires, salaires…). Ils s’intéressaient aussi aux relations entre prisonniers et Allemands : sécurité du camp, évasions, sanctions disciplinaires. Ils renseignaient aussi le pouvoir sur le moral des captifs et leurs sentiments vis-à-vis de Pétain et de Vichy et la politique de collaboration. Dans sa visite du 4 avril 1941 le délégué Jarry notait :
« Le moral des prisonniers n’est pas aussi bas qu’on pouvait le craindre. Il semble qu’ils soient traités par le personnel de garde avec une certaine bienveillance et le commandement du camp semble être dans d’excellentes dispositions. »
21Information toute empreinte de prudence tout de même. D’une manière générale les rapports des délégués semblaient plutôt orientés favorablement. Le capitaine Auboyneau, officier-conseil, se montrait plus assuré encore en écrivant le 17 septembre 1942 :
« J’ai pu constater au cours de ma tournée de Kommandos que l’état physique et le moral des hommes était dans l’ensemble bon. Par moral, je veux entendre : ressort, aptitude à supporter leur situation, entrain, aptitude à réagir et à se distraire. En un mot, la plupart d’entre eux, surtout les moins de 40 ans, ne sont pas abattus ni amoindris par la durée de la captivité. »
22Pourtant la lecture des carnets de captivité atteste du contraire ! On comprend mieux cette relation en étudiant les rapports précédents. L’officier-conseil Auboyneau était à tout le moins maréchaliste si on se réfère aux allusions à la « personne » du Maréchal. Le 22 mai 1942 il écrivait :
« L’accueil qui a été réservé à une courte causerie que j’ai faite à mon arrivée sur le Maréchal, sur son œuvre et la France de demain m’ont permis de constater combien était grand chez nos hommes l’attachement à la personne de notre chef9. »
23Le rapport du 17 septembre 1942 est plus édifiant encore. Au chapitre iii Moral :
« Le prestige du Président Laval, dont je constatais avec plaisir l’amélioration ces temps derniers a subi un coup sérieux. La personne même du Maréchal est discutée par certains. »
24Il défendait les hommes mais aussi la politique de collaboration :
« Car si les prisonniers rouspètent contre la durée de la captivité et contre ceux qui les y maintiennent, il n’en est pas moins vrai que la qualité de leur travail constitue une Collaboration en actes qui, à mon humble avis est plus efficace que bien des discours. »
25Plus loin il ajoutait :
« Il y a encore des braves types qui suivent aveuglément le Maréchal, une élite peu nombreuse, qui savent s’élever au-dessus de leur condition de prisonniers. » Le cercle Pétain du Stalag « fonctionne toujours d’une façon satisfaisante. Le secrétariat en est assuré par le sergent Francis André qui remplit ses fonctions avec beaucoup de conscience. Malheureusement le départ à Val Duna du docteur Nouailles est une très grande perte car il avait une excellente influence sur ses camarades. »
26Auboyneau veilla rapidement à son remplacement par un homme affidé, le docteur Ramez. Auboyneau constituait de fait un relais de Vichy au sein du camp, sollicitant même de son administration des moyens d’action :
« Dans mes lettres du premier juin au Comité général d’assistance aux prisonniers de guerre, du 3 juin à Monsieur le Commissaire au reclassement, je demandais l’envoi dans les Stalags d’une documentation Révolution Nationale destinée aux Kommandos. On a reçu par la suite un fatras de documents périmés n’ayant que des rapports superficiels et lointains avec la question. Qu’attend-le S/Secrétariat à l’information dont c’est le métier ? Il s’agit simplement d’éditer une brochure de format magazine, d’une centaine de pages, facile à lire, où soient mises en parallèle les idées directrices, les réalisations et les perspectives d’avenir de la Révolution Nationale. On s’étonne que le peuple ne comprenne pas : encore faut-il se donner la peine de lui expliquer les choses. » [Plus loin] « Il serait agréable à beaucoup de prisonniers, et je m’en réjouis, de recevoir un insigne Pétain. Pourriez-vous en faire parvenir dans les Stalags XVIII ? »
27Il prévint aussi son administration de tutelle sur la nécessité de mieux expliquer la politique de la Relève10, de contrôler davantage les nouvelles que publie la presse à ce sujet et de bien choisir les bénéficiaires de la Relève :
« D’autre part, il faut savoir que les prisonniers épluchent littéralement, tout ce qui, dans la presse, peut les concerner ; aucun détail ne leur échappe. La composition du premier train a été très étudiée ; la libération d’un certain nombre de membres actifs du cercle Pétain au Stalag I A a donné lieu à des commentaires malveillants. »
28Auboyneau livrait ainsi ses convictions politiques « dans la ligne anticommuniste du Maréchal » et en rupture avec une France d’avant-guerre victime du « bourrage de crâne ». Il fallait que cet engagement soit reconnu :
« J’ai eu connaissance par un communiqué de Vichy du 27 août du Statut de la Francisque paru dans un précédent JO11. Il me serait agréable de recevoir cet insigne avec, si vous le voulez bien, votre parrainage et un membre de votre mission (art. 6)12. En ce qui concerne mes états de service (art. 5)13, on pourra consulter mon dossier militaire14. »
29Pour Vichy ces délégués et officiers-conseils jouaient un rôle important dans le contrôle de la vie des prisonniers. Aussi Vichy enregistrait les plaintes qui survenaient parfois à l’issue de rapatriements. Pétain en personne rappela à son ambassadeur de France chargé du service diplomatique des prisonniers de guerre, en l’occurrence Scapini, cette exigence dans une lettre du 5 septembre 194115 :
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que des critiques sévères et parfois violentes sont formulées par la grande majorité des prisonniers rapatriés contre les délégués chargés de la visite des camps en Allemagne. […] Ces délégués se seraient montrés incapables de remplir la mission noble et délicate qui leur est confiée.
Vos délégués agissent en votre nom. Ils doivent être dignes de votre choix. Ce n’est qu’une raison de plus pour sélectionner de façon rigoureuse ceux qui sont auprès des prisonniers les représentants et les messagers de la France.
Vous saisirez toute occasion favorable pour éclairer nos prisonniers sur le rôle de vos délégués et sur ce qu’ils peuvent en attendre. Les journaux “Le trait d’Union” [et] “Toute la France” doivent pouvoir répondre à cet objet. »
30Il terminait en rapportant qu’ils avaient la responsabilité d’une « mission dont dépendent non seulement le moral des prisonniers et de leurs familles mais aussi pour une grande part celui du pays tout entier ». Cette missive peut expliquer le travail zélé de certains dont Auboyneau. Mais ce ne fut point sans déclencher chez un certain nombre de prisonniers une attitude de rejet de l’officier-conseil :
« J’ai constaté des réticences, enregistré des réflexions hargneuses, parfois noté une attitude presque hostile à mon égard. »
31Il resta cependant en poste jusqu’à disparition de la fonction en août 1944 sur décision des autorités allemandes tandis que la mission Scapini se sabordait aussi quelque temps après. Le retournement du rapport de force sur les différents fronts et la déliquescence du pouvoir vichyste avec notamment l’exil de Pétain et de Laval à Sigmaringen entraînaient mécaniquement une redéfinition des structures d’encadrement. Cela coïncidait avec l’intrusion de la SS dans le contrôle des camps16.
Population captive, population active
32Le nombre de prisonniers de guerre détenus dans le Wehrkreis XVIII ne cessa d’augmenter de mai 1940, mois des premières arrivées, à février 1942. Les effectifs reculèrent quelque peu ensuite, sans doute conséquemment à la Relève, puis augmentèrent à nouveau pour atteindre leur paroxysme en juin 1944 avec plus de 70 000 hommes, toutes nationalités confondues, principalement des Belges, des Britanniques, des Français, des Italiens, des Serbes et des Soviétiques. L’essentiel de la population captive fut envoyé dans les Kommandos de travail. Les Français représentaient la grande majorité des prisonniers jusqu’en janvier 1943, de 98 % en mars 1941 à 52 % en juin 1943 et restèrent les plus nombreux jusqu’à la fin du conflit (autour de 40 %). Quant aux prisonniers français relevant du Stalag XVIII C, ils représentèrent sur la période un tiers de leurs compatriotes de l’ensemble du Wehrkreis XVIII17.
Tableau 16. – Les prisonniers de guerre français du Wehrkreis XVIII et du Stalag XVIII C d’après les archives allemandes.
Dates | 10 septembre 1940 | 31 juin 1941 | 1er septembre 1941 | 1er février 1942 | 1er juin 1942 | 1er janvier 1943 | 1er juin 1943 | 1er janvier 1944 | 1er juin 1944 | 1er décembre 1944 |
Total de prisonniers | 2 542 | 27 180 | 53 692 | 59 368 | 58 880 | 56 269 | 55 261 | 60 035 | 70 465 | 61 877 |
Prisonniers en Kommandos | 25 684 | 79 783 | 49 056 | 51 164 | 51 730 | 51 260 | 59 237 | 60 186 | 50 064 | |
Prisonniers français | 1 775 | 26 662 | 37 972 | 33 142 | 33 147 | 31 093 | 29 156 | 27 720 | 27 208 | 27 089 |
% de prisonniers français du Wehrkreis XVIII | 70 % | 98 % | 71 % | 56 % | 56 % | 55 % | 53 % | 46 % | 39 % | 44 % |
Prisonniers français relevant du Stalag XVIII C | 7 916 | 8 151 | 7 790 | 7 721 | 8 951 | |||||
% de prisonniers français relevant du Stalag XVIII C sur le total de prisonniers français du Wehrkreis XVIII | 21 % | 28 % | 28 % | 28 % | 33 % |
33Les premiers prisonniers de guerre arrivèrent à Markt Pongau dès 1940. Logés dans les ateliers de l’école, ils travaillèrent pour la municipalité et pour quelques fermiers. Le mouvement s’amplifia, entraînant la création du camp en mars 1941 ; un camp pouvant accueillir près de 20 000 prisonniers répartis entre le camp de base et les Kommandos. L’essentiel des travaux du développement du camp se déroula avant l’hiver 1941 mais se poursuivit pendant l’année 1942.
34Les différents recensements opérés par les autorités allemandes et françaises (délégués ou officiers-conseils) ou internationales (Croix-Rouge), montrent l’importance du nombre de détenus.
35Les sources allemandes nous fournissent une série de quatorze relevés dont douze couvrent la période allant du premier décembre 1941 au premier décembre 194418 (tableau 17).
Tableau 17. – Estimation de la population captive recensée au camp de Markt Pongau d’après les sources allemandes.
Fran. | Brit. | Bel. | Pol. | Serb. | Sov. | Ita. | Amé. | Né*. | Total | Dont Kommandos Total et % | |
1er juillet 1941 | 1 041 | 1 486 | 2 527 | ||||||||
1er septembre 1941 | 7 916 | 46 | 2 276 | 10 238 | 10 126 (98 %) | ||||||
1er décembre 1941 | 11 311 | 6 119 | 2 677 | 20 107 | 16 853 (84 %) | ||||||
1er septembre 1942 | 9 254 | 163 | 5 016 | 5 013 | 19 446 | 16 336 (84 %) | |||||
1er décembre 1942 | 8 818 | 163 | 4 956 | 5 343 | 19 280 | 18 325 (95 %) | |||||
1er février 1943 | 8 627 | 160 | 4 858 | 5 226 | 18 871 | 17 799 (94 %) | |||||
1er juin 1943 | 8 151 | 161 | 4 958 | 6 109 | 19 379 | 18 300 (94 %) | |||||
1er septembre 1943 | 7 900 | 161 | 4 891 | 5 345 | 200 | 18 497 | 15 653 (84 %) | ||||
1er octobre 1943 | 7 920 | 1 255 | 161 | 4 873 | 5 290 | 2 754 | 199 | 22 452 | 16 198 (72 %) | ||
1er janvier 1944 | 7 790 | 587 | 161 | 4 905 | 6 675 | 2 909 | 56 | 23 083 | 18 313 (79 %) | ||
1er juin 1944 | 7 721 | 581 | 160 | 4 845 | 6 568 | 2 423 | 42 | 54 | 22 394 | 18 200 (81 %) | |
1er novembre 1944 | 8 757 | 292 | 600 | 4 762 | 7 000 | 59 | 967 | 22 437 | 16 553 (73 %) | ||
1er décembre 1944 | 8 951 | 982 | 293 | 997 | 4 783 | 7 009 | 52 | 23 067 | 16 881 (73 %) | ||
1er janvier 1945 | 8 939 | 990 | 293 | 980 | 4 779 | 7 000 | 48 | 23 029 | ? | ||
Estimation 1erseptembre 1941 au 31 janvier 1944 | 8 920 | 4 970 | 4 820 | 20 104 | ? | ||||||
% | 44,4 % | 24,7 % | 24% | 100 % |
NB : ajouter, au 1er septembre 1941, 34 républicains espagnols (Rothspanier).
*Néerlandais.
36Les relevés, allant du 1er septembre 1941 au 31 janvier 1944 révèlent un nombre moyen de prisonniers de 20 104 avec des pics en fin de période. Le camp fournit donc un potentiel de main-d’œuvre qui ne fléchit pas tout au cours de la guerre. Sur quatre ans, à raison de 10 heures de travail par jour sur une moyenne de 20 jours par mois (fourchette basse) 20 000 hommes (fourchette haute) effectuèrent plus de 192 000 000 d’heures de travail au service de l’économie de guerre du Reich. Le tableau des effectifs en date du 5 février 1944 montre par ailleurs le faible taux « d’inaptes » au travail alors que les conditions et de travail et d’internement restaient, pour la grande majorité, très difficiles. Sur 15 807 prisonniers recensés, 257 se trouvaient à l’hôpital, 217 à l’infirmerie, 52 en convalescence et 27 en cellule soit au total 3,48 % de l’effectif19.
37Les Français constituaient la communauté la plus importante : 44,4 % de la population détenue avec une moyenne de 8 920 prisonniers. Les Soviétiques arrivaient en troisième position (4 820 soit 24 %) précédés des Serbes (4 970 soit 24,7 %). À partir de 1943 le contingent britannique augmenta sensiblement. Les sources françaises apportent elles aussi leur lot d’informations (tableau 18).
Tableau 18. – Population captive recensée au Stalag XVIII C d’après les sources françaises.
Dates | 10 août 1941 | 29 septembre 1942 | Août 1943 | 24 octobre 1944 | 22 février 1945 |
Source | AN F9 2720 | AN F9 2301 | Secrétariat à la Guerre : Direction PG* | SGA Caen | SGA Caen |
Origine | Délégué Jarry | Officier-conseil Auboyneau | Croix-Rouge | Croix-Rouge | |
Total PG Rattachés au camp | 9 175 848 (9,2 %) | 12 000 600 (5 %) | 13 787 | 13 776 | |
Total PG français Rattachés au camp Sous-officiers | 6 908 (75 %) 163 (2,3 %) | 8 182 | 6 642 (48 %) 300 (4,5 %) 1 204 (18 %) | 7 110 (51 %) dont 1 360 camp nord (19 %) dont 282 camp sud (3,9 %) | |
Total PG belges Rattachés au camp Sous-officiers | 64 4 | 285 4 129 (45 %) | 288 dont 129 camp nord (44 %) | ||
Total PG serbes Rattachés au camp | 2 203 (24 %) | 4 800 (34,8 %) 250 (5,2 %) | 4 800 (34 %) dont 200 camp sud (4,2 %) | ||
Total de PG polonais Rattachés au camp | 1 800 (13 %) dont 800 camp nord (44 %) | ||||
Total PG italiens Rattachés au camp | 1 000 (7,2 %) dont 800 camp sud (80 %) | ||||
Total PG britanniques Rattachés au camp | 927 (6 %) 710 (76,5 %) | 978 (7 %) dont 280 camp nord (28 %) dont 249 camp sud (25 %) |
*Brochure conçue pour les familles de ceux qui ont encore leur place vide dans leur foyer, août 1943. BDIC, université Paris-Nanterre.
38Il apparaît que les communautés française et serbe occupèrent le camp du début à la fin du conflit, le sort de la France et de la Yougoslavie ayant été scellé dès juin 1940 pour l’une, un mois avant pour l’autre. L’attaque conjointe des Allemands, des Italiens, des Hongrois et des Bulgares, une attaque rapide sans que les Yougoslaves aient pu organiser leur défense, entraîna la chute de Skopje le 7 avril 1940, de Zagreb le 11 avril et de Belgrade le 12 avril. La Yougoslavie capitula le 17 avril 1940, fut démantelée et la Serbie occupée par les Allemands20. L’entrée en guerre de l’Allemagne contre l’URSS en juin 1941 provoqua l’afflux de prisonniers soviétiques dès décembre 1941.
39Ensuite, le retournement du rapport de force à l’Est après la défaite allemande de Stalingrad provoqua l’arrivée de Polonais transférés des camps de l’Allemagne orientale. Au sud, la chute de Mussolini le 25 juillet 1943, la signature de la capitulation de l’Italie face aux Alliés le 3 septembre 1943 à Cassibile et les ambiguïtés politiques et diplomatiques de Badoglio, le nouveau chef de gouvernement, provoquèrent une réaction immédiate d’Hitler : l’Italie passait dans le camp de l’ennemi. Des combats s’en suivirent et les soldats italiens vinrent s’ajouter aux détenus de Markt Pongau.
40D’autres nationalités, faiblement représentées (moins de 10 % au total), partageaient le même destin : des Britanniques, des Belges, des Néerlandais, des Américains et en septembre 1941 quelques républicains espagnols probablement en transit. La majorité des prisonniers étaient des hommes de troupe. Le rapport de la Croix-Rouge du 24 octobre 1944 évaluait le nombre de sous-officiers français : celui-ci s’élevait à 1 204 soit 18 % de l’effectif national.
41Le camp de base servait essentiellement de camp de transit pour la main-d’œuvre ; jusqu’en juin 1943, plus de 95 % des prisonniers partaient vers les Kommandos de travail21. Un bureau, directement lié à l’administration du camp, recevait les demandes de main-d’œuvre émanant des entrepreneurs, des fermiers et des services. Par la suite, la situation évolua. La part des détenus au camp passa progressivement de 5 % environ à 20 %. La détérioration de la situation générale (avance des Alliés, bombardements) poussait les hommes des Kommandos les plus éloignés à rejoindre le camp de base.
Le camp de base
L’organisation du camp
La mise en place des camps
La localisation
42Le camp se situait à trois kilomètres de Markt Pongau, à 68 kilomètres au sud de Salzbourg, coincé entre la voie ferrée Salzbourg-Innsbruck et la rive gauche de la Salzach, à proximité de la gare.
43Il s’étalait sur deux prairies sans ombrage dont la plus haute et large prit rapidement le nom de « Planum ». De l’autre côté de la rivière se tenaient les casernements, la Kommandantur qui abritait les services de la Kartei, de l’Arbeitseinsatz ; la baraque de la Briefpost et des Paketpost. Le tout séparait le camp de la ville. Pour Vichy, le camp présentait bien des avantages car « situé au fond d’une vallée aux abords d’un torrent dans une belle région où règne un climat sain22 ».
Carte 5. – Site de Markt Pongau d’après une photographie aérienne de la RAF datée du 11 avril 1945.

