Chapitre III. La beauté d’organisation
p. 299-312
Texte intégral
1Si nous croyons avec Leibniz que tout dans le monde a sa raison suffisante, nous devrons croire aussi que tout a la parfaite beauté. Mais l’hypothèse est bien difficile à admettre ; elle répond bien mal aux apparences du monde, tel que nous le pouvons percevoir. Les beautés parfaites sont dans la nature ce que sont les étoiles visibles au ciel : des points lumineux scintillant dans la nuit profonde. Peut-être avec de meilleurs yeux percevrions-nous encore de vagues lueurs dans les régions ténébreuses, et en ce sens on pourrait dire qu’il y a de la lumière partout ; mais il n’en resterait pas moins que cette lumière est d’intensité très variable, et qu’elle ne prend tout son éclat que dans quelques coins privilégiés. Ainsi j’admets que tout dans le monde peut avoir quelque valeur, quelque raison d’être, quelque beauté ; mais tout n’a pas une beauté égale.
2La nature ne manifeste d’une manière évidente sa finalité que dans la formation des êtres organisés ; encore y peut-on discerner des degrés de perfection. L’admiration que nous avons pour elle ne nous doit pas faire perdre le sentiment des nuances, mais croître par degrés avec la valeur de ses œuvres.
Tout être est beau dans son genre quand il a sa forme normale
Type normal de l’individu
3L’enfant qui vient au monde est organisé de telle manière qu’en se développant naturellement, librement, il doit prendre quand il sera adulte une forme déterminée. Cette forme, suivant laquelle il tend à s’organiser, c’est son propre type. Mettez-le dans les conditions d’existence les plus favorables ; détournez de lui les accidents, les maladies ; fournissez-lui des aliments sains, de l’air pur ; donnez-lui l’occasion d’exercer modérément toutes ses facultés, il se développera joyeusement, harmonieusement, suivant sa propre loi ; il finira par remplir ce moule idéal qui lui était assigné dès l’origine, comme limite de croissance, par sa constitution. L’homme qui était virtuellement contenu dans l’enfant se sera complètement dégagé. Il aura atteint sa fin individuelle. Il sera vraiment lui-même. Supposez au contraire que sa croissance soit gênée ou modifiée de quelque manière. Il sera comme les fruits que l’on enferme avant leur complet développement dans un moule de verre dont ils sont obligés de prendre la forme. Si élégante que puisse être cette forme, ce n’est pas celle qui lui convient ; elle ne peut que l’enlaidir.
4Il en est de même pour tout être organisé. Ce que l’on doit avant tout souhaiter pour lui, c’est qu’il s’organise suivant sa loi de finalité intérieure. À cette condition seule il réalisera son propre type. Qu’il arrive en parfaite santé à sa pleine croissance, il aura sa forme normale, il sera aussi beau qu’il puisse l’être.
5Ce jugement, par lequel nous déclarons beau tout être qui s’est développé suivant ses propres tendances organiques, est peut-être le plus objectif de tous ceux que nous pouvons porter. Qu’il y ait dans tout être organisé une tendance à prendre une forme déterminée, et que ce plein développement de son être soit pour lui un bien, cela ne peut être mis en doute.
6Pour chaque être organisé, il y a évidemment un certain mode de croissance qui peut être regardé comme le plus désirable. Que l’on croie ou non à une finalité intentionnelle dans la nature, l’idée de la forme normale n’en garde pas moins sa valeur objective : ce sera dans tous les cas le type dont l’être ne saurait s’écarter sans inconvénient.
7Si nous admettons, comme nous l’avons fait et comme il le faut bien, que la santé actuelle est un bien et par conséquent une beauté, nous devrons admettre que toutes les particularités de structure qui ont été déterminées par quelque cause pathologique sont défectueuses, anormales, anti-esthétiques ; nous ne devrons reconnaître comme normales que les formes auxquelles on arrive quand on s’est trouvé, à toutes les étapes de la croissance en parfaite santé.
8Dans son instructive étude sur La beauté de la femme, le docteur Stratz déclare vouloir inaugurer une nouvelle manière de juger la beauté humaine, en réservant, à côté du point de vue de l’artiste et de l’anatomiste, celui du médecin. « C’est seulement par la méthode négative, c’est-à-dire en éliminant les influences pathologiques, toutes les déformations du corps imputables au vêtement, à la nourriture, à l’hérédité, ou à un genre de vie mal approprié que nous parviendrons à fixer une figure humaine normale, un idéal de beauté, dont les incarnations individuelles peuvent être fort différentes les unes des autres, mais qui cependant reste soumis à des lois invariables, car la beauté accomplie est identique à la parfaite santé. Tel est l’unique moyen que nous ayons de trouver un critérium absolument sûr, reposant sur les faits eux-mêmes, et que nous puissions expliquer sans avoir à redouter les caprices du goût individuel1. » Je ne crois pas que ce critérium soit le seul dont nous disposions. L’auteur lui-même, à plusieurs reprises, a recours à d’autres principes. Mais la méthode est excellente. En l’appliquant systématiquement, on relèverait, dans nos jugements sur la beauté physique, bien des erreurs de goût. Les artistes eux-mêmes en ont souvent commis de singulières. Ils ont pris pour des beautés des particularités de structure qui correspondent plutôt à un vice de tempérament, par exemple au lymphatisme, à l’anémie. Le docteur Stratz montre comment Botticelli a sans le savoir fait d’un type de belle phtisique son idéal, et comment son exemple a entraîné Burne Jones à émacier de parti pris ses types d’adolescents et de jeunes filles.
