Chapitre I. Et la guerre arriva
p. 17-78
Texte intégral
Capture : Coëtquidan (23 juin 1940-8 mai 1941)
Un couple dans les années trente
Gaston Duplat
1Gaston Duplat naquit le 21 mai 1910 à Champagné-les-Marais, une petite commune du Sud Vendée à la limite du département de la Charente-Inférieure (Charente-Maritime en septembre 1941). Son père, Léon Ludovic, douanier, comme son grand-père paternel François, se trouvait affecté à l’époque « aux Portes du Chapitre », un poste de douanes situé sur le canal reliant Luçon à la mer. Sa mère, originaire de Croix-de-Vie dans le même département de la Vendée donna naissance à huit enfants. Deux décédèrent en bas âge, René et Léon. Un troisième frère, Gabriel, ne survécut pas à la grippe espagnole qui s’abattit sur l’Europe à la fin de la Grande Guerre. Touché par la maladie il mourut au dépôt des équipages de Lorient, port où il se trouvait engagé comme matelot sur des navires reliant la France à l’Amérique latine, navires chargés de convoyer marchandises et nourriture pour approvisionner la France en guerre1. Gaston, le dernier né, partagea donc son enfance avec ses autres frères, Camille, Marcel, Roger et sa sœur Léonie.
2Ce fut à Croix-de-Vie, petite commune littorale de Vendée que cette enfance et adolescence se passèrent quand le père y prit sa retraite. Gaston Duplat fréquenta l’école publique, obtint son Certificat d’études primaires le 25 juin 1923 sur décision de « la commission cantonale de Saint-Gilles » puis commença alors son apprentissage de menuisier-ébéniste à partir de 1924. Il travailla dans différentes entreprises locales, Xavier et Bossis à Croix-de-Vie, Moquax à Marans, puis embaucha le 13 février 1930 chez « Bidoilleau Frères et Cie, menuiserie, bâtisse, meubles, agencement de magasins, aménagement de navires, cuivrerie, miroiterie, fabrique et réparations de jalousies » ; entreprise située à Nantes près de la place Édouard Normand. Pourquoi ce départ sur Nantes ? Était-ce une meilleure opportunité de travail dans ces mois qui commençaient à préfigurer une France en crise ? Le 17 mai 1930 il quitta ce travail.
3En fait il envisageait une autre carrière, à l’image de ses père et grand-père et deux de ses frères : la fonction publique, sans aucun doute attiré par le statut protecteur, l’espérance d’une ascension sociale et peut-être aussi par un certain sens du service public. Il s’y préparait. Il obtenait « le 24 mars 1930 son Brevet de préparation militaire, classé 35 sur 217 candidats ». « Engagé volontaire par devancement d’appel pour un an le 20 octobre 1930 à l’intendance militaire de la Roche-sur-Yon au titre du 6e régiment du génie », il gagna le 21 octobre Angers, sa ville de garnison, comme sapeur de 2e classe. Il atteignit assez rapidement au terme de ses rengagements (1931 et 1933) le grade de sergent, puis intégra le 6 mai 1934 « le corps des sous-officiers de carrière » pour devenir sergent-chef le 16 octobre 19372.
Andrée Jaugey
4Andrée Jaugey naquit le 20 mai 1912 à Paris, dans le 20e arrondissement, de parents originaires de l’Est de la France, de la Haute-Marne. Un grand-père paternel cordonnier, un père journalier à Paris, puis gendarme qui, de brigade en brigade, amena la famille en Maine-et-Loire à Vernantes. Retraité, il s’établit avec son épouse à Angers, occupant un certain temps le poste de « surveillant au parc d’artillerie » tandis que son épouse travaillait chez un fleuriste de la rue Plantagenêt, rue où ils demeuraient3. Elle y grandit avec son frère aîné Roger né en 1908 et son frère cadet, Jean, né en 1920. Elle fit ses études en École primaire supérieure4, jusqu’au Brevet élémentaire, puis poursuivit jusqu’au Brevet supérieur5, devenant sténodactylo comme l’atteste l’acte de mariage. Dès 1930, elle commença à travailler à Angers occupant successivement des emplois au Palais des Marchands (1930-1931), à la Recette des contributions (1931-1933), aux Meubles André (1935), aux établissements Diot (1935) puis aux Ardoises et matériaux d’Angers (1935-1938)6.
Gaston et Andrée
5Gaston et Andrée se rencontrèrent donc à Angers sans doute au milieu des années trente. Dans quelles circonstances ? Aucune allusion de leur vivant, aucun indice. Dans l’après-midi du 25 février 1937, ils se marièrent civilement à la mairie d’Angers, commune de résidence de l’épousée, « sans contrat de mariage ». Le 27 février eut lieu la « bénédiction nuptiale » en l’église Sainte-Croix de Croix-de-Vie, berceau de la branche paternelle. Mariés, ils élurent domicile au 21 rue Kléber où ils s’installèrent relativement confortablement, chacun disposant sans doute déjà d’une épargne suffisante pour avoir travaillé depuis 1930. Le 2 novembre 1938 naquit à Angers Michèle. Bonheur d’une famille dans une France pourtant malade de ses insuffisances économiques, de ses crises politiques et de ses inquiétudes diplomatiques. Bonheur éphémère ; toute leur vie allait basculer en quelques mois.
Photographie 1. – Gaston et Andrée Duplat à Angers en mars 1937.

© Duplat, C. Archives familiales.
La guerre à l’Ouest : la drôle de guerre, la mobilisation et la montée au front
11 avril 1939-2 septembre 1939 : Gaston et Andrée Duplat au camp de Coëtquidan
6Par décision du 8 juillet 1939, « Duplat Gaston, sergent-chef au 6e régiment du génie d’Angers, détaché à la Direction du génie du Mans », fut « mis à la disposition du directeur du génie du Mans en résidence au camp de Coëtquidan en renforcement de la Chefferie de Rennes ». Cet avis de mutation venait entériner une situation déjà établie7. En fait Gaston Duplat se trouvait au camp de Coëtquidan depuis le 11 avril, date à laquelle il avait rejoint son poste « par un petit chemin de fer local, qui, parti à onze heures et demie de Rennes, le déposa au camp de Coëtquidan vers les deux heures et demie ». Le camp de Coëtquidan, situé dans le département du Morbihan, à 45 km de Rennes, à 26 km de Ploërmel, dépendait de la commune de Guer.
7Le camp s’étendait sur plus de 5 000 hectares dans des paysages de landes et de bois ; son origine remontait à la Monarchie de Juillet. Par un acte constitutif du 17 juillet 1843, le comte de Rumigny, lieutenant général, délimita un champ de manœuvres « dans la lande de Coëtquidan jusqu’au chemin de Saint-Malo-de-Beignon à Guer8 ». Un camp permanent s’installa à partir de 1878 essentiellement pour l’entraînement des artilleurs. Des expropriations nécessaires à l’extension du camp se succédèrent de 1878 à 1914. Suivit la mise en place des infrastructures : viabilisation des terrains, construction de casernements pour les troupes à demeure et les troupes de passage, services divers : intendance, génie. Le train arriva à Guer en 1913 ce qui permit de relier le camp à Rennes via Plélan-le-Grand.
Carte 1. – Plan du camp de Coëtquidan en 1937.

© Archives du service du génie, camp de Coëtquidan.
Photographie 2. – Photographie aérienne du camp de Coëtquidan.

© Duplat, C. Archives familiales.
8Pendant la Grande Guerre, le camp accueillit des soldats alliés, Anglais et Américains. Ces derniers créèrent une gare de triage en 1917 pour assurer le ravitaillement de leurs soldats.
9Au lendemain de la victoire, le camp poursuivit son développement par la construction de nouveaux bâtiments en dur, en schiste rouge de Pont-Péan. La création ex nihilo donna un urbanisme géométrique : un camp divisé en îlots désignés par des lettres. Aux permanents du camp, militaires et ouvriers civils, venaient s’ajouter, au printemps et à l’été, des régiments entiers venus en manœuvres.
10À la veille de la guerre, les baraquements et les bâtiments en dur pouvaient accueillir plus de 10 000 hommes : près de 600 officiers, près de 1 000 sous-officiers et 8 500 hommes de troupe9.
11Gaston Duplat rejoignit son poste. L’annexe du génie se trouvait à la limite est du camp, face au hameau de Bellevue et à proximité de la petite station ferroviaire. Elle y occupait des bureaux et gérait un parc de matériel. Aussi ancienne que le camp, elle jouait un rôle essentiel dans la vie de celui-ci : enquête pour les expropriations, entretien du réseau routier, du réseau électrique, de l’usine élévatoire des eaux de Montervilly, des adductions d’eau ; elle s’occupait du suivi des constructions nouvelles notamment les programmes lancés en 1937 pour l’édification des bâtiments Somosierra et Ulm destinés aux officiers subalternes10. Les services se chargeaient aussi de la location et de la reprise des cantonnements des troupes de passage. Le 11 avril 1939, Gaston Duplat « se présenta au capitaine du génie qui est un très brave homme au premier abord, à un adjudant-chef très gentil, à un autre moins sympathique ».
L’installation
12Il fallait d’abord se loger et préparer la venue de sa famille, sa femme et leur fille Michèle qui demeuraient toujours à Angers. La situation se présentait mal car il n’y avait « plus de logement pour sous-officier ».
« On m’a proposé un taudis que j’ai refusé et dans les cafés restaurants environnants il n’existe que des chambres garnies et il parait que c’est très cher. » [Il finit par] « trouver une chambre et une petite cuisine dans un petit pays situé à un kilomètre du camp, à Saint-Raoul, un patelin où il existe peut-être dix à quinze maisons et l’église. Ce n’est pas brillant comme aspect extérieur mais cette bicoque a été retapée à neuf ; je l’ai retenue pour un mois, payable par mois à 100 francs. Nous ne pourrons guère y loger que notre cuisine et notre chambre (cuisine au rez-de-chaussée, chambre premier étage). La salle à manger serait déposée au camp dans un local en attendant d’avoir un logement ; il existe l’électricité mais il faut aller chercher l’eau au puits à une trentaine de mètres de la bicoque, il y a une cheminée11. »
13Il ne se décida pas à « prendre le garni » et multiplia les démarches pour obtenir un logement, femme, enfant et déménagement devant le rejoindre le 15 mai.
« Je suis allé hier soir demander un logement. Je l’ai pris à compter du 15 mai, 140 francs par mois en attendant un logement meilleur12. »
14Il espérait en effet obtenir un logement « dans un pavillon en construction sur le camp, très bien comme disposition » et destiné aux sous-officiers. Il se montrait inquiet : « Pour le logement sur le camp, c’est une lutte sans merci ; je suis allé trouver le colonel qui m’a dit qu’il n’y aurait pas de passe-droit13. » Il finit par obtenir un logement et prépara le déménagement qui se tint le 15 mai 1939 comme prévu. Sa famille put le rejoindre et ils s’installèrent sur le camp, « au bout des landes » dans un logement avec jardin14.
Photographie 3. – Gaston Duplat et Michèle au camp de Coëtquidan en août 1939.

© Duplat, C. Archives familiales.
Le travail : les réfugiés espagnols
15À son arrivée le travail ne manquait pas mais il dut se mettre au courant et attendre des directives. Le 19 avril il se plaignait « de ne pas faire grand-chose à part quelques travaux de bureau et quelques tours sur les chantiers15 ». À la fin du mois les choses changèrent : « Nous avons du pain sur la planche, il nous arrive en effet dimanche prochain 1 200 miliciens espagnols16. » En effet, conséquemment à la chute du régime républicain espagnol en janvier 1939, la Retirada entraîna l’arrivée massive en France de réfugiés fuyant la répression franquiste. Ces républicains et leurs familles passaient la frontière pyrénéenne et se réfugiaient, d’abord dans le Sud-Ouest puis se trouvaient orientés vers d’autres territoires17. Les autorités les encadrèrent dans différents camps. Coëtquidan devint l’un d’entre eux. Ces Espagnols arrivèrent en mai 1939 et furent regroupés au Bois du Loup dans un immense camp de toiles ceinturé de barbelés. Dans son édition du début mai, Le Ploërmelais, journal local, informa ses lecteurs :
« Des réfugiés au camp de Coëtquidan » : « Lundi, dans le courant de la journée des réfugiés espagnols par milliers, venant des différentes régions ont été hébergés au camp de Coëtquidan ; de confortables abris ont été préparés à leur intention. Cette arrivée massive s’est effectuée sans incident et dans un ordre parfait18. »
16En guise d’abris, un immense camp de toiles entouré de barbelés au Bois du Loup. Les capacités d’accueil du camp ne suffisaient pas et la mise à l’écart isolait les réfugiés : les services du génie furent chargés de répondre au problème. « Je suis allé pour voir un nouveau cantonnement pour les Espagnols qui seraient placés dans un coin du camp à 7 kilomètres du camp bâti19. » Il sympathisa aussi avec eux. « Aujourd’hui, je suis allé démonter une baraque avec des Espagnols, de braves types ; je leur ai donné des cigarettes et payé deux litres de cidre. Cela m’a fait plaisir. Ils étaient tellement heureux20 » ; geste fraternel pour ces vaincus déracinés qui allaient connaître des conditions de détention et de travail difficiles21.
17Par ailleurs, parmi ces réfugiés, le camp abritait deux Compagnies de travailleurs étrangers (CTE), la 54e et 55e22. En effet, ces milliers de réfugiés, arrivés en France de manière anarchique devinrent un enjeu pour le gouvernement français : accueillir, contrôler, utiliser. Un décret du gouvernement Daladier, du 12 avril 1939, précisa les conditions du droit d’asile :
« Les étrangers sans nationalité et les autres étrangers bénéficiaires du droit d’asile sont soumis à toutes les obligations imposées aux Français par la loi du 11 juillet 1938 sur l’Organisation de la Nation en temps de guerre. Ils peuvent faire l’objet de réquisitions individuelles ou collectives générales ou locales fondées sur la nationalité, l’âge ou sur la profession. »
18Ce texte fut à l’origine le 12 avril 1939 de la création des CTE dont le décret du 27 mai 1939 fixa les cadres statutaires (livret individuel, solde, ration…). Les étrangers enrôlés dans les CTE devenaient des prestataires militaires engagés dans des travaux contribuant à la défense nationale. Chaque CTE regroupait environ 250 hommes encadrés par des officiers et sous-officiers français. En avril 1939 la France comptait déjà 53 CTE, en décembre 180 soit 55 000 hommes23.
19Au camp de Coëtquidan, ces Espagnols contribuèrent à la construction de baraques en dur sur le camp, à des travaux de construction de la RN 24 et à l’entretien de la voirie. Ils repartirent en juin 1940, à la déclaration de guerre.
Photographie 4. – Les bureaux du génie du camp de Coëtquidan dans les années trente.

