Chapitre II. Entre le marteau et l’enclume (juin 1940-juin 1941)
p. 79-126
Texte intégral
« Aucun Russe n’a jamais douté […] du sort réservé à la Russie par une Allemagne et un Japon vainqueurs des Anglo-Saxons […] Vingt-trois années d’énergie féroce, et aujourd’hui intacte, ont signifié au monde que les bolcheviks n’ont nullement le goût du suicide, qu’ils sont assez lucides pour ne point creuser leur tombe. Ainsi s’expliquent collusion et résistance. Ainsi se comprennent louvoiements et limites. À cette lumière, le sphinx russe se dépouille d’une bonne part de ses énigmes. »
Eirik Labonne, ambassadeur de France à Moscou, 22 avril 19411.
« Il est possible, sinon certain, qu’à l’effondrement de l’Allemagne national-socialiste succédera la menace rouge. La Russie, qui s’est jusqu’à ce jour tenue hors du conflit, […] lancera sans doute sur l’Europe sa machine de guerre […] Nous concourrons à former le barrage contre les armées rouges et ceux qui, en France, tenteraient de les aider […] Nous triompherons de l’ennemi intérieur comme nous aurons triomphé de l’ennemi extérieur. »
Manifeste du MLN, mai 19412.
1En juillet 1940, le général Giraud adresse au maréchal Pétain un Mémorandum sur la situation de la France au lendemain de la débâcle. Abordant les causes de la défaite, il dénonce violemment les responsabilités du Front populaire, mais ne fait pas du communisme en tant que tel l’un des facteurs décisifs de la catastrophe, puisqu’il se contente d’évoquer au détour d’une phrase le « rêveur bolchevik » de 1936, sans autre commentaire3. Nul doute toutefois que cette référence au Front populaire sous-entend pour une large part son imprégnation par le communisme et l’influence occulte de Moscou sur les gouvernements de gauche de 1936 jusqu’à l’avant-guerre. Cette analyse est certainement représentative du regard porté sur la défaite par la grande majorité des officiers et des chefs militaires4.
2La volonté de rupture avec l’avant-guerre qu’exprime avec force le régime de Vichy au moment de sa mise en place ne signifie pas qu’après les paniques du mois de juin, le communisme ait disparu du champ des préoccupations des militaires. Bien au contraire, l’ennemi intérieur reste un problème central, le second par ordre d’importance après la domination allemande qui s’exerce directement en zone occupée et dans le Nord-Pas-de-Calais, indirectement en zone libre et dans une partie de l’Empire. En conséquence, l’armée occupe une place importante dans la lutte redoublée qui est menée contre le PCF dans les mois qui suivent la signature de l’armistice. Ainsi que l’a écrit Robert Paxton, « l’antibolchevisme était à Vichy un dénominateur commun ou peu sans faut5 ». La peur qu’il suscite, c’est-à-dire avant tout la conviction qu’une révolution communiste est possible en France, reste la première motivation de l’anticommunisme de Vichy, et par là même, l’un des principaux moteurs de la collaboration dans laquelle s’engage le régime6.
3Au sein de l’armée, la logique anticommuniste joue différemment, car la majorité des militaires est foncièrement hostile à la collaboration. Mais il n’est pas possible d’en juger globalement, car dans la période de Vichy, les archives des services spéciaux fournissent la seule documentation permettant de suivre assez précisément l’attitude d’une branche de l’institution militaire face au communisme. L’examen de ces sources montre que dans les premiers mois du régime de Vichy, le fantasme de l’insurrection domine, aggravé par la croyance en la collusion étroite entre l’occupant et le PCF, mais par la suite la question communiste est perçue d’abord comme un problème politique analysé en relation avec l’évolution d’une opinion publique de plus en plus hostile au gouvernement, à la collaboration et d’une anglophilie sans cesse croissante. Ce contexte est perçu comme globalement favorable à la progression de l’influence du PCF, dont la propagande prend une orientation de plus en plus anti allemande à partir de la fin 1940. À l’inverse, l’URSS n’est pas considérée comme une menace, tout au moins à court et moyen terme. Au contraire, l’hypothèse est posée d’une alliance franco-soviétique sur le long terme.
4Mais pour les militaires, la question russe est dans l’immédiat avant tout dominée par l’interprétation des intentions allemandes vis-à-vis de l’URSS. Entre le choix de l’invasion ou au contraire la voie d’une politique de pression pour obtenir d’importantes concessions de Moscou, les militaires croient plutôt à la première solution. La plupart s’en félicitent, que ce soit par anticommunisme, par germanophobie, ou pour ces deux raisons à la fois. Cependant, la France ayant perdu toute influence en Europe Orientale, le haut commandement ne paraît guère s’intéresser à l’URSS et rien n’indique qu’il ait eu une politique russe. Néanmoins, l’attaché militaire continue de rendre compte des efforts de l’URSS pour renforcer ses capacités militaires face à la menace allemande et, au sein de l’armée d’armistice, la question russe reste posée lorsqu’il s’agit d’établir les causes de la défaite et de tracer des perspectives pour l’Europe de l’après-guerre. Mais au lendemain de l’armistice, le communisme est avant tout perçu comme une affaire intérieure.
Tenir le front intérieur au lendemain de la défaite (juin-octobre 1940)
5Dans sa période de mise de place, le régime de Vichy se prépare à affronter le PCF, qui en dépit de la fin des combats, est toujours considéré comme la principale menace intérieure7. La vocation contre-révolutionnaire et anticommuniste de Vichy ne relève donc pas seulement de l’engagement idéologique, mais apparaît d’abord comme une préoccupation immédiate qui contribue à donner à l’armée un rôle de premier plan au sein du nouveau régime. En effet, l’armée d’armistice est d’abord considérée dans les premiers mois de son existence comme l’instrument du maintien de l’ordre en zone libre. Cette mission n’exclut pas qu’elle suive de près l’activité communiste en zone occupée.
L’armée du maintien de l’ordre
6Les clauses de l’armistice reconnaissent à l’État français le droit de conserver en métropole une armée limitée à 100 000 hommes, dépourvue d’armement lourd et dont la mission doit être réduite au seul maintien de l’ordre. L’historiographie, s’appuyant pour une bonne part sur les témoignages des responsables politiques et militaires de Vichy, insiste sur la volonté des dirigeants français, dès les lendemains de l’armistice, d’utiliser cet outil militaire diminué pour préparer la revanche contre l’Allemagne. Ainsi, François Broche dans sa monumentale histoire de L’Armée française sous l’Occupation évoque très rapidement la fonction du maintien de l’ordre8 et place au centre de la politique militaire de Vichy l’effort de reconstruction d’une force militaire de qualité, tant au plan moral qu’opérationnel, à partir de laquelle une armée de masse pourrait être rapidement reformée lorsque les circonstances permettraient enfin de reprendre la lutte contre l’Allemagne. Toutefois, Robert Paxton et Claude d’Abzac insistent sur le rôle-clé que joue l’armée dans la mise en œuvre de la Révolution nationale et montrent que le régime de Vichy prend très au sérieux la mission du maintien de l’ordre dévolue aux militaires9. Néanmoins, ils ne s’étendent guère sur l’action et le bilan de l’armée d’armistice en ce domaine. Pourtant les archives donnent des indications suffisamment précises sur cet aspect de l’histoire militaire de Vichy pour montrer que les mesures contre-insurrectionnelles adoptées par l’armée d’armistice ont été importantes et systématiques. Un document de février 1943 consacré à la contre-insurrection en milieu urbain donne un bon résumé des dispositions appliquées dans les années passées :
« L’orientation que doit prendre l’instruction des unités pour le combat de rue a déjà été donnée à l’armée d’armistice chargée de former des petites unités de choc aptes à s’engager isolément sous l’impulsion d’un chef qui, dans le cadre de sa mission conduit et anime seul le combat. Cette formation particulière est complétée par une instruction particulière tenant compte des caractéristiques du terrain. Toutes les unités sont entraînées à la guerre de rue. Certaines unités (une compagnie par bataillon environ) sont spécialement instruites pour mener les formes les plus caractéristiques de ces combats (progression par les toits, nettoyage d’immeubles…)10. »
7En outre, les déclarations du haut commandement montrent que le maintien de l’ordre est considéré dès l’été 1940 comme une des missions essentielles de l’armée française. Cette importance sera régulièrement réaffirmée jusqu’en novembre 1942. Dès le 17 août, La France militaire publie un article, intitulé « Le rôle de l’armée depuis l’armistice », qui cite le maintien de l’ordre comme la première fonction assurée par l’institution militaire11. Puis, le 25 octobre 1940, le général Huntziger, ministre secrétaire d’État à la Guerre et commandant en chef de l’armée, s’adresse solennellement aux principaux chefs militaires pour leur rappeler que « la notion d’ordre est primordiale » et que l’armée dans laquelle ils servent porte désormais le nom « d’armée du maintien de l’ordre ». Pour enlever toute équivoque à son propos, il ajoute que « ce qualificatif ne doit pas être considéré comme minimisant, mais au contraire comme exaltant », car « l’armée est l’organe essentiel de la grandeur française et la base de sa rénovation ». À cette fin, elle doit « maintenir l’ordre […] et étendre cet ordre dans la nation par le rayonnement de son exemple12. » En juin 1941, il renouvelle cette directive générale en des termes semblables13. Cette conception extensive du maintien de l’ordre revient à faire de l’institution militaire un acteur politique de la Révolution nationale, ce qu’Huntziger admet lorsqu’il reproche à certains de ses subordonnés de négliger leur mission de sécurité intérieure en délaissant la lutte contre les opposants au régime.
8Ainsi, en juillet 1941, le ministre et commandant en chef remarque qu’il n’a pas été informé d’affaires d’une certaine gravité intéressant le maintien de l’ordre et la sûreté de l’État, ce qui
« indique que certains échelons du commandement n’ont pas encore parfaitement compris le rôle exact qui […] est dévolu à l’armée […] Or, il convient que ces autorités sentent pleinement l’urgence et l’acuité des problèmes politiques du jour auxquels l’armée est maintenant étroitement mêlée14 ».