9Je ne me suis pas inquiété de savoir quel rapport pouvait avoir ce type individuel de l’animal avec le type de son espèce. J’ai fait cette omission à dessein. L’idée de l’espèce a pris trop de place dans nos jugements esthétiques. Elle a sa valeur, que nous déterminerons tout à l’heure ; mais cette valeur est secondaire. Il est contraire au bon sens déjuger avant tout de la beauté d’un être par son plus ou moins de conformité avec le type de son espèce, comme si sa première obligation était de reproduire les caractères du groupe, et de s’écarter le moins possible de la définition que nous en aurons donnée. Pour savoir s’il est beau ou non, il n’est pas nécessaire de savoir comment sont faits les autres2. L’individu porte en lui-même tout le réel de sa beauté.
10Supposons, ce qui eût pu arriver après tout par simple relâchement des lois de l’hérédité, supposons qu’il n’y ait pas d’espèces végétales ou animales, mais que la nature tire toutes ses productions organiques à un seul exemplaire, comme un bon artiste qui ne se répète jamais. Dans cette conception, les types individuels perdraient-ils quoi que ce soit de leur valeur ? Un lion serait-il moins superbe, quand il serait unique au monde ? Rendons à l’individu son prix, et habituons-nous à juger sa beauté non du dehors, d’après des fins étrangères, mais du dedans, d’après sa finalité intérieure.
Type moyen de l’espèce
11La détermination des types spécifiques a donc passé longtemps pour un des problèmes les plus importants de l’esthétique.
12Ce problème se pose surtout au sujet des espèces dont le type est quelque peu flottant et variable. Entre deux renards de même âge il serait difficile de saisir une différence bien marquée, qui donne à chacun d’eux une physionomie individuelle. Ils ne sont pas identiques sans doute : il n’y a pas dans la nature d’êtres indiscernables. Mais les différences de taille, de coloration ou de forme que l’on pourrait signaler entre eux se réduisent à peu de chose. Ils sont vraiment jetés dans le même moule. Quand tous les représentants d’une espèce ont ainsi une forme à peu près identique, on a toutes raisons de croire que chacun d’eux a sa forme normale.
13Mais s’il se présente entre individus de même espèce des différences très accusées, il n’est pas vraisemblable que ces variantes soient d’égale valeur. On doit supposer que certaines modifications n’ont aucun inconvénient ou sont même avantageuses ; que d’autres sont nuisibles. Pour appuyer sur la différence, on dira que les unes sont permises, les autres défendues. Il devient très intéressant de chercher quelles sont, entre ces diverses formes individuelles, celles qui peuvent être regardées comme normales.
14Une seule méthode serait légitime et pourrait donner des résultats précis : examiner chaque type à part, noter ses particularités, et se demander jusqu’à quel point elles peuvent être utiles à l’individu qui les présente.
15En fait, nous ne faisons pas dans la pratique tant de calculs. Nous usons d’un critérium beaucoup plus simple. Nous jugeons normales les formes qui ne s’écartent pas trop de la moyenne.
16L’idée du type moyen de l’espèce, bien que très empiriquement déterminée3, a une certaine valeur esthétique.
17Il s’est forme, au cours de l’évolution, un certain nombre de types organiques : ce sont les espèces animales ou végétales. Ces types sont de valeur assez différente ; tous ne sont pas parfaits. Tels qu’ils sont cependant, ils répondent aux nécessités de l’existence, puisqu’ils sont viables. En se contentant de reproduire le type de son espèce, l’animal est au moins certain d’arriver à cette beauté, d’être suffisamment organisé pour vivre. S’il s’en écarte, peut-être cette anomalie lui sera-t-elle avantageuse. Mais comme elle est accidentelle, ce serait une grande chance si elle se produisait dans le sens utile. Le plus sûr pour l’individu est donc de ne pas trop s’écarter de ces formes traditionnelles, éprouvées par la vie, qui constituent le type normal de l’espèce.