© Duplat, C. Archives familiales.
La menace de la guerre
20La tension internationale, liée à la guerre d’Espagne et aux visées expansionnistes d’Hitler en Europe orientale et centrale, se traduisait dans le camp par le doute et l’attente. Au service du génie, les travaux ne suivaient pas leur rythme normal : ici, « alors que les marchés sont passés, l’entrepreneur ne les met pas en chantier immédiatement préférant attendre les événements24 ». Là, « il ne faut pas trop compter sur toutes ces permissions, le chef du génie n’accordant en principe que beaucoup moins de jours25 ». Petit à petit, pendant tout le printemps, les troupes d’active à l’entraînement et les réservistes quittèrent le camp au grand dam des commerçants. Les commerçants de Bellevue (cafetiers du café de la Paix ou de Bellevue, épicier, boulanger, boucher et bazar) rejoignirent dans un mouvement de protestation les commerçants de Saint-Malo-de-Beignon qui se plaignaient du départ des troupes. Le Ploërmelais de mars 1939 publia leurs doléances :
« On sait que cette petite localité est située au bord du camp de Coëtquidan. Sa population est composée presque exclusivement de débitants et de restaurateurs dont la clientèle est essentiellement militaire et dont le commerce, et par suite les moyens d’existence sont fonctions absolues de l’occupation estivale de notre grand établissement militaire d’instruction. Cette situation particulière est la même pour l’agglomération de Bellevue, sur l’autre versant et vers l’entrée principale du camp de Coëtquidan. Pour ces deux agglomérations le commerce est essentiellement saisonnier.
L’année précédente a été néfaste pour les habitants de Bel Air et de Bellevue par suite de l’absence des troupes et par conséquent de tout commerce. La seconde phase de mobilisation partielle en cours prive à nouveau les commerçants de cette région de leur commerce avec les militaires et de ce fait de leur moyen d’existence.
C’est cette situation très nettement et fidèlement exposée qu’un des commerçants de Bel Air vient de résumer et une pétition qui circule actuellement parmi les collègues de Saint-Malo-de-Beignon, Bel Air, Beignon, Bellevue, Saint-Raoul et Guer. Ce document recueille de nombreuses signatures et va être adressé à l’autorité supérieure pour solliciter en haut lieu que quelque chose soit fait pour que les agglomérations susvisées puissent par une occupation même relative du camp retrouver, ne serait-ce qu’en partie, leurs moyens d’existence, leurs possibilités d’acquitter les impôts et autres charges courantes qui demeurent constantes, que le camp soit occupé ou non26. »
21La situation ne s’améliora pas. Les nouvelles devenaient de plus en plus pesantes. Gaston Duplat écoutait les informations que diffusait la TSF. Le 27 avril 1939, « demain Hitler causera » ; le 28 avril, « c’est aujourd’hui qu’Hitler a causé. Il nous faut attendre la réaction des peuples donc encore 5 à 6 jours ». Ce discours prononcé au Reichstag constituait un tournant important dans la menace de guerre puisqu’il énonçait des propositions inacceptables pour la Pologne :
« Dantzig rentre comme État libre dans le cadre du Reich allemand ; l’Allemagne obtient, à travers le corridor, une route et une ligne de chemin de fer dont elle puisse disposer librement et qui ait le même caractère extra territorial pour l’Allemagne que le corridor lui-même pour la Pologne27. »
22Le même jour, Hitler envoyait au gouvernement polonais un mémorandum qui déclarait caduc le pacte germano-polonais du 26 janvier 1934 ; il se libérait ainsi de tout engagement.
23Début mai l’espoir revint :
« Pour les événements je crois que cela va se tasser encore pour cette fois d’après les milieux bien informés. Les troupes occuperaient le camp normalement ce qui ne manquerait pas de faire prévoir une détente […] mais ici nous n’avons pas de nouvelles bien fraîches28. »
24Le 11 mai, « plus un réserviste au camp ». Puis les nouvelles se détériorèrent. « Il n’y a rien de bien nouveau si ce n’est que la Russie nous lâche et que, d’autre part, il y a le Japon et l’Espagne qui ne sont pas satisfaits. Pour le moment, il faut encore attendre avant de discerner quelque chose29. » Analyse pertinente : l’URSS préparait la signature du pacte germano-soviétique30, le Japon son rapprochement avec l’Allemagne et l’Espagne sa neutralité. Cependant il espérait encore ou dissimulait son inquiétude : « Je ne crois pas que la tension soit trop grave mais je ne compte pas avoir de permission de sitôt. » En juin s’achevèrent les dernières manœuvres sur le camp.
25En août 1939, il obtint quelques jours de permission mais fut rappelé avant la fin de celle-ci. En arrivant au camp, « plus personne, tous les corps ont rejoint leurs garnisons ». Enfin le jeudi 24 août il écrivit à son épouse :
« Aujourd’hui la situation est critique mais je ne désespère pas. Je crois que samedi ou dimanche nous serons fixés. Je ne sais pas encore où j’irai en cas de mobilisation. Je crois que le premier pas serait à Rennes d’où je serais dirigé sur Angers par la suite mais tout ceci est supposition. En un mot nous ne savons rien. Les communiqués de la TSF ne sont pas plus détaillés que les journaux […]. Si par malheur je devais quitter le camp j’enverrais un télégramme […]. C’est dommage que l’on m’ait rappelé, j’aurais été content d’être parmi vous. Ma petite femme, tu embrasseras bien notre cocotte pour moi. J’espère que maman, papa et toute la famille ne sont pas trop pessimistes et que les larmes ne coulent pas trop. Nous n’y pouvons rien et il serait largement temps si le malheur arrivait31. »
26Le vendredi 1er septembre 1939 Hitler lança l’invasion de la Pologne. Le samedi 2 septembre, la France mobilisa.
2 septembre 1939-juin 1940 : la drôle de guerre en Bretagne
27L’invasion de la Pologne par les troupes allemandes le 1er septembre 1939 entraîna l’ordre de mobilisation générale en France que diffusèrent la radio, la presse écrite ou les affiches. « Le 2 septembre 1939 à zéro heure » la mobilisation devint effective :
« Tout Français soumis aux obligations militaires doit sous peine d’être puni avec toute rigueur des lois obéir aux prescriptions de son fascicule de mobilisation. Sont visés par le présent ordre tous les hommes non présents sous les drapeaux et appartenant aux armées de terre, de mer, de l’air y compris les Inscrits maritimes, les hommes appartenant aux troupes coloniales et les hommes du service auxiliaire32. »
28Les maires reçurent parallèlement un télégramme officiel du ministre de la Guerre :
« Ordre de mobilisation générale est le samedi à 0 heure. Dès la réception du présent télégramme le Maire de la commune ou son représentant fait prévenir les habitants par tous les moyens en son pouvoir. Il invite les hommes placés dans la position de disponibilité et dans les réserves à se tenir prêts à partir mais à ne se mettre en route qu’après avoir pris connaissance des affiches de mobilisation que la gendarmerie doit faire placarder dans la commune. »
29Cette fois il ne s’agissait plus de rappels partiels de réservistes comme en mars 1936 (remilitarisation de la Rhénanie), en mars 1938 (Anschluss), en septembre 1938 (affaire des Sudètes) ou en août 193933. Le même jour, la France et le Royaume-Uni exigèrent par ultimatum le retrait des troupes allemandes de Pologne. En France, le Parlement vota les crédits de guerre. Le 3 septembre, la Grande-Bretagne puis la France déclarèrent la guerre à l’Allemagne. Après la reculade de Munich, les Alliés réagissaient enfin à l’expansionnisme hitlérien mais dans des conditions fort difficiles34. Cette mobilisation générale toucha 29 classes d’âge, la plus ancienne étant celle de 1909. Plus de 4 500 000 hommes, des plus chevronnés aux plus jeunes conscrits de la classe 1939 en cours d’instruction, gagnèrent leurs dépôts pour recevoir leur paquetage et rejoindre leurs unités. Cependant dès décembre 1939 les classes 1909, 1910, 1911 purent revenir à la vie civile. Les agriculteurs des classes 1912, 1913, 1914, 1915 bénéficièrent de la démobilisation et les classes 1916, 1917, 1918 furent affectées à des unités de l’intérieur. La mobilisation se passa globalement sans difficulté majeure malgré certaines insuffisances en équipements individuels et matériels. Peu de désertions puisqu’elles ne touchèrent que 0,099 % des mobilisés35.
La mobilisation de l’armée de terre dans l’Ouest
30En août 1939, le Grand Ouest regroupait quatre régions militaires : La IIIe Région militaire basée à Rouen et couvrant les départements du Calvados, de l’Eure, de la Seine-Inférieure, de la Manche ; la IVe Région militaire basée au Mans et couvrant les départements de l’Eure-et-Loir, de la Mayenne, de l’Orne, de la Sarthe, l’Ille-et-Vilaine, la zone orientale des Côtes-du-Nord ; la IXe Région militaire basée à Tours couvrant les départements des Deux-Sèvres, de la Charente, de l’Indre, de l’Indre-et-Loire, du Maine-et-Loire et de la Vienne, de la Haute-Vienne et de la Dordogne ; la XIe Région militaire basée à Nantes et couvrant les départements du Finistère, de Loire-Inférieure, du Morbihan, de la Vendée et la partie occidentale des Côtes-du-Nord. Les États-majors des différentes régions militaires durent procéder à la mobilisation générale, préparer la montée des unités d’active sur le front du Nord-Est et enfin organiser le système de défense intérieure.
31Chaque région militaire activa ses centres mobilisateurs où arrivèrent les hommes ayant reçu leur ordre de mobilisation. Ces centres se différenciaient selon les armes : centres mobilisateurs de l’artillerie, de l’infanterie, de la cavalerie, de chars de combat, du génie ou du train. Certains centres traitaient de la mobilisation des troupes coloniales. Au total quarante-neuf centres mobilisateurs organisèrent la remise des paquetages36. Les mobilisés rejoignirent ensuite leurs unités.
Les régiments d’active
32Quatre divisions d’active basées dans l’Ouest préparèrent leur départ pour le front du Nord-Est37 : la 5e division d’infanterie motorisée, les 19e, 21e et 23e divisions d’infanterie38. S’y ajoutèrent un régiment de chasseurs d’Alençon de la 1re division de cavalerie, la 5e brigade de chars de combat de Tours, des régiments de la 3e division d’infanterie coloniale en garnison à Poitiers et à la Roche-sur-Yon. Le 6e génie d’Angers non endivisionné devait assurer son rôle auprès des autres régiments. Certaines unités restèrent en réserve générale comme le 43e régiment d’artillerie légère de Caen, le 106e régiment d’artillerie lourde hippomobile du Mans, le 355e régiment d’artillerie lourde portée de Nantes ; quelques détachements prirent position dans les défenses côtières autour des ports du Havre, de Cherbourg, de Brest et de Lorient39.
Les régiments de la réserve et les régiments régionaux
33La mobilisation permit de créer, à côté de ces divisions d’active, des divisions de réservistes qui devaient en quelque sorte doubler et suppléer les effectifs aptes au combat. Ces régiments bénéficiaient en partie d’un encadrement d’active détaché, issu du régiment d’origine. Ainsi le 116e régiment d’infanterie mobilisa dans le Grand Ouest principalement en Bretagne, en pays nantais et en Vendée.
Photographie 5. – Défilé du 116e régiment d’infanterie à Nantes devant le monument aux morts en mars 1940.

© Archives du musée de l’Officier, Coëtquidan, carton 116e RI.
34Par ailleurs, furent mis sur pied des régiments régionaux. Dans chaque région militaire, les hommes des plus vieilles classes appelées formèrent des régiments régionaux de protection (RRP) et des régiments régionaux de travailleurs (RRT). Ces régiments devaient assurer la défense, l’entretien, le service des activités considérées comme stratégiques, les voies de communication par exemple. Pendant la campagne de France plusieurs régiments territoriaux entrèrent dans la composition des grandes unités en retraite.
La montée au front
35Aussi pour faire face à la menace, le ministère de la Défense nationale et de la Guerre mobilisa-t-il toutes ses forces vives. Comme partout en France, pas une ville, pas un village de l’Ouest n’échappa à la mobilisation : Alençon, Angers, Angoulême, Cherbourg, Fontenay-le-Comte, Guingamp, La Roche-sur-Yon, Le Havre, Le Mans, Lorient, Mamers, Nantes, Poitiers, Rennes, Rouen, Tours, Vannes, Vernon. Ces villes de garnison virent partir leurs régiments. Certains hommes allaient donc revivre les malheurs de la guerre qu’ils avaient connus une vingtaine d’années auparavant. Le pacifisme de l’entre-deux-guerres avait échoué face à la montée du totalitarisme et du nationalisme.
36La 19e division d’infanterie commandée successivement par les généraux d’Arbonneau, Toussaint puis Lenclud monta dans la région de Péronne où elle établit ses positions.
37La 21e division d’infanterie dont l’État-major se trouvait à Nantes, composé du 48e RI de Guingamp, du 65e RI de Nantes, du 137e RI de Lorient, du 35e RAD d’Issoire et commandée par le général Pigeaud40, gagna les lignes de défense de l’Est de la France. Placée en réserve du Grand Quartier Général dans la zone de la 4e Armée, elle fit mouvement par voie ferrée vers Sarrebourg, puis passa avec succès à l’offensive le 9 septembre, prenant position en territoire allemand. Elle tint ses positions jusqu’au 1er octobre, date à laquelle elle dut se replier. La division se déplaça en novembre vers Samer et Dunkerque ; en mai 1940, sous le commandement du général Lanquetot, elle fit mouvement vers la Belgique ; repoussée et divisée par l’ennemi, elle combattit encore à Boulogne, Calais et Dunkerque41.
38La 23e division du général Jeannel partit sur le Rhin dans la région d’Haguenau où elle s’installa d’octobre 1939 à février 1940 ; elle glissa le long de la ligne Maginot dans les secteurs de Soultz, Hatten et Soufflenheim. À la suite de l’attaque et du franchissement de la Meuse par les Allemands, elle établit le 17 mai une ligne de défense sur le canal de la Somme en s’appuyant notamment sur les unités du 32e RI et du 126e RI. Le 5 juin les Allemands enfoncèrent la ligne. Entre le 7 et le 21 juin, la division se replia protégée notamment par les soldats du 126e RI.
39La 5e division d’infanterie motorisée demeura d’abord en position d’attente en réserve du Grand Quartier Général puis monta en ligne début 1940 vers la région de Guise dans l’Aisne. Le 10 mai, elle gagna Maubeuge puis organisa une ligne de front sur la Meuse dans la région d’Yvoir et de Houx au sud de Namur. Accrochée dès le 12 mai, frappée durement le 13 par les bombardements aériens, elle ne put résister aux blindés allemands qui effectuèrent leur percée.
40La 5e brigade de chars de combat opéra tout d’abord, comme les autres brigades, une réorganisation. Chaque régiment donna naissance entre août et septembre 1939 aux bataillons de chars de combat (BCC) rattachés à des groupes de bataillons de chars de combat (GBCC) affectés à une Armée. Les bataillons opérationnels gagnèrent le dispositif général de défense et prirent position en attente de l’ennemi comme le 5e BCC à Briey en Lorraine puis au Luxembourg, le 6e BCC et la 32e BCC le long de la Meuse à Monthermé, le 14e BCC en Meurthe-et-Moselle à Raucourt, à la frontière belge. D’autres, comme le 13e BCC, le 14e BCC ou le 35e BCC composés d’actifs et de réservistes bretons et vendéens partirent pour les champs de manœuvre de Champagne pour compléter leur instruction. Le 42e BCC se forma au camp de Meucon, près de Vannes. Engagés dans la bataille, ces bataillons subirent très vite de lourdes pertes tant matérielles qu’humaines. Un matériel fragile (mécanique et liaisons radio), une logistique défaillante (essence), un manque de coordination avec l’infanterie, une désorganisation des unités contribuèrent rapidement aux replis et aux combats d’arrière-garde.
41Ainsi, après leur montée au front, la majorité des régiments de l’Ouest engagés dans la bataille de France durent reculer face à la puissance de la Wehrmacht. Contraints au repli, le plus souvent désorganisés, ils battirent en retraite et livrèrent leurs premiers contingents de prisonniers. Les autres tentèrent de se réorganiser espérant constituer une seconde ligne de défense.
42Sur le littoral breton, les marins gagnèrent les bases navales de Brest et de Lorient.
43À l’arrière, le camp de Coëtquidan, devenu alors un camp d’instruction et de formation pour l’armée polonaise, se préparait, notamment en intégrant en son sein des soldats polonais mobilisés en France ou issus de la débâcle de son armée lors de l’invasion de la Pologne par les Allemands le 1er septembre et des Soviétiques le 17 septembre 1939. Gaston Duplat dut faire face avec tous les services du génie à l’arrivée massive de ces troupes.
Les Polonais au camp de Coëtquidan
L’accord du 9 septembre 1939 et l’arrivée des Polonais au camp
44L’attaque de la Pologne par la Wehrmacht le 1er septembre 1939 entraîna la signature d’un accord franco-polonais de défense le 9 septembre. La France acceptait la constitution sur son territoire d’une division polonaise formée de citoyens polonais résidant en France, par engagement volontaire et appel de classe. Le 15 septembre 1939, l’ambassadeur de Pologne en France lança l’appel par voie d’affiches42.
Texte 1. – Appel de l’ambassadeur de Pologne en France en date du 15 septembre 1939
« Au nom de la République de Pologne et en vertu de l’accord signé entre la Pologne et la France le 9 septembre 1939,
J’ordonne
À tout citoyen polonais de sexe masculin résidant ou de passage en France n’ayant pas jusqu’à ce jour contracté d’engagement dans l’armée française, âgé de 17 à 45 ans (jusqu’à 50 ans pour un officier de réserve de l’armée polonaise) de se présenter le 29 septembre à la mairie de la localité qu’il habite en vue d’un recensement.
Les citoyens soumis au recensement sont avertis que, dans un délai très bref après le recensement, ils seront convoqués par voie d’affiches devant les commissions de révision chargées de déterminer leur aptitude physique au service militaire dans l’armée polonaise en France. »
L’ambassadeur de Pologne en France.
45Le 29 septembre 123 000 Polonais de 17 à 45 ans se firent recenser43. 93 000 hommes furent déclarés aptes : 43 000 gardèrent leur emploi considéré comme stratégique notamment dans les mines et la sidérurgie ; 50 000 prirent le chemin de la mobilisation qui démarra le 17 novembre. 7 000 d’entre eux gagnèrent le camp de Coëtquidan et constituèrent le premier contingent de soldats polonais du camp.
46Le 28 septembre, la Pologne s’écroulait et subissait son quatrième partage. Le président de la République Moscicki demanda le droit d’asile en Roumanie. Sitôt arrivé, les autorités roumaines, sous la pression allemande, l’internèrent. Privé de légitimité, il dut désigner un successeur qui prendrait la tête d’un gouvernement en exil en France. La diplomatie française, sensible à ses intérêts, soutint le francophile Raczkiewicz, ancien président du Sénat. Désigné le 30 septembre 1939, ce dernier prêta serment à Paris et nomma le général Sikorski chef du gouvernement. Après accord de Daladier, Sikorski et son gouvernement arrivèrent à Paris à l’hôtel Regina puis partirent le 22 novembre pour Angers où ils s’installèrent dans un hôtel particulier du boulevard Foch. Le président polonais prit ses quartiers au château de Pignerolles à Saint-Barthélemy-d’Anjou le 2 décembre44. Il fallait poursuivre la lutte. Sikorski, devenu chef des armées, se chargea de la constitution d’une armée polonaise en France.
47Pour alimenter les unités, le gouvernement polonais recruta parmi les soldats rescapés de la campagne de Pologne mais désarmés et internés dans des camps dans leur pays d’exode : Roumanie, Hongrie, Lettonie, Lituanie. Cela représentait un potentiel de 80 000 hommes. Aidés par la France sur le plan diplomatique et logistique et par la complicité de certains états, 32 000 soldats gagnèrent la France par les filières roumaines (port de Constanza), yougoslave (port de Split), grecque (port du Pirée) et italienne. Cette deuxième vague allait renforcer le flux de recrues du camp de Coëtquidan. À partir de décembre 1939 cette filière se tarit sous les pressions allemandes.
L’accord du 4 janvier 1940 : Coëtquidan, un camp d’instruction et de formation
48Le général Denain prit la tête d’une mission militaire franco-polonaise pour assurer la liaison et la coordination entre les deux gouvernements et hauts commandements. Elle déboucha sur la signature de l’accord du 4 janvier 1940 par le président du Conseil Daladier et Sikorski, chef du gouvernement polonais. Les clauses de cet accord placèrent l’armée polonaise comme armée alliée sous commandement français mais avec encadrement polonais, donnèrent aux Polonais toute compétence pour le recrutement ; l’instruction des recrues et la constitution des unités se feraient dans des camps mis à la disposition des Polonais par le gouvernement français. Ce dernier avancerait aussi les fonds pour la mise en place et l’entretien des troupes. Cinq sites furent choisis : à l’étranger, Beyrouth pour la brigade polonaise du Levant ; en France, Lyon-Bron et Montpellier pour l’aviation, les camps de Veluché (Deux-Sèvres) et de Coëtquidan (Morbihan) pour les autres armes.
Photographie 6. – Prestation de serment de chasseurs polonais au camp de Coëtquidan le 10 avril 1940.

