Chapitre III. Les droits de la raison sur le goût
p. 51-70
Texte intégral
Objections à la méthode rationnelle
1Nous apprendre à mieux discerner la beauté, rectifier les erreurs dans lesquelles nous tombons quand nous discutons à la légère des choses de la littérature et de l’art, ce serait sans doute une tâche utile, pour laquelle l’esthétique rationnelle, de par son programme, semble spécialement faite. Voyons jusqu’à quel point elle peut y réussir. Ici encore, essayons de plaider contre nous-mêmes.
2Si bien élaborées qu’elles puissent être, toutes les théories rationnelles, pourrait-on dire, ont un défaut irrémédiable, parce qu’il tient à l’essence même de la faculté qu’elles mettent en jeu : c’est de s’en tenir forcément aux généralités. De toutes les dissertations que l’on a écrites jusqu’ici sur le beau en soi, il serait difficile de tirer une règle précise, applicable à la critique d’art. J’en juge par l’embarras que les esthéticiens eux-mêmes éprouvent, quand ils ont à nous donner quelque consultation sur les œuvres non classées encore de l’art contemporain.
3Il est facile de pontifier devant les chefs-d’œuvre consacrés. À les proclamer admirables, on ne risque pas grand-chose. On n’aura pas de peine à vérifier sur eux les théories que précisément l’on a faites d’après eux. Autre chose est d’entrer dans la mêlée, de se prononcer entre les écoles contemporaines. Il est plus délicat de juger les vivants que les morts. Le plus grand métaphysicien du monde serait embarrassé pour écrire un Salon au pied levé.
4L’habitude de la déduction aura développé en lui l’esprit de géométrie : ce que le goût exige, c’est l’esprit de finesse. Les spéculations sur le beau en soi ne nous apprennent pas plus à discerner la beauté réelle, que la plus docte dissertation sur la nature de l’espace ne nous apprendrait à nous orienter. Dans un passage célèbre de son Théétète, Platon nous fait le portrait des philosophes. Il nous les montre distraits des réalités de la vie comme ce Thalès qui, tout occupé d’astronomie et regardant en l’air, se laissa tomber dans un puits. À quelques retouches près, vous aurez là le portrait de l’esthéticien. Lui aussi, quand il descend des hauteurs de la théorie, « il est exposé à la dérision de la foule, qui le raille à la fois de son apparent dédain, de son ignorance des hommes et de son impuissance à se tirer d’affaire ». Convaincu de la sûreté de ses méthodes, il se préparait, quand il en arriverait aux applications particulières, à nous faire la leçon. Le voilà pris de court, et obligé, comme le vulgaire, de s’improviser une opinion. Mais à ce jeu il est plus novice que personne. Il a perdu l’aptitude à juger des choses par l’impression immédiate. Le goût qu’il a voulu avoir gâté celui qu’il avait. Il sent qu’il faudrait parler, craint de se compromettre, tend l’oreille du côté des professionnels pour saisir quelque mot qui le mette sur la voie. C’est une pénible épreuve.
5À défaut de la finesse, de la sagacité, de l’aptitude à reconnaître au premier coup d’œil le talent et la beauté, l’esthétique rationnelle, avec ses méthodes pesantes et laborieuses, nous donnera-t-elle au moins les qualités solides du goût, la sûreté, la correction, le bon sens esthétique ? Fera-t-elle disparaître nos préjugés ? Redressera-t-elle nos erreurs ? À nos opinions mobiles, incertaines, contradictoires, substituera-t-elle des jugements fermes, solides, cohérents, qui fassent loi ?
6Avant de nous donner des leçons de goût, les théoriciens devraient commencer par se mettre d’accord entre eux.
7Ont-ils seulement réussi à s’entendre sur la définition de la beauté ? Lisez un livre d’esthétique, vous croirez savoir ce que c’est que le beau. Lisez-en plusieurs, vous ne le saurez plus. Vous entendez sonner trop de cloches, vous ne distinguez plus aucun son. Entre tant d’idées qui se contredisent, il est bien difficile de faire un choix. Quelle que soit celle que vous adoptiez, les objections vont donc affluer. Vous les entendez d’avance : Baumgarten a dit la même chose ! Kant a prouvé le contraire ! Et il vous faudra répondre. Vous retomberez dans les chicanes de mots, et les stériles controverses d’école. Si l’on se proposait justement ce résultat, d’affoler le goût, de le désorienter, de le rendre à tout jamais incapable de se prononcer nettement sur aucune question de littérature ou d’art, on ne saurait recommander de moyen plus sûr que de lire à la suite un certain nombre de livres d’esthétique. Quelques théoriciens, pour nous préparer à mieux goûter leur doctrine, ont soin de récapituler d’abord et de discuter sommairement les divers systèmes proposés avant eux ; l’effet est infaillible : on est complètement étourdi.
8Jusqu’au jour où l’esthétique rationnelle sera faite, le goût reste le seul critérium dont nous disposions pour juger de la beauté. Voilà un premier point acquis, et qui doit déjà faire disparaître bien des perplexités. Nous voyons au moins de quel côté nous devons aller. Que la voie qui s’ouvre devant nous soit plus ou moins aisée, nous devons nous y engager résolument, puisque c’est la seule que nous puissions prendre. Le goût a-t-il les défauts qu’on lui a reprochés ? S’il les a vraiment, et qu’ils soient irrémédiables, nous devrons en prendre notre parti. Quand nos yeux seraient des instruments très imparfaits, il faut bien que nous nous en servions pour voir. Mais il semble que ses défauts ont été bien exagérés.
9Est-il vrai par exemple que les goûts soient aussi flottants et indécis qu’on veut bien le dire ?
10Quelquefois il est vrai, après l’avoir consulté, nous hésitons. Mais si l’on allait au fond de ces hésitations, peut-être trouverait-on que le plus souvent elles ne sont pas imputables au goût même. Parfois il se prononce très nettement ; je n’ai aucune peine à me rendre compte de mes impressions : mais je n’ose les exprimer. Une sorte de respect humain m’empêche d’avouer que telle tragédie, réputée chef-d’œuvre, m’ennuie ; que tel drame, fort discrédité, me charme. Ou bien encore je manque de termes pour rendre la nuance très précise, trop précise du sentiment que j’éprouve ; il tombe pour ainsi dire entre deux mots, et je ne sais auquel m’arrêter. Cela est-il beau, oui ou non ? À cette question, brusquement posée et presque brutale, mon goût ne sait que répondre.
11Que je dise oui ou non, je rendrai mal la nuance de mon impression. Je jouissais de la vue de l’objet ; je lui trouvais un certain charme, une certaine grâce que le mot de beauté ne rendrait que d’une manière insuffisante. Cela n’est pas beau au sens usuel du mot ; mais cela n’est pas laid non plus. On me somme de choisir entre deux épithètes dont aucune ne convient exactement à l’objet. Aux questions de sentiment nous devrions bien savoir que presque jamais il n’est possible de répondre immédiatement d’un mot, et que d’ordinaire, plus la question sera nette et pressante, plus la réponse devra être évasive. En présence de l’objet qu’il s’agit d’apprécier, demandons-nous simplement quelles sont nos impressions. N’essayons même pas de les traduire en formules verbales, contentons-nous d’en prendre conscience. Ainsi consulté, le goût nous répondra. Si l’objet ne nous suggère que des sentiments vagues et indécis, en un mot s’il ne nous dit rien, cela même sera une indication précise.