© Duplat, C.
Le cantonnement
44Il ouvrit le 22 mai 1941 sur un site dévolu antérieurement à l’emprisonnement d’opposants politiques au régime ; seules quelques baraques commençaient à être montées quand les premiers prisonniers arrivèrent. Les premières vagues prirent donc leur cantonnement sous des tentes militaires ; les prisonniers dormaient sur des paillasses de copeaux de bois humides au risque parfois de subir la furie du vent capable d’emporter cet habitat précaire.
« Un jour, une tempête montagnarde enleva nos tentes qu’il fallut remonter sous des éléments inconfortables en attendant notre entrée dans des baraques en bois23. »
Photographie 17. – Le Stalag XVIII C en 1941.

© Bundesarchiv Bild N 1578 Bild-031-41.
45Progressivement, les Allemands firent construire des baraques par les prisonniers. En mars 1942, « la construction des baraques n’est pas complètement terminée24 ». Aux quatre baraques achevées en octobre 1941, trois destinées aux Français et une à l’infirmerie, succéda une série de nouvelles constructions rendues nécessaires par l’arrivée de nouveaux prisonniers. En juin 1942, la mission Scapini évoquait « les capacités insuffisantes du camp et les travaux d’agrandissement en cours25 ». Au maximum de son extension le camp devait compter de 25 à 30 baraques pouvant accueillir chacune de 300 à 500 prisonniers. Les longues baraques, 45-50 mètres de longueur « d’un modèle classique », reposant sur une base de maçonnerie, présentaient un couloir central qui desservait de part et d’autre douze chambrées éclairées par des croisées : « Les aménagements intérieurs ressemblaient à ceux des autres Stalags26. » Chaque chambrée accueillait six, neuf ou douze hommes dans des châlits à trois étages avec paillage sans rembourrage. Les prisonniers disposaient de deux couvertures, une troisième était attribuée aux Nord-Africains. Ils pouvaient utiliser des étagères pour leurs affaires personnelles. Chaque baraque disposait « de l’eau courante froide, d’un espace de toilette et de lieux d’aisance27 ». Très vite les problèmes d’hygiène se posèrent entre le manque de lavabos, de douches et l’existence de fosses d’aisances creusées dans le camp.
Photographie 18. – L’intérieur d’une baraque au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
Photographie 19. – L’intérieur d’une baraque au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
46L’éclairage était électrique et le chauffage avec des poêles à charbon. On construisit à l’écart « d’autres baraquements pour l’infirmerie, les sanitaires, comprenant des lavabos et des douches. Un grand réfectoire servait aussi de salle de réunion28 ».
47Le camp, ceinturé de barbelés et encadré par une demi-douzaine de miradors à ses points sensibles, avait son entrée à proximité du pont qui enjambait la Salzach. Se trouvait là la baraque du Sonderführer et du corps de garde. Cette entrée délimitait en fait deux camps : le camp sud et le camp nord.
Photographie 20. – Miradors, barbelés et gardes au Stalag XVIII C.

© Bundesarchiv N 1578 Bild-003-28.
Photographie 21. – Une cour au Stalag XVIII C.

© Archives privées, Mooslechner Michael, Flachau, Autriche.
Camp sud, camp nord
48Le camp sud, le plus près de la gare, regroupa d’abord des prisonniers français principalement dans trois baraques : une pour les PG en transit vers les Kommandos, une pour les PG sédentaires (homme de confiance, chef de camp, employés aux divers services), une pour les PG prévenus en attente de jugement après évasion ou acte répréhensible ; cette dernière se trouvait isolée derrière des barbelés. S’y ajoutaient vers l’ouest en direction du Planum la baraque destinée aux cuisines, l’entrepôt alimentaire, la salle de loisirs et de distribution des colis. Plus loin, vers le sud, la baraque des sanitaires avec lavabos et douches. Sur la partie haute se dressaient les trois bâtiments en dur de l’infirmerie et du corps médical : médecins et dentiste29. À l’intérieur du camp sud, deux baraques « assez sombres et humides » regroupaient les prisonniers serbes arrivés en 1941, « complètement séparés » des prisonniers français en août 194230. Le reste du Planum servait aux manifestations collectives (sport, messe, rassemblement).
49Le camp nord emprisonna des soldats anglais, italiens mais surtout soviétiques. Pour ces derniers dans de terribles conditions : régime disciplinaire répressif avec interventions des SS ; sous-alimentation et malnutrition ; sous-médicalisation. Ce camp comprenait aussi trois baraques destinées aux sous-officiers non volontaires au travail et les réfractaires au travail. Selon l’article 27 de la convention de Genève, les sous-officiers pouvaient refuser de travailler ce que firent un certain nombre après avoir pris connaissance de leurs droits par la Croix-Rouge et Le Trait d’Union31. Les Allemands, à titre de représailles dissuasives, créèrent un camp spécial à Kobierzyn en Pologne en juin 1942 (camp 369).
Photographie 22. – L’équipe des cordonniers et tailleurs au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
50On avait aussi construit dans le camp nord une baraque pour les cordonniers et les tailleurs. Ils réparaient les effets des prisonniers et préparaient les costumes tant masculins que féminins pour la troupe de théâtre. À proximité du camp nord se trouvait aussi un « salon de coiffure ».
51La configuration des deux camps changea plusieurs fois durant la guerre en fonction des circonstances, comme l’arrivée de nouveaux détenus ou l’évolution de la guerre : transfert de l’infirmerie du camp sud vers le camp nord, périmètre de circulation plus ou moins vaste, cohabitation variable des diverses nationalités. Mais les prisonniers soviétiques restèrent très isolés au camp nord pendant toute la durée de leur captivité.
L’administration militaire allemande
La hiérarchie
52La direction du camp relevait d’un officier supérieur en l’occurrence pour Markt Pongau un colonel : se succédèrent au Stalag les colonels Ried, Behrens et Kadelke. Il était l’interlocuteur privilégié des principaux responsables des prisonniers : les commandants français du camp, les hommes de confiance, les aumôniers ou les médecins. En octobre 1941 les délégués de la Croix-Rouge notaient que les hommes de confiance du camp « attribuent le bon état d’esprit du camp en partie à la compréhension et à la bienveillance du commandant allemand ». L’aumônier principal Langlois s’entretenait régulièrement avec le colonel dirigeant le camp. Le commandant allemand recevait aussi toutes les délégations venues visiter le camp, celles de la Croix-Rouge, celles de la mission Scapini ou celles de l’officier-conseil. Il était assisté d’un adjoint, un commandant (le commandant Trieschmann), d’un officier de l’Abwehr (le capitaine Storch), d’un Sonderführer (Drolha) et d’un officier d’accompagnement de l’OKW (les capitaines Schaeffer puis Muller en second, de même grade ou de rang inférieur).
53Sous leurs ordres se trouvaient quelques officiers de rang subalterne ; les sous-officiers et soldats assuraient directement la garde des camps et des Kommandos : ces Posten se trouvaient donc directement en relation avec les prisonniers, les sous-officiers ayant souvent la responsabilité d’une baraque. Plus de 1 000 soldats de la Wehrmacht, logés dans les casernes de Markt Pongau assuraient la sécurité générale du camp. Ils s’appuyaient aussi sur une « police » intérieure au camp constituée d’une cinquantaine d’hommes recrutés parmi les prisonniers ; quant à la Kommandantur, elle regroupait les services administratifs du camp32.
L’administration
54Le camp disposait de nombreux services indispensables à son bon fonctionnement. Il fallait aussi mettre à jour un service d’archives nécessaire au suivi des prisonniers pendant leur captivité :
la Kartei : fichier d’identification des prisonniers ; fichier de répartition dans les Kommandos ; fichier des posten détachés dans les Kommandos ;
l’Arbeitsamt : bureau de liaison entre les autorités militaires et les employeurs civils ;
l’Abwehr : bureau de la sécurité militaire de la Wehrmacht ;
la Betreuung : service de santé ;
l’intendance : bureau des salaires, de l’économat, « La cantine du camp, qu’un sous-officier allemand administre, n’a pas d’articles de première nécessité : objets de toilette, cigarettes, bière33.
55Cette administration utilisait dans certains cas les prisonniers pour effectuer des tâches de secrétariat ou de traduction.
Les responsables PG
56Il existait, parallèlement à l’administration allemande, une administration française, à la fois souhaitée par Vichy et par Berlin. Pour Vichy, c’était maintenir l’apparence d’une troupe encadrée par des Français ; pour Berlin c’était associer les prisonniers à leur détention et donc désamorcer sans doute de plus fortes tensions entre prisonniers et geôliers. Cela répondait aussi à une disposition de la convention de Genève. Cet encadrement français faisait l’objet de toute l’attention de Vichy puisque le deuxième bureau, dans des notes confidentielles, traitait des rapports sur les officiers-conseils, les hommes de confiance ou les aumôniers34.
Le chef de camp
57Pour assurer la « discipline intérieure » du camp, les Allemands s’appuyaient sur un chef de camp. En octobre 1941, les délégués de la Croix-Rouge internationale rencontrèrent le « commandant français, l’adjudant Slimani Salah », matricule 541. Lui succéda Boyer toujours en poste en 194435.
L’homme de confiance
58Dans le camp, un homme de confiance principal, assisté d’un adjoint, incarnait cette « autorité française ». En général sous-officier, élu par ses compatriotes avec l’aval de Vichy, il devait être agréé par le commandement allemand du camp. Le sergent Cabanas prit la charge d’homme de confiance du camp dès juillet 1941 mais démissionna officiellement pour « raison de santé » en septembre 1942, probablement le 11. Dans un article paru dans le journal du camp au moment de sa démission, il mit en avant « le surmenage ». Il rappela que sa démission avait « été acceptée par les autorités allemandes et un vote de tous les camarades présents au camp a ratifié à une très grande majorité le choix que j’ai fait36 ». En fait sa démission s’expliquait pour l’officier-conseil Auboyneau par son manque de capacités ou de diplomatie :
« Cabanas a donné sa démission d’homme de confiance ; depuis l’affaire des sous-officiers en mai dernier, il était objet de critiques, d’attaques plus ou moins justifiées qui ont fini par le lasser37. En fait, il manquait certainement de fermeté et son désir de satisfaire tout le monde tenait de l’utopie » ; « Il a été remplacé par le sergent d’active Sis qui a été élu par 500 voix contre 80 environ. Sis avait fait ses preuves comme Homme de confiance d’un Kommando d’une centaine d’hommes qui fonctionnait admirablement. Il a été immédiatement agréé par les autorités allemandes38. »
59Pourtant, Cabanas se comporta comme un digne représentant du régime de Vichy et manifesta ses sentiments pétainistes du moins officiellement. Dans le journal du camp, Le Stalag XVIII C vous parle, il écrit :
« Partout règne un excellent esprit de camaraderie qui nous est instamment recommandé par le Maréchal. Notre vénéré chef est lui-même aimé et respecté : tous ont foi en lui, en sa claire lucidité pour conduire notre cher pays dans la dure épreuve qu’il traverse. En lui ils mettent tout leur espoir, et le soir, autour de la table, dans les chambrées où son portrait est à la place d’honneur, sa grande figure est bien souvent évoquée39. »
60Le sergent Sis succéda à Cabanas. Il avait été son adjoint notamment en endossant le « rôle délicat d’assurer la liaison avec les évadés et préventionnaires40 ». Il exerça sa fonction peu de temps puisqu’il fut « rapatrié en janvier 1943 » après son remplacement par le sergent Jean Benoit en décembre 1942. En décembre 1943, Jean Benoit bénéficia d’un rapatriement au titre de « l’Administration publique41 ». Le sergent-chef Émile Rougier prit alors la responsabilité du poste d’homme de confiance même s’il était « un peu jeune de caractère pour remplir cette mission ». Cependant il ne présentait « aucun renseignement défavorable ». Il avait été pourtant homme de confiance des punis de cellule de décembre 1942 à juin 194342. Il assuma sa fonction jusqu’à la libération du camp.
61L’homme de confiance représentait d’abord un interlocuteur privilégié auprès des Allemands, notamment pour défendre les intérêts matériels et moraux des prisonniers. Il faisait aussi le lien avec les Kommandos soit par courrier, soit par des tournées régulières apportant réponses et moyens ou faisant remonter auprès du commandant du camp leurs doléances. Ainsi Cabanas évoque sa première sortie en « camion surchargé de vivres, magistralement conduit par Giraudeau » dans la vallée de la Salzach, sa rencontre avec « l’homme de confiance Alfred Sulzer du Kommando 27 018 W, homme actif et débrouillard » et comment « remarques et suggestions sont notées avec soin » avant le retour au camp de base43. Ensuite il rencontrait les délégués des différentes missions venues de l’extérieur (Croix-Rouge française ou internationale ; mission Scapini). Enfin il se trouvait en contact avec les institutions françaises, en France (Service des prisonniers de guerre, Service d’entraide aux étudiants prisonniers, Centre national de solidarité des cheminots, Centre national d’assistance des PTT, Amitiés africaines) ou à Berlin (Délégation de Berlin).
Photographie 23. – Émile Rougier, homme de confiance du Stalag XVIII C en 1943.