18Nous admettrons que les proportions d’un être s’écartent de la moyenne, mais à la condition expresse que cet écart soit manifestement avantageux, et justifié par raison spéciale. Ainsi nous ne reprocherons pas à un homme d’avoir les épaules exceptionnellement larges, nous l’en admirerons au contraire parce que cela est signe de vigueur. Mais nous n’admettrons pas qu’il ait les pieds exceptionnellement longs, parce que cela ne peut lui servir à rien. Nous sommes choqués de voir à un homme des cheveux rouges, ou de nuance verdâtre ; ce n’est pas que cette couleur soit déplaisante en soi ; mais sans présenter aucun avantage spécial, elle s’écarte trop des tons ordinaires de la chevelure humaine : c’est une anomalie. Jugement arbitraire, dira-t-on ! Routine du goût ! Respect servile de la mode et des usages ! Non, dans cette antipathie instinctive il y a autre chose. Elle a ses raisons objectives. Ces anomalies nous sont à bon droit suspectes, comme dérogation à des usages justifiés par une longue expérience ; n’ayant aucune utilité appréciable, elles sont évidemment accidentelles ; elles nous donnent l’impression d’un organisme dans lequel il y a quelque chose de dérangé.
19Cette idée empirique du type moyen de l’espèce nous est donc utile dans la pratique et a une certaine valeur objective. Au reste elle est assez vague, et l’on ne peut fonder sur elle de jugements bien solides.
20Pour lui donner plus de consistance, on a essayé4 de la déterminer scientifiquement. La chose est facile. Il suffit de procéder par statistiques. On relève les mesures d’un certain nombre d’individus pris au hasard, on en prend la moyenne, et l’on a ainsi tous les éléments requis pour déterminer les proportions de l’homme moyen. Il serait même possible, en reliant d’un trait continu les points ainsi obtenus, d’obtenir un dessin schématique qui nous permettrait de nous représenter visuellement cet idéal.
21Je doute cependant que ces recherches présentent pour l’esthétique un intérêt majeur.
22Le type moyen se trouve compris parmi les types normaux ; il a donc une certaine beauté ; mais on n’a aucune raison pour lui attribuer une beauté éminente. Pourquoi la perfection serait-elle dans cette moyenne arithmétique ? De ce qu’en fait les proportions esthétiques du corps varient entre certaines limites qui ne peuvent être dépassées sans inconvénient, il ne s’en suit nullement que l’optimum soit précisément au centre de l’intervalle compris entre ces deux limites. Considérons par exemple les variations de la taille. On peut dire qu’une belle taille ne doit être ni trop grande ni trop petite ; il ne faut être ni un géant ni un nain ; mais nous n’en saurions conclure que la belle taille est précisément la taille moyenne. Pourquoi celle-ci serait-elle particulièrement avantageuse, ou prouverait-elle un meilleur tempérament ? Comme le fait remarquer Cournot5 dans la critique très pénétrante qu’il a faite de l’idéal moyen, les causes qui tendent à abaisser la taille normale sont plus nombreuses que celles qui tendent à l’élever ; en sorte que la moyenne des tailles doit être plutôt au-dessous du niveau exigible. Il serait d’ailleurs tout à fait impossible de déterminer exactement ce niveau. On ne saurait dire, à quelques centimètres près, quelle doit être la taille d’un homme bien constitué. L’idéal est nécessairement très flottant, et en essayant de le préciser, on fausserait plutôt la notion que nous devons nous en faire. La méthode la plus empirique ; celle qui consiste à établir le type normal sur une simple moyenne d’impressions, serait préférable encore à ce procédé pseudo-scientifique, à ces fausses précisions. Défions-nous des solutions simplistes. La ligne de beauté n’est pas dans le trait moyen ; elle n’est pas non plus à une distance déterminée de ce trait ; mais elle s’en approche, s’en éloigne, et parfois se confond avec lui6. Le sculpteur qui se propose de représenter un beau corps repétrit la forme moyenne, lui ôtant ici quelque chose pour l’ajouter là ; et il change ainsi toutes les proportions.
23La forme normale ne peut être enfermée dans un canon précis ; elle comporte une certaine latitude. Il y a un certain nombre de types humains équivalents, obtenus par de légères modifications dans les proportions moyennes ; nous devons supposer que ces modifications sont permises, n’ayant aucune raison pour les croire défendues.
24Le mot de chêne nous suggère l’image d’un arbre de haute stature, au tronc droit et rugueux, aux branches noueuses, dont les feuilles ont une forme caractéristique ; mais cette image est nécessairement très vague, très indistincte ; et elle doit l’être, pour avoir une généralité suffisante. Si on essaie de la préciser, elle ne représentera plus le chêne, mais l’image d’un chêne particulier. La ressemblance que tous les chênes ont entre eux est une ressemblance abstraite, consistant dans la présence de caractères communs. Jamais l’idée ne viendra à personne de construire par un procédé quelconque, par superposition d’images, ou par calcul de moyennes, le type idéal du chêne, et de mesurer ensuite la beauté des individus d’après leur plus ou moins grande conformité à ce type. Qu’ils aient telle ou telle disposition particulière de rameaux, peu importe, ils sont libres de se développer à leur guise, pourvu qu’ils se conforment seulement à la loi de croissance de l’espèce. Ce que nous disons de ce type organique, nous le dirons de tout autre. Dans toute espèce il y a une forme normale, ou plutôt une normale des formes, qui peut être définie d’une manière abstraite, et même jusqu’à un certain point représentée par une image ; mais elle autorise toujours des modifications individuelles plus ou moins amples : toute tentative pour la déterminer avec précision est un leurre.