12Est-il vrai encore que les goûts aient tant de peine à s’accorder entre eux ?
13Ils ne semblent différer à ce point, que parce que nous les subordonnons à des théories. Chacun a ses principes, dont il se fait une arme. Chacun invoque la raison, qu’il croit avoir de son côté. C’est en son nom qu’on se dispute avec le plus d’aigreur. Remarquons-le : c’est surtout dans les manifestes, dans les débats théoriques qui s’élèvent autour d’une œuvre d’actualité, dans les articles de pure polémique que se produisent ces âpres discordances. Dans la pratique, les goûts se montreraient plutôt conciliants ; livrés à eux-mêmes, ils iraient d’instinct aux mêmes œuvres. Quand le fracas de ces discussions, quand ce tumulte factice s’est apaisé, de nouveau se forme une opinion moyenne et relativement stable. Les boussoles, un instant affolées, reprennent une même orientation.
14Cela ne prouve-t-il pas que ces divergences étaient superficielles et de pure opinion, mais qu’au fond on avait à peu près les mêmes préférences ? On peut donc tenir pour certain que ces conflits d’opinions ne sont pas imputables au goût lui-même. Le meilleur moyen de les éviter, ce ne serait pas, comme on nous invite à le faire, de raisonner davantage. Ce serait au contraire de raisonner le moins possible. Les défauts que l’on a reprochés au goût, loin de tenir à un vice de nature qui les rendrait irrémédiables, tiennent au contraire à ce que l’on ne consulte pas le goût assez franchement, à ce qu’on le contrarie, à ce qu’on le dénature ; de sorte que le remède est simplement de l’abandonner à lui-même. Il nous faut reprendre notre fraîcheur d’impressions, oublier tout ce que nous avons entendu dire de la beauté, regarder les choses simplement, naïvement, avec des yeux d’enfant. Il est probable que nos sentiments, ainsi rendus à leur véritable essence, purifiés de cet élément intellectuel qui les avait dénaturés, se mettront d’eux-mêmes en harmonie. Affirmons librement nos préférences ; déclarons belle toute chose qui nous fera l’effet de l’être ; abandonnons-nous sans réserves aux indications du goût, nous aurons plus de chances de nous entendre.
Critique du pur impressionnisme
15Dans toute l’argumentation que nous venons d’exposer, on peut constater que pas un instant l’existence d’une vérité esthétique n’a été mise en doute. Le sens commun en effet se prononce à cet égard avec une grande fermeté. Il croit qu’il y a des choses vraiment belles, des choses vraiment laides. En cela nous sommes pleinement d’accord avec lui.
16Étant admis de part et d’autre qu’il existe une vérité esthétique, toute la question est de savoir comment nous pouvons arriver à la déterminer.
17Pour cela, nous dit-on, vous n’avez qu’à consulter votre goût. C’est la meilleure façon de juger de la beauté.
18Qu’est-ce donc que ce goût auquel on nous renvoie comme au véritable critérium de beauté ? Il importe de bien préciser le sens que l’on donne à ce mot.
19Dans l’acception vulgaire, le goût est simplement l’aptitude à discerner le beau. En ce sens le mot est d’un emploi commode, il désigne une chose pour laquelle nous n’avons pas de meilleure expression.
20C’est à cette signification qu’il vaudrait peut-être mieux s’en tenir. Elle n’implique aucune théorie spéciale, psychologique, ni esthétique. En quoi consiste cette aptitude ? Est-elle naturelle ou acquise ? Sur quoi se guide l’homme de goût pour se décider ? Est-ce sur la tradition, sur des théories, sur son impression personnelle, sur un raisonnement ? Nous n’en savons rien. Nous n’avons pas attendu pour donner un sens à ce mot que les psychologues aient répondu à toutes ces questions.
21Est-ce dans ce sens usuel et neutre que l’on prend le mot ? Alors j’admets pleinement que pour juger de la beauté des choses nous n’avons rien de mieux à faire que de consulter notre goût. Cela veut dire qu’il nous faut user de toutes les ressources dont nous disposons à cet effet. Cela va de soi, il n’y a même pas là matière à discussion. Mais il faut en même temps le reconnaître : cette recommandation très sage et presque naïve ne condamne nullement l’emploi du raisonnement.
22Quelles sont les facultés que le goût met en jeu ? Toutes les conjectures restent permises. Il se peut que parmi ces facultés la raison tienne en fait la première place, en sorte que consulter son goût, ce serait justement raisonner. Dans l’idée que l’on se fait communément du goût il n’y a rien en somme, absolument rien qui exclue l’emploi du raisonnement et des théories. Je puis même constater qu’en général le sens commun leur serait plutôt sympathique. Tout homme d’esprit simple, j’entends par là celui qui n’est pas entré dans nos querelles d’école, admettra sans difficulté qu’il y a des choses vraiment belles, des choses vraiment laides ; que le goût consiste à savoir les distinguer les unes des autres, et qu’il est bon pour y réussir de consulter les théoriciens qui se sont faits de ces questions une spécialité. Essayez au contraire d’insinuer qu’en matière aussi délicate nous sommes tous aussi compétents les uns que les autres et que sans aucune instruction préalable, à première vue, nous pouvons trancher toute question de goût, on ouvrira de gros yeux.
23Que veulent donc dire les théoriciens quand ils nous conseillent de recourir exclusivement au goût ? Certainement ils ne prennent pas le mot dans son acception large et usuelle ; ils lui attachent une signification précise, technique. Le goût n’est plus pour eux l’ensemble des facultés, quelles qu’elles soient, dont nous pouvons user pour apprécier la beauté des choses. Ils en excluent expressément tout ce qui est procédé intellectuel, réflexion, raisonnement, application de théories. Ils y voient une fonction de la seule sensibilité. En déclarant qu’il appartient au goût seul de juger du beau, ils entendent que ces jugements doivent être esthétiques au sens étymologique du mot, c’est-à-dire fondés sur le seul sentiment et prononcés par le sentiment même.
24Mais ici une dernière distinction s’impose. Que l’on excuse la minutie de ces analyses, elles ne sont pas du temps perdu. Mieux vaut consacrer quelques minutes à déterminer les points en litige que de se traîner indéfiniment dans les équivoques.
25Quand on présente le goût comme une fonction spéciale de la sensibilité, peut-être veut-on dire qu’il y a en nous une faculté toute spéciale, un véritable sens, qui nous aurait été donné à seule fin de percevoir la beauté ? Quelques théoriciens l’ont certainement entendu ainsi. À la façon dont ils parlent du goût on voit bien qu’ils le regardent comme un sens du beau, distinct, spécial, irréductible. On conçoit combien il importe de regarder de près à cette théorie. Les conséquences en seraient graves pour nous.