© Archives du musée de l’Officier, Coëtquidan, carton Polonais.
49Le général de division Faury prit la Direction de l’instruction des troupes polonaises et veilla à la mise en place des unités. Il fallut d’abord assurer l’hébergement d’une masse d’hommes de plus en plus nombreux et qui représentait au camp de Coëtquidan près de la moitié des soldats engagés. Ces arrivées massives posaient d’énormes problèmes d’intendance, de formation et d’équipements. Le service du génie et donc Gaston Duplat furent mobilisés pour faire face aux défis logistiques que posait l’afflux de ces milliers de soldats polonais. Ce n’était pas non plus sans perturber la vie des familles habitant sur le camp qui se plaignaient de cette promiscuité45.
Tableau 1. – Les effectifs polonais au camp de Coëtquidan entre janvier et juin 1940.
Dates | Effectif total | Effectif Coëtquidan | Effectif Coëtquidan % |
16 février 1940 | 39 422 | 17 890 | 45 |
28 février 1940 | 43 795 | 18 916 | 43 |
11 mars 1940 | 49 471 | 22 029 | 44 |
Juin 1940 | 80 326 | 42 194 | 52 |
50À l’État-major de l’armée, au Cabinet en charge de l’utilisation des étrangers pour la défense nationale, le général Ménard s’en inquiétait le 22 février 1940 dans un document confidentiel :
« Il est indispensable que le camp de Coëtquidan soit dégagé à la date prévue par la brigade mixte de façon qu’il puisse être utilisé à plein pour l’achèvement de la constitution de la 1re division polonaise. La préparation de cette division ne doit subir aucun retard46. »
51Si certaines unités arrivaient quasiment opérationnelles à l’image de la 10e brigade de cavalerie blindée parvenue complète et bien équipée en octobre 1939, ou se tenaient prêtes comme la 1re division d’infanterie et la 1re brigade d’infanterie de montagne (1re brigade des chasseurs de « Podhale »), d’autres manquèrent cruellement de temps et de moyens. Ainsi, faute d’habillement, d’équipements et de matériel d’artillerie, la 3e division d’infanterie (8 320 hommes) se transforma en division d’infanterie légère47.
Tableau 2. – L’armée polonaise et la bataille de France.
Unité | Camp d’instruction et de formation | Commandement | Hommes | Opérationnelle | Combats | Pertes |
1re division infanterie | Coëtquidan | Général Bronislaw-Duch | 16 165 | Prête en mai 1940 | Fin avril 1940 Ligne Maginot Canal de la Marne au Rhin | 45 % de ses hommes |
2e division infanterie | Veluché (Airvault) | Général Prugarketlin | En formation | Mai 1940 Belfort | ||
3e division infanterie | Coëtquidan | Général Dreszer | 8 320 | En formation | Juin 1940 sur la Loire | |
4e division d’infanterie | Veluché | Colonel Zieleniewski | 11 807 | En formation | Juin 1940 sur la Loire | |
1re brigade des chasseurs de Podhale | Coëtquidan | Colonel Bohusz-Szysko | 4 612 | Prête en mai 1940 | Campagne de Norvège : Narvik Juin 1940 sur le Couesnon | 300 morts |
1re brigade de montagne des Carpathes | Forces mobiles du Levant | Général Kopanski | 3 270 | Prête en mai 1940 | Syrie (mandat français) ; Palestine (mandat anglais) | |
10e brigade de cavalerie blindée | Centre d’instruction région parisienne Coëtquidan | Général Maczek | 5 305 | Quasi prête en mai 1940 | Juin 1940 sur la Marne (Épernay) | 1 200 morts, disparus et blessés |
Aviation | Lyon Montpellier | 7 990 |
Vie politique et civils
52En Bretagne la guerre provoqua sur le plan politique la destitution institutionnelle de deux partis. Par les mesures prises les 26 septembre 1939 et 20 janvier 1940, Daladier prononça la dissolution du parti communiste français et donc la déchéance de ses élus, implantés notamment dans le Finistère et les Côtes-du-Nord. Le gouvernement français sanctionnait l’invasion de la Pologne par les Soviétiques et les liens entre le PCF (Parti communiste français) et le PCUS (Parti communiste d’Union Soviétique). Par ailleurs, le 20 octobre 1939, le président du conseil dissolvait le Parti national breton dont l’aile minoritaire, menée par Olivier Mordrelle et François Debeauvais favorables à l’indépendance, entretenait des contacts avec les services de l’Abwehr.
53La population civile dut s’adapter au temps nouveau : éclatement des familles, réquisitions et restrictions, rationnement (viande et charbon), recensement pour les cartes d’alimentation (avril 1940), exercices de Défense passive (décembre 1939 à Lorient et Vannes ; février 1940 à Rennes). Les premiers réfugiés, réfugiés d’office ou réfugiés volontaires, arrivèrent avant le déclenchement du conflit sur le territoire national le 10 mai 1940. Dès septembre-octobre 1939, des malades, vieillards et enfants des orphelinats de Sedan, Charleville et Mézières arrivèrent en Vendée. Il existait des plans d’évacuation prévoyant les points de rassemblement, les itinéraires, les étapes, les moyens de transport, l’achat de matériel : on envisageait la dispersion des populations des grandes villes bretonnes comme Brest, Rennes, Nantes, Saint-Nazaire et l’accueil des populations du nord et de la région parisienne. Plus au sud, la Vendée s’apprêtait à accueillir les habitants du département des Ardennes. L’accueil se faisait par le biais des parentés ou des amitiés ou alors l’administration sollicitait des logeurs : résidences secondaires, colonies de vacances ou hôpitaux pour les vieillards, les malades.
Prisonnier de guerre : Kriegsgefangener, matricule 2677
La débâcle
54Jusqu’au 10 mai 1940, les combats se limitèrent en France à quelques opérations aux frontières de l’Allemagne (région de Sarre). L’essentiel des combats se déroula en Norvège, pays dont la neutralité avait été violée par l’Allemagne le 9 avril 1940. Hitler craignait en effet l’occupation de ce pays par les Alliés, pensait pouvoir faire des côtes norvégiennes une base à partir desquelles ses U-Boote pourraient opérer dans l’Atlantique Nord et surtout voulait protéger l’exportation, à partir de la Norvège, du minerai de fer suédois destiné à l’industrie de guerre allemande ; inversement les Alliés voulaient le contrecarrer ; il fallait, disait Paul Reynaud, président du conseil depuis le 22 mars 1940, successeur de Daladier, « couper la route du fer48 ». Un corps expéditionnaire de 15 000 hommes, dont une brigade polonaise formée au camp de Coëtquidan partit de Brest le 24 avril 1940. La marine assura aussi l’embarquement des stocks d’or de la Banque de France, de celle de la Belgique et de la Pologne vers l’Afrique du Nord et le Royaume-Uni.
55L’attaque allemande du 10 mai 1940 sur les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, la percée de Sedan le 14 mai consacrèrent l’efficacité de la stratégie allemande : jouant sur l’effet de surprise (contournement de la ligne Maginot), de la rapidité et de la mécanique aérienne et terrestre (la Blitzkrieg), l’armée allemande remporta rapidement des succès décisifs. En quelques jours, les Alliés cédèrent : évacuation de la poche de Dunkerque (24 mai-4 juin), capitulation de l’armée belge (28 mai), ligne de défense de la Somme percée (8 juin), troupes allemandes à Paris (14 juin). Les régiments de l’Ouest subirent les terribles conséquences de la suprématie allemande : éclatement des divisions et de leurs régiments sous la poussée de l’ennemi, pertes d’hommes : ainsi moururent au sein du 116e régiment d’infanterie Francis Victor Paul Lamisse, tué par balle à l’âge de 26 ans, Luc Célestin Gabriel Marie Bled à l’âge de 27 ans des suites de ses blessures49. Des unités, désorganisées, privées de munitions, encerclées tombèrent aux mains de l’ennemi et nourrirent les premiers contingents de prisonniers. Réfugiés et isolés à Dunkerque des soldats de la 2e division d’infanterie perdirent leur liberté lors de la prise de la poche ; des soldats de la 5e division militaire motorisée connurent le même sort après le franchissement de la Meuse par les Allemands. D’autres battirent en retraite à marche forcée comme certains de la 23e division d’infanterie.
Photographie 7. – Les premiers morts du 116e régiment d’infanterie le 6 janvier 1940.

© Archives du musée de l’Officier, Coëtquidan, carton 116e RI.
56Cette retraite poussa vers l’ouest, dans un vaste mouvement d’exode, des centaines de milliers de soldats en déroute et de civils, femmes et enfants surtout. Les Côtes-du-Nord accueillirent 112 000 réfugiés officiels, le Finistère 160 000, l’Ille-et-Vilaine 141 000, le Morbihan 144 135, la Loire-Inférieure 194 04850, la Vendée 85 000, soit au total près de 836 000 individus dont une majorité de la région parisienne. Ils arrivaient par leurs propres moyens ou par convois ferroviaires. Cet afflux massif et subit n’engendra pas de déséquilibres majeurs sur le plan de l’approvisionnement ou de l’emploi mais posa plus de problèmes en matière de santé et de logement.
L’effondrement à l’Ouest
L’échec du réduit breton
57Le gouvernement de Paul Reynaud, nommé président du conseil le 22 mars 1940 après la démission de Daladier le 20 mars 1940, songea à faire de la Bretagne une base de résistance qu’appuieraient le Royaume-Uni et l’Afrique du Nord. Weygand, commandant en chef des armées, manifesta son désaccord. Reynaud dépêcha néanmoins, le 12 juin 1940 à Rennes, le sous-secrétaire d’État à la guerre, le général de Gaulle pour organiser la résistance. On dressa des plans : fortifier les rives du Couesnon et de la Vilaine, ériger des casemates entre Rennes et Vitré, mobiliser les hommes de la Xe armée d’Altmayer, de la 1re division légère Béthouart, les réservistes de Rennes et de Nantes, les soldats polonais en cours d’instruction à Coëtquidan et appeler les Britanniques à la rescousse. Une deuxième conférence se tint le 15 juin 1940 mais le temps comptait et manquait. De Gaulle prit alors la décision d’embarquer le même jour sur le contre-torpilleur Milan et de rallier le Royaume-Uni. En butte aux oppositions de Pétain et de Weygand au sein de son gouvernement et de plus en plus isolé, Reynaud démissionna le 16 juin 1940. Il fut aussitôt remplacé par Pétain.
58Ce 16 juin 1940 les Anglais embarquaient à Brest ; le 17 encore à Brest mais aussi à Lorient et Saint-Nazaire, non sans subir de terribles pertes à l’issue du naufrage du Lancastria bombardé dans l’estuaire de la Loire par la Luftwaffe (3 000 morts noyés ou englués dans le mazout). Le même jour, à Rennes la Luftwaffe bombarda un train de munitions stationné à côté d’un train de réfugiés (1 600 à 2 000 victimes) ; toujours le 17 juin, les élèves de l’école navale de Brest quittèrent le port à bord du cuirassé Richelieu et le 19 juin le cuirassé Jean Bart s’échappa de Saint-Nazaire. Le 18, le Conseil des ministres décida que toute ville de plus de 20 000 habitants serait considérée comme ville ouverte et que toute résistance devait cesser. Le même jour la famille de de Gaulle embarqua sur l’un des derniers navires à pouvoir quitter le port de Brest en direction des côtes anglaises.
59Le 17 juin 1940 les Allemands avaient joint Fougères. Le 18 juin ils atteignirent Rennes, Ploërmel et Pontivy ; le 19 juin, Josselin, Brest et Nantes ; le 21 juin, Vannes et Lorient après un combat de retardement à Guidel ; le 22 juin, Saint-Nazaire et La Roche-sur-Yon ; le 23 juin, Les Sables-d’Olonne et Fontenay-le-Comte soit le lendemain de l’armistice signé en forêt de Compiègne (Rethondes) entre les représentants du régime de Vichy et les représentants du Reich51.
L’évacuation du camp de Coëtquidan par les Polonais
60Coupé de la mission militaire franco-polonaise partie de Paris pour Mont-de-Marsan, le général Faury prit le commandement des troupes polonaises. Dès le 16 juin, il ordonna le départ des premiers éléments polonais. Le 17 juin, il décida l’évacuation du camp et organisa le repli vers la Loire-Inférieure : les troupes pourraient embarquer à Nantes, Saint-Nazaire, au Croisic, à la Turballe ou franchir la Loire et échapper à l’avance allemande. Un verrou défensif devait retarder ceux-ci à Redon. En trois jours les Polonais atteignirent Nantes, entre-temps tombée à l’ennemi, et Saint-Nazaire déclarée ville ouverte. Le général Faury décida de la dissolution des unités polonaises et de leur éclatement en petits groupes avec pour consigne de gagner le sud. Certains embarquèrent sur des navires britanniques à Saint-Nazaire, d’autres sur des navires de pêche au Croisic, à la Turballe, d’autres enfin empruntèrent le bac de Saint-Brévin qui resta ouvert jusqu’au 21 juin. Le général Faury, quant à lui, quitta la Turballe le 20 juin au matin sur un bateau de pêche.
61Les Polonais qui échappèrent à l’ennemi passèrent en Angleterre ou essayèrent de régulariser leur situation en se faisant démobiliser au Centre de démobilisation de Toulouse créé en juillet 1940. 27 000 fuirent par les ports de Brest, de Saint-Nazaire, de La Pallice, du Verdon et de Saint-Jean-de-Luz ou par l’Espagne ; 6 000 obtinrent leur démobilisation en zone occupée, 13 000 en zone libre. Au total l’armée polonaise perdit au combat entre 8 000 et 9 000 hommes soit 16 % de ses effectifs ; par ailleurs 33 000 d’entre eux furent faits prisonniers.
Gaston Duplat, « Kriegsgefangener » : matricule 2677
62Entre septembre 1939 et juin 1940 Gaston Duplat resta au camp de Coëtquidan, constatant comme ses compatriotes l’effondrement du pays. Beaucoup d’incertitudes, d’inquiétudes et d’interrogations. Quelles conséquences directes sur sa fonction ? Quel avenir ? Surtout quel avenir pour sa famille au moment même où en ce mois de mai 1940 elle venait de concevoir un deuxième enfant ? Une partie de ses questions trouvèrent réponse dans les directives ministérielles adressées à ses supérieurs hiérarchiques.
63Avec la menace de guerre, le ministère de la Défense nationale et de la Guerre, via sa Direction du génie, deuxième section, organisa la mobilisation et « l’utilisation rationnelle des sous-officiers du service du génie et des maîtres ouvriers d’État du génie ». Deux dépêches adressées aux généraux commandants de région, l’une en date du 1er février 1940, l’autre en date du 7 février 1940, précisaient la nécessité d’utiliser le plus efficacement possible ce personnel :
« De même il est précisé qu’aucune demande de changement d’arme concernant les sous-officiers ne peut être accueillie favorablement. Entrés dans un cadre à la suite de concours, pour des besoins déterminés qui ne cessent de s’accroître, ayant été instruits spécialement pour satisfaire à ces besoins, ils doivent servir obligatoirement dans le dit cadre52. »
64Il ne fallait surtout pas que « la réaffectation de ces sous-officiers dans leur emploi du temps de paix » ait « pour effet de créer des situations aboutissant à un gaspillage de personnel53 ».
65Gaston Duplat, qui venait de passer adjudant à compter du 1er janvier 194054, resta au camp et ne monta pas au front dans une unité combattante. Le commandement avait-il jugé son utilité plus pertinente en le laissant affecté au camp de Coëtquidan ?
66Ce fut là qu’il fut fait prisonnier le 23 juin 1940.
Photographie 8. – Carte de PG de Gaston Duplat.