9En conséquence, Huntziger n’hésite pas à intervenir dans la répression anticommuniste, alors même qu’il s’agit de faits concernant la zone occupée qui en principe ne relève pas de sa compétence15. Comparée à la période de la IIIe République, l’armée dispose en conséquence d’attributions sensiblement élargies et de nouveaux organes de lutte contre la subversion. Le décret du 20 juillet 1940 confie à la seule justice militaire le pouvoir de poursuivre les menées antinationales dès qu’elles sont constitutives de délits ou de crimes contre la sûreté extérieure de l’État. Les premiers visés par ce texte sont les communistes et secondairement les gaullistes.
10À l’EMA, c’est la section E du 3e bureau qui est chargée du maintien de l’ordre et de la discipline sous le commandement du commandant Moillard, jusqu’au 20 décembre 1941, puis du commandant Louis Bosc. Au plan territorial, dès sa formation officielle le 25 novembre, l’armée d’armistice est organisée en huit divisions, correspondant aux anciennes régions militaires situées dans la zone libre, et un commandant militaire est nommé dans chacun des 38 départements correspondants pour assurer la sécurité, une mesure qui ne fait qu’institutionnaliser une situation de fait datant de l’été 194016 et qui s’inscrit dans le cadre législatif de l’état de siège dont l’application sera maintenue jusqu’en octobre 1945. Ces pouvoirs attribués à l’autorité militaire reviennent à lui confier le maintien de la sécurité intérieure face au risque insurrectionnel, ce qui l’oblige à réactualiser les plans de protection existant depuis l’avant-guerre17. Mais, à partir du début de 1941, les préparatifs contre-insurrectionnels vont bien au-delà de cette seule adaptation des mesures datant des années 1930 et de la drôle de guerre.
11Le 3 février 1941, le général Huntziger donne l’ordre à l’EMA d’élaborer, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur, un plan contre-insurrectionnel qui s’appliquerait en région parisienne en cas de retrait des Allemands de la zone occupée18. Cette directive aboutit à la production d’une Note sur le maintien de l’ordre dans la région parisienne, un projet d’ordre général qui résulte d’un travail commun entre représentant du ministère de la Guerre et de l’Intérieur et fait figure de simple ébauche19. Ce résultat médiocre, dont l’aboutissement a été ralenti par des désaccords de fond entre les départements de l’Intérieur et de la Guerre et qui déçoit le 3e bureau de l’EMA20, contraste avec les efforts fournis parallèlement par les services de l’EMA et les divers échelons des forces armées qui mettent au point des études spécialisées, détaillées et approfondies.
12En juin, le général Réquin, commandant le 2e groupe de divisions militaires, transmet à l’EMA une longue étude émanant de la 13e division et divisée en deux parties intitulées « Les opérations de détail dans la guerre de rue » et « La conduite des opérations pour le rétablissement de l’ordre ». Ce document est surtout consacré à la formation, jugée urgente, et à l’emploi de « groupements mixtes de toutes armes » organisés en « colonnes mobiles », celles-ci étant elles-mêmes subdivisées en colonnes élémentaires21. Selon ce texte, la conduite des opérations de contre-insurrection en milieu urbain doit reposer sur la combinaison de deux principes : la vitesse et l’emploi de petites unités autonomes. Cette étude, qui porte sur les aspects tactiques de la contre-insurrection, constitue également une amorce de réflexion doctrinale qui relève d’une approche moins globale et systématique que celle du général Voiriot en 193222. Si elle développe une conception moins excessive de la guerre intérieure que cette dernière, la note approuvée par Réquin innove par l’importance qu’elle accorde au travail de renseignement préalable pour préparer avec un maximum de sûreté les opérations militaires antisubversives et pour éclairer leur déroulement. La mise en place des groupes d’autodéfense en zones occupées, sous la direction du capitaine Lambert et en relation avec les services spéciaux, répond à cette préoccupation, tout en étant également dirigée contre les Allemands23.
13En juillet, le 4e bureau fournit une Instruction provisoire relative à l’exécution des transports militaires par chemin de fer dans le cadre du plan du maintien de l’ordre24. Un travail d’une ampleur équivalente est effectué par l’Inspection de la Cavalerie qui produit une Note sur l’emploi de la cavalerie dans les opérations de maintien de l’ordre25. Enfin, le département de l’Air fournit, plus modestement, sa contribution aux préparatifs contre-insurrectionnels26. Dans la même période, en juillet, l’organisation d’une participation des chantiers de jeunesse au maintien de l’ordre est mise à l’étude27, mais leurs responsables sont réticents à s’engager dans cette voie28. Ainsi, un projet sur le rôle des chantiers dans le maintien de l’ordre, qui a été approuvé par le général de La Porte du Theil, prévoit de ne détacher que des effectifs limités, qui en principe ne sortiront pas du département où se trouve le chantier concerné et n’auront pour seule mission que de servir de main-d’œuvre pour les forces d’intervention29. Mais aucune décision n’est prise et il faut attendre juillet 1942 pour que cette question soit à nouveau examinée. Les dispositions de 1941 proposées par la direction des chantiers seront alors officiellement acceptées par le gouvernement30.
14Toutes les études menées par l’armée afin de prévenir ou d’annihiler une insurrection communiste sont complétées par l’action directement répressive assurée par le service des menées antinationales (SMA), compétent pour surveiller les ennemis du régime et enquêter sur leurs activités. Il a également une fonction officieuse de renseignement politique et de contre-espionnage, y compris en zone occupée, ce qui en fait la principale source d’information pour le haut commandement sur le PCF et le communisme en Europe. Le SMA, par sa fonction très politique dans la lutte contre la subversion, fournit donc un éclairage partiel sur la perception du communisme par l’institution militaire dans la France de Vichy.
Contre-espionnage militaire et lutte anticommuniste : compétences élargies, rôle en déclin
15Les conventions d’armistice imposent la dissolution du 5e bureau, services spéciaux compris et réduisent le rôle du 2e bureau, puisque ses sections allemande et italienne doivent disparaître. Mais rapidement, le colonel Baril, nommé à la tête du 2e bureau, rétablit secrètement les deux sections interdites, tandis que les services spéciaux sont reconstitués clandestinement sous la direction de Louis Rivet31 : dès juillet 1940, est créée l’organisation des « travaux ruraux » (TR), couverture d’un véritable service de contre-espionnage commandé par le capitaine Paul Paillole, tandis qu’un SR, dirigé par le colonel Perruche, est également mis sur pied, officiellement réduit à une section britannique et une section soviétique32. Après l’occupation de la ZL, il donnera naissance à une importante branche clandestine, le réseau Kléber, tournée contre les Allemands et les Italiens. Puis, le 1er septembre, la commission d’application de l’armistice de Wiesbaden autorise la création du Service des menées antinationales officiellement destiné à protéger l’armée des activités subversives et à contribuer à la surveillance et à la répression des ennemis du régime. Cette vocation exclut, en principe, toute action tournée contre les Allemands et les Italiens. En réalité, le SMA est rapidement mis en place sous l’autorité du commandant d’Alès pour assurer les mêmes missions autrefois attribuées à la SCR et aux BCR, mais avec des pouvoirs et un champ d’action élargis. Chargé de participer à la lutte contre les agissements portant atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État, depuis la propagande révolutionnaire jusqu’à l’espionnage, le SMA dispose de moyens importants qui lui donnent un rôle majeur au sein d’une institution militaire diminuée et qui sont révélateurs de l’influence politique acquise par l’armée dans la zone libre33 :
Le SMA est placé directement sous l’autorité du ministère de la Guerre avec la mise en place d’un bureau MA au sein du cabinet du ministre. Ce rattachement, en excluant l’EMA de la question MA, montre le caractère très politique et sensible du SMA. En outre, il renforce la prééminence de la Guerre sur l’Air et la Marine, puisque quelques officiers aviateurs et marins sont intégrés dans les organismes MA pour s’occuper des affaires intéressant la Marine et l’armée de l’Air.
Le SMA dispose d’un maillage dense de relais dans toute la ZL puisqu’il coiffe un bureau des menées antinationales qui fonctionne dans chaque division militaire et que, dans chaque unité ou établissement militaire, un officier est chargé des affaires MA en sus de ses attributions réglementaires34.
En principe, les compétences du SMA sont vastes puisque, outre le contre-espionnage, il est chargé de neutraliser et réprimer les manifestations de propagande étrangère ou gaulliste, de prévenir et réprimer l’activité communiste ainsi que les actes de sabotage et de participer, de concert avec les services de police et de gendarmerie, à la surveillance de la ligne de démarcation, de la circulation des biens et des personnes suspectes, et des étrangers.
16En outre, le SMA a des compétences plus larges qu’un service de contre-espionnage ordinaire, puisqu’il peut mener des enquêtes et des actions répressives35. Enfin, il a les moyens d’agir et de recueillir des informations hors de la zone libre. En effet, la création du SMA, organisme légal, n’entraîne pas la disparition de TR, qui devient la branche offensive secrète du SMA chargée du renseignement au-delà des frontières et de la ligne de démarcation, et éventuellement de l’élimination d’agents étrangers. La direction de TR est installée à Marseille où elle dispose des archives et du fichier central du SMA qui y ont été transférés. Elle actionne au total six postes en zone libre, trois en Afrique du Nord et un à Paris, ainsi que de nombreuses antennes en zone occupée et à l’étranger36.
17S’il est vrai que le contre-espionnage militaire oriente surtout ses efforts contre les SR allemand et secondairement italien, son action anticommuniste n’est pas négligeable et les renseignements qu’il collecte sur le PCF et le Komintern sont relativement abondants. Dans le domaine répressif, les chiffres disponibles montrent que le SMA a participé de façon notable à la lutte contre le communisme : de janvier 1941 à juin 1942, sur les 880 condamnations prononcées à la suite d’informations fournies par le SMA, 443 concernent des communistes, soit environ la moitié du total37. Parallèlement, l’activité de renseignement concernant le communisme est importante sur le plan quantitatif mais surtout qualitatif grâce aux agents doubles et aux informateurs bien placés qui travaillent pour TR.
