Introduction à la première partie
p. 41-42
Texte intégral
1La vie politique en Turquie est alimentée par des coups d’État successifs et ce, dès la décennie 1960 avec le coup d’État militaire du 27 mai 1960. Une nouvelle Constitution est ratifiée le 9 juillet 1961 afin d’établir un régime politique parlementaire mais également un Conseil de sécurité nationale (MGK). Une clause est également ajoutée à la « Loi sur le service interne de l’armée du 4 janvier 1961 » légalisant ainsi « le rôle tutélaire des forces armées sur la République1 ». Le 12 mars 1971, un nouveau coup d’État militaire obtient la démission du gouvernement de Süleyman Demirel et instaure un état de siège en Turquie jusqu’en 1973. Entre 1973 et 1980, la Turquie vit une instabilité politique avec six gouvernements qui se succèdent, gauche et droite radicales se font face, gauche radicale et forces de l’ordre s’affrontent, PKK et KUK se confrontent dans les régions kurdes, les grèves et les mouvements sociaux s’accentuent (choc pétrolier de 1973 et invasion de Chypre en 1974). Le pays connaît une escalade de la violence et selon un bilan officiel, il y aurait eu « 5 713 morts et 18 840 blessés entre 1975 et 19802 ». De plus, entre l’instauration de la loi martiale du 26 décembre 1978 dans les provinces kurdes et le coup d’État de 1980, ont été totalisés « 8 900 incidents, affrontements et attaques armées, plus de 6 300 attaques incendiaires ou attentats à la bombe, plus de 2 900 vols avec ou sans violence3 ».
2C’est dans ce contexte qu’intervient le coup d’État du 12 septembre 1980 qui ne rencontre pas d’opposition. Hamit Bozarslan explique que « la “peur” engendrée par l’intervention de l’armée, la seule force communément considérée par la population comme “impartiale”, fut acceptée comme relativement moindre par rapport à celle que faisaient régner les groupes armés4 ». Cette acceptation est soutenue, au début, par la population kurde car l’intervention militaire mettait fin au conflit opposant le PKK au KUK5. Néanmoins, le coup d’État administré par Kenan Evren était dirigé contre « le nationalisme kurde » considéré avec la « gauche et la droite radicales » comme des « pathologies » devant être soignées6. Pour rappel, le régime promouvait une « synthèse turco-islamique » issue des réflexions de l’historien Arvasi inspiré par le concept de « culture nationale » de Ziya Gökalp. Ainsi, en 1980, une « loi autorise la déportation des membres de la famille d’un prisonnier politique jusqu’au quatrième degré7 » à laquelle s’ajoute une politique pour vider les zones frontalières. En parallèle, une nouvelle Constitution est ratifiée le 18 octobre 1982 permettant d’étendre, entre autres, l’influence et les compétences du MGK. Ces différents éléments ont contribué, en août 1984, à la déclaration de la lutte armée par le PKK à l’encontre de l’État turc dont l’intensité ne cesse de croître avec la mise en place de l’état d’urgence (juillet 1987), qui remplace la loi martiale de 1978, dans 11 provinces de l’Est.
3Ces différents coups d’État ont mis en exergue la « question de la sécurité nationale8 ». De sorte que « chaque coup d’État est […] présenté comme une intervention visant à rétablir l’ordre démocratique et l’unité nationale, menacés par l’irresponsabilité des partis politiques ou par des ennemis intérieurs (communistes, islamistes, séparatistes kurdes)9 ». Ces « crises » ont provoqué des bouleversements dans le champ politique en Turquie par des positionnements idéologiques très variables qui ont contraint le départ de nombreuses minorités (ethniques, politiques, religieuses, etc.) pour l’Europe.
Notes de bas de page
1 Dorronsoro Gilles et Gourisse Benjamin, « L’armée turque en politique. Autonomie institutionnelle, formation de coalitions sociales et production des crises », Revue française de science politique, vol. 65, 2015/4, p. 609.
2 Bozarslan Hamit, « Le phénomène milicien : une composante de la violence politique en Turquie des années 1970 », Turcica, no 31, 1999, p. 192.
3 Grojean Olivier, La cause kurde, de la Turquie vers l’Europe. Contribution à une sociologie de la transnationalisation des mobilisations, thèse de doctorat en sociologie politique, dir. Hamit Bozarslan, École des hautes études en sciences sociales, mai 2008, p. 81-82.
4 Bozarslan Hamit, « Le phénomène milicien… », art. cité, p. 230.
5 Ibid., p. 231.
6 Bozarslan Hamit, Histoire de la Turquie. De l’Empire à nos jours, Paris, Tallandier, 2013, p. 368.
7 Chaliand Gérard, Le malheur kurde, Paris, Le Seuil, 1992, p. 75.
8 Dorronsoro Gilles et Gourisse Benjamin, « L’armée turque en politique… », art. cité, p. 622.
9 Ibid., p. 609.
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