25Il n’y a qu’une façon de déterminer les formes normales d’une espèce ; c’est de les chercher dans les individus qui sont nés et ont grandi dans les conditions les plus favorables de développement. Si après avoir éliminé tous les exemplaires de l’espèce manifestement défectueux, ceux dans lesquels on peut signaler une tare héréditaire, une cause de dégénérescence ou une évidente difformité, on trouve encore une certaine variété de types, il faut les considérer comme également normaux. Ce n’est pas à dire pour cela qu’ils seront tout à fait équivalents ; on peut avoir quelque raison objective pour attribuer aux uns plus de beauté qu’aux autres ; on admirera davantage ceux qui ont une supériorité quelconque d’organisation, qui sont les mieux armés, les plus robustes, les plus agiles, ou les plus brillants de couleur, ou les plus gracieux d’allure ; on peut en un mot établir encore entre eux une hiérarchie, au nom d’un principe esthétique quelconque, mais ce sont des considérations d’ordre tout différent, qui n’ont plus aucun rapport avec le type spécifique ; nous jugeons ces individus chacun pour leur compte, comme nous le ferions s’ils n’appartenaient pas à la même espèce.
De l’idéal spécifique
26Non seulement nous nous refuserons à voir dans le type moyen l’idéal de l’espèce ; mais nous doutons fort qu’il soit possible d’assigner à l’espèce un idéal déterminé quelconque.
27Il est facile de voir par quelle série de réflexions on en est arrivé à accorder tant d’importance à la détermination du type spécifique. Laissons-nous aller un instant à ce courant d’idées.
28Quand on considère la variété et l’originalité des formes végétales ou animales, par analogie avec les procédés de l’art humain on se les représente volontiers comme autant d’idées plastiques qui auraient été préconçues avant d’être réalisées par la nature ; quand on admet surtout, comme une expérience sommaire devait le faire croire, que les espèces sont immuables et par conséquent n’ont pu être formées que d’un coup, par création instantanée, cette façon de se représenter leur genèse devient plus vraisemblable encore. La croissance des êtres nous apparaît donc comme régie par une idée directrice formée d’après un modèle idéal, bien déterminé, particulier à chaque espèce ; et ils devront être estimés d’autant plus beaux qu’ils se rapprocheront davantage de cet idéal. Dès lors la tâche de l’esthétique se trouve toute indiquée. Il s’agit de retrouver ce type idéal de l’espèce. Le problème à résoudre semble au premier abord très difficile. Les conditions en sont déconcertantes. La nature ne nous a pas mis dans ses confidences. Nous la voyons à l’œuvre sans pouvoir l’interroger. Muette, patiente, elle travaille. Des formes apparaissent, presque toutes magnifiques. Mais rendent-elles exactement son idée ? Entre toutes les variantes d’un même type, quelle est la plus conforme à ses intentions secrètes ? Voilà ce qu’il nous faut découvrir. – La difficulté pourtant n’est pas insurmontable. Le type de l’espèce ayant une valeur objective, puisque les formes organiques ont une réelle tendance à le reproduire, il doit nous être possible de le reconstituer. On nous montrerait un certain nombre de médailles assez dissemblables, frappées à l’effigie d’un même souverain, qui ne nous serait d’ailleurs connu que par ces médailles mêmes : en procédant avec quelque méthode, nous finirons par déterminer quelle doit être l’effigie la plus ressemblante. De même pour le type de l’espèce. Peut-être n’a-t-il jamais été réalisé dans sa perfection. Mais à l’aide des copies défectueuses que nous en possédons, nous pouvons le reconstituer méthodiquement. En opérant sur un nombre de cas suffisant, nous le verrons se dégager des causes accidentelles qui tendent à l’altérer. Les variations accidentelles se neutralisant à la longue, il devra finir par nous apparaître dans sa pureté. Telle est la fonction propre de l’artiste. Il construit des figures idéales, dans lesquelles il s’efforce de se représenter la forme animale ou la forme humaine dans sa généralité typique, dégagée de tous les accidents du tempérament individuel, et il obtient ainsi des images d’une surprenante beauté, d’une majesté souveraine, parce qu’elles réalisent l’idée même de l’espèce !