26Cette façon de concevoir le goût est évidemment la plus défavorable à notre thèse. S’il est vraiment cela, nous n’aurons plus rien à dire. Étant donné cette conception du goût, il serait en effet bien inutile de raisonner du beau. Pour savoir si une chose est laide ou belle, nous consulterions notre goût, comme nous consultons notre vue pour savoir si elle est rouge ou verte et notre tact pour savoir si elle est froide ou chaude. Déterminer par raisons théoriques la valeur esthétique d’une œuvre d’art, quand ou a un sens spécial qui nous l’indique immédiatement, cela serait aussi insensé que de spéculer à perte de vue sur la couleur que peut bien avoir un objet, quand nous l’avons sous les yeux et qu’il suffit de le regarder pour savoir aussitôt à quoi nous en tenir. Mis en présence d’un objet qu’il s’agit d’apprécier, gardons-nous de réfléchir, de penser, de raisonner, de construire des théories :attendons simplement pour le déclarer beau que la sensation caractéristique se produise !
27Tout cela est très logique : si nous admettons l’hypothèse, le reste s’ensuit et l’esthétique rationnelle est condamnée. Mais nous ne pouvons admettre l’hypothèse. Il est tout naturel que l’on fasse un sens spécial de la faculté de percevoir les couleurs. Nous nous servons à cet effet d’un organe spécial, bien différencié. Les sensations colorées nous apparaissent bien comme quelque chose de simple, d’irréductible ; une couleur en effet est une chose à part, que l’on ne saurait ni définir, ni décrire, qu’il faut avoir perçue pour en avoir une idée. Mais il n’en est pas de même des sentiments esthétiques. En eux-mêmes sont-ils assez simples pour qu’on puisse les considérer comme données premières de la conscience ?
28Pour les assimiler en cela aux sensations proprement dites il faut que l’on ait établi bien sommairement leur psychologie. Je les comparerais plutôt à ces états de conscience complexes, fuyants, tels que l’espérance ou la mélancolie, qui échappent à la définition par leur complexité même et leur instabilité. Dans le plaisir du beau, dans l’admiration, dans le sentiment du gracieux ou du sublime, on découvrirait un monde d’impressions physiques, d’émotions, de représentations, d’idées ; l’âme entière y est engagée. On peut de plus constater qu’ils diffèrent étrangement les uns des autres. Nous nous en apercevrons quand nous chercherons à les classer.
29Les belles choses, a-t-on dit, sont de nature si diverse que nous n’aurions jamais songé à leur donner un même qualificatif, si elles n’avaient toutes la propriété d’éveiller en nous un même sentiment (E. Rabier). La diversité serait donc dans les choses, la ressemblance dans l’effet produit. Quand je considère la variété des sentiments que l’on qualifie d’esthétiques, je serais tenté de retourner la proposition et de dire :c’est au contraire dans les effets produits qu’est la diversité et dans l’objet que sont les ressemblances ; les sentiments que vous qualifiez d’esthétiques sont tellement hétérogènes que jamais vous n’auriez songé à les ranger sous un même titre, s’ils n’avaient tous cette propriété de provenir des belles choses. S’il n’y avait pour les rapprocher cette communauté d’origine, à peine oserait-on les faire entrer dans une même catégorie. Dans ces conditions on se demande comment l’idée a pu venir d’inventer à leur usage une faculté spéciale ; autant vaudrait imaginer une faculté de percevoir les fleurs. En somme cette théorie du goût ne se tient pas. Elle ne paraît admissible qu’à la condition qu’on n’y regarde pas de trop près. Essayez de la formuler nettement, elle vous échappe. Tout cela est de la psychologie trouble, insuffisamment élaborée. Que l’on continue si l’on veut à parler du sens du beau, comme on parle du sens poétique, du sens de la mesure, du sens des convenances ; mais il doit être bien entendu que ces expressions ne doivent pas être prises à la lettre. Notre conclusion est nette. Si l’on nous dit que, pour déterminer la présence du beau, nous n’avons qu’à nous servir de la faculté spéciale qui nous a été donnée à cet effet, je répondrai que nous n’avons pas cette faculté-là.
30Cette théorie insoutenable étant écartée, nous restons en présence d’une thèse beaucoup plus nette, beaucoup plus simple. En disant que le goût est une fonction spéciale de la sensibilité, on ne songera nullement à en faire un sens à part ; on voudra dire seulement qu’il est tout sentimental. En nous engageant à le consulter seul, on nous invitera à ne juger de la beauté des choses que par nos impressions. Cette thèse ne tombe sous aucune des objections que nous venons d’adresser à la précédente ; elle n’a rien d’équivoque ; elle n’a rien de contraire à la psychologie. Juger du beau par l’effet produit, c’est une méthode en principe acceptable, que de nos jours un certain nombre de critiques d’art recommandent et qu’ils s’imaginent pratiquer : c’est la méthode impressionniste. Ici donc la discussion prend un intérêt actuel. On peut dès maintenant pressentir à quelles conclusions elle aboutira.
31Il est vraisemblable que nous trouverons de sérieuses raisons de rejeter l’impressionnisme absolu, exclusif, intolérant. Mais nous reconnaîtrons qu’on a le droit de juger du beau par l’effet sous certaines conditions qu’il sera intéressant de déterminer ; et nous espérons établir qu’ainsi réglée la méthode impressionniste est parfaitement conciliable avec une critique rationnelle, bien plus, qu’elle en fait partie intégrante.
32Au pur impressionnisme, je vois dès l’abord des difficultés pratiques.
33Pour savoir si une chose est belle ou non, je n’ai, dit-on, qu’à consulter mon goût, c’est-à-dire à me demander si l’objet me fait oui ou non une impression favorable. Cela semble la chose la plus simple du monde. Dans la pratique, ce réactif serait bien délicat. La distinction entre ce qui est agréable ou désagréable n’est pas toujours facile à établir. Même quand il s’agit de simples sensations, nous pouvons hésiter : ainsi pour certaines saveurs trop douces, dont nous ne saurions dire si elles sont agréables ou écœurantes ; pour certaines couleurs d’éclat très vif, qui pour un peu blesseraient le regard ; pour d’extrêmes dissonances, où nous trouvons un plaisir aigu, presque un plaisir de souffrance. S’il en est ainsi de nos sensations, à plus forte raison nous sera-t-il difficile de nous bien rendre compte de nos sentiments et surtout de nos sentiments esthétiques, qui sont chose délicate, incertaine, fugitive par excellence.
34Quand le sentiment esthétique a sa pleine intensité, quand l’objet nous plaît ou nous déplaît absolument, on n’hésitera pas, bien entendu, à se prononcer. Mais ce cas est exceptionnel. La tâche du critique serait trop facile, s’il n’avait à distinguer que l’excellent du détestable. Le plus souvent nous avons affaire à des objets de valeur moyenne qui ne nous arrachent pas au premier coup d’œil un cri d’admiration, mais nous laissent au contraire indécis. Sont-ils beaux, ne le sont-ils pas ? Nous plaisent-ils ou non ? C’est ce que nous nous demandons. Dans cette zone moyenne, le sentiment, si nous l’interrogeons, reste muet : de sorte que notre critérium nous fait défaut précisément dans les cas douteux où nous en aurions besoin. Songez aussi à la complexité de toute œuvre d’art. La plus simple peut nous plaire en un sens, nous déplaire à d’autres points de vue ; et ces sentiments, d’ordinaire, se juxtaposent ou se succèdent plutôt qu’ils ne tendent à se fondre en une impression commune. Quand par exemple nous considérons un vase de décoration agréable et de forme défectueuse, quand nous lisons une phrase poétique charmante par l’idée, mais pénible par l’expression, nous oscillons du plaisir au mécontentement sans pouvoir dire qui l’emporte, et nous serions très embarrassés pour déterminer notre impression résultante, à supposer qu’il y en ait une. Prenez maintenant un roman, un poème, une symphonie. Quelle complication de sentiments, d’émotions diverses ! Et comment la résultante qu’il faut déterminer, pour formuler une appréciation définitive, pourra-t-elle être dégagée ?