18TR dispose d’environ 90 agents doubles, désignés par le Code W., pour la plupart liés au SRA38. L’un des plus importants d’entre eux, nommé Fochlot, « sûr, discret, méritant absolument toute confiance », est un agent du SR Marine de Brème qui, par conviction antinazie, informe le SR français depuis 1937. Affecté à Paris, où la tenue d’un commerce lui sert de couverture, il fournit de précieux renseignements sur la perception de la situation intérieure française, tant en ZO qu’en ZL, par le SRA et les autorités d’occupation. Grâce à ses déplacements outre-Rhin, il fournit aussi des renseignements intéressants sur l’évolution de l’Allemagne en guerre et, à plusieurs reprises, ses renseignements portent sur l’activité communiste39.
19Parmi les informateurs en contact avec les milieux communistes et soviétiques d’Occident, trois d’entre eux jouent un rôle notable jusqu’à l’automne 1942. Le premier, Léon Nemanoff, qui signe ses notes du pseudonyme de Nac, est un russe naturalisé français, journaliste réputé, spécialiste des questions internationales et très bien introduit dans les milieux diplomatiques soviétiques de Paris40. Le second, dont ni le nom, ni le pseudonyme n’apparaissent dans les documents, fournit des notes de très bonne qualité, mais seulement sur une très courte période, de l’été à la fin de l’automne 1941. Cet informateur, qui possède une solide expérience politique, est un bon connaisseur des milieux communistes et résistants dans lesquels il possède manifestement des contacts forts bien placés41. Le troisième informateur, le plus important mais aussi le plus problématique, est un « honorable correspondant » du nom de Mension42, qualifié à l’occasion d’agent double43, en relation étroite avec un certain Paul Ker, présenté comme un personnage central du service de renseignement du Komintern en Occident, qui a « son quartier général en France […] et centralise tous les renseignements donnés par les cellules44 ». Cette source, qui fournit des renseignements très précis et abondants, est toutefois très suspecte pour plusieurs raisons :
Mension et Paul Ker ne sont pas rétrospectivement identifiables. Il existe bien un Robert Mension, cadre du PCF, mais qui ne correspond pas à la description de l’informateur45. Quand à Paul Ker, il n’existe aujourd’hui aucun indice de son existence au vu des travaux effectués sur les services de renseignement soviétique ou kominternien opérant à l’Ouest pendant la guerre46.
Plus troublant, les renseignements fournis, considérés comme excellents par TR, combinent des éléments a priori fantaisistes, souvent très détaillés, et des informations, plus générales, qui paraissent plutôt fiables47. L’ensemble dresse un tableau qui, par touches assez discrètes, tend à surévaluer la menace communiste en France et favorise une interprétation offensive de la stratégie du Komintern en Europe.
20Cette source mystérieuse pose à nouveau, comme en 1936 et 1937, la question de la véritable origine de renseignements, pris très au sérieux par le contre-espionnage militaire, mais qui rétrospectivement ne peuvent être considérés qu’avec beaucoup de suspicion, d’autant plus qu’il existe un lien entre cet informateur et le service impliqué dans une opération d’intoxication liée à la lutte anticommuniste dans la période 1936-193748. En effet, Mension aurait été recruté dans les années 1930 par le commandant Mermet, alors chef du 2e bureau de la région militaire de Paris, un indice supplémentaire de manipulation du contre-espionnage militaire par un service ou une organisation d’origine indéterminée49.
21Quoi qu’il en soit, le contre-espionnage constitue une source importante de renseignements sur le communisme, à laquelle s’ajoutent celles d’origines policière et diplomatique, qui sont transmises au ministre de la Guerre et à l’EMA. L’institution militaire dispose donc d’une information diversifiée et souvent contradictoire sur le monde communiste. Si la capacité de collecte du renseignement par le SMA et TR reste constante, par contre, leur rôle dans la répression connaît un recul régulier qui s’inscrit dans une évolution générale défavorable pour l’institution militaire au sein du régime de Vichy.
22On constate en effet un déclin régulier du rôle de l’armée dans le maintien de l’ordre et la répression au profit de la police. Déjà, à partir de l’automne 1940, la nécessité de renforcer la défense de l’Empire et l’avancée du projet de formation d’une armée de cadres avaient détourné les forces armées de la seule mission d’assurer la sécurité intérieure. Puis, l’évolution du régime et la coopération de plus en plus contraignante avec les différents organismes de sécurité de l’occupant conduisent à privilégier de plus en plus les préfectures et les services de police dans l’action répressive. Selon la formule de Claude d’Abzac, « Vichy est passé peu à peu d’un État militaire à un État policier50 ». Ainsi, la loi du 14 septembre 1941, qui instaure un allègement de l’état de siège par la délégation à l’autorité civile de la totalité des pouvoirs de police et du maintien de l’ordre, stipule que les préfets peuvent en cas de troubles requérir le concours de la gendarmerie et de l’armée. Le même jour, un décret émancipe la Surveillance du Territoire de la tutelle du SMA. En 1942, sous l’action de René Bousquet, cette évolution s’accélère, en particulier avec la loi du 2 juin qui place la gendarmerie sous l’autorité du chef du gouvernement.
23Pourtant, par-delà ces transferts de compétences qui répondent surtout à des considérations politiques et à des modifications de rapports de force au sein du régime, l’armée reste l’instrument fondamental du maintien de l’ordre puisque les autorités civiles de zones libres ne cessent de compter sur son intervention pour faire face à d’éventuels troubles insurrectionnels. Cette permanence se vérifie dans les périodes de tension particulière. Ainsi, dans les mois qui suivent la défaite de la Wehrmacht devant Moscou, un retrait des Allemands de la France occupée est sérieusement envisagé. Mais, c’est au moment de l’invasion de la zone libre dans la dernière période d’existence de l’armée d’armistice, que cette préoccupation a les implications les plus tangibles.
24En effet, le 9 novembre 1942, face aux préparatifs allemands d’occupation de la zone libre, le haut commandement donne l’ordre à toutes les unités de l’armée française, au cas où la Wehrmacht franchirait la ligne de démarcation, d’évacuer leurs garnisons et les principaux axes routiers afin d’éviter le contact avec « les troupes étrangères ». Mais dès le lendemain, un contrordre annule ces préparatifs pour deux motifs : ne pas provoquer les Allemands et assurer la sécurité intérieure. Robert Paxton écrit sur ce dernier point :
« Quand les préfets apprirent que les villes et les principales lignes de communication allaient perdre leurs troupes, ils commencèrent à s’inquiéter de troubles éventuels […] Des nombreux préfets se plaignirent auprès de René Bousquet, secrétaire général de la Police […], qui relaya leur inquiétude lors des réunions du cabinet à Vichy. Finalement Pétain ordonna lui-même à Bridoux de faire en sorte que les forces nécessaires soient mises à la disposition des préfets51. »
25Ces réactions et les préparatifs contre-insurrectionnels ordonnés par le pouvoir civil montrent que la crainte d’une insurrection communiste reste l’un des traits permanents de la situation politique dans la France de Vichy. Ainsi, tardivement, en février 1943, le secrétariat d’État à la Guerre fait imprimer une Notice provisoire sur la guerre de rue qui détaille sur le plan tactique les techniques de combat contre des insurgés en milieu urbain52.
26Cette crainte, d’intensité variable selon les périodes, est particulièrement vive dans les premiers mois du régime de Vichy. Les indices, qui sont nombreux et d’origines très diverses, montrent qu’au cours de l’été et de l’automne 1940, la victoire allemande sur la France est le plus souvent perçue comme la cause d’une poussée générale du communisme en Europe. Les nombreuses rumeurs de guerre germano-soviétique imminente ne font qu’amplifier les craintes d’une déferlante communiste sur le continent, et tout particulièrement en France.
Fragilisation du régime et risques de déstabilisation
27Dans les mois qui suivent la défaite, le haut commandement reçoit des rapports pessimistes sur la situation politique intérieure. Leur contenu fait ressortir des tendances générales au sein de l’opinion publique proches des conclusions auxquelles est parvenu Pierre Laborie à partir de la documentation du Sud-Ouest toulousain : « un puissant maréchalisme de sentiment », « une hostilité viscérale à la collaboration », à laquelle l’ensemble de la politique du régime de Vichy est bien souvent assimilé, et « un attentisme fortement dominant53 ». En septembre, TR rend compte du mauvais état d’esprit de la population de l’Ain, un département plutôt rural et politiquement modéré :
« Les trois quarts de la population ne parlent que de trahison des chefs politiques et militaires aidés en cela par de nombreux officiers qui désiraient la défaite pour amener un changement de régime. Ces idées, répandues à l’origine par les éléments socialo-communistes, prennent corps et l’immense majorité de population finira bientôt par en être convaincue » ; [si Pétain est] « unanimement respecté », [le gouvernement] « n’a pas 10 % de partisans » ; « la moitié de la population souhaite la victoire des Anglais et estime de Gaulle (il s’agit de tous les gens qui s’inquiètent du sort de la France). Les autres, qui “vivent pour eux” et ne se soucient guère du sort de la Patrie, sont indifférents54. »
28Dans les mois suivants, les synthèses sur la situation politique et morale du pays conservent la même tonalité, soulignant l’impopularité de la collaboration, mais avec toutefois un regain d’optimisme dû à quelques signes de « renaissance du sens national55 ».