© Maintenir, no 300, BDIC, université Paris-Nanterre.
62Il dirigeait par ailleurs un service administratif en charge de toutes les activités du camp : discipline, travail, approvisionnement, loisirs, entraides et secours, transferts de fonds, abonnements, santé, courrier, accidents et décès, mutation des Nord-Africains vers le midi de la France ce qui occasionnait un travail épistolaire abondant de réception et d’envoi.
Tableau 19. – Les hommes de confiance du Stalag XVIII C.
Homme de confiance | Matricule | Grade | Attesté en responsabilité | Source |
Cabanas | 4 403 | Sergent | Juillet 1941 à juillet 1942* | AN F9 2720 AN F9 2890 |
Sis | 86 705 | Sergent | Juillet 1942 à décembre 1942 | AN F9 2301 AN F9 2890 |
Jean Benoit | 57 340 | Sergent | Décembre 1942 à décembre 1943 | AN F9 2301 AN F9 2890 |
Émile Rougier | 85 647 | Sergent-chef | Décembre 1943 à la Libération | AN F9 2301 AN F9 2890 |
* Selon le rapport de la Croix-Rouge internationale du 1er août 1942, le sergent Cabanas serait toujours en responsabilité à cette date.
63L’homme de confiance s’appuyait au niveau du camp sur un certain nombre d’hommes qui avaient pris la responsabilité d’un secteur d’activité : l’aumônerie catholique dirigée par Langlois puis Danguy des Déserts, l’aumônerie protestante par Martin, l’infirmerie par [X], le journal du camp par Ranou, la Caisse des secours par Stevens et Stephan, le groupe théâtral par Duday, l’orchestre par Foussard, les transports par Marquand puis Frechon. Il nouait aussi un contact particulier avec les chefs de baraque et les hommes de confiance des autres nationalités. Par ailleurs chaque Kommando important possédait aussi son homme de confiance, courroie de transmission entre les prisonniers disséminés et le nœud central que constituait le Stalag. Enfin il bénéficiait des compétences linguistiques d’un interprète à l’instar de Buissine44.
Les services
Le service de santé
64Le camp comprenait un service sanitaire situé jusqu’à l’automne 1944 dans le camp sud et composé d’une infirmerie et d’un cabinet dentaire45. L’équipe médicale, coiffée par un médecin allemand, regroupait des soignants de différentes nationalités comme un médecin-major serbe46. Le service fut dirigé d’abord par le docteur Ramez assisté des docteurs Nouailles (médecin-lieutenant ayant aussi exercé au Stalag XVII A de Kaisersteinbruch) et Simonnet puis par le docteur Roques, médecin volontaire ; les docteurs Ramez et Nouailles jouaient par ailleurs un rôle dans le cercle Pétain du Stalag47.
65En octobre 1944, l’organigramme du service s’établissait ainsi :
Tableau 20. – Les services sanitaires du Stalag XVIII C (24 octobre 1944).
Médecin allemand* | |||||
Nationalité | Médecin chef | Autres médecins | Dentiste | Autre personnel sanitaire | Patients |
Français | Dr Roques André Capitaine volontaire** Dr Ramez Lieutenant | 3 | Dr Cario Jean volontaire** Trois mécaniciens | 25 | 45 Français et Belges |
Britannique | Dr Hoiden | 3 | ? | 40 | 35 |
Serbe | Dr Djorjevic | 2 | Un stomatologue | 11 | 28 |
* Le Dr Gebhard exerça au Stalag.
** À partir de 1943-1944, mise en place de la Relève des médecins.
66Les médecins prodiguaient les soins, délivraient des avis pour les arrêts de travail, préparaient les dossiers d’admission dans les hôpitaux ou pour le rapatriement sans qu’ils obtiennent forcément gain de cause. En janvier 1943, le délégué de la Croix-Rouge notait que « 35 prisonniers rapatriables ont été renvoyés dans leur détachement », que d’autres déclarés rapatriables attendaient depuis des mois « dont deux depuis plus d’une année ».
67En octobre 1941, l’infirmerie comptait 49 lits en fer disposés dans des petites chambres. 108 hommes se trouvaient à l’infirmerie à ce moment-là : Français, Belges, Britanniques et Serbes. L’infirmerie « recevait à leur consultation chaque jour en moyenne une centaine de prisonniers dont 40 à 50 Français48 ». On construisit deux nouvelles baraques pour accueillir de nouveaux malades. L’infirmerie a pu compter jusqu’à 80 lits. Cependant le nombre de lits pouvait s’avérer insuffisant quand on devait les « retirer pour être réparés ».
68Les malades souffraient de différentes pathologies liées aux conditions de vie et de travail : l’infirmerie traitait principalement des cas de gelures touchant les prisonniers travaillant dans les Kommandos de haute montagne (nez, oreilles, pieds et doigts), des accidents du travail et des maladies intestinales notamment les diarrhées et dysenteries ou des maladies pulmonaires (tuberculose). Il fallait pratiquer des campagnes de désinfection et de vaccination contre le typhus ; il existait au camp une baraque dotée « d’appareils à vapeur de désinfection » que l’on utilisait « tous les deux mois ». L’arrivée de nouveaux prisonniers, notamment soviétiques, multipliait les risques d’épidémies dans le camp. Le cabinet dentaire accueillait tous les prisonniers nécessitant « des soins de longue durée ». L’infirmerie disposait de « légumes frais » grâce aux « cultures de légumes entre les baraques ».
69Une antenne sanitaire se situait au Zweiglager de Landeck, un sous-Stalag du XVIII C (homme de confiance, Elce ; aumônier, Giraudeau). Le centre comprenait « deux baraques, une de 60 lits pour les Français et Italiens, une de 80 lits pour les Russes et Yougoslaves ; des locaux propres, régulièrement désinfectés, chauffés normalement avec un médecin-chef français, un médecin russe, des sanitaires français, italiens et des interprètes ».
70Certains malades étaient « évacués sur l’hôpital civil de Markt Pongau49 ». D’autres, plus gravement atteints, ne restaient pas à Markt Pongau ou à Landeck mais partaient par un train sanitaire pour Spittal qui disposait, dans ses faubourgs, d’un hôpital à proximité de la voie ferrée ; on y soignait aussi des prisonniers britanniques et américains :
« Les évacuations se font régulièrement du camp. Les inaptes au service partent pour Spittal an der Drau pour des traitements de longue durée ou intervention chirurgicale non urgente dans les mêmes conditions que les hospitalisés allemands. »
71D’autres gagnaient le lazaret de Salzbourg ou le Reservelazarett de Valduna. À l’issue de ces hospitalisations, certains bénéficiaient alors de la Réforme, ce qui leur permettait de rentrer en France.
72Le cabinet dentaire disposait « d’une installation assez complète » pour mener les soins les plus courants et ses mécaniciens « fabriquaient une soixantaine de prothèses par mois50 ». Les prisonniers déploraient cependant le « manque de brosses à dents et de poudre dentifrice ».
73À la fin du conflit, les conditions se détériorèrent compte tenu de la rupture des approvisionnements en médicaments (quinine, aspirine, iode, plasmochyne, atabrine) et matériels (pansements, outillage chirurgical, alcool, fraises dentaires, anesthésiques locaux, caoutchouc51).
Le service de la poste et le service des colis
74Il fallait quotidiennement réceptionner et expédier des milliers de lettres et colis en relation avec la « Kriegsgefangenenpost » ou correspondance des prisonniers de guerre. Cette responsabilité incombait à l’homme de confiance ou à son second52. Courrier et colis arrivaient de France par chemin de fer en gare de Markt Pongau où, « après vérification des plombs », on « procède au déchargement » et « on entrepose la marchandise dans un local prévu à cet effet dans le bâtiment de la poste en attendant la répartition et l’expédition dans les différents Kommandos et lazarets53 ». Avant leur arrivée au camp, les colis avaient connu des opérations d’acheminement vers les centres d’expédition gérés par le « Service des colis aux prisonniers de guerre » ; ces colis faisaient l’objet d’un classement préalable dans sept centres, Austerlitz, Batignolles, la halle Pajol54, et le centre PLM à Paris55, Valenciennes, Bordeaux, Le Mans en province et partaient notamment des gares de Vaugirard et de la Chapelle. Au départ de la Chapelle, une expédition avait lieu tous les quatre jours56. Les opérations militaires de 1944 désorganisèrent les liaisons postales au point d’utiliser un « transit provisoire par la Suède et l’Angleterre ». À partir de l’automne 1944, le courrier passa par la Suisse :
« L’administration des postes suisses s’étant déclarée disposée à acheminer en France les envois de lettres et colis de prisonniers de guerre français et inversement, la Reichspost a reçu l’ordre de diriger toutes les expéditions vers la Suisse via Lindau et St Margarethen57. »
75Le courrier, était adressé aux familles en « gebührenfrei » ou franco de port, sous la forme de cartes (Postkarte) ou de lettres normalisées : on ne pouvait « écrire que sur les lignes et visiblement ». La famille adressait sa correspondance en écrivant au prisonnier avec indication de son nom, prénom, numéro de prisonnier, nom du camp en l’occurrence le STAMMLAGER 317 XVIII C et lieu (Markt Pongau, Gau Salzburg), numéro du Kommando de travail (AK No), Deutschland (Allemagne). Le courrier subissait la censure tant au départ qu’à l’arrivée tant du fait des autorités allemandes que françaises. Ainsi « le camp de base retient les lettres de trois à sept jours aux fins de censure58 ». Le courrier se trouvait limité par ailleurs à quatre expéditions mensuelles, deux cartes et deux lettres ; « les sous-officiers bénéficiaient d’une carte supplémentaire. »
76Les autorités allemandes vérifiaient aussi les envois dissimulés dans les colis et avertissaient les prisonniers des sanctions encourues :
« Ainsi qu’il a été annoncé dans les journaux, et devant le nombre croissant des lettres trouvées dans les colis destinés aux prisonniers, les autorités allemandes du Stalag font savoir que toute lettre trouvée dans un colis entraînera la confiscation pure et simple de son contenu59. »
77Ce service, vital pour les prisonniers, se heurtait à de nombreuses difficultés : la masse de documents à traiter, la mobilité des prisonniers dans les Kommandos et surtout le retard ou la disparition des correspondances imputables aux opérations militaires. « Des lettres expédiées de Bruxelles le 12 octobre 1944 arrivèrent au camp entre le 3 et le 19 février 194560. » Aussi le responsable de la « Kartei post » utilisait dans le journal du camp la rubrique « Le vaguemestre vous parle » pour conseiller les prisonniers de manière à ce que leur correspondance fonctionne au mieux.
78De même les colis faisaient l’objet de recommandations détaillées : étiquettes normalisées avec conseils précis adressées aux familles par l’intermédiaire du prisonnier61 :
« Mettez un double de l’adresse à l’intérieur du colis. »
« Instructions concernant l’expédition et l’emballage des colis postaux :
Les colis postaux et les petits paquets ne seront distribués pourvu qu’ils soient munis de cette adresse imprimée. Tous les paquets dont l’adresse n’a pas été collée sur l’emballage ne me parviendront pas et le contenu sera distribué aux autres prisonniers de guerre.
L’emballage doit être solide et résistant, autrement le colis se défait et le contenu se perd. »
79Il existait une codification selon les envois :
« Dans les paquets munis de l’adresse en couleur bleue on ne doit envoyer que des vivres et des aliments tandis que l’adresse rouge ne doit contenir que des vêtements et du linge. »
80Il arrivait souvent que les colis n’arrivent pas, victimes de l’indélicatesse de certains intermédiaires français ou allemands de plus en plus tentés face à des pénuries de plus en plus dures. L’homme de confiance principal Rougier « signale de nombreuses disparitions de vivres dans les colis ou les vivres d’envois collectifs expédiés par vos soins aux Kommandos62 ». Pour les Kommandos la question de l’acheminement des colis se posait avec plus d’acuité. S’il « est très facile de distribuer au camp, il n’en est pas de même pour les Kommandos pour lesquels les emballages font souvent défaut. D’ailleurs les quantités sont insignifiantes. Il est donc nécessaire d’attendre l’arrivée de 2 ou 3 wagons de la Croix-Rouge pour faire une répartition équitable63 ». Et puis comment planifier pour des arrivages dont les produits et quantités s’avèrent fort variables comme le montre cet inventaire d’un wagon de la Croix-Rouge américaine64. Quant aux prisonniers originaires d’Afrique du nord, ils se plaignaient de ne recevoir aucune nouvelle.
Tableau 21 : Inventaire d’un wagon de la Croix-Rouge américaine.
216 cartons de biscuits | 5 400 kg |
22 cartons de cigarettes | 10 120 paquets |
6 cartons de tabac | 1 920 paquets |
40 boîtes de confiture | 200 kg |
4 cartons de fromage | 600 fromages |
2 sacs d’amandes | 100 kg |
2 caisses de dattes | 60 kg |
14 caisses de figues | 183 kg |
10 cartons de cacao | 1 600 paquets |
L’intendance
81Il existait dans le camp d’autres services nécessaires au bon fonctionnement de la communauté des prisonniers : des coiffeurs, des cordonniers, des tailleurs, des cuisiniers.
82La nourriture apparaissait en octobre 1941 de « bonne qualité » ; avec des « rations suffisantes » ; en mars 1942 Vichy évoquait même « une cuisine préparée à la française par les prisonniers français et serbes65 » ! En janvier 1943 les délégués de la Croix-Rouge internationale notaient « une cuisine bien installée » mais le descriptif des rations alimentaires montrait au contraire les limites quantitatives et qualitatives de l’alimentation des détenus66. Les prisonniers pouvaient aussi installer, à l’extérieur, leur propre « popote » en bricolant une sorte de foyer à partir de quelques éléments de maçonnerie et de tuyauterie.
Tableau 22. – Ration hebdomadaire en grammes par homme (juillet-mars 1945).
Produit | Juillet 1942 | Mars 1945 |
Pain | 2 000 | 1 800 |
Viande | 300 | 209 |
Graisse | 200 | 37 |
Margarine | – | 175 |
Fromage | 62,5 | Deux fois par mois |
Pommes de terre | 3 800 | 2 285 |
Navets | 3 080 | |
Choucroute | 270 | – |
Légumes frais | 300 | – |
Haricots | – | 57 |
Farine | – | 67 |
Orge | – | 50 |
Café | 13 | 10,5 |
Thé | – | 10,5 |
Sucre | 175 | 154 |
Marmelade | 175 | 150 |
Nährmittel | 150 | – |
Semoule | - | 25 |
Tableau 23. – Ration quotidienne en grammes par homme (5 février-8 avril 1945).
Produit | Lundi | Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | Samedi | Dimanche |
Pain | 250 | 250 | 250 | 300 | 250 | 250 | 250 |
Graisse | 5 | 5 | 5 | 5 | 7 | 5 | 5 |
Margarine | 20 | 20 | 25 | 25 | 20 | 20 | 25 |
Fromage | Deux fois par mois | ||||||
Pommes de terre | 300 | 300 | 300 | 300 | 400 | 300 | 385 |
Navets | 440 | 440 | 440 | 440 | 440 | 440 | 440 |
Haricots | 15 | – | – | – | 17 | – | 25 |
Farine | 10 | 10 | 10 | – | 17 | 10 | 10 |
Semoule | – | 25 | – | – | – | – | – |
Orge | – | – | 20 | 20 | 19 | – | – |
Café | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 |
Thé | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 | 1,5 |
Sucre | 20 | 20 | 20 | 20 | 25 | 25 | 24 |
Marmelade | 30 | 30 | – | 30 | 30 | 30 | – |
83Les prisonniers déploraient aussi le gâchis que pouvaient occasionner parfois les retards dans l’acheminement des colis, le mauvais stockage, les mauvaises conditions climatiques comme la distribution de « pommes de terre souvent gelées67 ».
L’encadrement des prisonniers
La pression de Vichy
L’officier-conseil
84L’officier-conseil jouait un rôle prépondérant dans la relation entre le régime de Vichy et les autorités du camp, tant françaises qu’allemandes68.
Le cercle Pétain
85Au milieu de 1941, le régime de Vichy chercha à diffuser plus amplement dans les camps l’idéologie de la Révolution nationale via les « cercles Pétain ». Institution de propagande, les cercles Pétain organisaient au sein des camps des conférences, diffusaient brochures et affiches, encadraient les différentes manifestations. Ils s’appuyaient sur des hommes fidèles au régime. « Au mois de mai 1942 » Vichy mena à bien au Stalag XVIII C la « création d’un cercle Pétain pour étudier les nouveautés constitutionnelles et législatives » sous l’égide de l’officier-conseil, le capitaine Auboyneau69. En août 1942, le médecin-lieutenant Nouailles le dirigeait, assisté par un secrétaire général, R. Thomas. Ce cercle Pétain trouvait bien évidemment l’appui des autorités allemandes, d’ailleurs en grande partie à l’origine de leur création. Il s’agissait « de porter à la connaissance de tous ce que le gouvernement du Maréchal fait dans chaque domaine70 ».
Photographie 24. – L’idéologie maréchaliste au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
86Ce cercle Pétain se structurait autour de différentes « équipes » chargées de l’animer : « équipe famille, équipe sociale, équipe rurale, équipe jeunesse, équipe économique, équipe Empire ». À raison de six séances de travail par semaine, le cercle Pétain mit en place un programme conforme aux objectifs visés. Chaque équipe proposait des conférences, des thèmes de réflexion relatifs à la famille, à l’éducation, aux lois de Vichy, aux structures économiques et sociales de l’État Français, à l’organisation et l’administration de l’Empire71. L’équipe famille dirigée par Guillaume Rozen traitait de « la doctrine familiale du Maréchal (causes de la dénatalité, études des conséquences générales de la dénatalité, remèdes et réformes du Maréchal) » ; l’équipe sociale dirigée par Jean Ranou de « la doctrine sociale du Maréchal (la législation sociale nouvelle, études de quelques grands textes et philosophes sociaux français) » ; l’équipe rurale dirigée par Robert Blanchard de « la doctrine agricole du Maréchal (la législation agricole, les travaux d’équipement rural en France, les questions sociales et financières agricoles, la reconstitution de l’artisanat rural, l’exode rural et le retour à la terre) » ; l’équipe jeunesse dirigée par l’abbé Michel Droulers de « la doctrine du Maréchal (réforme de l’enseignement, réforme du sport) » ; l’équipe économique dirigée par Armand Bonnevay de « la doctrine économique du Maréchal (de l’économie libérale à l’économie dirigée, l’organisation économique actuelle, la corporation française et la corporation européenne, la répartition mondiale des matières premières) » ; l’équipe Empire dirigée par M. Rio « de l’expansion historique et géographique de l’Empire, des grands problèmes coloniaux, du développement économique de l’Empire72 ».
87En janvier 1943, le délégué de la Croix-Rouge internationale rapportait que le « cercle Pétain paraît jouir d’une grande vogue dans ce Stalag » notant que « des cours sont organisés, que les sports sont pratiqués à une grande échelle avec meetings périodiques dans le cadre des activités du cercle ». Le terme « paraît » laissait cependant la place au doute. L’objectif recherché avait-il été atteint ? Pas complètement tant il pouvait être perçu par certains comme un véritable outil de propagande.
L’information et la censure
88L’état d’esprit des prisonniers préoccupait les autorités de Vichy. Les informations obtenues de l’officier-conseil, de l’homme de confiance principal se doublaient d’une collecte menée directement par Vichy qui sondait par exemple le courrier via « le contrôle postal », un bureau dépendant du service des prisonniers de guerre à Lyon ; les missives les plus intéressantes faisaient l’objet d’une fiche au caractère confidentiel :
« En aucun cas il ne doit être fait état auprès de tiers du présent document qui ne vaut que comme une indication dont la source n’a pas à être révélée. »
89Cette fiche donnait l’origine du courrier, le destinataire, le contenu problématique. Ainsi le prisonnier Gérard Detruit, matricule 41 975, détenu à Landeck, STALAG 317 (XVIII C), écrivit à sa femme domiciliée au 26 rue Saint-Alyre, Clermont Ferrand, Puy de Dôme le 4 juin 1944 ; son courrier passa au contrôle postal le 5 juillet 1944 :
« Résumé : Un PG critique la milice qui dénonce fréquemment les évadés.
Extraits : Très souvent nous entendons des PG ayant réussi leur évasion, repris en France par les miliciens à Darnand. Dire que ces gens se targuent d’être des Français d’élite. Quelle aberration ! Que de représailles en perspective.
Décision : acheminée73. »
90Vichy cherchait aussi à donner aux Français une image positive de la captivité. Le 11 avril 1942, Je suis partout écrivait ainsi à propos du Stalag XVIII C :
« Dans son cadre étroit et montagneux, le XVIII C est favorisé. Il est parmi les rares Stalags possédant un réfectoire confortable et une très belle installation de douches. Il possède un magasin de vivres ravitaillé par la Croix-Rouge. Beaucoup de distractions se présentent aux prisonniers : théâtre, bibliothèque, sport. L’activité religieuse est peu développée. Bien que ce soit comme tous les camps un camp de transit, de Kommando à Kommando, les PG y séjournent assez longuement, la région ne se prêtant pas à de vastes entreprises réclamant une nombreuse main-d’œuvre : parfois les prisonniers restent inactifs 3 à 4 mois. Pour combattre l’espèce de torpeur qui les envahit, tous se précipitent aux corvées organisées par l’Oberfeldwebel74. »
Photographie 25. – Brochure maréchaliste destinée aux PG, 1942, Éditions CEP, Le Mans.