© Service historique de la Défense, AC 22 P 3537.
67Il se rendit sans combattre comme des milliers d’autres soldats qui, en ces jours de débâcle, de défaite et d’abandon, n’opposèrent aucune résistance. L’armistice venait d’être signé la veille. Les directives ministérielles trouvaient, au niveau régional de l’administration civile et militaire, les relais souhaités.
68Dans un télégramme du 17 juin 1940, 13 heures 11, arrêté à Nantes, le général commandant la XIe région donnait au préfet ses instructions :
« Officiel no 3 095 AGQG télégraphie ce qui suit :
No 11 683 4 F/TT Donner ordre rigoureux à tous organes militaires régionaux concourant ravitaillement et police, en particulier gendarmerie, gestion subsistances, commandant de groupe de subdivision et commandant d’armes de rester à leur poste et d’assurer leur mission même s’ils doivent tomber dans les mains de l’ennemi.
En aucun cas ces organes ne peuvent être repliés sans ordre émanant Commandant l’armée intéressée.
Faites tous exemple nécessaire vis-à-vis autorités ne se conformant pas à ces ordres55. »
69Le 19 juin, Jean-Louis Morvan écrivit dans son journal :
« Guingamp, 9 juin, l’aspirant Amiot rassemble sa compagnie et désolé (il pleure) nous dit que les Allemands ont occupé Guingamp, que nous devons nous rendre à la caserne. Le colonel Quinton a donné ordre de ne pas s’évader sous peine de mort. Le lendemain, nous nous rendons (deux mille hommes) en rang à la caserne : officiers en tête. Une sentinelle allemande occupe l’entrée56. »
70Le 27 octobre, le chef de l’annexe du service du génie du camp de Coëtquidan relevait :
« Le militaire sus désigné [Duplat Gaston] est resté en poste lors de l’avance de l’ennemi les 18 et 19 juin 1940 malgré les fâcheux exemples de désorganisation d’unités. […] Il a contribué ainsi avec ses camarades à donner aux Allemands le spectacle d’une unité française demeurée groupée autour de son chef, pour s’acquitter de la tâche qui lui avait été confiée […] pour obéir aux instructions ministérielles qui invitaient les services à rester sur place57. »
71Face aux circonstances, dans ce désarroi ambiant, pas de sentiment de résistance non plus. Refusait-il le risque ? Craignait-il pour les siens ? Se sentait-il politiquement prêt à la lutte ? Il ne décida pas non plus d’abandonner son poste : voulait-il rester digne jusque dans la défaite en honorant son engagement ? Fit-il comme des milliers de soldats le choix de l’attentisme ou pensait-il comme eux que cette guerre perdue trouvait alors son épilogue ? Sans doute tout cela à la fois.
L’organisation de l’occupation : les Frontstalags de l’Ouest de la France
72L’avance rapide des troupes allemandes, l’appel à la reddition entraînèrent la capture de milliers de soldats, soldats de métier ou soldats mobilisés qui se plièrent aux ordres. D’autres, ayant rejoint leur foyer en juin 1940, se présentèrent aux autorités sans penser que leur démarche se retournerait contre eux :
« Des soldats, retournés dans leur foyer en juin 1940, venaient sagement se faire démobiliser au camp de prisonniers du Frontstalag 137 [il s’agit en fait du Frontstalag 133] ; ils avaient cru à l’appel des autorités et ne s’étaient pas inquiétés d’une étonnante consigne de venir en brodequins, avec une couverture et deux jours de vivres dans une musette. Les pauvres bougres se tenaient à la file devant la porte du camp. Une longue corde de champ de foire les maintenait au milieu de la rue que surveillait une sentinelle allemande58. »
73Les estimations du nombre effectif de prisonniers restent délicates : 27 000 dans les Côtes-du-Nord, 30 000 dans le Finistère, autant en Ille-et-Vilaine, 35 000 dans le Morbihan, 15 000 en Loire-Inférieure. Un certain nombre de mobilisés échappèrent à la captivité : à peu près 50 % dans les Côtes-du-Nord59.
Prisonniers et Frontstalags de l’Ouest de la France
74L’armée allemande ouvrait des camps au fur et à mesure de sa progression, Dulags et Frontstalags.
Les Dulags : les Durchgangslager ou camps de passage
75Les Dulags ou Durchgangslager servaient de camp de transit ou s’effectuaient les formalités avant de passer vers un camp permanent. Le camp de Coëtquidan connut ce statut puis devint le Frontstalag 135 rattaché à Quimper. En mai 1941 les délégués de la Croix-Rouge vinrent faire une visite d’inspection60.
Photographie 9. – Baraques et prisonniers dans le Fronstalag 135, Quimper-Coëtquidan le 27 mai 1941.

© Archives audiovisuelles, CICR V-P-HIST-033436-33A.
Photographie 10. – Visite du délégué du Comité international de la Croix-Rouge le 28 mai 1941 au Frontstalag 135, Quimper-Coëtquidan.

© Archives audiovisuelles du CICR, VP-HIST-0439-02.
76Gaston Duplat y fut enregistré alors par les autorités allemandes avec le matricule 2677, dépendant du Stalag 183, dépendant du Bezirkschef B, Bezirk X. Sur la Kartei ou carte de prisonnier, au recto, il déclina son état-civil, sa fonction « d’employé militaire », son affectation, son grade et l’adresse de son épouse, « Bâtiment S/12 Camp de Coëtquidan ». Le verso permettait de noter le suivi du prisonnier61.
Les Frontstalags : les Frontstammlager ou camps d’internement
77L’occupant mailla le territoire de la zone occupée d’un réseau dense de Frontstalags qu’il ouvrait puis réduisait ou fusionnait en fonction des opérations militaires, de la rationalisation du système et de l’évacuation des prisonniers vers l’Allemagne ou l’Autriche. Ainsi le Frontstalag d’Airvault dans les Deux-Sèvres intégra les prisonniers du Stalag de Parthenay après la fermeture de celui-ci. Le Frontstalag de Rennes (no 133) regroupa le 7 avril 1942 celui de Quimper (no 135), de Savenay (no 232), de Laval (no 132) et de Saumur (no 181)62. Celui de Savenay avait antérieurement englobé celui de Luçon (no 232) fermé en grande partie en août 1941. Les adresses de camps mentionnées sur les listes officielles montraient une contraction de leur nombre en France : 62 camps en mai 1941 et 25 en juin 1941. À l’inverse le nombre de Stalags et d’Oflags en Allemagne augmentait sensiblement63.
78Dans l’Ouest, les premiers apparurent au mois de juillet 1940, les derniers vers décembre. Les Allemands utilisèrent au gré des opportunités les casernes (caserne La Bourdonnais à Vannes, quartier Beaumanoir à Dinan, caserne Proteau à Cherbourg, caserne Bellevue à Saint-Lô), les camps (camp de Coëtquidan), les terrains de sport (hippodrome de Savenay) et anciens haras (Hennebont), les écoles. Ils fermèrent majoritairement en 1940 et 1941 et pour les derniers en 1942 (Saumur, Savenay) et 1943 (Rennes). S’ils servirent de lieu de détention pour tous au début du conflit, ils devinrent, après le départ massif des métropolitains, le lieu de détention des soldats d’outre-mer devenus main-d’œuvre dans des Kommandos dépendants du camp. Les Allemands ne souhaitaient pas déporter en Allemagne des populations considérées à leurs yeux comme dangereuses tant sur le plan social que médical. Par la suite, un certain nombre de ces « soldats de couleur » obtinrent leur libération.
Tableau 3. – Les principaux Fronstalags de l’Ouest de la France.
Région | Département | Frontstalags | |||
Nom | Numéro | Ouverture | Fermeture | ||
Val de Loire | Indre-et-Loire | Tours Amboise | 180 180** | Juillet 1940* Octobre 1940 | Octobre 1940 Mars 1941 |
Sarthe | Le Mans | 203 | Août 1940 | Août 1941 | |
Mayenne | Mayenne Laval | 132 132 | Juillet 1940 Avril 1941 | Avril 1941 Mai 1942 | |
Maine-et-Loire | Angers Saumur | 181 181 | Juillet 1940 Décembre 1940 | Décembre 1940 Juin 1942 | |
Normandie | Calvados | Caen | 130 | Octobre 1940 | Décembre 1940 |
Manche | Saint-Lô Cherbourg | 131 200 B | Juin 1940 Décembre 1940 | Avril 1941 Avril 1941 | |
Orne | Alençon | 201 | Juillet 1940 | Août 1940 | |
Bretagne | Côtes-du-Nord | Saint-Brieuc Dinan Saint-Brieuc | 126 126 134 | Septembre 1940 Septembre 1940 Octobre 1940 | Février 1941 Février 1941 Mars 1941 |
Ille-et-Vilaine | Rennes Rennes | 127 133 | Septembre 1940 Octobre 1940 | Février 1941 Décembre 1943 | |
Morbihan | Vannes Hennebont | 183 183 B | Juillet 1940 ? | Mai 1941 Décembre 1940 | |
Finistère | Quimper | 135 | Décembre 1940 | Mars 1942 | |
Loire-Inférieure | Châteaubriant Savenay | 183 A 182 | Octobre1940 Juillet 1940 | Décembre 1940 Avril 1941 | |
Poitou | Vendée | La Roche-sur-Yon Luçon | 232 232 | Août 1940 Octobre 1940 | Octobre 1940 Août 1941 |
Deux-Sèvres | Parthenay Airvault | 231 231 | Août 1940 Octobre 1940 | Octobre 1940 Mars 1941 | |
Vienne | Poitiers Dangé | 230 205 | Août 1940 | Octobre 1940 |
* La recherche n’établit pas avec certitude les périodes d’ouverture et de fermeture pour certains Fronstalags.
** Certains Frontstalags portent le même numéro suite à ces fermetures et regroupements.
Carte 2. – Les principaux Frontstalags de l’Ouest de la France.

© Duplat, C.
Les Frontstalags et l’organisation militaire et administrative
79Les Frontstalags se trouvaient intégrés à une organisation militaire et administrative allemande parfaitement structurée. Celle-ci développa avec le régime de Vichy des liens où la question des prisonniers devint rapidement essentielle.
L’organisation allemande
80Au début de la guerre, les autorités allemandes divisèrent le territoire occupé en cinq districts militaires et administratifs : les Militärverwaltungsbezirke. À la tête de chaque district, un Bezirkchef. Dans chaque district un commandement prit en charge la mise en place et la gestion des Frontstalags. Les Frontstalags de Normandie relevèrent du Befehlshaber A situé à Saint-Germain-en-Laye. Quant à ceux du Val de Loire, de Bretagne et du Poitou, ils dépendirent du Befehlshaber B localisé à Angers, ville qui occupait une place importante dans l’organisation administrative et militaire allemande d’occupation64.
Tableau 4. – Les départements de l’Ouest de la France dans l’organisation militaire et administrative allemande.
HITLER | ||||
OKW : OBERKOMMANDO DER WEHRMACHT = Haut commandement allemand de la Wehrmacht OKH : HEER (armée de terre) OKL : LUFTWAFFE (armée de l’air) OKK : KRIEGSMARINE (marine de guerre) | ||||
MBF : MILITÄRBEFEHLSHABER IN FRANKREICH = Commandement militaire des forces d’occupation Deux sections | ||||
KOMMANDOSTAB = Etat-major militaire | VERWALTUNGSSTAB puis MILITÄRVERWALTUNG = État-major administratif | |||
• Armée • Police • Renseignement • Propagande • Répression • Cimetières allemands • Camps | • Économie • Douanes • Finances • Transport • Main-d’œuvre • Statistiques | |||
Cinq MILITARVERWALTUNGSBEZIRKE = Cinq districts militaires administratifs = Cinq OBERFELDKOMMANDANTUR, chacune dirigée par un BEZIRKSCHEF, responsable des camps d’internement | ||||
Befehlshaber A St-Germain-en-Laye • Orne • Manche • Calvados • Autres | BefehlShaber B Angers • Sarthe • Mayenne • Ille-et-Vilaine • Côtes-du-Nord • Morbihan • Loire-Inférieure • Finistère • Vendée • Deux-Sèvres • Partie de la Vienne • Partie de l’Indre-et-Loire* | Befehlshaber BOR Bordeaux | Befehlshaber C Dijon | Befehlshaber GROSS PARIS Paris |
Dans chaque département : une FELDKOMMANDANTUR Dans chaque arrondissement : une KREISKOMMANDANTUR Dans chaque ville de garnison : une ORTSKOMMANDANTUR |
* Le département de l’Indre-et-Loire se trouvait à cheval sur la ligne de démarcation.
L’organisation française
81Dès septembre 1939, le ministère de la Défense nationale et de la Guerre mit sur pied une Direction des services des Prisonniers de Guerre chargée des questions relatives aux captifs français comme allemands65. Après la défaite, l’armistice et le transfert du gouvernement à Vichy dans la zone libre, cette Direction gagna Vichy mais se dota d’une Sous-Direction à Paris (zone occupée) sous la tutelle de la Délégation générale du gouvernement français dans les Territoires Occupés. Elle ne s’occupait plus alors que des prisonniers de guerre français. Ces deux services répondaient à trois priorités essentielles.
82Le recensement des prisonniers devint la tâche la plus urgente : un bureau travailla à Vichy puis à Lyon en zone libre, mais le travail le plus important fut accompli par le bureau de Paris en zone occupée. Le Centre national d’information des PG créé le 6 juillet 1940 aux Archives Nationales, 60 rue des Francs Bourgeois (3e arrondissement), travailla à partir des informations des administrations, de la Croix-Rouge, des aumôneries militaires et des listes fournies par les Allemands. Elle établit près d’un million de fiches entre juillet et octobre 1940. Ces fiches permettaient de dresser et de publier périodiquement des listes alphabétiques des PG. Ainsi la « Liste officielle no 17 des prisonniers français d’après les renseignements fournis par l’Autorité militaire allemande », en date du 17 septembre 1940, mentionnait Guilbaud Robert66, né le 13 mai 1919 à Saint-Christophe-du-Ligneron (Vendée) 2e classe, 116e RI ; la liste officielle no 36 en date du 30 octobre 1940 citait Duplat Gaston né le 21 mai 1910 à Champagné-les-Marais (Vendée), adjudant-chef, Frontstalag 18367. Ces deux listes comprises, 20 listes furent donc publiées en 44 jours attestant ainsi du travail de recensement. Entre les deux listes des noms nouveaux bien sûr, mais aussi des disparitions : soldats relâchés ? Soldats morts ? Soldats identifiés par les familles dont il n’était plus nécessaire de publier le nom ? Sur la liste 36, comportant 63 pages, à raison de 80 noms en moyenne par page, le total montait environ à 5 040.
Photographie 11. – Liste officielle des prisonniers de guerre français no 36.

© ADLA 64 W 93.
83Chaque liste présentait un avis significatif de l’évolution de la situation et stipulait les directives à suivre pour les prisonniers et leurs familles.
84Avis liste 17, 17 septembre 1940 :
« L’autorité militaire Allemande fera tous ses efforts pour que les familles françaises soient renseignées rapidement sur le sort des prisonniers.
Aussitôt que le service postal fonctionnera, les communications écrites entre les prisonniers et leurs familles existeront conformément aux dispositions des conventions de Genève.
L’envoi de courrier ou de colis avant la date qui sera fixée est absolument inopportun et ne fait que surcharger inutilement les services postaux. »
85Avis liste 36, 30 octobre 1940 :
« L’autorité militaire Allemande fera tous ses efforts pour que les familles françaises soient renseignées rapidement sur le sort des prisonniers.
L’envoi de colis et de courrier est autorisé.
L’adresse de chaque prisonnier (numéro de camp, Frontstalag) est indiquée dans la liste à la suite de l’unité. Voir page 64 les localités correspondant aux numéros des camps (Frontstalag).
Les visites aux prisonniers sont interdites68. »
86La deuxième priorité consista à venir en aide aux PG et à leurs familles. Un deuxième service organisait le soutien tant à partir de la zone libre (Direction des services des PG et Secours national) qu’à partir de la zone occupée (Sous-direction des services des PG, Comité central d’assistance). Ces services assistaient les familles par l’envoi de colis collectifs ou individuels, par la transmission de pièces officielles, par une aide technique et juridique (impôts, allocations, salaires, soldes…), demandes de congés de captivité ou de libération, enfin par une aide morale. Le Secours national, créé en août 1914 pour aider les populations civiles touchées par la guerre avait été reconstitué par décret du 19 octobre 1939 et placé sous l’autorité du maréchal Pétain par une loi du 4 octobre 1940. Il coordonnait et dirigeait l’action des œuvres privées en faveur des prisonniers et des réfugiés69.
87La troisième priorité consista à préparer le retour des libérés et rapatriés. Le Commissariat général aux PG rapatriés et aux familles de PG créé le 14 octobre 1941, devait répondre à ce besoin. Dans chaque département, le régime de Vichy installa une Maison du prisonnier, lieu central d’accueil pour tous les rapatriés ; on y regroupait tous les services administratifs et organisations privées nécessaires à toutes les démarches de réintégration (première ouverture le 15 décembre 1941 à Paris). Les Centres d’entraide laissaient aux rapatriés eux-mêmes la liberté de fédérer des initiatives de solidarité à l’égard de leurs camarades toujours captifs. À la veille de l’invasion de la zone libre, le 11 novembre 1942, il existait 2 230 Centres d’entraide et d’accueil (CEA) au nord de la ligne de démarcation, 437 au sud.
L’articulation entre l’administration allemande et l’administration française
88Outre la mise en place des services des PG à Paris en liaison avec la délégation du gouvernement français en territoires occupés, Vichy et les Allemands développèrent dès le 16 octobre 1940 le Service diplomatique des PG ou « mission Scapini » du nom du chef du service nommé par Pétain avec rang d’ambassadeur. Le protocole franco-allemand du 16 novembre 1940 faisait de la France « la Puissance protectrice de ses prisonniers de guerre ». Ce service installé à Paris, mais relevant directement de Pétain, entrait en contact avec les autorités allemandes, en l’occurrence l’ambassadeur Abbetz qui transmettait au « Militärbefehlshaber in Frankreich » les questions relatives aux PG des Frontstalags ou à l’OKW pour les PG déjà déportés en Allemagne. Il devait faire respecter les articles de la convention de Genève, procéder à l’organisation de visites de camps et de Kommandos et chercher à améliorer la condition des PG. En décembre 1940, une Délégation à l’Inspection des camps s’installa à Berlin ; elle disposa dans chaque Wehrkreis (circonscriptions militaires dont dépendaient les camps) d’un délégué permanent qualifié d’officier-conseil chargé des mêmes responsabilités70.
Tableau 5. – Organisation des services français des prisonniers de guerre.