29Cette ambiance générale défavorable montre de manière évidente la fragilité du nouveau régime, et par extension de l’institution militaire qui fait désormais figure de pilier central de l’État. Cette faiblesse est d’autant plus ressentie par les militaires que, dès ses premiers mois d’existence, l’armée d’armistice est confrontée à une flambée d’antimilitarisme qui traduit, comme l’a souligné Robert Paxton, une coupure entre l’armée et la nation encore plus profonde qu’au cours de l’entre-deux-guerres56. Ce divorce fait vivement sentir ses effets au sein même de l’armée d’armistice et dans les chantiers de jeunesse où le SMA juge que le moral est particulièrement mauvais. En juillet, une note de synthèse rapporte :
« Dans certains dépôts, on voit un relâchement total de la discipline, une atmosphère d’irritation réciproque. On ne salue plus les officiers, sauf le colonel, un vieillard ; on engueule les sous-officiers ; on discute politique toute la journée, et c’est tout juste si l’on n’en vient pas aux mains. Voilà l’aspect général des citoyens français qui composent l’armée en déroute57. »
30En août, les incidents signalés sont nombreux dans les centres de regroupement où « ils frisent souvent l’émeute58 ». À l’automne, la situation d’ensemble est évaluée comme très médiocre :
« Dans l’armée, d’une manière générale, l’état d’esprit et le moral se maintiennent assez bas. Manque d’idéal dans la troupe, absence d’un but concret et élevé dans les cadres […] Sauf quelques rares exceptions, les hommes se plaignent de tout et de tous […] La discipline est mal acceptée ; le maintien de la classe 38 provoque des réactions violentes […] Les mesures de dégagement des cadres affectent toujours le moral des militaires de carrière59. »
31Parallèlement, les renseignements concernant les chantiers de Jeunesse décrivent une situation matérielle et morale assez chaotique, un mécontentement généralisé et un relâchement de la discipline qui conduit dans les cas les plus extrêmes à « une sorte d’anarchie60 ». Cette fragilisation de l’institution militaire fait douter de sa capacité à maintenir l’ordre et montre un risque sérieux de désagrégation en cas de crise intérieure grave. Or, la menace révolutionnaire est alors perçue comme forte et immédiate, faisant ainsi du communisme un facteur central de la situation politique française, surtout en ZO.
32Au cours de l’été et de l’automne 1940, les bulletins de synthèse établis par le SMA indiquent que l’activité communiste reste relativement limitée61, mais parallèlement de nombreuses informations et rumeurs alarmistes de diverses origines décrivent une progression souterraine du communisme dans le pays comme dans l’ensemble de l’Europe et annoncent des troubles révolutionnaires à court ou moyen terme. Ces prévisions ont tendance à s’aggraver au fil des mois. En août, le SMA constate seulement qu’une bonne partie de l’opinion publique croit encore à la possibilité d’un coup de force communiste62. En septembre, il signale le relatif succès de la propagande communiste, ainsi qu’un « réveil » du PCF dans plusieurs villes de provinces63. Plus grave, à la fin du mois, le SMA rapporte que « des organisations de combat seraient mises sur pied en vue d’une insurrection au printemps64 » et TR apprend de « bonne source » que les dirigeants soviétiques sont de plus en plus satisfaits de la situation en Europe occidentale et qu’ils considèrent que « la situation révolutionnaire mûrit lentement en France65 ». Un officier TR affirme à la même époque : « Si des réformes de structures ne sont pas faites bientôt et si la Révolution nationale ne s’accomplit pas à brève échéance, le gouvernement sera balayé et des événements graves sont à redouter66. » Une autre note du contre-espionnage présente un tableau d’ensemble des progrès de l’action des communistes en Europe occidentale : ils auraient déjà réussi déclencher plusieurs mouvements de révolte en Allemagne et en Italie ; en France, ils s’emploient avec succès à aggraver les pénuries pour accroître le mécontentement67. D’autres documents du contre-espionnage confirment la plupart de ces informations68.
33En novembre, TR considère que « plus que jamais la Russie compte sur la guerre pour provoquer la révolution mondiale » et il signale que la propagande communiste est devenue « intense » dans les Balkans, surtout en Yougoslavie et en Bulgarie69. Trois mois plus tard, l’attaché militaire à Berne transmet des « renseignements de valeur » sur la sensible progression du bolchevisme en Bulgarie et en Yougoslavie. Il en conclut que le péril révolutionnaire est « le plus grave de tous ceux qui menacent l’avenir de l’Europe70. » Cette analyse est partagée par le SMA dans une note de synthèse sur l’action communiste en France rédigée au cours de l’automne 1940 :
« Il y a là un péril pour la France dont on ne saurait méconnaître la gravité. Il est encore temps de combattre ce mal qui risque de ronger notre pays et d’empêcher son redressement. Le gouvernement possède les moyens d’étouffer dans l’œuf l’œuvre de destruction qui se prépare. Le pourra-t-il encore dans quelques mois, quand elle aura pénétré plus avant dans le peuple ouvrier français ? Insidieusement, le bruit est répandu que le communisme et l’espoir en les soviets sont les seuls moyens pour la France de se sauver du désastre. Une propagande assidue et largement rémunérée s’efforce de nous tromper et de nous engager dans cette voie périlleuse71. »
34Il est probable que l’ensemble de cette documentation n’a fait que conforter les chefs militaires dans leur conviction que le communisme reste une menace mortelle dans l’immédiat et plus encore pour l’avenir. Robert Paxton souligne l’importance de cette conviction dans les orientations prises par le régime de Vichy. En particulier, il estime que le pronostic fait par les dirigeants français qu’une guerre longue ou une victoire anglaise provoqueraient une révolution à l’échelle du continent, explique leur préférence pour une paix de compromis qui mettrait fin à la guerre72. Cette conviction montre que, plus fortement encore que par le passé, la question du communisme en France est étroitement liée à la vision des rapports de force internationaux et à la politique menée par l’Allemagne et l’URSS, mais aussi de plus en plus par la Grande-Bretagne, car ses relations présumées avec le mouvement communiste retiennent de plus en plus l’attention. Inévitablement, du fait de la gravité des enjeux et de la situation dramatique de la France sur la scène mondiale, des désaccords profonds entre militaires sont perceptibles, même si les lacunes de la documentation ne permettent pas de les cerner précisément. En outre, les contradictions qui apparaissent traduisent aussi le désarroi et la difficulté à analyser une situation intérieure et extérieure nouvelle, qui évolue rapidement, brouillant ou compliquant les repères politiques, doctrinaux, stratégiques et intellectuels de l’entre-deux-guerres, voire plus anciens.
L’URSS à l’offensive ?
35Le rapport hebdomadaire établi par TR sur l’activité des SR étrangers à la mi-septembre fournit une bonne illustration de la perception de la politique internationale soviétique par le contre-espionnage militaire au cours de l’été. Partant du constat que « le SR russe poursuit, comme toujours, sa politique énigmatique », le rapport souligne qu’il a très probablement établi des contacts réguliers avec l’Intelligence Service, tout en conservant des relations “courtoises” avec les autorités allemandes, comme l’indique la libération de communistes arrêtés par la police française suite à l’intervention de l’ambassade soviétique à Paris auprès des autorités allemandes73. » Dans l’ensemble, le contre-espionnage militaire estime que, par-delà la seule activité de leur SR, les Soviétiques mènent une politique dirigée contre la France74, ont de bonnes relations avec les Allemands, tout en conservant des contacts avec Londres. Cet opportunisme diplomatique dissimule la véritable motivation de la politique internationale de Moscou qui vise l’extension concomitante de la révolution et du territoire de l’URSS, ainsi que le montre l’intensification généralisée de la propagande communiste, y compris en Allemagne et en Italie. À la même époque, La France militaire met elle aussi l’accent sur l’expansionnisme soviétique présenté comme le trait dominant de la situation mondiale75. Dans l’ensemble, l’institution militaire qui croit aux intentions offensives de Moscou dirigées contre une France très affaiblie par la défaite, s’attend à des troubles révolutionnaires dans le pays. Or, cette appréciation générale diverge de l’orientation diplomatique suivie par Vichy à la même époque.
36À Moscou, l’ambassadeur de France, Eirik Labonne76, estime que le Kremlin, qui s’efforce de conserver une position de neutralité, ne joue pas contre la France et que Paris a donc intérêt à garder des relations correctes avec l’URSS, une orientation que semble suivre prudemment la diplomatie française au moins jusqu’à Montoire77. Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères accorde davantage de crédit que le haut commandement de l’armée aux renseignements qui convergent de plusieurs capitales européennes sur la probabilité d’une prochaine guerre germano-soviétique. Pourtant, les renseignements les plus précis proviennent des attachés militaires. Ainsi, début juillet, l’attaché militaire à Riga est informé par son homologue allemand que l’URSS a concentré des troupes sur ses frontières occidentales et que les relations germano-soviétiques se sont brutalement tendues. Berlin se prépare en conséquence à mener des opérations défensives face à l’Armée rouge78. Ces propos, qui pourraient être considérés comme une manœuvre de désinformation, sont corroborés par d’autres sources qui confirment les concentrations de forces de part et d’autre79, certains documents annonçant même comme probable une agression allemande contre l’URSS80.
37À l’automne, le risque de conflit germano-soviétique ne fait plus l’objet de dépêches récurrentes, mais son éventualité n’est pas écartée. Ainsi, un rapport sur l’Est européen, vraisemblablement produit par la direction politique des Affaires étrangères, cite longuement le compte rendu fait par l’attaché militaire dans les pays baltes à l’issue de son séjour de quatre jours à Berlin. Convaincu que la guerre entre l’Allemagne et l’URSS est « inévitable81 », il pense qu’elle aura lieu dès l’hiver et que les Russes seront facilement battus82. La perception d’un risque élevé de guerre germano-soviétique aux lendemains de l’effondrement français a été sous-estimée par l’historiographie, alors qu’elle a certainement pesé lourd dans l’attentisme de la politique extérieure de Vichy jusqu’en novembre 1940. Comment le haut commandement envisage-t-il cette hypothèse ? Aucun document ne donne le moindre indice et les archives du contre-espionnage militaire ne contiennent rien de très précis à ce sujet83. Ce silence semble indiquer que les chefs militaires ne l’ont pas sérieusement prise en compte.