© ADML, 18 W 76.
91Régulièrement ils recevaient aussi des opuscules de propagande comme le Maréchal parle aux prisonniers, une « anthologie que liront et que conserveront les prisonniers encore là-bas et qu’il sera peut-être bon que lisent et conservent ceux qui sont revenus ». Il s’agissait d’extraits de discours du Maréchal concernant les prisonniers.
92Les délégués de la mission Scapini servaient de source d’informations pour le régime de Vichy. Les visites ne laissaient rien au hasard. Le 24 novembre 1942, les lieutenants Arnal et Poigny, anciens prisonniers, se rendirent « au Stalag et dans plusieurs Kommandos de la région de Salzbourg ». Ils rencontrèrent « l’officier-conseil Auboyneau, l’homme de confiance du camp Sis, le chef de camp Boyer » et procédèrent à « la visite du camp ». Le matin, ils se rendirent « au magasin de sports, à la bibliothèque, au bureau de l’homme de confiance, à la chapelle, à l’infirmerie » où ils eurent un « entretien avec les docteurs Ramez et Deschamps, à la baraque spéciale des préventionnaires » où « Sis expose les cas ». L’après-midi, Arnal tint une « réunion » sur « toutes les questions se rattachant au sort et à la vie des prisonniers ». Poigny, lui, rencontra « les aumôniers, les chefs des différentes organismes, cercles, loisirs, bibliothèque ». La journée s’acheva par « la visite des prisons75 ». La visite des différents lieux et les entretiens multiples, incluant les questions sensibles des incarcérés, apportaient leur lot d’enseignements.
La répression allemande
Contrôle et propagande
93Les Allemands exerçaient un contrôle de la correspondance des prisonniers et du contenu des colis ; ils traquaient toute information extérieure ou tout objet interdit notamment susceptible de faciliter les évasions. Ils sondaient certaines lettres et colis et le Kommandoführer pouvait indiquer clairement sur la lettre l’initiative qu’il avait prise : « sondergenehmigung » ou « sondergenehmigt ». Le courrier pouvait « être retenu ainsi de trois à sept jours76 ». « La censure allemande s’en donne à cœur joie et toutes les missives non réglementaires sont renvoyées à l’expéditeur. »
94Le camp recevait la presse française mais de manière bien aléatoire et si certains journaux arrivaient régulièrement, d’autres n’arrivaient pas ou en « nombre limité », d’autres enfin seulement certains jours. Les prisonniers pouvaient s’abonner. La presse parisienne (Le Matin, Paris-Soir), la presse régionale (Ouest-Éclair, Le Phare de Calais, Le Réveil du Nord) et la presse spécialisée (L’Auto, Football, La Semaine religieuse) permettaient d’accéder à quelques informations, toujours censurées en amont. Quant aux Allemands, ils assuraient la diffusion de la version française de Signal, journal de propagande, abondamment illustré de photographies couleur77.
95Le Trait d’Union, journal propagandiste créé par les Allemands à l’intention des prisonniers français et belges, jouait un rôle important ; 442 numéros furent publiés entre juin 1940 et mars 1945 à l’initiative de l’Ausland Propaganda relevant de l’Oberkommando. Le contenu idéologique ne laissait planer aucun doute sur les intentions allemandes. Le journal faisait état d’informations émanant des gouvernements allemand et français, reprenait des articles extraits des journaux collaborationnistes comme l’Œuvre, Je suis partout, Les Nouveaux Temps, développait des rubriques diverses sur la vie des camps illustrées par des articles, dessins et photographies fournis par des prisonniers vichystes78. Les prisonniers lisaient cette presse essayant de glaner les moindres informations les concernant ; l’officier-conseil Auboyneau écrivait le 17 septembre 1942 : « Il faut savoir que les prisonniers épluchent littéralement tout ce qui, dans la presse, peut les concerner79. »
96Et rien de mieux que de répondre à ces interdits par de l’humour.
Photographie 26. – Les interdits.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
Les sous-officiers réfractaires
97Le 17 avril 1942, environ cent vingt sous-officiers réfractaires furent emprisonnés au camp ; ils refusaient de travailler et de signer le contrat de travailleur civil que les autorités allemande et française leur proposaient et ce malgré l’insistance de l’officier-conseil Auboyneau :
« Les sous-officiers considèrent que signer le contrat qui leur est proposé les expose à des risques (qu’ils exagèrent). D’autre part le groupement de ces hommes dans une baraque spéciale a fait naître chez eux une mentalité collective contre laquelle les meilleurs arguments ont peu de prise. Après avoir exposé largement les inconvénients qu’une attitude intransigeante pouvait présenter tant pour eux que pour la collectivité, je me suis rendu auprès de M. le Colonel commandant le Stalag qui a bien voulu accepter un certain nombre de modifications à l’engagement présenté aux sous-officiers : désignation du Kommando où ils désireraient travailler, désignation de la date d’expiration du contrat, clause de réserve en cas de rupture avant expiration. Malgré cela, je n’ai pas l’impression qu’un grand nombre d’entre eux accepteront de signer. Je compte sur un bon quart ou un tiers environ. Les autres seront envoyés hors d’Allemagne80. »
98Cela arriva le 22 juin 1942 : ils furent transférés à Kobierzyn en Pologne. Leur départ donna l’occasion d’une manifestation de patriotisme :
« Fiers et voulant contrer les Allemands qui faisaient état de la force de leur discipline en face de l’indiscipline française, ils préparèrent leur sortie en s’entraînant discrètement à l’intérieur. Nous fûmes réunis sur le Planum pour que nous nous rendions bien compte de la rigueur avec laquelle était appliquée la discipline allemande et pour que nous devenions plus dociles. Quand s’ouvrit la porte de la baraque, on vit un homme sortir seul puis commander à ses camarades à coups de sifflets la sortie par petits groupes qui se formèrent en carrés dans un alignement impeccable et en dédaignant les hurlements des sentinelles ; puis éclata la Marseillaise81. »
99Certains restèrent emprisonnés à Markt Pongau, subissant toujours la pression de Vichy. L’épouse du PG Mentré matricule 48 490 se plaignit auprès des autorités françaises des conditions de détention :
« Voilà trois mois qu’il est enfermé avec ses camarades dans une baraque spéciale avec tout juste de quoi ne pas mourir de faim ; tout cela parce que l’on voudrait lui faire signer un contrat de travailleur pour l’Allemagne82. »
100Il lui fut répondu :
« À mon avis, votre mari aurait avantage, sans nuire à sa dignité et à ses sentiments, à travailler plutôt qu’à subir un régime de captivité qui lui sera moins favorable. »
101Vers la fin de la guerre, avec l’avancée de l’Armée rouge sur la Pologne, le camp de Kobierzyn dut fermer le 12 août 1944 : les prisonniers sous-officiers réfractaires rejoignirent d’autres Stalags dont celui de Markt Pongau où ils connurent une situation difficile. Le 24 octobre 1944, le représentant de la Croix-Rouge en visite à Markt Pongau écrivait :
« Les autorités allemandes ont tenu à mettre dans un camp spécial les sous-officiers non volontaires au travail et les réfractaires au travail. Il n’est pas possible de communiquer entre ces deux camps séparés83. »
102Les Allemands séparaient quasi systématiquement les réfractaires des différentes nationalités des autres prisonniers et leur faisaient subir une captivité plus dure. Il ajoutait :
« Les conditions de logement sont mauvaises […]. Ils ne disposent que de 70 cm par homme sans bat-flanc, sans paille et sans laine de bois. On ne leur a même pas accordé de paillasse. Ils couchent ainsi à même le bois […]. La lumière électrique est insuffisante, les ampoules font défaut. Il n’y a pas de lavabos et les hommes se lavent à la pompe sans aucun abri. »
103Un prisonnier livrait le même jour à la délégation :
« Ici nous avons beaucoup moins d’espace pour marcher, la moitié qu’à Kobierzyn. Les baraques sont plus grandes mais nous sommes à peu près 500 dans chacune. Nous couchons sur des bat-flancs. Notre lit est fait de trois planches (environ 80 centimètres). Au 369 nous avions de la paille. Ce dernier luxe est ignoré à Markt Pongau. Il n’y a pas de lavabos, une pompe et deux puits ; mais l’eau coule toute la journée84. »
104L’homme de confiance Tanneur dans un rapport en date du 20 février 1945 décrivit avec précision la détérioration des conditions de détention, de couchage, d’hygiène, d’alimentation, de santé et se dressa contre cet état de fait. Malgré cette situation devenue déplorable les hommes ne cédèrent pas :
« Nous entendons cependant persister dans notre attitude de sous-officier réfractaire au travail, attitude que nous estimons conforme à nos sentiments patriotiques ; nous nous appuyons d’ailleurs sur un droit reconnu par la convention de Genève85. »
Les évasions
105Il semble difficile de mesurer le nombre d’évadés du camp ou des Kommandos mais le phénomène se produisait régulièrement selon les rapports de la Croix-Rouge ou les témoignages des prisonniers. Elles commencèrent lors de l’acheminement des prisonniers par convois ferroviaires au moment des haltes et se poursuivirent tout au long de la captivité, sans que le nombre d’évadés n’atteigne un nombre élevé. La première évasion du camp concerna un jeune détenu, Jaminais. Il avait récupéré et caché un uniforme des jeunesses hitlériennes et grâce à sa bonne maîtrise de l’allemand put s’échapper et gagner la zone libre86 :
« La première évasion mérite d’être contée. Un très jeune camarade, Jaminais, qui connaissait très bien l’allemand, s’était procuré un uniforme de chef des Jeunesses Hitlériennes. Un matin, il sortit en corvée et alla se vêtir dans un pré ou les vêtements avaient été cachés. Pour gagner la gare il pouvait emprunter un chemin discret. Au lieu de cela, pour informer ses camarades que la première partie de son plan avait réussi et pour dire au revoir à ceux qui restaient (quelques-uns seulement étaient avertis) il longea les barbelés du camp et fut salué par les sentinelles. Quelques jours plus tard, nous recevions une carte postale du midi de la France nous apprenant la réussite complète de cette évasion87. »
106Le 22 mai 1942, l’officier-conseil évoquait « l’accroissement du nombre des évasions88 ». Les évasions pouvaient se produire aussi à partir des Kommandos : au Kommando 143 HV, « on y signale des prisonniers évadés89 ».
107La filière suisse était privilégiée compte tenu de la proximité de la frontière et de la facilité avec laquelle, après une période de quarantaine, les autorités suisses renvoyaient le prisonnier en France, filière appréciée tant que les troupes allemandes se maintinrent au nord de la ligne de démarcation. Le plus souvent, l’évadé passait d’abord sous contrôle des autorités helvétiques qui se chargeaient ensuite de le transférer aux autorités françaises basées à Annemasse. Ces dernières procédaient au traitement du dossier avant rapatriement définitif90. D’autres cherchaient l’espoir par la Hongrie91.
108Les évadés repris retrouvaient le Stalag, y compris les évadés repris en France :
« Le XVIII C, c’est un camp de rassemblement pour tous les évadés repris dans le Wehrkreis avant leur transfert dans les camps de l’est » ; ils occupaient « une baraque spéciale » « à l’écart » et « surpeuplée » avec « une mauvaise nourriture, sans correspondance » et « y restent de longs mois avant d’être transférés à Rawa-Ruska92 ».
109Situé en Pologne, dans la province de Galicie, Rawa-Ruska accueillait depuis le 13 avril 1942, dans des anciennes casernes russes et des écuries93, les évadés repris pour leur infliger des conditions de détention très dures et dissuader ainsi leurs camarades de tenter l’aventure de l’évasion94. Les prisonniers qui envisageaient une évasion savaient à quoi s’en tenir car la Kommandantur publiait régulièrement dans le journal du camp une information sur les mesures répressives prises en cas d’évasion :
« Des prisonniers refusant de travailler ou étant repris après leur évasion, leur mutation dans un camp disciplinaire situé au-delà des frontières du Reich allemand pourra être ordonnée. Des prisonniers de guerre français et belges seront envoyés en Russie.
En cas d’évasion, ces prisonniers :
a) se dessaisissent de tous objets laissés derrière eux.
b) perdent la propriété de tous objets qu’ils emmèneront et dont ils pourront se servir pour la fuite.
En cas de reprise : confiscation des objets saisis en faveur du Reich allemand95. »
110Ces évasions entraînaient sur l’ensemble des prisonniers des mesures plus restrictives :
« La discipline qui avait été assouplie jusqu’à ces derniers mois a été resserrée et se resserre chaque jour en ce moment. L’autorité allemande ne peut supporter sans réagir des évasions si fréquentes96. »
111Ainsi, à l’issue d’une tentative d’évasion, le commandement du camp décida de la « confiscation du matériel de sport » qu’il ne restitua que la veille d’une tournée de la Croix-Rouge ; le commandement du camp renforçait les mesures préventives :
« Les distributions de vivres de la Croix-Rouge sont suspendues jusqu’à ce que les stocks de boites de conserves conservés en dépôt aient baissé de façon importante97. »
112En juillet 1944, on procéda « au retrait des pantalons pendant la nuit ; appliqué à l’ensemble du territoire […] mais nervosité et désordre pour récupérer ses affaires ; danger de ne pas parvenir à temps aux abris » en cas de bombardement.
113Les autorités allemandes encourageaient la délation et le faisaient savoir. Ainsi le journal du camp publia, dans son no 3 de janvier 1942, cette annonce : « Nous apprenons par la voie de la Kommandantur qu’un de nos camarades qui a empêché l’évasion de quatre prisonniers soviétiques a été immédiatement libéré98. » Cependant cette libération pour collaboration avec les Allemands pouvait mal se terminer :
« On a arrêté à Maubeuge l’ancien PG Adonis Rivart qui entra au service de la Gestapo pour prix de sa libération et avait dénoncé au Stalag XVIII C ceux de ses camarades qui voulaient s’évader. Voilà une nouvelle qui réjouira les prisonniers. Il est inutile de cacher qu’un tel cas n’est pas unique. Les prisonniers à leur retour se sont émus en constatant que ceux qui avaient lié partie avec leurs geôliers n’ont pas souvent reçu le juste châtiment qu’ils méritent99. »
Les sanctions disciplinaires
114Les prisonniers contrevenant aux règles disciplinaires les plus simples pouvaient se trouver mis aux arrêts, ce qui signifiait pour eux l’internement pour une durée plus ou moins longue dans les conditions suivantes :
« Pas de lecture, pas d’écrit, pas de lumière électrique, les trois premiers jours à l’eau et au pain, une heure de sortie par jour100. » « Les prisonniers se plaignent à juste titre que les locaux sont froids, humides, sombres et mal aérés. »
115En 1944, l’administration allemande songeait à ne plus séparer les Français, Belges, Serbes, Polonais :
« Seuls les Anglo-saxons seront actuellement séparés des autres prisonniers par des fils de fer barbelés101. »
116Les représentants de la Croix-Rouge dénonçaient un certain nombre de pratiques : des emprisonnements sans raison (le 1er octobre 1944), l’utilisation des menottes (le 22 octobre 1944) et la livraison de prisonniers à la Gestapo ou à des prisons civiles comme pour les prisonniers Bernard Pierre (8 393), Bucheli (130), Fournié (44 960) remis à la prison de Salzbourg, les prisonniers Marie Maurice (39 727), Hirsch Henri (91 194), Leveau Norbert (70 036), Guyot André (86 262) livrés à l’Amtsgericht (le tribunal) de Kufstein pour y être jugés.
La mort
117Le journal du camp, dans sa revue nécrologique, annonçait les décès : mort de Chassaing Calixte le 20 décembre 1941 de longue maladie ; mort le 15 juin 1942 de Bonissen Jean, matricule 94 868, à Valduna, de longue maladie ; le 3 juin 1942 de Charvillat Paul, matricule 39 608 ; décès 8 novembre 1942 de Telliez Ernest, matricule 64 189, Kommando GW 20 157, de maladie ; décès le 1er décembre 1942 de Coilleaux René, Kommando 27 366, « accidentellement102 » ; « décès accidentel d’un prisonnier de guerre le 17 octobre 1943 » au Kommando 109 HV103.
118Mais ce que redoutaient le plus les autorités du camp et les prisonniers relevait des risques d’épidémies, dysenterie ou typhus :
« Inutile de dire que la dysenterie était la maladie maîtresse du camp. Durant les premières semaines nous vivions avec les rats et la vermine, essayant de faire disparaître celle-ci en faisant bouillir, aussi longtemps que possible, tous nos effets dans les lessiveuses qui avaient déjà servi de latrines dans les wagons. […] Dès le début de cette période [hiver 1942] le typhus se déclara dans le camp russe. Cette épidémie fut heureusement sans effet chez nous grâce à une vaccination générale décrétée par le médecin français, mais un médecin serbe en succomba104. »
119En juillet 1944, on comptabilisait officiellement « 62 décès depuis la fondation du Stalag » selon le rapport de la Croix-Rouge105. Certains moururent d’affaiblissement au travail, de sous-alimentation ou de malnutrition, d’accidents, d’autres de maladies (cas de péritonite aiguë, d’abcès pulmonaire) ou victimes de la répression comme le prisonnier Degrigny Paul matricule 31 933 « abattu dans sa cellule par le sous-officier allemand chef de la sonderbaracke ». Cette nouvelle se diffusa puisque Gaston Duplat le nota dans son carnet à la date du 30 août 1944.
120Gustave Paul Marie Degrigny, né le 17 mars 1913 à Issoudun (Indre), soldat de deuxième classe au 2e régiment du génie de Metz, fut fait prisonnier en juin 1940 et envoyé d’abord aux Stalags IX A (Trutzhain), IX B (Bad Orb-Wegscheide), V A (Ludwigsburg), V B (Offenburg) avant de se retrouver au Stalag XVIII C. En août 1944, il s’évada parvenant à atteindre le lac de Constance avant de se faire arrêter au poste frontière de Lochau le 16 du mois. Jugé par le tribunal cantonal, condamné pour évasion, il fut à nouveau emprisonné au Stalag XVIII C mais en cellule. Le 28 août 1944, lors d’une sortie, Degrigny et l’un de ses compagnons, Salaun, eurent une altercation avec un sous-officier allemand, Meyer. Le jour même le drame se produisit comme le raconte le prisonnier Corbusier Jean, matricule no 46 368, auditionné le 4 octobre 1944 par Rougier Émile, homme de confiance du camp, et Lestelle Jean conseiller juridique du camp :
« Tout le monde était en cellule. Il était environ midi. Le retour de la visite médicale avait eu lieu vers 11 h 30 et Degrigny avait été alors reconduit dans sa cellule numéro 26. La soupe fut servie peu de temps après. J’ai entendu Meyer ouvrir la porte. Degrigny a dit “Bitte bitte Ich habe Recht” [Je vous en prie, je vous en prie, j’ai raison] et le coup est parti immédiatement après. Je précise qu’entre le moment de l’ouverture de la porte et le coup de feu il s’est écoulé un temps très bref, quelques secondes seulement. Il ne peut donc y avoir eu de lutte entre les deux hommes comme le prétend Meyer106. »
121Un autre témoignage, celui d’Auffret Jean matricule 16 409, recueilli par les responsables français du camp, allait dans le même sens.
122Les autorités allemandes menèrent leur enquête : autopsie faite par le médecin de l’hôpital civil de Mark Pongau et transmise au médecin chef du camp, le capitaine Roques (autopsie le 28 août 1944) ; enquête militaire. « Le rapport allemand conclut que Meyer se trouvait en état de la légitime défense » ce que contestèrent les responsables français dans un mémorandum dénonçant les « omissions, invraisemblances, contradictions » du rapport et demandèrent « un complément d’enquête ».
123Degrigny fut enterré le 30 août 1944 au cimetière civil de Markt Pongau comme les autres défunts du camp. Les autorités allemandes veillaient au respect des morts : « Les sépultures sont très bien entretenues. Des demandes sont en cours pour envoi de photos des tombes aux familles107. »
Photographie 27. – Procession funèbre vers le cimetière de Markt Pongau.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
124À chaque fois, une collecte de fonds se mettait en place pour venir en aide à la famille du décédé. L’aumônier du camp dirigeait une « messe d’enterrement à la chapelle » et l’on accompagnait « le cercueil recouvert du drapeau tricolore » jusqu’au cimetière où l’attendaient « un piquet d’honneur et un détachement allemand108 ».
125Cependant les familles pouvaient parfois apprendre fort tardivement le décès de leur proche, l’information circulant mal du fait des blocages divers :
« Le médecin français n’est plus autorisé, depuis quelque temps, à signaler périodiquement au Comité international de la Croix-Rouge, les décès survenus dans ce Stalag et on nous rend attentifs que le décès du prisonnier français Caillaux René no 37 786 survenu le 2 décembre 1942 au détachement 27 366 GW à Salzbourg, n’a apparemment été communiqué que fort tard à la famille qui, d’après les lettres reçues au camp, n’était pas encore au courant de ce décès en date du 10 janvier 1943109. »
126Plus d’un mois s’était écoulé entre la date du décès et l’annonce à la famille.
Photographie 28. – Les tombes bien entretenues du cimetière de Markt Pongau.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
127La mortalité frappa de manière terrible les prisonniers soviétiques victimes à la fois de leurs conditions de détention particulièrement dures et de la propagation de l’épidémie de typhus notamment pendant l’hiver 1941-1942. Le fossé idéologique entre nazis et communistes, l’âpreté des combats sur le front de l’Est, la dureté des hivers montagnards et l’absence de protection tutélaire faute de la signature de la convention de Genève par Moscou, créèrent les circonstances de leur malheur : plus de 3 000 soldats soviétiques décédèrent à Markt Pongau ; ils furent ensevelis dans des fosses communes et recouverts de chaux vive110.
Photographie 29. – La mort des Soviétiques au Stalag XVIII C.