35Je plaindrais le critique qui voudrait se conformer strictement au programme de l’impressionnisme ; je m’imagine qu’il serait plus décontenancé encore que le théoricien dont on nous décrivait tout à l’heure les perplexités. Je le vois dépouillant un livre, la plume en main, recueillant ses impressions, et les notant à mesure pour n’en rien perdre. Étrange métier ! On y renoncerait bien vite.
36Il fallait signaler cette difficulté spéciale de la critique purement impressionniste. On nous recommandait cette méthode pour la facilité de son emploi ; or il se trouve qu’elle apparaît à la réflexion comme infiniment délicate. Il était bon de le constater. Je n’attache pas au reste d’autre importance à cette rectification. Qu’une méthode soit ou non d’une application commode, la question est après tout secondaire ; ce que nous cherchons, ce n’est pas le procédé le plus aisé, mais celui qui nous donnera les meilleurs résultats ; la détermination des valeurs esthétiques est chose assez importante pour que nous fassions bon marché des efforts qu’elle pourra nous conter. Notre méthode rationnelle, nous sommes les premiers à le reconnaître, n’est pas non plus d’une application facile ; laissons donc de côté cet « argument paresseux ».
37Ce que je me demande, c’est comment se peut justifier cette confiance exclusive que l’on accorde aux indications du sentiment.
38Quelques-uns des plus ardents partisans de la méthode impressionniste, je le sais, n’éprouveront aucun besoin de vérifier ainsi les titres des sentiments. Ils ont la foi. Le raisonnement est pour eux quelque chose de trop clair, de trop simple ; on n’en peut rien attendre d’extraordinaire. Mais le sentiment a quelque chose de mystérieux et de profond. Qu’en présence d’un objet nous nous sentions troublés d’une émotion indéfinissable comme s’il y avait en lui quelque chose de divin ; que sa vue nous mette dans une sorte d’extase, qu’il ne dise rien à notre intelligence, et que pourtant quelque chose se produise en nous qui oblige notre intelligence à s’incliner devant lui, voilà qui est merveilleux à coup sûr. Le sentiment ne réfléchit pas, il ne raisonne pas, il ne pourrait lui-même justifier ses jugements. Demandez-lui pourquoi il admire, il n’en sait rien ; mais il sait bien que la chose est admirable. Demandez-lui ce qu’est la beauté, il n’en sait rien encore ; mais il sent bien qu’elle est là. Que tout cela soit invraisemblable, le sentiment l’admet. Dites-lui même que cela est absurde, alors vous lui aurez donné une irrésistible envie d’y croire. En fait, je suis persuadé que cet attrait du merveilleux, que cette prédilection pour les voies paradoxales et les procédés occultes a contribué d’une manière positive à faire adopter cette théorie du goût. Tout sentimental a une tendance naturelle au mysticisme. À la connaissance normale et réfléchie il préférera toujours les révélations, les illuminations, les divinations. Il estime le sentiment si haut qu’il n’hésitera pas à en faire son instrument favori de connaissance et à lui attribuer le privilège de nous mettre en rapport immédiat avec la vérité. Pour nous qui aimons la raison et sommes de sang-froid, cette méthode sera très suspecte. Nous cherchons en vain quels arguments plausibles on pourrait invoquer en sa faveur.
39On parle bien d’un certain sentiment intellectuel, qui nous ferait discerner avec plus de finesse que le jugement conscient les approches de la vérité. Je reconnais l’existence de ce sentiment intellectuel ; j’admets même que bien souvent c’est sur son témoignage que nous apprécions la beauté. Mais d’où vient la supériorité qu’on attribue à cette façon de juger sur le jugement lucide ? Ce sentiment n’est pas, qu’on le remarque bien, un sentiment pur ; il implique au moins quelque opération de l’esprit. De quel droit, s’il n’y entrait rien d’intelligent, le dirait-on intellectuel ? Il ne peut avoir quelque valeur, il ne mérite d’être consulté que pour la part qu’y a prise l’entendement, comme signe d’une opération mentale qui commence à s’effectuer dans les profondeurs de la conscience et qui semble prendre une tournure favorable : il serait encore plus sûr d’attendre que l’opération ait été totalement effectuée. Vouloir que mon jugement définitif se fonde sur l’impression que j’éprouve, quand cette impression même n’est que le signe d’un travail de pensée qui commence à se faire en moi et comme le pressentiment du jugement que je vais porter, c’est ce que l’on peut faire de plus illogique ; c’est embrouiller à plaisir les idées qui allaient se débrouiller. Contentons-nous de ces vagues indications du sentiment dans les cas où il nous sera impossible, pour une raison ou pour une autre, de tirer notre pensée au clair. Mais ce ne doit être qu’un pis-aller. Quand nous pouvons constater directement la vérité, par la voie normale et sûre de la réflexion, il serait absurde d’en juger par de simples impressions, vague retentissement de l’activité intellectuelle dans la sensibilité.
40Dira-t-on que le sentiment a plus de chances que les théories d’être dans le vrai, étant plus conforme aux indications immédiates de la nature ? Si nos impressions étaient toutes spontanées, si nos goûts esthétiques étaient vraiment innés, j’admettrais à la rigueur que l’on adhérât une fois pour toutes aux intentions de la nature et que l’on s’en remît à elle du soin de nous signaler la beauté. Mais peut-on parler de spontanéité, d’innéité quand notre goût se prononce sur certains objets, tels qu’un poème, un drame, un tableau, une statue, produits de l’ingéniosité humaine, beautés évidemment artificielles, qui exigent déjà pour être comprises une culture raffinée ? Il est difficile de croire que d’avance la nature ait mis en nous des instincts pour juger de ces choses qu’elle-même ne produit pas et qui ne rentrent pas dans ses plans.