38Toutefois, à partir de la fin septembre et en octobre, on discerne une évolution. TR obtient le compte rendu d’une longue conversation entre un informateur, probablement Nac, et le chargé d’affaires soviétique à Paris, Ivanov. Le diplomate lui a confié qu’il ne croit pas à une paix de compromis, qu’à son avis la guerre sera longue, car les Anglais ont une bonne capacité de résistance et qu’ils finiront par l’emporter grâce à l’intervention des États-Unis ou « d’une autre puissance84 ». Selon lui, le Kremlin suit une orientation antiallemande, et il donne plusieurs exemples d’un durcissement soviétique face à Berlin, mais il précise cependant que l’URSS reste très prudente, car son armée n’est pas prête. Si l’Armée rouge dispose d’un matériel de qualité, elle manque encore d’expérience pour l’utiliser efficacement. Néanmoins, il estime que l’URSS ferait la guerre si les Allemands prenaient le contrôle de la Roumanie85. D’autres renseignements confirment cette orientation antiallemande de la politique internationale du Kremlin, qui combine prudence et renforcement militaire intensif : les contacts entre SR britannique et soviétique sont de plus en plus fréquents et nombreux86 ; Staline craint avant tout les Allemands et prépare son armée à l’affrontement87.
39Cette perspective est prise au sérieux par le SMA qui considère qu’en URSS, « l’armement et les industries de guerre ont fait des progrès considérables » depuis la guerre de Finlande et que l’Armée rouge dispose désormais de 120 divisions « d’excellentes troupes bien armées ». En outre, bien que le problème de l’insuffisante formation des cadres demeure, des réformes en cours visent à l’améliorer et l’autorité de la hiérarchie militaire a été récemment renforcée au détriment de la direction politique de l’armée88.
40Cependant, tous les militaires ne partagent pas cette analyse d’une dégradation des relations germano-soviétiques. Ainsi, la Délégation française de la commission italienne d’armistice écarte le risque de conflit, puisque l’URSS observe une « neutralité très bienveillante vis-à-vis de l’Axe » et améliore ses relations avec l’Italie et le Japon89. En novembre, l’ouverture des négociations germano-soviétiques de Berlin semble confirmer cette hypothèse, mais la Délégation française auprès de la commission d’armistice de Wiesbaden relativise cette impression en estimant que le choc entre l’Allemagne et l’URSS est très probable, mais que les Soviétiques s’efforcent toujours de gagner du temps90.
41Dans l’ensemble, les archives du SMA et de TR traduisent l’incertitude, voire le désarroi, dans l’interprétation de la politique soviétique et de l’activité communiste en Europe. Cette impression est particulièrement perceptible sur deux points concomitants : la thématique de la collusion germano-bolchevik qui revient au premier plan, mais avec en parallèle celle d’une collusion entre communistes et Britanniques, qui à cette époque prend de l’importance, alimentée elle aussi par diverses sources. Les synthèses hebdomadaires des interceptions télégraphiques, téléphoniques et postales rapportent des faits qui montrent les relations étroites entre communistes et Allemands : « Chez moi, les communistes ont reçu les boches avec des fleurs » écrit une correspondante ; en août, des rumeurs annoncent la formation à Paris d’un gouvernement communiste fantoche et la légalisation prochaine de L’Humanité en zone occupée ; en septembre, les Allemands encouragent le PCF en zone occupée91. TR recueille également des renseignements qui accréditent la thèse d’une collaboration entre le PCF et l’occupant : L’Humanité se vend presque ouvertement, même sur la place de l’Opéra92 ; Paul Ker a indiqué que les rapports entre les Allemands et l’ambassade soviétique sont excellents et que les autorités occupantes font libérer des communistes arrêtés par les autorités françaises ; il a également confirmé la légalisation de L’Humanité qui serait imprimé grâce à l’aide technique des Allemands93.
42Toutefois, Ker dévoile au cours de la conversation le double jeu des Soviétiques :
« Les Soviets désirent que, dès qu’un mouvement sera déclenché en Allemagne, on obtienne la fraternité entre les éléments populaires français et les troupes allemandes d’occupation. Ils estiment indispensables que ce mouvement s’étende rapidement jusqu’à l’Atlantique. S’il y a des régions où le mouvement échoue, les armées soviétiques interviendront. »
43Il précise que « les Anglais appuieront ce mouvement » et que d’ores et déjà Londres envoie beaucoup d’argent au PCF. Ce type de renseignement influence manifestement le SMA puisqu’en octobre une longue « note sur l’action communiste en France et sur l’attitude des soviets », qui semble être une production du service, reprend une analyse très voisine :
« Les Soviétiques poursuivent activement leur politique communiste de désagrégation et de corruption en France, et ils sont en cela en complet accord avec l’Allemagne, mais avec des buts différents. L’Allemagne, qui craint le relèvement de la France, estime que le moyen le plus sûr de l’en empêcher est de la livrer au communisme, quitte à réprimer ce mouvement s’il se révélait dangereux pour elle. Staline de son côté considère que la France livrée au communisme peut devenir un centre de révolution sociale, susceptible d’étendre son action sur d’autres peuples, notamment sur sa voisine l’Allemagne. »
44Certains actes de propagande du PCF donnent du crédit à cette thèse d’une stratégie révolutionnaire tournée à la fois contre la France et l’Allemagne, tel ce long tract placardé fin septembre sur les murs d’Épinal, d’une forte tonalité antinazie, qui dénonce l’occupation allemande94.
45Les quelques renseignements sur l’entente secrète entre Soviétiques et Britanniques confirment le repérage de cette stratégie conjointe antifrançaise et antiallemande. Le ministère de la guerre et le haut commandement partagent-ils les analyses du contre-espionnage ? Aucun document ne permet d’apporter de réponse sur ce point. Quoi qu’il en soit, à la fin de 1940, cette interprétation est encore accentuée en raison de l’évolution des relations germano-soviétiques et du nouveau cours de la politique internationale de Vichy désormais dominée par le choix de la collaboration avec le vainqueur.
La collaboration, l’énigme soviétique et l’ennemi intérieur : nouvelles incertitudes, nouveaux dangers (novembre 1940-mars 1941)
46Les effets de la politique de Montoire sur l’attitude adoptée face au communisme et à l’URSS ne sont guère perceptibles dans les archives militaires, en particulier parce que le contre-espionnage conserve une attitude antiallemande. Seul, un article de La France militaire marque une inflexion avec la publication le 13 novembre d’un article qui consacre l’Allemagne comme protectrice de l’Europe face à la Russie asiatique95. Plus que la nouvelle politique internationale de Vichy, c’est l’évolution de la situation diplomatique en Europe orientale qui semble davantage influer sur la perception de la question russe par les militaires français, sans toutefois qu’ils accordent un grand intérêt à l’URSS. Les enjeux qui concentrent l’essentiel de leur attention durant cette période, restent l’Occident européen, l’espace balkanique et méditerranéen.
Un enjeu soviétique marginal, mais suivi de près
47Le séjour de Molotov à Berlin, entre le 12 et le 14 novembre, suscite à travers le monde beaucoup de spéculations sur la politique soviétique en Europe96. Pour les uns, les négociations entre le ministre soviétique et les dirigeants nazis ont débouché sur un revers pour Berlin, car les Soviétiques se sont montrés résolus à conserver une attitude de stricte neutralité en dépit de l’avantage décisif pris par l’Allemagne dans le conflit ; d’autres y voient une nouvelle étape dans le resserrement des relations germano-soviétiques qui comprend vraisemblablement des accords secrets. En France, la première interprétation paraît l’emporter avec une nuance importante : alors que les diplomates estiment jusqu’à la fin du printemps que les risques de guerre germano-russe sont pour l’heure écartés, les milieux militaires informés suivent mois après mois les signes de montée de la tension entre Moscou et Berlin97.
48Outre la confirmation des concentrations de troupes allemandes dans les zones frontières limitrophes de l’URSS, bien connues et mentionnées par les journaux, TR recueille régulièrement des renseignements, qui montrent une dégradation sous-jacente et continue des relations entre l’URSS et le Reich. En particulier, sont repérés un net durcissement du Komintern contre l’Allemagne et une coopération de plus en plus étroite avec les services spéciaux britanniques98. Les renseignements les plus significatifs sont les suivants : « L’URSS absorbe le principal effort du SRA » qui estime la guerre inévitable (novembre) ; en Italie, les agents soviétiques transmettent au SR britannique les jours de départ de bateaux italiens pour qu’ils soient torpillés par la Royal Navy (décembre) ; la collusion entre le SR soviétique et l’Intelligence Service apparaît en ZO (janvier) ; le SR russe développe de plus en plus ses réseaux contre l’Allemagne (janvier) ; le mot d’ordre actuel du Komintern est « lutte à outrance contre l’Allemagne » (janvier) ; en Allemagne, la propagande communiste vient de se réveiller et la Gestapo a dû être renforcée dans certains centres (janvier) ; dans toute l’Europe, occupée ou non, elle est violemment hostile à l’occupant (janvier) ; travail de plus en plus « minutieux » du SR soviétique sur l’armée allemande (janvier-mars) ; la collusion anglo-soviétique est totale en matière de renseignement et de propagande (juin)99 ; le SR russe organise l’action révolutionnaire dans les milieux ouvriers et des manifestations en liaison avec les SR anglais et inter-alliés (juin)100.