PG au camp de Coëtquidan : 23 juin 1940-8 mai 1941
Le camp de Coëtquidan sous contrôle allemand
89La prise de contrôle du camp de Coëtquidan fut suivie par sa transformation en Frontstalag, le 135 rattaché au camp principal de Quimper. Dès juin 1940, les Allemands ceinturèrent le camp comme le notait Jean-Louis Morvan dans ses cahiers de captivité : « Les Français sont employés à poser eux-mêmes les barbelés71. » Le contrôle du camp et l’occupation de tout le département par les troupes allemandes désorganisèrent l’ensemble des administrations civiles et militaires. Cela affecta bien évidemment les services du génie dont dépendait Gaston Duplat.
La désorganisation des services du génie dans le Morbihan
90L’avancée rapide de la Wehrmacht, la débandade des troupes et la reddition de celles-ci provoquèrent une désorganisation totale des services. Ces services perdirent une partie de leurs cadres comme le regrettait auprès du préfet en décembre 1940 le chef de bataillon Martin, chef de l’annexe du génie de Vannes, en évoquant « le regroupement en cours des prisonniers hommes de troupe dans leurs camps ou casernes72 ». Cette désorganisation venait aussi de la rupture de la chaîne de commandement. Les services du génie se trouvèrent alors complètement déstructurés et confrontés à « l’absence de toute voie hiérarchique normale ». Ce même chef de bataillon Martin s’adressa directement au général de La Laurencie, Délégué général du gouvernement français à Paris pour exprimer son désarroi face à l’avenir :
« L’annexe du génie de Vannes est tombée entre les mains de l’ennemi en juin dernier. Maintenue par lui en fonction et s’étant rattachée au préfet, seul représentant officiel du gouvernement, elle assure actuellement la passation et l’exécution de tous les marchés de travaux et de fournitures demandées par les autorités allemandes à la préfecture acceptées par cette dernière et concernant les établissements militaires. Entre temps, ayant conservé son personnel et ses archives, elle a pu procéder à la liquidation des travaux antérieurs à l’armistice.
Cette organisation fonctionne normalement depuis l’armistice à la satisfaction tant de la préfecture que des autorités occupantes. Elle présente toutefois une grande incertitude que deux alertes viennent de souligner résultant de la précarité de la situation des prisonniers de guerre du personnel de l’annexe. Il serait très souhaitable que la situation actuelle puisse être normalisée par une libération des personnels susvisés et sa transformation sur place en personnel immobilier73. »
La restructuration des services du génie et le statut des ouvriers
91En fait les militaires du génie demeurèrent prisonniers et le service du génie se transforma « en Service des bâtiments militaires » tout en restant « placé sur le territoire de la Direction du service des bâtiments du Mans ». Rennes demeura l’échelon intermédiaire74. Ce service devait reprendre « en main l’entretien des bâtiments militaires » et « être disposé à exécuter les travaux demandés par les troupes d’occupation dans ces bâtiments75 ». M. Leclère Édouard, Ingénieur en chef de 2e classe du Service des bâtiments fut « désigné pour remplir les fonctions de Directeur ordonnateur secondaire des Établissements des services immobiliers (ex direction et chefferie du génie) ». Il disposa de « l’autorité sur tout le personnel civil et militaire qui se trouverait en service dans ces établissements76 ».
92Au camp de Coëtquidan, le nouveau service s’appuya sur une trentaine d’ouvriers déjà en place avant la guerre. Ils conservèrent leur poste mais sous le régime de la réquisition. Certains virent même leur statut changer.
Tableau 6. – Liste des ouvriers de l’État travaillant pour le compte des frais d’entretien de l’armée allemande d’occupation et soumis au régime de la loi du 21 mars 1928.
Noms et prénoms | Service ancien | Ancienne affectation | Emploi actuel (juillet 1942) |
Bénard François | Ouvriers du génie | Usine élévatoire des eaux du camp | Électricien |
Le Garrec Mathurin | Égoutier | ||
Duval Eugène | Plombier | ||
Mottais Alfred | Fontainier | ||
Jaillet Armand | Électricien | ||
Crolais Joseph | Électricien | ||
Leclanche Marie Ange | Épurateur | ||
Bonnerue Pierre | Électricien | ||
Danion François | Scieur | ||
Guillotel Armand | Maçon | ||
Félin Robert | Subsistances | Chaudronnier | |
Piffard François | Forgeron | ||
Nogret Anatole | Électricien | ||
Lenoir Yves | Matériels (ex Parc d’artillerie) | Électricien | |
Le Mestre Jean | Artificier | ||
Saupin Georges | Ajusteur | ||
Parlier Lucien | Ajusteur | ||
Lefeuvre Pierre | Chauffeur | ||
Méhat Pierre | Charron | ||
Danion Émile | Manœuvre | ||
Garel André | Manœuvre | ||
Gicquel Albert | Manœuvre | ||
Danion Émile | Manœuvre | ||
Pollet Isidore | Campement | Menuisier | |
Harel Eugène | Menuisier | ||
Leborgne Isidore | Matelassier | ||
Labbé Jean | Matelassier | ||
Morin Joseph | Matelassier | ||
Launay Henri | Matelassier | ||
Danard Joseph | Matelassier | ||
Morin Henry | Manutentionnaire interprète | ||
Pongelard Émile | Matelassier | ||
Dayot Mathurin | Manutentionnaire | ||
Lacroix Paul | Manutentionnaire |
93Les ouvriers du génie relevant antérieurement du Secrétariat à la guerre, devenus « ouvriers ex-permanent de la chefferie des Bâtiments de Rennes (annexe du camp) », perdirent leur régime ancien notamment en matière de cotisations et de retraite77. Employés directement par les autorités allemandes qui les rétribuaient, ils furent soumis « à la réglementation allemande en matière de retenues » et payés par les services d’intendance du camp via la Reichskreditkasse et le bureau de liaison français78.
Tableau 7. – Barème horaire applicable à partir du 1er décembre 1941, direction de la Feldkommandantur de Vannes en date du 1er novembre 1941.
Professions | Salaire antérieur au 1er décembre 1941 | Salaire horaire net à compter du 1er décembre 1941 |
Électricien | 6,05 | 8,4 |
Égoutier | 6,4 | 7,7 |
Plombier | 6,9 | 8,1 |
Fontainier | 6,8 | 7,7 |
Épurateur | 6,4 | 7,7 |
Scieur | 6,8 | 7,7 |
Maçon | 6,8 | 7,7 |
94Ollivier Paul, employé par la mairie de Guer au « bureau du service des réquisitions du camp » recevait de « l’intendance allemande du camp des sommes assez élevées (entre 50 000 et 60 000 francs par mois), soit pour être reversées au service régional des assurances sociales, soit pour être remises aux ouvriers payés directement par les autorités allemandes et non présents le jour de la paie ». Cette caisse posait d’ailleurs problème79. Le maire de Guer saisit le préfet le 26 septembre 1942 pour « faire ouvrir un compte courant postal au nom de cet employé, seul moyen sûr contre les dangers d’incendie et de vol, l’employé sus visé ne disposant pas de coffre-fort et étant responsable de l’argent qui lui est confié80 ». Ce nouveau régime ne satisfaisait pas les ouvriers. Néanmoins les ouvriers logés dans le camp purent conserver leur logement.
Tableau 8. – Les ouvriers français logés au camp en juillet 1941.
Ouvrier | Bâtiment | Loyer |
Bonnerue | C3 | 80 F |
Jaillet | ||
Mottais | C2 | |
Crolais | ||
Benard | Montervilly | Gratuit |
95Les autres se trouvaient domiciliés à Clétan en Guer (Le Garrec), à Saint-Raoul en Guer (Guillotel), au Plessis en Beignon (Leclanche), à Saint-Malo-de-Beignon (Duval).
96Des négociations durent s’engager puisque ces ouvriers bénéficièrent à nouveau à partir de 1942 de leur ancien statut. Les ouvriers Bénard, Le Garrec, Duval, Mottais, Jaillet, Crolais et Leclanche furent « soumis à nouveau à leur régime ancien à compter du 1er avril 1942 en exécution de la lettre no 7569/RAM du 18 avril 1942 de la Préfecture du Morbihan » ; pour les ouvriers Guillotel, Danion et Bonnerue, il fallut attendre un peu. Le 4 septembre 1942, l’ingénieur en chef Guérin du service des Bâtiments de Rennes expliquait au maire de Guer que « rien ne parait devoir s’opposer à ce que les ouvriers Guillotel, Danion et Bonnerue soient réadmis dans leur ancien régime et soumettent leur salaire à la retenue de 6 %81 ». Le 10 octobre 1942, ils « réintégrèrent leur ancien régime de pension avec effet au premier octobre 194282 ». Cela signifiait qu’ils perçurent alors leur salaire « par les soins de la Préfecture du Morbihan » sur « le compte français au titre des frais d’entretien de l’Armée d’occupation83 ». Les autres ouvriers dépendaient, exception faite de quelques hommes du service du Matériel, du « compte français ».
97Le maire de Guer devait veiller à la régularité des horaires déclarés, des charges de famille, des accidents du travail ; il établissait chaque quinzaine « des états de paiement du personnel ouvrier du camp » avant transmission à la préfecture qui procédait scrupuleusement à l’examen des déclarations. Le 5 octobre 1943, le préfet répondit au maire :
« En vous accusant réception de vos états de salaire de septembre concernant le personnel ex-permanent du camp de Coëtquidan, j’ai l’honneur de vous signaler que la vérification de ces états a donné lieu à des observations. […] Les rectifications ont été effectuées par mon service de comptabilité84. »
98Les ouvriers participaient à différentes tâches dans le camp sur réquisition des Allemands : « Travaux pour le logement ou le cantonnement des troupes d’occupation » ; « construction de routes et consolidation des places de rassemblement dans différents blocks du camp » ; « installation de fosses à ordures et de fosses d’aisance » ; travaux plus spécialisés comme l’établissement de « ligne de force » ou travaux hydrauliques imposés, comme en septembre 1943, par « la sécheresse85 ».
99Les autorités allemandes veillaient à l’efficacité de cette main-d’œuvre réquisitionnée ; le chef du service des réquisitions allemandes, Fessig, se plaignit au préfet le 12 février 1943 de certains dysfonctionnements :
« À la demande du camp de Coëtquidan, je vous prie de faire le nécessaire pour que les ouvriers de Coëtquidan soient payés par le maire de Guer au plus tard le 8 et 22 de chaque mois. Il apparaît inadmissible que les ouvriers payés au mois soient obligés de se rendre ces jours-là à Guer pour recevoir leurs salaires. Je vous prie donc également de faire le nécessaire pour que ces ouvriers soient aussi payés à Coëtquidan à partir de 16 heures. Il n’est pas possible d’opérer comme par le passé, le procédé entraînant la perte d’un grand nombre d’heures de travail86. »
100Les autorités allemandes procédèrent aussi à des mises à l’écart.
« M. Lacroix, ex ouvrier du service de l’intendance a été licencié sur ordre de l’Intendant allemand qui alléguait que l’intéressé ne travaillait pas assez régulièrement87. »
101Le règlement des travaux donnait lieu régulièrement à un échange de correspondance vigoureux entre les services de la préfecture et les services allemands. Il fallait en effet déterminer ce qui pouvait relever de l’entretien normal des équipements, donc imputable à l’État français, de ce qui relevait de la présence des troupes allemandes donc imputable au Reich mais payable au titre des frais d’entretien de l’armée d’occupation88.
Gaston Duplat : quel statut ?
Une situation ambiguë
102Gaston Duplat connut lui aussi pendant quelques mois une situation ambiguë. Cette situation fut exposée par écrit au directeur des personnels civils et de la Chancellerie du Secrétariat à la guerre dans une lettre adressée le 6 septembre 1940 par l’adjudant-chef du Service du génie Lelarge, chef de détachement au camp de Coëtquidan :
« J’ai l’honneur de vous exposer respectueusement la situation dans laquelle nous nous trouvons, mes collègues et moi-même.
Nous sommes quatre sous-officiers du Service du génie au camp de Coëtquidan, Morbihan : les adjudants chefs Lelarge et Masselot, les adjudants Maudire et Duplat qui, par ordre no 3095 AGQG en date du 17 juin 1940, n’avons pas quitté notre poste lors de l’arrivée des troupes allemandes. Étant le plus ancien, j’ai été désigné chef de détachement et par ordre des autorités allemandes, nous continuons toujours les travaux en cours d’exécution dans les limites des crédits alloués. Monsieur le Directeur Général de l’Intendance a désigné l’Intendant du camp de Coëtquidan pour les mandatements. Nous avons tous les quatre conservé le port de notre uniforme et un laisser-passer individuel de la Kommandantur du camp nous autorise à circuler librement dans le camp.
En exécution des prescriptions contenues dans la loi publiée au journal officiel du 26 août 1940, concernant la création de corps civils en remplacement d’un certain nombre de corps militaires, j’ai l’honneur de solliciter de votre haute bienveillance la régularisation de notre situation89. »
103Ainsi, prisonnier de guerre, il conservait son uniforme, disposait d’un laissez-passer pour circuler dans le camp et travaillait « sur ordre des Allemands ». Le service du génie fonctionnait donc mais sous la tutelle des autorités allemandes. Cependant, quelques mois plus tard, l’existence même du service semblait se poser. En effet, en janvier 1941, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du département écrivait au préfet qu’il « semblerait, pour Coëtquidan, d’après certaines informations, que les services du génie ne soient plus représentés dans cet établissement militaire90 ». « Il semblerait » écrivait-il. Rien de sûr. Toujours est-il que Gaston Duplat ne passa pas du statut militaire au statut civil ; il continua à appartenir au service du génie.
104Pendant cette période de captivité au camp, il conserva avec sa famille, à titre gratuit, son logement dans le pavillon S6 comme ses compagnons sous-officiers logés : l’adjudant-chef Masselot du service du génie (pavillon S1), l’adjudant du génie Maudire (pavillon S5), le maréchal des logis Landur (pavillon C3), tous prisonniers de guerre. Il côtoyait les ouvriers du génie (Bonnerue, Rolland, Jaillet), les militaires et employés de l’intendance (Le Goff, Betoux), du service de santé (le médecin-capitaine Monfort ou madame Robert, l’infirmière) ou certains militaires en congé d’armistice (adjudant-chef Bannière) ou en congé de convalescence (adjudant Tao).
Photographie 12. – Logement de la famille Duplat au camp de Coëtquidan en 1940.