© Archives privées, Mooslechner Michael, Lachau, Autriche.
128À la fin de la guerre une autre menace planait sur les prisonniers : les bombardements alliés se multiplièrent et s’intensifièrent. Le 18 décembre 1944, 45 bombes touchèrent le Stalag XVIII A, sis à Wolfsberg ; 46 prisonniers périrent : 18 Français, 10 Anglais, 10 Italiens, 4 Belges et 4 Hollandais. Le Stalag XVIII C se trouva aussi à plusieurs reprises sous la menace des bombardements.
Photographie 30. – La mort sous les bombardements au Stalag XVIII A, Wolfsberg.

© 72 AJ2612-2614, Archives nationales.
Résistance et patriotisme
129Le camp ne connut pas véritablement d’organisation de résistance, de réseau : la résistance s’organisa autour de quelques individualités et par des actes ponctuels. Il pouvait s’agir de détruire des documents comme la disparition de douze cartes de juifs à la Kartei, de « saboter » le travail par l’inertie, la négligence, le bris de matériel111, de faciliter les rapatriements, de propager les informations obtenues clandestinement par radio112. En fait quelques activistes se dissimulaient au sein du Mouvement Pétain :
« En contrepartie de l’aspect collaborateur que pouvait représenter ce mouvement, se créa une Mafia bienfaisante qui guida les camarades vers la résistance ouverte et les y aida (bris de matériel, vol d’outils) et dirigea les résultats des cercles Pétain vers l’avenir, au contraire de ce qu’en attendaient les Allemands. Cette Mafia était composée des plus durs, dont un bon nombre du groupe théâtral, de l’orchestre et de l’atelier 12. Douze était le numéro de la chambre ou vivait et travaillait le groupe artistique : Gazier, Ganeau, Lacousssade, Penot. Cet atelier était le QG de la Mafia. C’est là que se décidèrent les manifestations des 15 et 16 août 1942113. »
130Au-delà des actions ponctuelles, les prisonniers retrouvaient un sentiment national en manifestant autant que faire se pouvait leur patriotisme lors de cérémonies collectives comme celles du 22 juin 1942, du 15 et 16 août 1942, du 14 juillet 1944 : le 22 juin 1942, le départ des réfractaires occasionna une réaction d’orgueil114 ; le 16 août 1942 dans l’après-midi, « Salut au drapeau et chant de la Marseillaise » ; le 14 juillet 1944, « défilé en ville avec fanfare ».
131Cette Marseillaise, les prisonniers la ressentaient comme un lien indéfectible et profond qui les rattachait à la France comme en témoignait le prisonnier Marcel Vuillamy :
« Pour moi le souvenir le plus poignant et émouvant s’est déroulé au Stalag XVIII C (Markt Pongau). Cela devait se situer fin avril 1943, en attente d’être dirigé sur le camp hôpital de Spittal-an-der-Drau. J’étais dans ce camp où je traînais ma malheureuse existence, dévoré par la vermine et mal nourri. Donc, au bout du camp, passait une ligne de chemin de fer et un jour, étant contre les barbelés qui longeaient cette ligne, je vis arriver un train de jeunes Français requis pour le STO. Ceux-ci, en voyant nos uniformes kaki, entonnèrent une vibrante Marseillaise. Représentez-vous mille ou quinze cents voix chantant notre hymne national. Émus, la gorge serrée, les yeux remplis de larmes, mes camarades et moi-même, avons essayé de faire cœur avec eux. Mais nous étions tellement heureux de l’hommage qu’ils nous rendaient, qu’aucun son ne sortait de notre gorge et c’est en pleurant comme des enfants que nous vîmes le train s’estomper115. »
Oublier la guerre : la religion, le sport, la culture
L’âme : les cultes
132Les prisonniers qui le souhaitaient pouvaient pratiquer leur culte. Ils disposaient d’officiants, de locaux et de matériel que fournissaient à chaque Stalag les organisations basées en France. En septembre 1940, le Comité central d’assistance aux prisonniers de guerre reconnut l’Aumônerie générale des prisonniers de guerre que prit en charge l’abbé Jean Rodhain. Pétainiste, ce dernier ne cessa de développer les liens entre l’Église de France et les prisonniers de guerre116. En novembre 1940, les autorités allemandes autorisèrent sous certaines conditions le « secours spirituel » ; à partir de 1941 l’Aumônerie générale devint une interlocutrice acceptée par les autorités française et allemande. Elle put donc envoyer des prêtres, fournir des autels portatifs, des hosties, du vin de messe, des missels, des évangiles. Elle visitait aussi les familles de prisonniers, expédiait des colis, accueillait des rapatriés.
133Une commission de l’Aumônerie protestante des prisonniers de guerre joua un rôle équivalent. Elle bénéficia aussi de l’aide d’une œuvre allemande fondée à Berlin pour s’occuper des prisonniers de guerre protestants, la Hilfswerk für Internierte Kriegsgefangene. Cette organisation fournissait des bibles et visitait les prisonniers117.
Le culte catholique
134Les prisonniers, catholiques pratiquants ou pas, trouvaient dans l’Église quelque refuge et, jusqu’en 1944, « pouvaient sans difficulté exercer leur culte118 ». Ils s’appuyaient tout d’abord sur leur aumônier général et sur quelques prêtres. En octobre 1944 les délégués de la Croix-Rouge internationale signalaient la présence de « 21 prêtres dont 7 au camp incorporés un temps dans les rangs des travailleurs civils [puis] de nouveau considérés comme des prisonniers de guerre » (Aumon, Berrogain, Bossu, Bourniche, Choppart, Droulers, Fréron).
Photographie 31. – La chapelle du Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
135Le père Langlois Marcel, capitaine, fut le premier aumônier du camp. « Fait prisonnier en Bretagne et interné au camp de Coëtquidan, il se déclara immédiatement aumônier du camp119. » Cultivé et lettré, il entretenait des rapports corrects avec le commandant du camp avec lequel il essayait de négocier des améliorations pour les prisonniers. Cela ne l’empêchait pas, dans ses homélies de s’en prendre par des chemins détournés à ses geôliers. Était-ce pour cette raison qu’il perdit la confiance des autorités ?
« Les autorités ecclésiastiques reçurent immédiatement des plaintes et allaient intervenir pour qu’un autre aumônier soit nommé à la place de M. Langlois. » Plus grave, le service d’études chargé d’attribuer les récompenses émit « un avis défavorable pour l’attribution d’une récompense à ce prisonnier qui n’a jamais été capitaine et n’est plus prêtre120 ».
136À quel moment perdit-il cette responsabilité d’aumônier général ? Difficile de l’écrire mais en décembre 1942 il semblait encore assumer ses responsabilités. En effet, un acte dressé le 6 décembre 1942 en témoigne : une attestation de mariage par procuration de Robert Guilbaud avec Jeanne Pradeau :
« Attestation de mariage par procuration.
Je soussigné Marcel Langlois, CM, Aumônier général du stalag XVIII C, certifie que Robert Guilbaud né le 13 mai 1919 à St. Christophe du Ligneron (Vendée) s’est présenté en vue de son mariage avec Melle Jeanne Pradeau née le 15 mai 1920 à Savenay, diocèse de Nantes. L’acte nécessaire a été dressé le 6 décembre 1942.
Fait au Stammlager 317, Markt Pongau, archidiocèse de Salzbourg.
Langlois, Aumônier général121. »
137De fait l’acte de mariage no 51 consigné dans les registres d’état civil de la mairie de la ville de Nantes (Section de Chantenay) le 10 juin 1943 confirme que « Robert Olivier Victor Guilbaud, tailleur d’habits, actuellement prisonnier de guerre en Allemagne, célibataire [a bien pris pour épouse] Jeanne Marcelle Josèphe Marie Pradeau, mécanicienne, célibataire ». De même Langlois se trouve cité comme aumônier dans le journal du camp en janvier 1943. Lui succéda, comme aumônier principal, Danguy des Déserts Gonzague matricule 81 689.
138À la fin de la guerre, leur action auprès des Kommandos devint difficile :
« Leur Ministère est entravé par la limitation des visites aux détachements. Chaque prêtre doit toujours être accompagné d’un interprète ; il est toujours tenu à l’écart des autres PG jusqu’au moment où il dit la messe ; il ne peut coucher au détachement ; tout contact avec le fidèle est donc impossible122. »
Photographie 32. – Messe en plein air sur le Planum au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
139Les Allemands se méfiaient donc des prêtres en cette fin de guerre, possibles relais entre le Stalag et les détachements. Sans doute comprenaient-ils que ces cérémonies pouvaient fédérer l’esprit de résistance des prisonniers :
« Les cérémonies catholiques étaient les plus fréquentées. En dehors des messes particulières que célébraient les prêtres présents au camp, notre Aumônier principal le R.P. Langlois tenait à célébrer une grand’messe. Tant que le temps le permettait, elle était dite sur le planum. Notre aumônier avait une façon toute particulière de composer ses homélies. Il trouvait toujours une raison pour qu’un saint du moment lui permette d’attaquer un ennemi de la France. Dès le début du sermon, presque toujours, il s’agissait des anglais. Après trois ou quatre phrases tout le monde comprenait qu’il s’agissait des “schleus” à qui il fallait résister à tout prix. Tout le monde le comprenait si bien que des non-pratiquants arrêtaient leurs activités du moment pour entendre le Père Langlois123. »
140Les messes se tenaient dans une baraque dédiée à cet effet avec son maître autel décoré par Guilbaud et sa Piéta due à Ganeau. L’aumônier principal délivrait la grande messe, et dans la mesure du possible, en plein air sur le Planum pour accueillir le plus grand nombre de prisonniers possible. Elle pouvait prendre des dimensions imposantes comme la messe du 15 août 1943 : autel, reposoir, chœur, musique et procession de Louis XIII.
141Et puis l’aumônier pouvait, dans une relation individuelle, assurer sa fonction de soutien moral et spirituel.
Le culte protestant
142Plusieurs aumôniers protestants s’occupèrent des fidèles : d’abord le pasteur André Bernèze qui quitta le camp pour « maladie » ; le pasteur Alexandre Flamand qui « lui a succédé est parti aussi au titre de la Relève124 ». Enfin officièrent le pasteur L. Houssais et l’aumônier principal Martin Lionnel, matricule 43 995. La communauté protestante française représentait au Stalag une minorité ; les visites dans les détachements que l’aumônier faisait avec l’orchestre furent interdites à l’image de la suspicion portée aussi sur les aumôniers catholiques.
Le culte orthodoxe
143Dans son rapport d’octobre 1944, la Croix-Rouge faisait état de l’absence de culte orthodoxe : « Les Yougoslaves n’ont pas de prêtre orthodoxe depuis trois ans. » Des photographies archivées, attestent bien de la présence dans le camp de prêtres orthodoxes tout au moins en début de période125.
Le corps : les sports
144Les activités sportives occupaient une place importante dans la vie du camp et se déroulaient sur le Planum quand les conditions atmosphériques le permettaient ; le « stade Slimani » du nom de l’adjudant Slimani Salah, PG 541, chargé de la discipline intérieure et de l’athlétisme, accueillait de nombreuses disciplines : la boxe (direction Flory), le football (direction André, footballeur international), l’athlétisme : courses de vitesse et de fond, sauts, jets et lancers (direction Slimani), le tennis, le volley, le basket, le ping-pong, un temps le rugby notamment avec les Britanniques (sport abandonné à cause de terrains trop caillouteux). Les compétitions opposaient des équipes du camp, ou des équipes du camp et des Kommandos, ou enfin des équipes de différentes nationalités, notamment Français et Serbes ; en mars 1943, on ouvrit une patinoire de fortune en faisant geler les neiges accumulées après d’importantes chutes. Les résultats apparaissaient dans la chronique sportive du journal du camp.
Photographie 33. – Un tournoi de boxe au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
Photographie 34. – Un concours de gymnastique au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
L’esprit
La presse
145Les prisonniers créèrent à l’initiative des prisonniers Delaudi, Veillet, Laclau et Médard un journal du camp. Ce bulletin mensuel dirigé en mai 1942 par Ranou, intitulé Le Stalag XVIII C vous parle, parut pour la première fois en novembre 1941, soit près de six mois après l’ouverture du camp. Le nombre de pages variait d’un numéro à l’autre, les numéros spéciaux comme le no 11 de septembre-octobre 1942 étant plus nourris. À la Une du premier numéro, l’Équipe de rédaction présentait le journal :
« Chers camarades,
Le bulletin a pour but de vous renseigner et de vous distraire. L’ÉQUIPE s’efforcera d’y parvenir avec les faibles moyens matériels dont elle dispose. À l’avance, elle vous demande son indulgence.
L’ÉQUIPE tient par ailleurs à exprimer ses vifs remerciements à M. le colonel, commandant le Stalag XVIII C, des cordiaux encouragements et de l’appui qu’il lui a donnés. Elle croît enfin répondre à votre désir le plus cher en souhaitant une vie extrêmement brève à ce bulletin.
L’ÉQUIPE126. »
146Le journal allait comporter trente-trois numéros publiés mensuellement. Le désir le plus cher des prisonniers ne fut donc pas exaucé ! Parmi les problèmes matériels, l’approvisionnement en papier. Ainsi « pour remédier à la pénurie, le gouvernement » faisait « procéder à l’envoi de papier duplicateur et de papier impression écriture ». Au 15 juillet 1943 le journal du Stalag avait reçu 61 kg de papier duplicateur et 23 kg de papier écriture127.
Photographie 35. – Le journal du camp d’août 1942.

