Avant-propos
p. 9-10
Texte intégral
« Souvenez-vous des prisonniers »
À mes parents, à ma sœur,
à mes frères et à mes enfants.
1« Souvenez-vous des Prisonniers », « Comme si vous étiez captifs avec eux1 ». Dans le numéro 1 de la revue Maintenir, « Organe de liaison mensuel des Rapatriés et Évadés des Stalags XVIII A, B et D (Wagna) », en date de juillet 1945, apparaissait cette référence biblique. Les fondateurs de l’Amicale des « anciens » détenus « d’Autriche méridionale » appelaient à ne pas oublier, à faire œuvre de mémoire. Cette amicale disparut après sa dissolution en décembre 2000. Et pourtant la mémoire demeure. Point au travers de ces générations aujourd’hui disparues, point au travers de vestiges archéologiques quasi inexistants si ce n’est au travers de stèles ou de plaques commémoratives, mais grâce aux témoignages de leurs descendants, aux documents déposés dans les archives publiques civiles et militaires ou grâce aux sources privées, notamment les carnets de captivité ou les correspondances. Une synthèse remarquable, La Captivité, Histoire des prisonniers de guerre français 1939-19452, de l’historien Yves Durand, contribua et contribue toujours de manière éclairée à vulgariser la connaissance de ce fait historique majeur de la Seconde Guerre mondiale : la capture, le transfert et la détention dans les territoires sous contrôle national-socialiste de près de 1 600 000 prisonniers de guerre français3. Phénomène de masse où chacun vécut sa propre histoire, une histoire collective mais aussi singulière, une histoire nationale mais aussi personnelle marquée par une nouvelle identité pour le prisonnier, celle de son numéro matricule.
2Gaston Duplat fut fait prisonnier au camp de Coëtquidan dans le Morbihan le 23 juin 1940, le lendemain de l’armistice. Il devint prisonnier de guerre (PG) sous le numéro matricule 2677. Transféré en Autriche le 18 mai 1941, il se trouva rattaché pendant sa détention au Stalag XVIII C de Markt Pongau et détaché dans divers Kommandos de travail. Libéré le 7 mai 1945, il ne revint à Angers où vivait son épouse, Andrée, que le 3 juin 1945 : près de cinq années de captivité, une en France, quatre en Autriche, violence extrême pour cette jeune famille fondée en 1937. Ni l’un ni l’autre n’évoquèrent durant leur vie cette période, voulant sans doute s’épargner un retour en arrière douloureux. Quelques allusions, quelques anecdotes mais jamais de révélations ni de confessions profondes. Mon père décéda le 31 juillet 1982 et ma mère le 24 juin 1997. Quand vint le moment de l’inventaire et du partage, je découvris, avec ma sœur et mes frères, dans le tiroir de l’armoire familiale, ce qui pouvait rester de ce passé : deux carnets de captivité, deux petits albums de photographies, un petit herbier et la correspondance adressée par mon père à ma mère pendant sa captivité. Découvertes qui restèrent en l’état jusqu’en 2008, date à laquelle je me décidai à franchir le pas et à entrer dans cette intimité. Au fur et à mesure de la lecture des carnets et de la correspondance, je commençai à comprendre ce que furent ces années. Mes parents virent leur vie bousculée, brisée par une mécanique implacable et infernale. Comme tant d’hommes et de femmes, ils allaient partager une histoire commune, celle de la Captivité. Mais avec leur propre itinéraire, leurs propres souffrances, leur propre destinée. Destinée distincte des autres mais aussi destinée éclatée entre celui qui allait se trouver captif et celle qui allait se trouver sans mari, en charge de leurs deux jeunes enfants pendant ces cinq années.
3J’ai voulu me plonger dans leur vie et essayer de reconstituer, dans le cadre général des événements de l’Occupation, de la Captivité et de la Libération, les destins individuels mais nécessairement liés de mes parents et de leurs proches ; les suivre, au plus près que faire se pouvait, dans leur quotidien et montrer comment les décisions prises au plus haut niveau, tant par le régime de Vichy que par le régime national-socialiste, avaient déterminé leur Être pendant ces cinq longues années de séparation et sans doute pour la vie ; essayer aussi de m’attacher à leur environnement familial, amical, régional pour comprendre les solidarités, les égoïsmes ou les indifférences ; enfin faire parler au sens propre du terme, le plus possible, au travers des archives, qu’elles soient orales, iconographiques ou écrites, les protagonistes pour rappeler, que derrière ces terribles événements, se trouvaient des hommes, des femmes et des enfants.
4Saint-Gilles-Croix-de-Vie le 20 septembre 2022.
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