41Parmi tous nos goûts esthétiques, je n’en vois que deux qui aient dans l’homme un caractère nettement instinctif. En premier lieu, c’est la tendance que nous avons à admirer les objets brillants, scintillants, vivement colorés : tendance primitive, indépendante de toute culture, qui est particulièrement développée chez les enfants et les sauvages, et que nous partageons même avec un certain nombre d’animaux. En second lieu, c’est le sentiment que nous avons de la beauté humaine : à l’attrait qu’elle nous inspire, à son évidence immédiate, à la promptitude avec laquelle nous la discernons, on reconnaît tous les caractères du véritable instinct. Mais ces deux instincts eux-mêmes existent-ils en nous à l’état pur ? Dans l’attrait de la couleur en général et de certaines couleurs en particulier, pourrions-nous facilement discerner ce qui est habitude, association d’idées, convention, fantaisie ? De même pour l’impression que fait sur nous la beauté humaine. S’il est certain qu’un instinct nous porte à trouver un charme spécial à certains types de l’humanité et à leur attribuer une supériorité physique, cet instinct est singulièrement influencé par la mode, par le caprice, par les préjugés, par les sympathies particulières, par les images que nous met sous les yeux l’art contemporain, par l’idée que nous nous faisons de la destination de l’homme et de la femme ; en sorte qu’il nous serait très difficile à nous-mêmes de dégager dans nos préférences ce qui est instinctif, primitif et profond, de ce qui est superficiel, artificiel et d’acquisition ultérieure. Dans un esprit adulte, je doute qu’il existe un seul sentiment assez spontané pour bénéficier de cette confiance que l’on accorde généreusement au pur instinct.
42Tout ce que nous pouvons admettre c’est qu’il y a dans les sentiments esthétiques, si capricieux qu’ils semblent, une pondération qui ne se trouve pas au même degré dans les idées. Par cela même qu’ils sont la résultante d’innombrables causes dont les variations accidentelles se compensent et se neutralisent, ils représentent une sorte de moyenne relativement stable. Ils résument en eux d’innombrables expériences, trésor acquis de génération en génération et lentement accumulé ; ils correspondent ainsi aux goûts permanents de l’humanité. Mes idées sont à moi, rien ne m’empêche de m’improviser sur l’heure une théorie. Mais nos sentiments sont-ils vraiment à nous ? Pouvons-nous les modifier brusquement d’un simple effort de volonté ? Nous avons reconnu au contraire que nous ne pouvions agir sur eux que lentement, indirectement. Je leur attribuerais en esthétique l’importance qu’il faut accorder en philosophie au sens commun, en éthique aux sentiments moraux, en politique au sentiment conservateur. Ils sont une sorte de volant qui régularise le progrès, le faisant plus lent, mais plus sûr. Ils nous préservent des à-coups, des paradoxes, des brusques revirements d’opinion, comme aussi des réactions violentes. Je suis donc bien décidé à tenir toujours grand compte de leurs indications. Toute théorie qui les a contre elle doit s’inquiéter. Si mes principes condamnent une œuvre que malgré moi j’admire ; s’ils m’obligent à déclarer belle une chose qui de fait me laisse indifférent ou m’inspire une sorte d’aversion, ce conflit entre mon goût instinctif et mon goût acquis doit me faire réfléchir. Il faut avoir deux fois raison contre le sentiment pour se décider à lui donner tort. J’accorde tout cela ; mais s’il a tort enfin, ces scrupules ne devront plus nous arrêter : il faudra passer outre. Nous tenons ses indications pour très sérieuses, nous ne pouvons les considérer comme un critérium infaillible. Nous savons combien dans la pratique de la vie nos sentiments sont parfois déraisonnables et comme ils auraient besoin d’être surveillés, dirigés, ramenés de leurs égarements. Il est assez invraisemblable qu’ils se montrent justement impeccables lorsqu’il s’agit d’apprécier la beauté.
43Peut-être quelques personnes privilégiées sont-elles douées de goûts si exquis, que d’elles-mêmes, en ne faisant que s’abandonner à leur nature, elles iront vers ce qui est bon et noble ; accordées en quelque sorte avec la beauté, elles vibrent à son unisson. Celles-là pourront juger infailliblement de toute beauté, par la seule sympathie. Mais combien en est-il, en qui ait été réalisé ce merveilleux accord des goûts esthétiques avec leur objet ? À quoi les reconnaîtrons-nous ? Elles-mêmes, à quoi pourront-elles se reconnaître ? Qui d’entre nous osera dire : l’élu au goût infaillible, c’est moi !
44Certainement le goût se trompe parfois, même quand il se croit sûr, puisqu’il lui arrive parfois de se contredire. En fait, il arrive fréquemment que le même objet excite dans une personne le sentiment du beau et ne l’excite pas dans l’autre. S’il est réellement beau, il est prouvé qu’une belle chose peut ne pas produire le sentiment esthétique. S’il ne l’est pas, il est prouvé qu’une chose dépourvue de beauté peut être admirée. Dans l’une et l’autre hypothèse le sentiment est de quelque manière en défaut.
45On s’est efforcé d’atténuer l’importance de ses contradictions. On a dit qu’en général nous différons plutôt d’idées que de sentiments, et que le meilleur moyen de nous mettre d’accord serait de laisser là les théories pour nous en remettre simplement à nos goûts. Je ne demanderais pas mieux que de le croire. Notre méthode est toute de conciliation. Notre but étant de mettre nos plus hautes inclinations en harmonie, nous devons nous réjouir chaque fois que nous les trouvons d’accord, au moins avec elles-mêmes. Si nous ne trouvions entre elles que conflit, nous ne saurions plus que dire. C’est d’elles seules que nos principes peuvent tirer leur autorité. C’est leur entente qui fait notre force. Mais il s’en faut de beaucoup que leur entente soit complète.
46Le désaccord existe. Il ne peut être nié. D’où provient-il ? On veut qu’il soit dans les idées, non dans les sentiments. Il me semble injuste de répartir ainsi les responsabilités. Pourquoi serait-il plus difficile d’unir les intelligences que les cœurs ? Ce sont toujours ces mêmes défiances à l’égard de la pensée ; pour l’éliminer de l’esthétique, on voudrait la charger de toutes nos dissensions.
47Le conflit entre les théories doit correspondre à une discordance entre les goûts. Si dans nos discussions d’art nous ne différions que d’idées, le débat ne serait pas si passionné, les partis ne seraient pas si irréductibles. Est-il possible que nous faisant des choses une idée si différente, au fond nous aimions les mêmes choses ? Quand bien même à l’origine les idées seules auraient différé, bientôt elles eussent entraîné le sentiment dans leurs querelles. Mais j’ai peine à croire que ce soit par un débat purement intellectuel qu’on ait commencé. Nous ne sommes pas assez logiciens pour cela. Nos idées, surtout en matière d’art et de goût, ne sont d’ordinaire que l’expression abstraite de nos sentiments ; elles s’en inspirent bien plutôt qu’elles ne les dirigent. On se fait après coup des théories pour justifier ses préférences plus souvent qu’on n’accommode ses préférences à ses théories. Si nos esthétiques diffèrent, c’est que les goûts diffèrent. J’admets qu’elles se contredisent plus encore que les goûts. Dans le feu de la discussion, on se porte aux opinions extrêmes ; une lance des phrases tranchantes, qui rendent toute conciliation impossible. Mais de cela encore, c’est le sentiment qui est responsable plutôt que l’intelligence. Entre purs intellectuels, j’imagine que l’entente serait bientôt faite. Il reste donc que nous ne pouvons compter, de quelque manière que nous les consultions, sur l’accord absolu des goûts. Quand ils sont en conflit, les uns doivent avoir raison, les autres torts. Il faut les départager. Mais comment le faire ? Entre deux personnes qui jugent par impression, pas de discussion possible. Cette chose me plaît ; c’est pour moi une raison de la dire belle ; mais cette raison ne vaut pas pour vous, puisque la chose vous déplaît. De quel droit vous imposerais-je mon avis, ou m’imposeriez-vous le vôtre ? Nous nous servons tous deux correctement de notre critérium. Prendrons-nous un arbitre ? Nous ne serions pas plus avancés. Qu’importe l’opinion d’un tiers, s’il juge, lui aussi, par impression ? Point d’issue satisfaisante. Ou bien nous nous enfoncerons tous les deux dans notre opinion, chacun persuadé que l’autre se trompe, mais sans pouvoir justifier cette conviction, ce qui est une attitude assez déraisonnable ; ou bien, reconnaissant qu’il est ici impossible d’établir de quel côté se trouve la vérité nous renoncerons d’un commun accord à rien affirmer, et ce serait le plus sage. Puisque la chose peut être admirée sans être belle, ou être belle sans être admirée ; puisque l’accord entre le sentiment et la beauté peut être rompu sans qu’on s’en aperçoive, comment me fierais-je jamais à mes impressions ? Que j’admire la chose ou non, qu’elle me plaise ou non, je ne sais plus qu’en penser, je n’ose plus en rien dire. En fait, c’est bien à cette conclusion que tend l’impressionnisme : dans le doute, abstenons-nous de juger ! Son dernier mot est un aveu d’impuissance.