© Archives nationales 72AJ/2614.
147Ce journal, imprimé localement dans une entreprise de Mark Pongau, l’entreprise Bauer, bénéficia dès le second numéro de photographies et de dessins. Le journal du camp, Le Stalag XVIII C vous parle, regroupait de nombreuses rubriques et chroniques ; parmi celles-ci :
un éditorial de « L’équipe » ;
les informations « officielles » : la page de l’homme de confiance, communiqués de l’homme de confiance belge, le mot de l’aumônier (chronique catholique), Protestantisme (chronique protestante), le vaguemestre vous parle ;
la vie du Stalag et dans les Kommandos : le Secours national, la caisse de secours ; les Kommandos vous parlent ; en visitant les Kommandos,
la vie culturelle : le coin du bouquiniste, littérature (poèmes et extraits de littérature, contes et œuvres de prisonniers) ; chroniques descriptives de régions, lieux, monuments ; cours d’allemand (l’allemand sans pleurs) ; leçons de bridge, d’échecs, de dames, de culture physique ; rubriques théâtrales et musicales ;
nouvelles et informations de France ;
mots croisés, bandes dessinées ;
nécrologie.
148Une autre source d’information provenait de manière clandestine d’un poste de radio dissimulé à l’infirmerie. Les nouvelles de l’extérieur pouvaient ainsi circuler de bouche-à-oreille128.
La lecture et les jeux
149La bibliothèque démarra par un échange de livres entre prisonniers. Puis, à partir de septembre 1941, certains prisonniers commencèrent à alimenter un fonds commun par le don de volumes ce qui donna naissance à la bibliothèque que dirigea le prisonnier Vallerie. Ce fonds initial fut enrichi en octobre de la même année par l’octroi de 250 ouvrages envoyés par le Comité d’assistance aux prisonniers, par la Croix-Rouge, par le YMCA129, enfin par la collection de Spittal ; le 4 avril 1942, « la bibliothèque du camp est insuffisante, ne comportant que 400 à 500 volumes. Elle n’est pas à même d’organiser une circulation dans les Kommandos ». En mars 1942, un journaliste du Journal, relate la présence dans la bibliothèque de « 700 à 800 ouvrages130 ». Le 22 mai 1942, l’officier-conseil Auboyneau notait au contraire dans son rapport l’existence de « 6 000 livres » et d’une « bibliothèque circulante ». Y avait-il eu un apport massif entre les mois d’avril et de mai ? Une comptabilisation différente ? Une volonté propagandiste de l’officier-conseil ? En janvier 1943 le délégué de la Croix-Rouge parlait de « 7 000 volumes ». Ce nombre apparaît en décembre 1942 dans le no 13 du journal du camp. Cette bibliothèque alimentait, par un système de rotation, les Kommandos. Ainsi, « 4 500 livres » seraient « constamment en circulation » ; il serait « distribué 800 volumes par mois au camp » et « 450 caisses » ont été « expédiées dans les Kommandos131 ». La rubrique, « le coin des bouquinistes » publiée dans le journal du camp participait à cette vie culturelle. Beaucoup d’ouvrages provenaient d’envois de la Croix-Rouge Française sise rue de la Grande grille à Vichy132.
150Il existait un atelier de reliure qui manifestement ne chômait pas. Un des responsables de la bibliothèque dénonçait la dégradation des ouvrages : « Il est inadmissible que les volumes reviennent incomplets ou qu’après quatre ou cinq lectures, un volume doive être relié133. »
151La bibliothèque contrôlait aussi les jeux de société notamment les jeux de cartes (plus de 250), les jeux d’échecs (plus de 100) et une cinquantaine de jeux divers : on jouait au bridge, à la manille, à la belote, aux dames, aux petits chevaux et on participait à des tournois134.
La musique, le théâtre et le cinéma
152L’activité artistique démarra à l’initiative des Français et des Serbes : le prisonnier Gaston Waser organisa un crochet sur le Planum, crochet ouvert aux chanteurs, conteurs et musiciens ; quant aux Serbes ils produisirent aussi un spectacle musical135.
153Se constituèrent alors deux groupes « artistiques », l’un dédié à la musique, l’autre au théâtre. L’orchestre, au départ composé de musiciens français et serbes, devint uniquement français et prit le nom de « Canards Tyroliens » ; le prisonnier René Foussard en devint le chef. Lui succéda Robert Bellicard, violoncelliste, premier prix du conservatoire de Paris136. L’orchestre comptait en mai 1942 « une dizaine de musiciens ». On utilisa d’abord des instruments personnels, accordéons pour les Français, violons pour les Serbes ; puis l’orchestre s’enrichit petit à petit de nouveaux instruments et de partitions. Vers la fin de la guerre, il fut de plus en plus difficile de le faire jouer.
154En juin 1944, l’orchestre « manque d’éléments […] car de plus en plus de prisonniers doivent travailler dans les détachements ». Le répertoire était très éclectique allant de morceaux classiques, La Symphonie inachevée de Schubert, La Berceuse de Fauré, Le Boléro de Ravel, jusqu’à des interprétations de chanson française. Une chanson remporta un succès populaire : La Chanson du maçon.
Photographie 36. – Quelques musiciens au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
« Dans les tournées en Kommando, la chanson qui remporta le plus de succès fut la chanson des maçons. Cette chanson que Maurice Chevalier avait chantée au stalag XI A au début de décembre 1941 nous avait été retransmise au stalag. Ses termes nous invitant à rebâtir notre maison avaient été entendus comme presque un second hymne national. Arthur Dubois, notre chanteur à voix, l’interprétait dans ce sens et communiquait son sentiment aux auditeurs. Dans un Kommando voisin de Salzburg, il dut la chanter 14 fois, les camarades voulant la connaître par cœur avant le départ137. »
Texte 4. – La chanson du maçon
Si tout l’monde chantait comme les maçons
Si chacun apportait son moellon
Nous rebâtirions notre maison
Qui deviendrait Bon dieu
La Maison du Bon Dieu
Notre chanson
Serait la plus belle des chansons
Et quand viendrait la belle saison
Nous serions des millions de maçons
À chanter sous le toit d’nos maisons.
155Cette chanson, interprétée par Maurice Chevalier au Stalag XI A le 27 novembre 1941, fut diffusée en différé à la radio dans tous les Stalags et reprise par le chanteur du groupe, Arthur Dubois. Elle suscitait cependant une polémique. Elle apparaissait pour certains comme une chanson de propagande au service de la Révolution nationale. Le dernier couplet ne faisait-il pas allusion à la maison ruinée laissée par une République décadente ?
156Le groupe théâtral, « le théâtre des deux masques », disposait d’une salle. Dirigé par R. Duday, il montait des saynètes extraites des œuvres du théâtre classique comme Les fourberies de Scapin de Molière ou du théâtre de boulevard comme Le Chapeau de paille d’Italie de Labiche, Volpone de Stephan Zweig adapté par Jules Romains, On demande un bandit de Max Régnier ou Le Noël sur la place d’Henri Ghéon, théâtre de divertissement avant tout. La bibliothèque fournissait les textes. Parfois on mettait en scène des sketches écrits par les prisonniers. Le genre comique s’imposait pour ces prisonniers qui attendaient de ce théâtre un peu… d’évasion. Les débuts furent difficiles comme en témoigne Le Figaro du 21 janvier 1942, rapportant un extrait du bulletin mensuel du camp138.
157Ce travail trouva sa récompense quand Gaston Waser « artiste lyrique, premier prix du conservatoire de Caen, animateur de la troupe artistique et théâtrale du camp » reçut le 19 mars 1942 un prix de 1 000 francs, le prix Lange décerné par l’Académie Française139.
Photographie 37. – Programme d’une représentation théâtrale au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
Photographie 38. – La troupe en représentation au Stalag XVIII C.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
158La pièce de Giraudoux, Ondine, fut ainsi mise en scène par François Ganeau. Ce fut un spectacle complet où se produisirent acteurs et musiciens. L’orchestre et le groupe théâtral pouvaient ainsi s’unir pour donner des spectacles de music-hall ou de comédie musicale alliant musique, chanson, illusion et jeu théâtral. Pour coordonner les équipes et mettre en place les représentations, il fut créé un poste de « Directeur général des troupes artistiques du Stalag140 », poste confié à Jean Myris.
159En novembre 1942, le Stalag reçut un appareil de cinéma dont Van der Haegen fut chargé. Le responsable organisait des séances au Stalag mais aussi dans les Kommandos : « Des tournées de projection viennent d’être créées et fonctionnent régulièrement. Vous pourrez ainsi suivre sur l’écran de beaux documentaires et un film à grand métrage par séance141. » Dans le journal du camp, un petit entrefilet, « À l’écran », annonçait la programmation. En décembre 1942, les prisonniers pouvaient voir dans la même séance un documentaire avec « des vues des jeux olympiques de 1936 où Léni Riefensthal n’a fait qu’affirmer ses qualités » et un long métrage, « Pour la Patrie », présenté de la manière suivante : « Non ce n’est pas encore de la propagande. Le sentiment national émanant de ce film nous émeut spontanément lors de la victoire du baron Langen, superbe cavalier, magistralement campé par l’excellent artiste qu’est Willy Birgel. L’éloge de la pléiade d’artistes qui l’entourent est laissé à votre jugement. Vous ne serez pas déçu142 ». Et pourtant, l’acteur principal, Willy Birgel, nommé par le ministre de la propagande, Goebbels, Artiste d’État en 1937, jouait dans des films aux accents propagandistes marqués. Ici, il incarnait le cavalier allemand Carl-Friedrich von Langen vainqueur en équitation aux jeux olympiques d’Amsterdam de 1928. De même, le documentaire dédié aux Jeux olympiques de Berlin de 1936 présentait une des œuvres majeures du cinéma nazi.
Les conférences et les cours
160Régulièrement, les prisonniers pouvaient assister à des conférences sur des sujets divers. Le Guillou organisa cette activité avec les équipes du cercle Pétain143.
Photographie 39. – Programme de cours au Stalag XVIII C.

© Archives audiovisuelles du CICR, VP-HIST-01300.
161Ils pouvaient aussi s’inscrire à des cours hebdomadaires de français, d’allemand ou de mathématiques. Dans le journal du camp, Raymond Duday proposait un cours d’allemand, « L’allemand sans pleurs144 ». Pour les moins instruits, on développa des cours d’instruction primaire.
162D’autres prisonniers pouvaient s’adonner au dessin, à la peinture ou à la sculpture à partir des matériaux disponibles dans le camp (carton, bois, métal, terre cuite) ce qui occasionnait la mise en place d’expositions (exposition entre le 20 et 30 janvier 1942 et exposition entre le 19 et 30 avril 1942). Enfin certains s’intéressaient à « leur cercle régionaliste145 ».
163Un service juridique ouvrit en février 1942 sous la direction de Lestelle146.
Les manifestations et expositions
164La vie du camp se trouvait rythmée par des moments plus exceptionnels, moments privilégiés pour renforcer les liens de solidarité entre les prisonniers et pour nourrir l’adhésion à la personne du Maréchal et à sa politique.
165Les autorités allemandes acceptaient que les prisonniers fêtent le 14 juillet. Le 14 juillet 1942, une « soirée de gala » fut organisée au Théâtre des deux masques drapé dans ses « Couleurs Nationales ». Dans son discours prononcé face à une salle « archicomble », le médecin-lieutenant Nouailles, président du cercle Pétain, évoqua le 14 juillet comme « la fête du souvenir de tous nos aînés » et « la fête de l’Amour que nous portons à la Patrie Française » et rappela combien le cercle Pétain contribuait au bien-être des prisonniers. À la fin du discours, il « convia à écouter debout notre Hymne National exécuté par l’orchestre où palpitait l’âme de la France ». S’ensuivit un spectacle en deux parties. Une première partie où l’orchestre du camp, « les Canards tyroliens », dirigé par Robert Bellicard, accompagné de solistes, jouèrent du classique (Borodine, Dans les steppes de l’Asie centrale ; Saint-Saëns, Le Cygne), du jazz et du fox (Manuelo), de la variété (Trenet, Le clocher de mon cœur ; Chevalier, On est comme on est), de l’opérette (Franz Léhar, Le Comte de Luxembourg). Une seconde partie consacrée au théâtre avec la production de sketches, de chansons et pour « terminer cette soirée réussie une comédie, En trois journées, d’Hervilliez, nous fut présentée. Nos acteurs surent mettre en valeur l’humour féroce de cette pièce. Les rires et les applaudissements répétés des spectateurs le leur prouvèrent147 ».
166Toutes ces activités trouvaient quelques fois leur cohérence dans des manifestations collectives sur le Planum comme celles des 15 et 16 août 1942148.
Le 15 août 1942 :
Après-midi :
« Concert classique avec l’orchestre (Ouverture de Titus de Mozart, Symphonie inachevée de Schubert, Rêverie du soir de Saint-Saëns, Petite sérénade nocturne de Mozart) puis interprétations par le soliste Bellicard de l’Adagio du clair de lune de Beethoven, de La Berceuse de Fauré. Le soliste Chareyras joua Le Largo d’Haendel, l’Andante de La Symphonie espagnole de Lalo. »
Soir :
« Théâtre avec la troupe de Raymond Duday, pour une pièce en trois actes, comédie satirique, L’École des contribuables de Louis Verneuil. Une mention spéciale à Duday qui a su tenir avec tact, grâce et élégance, le personnage délicat de Juliette Daltier, rôle féminin qui constituait le pivot de la pièce. »
Le 16 août 1942 :
Matin :
« Grande messe de l’Assomption » sur le Planum dirigée par Langlois, puis « procession du vœu de Louis XIII149 » avec « chœur et musique avec arrêt devant le reposoir en plein vent » avant de regagner la chapelle.
Après-midi :
« 13 h 30 : Accueil du Kommando de la ville.
14 h : « Salut au drapeau » suivi de « la Marseillaise » puis d’une « minute de silence ». Grande « manifestation sportive » animée par des équipes du « Stalag et des Kommandos : athlétisme, basket-ball, volley-ball, match de football France Serbie ; match de boxe humoristique ; course au trésor ».
Soir :
« Music-hall avec un programme extraordinaire sous la direction de Jean Myris, Directeur général des troupes artistiques : interprétations de chansons d’autrefois, d’hier et d’aujourd’hui par les Canards Tyroliens, variétés et swing, sketches, exercices de force et de souplesse. Un spectacle de trois heures d’horloge. »
167Le docteur Nouailles, président du cercle Pétain ne manqua pas « d’exprimer aux Autorités allemandes [sa] reconnaissance pour les facilités accordées tant dans la préparation que dans le déroulement des fêtes ».
168Il fut aussi organisé des expositions artistiques. En janvier 1942, les responsables du Stalag lancèrent, via le journal du camp, un premier concours ouvert à l’ensemble des prisonniers, y compris ceux des Kommandos. Il s’agissait de produire une œuvre de « peinture, de dessin, de sculpture, d’art religieux, d’arts mineurs » en vue d’une exposition dans la salle du théâtre du camp. Afin de stimuler les talents, ils rappelèrent que « des prix importants en espèces récompenseront les deux meilleures œuvres dans chaque série » et que « les meilleures œuvres retenues » figureraient « à l’exposition organisée à Lyon en février ». Cette première exposition devait se tenir entre le 23 et le 30 janvier 1942150. Entre le 19 et le 30 avril 1942, le Stalag organisa « sa deuxième exposition artistique avec sections de peinture, sculpture, aquarelle, art religieux, affiche, dessin, arts appliqués151 ». Une partie de ce travail dépassa largement les frontières du camp. En juillet 1942, « À Vichy, un train exposition » composé de « onze wagons peints en vert, aménagés en salons, fait connaître les œuvres de nos prisonniers. L’exposition d’art du Stalag XVIII C permet d’admirer les œuvres d’une extraordinaire variété152 ».
169Beaucoup de prisonniers se retrouvaient aussi autour d’une journée particulière, celle du 26 juillet, fête de la Sainte-Anne. Le Stalag XVIII C emprisonnait nombre de Bretons ; ils voulaient honorer leur sainte patronne, nostalgiques de la terre natale et de ses traditions religieuses.
Les solidarités
Avec l’extérieur, la Croix-Rouge internationale, le YMCA et l’Église de France
170La convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre datée du 27 juillet 1929, préparée par le Comité international de la Croix-Rouge, signée par la France et par l’Allemagne, posait les bases juridiques du traitement général des captifs. Ses 97 articles déterminaient avec précision les conditions de détention : organisation des camps, nourriture, hygiène religion, distractions, discipline, ressources pécuniaires, travail, courrier, sanctions, rapatriement.
171L’article 79 conférait au Comité international de la Croix-Rouge internationale la légitimité de fonder une agence qui centraliserait toutes les informations relatives aux prisonniers. Avec l’article 88, ce même Comité se voyait autorisé, avec compétence générale, à contrôler l’application de la convention par les visites régulières de ses délégués dans les camps et dans les Kommandos. Par ailleurs, la Croix-Rouge pouvait se charger de l’acheminement au camp de colis envoyés par ses organisations nationales, dont la Croix-Rouge américaine.
Photographie 40. – Visite des délégués de la Croix-Rouge internationale, Masset, Bubb et Friedrich au Kommando de Freilassing le 1er août 1942.

© Archives audiovisuelles du CICR, V-P-HIST-01238-02.
Photographie 41. – Visite des délégués de la Croix-Rouge internationale, Masset, Bubb et Friedrich au Stalag XVIII C le 1er août 1942.