49Sur un plan plus général, le contre-espionnage bénéficie de sources qui rendent compte d’évolutions politiques et stratégiques souterraines. Fin décembre-début janvier, plusieurs sources militaires rendent compte de l’échec de la rencontre Hitler-Molotov101. En particulier, TR reçoit de Nac un compte rendu de conversations avec Bogomolov, le nouveau chargé d’affaires soviétique à Vichy102, et avec l’attaché militaire, le général Sousloparov, avec lequel il s’est longuement entretenu103. Tous deux confirment que les Soviétiques conservent l’objectif de sauvegarder leur neutralité aussi longtemps que possible et qu’ils veulent, malgré les pressions allemandes, maintenir des contacts avec Londres. Le diplomate rapporte toutefois que la tentative de négociation d’un accord global avec le Royaume Uni a échoué, mais que Moscou pense reprendre les discussions au printemps. L’attaché militaire, qui qualifie les relations germano-soviétiques de « correctes et bonnes, mais sans plus104 », admet toutefois que les échanges économiques entre le Reich et l’URSS restent importants, mais que les Soviétiques refusent de livrer des produits stratégiques dont les Allemands ont un besoin impératif. Ensuite, Sousloparov fait un tour d’horizon de la situation européenne et de l’évolution du conflit, qui étonne par sa tonalité résolument optimiste. Citant son homologue en poste à Berlin, le général soviétique estime que le moral allemand est très atteint par la perspective d’une guerre longue et qu’une tentative de débarquement en Angleterre est peu probable d’ici le printemps. Mais il ajoute que les attachés militaire et naval soviétiques à Londres ne croient plus qu’une invasion de la Grande-Bretagne soit possible. L’hypothèse que Hitler fasse le choix d’une paix de compromis mérite donc d’être retenue. Enfin, à la question de Nac sur l’attitude qu’adopterait l’URSS en cas de poussée allemande dans les Balkans et vers les Détroits, l’attaché militaire répond que seul Staline connaît la réponse, mais qu’à son avis les Soviétiques ne feraient pas la guerre et adopteraient l’attitude suivante : en cas d’invasion de la Bulgarie, Moscou cesserait toutes relations commerciales avec l’Allemagne ; par contre, l’attaque de la Yougoslavie ne soulèverait aucune protestation ; une agression contre la Turquie, provoquerait au contraire l’envoi d’une importante aide en armements et en produits alimentaires105.
50Début janvier, l’attaché militaire à Moscou, le lieutenant-colonel Abraham, adresse au 2e bureau des télégrammes qui vont dans le même sens que le compte rendu de Nac : il ne pense pas que les récents accords germano-soviétiques soient d’une grande portée, en particulier il ne croit pas qu’ils comportent des clauses secrètes liant davantage l’URSS à Berlin ; il estime que, si l’Allemagne occupe les Balkans ou attaque la Turquie, l’URSS ne bougera pas106. Ainsi, les Soviétiques resteraient cramponnés coûte que coûte à leur neutralité, point de vue qu’Abraham confirmera début mars : « Pour écarter de l’URSS, ne fût-ce que pour un certain délai, le danger d’une attaque allemande, le Kremlin paraît capable d’accepter le cas échéant tous les compromis107. » L’attaché militaire évoque également la poursuite intensive de l’effort de défense avec une nouvelle augmentation sensible du budget militaire et des changements importants en février au sein du haut commandement, non pour cause d’épuration, mais parce que Staline s’efforce de donner à l’Armée rouge le meilleur état-major possible en raison du risque d’agression allemande. À propos de cette hypothèse toujours pendante et controversée depuis plusieurs mois, Abraham donne, dès janvier, son sentiment de manière tranchée en affirmant que l’invasion de l’URSS est « l’hypothèse la plus probable ». Rien n’indique qu’elle fut la réaction du 2e bureau et du haut commandement à la réception de ces documents, mais Eirik Labonne manifeste clairement son désaccord : une attaque de l’URSS n’est qu’une hypothèse parmi d’autres ; l’effort de défense du pays n’est pas aussi considérable que le prétend l’attaché militaire108. Ces deux visions divergentes de l’évolution des relations germano-soviétiques peuvent-elles être extrapolées au point d’affirmer qu’elles expriment une divergence de fond entre le ministère de la Guerre et le ministère des Affaires étrangères ?
51Georges-Henri Soutou estime que, de l’été 1940 jusqu’à juin 1941, le ministère des Affaires étrangères prône, excepté dans la période où Pierre Laval est au Quai d’Orsay, une attitude d’ouverture relative vis-à-vis de l’URSS. Cette politique, qui reste à « l’état d’esquisse » car elle relève plutôt de la « velléité », n’est pas approuvée par le chef de l’État et ne trouve pas d’appui au sein du gouvernement109. Les chefs de l’armée se montrent-ils hostiles à l’orientation défendue par les Affaires étrangères ? Aucun document ne donne une réponse explicite, mais un ensemble d’indices montre qu’au sein de l’armée d’armistice l’enjeu soviétique est davantage pris en compte, avec d’autant plus d’acuité que la guerre entre l’Allemagne et l’URSS est considérée comme une éventualité de plus en plus probable. Ces indices jouent dans des sens contradictoires, mais la tendance dominante est favorable au rapprochement avec Moscou. Et il ne semble pas que Laval ait été opposé à cette option.
52Le premier indice est fourni par la question du renouvellement des attachés militaires à Moscou. En août 1940, le ministère de la Guerre décide de nommer le commandant Louis Abraham en remplacement du général Palasse, placé dans le cadre de réserve en application de la loi du 2 août 1940 sur la limite d’âge. Ce choix ne marque pas une volonté de rupture avec la période passée et tient compte des critères de compétences, puisqu’Abraham, officier breveté, est attaché militaire adjoint depuis 1938 et qu’il parle couramment le russe. Le chef de bataillon Lucien Lamothe, lui aussi breveté et connaissant le russe, est d’abord désigné comme adjoint110, mais appelé à d’autres fonctions, le poste est ensuite attribué au lieutenant Joseph Lochard, chef de la section russe des services spéciaux111. Palasse quitte donc Moscou courant novembre. L’important écart de grade entre l’attaché militaire en fin de mission et son remplaçant est justifié par la règle appliquée après l’armistice qui prévoit que les attachés militaires en poste soient remplacés par un officier de rang inférieur. Cette règle est également appliquée par le ministère de l’Air qui décide le départ du colonel Luguet placé dans la position de « congé d’armistice » en application de la loi du dégagement des cadres du 25 août 1940. Ces décisions concernant Palasse et Luguet viseraient-elles à écarter deux officiers qui, depuis 1938, avaient plaidé en faveur d’accords militaires avec les Soviétiques112 ? Rien ne l’indique et les suites données à ces décisions montrent plutôt l’inverse.
53En effet, l’annonce de ces deux changements quasi simultanés suscite les réactions de Labonne qui demande instamment que soit nommé comme attaché militaire un officier ayant rang de général113. Il estime en effet nécessaire de maintenir le prestige de la France pour rester crédible auprès des Soviétiques. Cette demande est fermement appuyée par Pierre Laval, vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, qui fait remarquer qu’à Bucarest et Ankara, un général a été remplacé par un lieutenant-colonel, qu’à Washington, un général a été maintenu et, qu’en conséquence, nommer un commandant à Moscou apparaît comme « une anomalie114 ». Le départ de Laval du gouvernement le 13 décembre limite vraisemblablement la portée de cette lettre, et il faut attendre le 7 avril pour que le ministère de la Guerre décide de remplacer Abraham par le lieutenant-colonel Jean Chabanier, ce qui provoque la protestation de Gaston Bergery, le nouvel ambassadeur de France à Moscou, qui demande le maintien d’Abraham, bien connu des Russes et tout à fait compétent à son poste. Bergery ajoute que le renouvellement quasi simultané des postes d’ambassadeur, d’attaché militaire et d’attaché de l’Air ne peut que perturber la représentation diplomatique française à Moscou dans une période particulièrement délicate et dangereuse115. Finalement, le 4 juin, le ministère informe Bergery qu’Abraham est maintenu à son poste avec le grade de lieutenant-colonel à titre fictif116 !
54Concernant l’attaché de l’Air, le secrétariat d’État à l’Aviation répond beaucoup plus favorablement et rapidement à Labonne qui a demandé le maintien de Luguet à son poste. Dès le 21 novembre, l’ambassadeur est informé qu’en raison de l’application de la loi, sa demande ne pouvait être satisfaite, mais qu’en attendant l’arrivée de son successeur désigné, le commandant Vernoux, Luguet restera à Moscou117. Au printemps, Vernoux n’étant toujours pas arrivé, Luguet est toujours attaché de l’Air et il quittera Moscou avec l’ensemble du personnel de l’ambassade à la fin juin 1941. Il profitera d’ailleurs du voyage de retour pour déserter et rejoindre la France Libre118. La différence d’attitude entre l’Air et la Guerre montre que le premier département accorde plus d’importance aux relations avec l’URSS, sans qu’on puisse conclure à une opposition sur la question russe, car un étrange épisode montre que l’armée de Terre et l’Aviation veulent jouer, tout au moins dans la seconde moitié de décembre 1941, la carte d’un rapprochement avec l’URSS, une attitude dont quelques signes ont déjà été repérés par Georges-Henri Soutou de la part du ministère des Affaires étrangères119.
55Fin 1940, le ministère de l’Air demande aux Affaires étrangères d’intervenir auprès des autorités soviétiques afin « d’obtenir la faculté pour la France de pouvoir se substituer à divers pays étrangers qui ont passé des commandes de matériels aéronautiques aux États-Unis », pays parmi lesquels figure l’URSS. En outre, le ministère de l’Air envisage d’acheter du matériel aéronautique aux Soviétiques120. Ces demandes, qui surviennent brutalement et peuvent s’expliquer par les grandes difficultés de réorganisation et d’équipement de l’aviation française, reviennent à attendre des Soviétiques qu’ils freinent le développement de leurs forces aériennes au profit de la France, avec laquelle les relations sont devenues très distendues121 ! Aussi étonnante est la démarche engagée au même moment par le Secrétariat d’État à la Guerre qui demande aux Affaires étrangères d’obtenir de Moscou la vente de 60 avions destinés à renforcer les forces aériennes d’Indochine, les Soviétiques prenant en outre en charge leur acheminement de Vladivostok à Saigon122.