29Toutes ces idées se tiennent. Admettez l’hypothèse initiale, c’est-à-dire l’existence objective d’un type idéal et fixe suivant lequel tendraient à s’organiser tous les êtres de même espèce, tout le reste s’ensuit logiquement ; et nous voilà autorisés à reconnaître dans le type spécifique l’idéal de beauté. Mais nous ne pouvons plus admettre la fixité de l’espèce. Dès lors toute la métaphysique du beau que l’on a fondée sur cette hypothèse, et l’art qui en est l’expression, se trouve porter à faux. Tout le système s’écroule. La théorie de l’évolution, qui a renouvelé les sciences de la nature, doit transformer à son tour l’esthétique. Il est impossible que nous conservions des principes de goût et une forme d’art qui reposent sur des idées surannées. La nature n’a pas d’idées fixes ; les espèces se transforment ; il nous est impossible de croire que les organismes, dans leurs variations individuelles, tendent à se rapprocher d’une forme idéale, d’un éternel modèle dans lequel serait leur perfection7. Qu’on ne nous parle plus, si ce n’est par métaphore, du génie de l’espèce travaillant à modeler toutes les formes individuelles suivant un idéal commun. Chaque organisme a son génie particulier. Dans ces conditions, la détermination du type spécifique n’a plus qu’une très médiocre importance esthétique. L’individu doit être jugé en lui-même et non d’après son espèce ; il n’y a d’intérêt à le comparer à son groupe que pour apprécier sa valeur relative en cherchant s’il est ou non ce que l’on peut trouver de plus parfait en son genre. C’est ainsi que l’on jugera de la beauté d’une machine, d’une locomotive par exemple, par comparaison avec les machines de même espèce, mais sans songer un instant à tirer de cette comparaison un type spécifique, qui serait l’idéal de l’espèce locomotive.
30Gardons-nous surtout de la tendance que nous avons à donner un idéal commun à diverses espèces.
31Comme nous jugeons de la beauté des individus d’après leur conformité au type moyen de leur espèce, nous sommes portés à juger de la beauté des espèces d’après leur conformité au type moyen du genre ; et même, étendant encore ce principe, nous jugeons des genres eux-mêmes d’après une sorte d’idéal commun, qui serait comme la norme de tous les types animaux. On dira par exemple que la tête du lion est trop grosse, celle de l’autruche trop petite ; on trouvera démesurément allongés les membres de la girafe. Sur quoi se fonde-t-on pour parler ainsi ? Ce n’est pas sur des raisons de finalité ; c’est seulement sur une moyenne d’impressions. Ces proportions nous choquent comme s’écartant trop de celles que nous sommes habitués à rencontrer chez la plupart des animaux. Il est évident qu’il y a là un abus. En dehors de l’espèce, le principe des moyennes perd toute signification. Il n’est pas vraisemblable que la nature se soit proposé de donner à tous les animaux les mêmes proportions, et ne se soit écartée de cet éternel modèle que par maladresse ou accident. Il est vraisemblable au contraire que ces extrêmes différences ont leur raison d’être ; plus elles sont fortes, plus il y a lieu de croire qu’elles résultent d’une adaptation. Ces types, qui nous semblent excentriques parce qu’ils s’écartent beaucoup de la moyenne, sont peut-être les plus logiques de tous : le principe qui a présidé à leur organisation a été appliqué systématiquement, jusque dans ses dernières conséquences ; et c’est ce que notre routine prend pour de l’exagération.
32Dans l’espèce même, quand il se présente des races bien caractérisées, il n’y a aucune raison pour les rapporter à un idéal commun ; il vaudrait mieux établir pour chaque race une moyenne particulière. Il est probable en effet qu’ici encore les types extrêmes ont leur raison d’être et sont adaptés à un mode d’existence différent ; il est possible que ceux qui s’écartent le plus de la moyenne soient les plus parfaits. Dira-t-on que le chien idéal doit tenir un juste milieu entre le dogue, le lévrier et le caniche ? Dira-t-on que les plus beaux nègres sont ceux dont le type se rapproche le plus du blanc, et que les plus beaux blancs sont ceux qui ressemblent le plus à des nègres, l’idéal étant entre les deux, dans le mulâtre ? Ce seraient autant d’absurdités esthétiques ; c’est pourtant à cette conséquence qu’il faudrait aboutir, si l’on appliquait dans l’espèce le principe de l’idéal commun. Il y a plus de chance de trouver la beauté dans les races pures, nettement différenciées, que dans les types neutres, croisés et moyens.
33La théorie de l’idéal spécifique nous induisait à blâmer les variations individuelles ; elle imposait, aux types organiques, au moins dans les limites de l’espèce, une loi de convergence, et l’obligation de se rapprocher autant que possible du commun idéal. Abandonnant cette théorie, notre esthétique admettra les divergences.