48En somme, si l’on admet qu’il y a une vérité esthétique ; si l’on croit que certaines choses sont réellement belles, d’autres laides ; si l’on est persuadé que, lorsque plusieurs personnes jugent différemment de la beauté, les unes doivent avoir raison, les autres tort : dans cette hypothèse, la position de l’impressionnisme est absolument insoutenable. Quand ses partisans affirment que seul le sentiment nous indique sûrement où est la beauté, ils affirment, autrement je ne vois plus quel serait le sens des mots, que la beauté est une chose distincte du sentiment lui-même, mais avec laquelle ce sentiment se trouverait exactement coïncider. Il faut donc que nous ayons quelque moyen de vérifier cette coïncidence. Nous ne pouvons avoir confiance dans la méthode sentimentale que si nous parvenons de quelque manière à en faire la preuve. Supposons avec le sens commun que nous puissions établir la vérité esthétique par deux procédés différents, par impression immédiate et par raisonnement : alors on comprendra que les résultats du procédé rapide soient contrôlés par ceux du procédé laborieux ; et à supposer que chacune des deux méthodes ait quelque incertitude, la coïncidence des résultats obtenus par deux opérations indépendantes sera pour nous une garantie. C’est ce que nous admettons pour notre compte. Mais c’est ce que le pur impressionnisme n’admet pas. Il veut que nous jugions de la beauté exclusivement avec notre goût. Cela est bien étrange. – Mais il faut bien nous servir exclusivement de ce critérium, puisque nous n’en avons pas d’autre ! – C’est ce que nous verrons plus tard. En attendant nous devons constater que celui-là, s’il est le seul dont nous disposions, ne peut nous inspirer aucune confiance. Si pour juger du beau nous n’avons que les impressions, quelle garantie avons-nous qu’elles sont justes ? Voilà un témoin qui dépose, mais dont la véracité ne peut être contrôlée par aucun témoignage venant d’une autre source ! Voilà un juge qui décide, mais qui ne donne pas ses raisons ! Ce que vous exigez de moi, c’est un acte de foi aveugle dans l’infaillibilité du sentiment. Nous vous le refusons. Quand le goût serait toujours d’accord avec lui-même, resterait encore à savoir s’il est toujours d’accord avec la vérité ; mais quand nous le voyons se contredire lui-même dans ses affirmations les plus nettes, porter sur la même chose des jugements opposés avec une égale conviction, alors il devient évident qu’il se trompe parfois ; et n’ayant aucun moyen de discerner dans quel cas il dit plutôt la vérité, nous devrons tenir toutes ses affirmations pour suspectes. N’ayant aucune raison pour préférer une opinion à une autre, nous nous tiendrons, sans vraiment y tenir, à celles que nous avons. Il me semble que cela est beau, telle est mon impression personnelle. A-t-elle une valeur quelconque ? Personne n’en peut rien savoir. Fatalement nous retombons aux hésitations, aux indifférences, aux que sais-je, aux à quoi bon du subjectivisme.
Part de la sensibilité et de l’intelligence dans les jugements de goût
49Nous rejetons la critique purement sentimentale. Allant à notre tour aux extrêmes, userons-nous, pour déterminer le beau, d’une méthode purement intellectuelle où le sentiment n’entrerait pour rien ?
50Nous comprenons les inconvénients qu’aurait une telle méthode. Nous sommes les premiers à reconnaître son insuffisance. Entre le pur impressionnisme et le pur intellectualisme, nous hésiterions à choisir.
51Mais faut-il choisir ? – Depuis bien longtemps les deux méthodes sont en conflit. Il est probable que chacune a ses avantages et ses inconvénients. Leur plus grand tort n’est-il pas d’être trop exclusives ? Nous pressentons que cette longue querelle devra se terminer par un compromis.
52Pour arriver à se rendre compte de la valeur esthétique des choses, quand on a pour cela tout loisir, on ne saurait trop s’informer, trop réfléchir, trop consulter. Si l’objet, considéré à certain point de vue, produit bon effet, cherchons s’il ne déplairait pas en un autre sens. La première impression est bonne ? Tant mieux, ceci est une indication. Mais peut-être ce que l’on pourrait appeler l’arrière-goût de l’objet, c’est-à-dire l’impression qu’il produira après un plus ample examen, sera-t-il moins favorable. Il faut en faire l’épreuve. Et si j’ai quelque théorie esthétique, quelque principe d’art que je trouverais ici l’occasion d’appliquer, pourquoi me l’interdirais-je ? Quand je dispose de plusieurs moyens d’information, pourquoi ne les emploierais-je pas tous, au lieu de me restreindre à un seul d’entre eux, fût-il le meilleur ? Il serait étrange que, dans les questions relatives à la beauté, le sentiment n’eût pas ses préférences à indiquer : il serait plus étrange encore que, dans les délibérations du goût, les plus hautes facultés de l’âme humaine restassent précisément sans emploi. Par la force même des choses, l’emploi de toute méthode exclusive se trouve condamné. La vérité n’est évidemment ni dans le pur impressionnisme qu’on nous oppose, ni dans le pur intellectualisme qu’on nous attribue, mais dans une méthode mixte, qui jugera de la beauté des choses à la fois par des raisons logiques et par des raisons de sentiment. Dans toute beauté il y a des éléments intellectuels qui s’adressent à l’esprit, et des éléments sensibles dont le cœur est juge ; nous n’avons donc pas à nous demander de quelle faculté nous devrons nous servir pour fonder notre jugement. Nous userons de toutes nos ressources ; nous nous mettrons de toute notre âme en rapport avec l’objet qu’il s’agit d’évaluer : nous l’apprécierons à tous les points de vue. Il n’y a pas ici d’ordre à imposer. Le plus naturel serait pourtant d’aller des sentiments aux idées. Nous consulterons la sensibilité à titre de première indication, ou comme aperception confuse de vérités qu’il s’agit ensuite de dégager. C’est ainsi que lorsque nous regardons une statue de proportions défectueuses, elle nous déplaît d’abord avant que nous ayons pu discerner son réel défaut ; nous sentons qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait être ; et cette sorte de gêne nous excite à critiquer l’œuvre de façon plus précise, jusqu’à ce que nous ayons mis le doigt sur l’erreur commise par l’artiste. Il en sera de même pour toute appréciation de la beauté des choses. Nous commencerons par consulter notre goût ; mais jamais nous ne nous en tiendrons là : toujours nous compléterons la critique de sentiment par une critique rationnelle, objective, qui seule pourra nous conduire à des résultats certains. En fait, c’est ce que nous faisons d’instinct quand nous cherchons après coup à justifier les jugements hâtifs que nous prononçons sur première impression : tout notre tort est de ne raisonner qu’après avoir jugé. À chaque chose demandons tout ce qu’elle peut nous donner d’émotions et de pensée : et puis nous apprécierons.