© Archives audiovisuelles du CICR, HIST-01301.
172Les délégués de la Croix-Rouge internationale visitèrent au moins cinq fois le Stalag XVIII C153. Chaque rapport s’articulait de manière normalisée autour des thèmes définis par la convention de 1929. Il s’agissait de décrire au mieux les conditions générales de détention. Des entretiens « sans témoins avec les hommes de confiance des diverses nationalités et les médecins » permettaient de recueillir les demandes précises : « livres, instruments de musique, médicaments, chaussures, vivres » et de signaler les mauvais comportements des gardiens ou employeurs. Le délégué pouvait ainsi évaluer les besoins et rapporter au commandant les plaintes de prisonniers. Ainsi, ils dénoncèrent en août 1942 « la suppression des fourneaux privés », ce que « nous avons exposé au commandant qui nous a promis une solution rapide ». De même, lors de la visite du Kommando L 25 459 à Rauris-Bucheben, le 18 octobre 1941, le délégué notait : « Tous se plaignent du contremaître civil. L’officier qui nous accompagnait lui a expliqué clairement qu’il n’avait pas à insulter ou à menacer les prisonniers qui sont encore des soldats. » Enfin la Croix-Rouge américaine contribua très fortement à l’envoi de colis pour les prisonniers aux côtés de la Croix-Rouge française ou serbe.
173Ainsi les prisonniers de guerre du Stalag XVIII C bénéficièrent de ce soutien de la Croix-Rouge et de la solidarité de l’organisation.
Tableau 24. – Visites des délégués de la Croix-Rouge internationale.
Date de visite | Noms des délégués |
18 octobre 1941 | Drs Descoeudres, Rubli |
1er août 1942 | Drs Masset, Bubb et M. Friedrich |
29 janvier 1943 | Dr Lehneret, M. Friedrich |
24 octobre 1944 | Drs Rossel, Pfister |
22 février 1945 | M. Mayer |
174Des organisations caritatives d’obédience religieuse ou laïque contribuaient aussi à l’ouverture du camp vers l’extérieur. La YMCA, la Young Men’s Christian Association, organisation interconfessionnelle d’origine protestante, s’engagea aussi auprès des prisonniers de guerre conformément à sa tradition d’aide aux réfugiés. Avant novembre 1941, elle envoya au camp un délégué chargé de recenser les demandes des prisonniers et, avant de partir, ce dernier « a promis de nous faire parvenir le plus rapidement possible des instruments de musique, des jeux de cartes, des ballons de football, des livres, des grammaires154 ». La YMCA honora son engagement et organisa la livraison de colis et des visites aux prisonniers. Un de ses secrétaires européens, Gunnar Jansson, se rendit lui-même au camp155. Le diocèse de Nîmes parraina les prisonniers de Markt-Pongau. Dans ce diocèse, les autorités ecclésiastiques organisèrent une journée dédiée au Stalag XVIII C. Le 16 février 1942, La Semaine Religieuse, hebdomadaire paraissant à Nîmes tous les samedis avec l’approbation de l’autorité diocésaine, annonçait cette manifestation :
« Le diocèse de Nîmes, en accord avec l’aumônerie générale des prisonniers de guerre, a adopté le Stalag XVIII C. Le premier mars prochain, journée de prière destinée à consacrer cette adoption ; une quête sera faite à l’intention du Stalag dans toutes les églises du diocèse156. »
175Quête au bénéfice des prisonniers ou bien de leur famille ? Pas de réponse explicite mais solidarité. À l’inverse l’aumônerie militaire du camp ne manquait pas de rappeler son engagement religieux auprès du diocèse et de son évêque :
« La journée de prières collectives en union avec le diocèse de Nîmes est fixée pour le mois de septembre au dimanche 20. Son excellence, Monseigneur Girbeau, évêque de Nîmes, nous remercie des journées collectives de prières en union avec le diocèse qu’il régit. Il a été particulièrement sensible à la dizaine de chapelets récités chaque soir au Stalag à ses intentions et le communiquera dans la Semaine religieuse157. »
176La solidarité spirituelle s’exerçait aussi lorsque l’Église organisait des offices dédiés aux prisonniers. Par exemple, à Paris une association de rapatriés et de familles de prisonniers du Stalag XVIII C conviait régulièrement ses membres à « des messes en la chapelle de l’école Saint-Nicolas, 92 rue de Vaugirard, métro Saint-Placide158 ». Des actions ponctuelles permettaient aussi de lever des fonds comme le dimanche 30 mai 1943 lors d’une matinée artistique de bienfaisance qui se tint au 86 bis rue de l’Assomption, Paris (16e) au profit du Centre d’entraide du camp159. Autre initiative, la journée du samedi 25 mars 1944 :
« Un gala artistique au profit du livret du prisonnier et de la caisse de secours du secrétaire du Stalag XVIII C aura lieu samedi à 14 h 30 précises au Palais de la Mutualité, 24 rue Saint-Victor, Paris. La manécanterie des Petits Chanteurs à la Croix-de-Bois y participera. Places de 25 à 200 francs160. »
Au sein du camp
Caisses de secours
177Les prisonniers mirent en place à partir de janvier 1942, après acceptation des autorités allemandes, une caisse de secours qui devint opérationnelle à compter du 1er février 1942. À sa tête, « un bureau composé d’un président, l’homme de confiance du camp, deux vice-présidents (Stevens Robert matricule 2 318, Stephan Henri matricule 3 140), un trésorier (Landois Adrien matricule 4 780), un Censeur (Granjot Raymond matricule 90 673). Il se tenait une réunion hebdomadaire pour étudier les demandes de secours et à la fin de chaque mois le bureau dressait le bilan financier161 ». Il s’agissait d’aider les familles de prisonniers qui se trouvaient dans une situation difficile : « La caisse de secours envoie directement ses subsides aux familles de camarades du Stalag qui sont dans le besoin162. » L’homme de confiance étudiait les « demandes d’aide au secours » sollicitées par les prisonniers et exigeait d’eux « le plus de renseignements possible » afin d’orienter l’aide de manière pertinente163. Cette caisse, alimentée par des contributions mensuelles provenant des prisonniers du Stalag et des Kommandos ainsi que par des loteries et des ventes aux enchères, recevait dès le premier mois l’équivalent de 8 000 francs, 42 700 francs en moyenne mensuelle en 1943, 60 000 francs en moyenne mensuelle en 1944 avec une dernière collecte atteignant 88 000 francs en octobre de cette année-là. La caisse pouvait aussi lancer des opérations exceptionnelles de solidarité comme à la mort le 6 mai 1943 d’un prisonnier de l’un des Kommandos d’Innsbruck : 35 604 francs furent envoyés à sa veuve. Il en fut de même en décembre 1944 quand le Stalag XVIII A subit un bombardement inexplicable faisant près d’une cinquantaine de morts dont 18 Français164. Après leur libération anticipée, certains anciens du Stalag comme Ranou, Houblain, Nolot et Waser constituèrent un groupe, qui, dans le cadre du Centre d’entraide aux prisonniers, établit un lien particulier entre le Stalag et les familles165.
178Les fonds recueillis pouvaient être aussi collectés par les autorités allemandes de chaque camp et versés à la Kreditkasse à Berlin. Via un office des changes (parité favorable : 20 francs pour un RM), les fonds se trouvaient transférés au compte bancaire de l’Ambassade Scapini à Paris qui se chargeait de les affecter aux Centres d’entraide des camps (14 en octobre 1942, 26 en décembre 1942, 56 en mars 1943, 68 en septembre 1943). À chaque envoi, l’homme de confiance du camp joignait une liste nominative des bénéficiaires proposés pour un secours. Une vérification du bien-fondé du secours auprès de la mairie, du curé ou du Centre d’entraide local suivait. Les transferts officiels de fonds en France cessèrent à partir de juillet 1944166.
179La solidarité s’exerçait aussi dans la gestion des colis expédiés par la Croix-Rouge. En octobre 1944, l’arrivée irrégulière et aléatoire des colis personnels amena les responsables à ventiler les envois de manière plus équitable : « Les envois sont maintenant à la disposition de tout homme n’ayant rien reçu depuis très longtemps. De cette façon, le partage est plus juste et chacun est satisfait167. »
Amicales
180La vie collective se structura aussi autour d’associations ou d’amicales regroupant les prisonniers en fonction de leurs origines régionales : l’Amicale de Paris, l’Amicale du Nord, l’Amicale de Normandie, l’Amicale du Midi, le Cercle régionaliste breton. Elles organisaient des causeries sur l’histoire des anciennes provinces, sur le folklore, préparaient leur participation à différentes cérémonies ou servaient de base à la constitution d’équipes sportives. Il fallut attendre plus longtemps pour que les « natifs des colonies constituent un groupe de solidarité : Solidarité coloniale168 ». Solidarité d’autant plus nécessaire que les contacts avec les familles posaient plus de problèmes notamment pour l’acheminement du courrier et des colis.
Avec les Kommandos
181À partir de janvier 1942 les responsables du Stalag, Ranou et Jacquelin, commencèrent à développer des relations avec les Kommandos disséminés dans le Wehrkreis. La mise à disposition d’un camion par la Croix-Rouge internationale, consécutive à l’une de ses visites, permit de faciliter les expéditions auprès des Kommandos ; la première sortie en date du 11 mars 1942 toucha 65 détachements soit 2 775 hommes. Le camion servait au transport de l’homme de confiance et de son équipe, des délégations diverses, des approvisionnements pour les détachements, ou des comédiens et musiciens amenés à se produire en dehors du camp ; il contribuait aussi aux tournées cinématographiques.
Les Kommandos du Stalag XVIII C
Les Kommandos : « des détachements de travail »
182La quasi-totalité des prisonniers ne restait pas au camp et partait dans les Kommandos de travail ou Arbeitskommandos : 95 % dans les années de début de guerre puis le taux tomba à 80 %. Il pouvait s’agir d’affectations temporaires ou de longue durée ; le prisonnier pouvait ainsi connaître plusieurs Kommandos pendant sa captivité169.
183Chargés de remplacer la main-d’œuvre mobilisée sur les différents fronts, les prisonniers recevaient une affectation qui correspondait à un type de travail : vers un Landwirtschaftskommando (L) ou Kommando agricole, vers un Gewerbekommando (GW) ou Kommando industriel, vers un Heeresverwaltungskommando (HV) ou Kommando administratif militaire. La fiche remplie à l’entrée du camp et les déclarations des prisonniers pouvaient servir à la sélection. Chaque Kommando se trouvait donc désigné par un numéro souvent complété par une lettre symbolisant l’activité (L, GW ou HV). Certains de ces Kommandos se caractérisaient par leur fonction disciplinaire, comme par exemple les Kommandos 110 HV et 121 HV localisés en haute montagne où les prisonniers travaillaient dans des conditions difficiles170. Le nombre de Kommandos varia au cours de la guerre. Il apparaît difficile de les quantifier avec exactitude mais les différentes sources nous amènent à un nombre compris entre environ 430 et 530.
184Le secrétariat à la Guerre via sa Direction des prisonniers dénombra en août 1943 « 449 détachements de travail » dont « 248 composés de Français, les ¾ étant agricoles171 ». Un relevé allemand du 5 février 1944 dénombrait au total 435 Kommandos de travail172. Environ deux tiers relevaient du secteur agricole, un tiers du secteur industriel et un reliquat du secteur administratif.
Tableau 25. – Répartition des Kommandos par secteurs d’activité (février 1944).
Kommandos L | Kommandos GW | Kommandos HV | Total |
263 | 155 | 17 | 435 |
60,46 % | 35,64 % | 3,90 % | 100 % |
185À cette date les Kommandos serbes et français l’emportaient largement devant les Kommandos italiens. Les Kommandos belges, néerlandais et britanniques ne représentant au total qu’une poignée de Kommandos.
Tableau 26. – Répartition des Kommandos par nationalité (février 1944).
Français | Serbes | Hollandais | Autres | Total |
164 | 179 | 1 | 91 | 435 |
37,70 % | 41,14 % | 20,91 % | 100 % |
Les Kommandos français : les activités, les effectifs, les localisations, l’organisation
Les activités de production
186Le relevé du 4 février 1944, fait par les autorités allemandes du camp, apportait quelques enseignements sur le travail des Kommandos. Les Kommandos français atteignaient en février 1944 le nombre de 194 : 108 Kommandos agricoles, 73 Kommandos artisanaux et industriels et 13 Kommandos de services173 ; le secteur agricole représentait la majorité des Kommandos ; rien de surprenant dans cette région rurale et forestière ; suivaient l’industrie puis l’administration militaire.
Tableau 27. – Répartition des Kommandos français par secteurs d’activité (février 1944).
Kommandos L | Kommandos GW | Kommandos HV | Total |
108 | 73 | 13 | 194 |
55,67 % | 37,62 % | 6,70 % | 100 % |
187Un relevé d’origine française, malheureusement non daté et lacunaire, permet d’affiner l’analyse. Il concerne 91 Kommandos répartis sur une cinquantaine de sites et regroupant au total 5 740 travailleurs174. Douze Kommandos restent sans indication d’effectifs. Difficile aussi de ventiler le nombre d’actifs pour certaines localisations : 40 travailleurs à Glasenbach dans l’agriculture et le bâtiment, 55 à Hofgastein dans l’agriculture et l’artisanat, 73 à Warst Rauris dans l’agriculture et le terrassement. Le document précise l’activité de chaque Kommando mais il reste silencieux quand il mentionne les effectifs pour les « entreprises diverses ».
188De quels secteurs s’agissait-il ?
Tableau 28. – Répartition des Kommandos et des travailleurs par types d’activité.
Secteur d’activité | Branche d’activité | Nombre de Kommandos | % de Kommandos | Nombre de travailleurs | % de travailleurs |
Agriculture | Agriculture | 22 | 24,18 % | 521 | 12,73 % |
Industrie | Fonderie Métallurgie Aéronautique Automobile Agroalimentaire Chaussures Papier à cigarettes Chapeaux | 15 | 16,48 % | 912 | 22,28 % |
Travaux publics | Ponts Tunnels Autostrades Constructions Terrassements* Voiries Mines Cimenterie | 25 | 27,47 % | 680 | 16,61 % |
Métiers du bois | Bûcheronnage Scierie Construction de baraques | 7 | 7,69 % | 287 | 7,01 % |
Services | Services municipaux Reichsbahn | 7 | 7,69 % | 203 | 4,96 % |
Divers | Entreprises diverses | 6 | 6,59 % | 649 | 15,86 % |
Kommandos mixtes** | 9 | 9,89 % | 841 | 20,55 % | |
Total | 91 | 100 % | 4 093*** | 100 % |
* Un Kommando de Hallein-Golling participa à la construction de la route menant à Berchtesgaden, le « nid d’aigle » d’Hitler.
** Certains Kommandos pouvaient avoir une double activité : agriculture-bâtiment, agriculture-construction.
*** Ce dénombrement n’atteint pas le nombre de 5 740 travailleurs évoqués supra.
189L’analyse quantitative doit être relativisée compte tenu des lacunes et d’un échantillon incomplet mais l’approche qualitative apporte de riches informations175.
190Les prisonniers travaillaient d’abord dans l’industrie (22 % des travailleurs), ensuite dans les travaux publics (17 %), enfin dans l’agriculture (13 %). Ils appartenaient soit à de gros Kommandos cantonnés en ville qui servaient de base de recrutement, soit dans des Kommandos plus petits et plus isolés en milieu rural (fermes, mines, forêts, montagnes). Ainsi contribuaient-ils fortement à la production agricole, au développement des infrastructures notamment de communications (terrassements, autostrades, routes, ponts, tunnels, usines électriques) et participaient à la construction de bâtiments. Beaucoup de carrières alimentaient ces activités. Ils valorisaient les ressources du sous-sol comme dans le Kommando 20 849 GW à Burs (gypse) ou 27 308 GW à Muhlbach en Carinthie (minerai de cuivre) ou de la forêt très présente dans ces espaces alpins. Ainsi des Kommandos (27 026 GW à Bischofshofen ou 27 038 GW à Maxglan) fabriquaient des baraques, sans aucun doute destinées à servir de lieu de couchage pour les prisonniers des camps ou des Kommandos. L’industrie recrutait aussi de la main-d’œuvre : l’agroalimentaire dans les Kommandos 27 443 GW (minoterie à Aduct) et 20 718 GW (laiterie à Salzbourg) et 25 109 (brasserie à Maxglan) ; la métallurgie et la fonderie et surtout l’aéronautique dans les usines de Salzbourg (7 438 GW), de Jenbach (20 512 GW) et de Kematen (20 517 GW) ; ainsi, en dépit de l’article 31 de la convention de Genève de 1929 qui interdisait cela176, les autorités allemandes utilisaient bien les prisonniers dans l’industrie de guerre puisqu’ils les faisaient travailler dans des usines de Heinkel à Jenbach (350 ouvriers) et de Messerschmitt à Kematen (96 ouvriers), fournisseurs de la Luftwaffe. Enfin certains prisonniers se trouvaient destinés à des tâches de services : services municipaux d’Innsbruck (20 400) ou de Salzbourg (20 718 GW) ou emplois dans la Reichsbahn (27 003 à Salzbourg, 27 017 GW à Lienz, 27 389 GW à Innsbruck). À noter l’existence de deux Kommandos HV, l’un à Freilassing (HV 27), l’autre à Glasenbach (HV).
Les effectifs
191L’effectif moyen de 71 hommes par Kommando cache bien évidemment des disparités importantes.
Tableau 29. – Répartition des travailleurs selon l’effectif des Kommandos.
Effectifs par Kommando* | Nombre de Kommandos | Pourcentage |
Moins de 10 | 8 | 10,13 % |
De 10 à 49 | 40 | 50,63 % |
De 50 à 99 | 17 | 21,52 % |
De 100 à 199 | 6 | 7,59 % |
Plus de 200 | 8 | 10,13 % |
Total | 79 | 100 % |
* Pour les effectifs connus (79 Kommandos sur 91).
192La majorité des Kommandos ne dépassait pas les 50 travailleurs (près de 61 %). Les plus petits s’occupaient essentiellement de l’agriculture, du bûcheronnage mais aussi des travaux d’entretien (voirie) ; d’autres contribuaient aux activités artisanales. Les plus gros Kommandos relevaient des besoins municipaux (300 travailleurs au 22 400 d’Innsbruck ; 323 au 20 718 GW de Salzbourg), de l’industrie d’armement (350 ouvriers au 20 512 GW à l’usine Heinkel de Jenbach) et des grands chantiers de travaux publics (250 hommes au 27 021 GW et 255 au 27 022 mobilisés pour des terrassements et la construction d’un tunnel). De même le Kommando 27 004 GW sis à Rodling employait, en trois sous-groupes, 640 prisonniers à la construction d’un canal devant alimenter une centrale électrique, elle aussi en construction177.
Géographie des Kommandos
193Les 91 Kommandos cités se localisaient sur 52 sites éparpillés dans l’ensemble du Wehrkreis de Bregenz à l’ouest à Forstau à l’est, de Salzbourg au nord à Mittelberg au sud. Mis à part quelques exemples isolés, les Kommandos s’alignaient le long de l’axe stratégique Bregenz-Innsbruck-Salzbourg où le réseau ferroviaire doublait le réseau routier, axe de communication majeur pour les hommes comme pour les marchandises.
194Certaines localités concentraient Kommandos et hommes. Il s’agissait, soit des grands centres urbains comme Innsbruck ou Salzbourg, soit des centres industriels importants (Jenbach), soit des chantiers de travaux publics majeurs (Kaprun).
Tableau 30. – Les dix premiers sites de Kommandos.
Rang | Sites | Nombre d’hommes |
1 | Innsbruck | 680 |
2 | Rodling* | 640 |
3 | Kaprun | 555 |
4 | Salzbourg | 523 |
5 | Markt Pongau | 371 |
6 | Jenbach | 350 |
7 | Kasern | 218 |
8 | Dornbirn | 170 |
9 | Bregenz | 161 |
10 | Kematen | 131 |
* Voir note 177, p. 150.
La vie en Kommando
195Chaque Kommando se trouvait sous la « tutelle » d’un homme de confiance, interlocuteur privilégié des autorités militaires allemandes, des responsables français et des employeurs. Il recevait aussi au nom de ses camarades les différentes délégations venues les visiter, délégués de la Croix-Rouge ou de la mission Scapini, réglait les conflits et veillait à la bonne organisation générale du Kommando.
196Comme au Stalag, les hommes des Kommandos tentaient d’échapper à leur destin tragique. D’une manière générale, la vie dans les Kommandos pouvait paraître plus supportable. En février 1945, le délégué du CICR, E. Mayer, visita dix Kommandos, majoritairement agricoles et français ; au total 218 hommes (Les Kommandos 25 006 L/A, 25 006 L/B, 25 040 L, 25 001, 27 002, 21 521, 25 039, 25 518, 21 517, 20 717). En conclusion de son rapport il notait :
« La visite de ces détachements a confirmé les déclarations des hommes de confiance du camp principal. La vie dans ces petits détachements est en effet bien moins dure qu’au camp principal178. »
197Néanmoins cela dépendait fortement du type de Kommando, de la nationalité des prisonniers et surtout de la relation qui s’établissait entre les prisonniers et les employeurs. En octobre 1941, le délégué du CICR, le Dr Rubli, relevait, à l’issue de sa visite au détachement de travail 25 459 L à Rauris-Bucheben, les points de tension.
« Tous se plaignent d’un contremaître civil » ;
« la nourriture ne semble pas être ce qu’elle devrait être tant du point de vue de la qualité que de la quantité » ;
« les prisonniers se plaignent beaucoup de la façon dont le médecin civil les traite179 ».
198La vie se trouvait rythmée par le travail avec, chaque soir, pour la majorité des prisonniers, retour au contrôle. Heureusement quelques espaces de liberté et de détente égayaient parfois leur quotidien : sorties dans la nature ou en ville, séances de cinéma organisées par le camp de base, petites fêtes et spectacles. Dans les Kommandos les plus importants, et là où pouvaient se trouver quelques talents, les prisonniers montèrent des orchestres et des troupes théâtrales. Les musiciens fondèrent des groupes qu’ils baptisèrent, non sans humour, Gefang-jazz, Captif-jazz, Montmartre orchestre, Harmonicas boys, ABC orchestre avec un répertoire très éclectique : du jazz à la chanson française (Au lycée papillon, la Paloma), de la musique classique à l’opéra-comique (Valses de Vienne, Les Cloches de Corneville). Dans les clubs de théâtre comme le Pongau-théâtre, ils déclamaient de la poésie (Le Cor de Vigny), jouaient du classique (L’Avare) ou du théâtre plus contemporain (Marius et Topaze de Marcel Pagnol ; L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche180).
Carte 6. – Les principaux Kommandos de la vallée de l’Inn.