34Nous trouvons une première divergence nécessaire dans la différenciation de l’idéal masculin et de l’idéal féminin ; puis la différenciation des races, qui doivent chacune avoir leur idéal particulier ; et dans la même race, il est nécessaire encore d’établir un certain nombre de types qui auront chacun leur beauté propre. Tous les hommes sont tenus d’avoir des formes normales ; mais dans ces limites, les variations individuelles sont autorisées, et je dirai même recommandées. Pourquoi seraient-ils tenus de se tous ressembler ? Il y a au contraire un intérêt social à ce qu’apparaissent des types humains différenciés, adaptés à des fonctions diverses ; la seule limite à cette différenciation est justement que les types individuels, par excès d’originalité, ne deviennent pas excentriques et insociables. Cette divergence des types augmente la valeur propre de l’individu ; pour être vraiment quelqu’un, il faut n’être pas comme tout le monde. Elle augmente la valeur totale de l’espèce. L’humanité, prise dans son ensemble, nous apparaîtra comme quelque chose de plus beau et de plus riche, si elle nous présente un plus grand nombre d’individualités distinctes, ayant leur caractère propre. Supposez que tous les animaux aient été organisés sur le même type ; cette reproduction constante d’une même forme à un nombre indéfini d’exemplaires ne vaudrait pas assurément la variété des formes actuelles. Il en est de même dans l’espèce ; la différenciation des types a aussi sa valeur. Elle rend plus désirable la multiplication des individus. Qu’il y ait sur la terre un millier de mouches ou des centaines de milliards, qu’importe, c’est toujours la même mouche. L’espèce peut pulluler plus ou moins, cela est à peu près indifférent. Mais qu’il y ait plus ou moins d’hommes sur la terre, cela est très important s’ils sont suffisamment différenciés. Chacun d’eux apparaît comme un exemplaire unique, comme un modèle original, qui ne saurait être remplacé ; et la valeur totale de l’espèce augmente avec le nombre total de ses représentants.
Tout organisme est d’autant plus beau qu’il est mieux adapté à ses fins
35Dans tout être vivant nous pouvons admirer une organisation, une convergence d’un nombre prodigieux de moyens vers une fin commune, une finalité telle que déjà, dès les plus humbles formes de la vie, elle dépasse l’intelligence humaine. Que la vie ait pu apparaître en ce monde, c’est là le plus grand prodige. Dans un insecte minuscule, dans un brin d’herbe, il y a plus de beauté que dans toutes les montagnes du globe et toutes les vagues de l’océan. De l’avènement des êtres organisés dans la nature inorganique date vraiment le règne de la beauté.
36Ici encore nous pouvons réserver la question de savoir comment a été obtenue la finalité.
37Pour admirer l’organisation animale, nous n’avons pas besoin de savoir si cette manifeste finalité est intentionnelle ou non. La finalité ne suppose pas nécessairement la conscience. Il y a d’autres façons de tendre à un but que de le voir. Qu’importe d’ailleurs à la valeur intrinsèque de l’œuvre la manière dont elle a été faite ? Nous souscririons volontiers à ces paroles de Viollet-le-Duc (Dictionnaire raisonné d’architecture, article Style) : « Si la forme indique nettement l’objet et fait comprendre à quelle fin cet objet est produit, cette forme est belle, et c’est pourquoi les créations de la nature sont toujours belles pour l’observateur. Nous trouverons du style dans le mécanisme des ailes de l’oiseau de proie, comme nous en trouverons dans les courbures du corps du poisson, parce qu’il ressort clairement de ce mécanisme et de ces courbes si bien tracées que l’un vole et l’autre nage. Il ne nous importe guère, après cela, que l’on vienne nous dire que l’oiseau a des ailes pour voler, ou qu’il vole parce qu’il a des ailes. Il vole, et ses ailes sont une machine lui permettant de voler. La machine est l’expression exacte de la fonction qu’elle remplit ; nous autres artistes, nous n’avons pas besoin d’aller plus loin. » Nous estimons donc que toutes les considérations dans lesquelles nous allons entrer sur la beauté de finalité dans les organismes sont indépendantes de l’explication physique ou métaphysique que l’on donnera de cette finalité. Qu’on l’attribue à un concours aveugle de causes mécaniques, à un instinct des cellules vivantes, à l’intervention constante d’une âme qui serait comme la providence particulière de ce petit monde, à un esprit universel ordonnant à la fois le monde entier, elle restera ce qu’elle est et devra être jugée d’après la valeur propre des résultats obtenus.