56Labonne est chargé de sonder les Soviétiques sur la faisabilité de ces deux projets123. À la réception de ces directives, il fait part de son pessimisme sur l’aboutissement de ces propositions, mais les trouve cependant opportunes pour une raison qui en dit long sur le grand relâchement des relations franco-soviétiques :
« Les chances de succès sont évidemment des plus faibles. Le gouvernement des soviets ne voudra pas se compromettre même s’il était disposé à répondre favorablement ; il craindra une publicité à peu près inévitable, ainsi que la déformation et le grossissement du fait lui-même et des interprétations imprévisibles. Cependant, la démarche peut, il me semble, être effectuée. Elle me donnerait une occasion intéressante de contact avec M. Vychinski […]124 »
57Cette démarche semble effectivement être restée sans suite après la rencontre entre Labonne et Vychinski à la fin décembre125.
58Il est indéniable que, vers la fin de l’année 1940, le régime de Vichy porte un certain intérêt à l’URSS et que les militaires sont en pointe dans les initiatives prises à ce sujet. Les Affaires étrangères voudraient d’ailleurs percer les véritables intentions des Soviétiques, puisqu’elles décident, vraisemblablement à la fin novembre, l’installation dans l’ambassade de France à Moscou d’une poste récepteur sophistiqué destiné aux interceptions des communications126. L’ambassadeur demande en conséquence au ministère de la Guerre de faire le nécessaire pour que l’armée fournisse le matériel radio et un radiotélégraphiste expérimenté qui devraient arriver à Moscou aux alentours du 20 janvier. Mais à cette date, du fait des difficultés rencontrées par l’EMA pour trouver les appareils nécessaires, le technicien et l’équipement ne sont toujours pas arrivés à Moscou, et rien n’indique qu’ils aient été jamais acheminés.
59Comment interpréter cet inattendu regain d’intérêt pour l’URSS ? Indépendamment des grosses difficultés d’équipement de l’armée de l’Air et de la menace japonaise qui pèse sur l’Indochine, leurs motivations paraissent essentiellement politiques, mais difficiles à saisir. Il est peu probable qu’elles soient liées à l’éviction de Laval qui survient le 13 décembre, car elles ont été décidées à une date antérieure. Ces démarches ont certainement visé à tenter de renouer des relations avec Moscou et à tester les intentions profondes qui guident la politique extérieure soviétique qui plus que jamais demeure une énigme alors que le risque de guerre soviéto-germanique est jugé élevé127. Si ce nouveau positionnement vis-à-vis de Moscou ne sort par du champ des velléités de la part du ministère des Affaires étrangères et du haut commandement, des considérations à plus long terme ont probablement joué dans les départements Guerre et Air, car il est certain que dans les sommets de l’institution militaire existe à cette époque une réflexion d’envergure sur le fiasco de la politique soviétique de la France dans les années 1930, ses effets sur l’effondrement de 1940 et les leçons à en tirer pour l’avenir. Si l’impact sur les chefs de l’armée de Vichy de ce questionnement et de la conceptualisation novatrice qui en résulte ne peut être estimé, il explique au moins pour une part les velléités de renouer avec Moscou.
60Les archives militaires ne conservent qu’une trace d’un travail de fond sur l’URSS au sein de l’armée de Vichy. Il s’agit d’une longue étude du capitaine Beaufre sur les négociations militaires d’août 1939 à Moscou qui ne peut être réduite à une simple initiative individuelle, car elle résulte très probablement d’une demande de sa hiérarchie au vu de ses compétences. Beaufre a en effet été l’adjoint du général Doumenc qui dirigeait la délégation française au cours de ces négociations128. Ce document est d’autant plus surprenant qu’il est en rupture avec l’anticommunisme radical que professe Vichy et qu’il contient une critique sévère des thèses antisoviétiques défendues par Pétain durant tout l’entre-deux-guerres. En effet, plus qu’un bilan exhaustif des négociations de Moscou, Beaufre livre surtout une réflexion de fond sur la période de l’entre-deux-guerres et sur l’avenir, pendant la guerre et pour l’après-guerre, des relations franco-soviétiques129. La production tardive de ce document apparaît comme le contrecoup du désastre de mai-juin, ce violent traumatisme entraînant un besoin irrépressible de comprendre les causes de la défaite. Pour Beaufre, l’échec de la politique française vis-à-vis de Moscou dans les années 1930 est une des causes essentielles de l’effondrement français qui a permis l’hégémonie de l’Allemagne en Europe. Pour l’avenir, il envisage la perspective de nouvelles alliances qui permettrait d’instaurer un nouvel ordre européen dans lequel l’URSS jouerait un rôle décisif.
61Le rapport de Beaufre est d’abord une condamnation globale et sévère de la politique soviétique de la France de l’entre-deux-guerres et, a contrario, il juge la position des soviétiques durant les négociations d’août 1939 « inattaquables ». Il considère ensuite que la conclusion du pacte germano-soviétique par Moscou a été un choix rationnel qui contraste avec le manque de clairvoyance des dirigeants français qui, en louvoyant, s’illusionnaient en croyant pouvoir empêcher la guerre en Europe occidentale. Face aux « abstractions » des Français, les « conceptions pragmatiques et simples » des Russes les ont conduits à faire le seul choix réaliste possible. En conséquence, Beaufre estime qu’il était erroné de croire que les facteurs politiques et idéologiques étaient un obstacle rédhibitoire à l’alliance avec Moscou, une erreur d’autant plus inexcusable que, selon lui, la nature communiste de l’URSS s’estompe peu à peu au profit de l’affirmation nationale du régime :
« Quand on traverse la Russie, la première chose qui frappe, malgré les calicots rouges et les emblèmes révolutionnaires, c’est que la politique de l’État soviétique tend de plus en plus au retour de l’impérialisme panslave de la Grande Russie […] La Troisième Internationale aboutit donc en définitive à une sorte de communisme hypernational. »
62Ainsi, se confirme cette vérité de l’histoire que « les révolutions sanglantes ne forment pas des rêveurs, mais des réalistes ». En conséquence, Beaufre affirme que l’objectif principal des dirigeants soviétiques est de préserver l’œuvre accomplie, ce qui explique leur « extrême prudence » sur la scène internationale et le « conservatisme » de leur politique extérieure, d’autant plus impératifs à leurs yeux qu’ils connaissent la faiblesse économique et militaire de l’URSS.
63Ces considérations abruptes s’inscrivent, sur le fond, dans la continuité des analyses des attachés militaires successifs à Moscou entre 1933 et 1940, les généraux Mendras, Simon et Palasse et, sur certains points, elles sont proches des conceptions qui dominaient au sein du haut commandement au cours des années 1930130. Par contre et paradoxalement, elles sont en opposition complète avec les thèses que défendait alors la frange anticommuniste la plus radicale de l’institution militaire, avec pour chef de file le maréchal Pétain, qui rejetait par principe tout rapprochement avec l’URSS.
64Tirant ensuite les conséquences de l’effondrement de la puissance française et des nouveaux rapports de forces en Europe, Beaufre prône une réévaluation radicale de la carte russe dans le jeu français pour contrer l’hégémonie allemande :
« Malgré tous les traités qui la lient à l’Axe, l’URSS reste le seul contrepoids continental […] Directement ou indirectement, ce contrepoids doit nous servir, soit pour la revanche, soit pour inciter l’Allemagne à nous ménager en vue d’une collaboration contre la Russie […] Sans nous laisser abuser par les souvenirs un peu amers des événements si proches que nous venons d’évoquer, sachons jouer dans l’avenir de cette carte russe, mais, cette fois, avec le réalisme et la clairvoyance d’un peuple redevenu maître de ses destins. »
65Désormais, la perspective est claire : que la France fasse le choix de l’entente avec l’Allemagne ou qu’elle s’oriente vers la revanche, elle devra mener une politique soviétique claire et résolue. Plus que jamais le facteur soviétique reste subordonné à la question allemande.
66Dans l’ensemble, le point de vue de Beaufre combine deux dynamiques interdépendantes : d’une part, dans l’appréciation du régime soviétique et de son rôle international, une continuité d’analyse avec celle de la plupart des officiers spécialistes de la question russe dans les années 1930 ; d’autre part, une systématisation de la prise en compte de l’URSS comme acteur international majeur dans la longue durée, qui marque une volonté de rupture avec la politique sinueuse, velléitaire, bornée par le court terme, que la France avait menée face à l’URSS durant les années 1930. Si la thèse de Beaufre n’a pas eu un impact repérable sur le haut commandement et a fortiori sur le gouvernement, elle montre qu’a minima dans des cercles militaires la question russe se pose en termes nouveaux au lendemain de la défaite. Cette nouvelle problématique se manifestera par la suite au sein de l’armée de Vichy et son influence explique, au moins pour une part, l’inflexion de la fin de 1940
67Si Vichy, dont la marge de manœuvre sur le plan international est très limitée, ne va pas au-delà des quelques initiatives velléitaires de l’automne 1940, le souci de ménager Moscou est évident au vu du choix des ambassadeurs en URSS : d’abord le maintien en poste d’Éirik Labonne, nommé par le gouvernement Reynaud, puis l’affectation au printemps 1941 de Gaston Bergery, favorable au rapprochement franco-soviétique. L’intérêt relatif pour l’URSS se manifeste également par la poursuite d’un travail régulier d’évaluation du potentiel militaire soviétique.