© Duplat, C.
Carte 7. – Les principaux Kommandos de la vallée de Salzach-1.

© Duplat, C.
Carte 8. – Les principaux Kommandos de la vallée de la Salzach-2.

© Duplat, C.
Notes de bas de page
1 La déclaration de guerre entraîna l’annulation de la majorité des investissements projetés et donc le désenchantement des populations.
2 Speckner Hubert, Österreichische militärische Zeitschrift, mai 2004.
3 Il existait deux camps plutôt destinés aux aviateurs : le Stalag Luft III Sagan près de Rostock et le Dulag Luft Oberursel près de Francfort-sur-le-Main.
4 Office central de sécurité du Reich dirigé d’abord par Reinhard Heydrich puis par Himmler.
5 Cf. le tableau détaillé p. 51.
6 Durand Yves, op. cit., p. 315.
7 AN F9 2720, AN F9 2890.
8 Voir p. 103.
9 AN F9 1720.
10 Dispositif mis en place au printemps 1942 par le régime de Vichy pour répondre aux besoins de main-d’œuvre exigés par l’Allemagne. Le gauleiter Fritz Sauckel fut chargé de cette politique pour l’ensemble des territoires occupés. En France, le premier accord signé par Laval permettait de libérer un prisonnier de guerre contre l’envoi en Allemagne de trois ouvriers qualifiés. Malgré la propagande du régime de Vichy cette Relève échoua entraînant des mesures plus contraignantes et à terme le STO.
11 Francisque : « insigne du Maréchal de France, chef de l’État Français », « symbole du sacrifice et du courage » et de la « France renaissant de ses cendres », créée par la loi du 16 octobre 1941 et décrets des 14 mars et 31 juillet 1942.
12 « Toute demande d’attribution sera signée du candidat et présentée par deux parrains. Le parrain s’engage personnellement en accordant son parrainage. »
13 Tout candidat à la Francisque doit présenter des conditions morales incontestées et remplir deux des conditions ci-après : a) Avant la guerre avoir pratiqué une action politique nationale et sociale conforme aux principes de la Révolution nationale. b) Manifester depuis la guerre un attachement actif à l’œuvre et à la personne du Maréchal. c) Avoir de brillants états de services militaires ou civiques.
14 La liste des récipiendaires de la Francisque établie par l’archiviste Jérôme ne fait pas mention d’Auboyneau.
15 AN F9 2890.
16 Voir p. 86.
17 Speckner Hubert, In der Gewalt des Feindes, Kriegsgefangenen lager in der Ostmark, 1939 bis 1945, Oldenbourg, 2003, 352 p., p. 33.
18 Bestandsübersicht OKW [http://www.landsalzburg.atbgstjohann/stalag/Kriegsgefangene.htm].
19 AN F 9 2720.
20 Slovénie en suspens ; Croatie et Monténégro indépendants ; Dalmatie et îles occupées par Italie ; Banat occupé par la Hongrie.
21 Voir p. 146.
22 Brochure conçue pour les familles de ceux qui ont encore leur place vide au foyer, 1942, p. 91, BDIC, université Paris Nanterre ; Le Petit Journal du 5 mars 1942, BnF.
23 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
24 Le Petit Journal du 5 mars 1942, BnF.
25 Mission Scapini, AN F9 2301.
26 Brochure conçue pour les familles de ceux qui ont encore leur place vide dans leur foyer ; Secrétariat à la Guerre, Direction des PG, 1942.
27 AN F9 2720 ; Visite de la Croix-Rouge du 18 octobre 1941.
28 Frangeul Lucien, Maintenir, no 201, Bulletin de liaison de l’amicale des anciens des Stalags XVIII.
29 Ibid.
30 AN F9 2720.
31 Le Trait d’Union encouragea cependant les sous-officiers à travailler.
32 Durand Yves, op. cit., p. 390.
33 AN F9 2720, 20 janvier 1943, visite de la Croix-Rouge internationale.
34 AN F9 2890.
35 Je n’ai trouvé aucune information consistante sur Slimani et Boyer.
36 Le Stalag XVIII C vous parle, no 11, septembre-octobre 1942.
37 Voir p. 116.
38 AN F9 2720.
39 Le Petit journal du 6 juin 1942, BnF.
40 Le Stalag XVIII C vous parle, no 11, septembre-octobre 1942.
41 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e bureau, secret, Stalag XVIII C ; Bibliothéca Andana.
42 Maintenir, no 300 ; Eitenchenk le remplaça dans cette tâche jusqu’à la libération.
43 Le Petit Journal du 6 juin 1942, BnF.
44 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e bureau, secret, Stalag XVIII C ; Bibliothéca Andana.
45 AN F9 2720, Visite du 24 juillet 1944 ; SGA Caen : visite de la Croix-Rouge internationale du 24 octobre 1944.
46 Le Petit journal du 6 juin 1942, BnF.
47 Voir p. 112.
48 AN F9 2720, Visite de la Croix-Rouge internationale du 13 août 1943.
49 Le Petit Journal du 5 mars 1942, BnF.
50 AN F9 2720, Visite de la Croix-Rouge internationale du 23 janvier 1943.
51 Voir p. 269.
52 Le Petit Journal du 23 mai 1942, BnF.
53 Ibid.
54 Halle située dans le 18e arrondissement de Paris, entrepôt de la SNCF.
55 PLM, Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, compagnie nationalisée en 1938.
56 AN F9 2890.
57 AN F9 2681, Correspondance de l’homme de confiance, le 24 novembre 1944.
58 Le Journal du 5 mars 1942, BnF.
59 Le Stalag XVIII C vous parle, no 11, septembre-octobre 1942.
60 SGA, Caen, visite de la Croix-Rouge internationale du 22 février 1945.
61 Archives familiales.
62 AN F9 2681, correspondance de l’homme de confiance.
63 Le Petit Journal du 29 mai 1942, BnF.
64 Le Petit Journal du 23 mai 1942, BnF.
65 Le Petit Journal du 5 mars 1942, BnF.
66 SGA, Caen, visite de la Croix-Rouge internationale du 22 février 1945.
67 AN F9 2301.
68 Voir p. 86.
69 Brochure conçue pour les familles de ceux qui ont encore une place vide au foyer ; Secrétariat à la Guerre Direction des PG, août 1942, BDIC, université Paris-Nanterre.
70 Le Stalag XVIII C vous parle, no 9, juillet 1942.
71 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
72 Le Stalag XVIII C vous parle, no 9, juillet 1942.
73 AN F9 2890.
74 SGA, Caen.
75 Le Stalag XVIII C vous parle, no 13, décembre 1942.
76 AN F9 2720.
77 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
78 Durand Yves, op. cit., p. 350.
79 AN F9 2720.
80 AN F9 2720, Lettre de l’officier-conseil Auboyneau au chef de la Délégation de Berlin le 22 mai 1942.
81 Maintenir, no 203, avril-mai 1977.
82 AN F9 2301, 19 août 1943, correspondance entre épouse de captif et la Délégation de Berlin.
83 Visite du délégué de la Croix-Rouge internationale le 24 octobre 1944, SGA, Caen.
84 Le Stalag 369 : Stalag de représailles de Kobierzyn (Pologne) destiné aux prisonniers réfractaires au travail ou aux prisonniers évadés. Les conditions de détention y étaient très dures.
85 Durand Yves, op. cit., p. 154.
86 Maintenir, no 203.
87 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
88 AN F9 2720.
89 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e bureau, secret, Stalag XVIII C ; Bibliothéca Andana.
90 Maintenir, no 282, mai juin 1990.
91 AN F9 2720.
92 SGA Caen, visite de la Croix-Rouge du 23 janvier 1943.
93 Ukraine actuelle.
94 Durand Yves, op. cit., p. 179.
95 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
96 AN F9 2720.
97 Ibid.
98 Le Stalag XVIII C vous parle, no 3, janvier 1942.
99 L’Aurore du 11 juillet 1945.
100 Ibid.
101 SGA, Caen, visite de la Croix-Rouge, le 24 novembre 1944.
102 Le Stalag XVIII C vous parle, no 3, janvier 1942 ; no 9, juillet1942 et no 14, janvier 1943.
103 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e bureau, secret ; Stalag XVIII C ; Bibliothéca Andana.
104 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
105 AN F9 2720.
106 SGA, Caen, visite de la Croix-Rouge du 24 octobre 1944. Deux dossiers le concernent au Service historique de la Défense à Caen (Morts en déportation, fusillés, AC 21P 441 627) ; prisonnier de guerre, AC 21P 114 503).
107 AN F9 2301.
108 Le Stalag XVIII C vous parle, no 3, janvier 1942.
109 CICR, Visite le 29 janvier 1943.
110 Plus de vingt millions de Soviétiques périrent durant la Seconde Guerre mondiale dont une majorité de civils.
111 Maintenir, no 300.
112 Ibid. « On a un poste de radio », Stouvenel Louis Ernest.
113 Témoignage de Lucien Frangeul, notes sur l’histoire du Stalag XVIII C, in revue Maintenir, no 202, février-mars 1977.
114 Voir p. 117.
115 Témoignage du PG Marcel Vuillamy cité p. 215 par Durand Yves, Prisonniers de guerre dans les Stalags, les Oflags et les Kommandos, 1939-1945, Hachette, coll. « La vie quotidienne, Civilisations et Sociétés », 321 p.
116 Rodhain Jean fut un des fondateurs du Secours catholique en 1946.
117 Védrine Jean, Dossier PG Rapatriés, 1940-1945, p. 97-101.
118 AN F9 2301, Visite des délégués Scapini, le 4 avril 1942.
119 Ibid.
120 Ibid.
121 Archives familiales de Robert Guilbaud. Parallèlement deux procurations furent établies par les autorités militaires du camp.
122 SGA, Caen, Visite de la Croix-Rouge le 24 octobre 1944.
123 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
124 Le Stalag XVIII C vous parle, no 13, décembre 1942.
125 Bundesarchiv Bild, site internet ; des photographies, non datées, représentent un prêtre orthodoxe.
126 Le Stalag XVIII C vous parle, no 1, novembre 1941.
127 Brochure conçue pour les familles de ceux qui ont encore leur place vide au foyer, août 1943, BDIC, université Paris-Nanterre.
128 Maintenir no 203.
129 La YMCA, la Young Men’s Christian Association, est une organisation interconfessionnelle d’origine protestante tournée vers les actions solidaires.
130 Le Journal du 5 mars 1942, BnF.
131 Le Stalag XVIII C vous parle, no 13, décembre 1942.
132 Le Journal du 3 mars 1942, BnF.
133 Le Stalag XVIII C vous parle, no 13, décembre 1942.
134 Maintenir ; visite des Délégués de la mission Scapini du 4 avril 1942 ; AN F9 2301.
135 Voir les photographies de musiciens serbes sur Bundesarchiv Bild, Stalag XVIII C, site Internet.
136 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
137 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
138 Le Figaro du 21 janvier 1942, BnF.
139 La Croix du 28 mars 1942, BnF. Le prix Lange créé en 1888 par l’Académie française était « destiné à récompenser les actions vertueuses les plus méritantes accomplies par des personnes de nationalité française ».
140 Le Stalag XVIII C vous parle, no 11, septembre-octobre 1942.
141 Le Stalag XVIII C vous parle, no 12, novembre 1942.
142 Le Stalag XVIII C vous parle, no 13, décembre 1942.
143 Voir p. 112.
144 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
145 Brochure conçue pour les familles qui ont encore une place vide au foyer ; Secrétariat à la Guerre ; Direction des PG août 1943. BDIC, université Paris-Nanterre.
146 Maintenir, no 300 ; Lestelle participa ainsi à la contre-enquête au moment de l’assassinat de Degrigny.
147 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942. Acteurs principaux : Frangeul, Bergeron, Esquiron. Gabriel d’Hervilliez commit de nombreuses comédies avant la guerre.
148 Maintenir, no 202 ; Le Stalag XVIII C vous parle, no 11, septembre-octobre 1942.
149 Promesses et actes de dévotions effectués par le roi Louis XIII entre 1632 et 1638.
150 Le Stalag XVIII C vous parle, no 3, janvier 1942.
151 Paris-Soir du 22 juin 1942, BnF.
152 Le Journal du 10-11 octobre 1942, BnF.
153 AN F9 2720, inspection des camps ; CICR : Dru/YG/AG (18 octobre 1941, visite en Kommandos) ; Dru/YJ/MH (18 octobre 1941, visite au Stalag) ; Ms.B.F.JRh/MIG/MBG (1er août 1942) ; FL/UR/JPe/MH (29 janvier 1943) ; EM/FDP/GD (22 février 1945).
154 Le Stalag XVIII C vous parle, no 1, novembre 1941.
155 Photographie Bundesarchiv Bild, Mark Pongau ; Gunnar Janson continua à occuper des responsabilités à la YMCA après la Seconde Guerre mondiale comme secrétaire de l’aire européenne de l’organisation.
156 Le Journal du 17 février 1942, BnF.
157 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
158 Le Petit Parisien du 11 septembre 1943, BnF.
159 L’Œuvre, le courrier du prisonnier du 17 mai 1943.
160 L’Œuvre, le courrier du prisonnier du 18 mars 1944.
161 Le Stalag XVIII C vous parle, no 3, janvier 1942.
162 AN F9 2720, 22 mai 1942.
163 Le Stalag XVIII C vous parle, no 10, août 1942.
164 Maintenir no 252.
165 Ibid.
166 Ibid.
167 Rapport du 24 octobre 1944, SGA Caen.
168 Le Stalag XVIII C vous parle, no 3, janvier 1942.
169 Cf. Kommandos de Gaston Duplat p. 160.
170 Ministère de la Guerre, État-major de l’Armée, 5e bureau, secret, Stalag XVIII C ; Bibliothéca Andana.
171 Brochure conçue pour les familles de ceux qui ont encore une place vide au foyer ; Secrétariat à la Guerre, Direction des prisonniers, août 1943, BDIC, université Paris Nanterre.
172 AN F9 2720.
173 Voir p. 150.
174 AN F9 2173 ; il pourrait dater d’août 1943. En effet, une autre source, le rapport de la Croix-Rouge du 9 août 1943 relatif au Kommando de Reith bei Seefeld, dénombre douze hommes au Kommando (cf. Durand Yves p. 103), la même valeur mentionnée ici ; mais pas de certitude.
175 Tableau lacunaire construit à partir des données citées dans le document (Kommandos sans mention d’effectifs ; effectifs sans précision du secteur d’activité).
176 Article 31 : « les travaux fournis par les prisonniers n’auront aucun rapport avec les opérations de guerre ».
177 Ce Kommando GW 27 004, très important (640 hommes ; construction d’un canal et d’une centrale électrique), apparaît bien sur le document mais sa localisation reste introuvable. Erreur de report ? Mauvaise orthographe ? Mauvaise lecture ?
178 CICR, Rapport du délégué E. Mayer, le 22 février 1945. Genève.
179 CICR, Rapport du délégué Dr Rubli, le 18 octobre 1941. Genève.
180 Maintenir, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C, no 203, avril-mai 1977.
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