38Cette beauté paraîtra d’autant plus grande que l’on entrera plus avant dans la connaissance de la vie. Un regard superficiel jeté sur les êtres vivants nous montre en eux des formes plus ou moins élégantes, une certaine harmonie de proportions ; mais il ne nous révèle pas les merveilles d’industrie qui ont été réalisées dans la structure du corps. Quand on étudie seulement d’un peu près le squelette d’un mammifère et la façon dont s’emboîtent les vertèbres, la carapace d’un crustacé et le jeu de ses articulations, si bien décomposé en mouvements simples, on est émerveillé de l’ingéniosité des combinaisons. Celui qui ne sait comment est faite une montre pourra en admirer le boîtier et vérifier si elle marche bien, il n’en saurait apprécier la beauté mécanique. Pour apprécier la beauté physiologique des êtres vivants, il faut savoir quel est le jeu des organes internes, comment ils sont en dépendance réciproque les uns des autres, comment s’accomplissent leurs fonctions essentielles. On craint parfois que la science, en nous faisant voir les choses telles qu’elles sont, ne leur enlève leur attrait esthétique : à qui saurait pénétrer par la pensée le mystère de leur structure intérieure, les corps vivants sembleront-ils encore aussi beaux ? Nous répondrons au contraire qu’à cette condition seule on peut se rendre compte de leur réelle beauté.
39L’organisme des animaux est donc en général merveilleusement approprié à ses fins. Il ne faut pourtant pas tout louer indistinctement et jusqu’à l’hyperbole, en des surenchères d’admiration. Il ne s’agit pas ici de nous abandonner au délire sacré, et de chanter à notre tour notre hymne à la nature, mais, j’emploie à dessein cette formule réfrigérante, de mettre les choses au point.
40C’est un des principes rationnels de l’art décoratif, que jamais le décor ne doit devenir encombrant au point de rendre l’objet impropre à son usage. Ce principe a parfois été méconnu dans l’organisation animale. On n’oserait admirer cette excroissance de chair qui retombe sur le bec du coq d’inde. Le cerf de la fable déplorait ses jambes grêles et admirait ses bois majestueux. Il avait bien tort en effet, car ses jambes sont parfaites et ses bois discutables. Qu’on les regarde comme une arme, comme un outil ou comme un ornement, ils seront également difficiles à justifier. Ils font bien dans le paysage, nous les trouvons pittoresques ; mais sont-ils réellement beaux ? Cette ramure compliquée sur la tête d’un animal est étrange : au moment surtout où elle bourgeonne, elle est d’un bien fâcheux effet. Le système pileux, dans l’espèce humaine, est-il parfaitement compris ? La chevelure est belle, comme luxe d’une chose utile. Mais l’homme a-t-il lieu d’être fier de sa barbe ? Elle ne nous choque pas parce que nous sommes habitués à la voir. Elle rentre dans le type normal de l’homme. Mais il est difficile d’y voir une réelle beauté.
41Les armes offensives ou défensives dont se hérissent certains animaux sont excusables par leur utilité ; elles leur enlèvent pourtant leur forme propre, ce qui est esthétiquement fâcheux : le hérisson, le porc-épic, par exemple, ne sont plus qu’un faisceau de dards. Quand un insecte, pour se dissimuler par mimétisme, prend l’aspect d’une feuille, d un rameau desséché, d’une épine, d’un petit tas de poussière, il n’a plus sa beauté à lui. Quelques-uns ont imaginé, pour désarmer leurs ennemis par le dégoût, de se rendre répugnants à voir, visqueux, pustuleux, nauséabonds : le moyen est très efficace, mais manque un peu de dignité.
42Chez un grand nombre d’animaux, on trouve des organes atrophiés qui ne sont conservés que par une sorte de routine organique : l’homme lui-même n’est pas exempt de ce défaut8. On peut signaler, dans le même ordre d’idées, une tendance de la nature à utiliser, en les appropriant tant bien que mal à des exigences nouvelles, des appareils primitivement destinés à d’autres fonctions. Du même organe elle fera une nageoire, une patte, un bras, une aile, et elle arrivera à force d’ingénieuses retouches à leur faire remplir ces fonctions diverses : il eût été plus élégant et plus pur de créer de toutes pièces pour chaque fonction un organe spécial. Dans un certain nombre d’espèces animales, on trouvera des organes en voie d’évolution, qui ne sont pas encore suffisamment appropriés. En attendant, ils sont assez incommodes.
43Il est de bonne règle que les organes d’un animal soient aussi différenciés que possible, chacun d’eux étant spécialement affecté à une fonction. Or, il y a dans presque tout organisme des appareils à plusieurs fins, qui sont assez mal adaptés à l’un de leurs usages. Les membres de l’otarie, qui forment un appareil natatoire vraiment admirable, servent bien mal l’animal quand il est obligé de se déplacer sur le sol : rien de plus pénible à voir et de plus gauche que cette sorte de reptation.