53Nous voyons aussi quelles sont les conditions requises pour avoir du goût. Nous n’hésiterons pas à placer en première ligne le développement et l’affinement de la sensibilité. Il faut qu’elle soit vive, délicate, frémissante, passionnée. Si nous n’avons pas cela, nous ne pourrons parler de certaines beautés que par ouï-dire. Certaines régions de l’art nous seront absolument fermées. Le vrai critique doit avoir l’amour exalté du beau et spécialement des choses qu’il prétend juger. Il faut aussi qu’il ait des goûts naturellement élevés, qui le portent d’instinct vers les beautés supérieures : autrement il aurait trop à faire pour sa propre éducation esthétique, avant d’avoir la prétention de travailler à la nôtre. Ce sont là des qualités natives auxquelles aucune réflexion, aucun enseignement théorique ne saurait suppléer. Mais en admettant que le critique ait tout cela, il faut en outre qu’il ait une intelligence ouverte, lucide, informée, exercée. Il est indispensable qu’il se fasse une idée nette de ce qu’on doit entendre par la beauté, dans le cas spécial des choses dont il parle. Il doit avoir pour les apprécier une méthode, un critérium, des principes. Qu’il s’agisse de la nature, de la poésie ou de l’art, il n’en pourra juger avec compétence sans études préliminaires, sans une forte instruction théorique. Consultons le goût ! Mais je ne parle plus ici de ce goût superficiel, purement émotif, qui apprécierait les choses sur première impression et d’après le seul plaisir qu’il y prend. Je parle du goût réfléchi, formé à l’école laborieuse de l’esthétique rationnelle.
54Et si notre goût personnel ne répond pas à de telles exigences ? Si la sensibilité artistique nous manque, ou la finesse d’analyse, ou la culture ?
55Alors abstenons-nous de juger. Qui nous oblige à nous prononcer sur des choses auxquelles nous n’entendons rien ? Qu’une œuvre nouvelle paraisse, roman, poème, drame, opéra, symphonie, tableau, statue, monument, décor, la voilà livrée à la foule, appréciée à tort et à travers. Chacun se croit tenu de donner sur elle son avis. Sur chacune de ces œuvres, produit d’un art complexe et raffiné dont il ne devrait pas être permis de parler sans une compétence spéciale, nous portons d’emblée des jugements. Nous osons la critiquer. Nous osons la louer. Cette prétention « à juger sans étude et raisonner de tout » est intolérable. La première leçon que doit nous donner l’esthétique rationnelle, c’est une leçon de modestie. En nous apprenant que la beauté a une valeur objective, exactement déterminable, indépendante de nos préférences personnelles, elle nous invite à nous prononcer sur les questions d’art avec la circonspection que nous mettrions à nous prononcer sur une question de science. Les jugements esthétiques sont chose sérieuse, puisque la vérité y est engagée. Ils ne doivent plus être portés à la légère. Sauf dans les cas où nous pouvons juger des choses avec quelque autorité, contentons-nous de les contempler et d’en jouir. Goûtons de leur beauté tout ce qui nous en est accessible, et laissons ceux qui s’y connaissent décider de leur réelle valeur. Donnons nos impressions pour ce qu’elles valent, c’est-à-dire pour les impressions d’un profane. Avant tout, sincérité parfaite !
56Certes l’on a bien raison de chercher à se faire de la beauté des choses une opinion personnelle. Le tort que l’on a, c’est d’arrêter trop vite cette opinion. Commençons par nous mettre au courant des questions. Informons-nous. Ne craignons pas de consulter d’autres goûts que les nôtres, des goûts plus exercés, mieux éprouvés. L’opinion des hommes du métier, des spécialistes, des professionnels de la critique doit entrer en ligne de compte dans nos essais d’évaluation. La tradition même n’est pas à négliger. Si une œuvre, réputée belle depuis des siècles, ne nous dit plus rien, il faut hésiter à la condamner. Est-ce de sa faute ou de la nôtre si elle nous est devenue indifférente ? Il n’est pas vraisemblable que tous ceux qui l’ont admirée avant nous se soient complètement mépris. Elle était belle autrefois ; peut-être l’est-elle encore. Cela demande au moins réflexion. Ainsi nous travaillerons à notre propre éducation esthétique. Ainsi notre goût s’ouvrira peu à peu à ces beautés auxquelles il était jusqu’ici fermé. Quand nous serons sûrs de les comprendre, alors, mais alors seulement, nous pourrons en juger par nous-mêmes.
Avantages de la méthode rationnelle
57Exposé en ces termes et sous ces réserves prudentes, le programme de l’esthétique rationnelle est fait, ce me semble, pour rassurer les plus timorés.
58On a contesté que la théorie ait prise sur le goût critique, et soit capable de l’améliorer. Vous pouvez bien, nous dit-on, poser avec une superbe assurance vos principes de critique. Mais quand vous en arriverez aux applications ; quand il vous faudra discerner si telle œuvre nouvelle, sur laquelle vous n’avez pas de jugements tout faits, est médiocre ou de valeur, alors vous vous apercevrez que le raisonnement ne vous sert plus à rien. Vos principes, qui cadrent à merveille avec les beautés reconnues, puisqu’ils ont été faits d’après elles, ne s’appliqueront plus à ces cas inédits. Vous resterez donc au pied du mur, obligé de vous improviser un jugement, plus déconcerté que si jamais vous n’aviez fait de théorie. Faute d’exercice, l’aptitude que vous pouviez avoir à discerner le beau s’est atrophiée ; au moment critique, vous ferez en vain appel à un instinct que vous aurez détruit.
59Cette objection ne nous arrêtera pas longtemps. La réponse vient d’elle-même.