© ADM, 18 W 186.
Témoin
Le camp de transit
105Gaston Duplat dut assister aux arrivées et aux départs de convois de prisonniers dans ce camp de transit comme le convoi de Jean-Louis Morvan, arrivé le 24 juin 1940 en provenance de Loudéac. C’est dans « des wagons à bestiaux que nous arrivons à Coëtquidan91 ». Que découvrait-il ?
« Coëtquidan : Nouveau camp. Partout de belles baraques. Le camp est très bien, les baraques sont nouvelles et propres. Peu après notre arrivée, certains découvrent le magasin et défoncent la porte. Bientôt c’est la ruée près de la porte ; un tas de savon de Marseille s’écroule. Et le monde patauge dans le savon. Partout des tas de souliers, des effets neufs : chemises, capotes, manteaux. Je m’habille de neuf et remplis ma valise de lainages et le monde prend ce qu’il peut transporter. Il n’y a que l’embarras du choix. »
106Un camp où tout semblait prêt pour la guerre mais où l’anarchie régnait et où chacun semblait se raccrocher à quelque bien mais la situation changea et l’organisation se mit en place.
« Les arrivées de prisonniers se font nombreuses. Nous devons aller au vieux camp : sale, incommode, garage de chars. Les Français sont employés à poser eux-mêmes les barbelés. Un lieutenant français s’occupe du ravitaillement et tous les jours ramène pain, chocolat. Puis à la Villa des Roses, petite baraque de huit, ancienne cordonnerie. Des chants, des fêtes sont organisées. Le 14 juillet : courses et attractions. On prévoit aussi des fêtes pour Sainte-Anne. Tous les matins nous assistons à la messe. M. Beaurepaire, économe de Saint-Charles à Saint-Brieuc est avec moi.
18 juillet : Je suis de corvée avec une centaine d’autres ; allons à la gare. Nous devons décharger un train de munitions avec des charrettes et allons les vider au parc d’artillerie du camp. Un ingénieur français nous dit que les obus ont été contrôlés et qu’ils sont aussi inoffensifs que des briques. Arrivés au parc il est deux heures de l’après-midi, aussi la faim creusant l’estomac, chacun se presse. À deux dans chaque wagon, nous jetons les obus comme des pierres : dans ma charrette, ce sont des obus de 75. Un à un ils disparaissent et vont grandir le tas à côté. Soudain un éclatement terrible. Mes oreilles bourdonnent, je suis entouré de fumée. Je saute, me sauve. Tout est calme. Un de mes obus 75 a éclaté. Les rayons de roue de la charrette sont brisés, le cheval à un éclat dans les reins, le sang gicle. Les éclats sont passés sous moi. Un camarade a eu le ventre égratigné, mais c’est insignifiant. Sur un espace de cinquante mètres carrés nous étions cent hommes.
26 juillet : Sainte-Anne ; chants bretons ; grandiose messe en plein air. Le Gall de Brest organise des fêtes. Y vois Marcel Doll et Félix Tanguy.
30 juillet : Rassemblement général ; trait de fourberie teutonne. Il s’agit de classer les prisonniers suivant leur profession pour les rapatrier. […] Nous devons rejoindre Rennes afin d’être libérés.
31 juillet : De bonne heure le matin on nous embarque dans des camions de la Reichsbahn à cent dans chaque camion avec remorque. Il y a une vingtaine de camions. Traversée du Morbihan, chaleur torride ! Rennes. Allons-nous nous y arrêter pour être libérés ? […] Fougères, Laval, Le Mans, court arrêt en pleine brousse pour les besoins. Les mitrailleuses sont braquées […]. Evreux : beaucoup de ruines, traversons la Seine […] des tombes de soldats français. De chaque côté de la route, des trous d’obus, carcasses de voitures brûlées, d’avions abattus (la plupart français) Beauvais […] beaucoup de ruines ; la cathédrale est intacte. »
107Le périple s’acheva « à la caserne Jeanne d’Arc des spahis » de Compiègne, « parqués dans le manège à bestiaux » le 1er août 1940. Le 8 août, Jean-Louis Morvan quitta le Frontstalag de Compiègne pour le Stalag de Limbourg, le XII A92.
Les libérations
108Il connut sans doute la libération de quelques-uns à la suite des demandes posées par les politiques, les administrations publiques, les mairies, les entreprises ou les particuliers. Élus, chefs de services, maires, patrons, épouses plaidaient le caractère indispensable du retour du prisonnier de guerre sur son lieu de travail. « Nécessaire ou indispensable au bon fonctionnement de service » ou « nécessaire ou indispensable à la poursuite de l’activité économique » constituaient le plus souvent les arguments avancés. Les autorités françaises, soumises à de nombreuses pressions, répondaient aux sollicitations en rappelant le cadre légal. Le 15 juillet 1940, le conseiller général Hervé du Halgouët reçut le courrier suivant :
« Mon cher Conseiller Général
Entre beaucoup d’autres choses, je me suis occupé et m’occupe encore de la situation des militaires français détenus dans les camps par les autorités allemandes et, s’il ne tenait qu’à moi, je les libérerais tous bien volontiers, c’est dire que je n’entends limiter mon effort au bénéfice de ceux-là seuls qui sont internés dans le département. Mais il m’a fallu sérier les questions d’autant plus qu’il y avait d’un côté le droit strict et d’autre part un geste bienveillant que paraît disposée à faire l’autorité locale allemande, en faveur de certaines situations.
En vertu du droit, on rend ou on est en train de rendre la liberté à tous les hommes qui, pour avoir été démobilisés régulièrement ou n’avoir jamais servi, ont été indûment détenus dans les camps.
Ceci fait, j’ai obtenu que soient examinées des listes de gens indispensables à la vie administrative ou économique du département. Je fais contrôler ces listes et je compte être en mesure de les remettre sous peu à l’autorité militaire allemande qui ne s’est pas engagée à faire plus que d’examiner. J’espère néanmoins, obtenir quelques satisfactions dans ce domaine.
Si j’ai limité ma demande de renseignements aux maires aux seuls prisonniers résidant dans le département, c’est que seul s’est engagé à cet examen le commandement allemand qui dirige les camps de prisonniers du Morbihan.
Si j’obtiens satisfaction sur ce plan, j’envisagerais d’étendre cette mesure aux Morbihannais détenus comme prisonniers en dehors du département ; j’ai déjà réglé la procédure que je compte mettre en pratique le moment venu […]
Des demandes individuelles devront avoir l’approbation non seulement du maire mais des chambres professionnelles qualifiées et de la Direction des services agricoles.
Vous voudrez bien admettre que je suis fondé à demander ces libérations que le jour où l’autorité locale allemande m’aura autorisé à faire ce geste avec quelques chances de succès. Vouloir aller trop vite en la matière risquerait de tout compromettre.
Veuillez agréer, Mon Cher Conseiller Général, l’expression de mes meilleurs sentiments93. »
109Les services de la préfecture répondaient donc en priorité aux demandes de libération de prisonniers morbihannais détenus dans le département puis aux demandes de prisonniers détenus à l’extérieur du département. Ils traitaient aussi de cas de prisonniers détenus dans le Morbihan mais originaires d’autres départements. Le 10 août 1940 le préfet s’adressait à la Kommandantur de Vannes pour demander la « possibilité de faire envoyer en congé à Auchel (Pas-de-Calais) le médecin-lieutenant Lucasse Augustin, prisonnier de l’hôpital complémentaire du camp de Coëtquidan. Cet officier est réclamé par le Comité central des Houillères et par la Compagnie des mines de Marles (Pas-de-Calais) comme indispensable à la reprise de cette dernière exploitation dont il assurait le service médical94 ».
Rupture : de Coëtquidan à Vannes (8 mai 1941-18 mai 1941)
Les Frontstalags du Morbihan : le 183 de Vannes et le 183 B d’Hennebont
Les prisonniers du Fronstalag 183, Vannes
110Gaston Duplat quitta le camp de Coëtquidan le 8 mai 1941 à 13 heures et arriva à Vannes à 17 heures 30 pour être emprisonné à la « caserne La Bourdonnais », vieille caserne établie en 1898 pour y accueillir le 116e RI. Il logea dans une chambre en compagnie d’un autre adjudant. Cette caserne, située sur la route de Pontivy, faisait fonction de Frontstalag (Frontstalag 183) pour de nombreux prisonniers de l’Ouest de la France et de lieu de concentration avant leur départ pour l’Allemagne ou l’Autriche. Il arrivait régulièrement de nouveaux captifs comme le 13 du mois des « gars de la Chapelle ».
111L’analyse de la liste des prisonniers du Frontstalag de Vannes montrait que la majorité venait de l’Ouest de la France mais pas seulement ; certains soldats capturés sur le front pendant la campagne de France se retrouvaient à Vannes95. De nombreuses unités défaites ou rendues à l’ennemi alimentaient le camp. Ce fut le destin de ce soldat qui donnait ainsi des nouvelles à sa famille le 26 juillet 1940 :
« Pour ma part, campagne des Flandres, retraite Dunkerque, l’Angleterre, retour à Brest, dirigé sur Caen puis sur Vannes où nous étions en voie de réorganisation […]. Désarmés par l’armistice, nous avons été ramassés par les Allemands et internés dans une caserne de Vannes où je suis parti pour je ne sais quelle durée ; santé bonne ; régime acceptable malgré les restrictions, les verboten et les interdictions ; j’espère que cette villégiature forcée ne durera pas longtemps ; Quartier Labourdonnaye, Chambre 90, Vannes, Morbihan96. »
112Toutes les armes se trouvaient représentées : ouvriers et commis de l’administration militaire, corps de santé ou troupes combattantes. Se mêlaient soldats de deuxième classe et sous-officiers (adjudants, sergents et caporaux) ; les officiers relevant d’un autre camp.
Tableau 9. – Lieux de capture des prisonniers (régions établies par le Conseil national, mai-août 1941).
Région | Département | Commune de capture |
Bretagne | Finistère | Brest, Quimper, Pont-Croix |
Morbihan | Vannes, Meucon, Locminé | |
Ille-et-Vilaine | Redon, Rennes, Saint-Méen-le-Grand | |
Loire-Inférieure | Châteaubriant, Gétigné, Nantes | |
Normandie | Orne | Écouché, Juvigny |
Seine-Maritime | Rouvray | |
Val-de-Loire | Sarthe | Le Mans, Sablé-sur-Sarthe |
Maine-et-Loire | Angers, Maulévrier | |
Loir-et-Cher | Chaumont-sur-Loire | |
Indre-et-Loire | Amboise, Ligueil | |
Vendée-Charente-Poitou | Vendée | Challans, Fontenay-le-Comte, La-Roche-sur-Yon |
Deux-Sèvres | Beaulieu, Châtillon-sur-Sèvre | |
Vienne | Châtellerault, Lencloître, Poitiers | |
Champagne-Lorraine | Meurthe-et-Moselle Vosges | Blénod-lès-Toul, Rambervilliers, Bains-les-Bains |
Tableau 10. – Origine régimentaire des prisonniers.
Arme | Appartenance |
Artillerie | 11e RAD, 14e RA, 34e RA, 35e RA |
Infanterie | 64e RI, 91e RI, 131e RI, 265e RI, 323e RI |
Cavalerie | 4e hussard, 18e chasseurs à cheval, 50e RCC |
Train | 2e train, 44e train, 111e train auto |
Génie | 3e génie, 6e génie |
Tirailleurs | 19e RT |
Santé | 11e R sanitaire, |
Divers | 8e R télégraphiste |
Dépôts | 2e dépôt maritime, 508e dépôt de chars, dépôt de cavalerie, 42e dépôt d’infanterie, 111e dépôt d’infanterie |
COMA* | 2e, 4e, 17e, 22e |
* COMA : Commis et ouvriers de l’armée de terre
Les prisonniers du Frontstalag 183 B, Hennebont
113À Hennebont les Allemands ouvrirent dès juillet 1940 le Frontstalag 183 B où ils emprisonnèrent 5 000 hommes aux haras et 500 dans les locaux de l’école Saint-Hervé. Le haras se transforma en enclos quand hautes palissades en planches et barbelés relièrent entre elles les écuries. Kommandantur et corps de garde occupaient l’entrée du haras, le tout surveillé par des sentinelles armées. Selon le directeur du dépôt, M. de Molliens, les prisonniers se trouvaient regroupés dans la partie haute du site et logeaient dans « les premières écuries et sous des tentes dans toutes les parties déclives de la prairie sur le rond blanc et dans le verger97 ». Les Allemands autorisèrent d’abord les visites sous réserve d’une obtention d’un permis de la Kommandantur locale mais pour très vite les interdire. Les familles stationnaient en silence devant les grilles du camp sans pouvoir approcher à moins de 25 mètres. Fin juillet, 1 250 cultivateurs domiciliés dans le Morbihan et prisonniers dans le département bénéficièrent d’une libération de quatre mois mais dès le début août les premiers convois partirent pour la Somme, l’Aisne et l’Allemagne98. En un an le Frontstalag se vida de ses prisonniers.
Le départ de Vannes
114Dès le 10 mai, Gaston Duplat sut son « départ imminent ». Le 11, il écrivit à sa femme : « Il est à peu près sûr que nous quittions Vannes, mais pour quelle destination ? » Déjà inquiet il donne ses premières recommandations :
« Tu sais que tu as droit à 1 kg 200 de viande. Demande à M. Guillotel qu’il la réclame à l’intendance99. Surtout occupe-toi du jardin […], approvisionne-toi le plus possible pour l’hiver ; ne compte pas sur l’argent ; j’espère que tu trouves auprès des ouvriers un appui matériel. […] Songe également au savon, demande de la graisse et de la résine […]. Fais-toi aider, peu importe l’argent dépensé, il n’a plus de valeur100. »
115Le même jour, il assista à la messe et à la fête de Jeanne d’Arc ; il passa « une scopie » le 12. Le 14 l’inquiétude se précisa : « Nous pensons que notre détention ne fait que commencer […]. Nous voyons des hommes de 40 à 45 ans qui ne sont pas sortis du quartier depuis un an. » Il reçut une paye de 236 francs le 15 mai. Le 16 mai, « la destination reste inconnue ». Certains de ses compagnons, dont le sous-officier Tibaud, tentèrent en vain une évasion et en « reçurent des coups ».
116Le 18 mai débuta le contrôle des plaques d’identité. Les prisonniers, rassemblés à 15 heures avec leur « paquet », subirent une fouille qui dura jusqu’à 17 heures 30 :
« Ce matin nous avons eu un appel et le contrôle de plaque d’identité […]. À l’issue de cette fouille viendra probablement le départ pour Salzbourg, Autriche. Peut-être n’est-ce pas pour cette destination, tu pourras peut-être t’en rendre compte par la période qui s’écoulera sans que je puise de donner de nouvelles […]. Notre séparation ne fait que […] commencer, dix jours déjà qui m’ont semblé bien longs. Il nous en reste peut-être encore beaucoup à passer ainsi101. »
117Andrée et Gaston Duplat ignoraient qu’ils ne se reverraient que le 3 juin 1945. Il laissait son épouse, sa fille Michèle âgée de deux ans et demi et son fils Jacques à peine âgé de cinq mois ! À 19 heures 30, ce 18 mai 1941, le convoi s’ébranla pour Salzbourg. Il devait faire chaud. En juin1941 le maire écrivait « qu’après une longue période de sécheresse, le vent soulevait la poussière de nos rues dont l’entretien devenait déjà impossible102 ».
118Dans la petite ville de 25 000 habitants que dirigeait le maire Edmond Germain, mis en place en mars 1941, dans ce département plutôt conservateur en 1936 puis majoritairement pétainiste en 1940103, sans être politiquement collaborationniste, on n’ignorait pas le sort des captifs des Frontstalags. En revanche, la presse locale restait quasiment muette sur leur sort et sur leur départ vers les camps allemands. La censure et le contrôle de la presse par les autorités muselaient l’information.
119Le 18 mai, Le Nouvelliste du Morbihan no 120, 55e année, titrait à la Une :
« Soulèvement anti-anglais au Yémen
Les pertes de sa marine marchande : danger mortel pour l’Angleterre
Attaque d’un convoi britannique en Méditerranée
Un croiseur lourd est fortement touché. »
120À la page de Vannes, quelques rubriques :
« L’État civil
Un suicide
Avis important concernant les hôtels, maisons meublées, restaurants, cafés, débits de boissons, salons de thé
La journée du dimanche 18 mai : service pharmaceutique, transport foires, dates du certificat d’études
Surveillons nos enfants104. »
121Pour la journée du 19 mai, le lendemain du départ du convoi, à la page de Vannes, on pouvait lire les articles suivants : aucune allusion au départ des prisonniers. Seule une petite rubrique appelant à une collecte de livres pour les prisonniers.
« L’examen des bourses
Quand on n’a ni jardin, ni clapier
Que d’œufs, que d’œufs
Ravitaillement en charbon pendant le mois de mai
Chute de vélo
L’ivrogne du jour
Des livres pour les prisonniers
Une fillette renversée par un civil
Aux Hôteliers restaurateurs et débitants
Pour la journée des mères du Dimanche 25 mai. »
122La presse jouait ici son rôle au service de Vichy et de l’occupant. Il s’agissait de ne pas relayer auprès des populations des opérations impopulaires qui pouvaient parfois se dérouler dans un climat tendu.
123Ainsi à deux reprises, lors du départ des prisonniers du Frontstalag 181 de Saumur (École de cavalerie), les 7 et 17 janvier 1941, les autorités prirent des mesures préventives pour éviter les incidents. Le 7 janvier, le sous-préfet de Saumur rendait compte au préfet « du transfert d’un premier contingent de prisonniers de guerre français » :
« Pour éviter toute manifestation, j’avais, en plein accord avec vous, disposé de forces de gendarmerie importantes auxquelles s’était jointe la totalité des agents de police de Saumur ; j’ai cru bon de prendre un arrêté de Mr le Président de la Délégation spéciale afin d’interdire la circulation pendant le passage des trois groupes de 500 hommes chacun. Les magasins boutiques et établissements commerciaux étaient également fermés pendant la même durée et les habitants demeurant sur le parcours avaient été invités à tenir leurs fenêtres closes. De cette façon et malgré la foule assez considérable de Saumurois qui se trouvaient derrière les barrages, aucun incident n’a eu lieu et après l’embarquement, le colonel baron von Gall commandant du Frontstalag 181 m’a remercié de vive voix pour l’organisation du service d’ordre […]. Je vous demanderai à nouveau une réquisition de gendarmerie portant la même quantité d’hommes105. »
124Le 17 janvier il rapportait à nouveau au préfet :
« Environ 1 200 à 1 400 hommes répartis en trois groupes ont été conduits à pied au travers des rues de la ville jusqu’à la gare Saumur rive droite où ils ont été embarqués à destination de l’Allemagne dans des wagons de marchandises cadenassés à raison de 35 à 40 hommes par wagon. J’avais disposé le service d’ordre comme la dernière fois formant cependant mes barrages de rue avec un retrait d’une dizaine de mètres environ ce qui empêchait tout contact éventuel entre la foule et les prisonniers106. »
125Le départ se faisait donc sous la responsabilité de la sous-préfecture, encadré par les forces de Vichy, gendarmerie et police, au grand dam des familles cantonnées derrière les volets clos. Lors de son départ pour la Russie, le Major Warhenburg, Kreiskommandant à Saumur, ne manqua pas de rappeler au sous-préfet qu’il avait rencontré « la meilleure et la plus loyale collaboration chez les administrations françaises ». Il ajoutait :
« Cher Monsieur le Sous-préfet, je voudrais vous exprimer mes plus sincères et cordiaux remerciements pour notre bonne raisonnable compréhensible collaboration. Vous m’avez dans les plus grandes mesures facilité ma tâche107. »
Le Frontstalag 182 : Savenay
Robert Guilbaud
126Le train, parti à 19 h 30 de Vannes, passa à Redon à 21 heures et embarqua des prisonniers à Savenay le soir même108. Robert Guilbaud, tailleur de son état, embarqua ce jour-là à Savenay dans le convoi du 18 mai 1941 :
« Le 18 mai quittant ce camp vers la gare, au cours d’un dernier rassemblement sur la route même, le commandant allemand du convoi nous menaçait, du haut de son cheval, d’être fusillé sévèrement en cas d’indiscipline. En gare nous complétions un train venant de Vannes contenant déjà son contingent de K.G. et à 10 h 30 nous partions vers une destination inconnue dans des conditions d’un confort que chacun connaît109. »
127Embarqués dans le même train, Gaston Duplat et Robert Guilbaud sympathisèrent et maintinrent des contacts tout au long de leur captivité commune. Dans son carnet de captivité Robert Guilbaud mentionna quelques informations sur sa capture et son transfert au Frontstalag de Savenay.
128Recruté le 29 novembre 1939 à Nantes au Centre Instruction Divisionnaire 22 du 116e régiment d’infanterie, dépôt du 111 à la caserne Cambronne, secteur 101, Robert Guilbaud quitta la gare d’Orléans à Nantes le 7 avril à 21 heures : Angers, Le Mans, Chartres, Pontoise, Creil, Compiègne, Soissons, Verdun et enfin Liart dans les Ardennes. Le 20 avril, il se trouvait dans les secteurs de Justine, d’Herbigny, de Hauteville et de Liry dans un rayon de 30 à 50 kilomètres de Sedan. Il évacua le 15 mai sous la poussée allemande du corps blindé de Guderian qui, dès le 13 mai, avait franchi la Meuse en trois points, établi une tête de pont et enfoncé un coin entre les armées Corap au nord et Huntzinger au sud110. Une division du corps Grandsart abandonnait alors ses positions. À marche forcée, il se replia et le 21 mai prit position entre la Loivre et Courcy dans un champ de blé sur le bord du canal de l’Aisne à la Marne. Le 8 juin, l’attaque allemande, appuyée par l’artillerie et l’aviation reprit. Le soldat Guilbaud monta au fort de Brimont le 9 du mois. Cette deuxième campagne de France échoua. L’offensive allemande entraîna un deuxième repli qui ne cessa plus. Les 4e, 6e et 9e armées allemandes enfoncèrent les 10e (Altmayer), 7e (Frère), 6e (Touchon), 4e (Requin) et 2e (Freydenberg) armées françaises (batailles de la Somme et de l’Aisne) : il fallut reculer jusqu’à Épernay le 11 juin, jusqu’à Sézanne, Montmort, Troyes, Auxerre, Vierzon, le 15, jusqu’à Châteauroux, Bressuire, Clisson pour atteindre Nantes, le 19 à 21 heures.
Photographie 13. – Robert Guilbaud, PG 8 762.