44Dans les espèces les plus perfectionnées, il y a d’inutiles complications d’organisme. On voit bien que la main-d’œuvre ne coûte rien à la nature. Elle n’hésite pas à obtenir par les moyens les plus compliqués ce qu’il lui serait possible et ce qu’elle est réellement capable d’obtenir par des moyens beaucoup plus simples : ainsi la fécondation, qui dans certaines espèces végétales et animales est assurée par des combinaisons d’une étonnante complexité, quand dans des espèces voisines on trouvera une solution beaucoup plus simple et plus pratique du même problème. Elle vise en général à la sobriété dans la forme extérieure, mais nullement dans l’organisation interne. Cela se constatera surtout, dans l’appareil moteur, où il nous est plus facile de nous rendre compte de ce qui pouvait être fait. En effet, si l’homme est médiocre juge de la beauté physiologique, qui exigerait pour être appréciée à sa juste valeur une science supérieure à celle que nous possédons actuellement, dans les questions de pure mécanique il a une compétence particulière9. Sur ce point très spécial, il pourrait discuter avec la nature et parfois lui marquer des fautes. Un ingénieur n’aurait pas de peine à trouver dans bien des cas des dispositions musculaires plus simples et aussi efficaces que celles qui ont été adoptées. Tous les mouvements de rotation de l’œil, par exemple, auraient pu être obtenus avec trois muscles droits convenablement attachés. La complication en soi n’est pas un défaut. Nous pouvons même poser en principe que la beauté d’un être est en raison de la complexité des moyens requis pour que sa fin soit réalisée. Qu’il s’agisse en effet d’une production intentionnelle de l’art humain ou d’une production spontanée de la nature, plus ces moyens seront complexes, plus nous aurons lieu d’admirer. Dans l’œuvre d’art nous admirerons l’intelligence ordonnatrice qui a réussi à combiner toute cette série de moyens. Dans les productions de la nature, nous admirerons l’harmonie des forces multiples qui ont dû concourir à réaliser la fin. Dans les deux cas, la valeur de l’œuvre croîtra avec sa complexité, qui lui donnera le mérite de la difficulté vaincue. Comme d’ailleurs les moyens requis pour que la fin soit réalisée doivent être d’abord réalisés eux-mêmes et par conséquent sont eux aussi des fins poursuivies, on peut dire que l’œuvre plus complexe renferme une plus grande somme de finalité. Mais il doit être entendu que la complexité des moyens n’ajoute au mérite qu’autant qu’elle est vraiment requise. Obtenir par des moyens très compliqués un résultat qui pourrait être obtenu par des moyens beaucoup plus simples, c’est perdre des forces auxquelles on pourrait trouver un meilleur emploi, et mal utiliser celles qui auraient dû suffire : c’est donc un défaut de finalité. Nous avons parfois à le relever dans la nature.
Notes de bas de page
1 Dr C. H. Stratz, La beauté de la femme, trad. R. Waltz, « Introduction », p. 2 sq.
2 Comme le remarque C. Adam (Essai sur le jugement esthétique, Hachette, 1885, p. 14), force nous est de juger en eux-mêmes et non d’après le type de leur espèce tous les animaux rares en nos climats, ou exotiques.
3 Voir l’originale explication psychologique qu’en donne Kant, par la superposition des images. Critique du jugement, LI, § XVII, cf. le procédé photographique des images composites.
4 Quetelet, Fritsch, Paul Richer. V. son Canon des proportions du corps humain et son Introduction à l’étude de la figure humaine.
5 Essai sur le fondement de nos connaissances, Hachette. 1851, t. I, p. 374. Voir aussi la remarquable démonstration par laquelle il prouve que le type que l’on obtiendrait par ce procédé de moyennes risque beaucoup d’être physiologiquement et même géométriquement impossible. Ce serait un hasard merveilleux si toutes les mesures ainsi prises s’ajustaient ensemble de telle sorte que la figure pût se construire.
6 M. Griveau (voir ses Éléments du beau, Paris, F. Alcan, 1892, et sa Sphère de beauté, Paris, F. Alcan, 1901) a établi cette loi, qu’en général nous ne mettons pas notre idéal dans le juste milieu, qui marquerait au contraire la zone d’indifférence du goût ; mais en deux points situés l’un en deçà, l’autre au-delà. Déjà nous avons trouvé, dans l’effet esthétique de la sensation lumineuse, une manifeste application de cette loi.
7 Tout au plus peut-on croire que les formes plastiques, dans leur évolution, ont une tendance à s’arrêter à certaines positions d’équilibre plus stables que d’autres, ou particulièrement avantageuses, ce qui restreindrait le nombre des combinaisons possibles et donnerait à la notion du type spécifique une certaine objectivité.
8 Voir pour les détails Darwin, La descendance de l’homme, et Élie Metchnikoff, Études sur la nature humaine, chap. iv.
9 On n’apprécie pas toujours à sa juste valeur la beauté des machines, qui sont un produit vraiment merveilleux de notre art. Une locomotive, un car électrique, un navire à vapeur, en attendant l’aéronef, c’est le génie humain qui passe. Dans cette lourde masse que dédaignent les esthètes, triomphe apparent de la force brute, il y a autant de pensée, d’intelligence, de finalité, ou pour tout dire en un mot, d’art véritable que dans un tableau de maître ou dans une statue.
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