60Si l’on se contentait de dire que les théories ne nous dispensent pas d’avoir du goût, on aurait pleinement raison. Nous n’avons jamais dit le contraire. En annonçant que nous allions établir des principes de critique, nous ne nous engagions pas à fournir de petites formules bien simples, qu’il suffirait d’appliquer mécaniquement dans tous les cas pour se montrer critique impeccable. J’admets que malgré toutes nos théories, quand nous en arriverons à la pratique, nous serons souvent embarrassés. Il se présentera des cas de conscience esthétique, où nous resterons perplexes. Pour que la théorie assurât notre goût d’une manière absolue, il faudrait qu’elle-même fût absolument déterminée, achevée, fixée. Je ne puis évidemment avoir l’ambition de la porter jusque-là. Si je puis établir solidement quelques principes et en tirer un certain nombre d’applications, je devrais déjà m’estimer heureux, ayant ainsi prouvé à tout le moins que j’étais dans la bonne voie. Mais une telle œuvre ne saurait être achevée par un seul esprit en un misérable effort de quelques années. Elle exige des recherches collectives et continues. Je doute même qu’on en voie jamais le terme. Si l’on tient à ce que le diagnostic esthétique reste chose difficile et méritoire, on peut se rassurer : il aura toujours son prix. Quand il suffirait, pour avoir du goût, de bien raisonner, la parfaite rectitude dans le raisonnement n’est pas après tout chose si commune. Aucune des qualités qu’exige actuellement le goût, aptitude à être promptement et fortement ému, délicatesse d’impressions, sagacité, pénétration, décision de jugement, initiative, ne sera jamais superflue. La culture logique permettra de mieux utiliser encore ces aptitudes naturelles, elle n’en dispensera pas. Les personnes qui les possèdent à un degré éminent conserveront tous leurs avantages.
61Sur tous ces points nous sommes d’accord.
62Mais si l’on vient nous affirmer que la raison est en quoi que ce soit préjudiciable au goût ; si l’on appréhende que le critique, au moment de porter un jugement esthétique, se trouve déconcerté à cause de ses théories, je me demande si l’objection est bien sérieuse. Si elle embarrasse, c’est parce qu’elle porte trop à faux ; on ne sait comment la saisir. Je comprends que l’on ait accusé l’esthétique rationnelle d’être inutile aux artistes, ou de dessécher le sentiment. Pour être injuste, l’accusation n’en avait pas moins quelque vraisemblance. Mais que les théories rationnelles puissent altérer en quoi que ce soit notre sens critique, c’est bien le dernier reproche qu’on leur puisse adresser. Quand j’aurai déterminé, après mûre réflexion, quelques types de beauté dont je pourrai garantir la valeur, ne pourrai-je pas en toute sécurité déclarer beaux par analogie les objets qui présenteront des qualités semblables ? Quand je me serai rendu compte des raisons que j’ai d’admirer une chose, ne serai-je pas plus sûr, en l’admirant, d’être dans le vrai ? Une fois en possession de principes solidement établis qu’il ne restera plus qu’à appliquer, ne me prononcerai-je pas avec plus de décision et de fermeté quand il s’agira de juger une œuvre ? Je me torture en vain à chercher en quoi la possession d’une théorie bien nette pourrait étouffer en moi le sens critique, et surtout me rendre perplexe, hésitant, indécis dans mes appréciations. Qu’on accuse, si l’on veut, les esthéticiens d’être trop tranchants dans leurs jugements. La raison peut avoir en effet quelque tendance à prendre le ton autoritaire. Elle ne propose pas timidement ses opinions : étant sûre d’elle-même, elle veut les imposer. Mais qu’on ne dise pas que ses principes la gênent quand il s’agit de se prononcer, le reproche est trop invraisemblable.
63On nous dit encore que, pendant que nous nous attarderons à spéculer sur le beau en soi et les conditions essentielles de l’art, nous perdrons tout contact avec la réalité ; sortis de nos abstractions, mis brusquement en présence de la beauté vivante, obligés de nous prononcer sur la valeur d’une œuvre déterminée, nous ne saurons plus que dire. Je crois en effet que l’étude des principes les plus généraux, ou de ce qu’on pourrait appeler la philosophie de l’art, est tout à fait insuffisante pour former le sens critique. Mais est-ce là toute l’esthétique rationnelle ? Ce n’en est que l’introduction. Pour se donner une complète instruction théorique, il faut aller plus avant et en arriver aux applications, c’est-à-dire à l’étude des cas particuliers. Aucune des questions relatives à la beauté n’est en dehors de l’esthétique rationnelle. Elle doit les étudier toutes, par ordre de généralité décroissante, jusqu’au dernier détail. Savoir ce que vaut telle composition de Debussy, telle pièce de Verlaine, tel tableau de Whistler, tel bijou de Lalique, tel vase de Gallé, c’est encore un problème d’esthétique rationnelle. À chaque pas que nous faisons dans la théorie, nos idées se précisent, L’étude des principes généraux nous donnera une première approximation de la vérité ; puis nous la serrerons de plus en plus près, restreignant chaque fois les limites entre lesquelles le goût peut osciller. Dans tous les cas nous ne commencerons à hésiter qu’au point où se sera arrêtée la théorie. Notre embarras proviendra donc, non d’un excès, mais d’un défaut d’instruction théorique ; en sorte que le meilleur moyen d’affermir notre goût sera de pousser plus avant cette instruction.
64Toutes ces appréhensions m’étonnent. La méthode que nous proposons est-elle après tout une innovation si hardie ? Bouleverse-t-elle à ce point toutes nos habitudes de critique ? Si l’usage commun était de juger de la beauté des choses uniquement, par l’effet ; si notre goût actuel était fait de pures impressions, nous pourrions craindre de le déconcerter en l’obligeant à réfléchir. Les raisonnements auxquels on nous convie seraient une méthode nouvelle, par conséquent suspecte. Mais nous pouvons constater que, dans les discussions d’art, le raisonnement est de pratique constante. Ou ne se contente pas d’opposer des impressions ; on oppose des théories ; on motive ses jugements des deux côtés ; on regarde comme évidents un certain nombre de principes d’art, admis peut-être à la légère et sans qu’on y ait jamais réfléchi, mais sur lesquels on s’appuie avec une confiance absolue. Nous n’apportons donc pas une méthode nouvelle ; nous voulons seulement perfectionner la méthode courante, et apprendre à bien raisonner du beau, puisqu’en fait nous en raisonnons toujours. Notre seule innovation sera de produire au grand jour de la conscience ces principes que souvent nous faisons entrer à notre insu dans nos raisonnements esthétiques, ce qui est, on devra le reconnaître, le meilleur moyen de les contrôler.
65Je crois avoir écarté les principales préventions que l’on a contre les théoriciens du beau. De la discussion minutieuse dans laquelle nous venons d’entrer, le lecteur doit garder, ce me semble, l’impression que l’esthétique rationnelle est au moins inoffensive. Elle ne saurait apporter aucune perturbation dans l’art, ni dans les sentiments esthétiques, ni dans la critique. Il serait donc injuste d’en aborder l’étude avec une sourde animosité, et le secret désir de la prendre en défaut. Ces théories sont-elles exactes, sont-elles fausses ? Toute la question devrait être là. Si elles sont fausses, n’en parlons plus. Si elles sont justes, elles ne peuvent être que bonnes à connaître, et quiconque s’intéresse aux questions d’art et de goût devrait leur faire bon accueil. On doit souhaiter de les trouver vraies. Il serait à tous égards désirable de voir une telle enquête aboutir. Il faut donc l’entreprendre.
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