© Guilbaud, R. Archives familiales.
129Le 19 juin 1940 les troupes allemandes rentraient dans Nantes, appelant les militaires à se rendre aux autorités. Robert Guilbaud se constitua prisonnier le 21 à la caserne Allonville à Nantes, resta deux jours au quartier Mellinet, puis de la gare d’Orléans fut transféré au camp de la Courbetière à Châteaubriant qui comptait alors quatre camps de prisonniers :
« Nous avions maintenant plus de 50 000 prisonniers de guerre répartis en quatre camps. Le camp de Choisel, sur la route de Fercé dit le camp C ; celui de la Ville-en-bois sur le terrain de sport du même nom qu’on appelait le camp S ; sur la route de Derval le camp B renfermait surtout des Anglais. Enfin le camp A au château du Moulin du Roul hébergeait les cavaliers français arabes et sénégalais de la brigade Maillard111. »
130Ainsi les différents camps de Châteaubriant, sous-préfecture de la Loire-Inférieure, regroupaient des milliers de prisonniers de guerre. Viendraient s’y ajouter des prisonniers civils incarcérés pour leur engagement politique, notamment des militants communistes, dont vingt-sept d’entre eux furent fusillés le 22 octobre 1941 à titre de représailles à la suite de l’assassinat du lieutenant-colonel Karl Hotz, Feldkommandant de Nantes.
131Les conditions de détention s’avéraient problématiques (logement précaire, hygiène insuffisante, alimentation parcimonieuse, bourrage de crâne) comme l’atteste avec beaucoup d’humour cette chanson, Les gars de la Courbetière. C’est sur un air de C’est pour mon papa, que les prisonniers se mettaient à chanter.
Texte 2. – Les gars de la Courbetière.
Premier couplet Ah c’qu’on est heureux de faire du camping en plein air Dans un camp pépère À la Courbetière On y voit partout des tentes des cagnas des gourbis On dirait la vallée du Bois Hardy À part la liberté On est très bien traité Voici d’ailleurs tout cru Ce qu’est notre menu | Refrain Trois ou quatre fagots Pour une barrique d’eau Une mince tranche de lard Et beaucoup de bobards V’la le menu des gars de la Courbetière Avec ça serre la sous ventrière Trois patat’s bouillies Une pincée de riz Ou macaroni C’est tout pour midi On rattrap’ quand on dîne Sur la végétaline Si on crève pas on en reviendra |
Deuxième couplet On a tout le confort moderne même dans les goguenots Pas besoin de chasse d’eau. Y en a de trop Quand nous n’avons plus de papier pour nous torcher le derrière Comme les marocains nous prenons une pierre À cheval sur les trous, Rêveurs nous pensons tous Quand nous nous soulageons À ce que nous mangerons | |
Refrain Trois ou quatre fagots Cadeau de Pageot Un’mince tranche de lard Don de Chevillard Voilà le menu des gars de la Courbetière Avec ça serre ta sous ventrière Trois pâtes bouillies Ou macaroni Offerts par Fourny C’est tout pour le midi On se rattrap’ quand on dine Sur la végétaline Si on en crève pas On en reviendra | |
Troisième couplet Un jour on a eu la visite à la Courbetière De Mr le maire On est pas peu fier Comme il a prêché le pain, la paix, la liberté* On s’est dit : le régime va changer Depuis qu’il est venu, On a baissé le menu Car voyez ce qu’on a Au principal repas | |
Quatrième couplet Enfin l’autre jour branle-bas dans le camp Il pleut à torrent Tout le monde en prend L’eau arrive du haut en bas, on bâche partout Tout flotte, valises couvertures, même poux Nous sommes tout crottés Nous sommes tout trempés Et tous les autres copains Sont dans le même bain | Refrain Trois ou quatre fagots Qu’on pas reçu d’eau Viennent visiter le camp inondé Ils distribuent des tentes anglaises Ou nous pouvons dormir bien à l’aise On songe déjà Qu’on en profitera Mais on sait bientôt Qu’on riait trop tôt Pour d’autres les abris Pour nous c’est la pluie Si on en crève pas On en reviendra |
*Allusion sans aucun doute au programme électoral du Front Populaire « Paix, Pain, Liberté ».
© Duplat, C. Archives familiales.
132Le 29 juin Robert Guilbaud partit pour Savenay ; là, il participa à la construction du camp et y resta. Il commença à travailler dans le bourg chez le maître tailleur allemand puis au camp ouest à la réparation des effets anglais destinés aux prisonniers112.
L’organisation du camp de Savenay
133Les prisonniers embarqués à Savenay appartenaient au Frontstalag 232 créé immédiatement après l’armistice et installé sur les sites de Berthelais en la Chapelle-Launay et de Touchelais. Ce dernier se situait sur le champ de courses de Savenay, terrain aéré et dégagé, au sol sablonneux et sec sauf en son extrémité nord-ouest marécageuse. Le camp comptait une cinquantaine de baraques.
Photographie 14. – Vue du camp de Savenay le 29 mai 1941.

© Archives audiovisuelles du CICR, VP-HIST-03435-19A.
134Les prisonniers occupaient des baraques en tôle « métro » mises en place en 1917 pour les troupes américaines débarquées à Saint-Nazaire après leur entrée en guerre puis occupées temporairement et évacuées par les Britanniques en 1939-1940113. Ces baraques reposaient sur une semelle de ciment, couverte de plancher. Elles permettaient de loger les prisonniers (20 à 30 hommes), d’y installer cantines, cuisines et infirmerie. D’autres baraques en bois regroupaient l’administration du camp. Les baraques bénéficiaient de l’éclairage électrique. Le camp se trouvait divisé par deux routes desservant des « cours » encadrées par les baraques disposées en U114. Le corps de garde allemand contrôlait l’entrée du camp ceinturé de barbelés et de miradors.
135Le camp accueillit en tout plusieurs milliers de prisonniers de toute la région. Plusieurs vagues se succédèrent dont de nombreux soldats originaires des troupes coloniales : Sénégalais, Malgaches Algériens, Tunisiens, Marocains, Annamites, Martiniquais et Guadeloupéens. Du camp dépendaient des Kommandos de travail localisés à Châteaubriant, à Saint-Nazaire ou à Crossac, puis, à compter du 27 juillet 1941, des Kommandos dépendant du Frontstalag 232 de Luçon (Vendée) qui venait de fermer (La Roche-sur-Yon, Aizenay, Bourg-sous-la-Roche, Challans, Chantonnay, La Garnache, Les Essarts, Saint-Gilles-sur-Vie, Saint-Philbert-de-Bouaine, Sallertaine et Soullans115). Les prisonniers travaillaient à Savenay dans les services de l’armée allemande (convois, abris, stockage, manutentions) ou dans leurs Kommandos (extraction de la tourbe à Crossac).
136À la tête du camp, un officier allemand (en juillet 1941 le major von Munch et en novembre 1941 l’Hauptmann Bachmeier) qui commandait la hiérarchie française : un chef de bataillon et son adjoint, un chef des grandes corvées, des chefs de compagnie, des hommes de confiance, des chefs de baraque et des médecins.
Les inspections des services diplomatiques des prisonniers de guerre
137Le camp faisait l’objet de visites d’inspecteurs des services diplomatiques des prisonniers de guerre en vertu de la convention de Genève du 27 juillet 1929 et du protocole du 16 novembre 1940. Ces visites donnaient lieu à des rapports circonstanciés comme le rapport en date du 24 juillet 1941 signé du capitaine Destroyat116, ou encore celui du docteur Bonaud en date du 17 novembre 1941117 ; ces documents témoignent des conditions de captivité des soldats.
Nourriture et habillement
138Les prisonniers prenaient trois repas : un café le matin, un repas de midi à base de soupe de légumes et de viande avec dessert, un repas du soir avec soupe, riz, pâtes et dessert ; la ration de viande se trouvait fixée à 100 grammes par jour, celle de pain à 400 grammes ; de l’eau à volonté et parfois un ½ litre de cidre. Le tabac manquait : la régie de Nantes n’approvisionnait pas régulièrement le camp et les prisonniers devaient alors compter sur la Croix-Rouge (deux paquets par semaine). Les prisonniers remplaçaient leurs vêtements usagés en se fournissant sur les stocks laissés par les Britanniques. En novembre 1941, manquaient chaussettes et mouchoirs ; la cantine, tenue par les Allemands, offrait peu de choses : crayons, objets de toilette au prix du marché mais majoré de 10 % mais ici, ni vivres, ni boissons ; les affaires se négociaient en monnaie française ou allemande. Les colis individuels demeuraient rares.
Hygiène et santé
139La seconde préoccupation concernait les questions d’hygiène et de santé. Chaque prisonnier disposait d’un savon ou d’une savonnette par mois, d’une douche chaude ou froide par semaine. Un autoclave ou étuve Geneste-Herscher du service de santé français en campagne occupait une salle de désinfection. En novembre 1941, le docteur Bonaud ne signalait pas de cas de poux. Les prisonniers utilisaient des latrines, d’abord à tinettes puis à chasse, « suffisantes et propres ». Le lavoir permettait le nettoyage de leurs effets118.
Photographie 15. – Le lavoir au camp de Savenay le 29 mai 1941.

© Archives audiovisuelles du CICR, VP-03437-3.
140Le camp disposait d’une infirmerie installée dans deux baraques « métro » puis en novembre d’un hôpital en briques situé à quelques centaines de mètres du camp, disposant de 108 lits et de services de santé. On y comptait une vingtaine de malades : des accidentés, des cas de syphilis ancienne, des affections dermo-épidermiques mais pas de maladies de carence. Les cas les plus graves, les tuberculeux notamment (quatre cas en juillet 1941), partaient pour les hôpitaux nantais : Saint-Jacques et Livet. Le docteur Bonaud signalait « qu’il y a très peu de décès » ce qui signifiait tout de même qu’on y mourait. Le personnel soignant se composait d’un médecin-lieutenant (lieutenant Denian), de deux médecins auxiliaires (Hamel et Gorce), de cinq infirmiers « indigènes ». Un dentiste de Nantes, le docteur Moreau, venait chaque semaine. En juillet, les soignants éprouvaient des difficultés pour se procurer des médicaments, alcool et sirops.
Travail, culture et loisirs
141Les détenus travaillaient tous les jours sauf le samedi après-midi et le dimanche, de 7 heures à 11 heures et de 14 heures à 17 heures pour 10 francs par jour dont un franc retenu pour le profit du camp. Les militaires percevaient leur solde par délégation à la famille et les fonctionnaires recevaient leur traitement.
142Les prisonniers pouvaient assister au culte. Pour les catholiques, les prêtres de Savenay ou de Pontchâteau venaient officier. Par ailleurs, pour les musulmans, deux muftis guidaient la prière dans une salle aménagée dans une baraque. Les prisonniers pouvaient écouter la radio mais sous contrôle allemand, bénéficier d’une petite bibliothèque de 200 volumes et lire la presse de la zone occupée. Ils souhaitaient une salle de jeux et des ballons. Un instituteur algérien assura un enseignement auprès de trente prisonniers et réclama « crayons, cahiers et livres simples (syllabaires) ».
Droits des prisonniers
143Les textes de la convention de Genève n’étaient pas affichés en français mais les Allemands adressaient leurs ordres en français, respectaient les insignes et les grades ; pas de plaintes quant à des représailles, des peines collectives, des mesures disciplinaires ou des peines corporelles. Tous les quinze jours, une délégation de la Croix-Rouge venue de Paris, rendait visite au camp et s’entretenait avec l’homme de confiance. Les hommes pouvaient garder leurs objets personnels.
Courrier
144Chaque prisonnier pouvait envoyer deux cartes et une lettre par mois. Les prisonniers de « chaque race » [sic] recevaient leur courrier au camp mais il pouvait accuser beaucoup de retard pour certains :
« Les lettres reçues par les Indochinois sont datées au départ d’Indochine du mois d’avril. Elles sont arrivées au mois d’octobre. (D’autres ne recevaient rien.) Il semble que si certains n’ont pas reçu de lettres, c’est parce que les familles n’ont pas écrit. Il y aurait lieu de rappeler aux gouverneurs qu’ils doivent rechercher les familles de prisonniers et au besoin leur faire rédiger des lettres par l’écrivain de l’administration. La censure exercée à partir de Bordeaux [gardait] le courrier trop longtemps. »
145Ils se trouvaient aussi en butte au contrôle et à la censure des envois comme dans d’autres Frontstalags à l’instar de celui d’Airvault dans les Deux-Sèvres. Le 4 février 1941, le directeur des PTT de ce département écrivait au préfet :
« Le 29 janvier vers 17 h 30, trois militaires allemands dont un sous-officier appartenant à la formation du camp de prisonniers de guerre se sont présentés au bureau de poste et ont emporté tous les courriers de départ qui s’y trouvaient. Ils ont attendu la rentrée des facteurs et ont également emporté les correspondances des boîtes aux lettres rurales. Avant de quitter le bureau, ils ont apposé les scellés sur les boîtes aux lettres119. »
Évasions
146Les rapports signalaient quelques évasions mais le procédé le plus efficace pour échapper au camp semblait la réforme. « Le médecin allemand, Docteur Sillard, passe une visite mensuelle de réforme. Il se montre assez large dans ses expertises. C’est ainsi que depuis qu’il est en service (d’abord à Luçon puis à Savenay), il a réformé 800 PG dans les huit jours. Les PG qui ont été déclarés du sont évacués sur l’hôpital de Nantes120. »
L’évacuation du camp
147Le camp se vida progressivement, nourrissant les convois en partance pour l’Allemagne vers les Stalags XI A et XI B dans la région de Hanovre (septembre 1940 et janvier 1941), des convois vers les Stalags VIII de Silésie et des convois vers les Stalags XVII et XVIII d’Autriche (avril et mai 1941) ; les Africains et Indochinois furent dirigés vers le Sud de la France en application de la convention de Genève.
148Le 17 novembre 1941, l’Inspecteur des services diplomatiques des prisonniers de guerre note que « sur les 50 baraques que comprend le camp, 18 sont actuellement occupées, dont 5 par les bureaux, la cuisine et l’infirmerie » ; il ne restait au camp à cette date que 507 prisonniers à Saint-Nazaire, 246 hommes à Châteaubriant et 381 à Crossac.
Fracture : de Vannes à Markt Pongau (18 mai-10 juin 1941)
Itinéraire et transfert (18 mai-22 mai 1941)
149« Puis un jour, le premier train de prisonniers quitta la gare […] vers les Stalags et les Oflags. Les visages abattus derrière les vitres des wagons de bois me serrèrent le cœur ; l’ère du provisoire s’achevait […]. Le convoi en route vers l’Allemagne matérialisait notre défaite121. » Ainsi le sous-préfet de Châteaubriant, Bernard Lecornu s’exprimait-il à la vue des premiers convois de prisonniers en partance vers l’Allemagne ou l’Autriche. En une phrase, il résumait la tragédie individuelle et nationale, le destin brisé de centaines de milliers de soldats et de leur famille, emportés par la défaite. Il laissait aussi percer ses sentiments patriotiques qui allaient le mener ultérieurement vers des actes de résistance.
150Ainsi, Gaston Duplat et Robert Guilbaud embarqués ce même 18 mai 1941, l’un à Vannes l’autre à Savenay, entamèrent un long et lent périple jusqu’à leur destination finale : Markt Pongau dans le Tyrol autrichien.
Itinéraire
151Sur un petit carnet, celui qui allait devenir son premier carnet de captivité, Gaston Duplat nota scrupuleusement les détails géographiques et horaires de son transfert de Vannes à Markt Pongau et les quelques épisodes qui émaillèrent le trajet.
Carte 3. – Itinéraire de transfert de Gaston Duplat.

© Duplat, C.
Texte 3. – Détail de l’itinéraire de Gaston Duplat de Vannes à Markt Pongau (Carnet de captivité)
« Le dimanche 18 mai :
Départ de Vannes à 19 heures 30
Redon, 21 heures
Savenay
Le lundi 19 mai :
Nantes, 6 heures 15
Angers, 7 heures 30
Sablé, 8 heures 15
Noyant, 9 heures à 9 heures 20
Le Mans, 10 heures 10 à 11 heures 05 : embarquement de prisonniers
La Ferté-Bernard, 12 heures 50 à 12 heures 55
Chartres, 14 heures 45
Versailles, 16 heures 30 à 18 heures
Juvisy, 20 heures
Montereau, 21 heures 20
Melun, 22 heures
Sens, 22 heures 30
Roche-Migène*
Le mardi 20 mai :
Plombières, 6 heures 25
Dijon, 6 heures 30 à 6 heures 45
Gray sur Saône, 8 heures 15
Vesoul, 10 heures 20 à 10 heures 50
Belfort, 13 heures à 14 heures 30
Mulhouse, 16 heures 15 à 16 heures 30
Colmar, de 17 heures 40 à 20 heures 15
Neuf-Brisach, traversée du Rhin à 20 heures 30
Le mercredi 21 mai :
Ulm, 5 heures
Sigmaringen, 7 heures 30 à 7 heures 40
Ulm, de 10 heures à 11 heures
Burgau, de 12 heures à 14 heures 45
Augsbourg, de 15 heures 25 à 16 heures 20
Munich, de 19 heures à 20 heures
Ostermünchen, 21 heures 15
Salzbourg, 23 heures
Le jeudi 22 mai :
Markt Pongau : arrivée à 2 heures**. »
* Laroche-Migennes : à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Laroche-Migennes était le 3e dépôt de France avec près de 1 500 cheminots.
** Journal de captivité de Gaston Duplat.
Le transfert
152Pour relier Vannes à Markt Pongau situé dans le Tyrol autrichien, à une soixantaine de kilomètres par la route au sud de Salzbourg, le convoi, composé de wagons de marchandises, mit 78 heures 30 minutes soit plus de trois jours pour une distance approximative de 1 500 km : une moyenne de 19 km/h. Temps interminable et insupportable pour ces hommes cloîtrés dans leurs wagons. À la distance entre les extrêmes s’ajoutaient de temps à autre des arrêts pendant le trajet : arrêt pour le ravitaillement ou pour des nécessités d’hygiène ; arrêt pour embarquer des prisonniers comme au Mans ; trajet ponctué aussi de crochets comme entre Montereau et Melun ou Plombières-les-Bains et Dijon. Difficulté à faire circuler les trains ? Nécessité d’embarquer de nouveaux prisonniers ?
153Les prisonniers reçurent une première distribution de vivres au Mans : « Un kilo de pâté pour six, une bouteille de cidre, trois livres de pain pour quatre et deux seaux d’eau pour trente. » À Versailles, la Croix-Rouge offrit « une soupe » ; à Colmar, « une soupe, 300 grammes de bœuf pour deux, trois livres de pain pour quatre, dix biscuits pour deux, un quart de café ». Un quatrième ravitaillement eut lieu à quelques kilomètres d’Augsbourg.
154Ces moments permettaient aussi d’aérer les wagons, à chaque fois entre 20 et 30 minutes. Il fallait aussi vider les « tinettes », en fait des lessiveuses. À chacun de tenir dans ces conditions. Le 20 mai, Gaston Duplat notait dans son journal : « Ayognet devient fou ».
« Le 22 mai à 2 h 20 du matin, en plein brouillard, nous arrivions enfin à Markt Pongau. Nous étions en pleine saison de fonte des neiges. À 6 h 30 le convoi s’ébranle pour atteindre le camp situé à environ 500 mètres de la gare. Pataugeant dans un terrain vaseux où nous nous enfoncions dans la boue jusqu’à mi-mollet nous entrions entre les barbelés à 7 h 15122. »
155Le 22 mai, les portes des wagons ne s’ouvrirent que cinq heures après l’arrivée du train. Les hommes venaient de gagner le Stalag de Markt Pongau.
Premiers jours à Markt Pongau : 22 mai-10 juin 1941
156Depuis le 15 mai 1941 et le premier convoi de prisonniers français, Markt Pongau commençait à recevoir massivement des prisonniers ; un apport sans commune mesure avec les quelques hommes arrivés dès l’automne 1940 et employés par la municipalité et des exploitants agricoles123. Le 27 mai arrivèrent 1 500 prisonniers serbes. Au débarquement du train succéda l’installation :
« Nous avions été parqués sur le planum. Des tentes militaires avec paillasses étaient notre refuge. Dès ce moment, tout en subissant les ordres allemands, débuta l’organisation interne entre Français. Prenant possession des tentes nous nous étions installés par groupes de camarades se connaissant déjà en nommant, parmi les gradés, des chefs et sous-chefs responsables des rapports avec nos gardiens124. »
157Suivit l’après-midi une fouille qui dura de 14 heures à 20 heures 30 ; Gaston Duplat perdit son briquet à essence et sa réserve. À 21 heures : la soupe, de la choucroute, du café et une boule de pain pour cinq et par 24 heures. Le couchage se limita ensuite à « des cantonnements sous la tente, 200 lits de copeaux de bois humides125 ». En ce mois de mai, la neige couronnait encore les sommets et, si le jour le soleil brillait, la température nocturne baissait fortement.
158Pendant ces premières journées de captivité il fallut se soumettre à différentes procédures administratives et médicales : établissement de la carte de prisonnier tant pour les autorités de Berlin que pour la Croix-Rouge internationale ; établissement d’une carte de profession pour un éventuel départ en Kommando ; obtention d’une carte-réponse pour la famille ; désinfection et piqûre anti typhoïdique. Le reste du temps passa entre les corvées de lessive ou de pluches et des « séances récréatives avec chants et musiques pour les prisonniers126 ».
159Le 10 juin 1941 Gaston Duplat apprit qu’il partirait à compter du 12 juin 1941 dans le Kommando de travail 20 865 à Spullersee, à proximité de la frontière suisse, en pleine montagne. En un an son destin et celui de sa famille venaient de basculer. De la paix à la guerre, de la liberté à la captivité, de la vie de famille à la solitude, de la France à l’Autriche. Pouvait-il penser à ce moment-là qu’il ne retrouverait paix, liberté, famille et France que quatre ans plus tard ?
Notes de bas de page
1 Gabriel Duplat repose aujourd’hui à la Nécropole nationale de Sainte-Anne-d’Auray (Morbihan).
2 Livret militaire, Archives familiales.
3 Recensement, AMA.
4 Le brevet élémentaire se préparait en trois ans après le certificat d’études. Il était un instrument d’ascension sociale pour les classes moyennes, notamment pour les jeunes filles.
5 Deux ans d’études supplémentaires au-delà du brevet élémentaire.
6 Archives familiales, dossier de retraite.
7 Archives familiales, Avis de mutation no 3855, ministère de la Défense nationale et de la Guerre.
8 Maret Édouard, Saint-Cyr-Coëtquidan, Rennes, Éditions Ouest-France, 1984 ; Marquis De Bellevue, Paimpont, le camp de Coëtquidan, Paris, Honoré Champion éditeur, 1913.
9 Peter René, Le camp de Coëtquidan : un exemple de camp d’instruction national, mémoire de maîtrise, 2 tomes.
10 Batailles napoléoniennes (Premier Empire).
11 Lettres des 11 et 13 avril 1939.
12 Lettre du 2 mai 1939.
13 Lettre du 7 mai 1939.
14 Voir p. 198 (le logement).
15 Lettre du 19 avril 1939.
16 Lettre du 25 avril 1939.
17 Dans le Morbihan, Le Palais, Vannes, Lomener, Quiberon, Pontivy furent les principales villes d’accueil des réfugiés espagnols.
18 Peter René, op. cit., p. 80.
19 Lettre du 3 mai 1939.
20 Lettre du 9 mai 1939.
21 Ils furent employés à la construction de baraques, à l’entretien de chemins et de routes ; lors de la démobilisation, ils quittèrent le camp pour le Sud et se dispersèrent à l’armistice quand ils ne furent pas faits prisonniers par les Allemands.
22 Circulaire de la Caisse nationale d’assurance vieillesse 18/80 du 7 février 1980.
23 Parello Vincent, « Les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) en France à la fin de la Troisième République », in Bulletin Hispanique, 118-1, 2016, p. 233-250.
24 Lettre du 15 avril 1939.
25 Lettre du 25 avril 1939.
26 Peter René, op. cit.
27 Mage Tristan, Des accords de Munich à la déclaration de guerre à l’Allemagne, Volumes et documents diplomatiques relatifs à l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la Pologne, tome V, 1991, p. 20 sq.
28 Lettre du 5 mai 1939.
29 Lettre d’août 1939 non datée précisément.
30 Voir note 34, chapitre i.
31 Lettre d’août 1939 non datée précisément.
32 Affiche de l’ordre de mobilisation du 2 septembre 1939, AN, 72AJ/724.
33 AN, Affiches de mobilisation, 72AJ/722, 722 bis, 723, 723 bis.
34 Devant l’attentisme des Alliés à Munich et désireux de différer l’affrontement avec l’Allemagne, Staline avait signé avec celle-ci un pacte de non-agression le 23 août 1939 ; pour Hitler il s’agissait de ne pas ouvrir un front à l’Est avant sa victoire à l’Ouest et pour Staline de se préparer à un éventuel conflit. De plus le pacte prévoyait le partage de la Pologne au profit des deux signataires.
35 Cochet François, Les soldats de la drôle de guerre. Septembre 1939-mai 1940, la vie quotidienne, Paris, Hachette, 2004, chapitre 1.
36 Voir annexe III.
37 Une division peut comprendre entre 10 000 et 15 000 soldats.
38 Division d’infanterie embarquée sur des camions.
39 Voir annexe II.
40 Le général Pigeaud est remplacé par le général Lanquetot le 13 octobre 1939.
41 [http://www.atf40.fr/ATF40/divers/historiques/21eDI.html].
42 ADCA, 300 J1.
43 La communauté polonaise en France, immigrée pendant l’entre-deux guerres, travaillait essentiellement dans le secteur minier (Nord, Pas-de-Calais, bassin de Saint-Étienne) ou dans les métiers de la sidérurgie et de la métallurgie (Lorraine, Basse-Loire comme à Couëron ou à Basse-Indre où arrivèrent entre 1923 et 1930 1 200 personnes).
44 La Pologne en guerre à Angers. Novembre 1939-juin 1940, les dossiers du service éducatif, ADML.
45 Témoignage oral d’Andrée Duplat.
46 Archives du musée de l’Officier, Coëtquidan ; carton : les Polonais et la Seconde Guerre mondiale.
47 Peter René, op. cit. ; l’armée polonaise pendant la bataille de France : [http://www.Beskid.com] ; l’armée de terre française en 1940 [http://www.atf40.fr/ATF40/].
48 Discours de Paul Reynaud du 16 avril 1940 devant le Sénat.
49 Les soldats Lamisse, Bled et Lemauft du 116e régiment d’infanterie tombèrent le 6 janvier 1940 (cf. photographie no 7 et le site Mémoire des Hommes du ministère des Armées).
50 Meynier André, Les déplacements vers la Bretagne en 1940-1941, Les Nourritures Terrestres, 1950.
51 Hitler voulait que cet armistice soit signé là où la France avait imposé à l’Allemagne l’armistice du 11 novembre 1918 mettant un terme aux opérations militaires de la Grande Guerre.
52 Archives familiales, Dépêche du ministère de la Défense nationale et de la Guerre, Direction du génie, Cabinet du Directeur, 2e section, no 651, ¾ en date du 1er février 1940.
53 Ibid.
54 Archives familiales, Extraits de la décision en date du 5 janvier 1940, Journal officiel du 7 janvier 1940.
55 Archives familiales.
56 Morvan Jean-Louis, Cahiers de captivité, [http://grandterrier.net].
57 Archives familiales.
58 Poujade René, Souvenirs épars. Guerre 1939-1945, [http://war.megabaze.com/page-htm/091-resistance].
59 Sainclivier Jacqueline, La Bretagne dans la guerre 1939-1945, Rennes, Éditions Ouest-France, p. 28.
60 Archives photographiques du CICR, clichés libres de droits.
61 Secrétariat général pour l’administration, ministère des Anciens combattants, Bureau des archives des victimes des conflits contemporains, Caen [SGA].
62 Durand Yves, op. cit., p. 59.
63 Liste officielle des Prisonniers de Guerre établie par le Centre national d’information des PG, ADLA.
64 Voir p. 212.
65 Chabord Marie-Thérèse, Les services des PG à Vichy, in Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, no 37, janvier 1960.
66 Robert Guilbaud et Gaston Duplat se retrouveront ensemble prisonniers au Stalag XVIII C de Markt Pongau.
67 ADLA 64 W 93.
68 Ibid.
69 Hesse Jean-Philippe et Le Crom Jean-Pierre, La protection sociale sous le régime de Vichy, Rennes, PUR, 2001, chapitre 5, p. 183-236.
70 Voir p. 86.
71 Morvan Jean-Louis, op. cit.
72 ADM 7 W 4766, Chef de bataillon Martin à M. le général de La Laurencie, le 7 décembre 1940 (liasse reclassée depuis consultation).
73 Ibid.
74 ADM 18 W 186, le 7 janvier 1943, Ingénieur Guérin, Direction du Mans, Service des bâtiments de Rennes.
75 ADM 18 W 186, le 15 février 1941.
76 ADM 18 W 186, le 30 novembre 1940.
77 ADM 18 W 186.
78 ADM 18 W 186, 13 février 1943.
79 ADM 18 W 186.
80 ADM 18 W 186, Lettre du maire de Guer au préfet le 26 septembre 1942.
81 ADM 18 W 186, Lettre de Guérin au maire de Guer.
82 ADM, 18 W 186.
83 ADM 18 W 186, le 1er janvier 1943.
84 ADM 18 W 186, Lettre du préfet au maire de Guer le 5 octobre 1943.
85 ADM 18 W 186, Service des bâtiments le 8 avril 1941 ; service de la Kommandantur le 15 mars 1941 ; lettre du maire de Guer du 7 septembre 1943.
86 ADM 18 W 186, Lettre de Fessig au préfet le 10 février 1943.
87 ADM 18 W 186, Lettre du maire de Guer à M. l’Intendant de 2e classe, chef de l’intendance, SG, caserne du Bon Pasteur, Rennes le 21 octobre 1943.
88 La convention d’armistice signée à Rethondes le 22 juin 1940 précisait dans son article 18 : « Les frais d’entretien des troupes d’occupation allemandes sur le territoire français seront à la charge du gouvernement français ».
89 Archives familiales.
90 ADM 18 W 186, le 30 janvier 1941.
91 Morvan Jean-Louis, Carnet de captivité [http://grandterrier.net].
92 Op. cit.
93 ADM 7 W 4766, Lettre non signée en date du 15 juillet 1940. Elle émane peut-être de la préfecture (liasse reclassée depuis consultation).
94 ADM 7 W 4766, Lettre de la préfecture à la Kommandantur de Vannes le 10 août 1940 (liasse reclassée depuis consultation).
95 SGA Caen, Liste des prisonniers dressée au Stalag XVIII C en provenance du Frontstalag 183, feuillet 1.
96 Vallaud Pierre, Témoins de l’Histoire. La Seconde Guerre mondiale, Éditions Acropole, 2002, p. 107.
97 Exposition virtuelle des archives départementales du Morbihan sur le dépôt d’étalons d’Hennebont, [www.hennebont.net/haras_nationaux_hennebont.php].
98 Leroux Roger, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Imprimerie de la Manutention Mayenne 1990, p. 74.
99 Ouvrier du génie très proche de la famille.
100 Lettre du 11 mai 1941.
101 Lettre du 18 mai 1941.
102 Germain Edmond, Quarante mois d’occupation à Vannes, Bulletin mensuel de la Société polymathique du Morbihan, tome 116, juillet 1990.
103 Le Morbihan, De la préhistoire à nos jours, Éditions Bourdessoules, directeur J. Brignon, 1994.
104 Le Nouvelliste du Morbihan, 18 et 19 mai 1941, ADM.
105 ADML 24 W 11.
106 Ibid.
107 ADML 12 W 25, Lettre du major Warhenburg au sous-préfet de Saumur, le 15 janvier 1942.
108 Journal de captivité de Gaston Duplat.
109 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales) ; 22 heures trente en fait.
110 Cours commun d’histoire militaire, École spéciale militaire interarmes, tome V, Coëtquidan (Archives familiales).
111 Lecornu Bernard, Un préfet sous l’occupation allemande, Châteaubriant, Saint-Nazaire, Tulle, Paris, Éditions France Empire 1984, p. 23 ; voir aussi sur Châteaubriant, Journal d’un honnête homme présenté et annoté par Jean Bourgeon (juin 1940, août 1944), 404 p., Paris, Éd. l’Albatros ; Gernoux Alfred, Châteaubriant et ses martyrs, Ouest Éditions, 1991, 311 p. avec photographies.
112 Guilbaud Robert, carnet de captivité.
113 Archives du CICR.
114 Rolland Jean, Histoire illustrée de Savenay, Montsûrs, Imprimerie Kayser, 1976.
115 AN F 2356.
116 AN F 2356.
117 AN F 2356.
118 Archives du CICR.
119 Perruchon Jacques, Camps d’internement en Poitou-Charentes et Vendée (1939-1948), Paris, Éditions du Croît vif, 2003, p. 40.
120 Du : Dienstunfähig (inapte).
121 Lecornu Bernard, op. cit., p. 36.
122 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
123 Stadler Robert, Mooslechner Michael, St Johan/PG 1938-1945, Das nationalsozialistische Markt Pongau, Salzbourg, 1986.
124 Guilbaud Robert, Notes d’histoire sur le Stalag XVIII C (Archives familiales).
125 Journal de captivité de Gaston Duplat.
126 Journal de captivité de Gaston Duplat.
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