L’URSS se prépare à la guerre
68Dans la continuité des années 1930, l’évaluation de la puissance militaire soviétique reste un sujet de controverse entre militaires, mais de façon moins abrupte que dans l’avant-guerre. Une longue étude du 2e bureau sur l’armée soviétique, datée du 1er juin 1940, se borne à répéter les constats antérieurs en insistant sur les faiblesses mises en évidence par la guerre de Finlande : l’Armée rouge constitue une imposante force défensive capable de protéger avec une certaine efficacité le territoire soviétique face à une agression, mais elle souffre de nombreuses carences, en particulier dans l’encadrement et le haut commandement, qui ne lui permettent pas de mener une guerre offensive131. Néanmoins, des évolutions positives sont signalées grâce aux mesures énergiques adoptées pour combler les lacunes révélées par la guerre d’Hiver :
« Un effort de réorganisation est en cours ; on peut estimer qu’un long délai est nécessaire pour qu’il porte ses fruits, six mois, un an peut-être. Il faut donc se garder de tirer des conclusions définitives des opérations menées sur le théâtre d’opération assez spécial de Finlande, et ne pas oublier qu’au bout de quelques mois de campagne, l’Armée rouge avait réalisé de très sensibles progrès132. »
69Ce document marque une évolution du 2e bureau puisqu’il reconnaît désormais l’aptitude des forces armées soviétiques à améliorer leurs capacités opérationnelles. Quelques mois plus tard, l’attaché militaire confirme l’ampleur de la restructuration de l’Armée rouge entamée au printemps 1940. Il insiste sur la qualité du haut commandement et des commandants d’armée. En particulier, il juge Timochenko compétent et fait l’éloge de Chapochnikov qui, selon lui, reste en coulisse le véritable chef d’état-major. Il souligne qu’une nouvelle génération de chefs militaires est en train d’accéder à de hautes responsabilités. Enfin, le rétablissement de l’unité de commandement le 12 août 1940 lui semble confirmer cette élévation générale de qualité des différents échelons de la hiérarchie militaire soviétique133.
70Quelques semaines auparavant, le lieutenant-colonel Luguet signait une longue note qui, dans la continuité de celles qu’il avait rédigées depuis 1938, tirait un bilan des forces et faiblesses de l’arme aérienne soviétique et concluait à son renforcement continu et à sa capacité à combattre efficacement. Au passif, l’attaché de l’Air relève que les avions en service sont de bonne qualité, mais nettement dépassés, car il s’agit de modèles qui datent de 1936-1937. Il estime, très justement, qu’à la fin 1940, les nouveaux modèles entrant en service ont des performances équivalentes à ceux employés un an auparavant dans les pays en guerre. Afin de rattraper ce retard et pour réduire la dépendance technologique vis-à-vis de l’étranger, surtout pour les moteurs, une réorganisation de la production a été effectuée en 1939-1940, mais elle a eu pour première conséquence de réduire sensiblement la production. Luguet l’évalue très inférieure à 1 000 avions par mois, juge probable qu’elle atteindra ce chiffre en 1941 et le dépassera en 1942. Sur le plan quantitatif, cette évolution devrait permettre, fin 1941-début 1942, d’atteindre la même capacité de production que l’Allemagne et l’Angleterre. Par contre, sur le plan qualitatif, Luguet estime que le retard d’une année ne pourra être rattrapé, au mieux, avant 10 ans. En conséquence, « les forces aériennes soviétiques paraissent en mauvaise posture » face aux autres puissances du fait de leur infériorité technologique, mais le facteur distance et le potentiel considérable de recrutement en pilotes jouent en faveur des Soviétiques. En raison de ce rééquilibrage partiel, l’attaché de l’Air affirme que « la maîtrise de l’air paraît ne pouvoir être conquise sur l’URSS, même par un adversaire comme l’Allemagne employant tous ses moyens, qu’avec de sérieuses difficultés134. » Dans l’ensemble, Abraham et Luguet attribuent donc à l’URSS un potentiel militaire de valeur qui continue de croître.
71Du côté des diplomates les appréciations sont moins positives, mais cependant la capacité de résistance des Soviétiques est considérée comme sérieuse. La Direction politique des Affaires étrangères juge que, si « les informations sur la valeur de l’Armée rouge sont incertaines et contradictoires », la détermination des dirigeants soviétiques paraît entière, puisque, « selon des renseignements dignes de foi, c’est sur la ligne de l’Oural qu’ils songent éventuellement à se replier135. » Cette détermination apparaît également dans l’évolution de la politique communiste.
Le Komintern et le PCF retournent à l’antinazisme
72Le contre-espionnage suit assez précisément, en la surestimant toutefois, la radicalisation antinazie du Komintern qui, dans l’Europe occupée, oriente de plus en plus sa propagande contre la Wehrmacht136 : en décembre, l’apparition de tracts rédigés en allemand à destination des soldats est signalée à Paris137 ; en janvier, « la lutte à outrance contre l’Allemagne » est repérée comme le principal mot d’ordre communiste à l’échelle de l’Europe, tandis qu’en Allemagne l’effort de propagande est intensifié, qu’en Belgique et aux Pays-Bas, les partis communistes aident la résistance à organiser des attentats contre les Allemands et qu’en France, les autorités d’occupation, inquiètes de l’action communiste, collaborent désormais plus étroitement avec la police française pour réprimer le PCF138 ; en février, une note affirme que les communistes roumains ont reçu pour instructions de saboter des installations pétrolières et des usines, et qu’en Italie, le Komintern finance les organisations anarchistes139 ; en mars, il est signalé qu’en France
« la propagande communiste est passée à l’attaque contre les autorités allemandes, contre […] les divers mouvements politiques d’inspiration allemande […] et que les ouvriers envoyés en Allemagne comprendraient une forte proportion de militants de l’ex-Parti communiste français140 » ;
ce même mois, la progression du communisme en Allemagne est confirmée141. À ce sujet, il ressort de l’ensemble des renseignements recueillis que le Komintern fait de gros efforts pour développer la subversion outre-Rhin, non sans succès.
73L’accumulation de renseignements sur l’orientation antiallemande désormais suivie par le PCF contraste avec la multiplication de ceux qui indiquent que les organisations collaborationnistes ont établi des relations si étroites avec les services spéciaux allemands, que ces derniers les considèrent comme de véritables « pépinières d’agents enthousiastes et souvent bénévoles142 ». Ainsi, Costantini et le PPF sont repérés pour leurs liens étroits avec les autorités d’occupation143, ainsi que le MSR de Deloncle pour fournir aux services allemands tout ce qu’il peut savoir sur les communistes et les gaullistes144. C’est d’ailleurs le MSR qui suscite le plus de préoccupation en raison de son extrémisme et de ses ambitions145. Selon un « excellent » informateur, Deloncle aurait proposé aux communistes de co-organiser un attentat contre Pétain. Le PCF aurait refusé en répondant que si Deloncle mettait son projet à exécution, il rendrait public des documents compromettants sur cette affaire146. Indépendamment du peu de crédibilité rétrospective de ce renseignement, il montre qu’au printemps 1941, l’extrême droite devient un problème de sécurité intérieure et de contre-espionnage plus grave que celui représenté par le PCF.
74Pourtant quelques traces de connivence germano-communiste subsistent, plus à l’état de suspicion que de faits tenus pour avérés : en décembre, une note qui signale la recherche d’information du SR russe sur l’aviation française, comprend cette interrogation : « Travaillerait-il en collaboration avec le SRA ? L’hypothèse n’est pas exclue147 ? » ; en février, la propagande communiste en Afrique du Nord est considérée comme identique à celle du SRA et de « certaines cellules du PPF148 » ; le mois suivant, est repéré l’envoi par le SRA d’agitateurs communistes en Afrique du Nord afin d’y renforcer la « cinquième colonne » qu’il tente d’y organiser149. Cependant, la suspicion d’un double jeu des communistes n’apparaît dans aucun document de synthèse. Fin 1940-début 1941, la thématique de la collusion a donc cessé de jouer un rôle important dans la définition du péril communiste. Pourtant, celui-ci reste considéré comme un danger majeur parce que de nouveaux facteurs interviennent pour lui donner un nouvel élan, non seulement en France, mais plus largement à l’échelle européenne.
75Les renseignements sur le communisme deviennent en effet plus précis, moins fantasmatiques qu’au cours de l’été et du début de l’automne, même s’ils surestiment dans de fortes proportions les capacités et les objectifs du PCF. Si le risque insurrectionnel n’est plus guère évoqué pour le court terme, la description d’une montée assez générale du communisme sur le continent se précise mois après mois150. Conséquence significative de ce constat, la « synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit en France occupée » produite par le SMA devient en mars 1941 la « synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit et le communisme en France occupée ».
76Le contre-espionnage militaire estime que l’activité de propagande du PCF tend de façon générale à se développer, mais il affirme surtout qu’elle gagne en crédibilité et « pénètre profondément dans les milieux populaires151 ». Cependant, la masse des renseignements recueillis de la fin de l’automne au début du printemps montre que ce développement est très inégal. Des reculs sont même signalés dans quelques secteurs et dans certaines régions à cause de la répression, comme à la SNCF en zone occupée152 et dans les régions de Lyon et Toulouse153. À l’inverse, la progression est jugée particulièrement nette dans la région Centre, surtout à Limoges, dans les Bouches-du-Rhône, le Gard154, vers Dijon, Montceau-les-Mines et Bordeaux155. Mais c’est en région parisienne, où selon TR « L’Humanité se vend presque ouvertement, même sur la place de l’Opéra156 », que les succès du PCF sont considérés comme les plus sensibles157. Sa progression dans le Nord attire aussi l’attention : « L’activité du parti communiste est importante, et beaucoup admirent les actes de sabotage qu’il commet158. » Ce développement n’est nulle part quantifié, excepté en Indre-et-Loire où les cellules du PCF auraient connu une multiplication fulgurante, passant de 47 à 92 entre juin 1940 et janvier 1941159.
77De son côté, la gendarmerie constate que la propagande communiste est devenue moins visible au cours de l’hiver à cause du renforcement de la répression, rendue plus efficace par la coordination sans cesse plus étroite entre les autorités françaises et allemandes160. Mais les renseignements recueillis montrent que les coups portés au PCF ne l’empêchent pas d’améliorer ses capacités d’organisation et d’accroître ses actions de noyautage : sa propagande s’est intensifiée parmi les agents de la police parisienne, souvent par l’envoi de lettres à domicile161 ; il s’efforce de s’implanter clandestinement dans les groupements de jeunesse, tels les Compagnons de France, les chantiers de jeunesse, le scoutisme162 et de pénétrer les organisations collaborationnistes163 ; l’édition nationale de L’Humanité, jusqu’à présent tirée le plus souvent en Belgique, est de plus en plus fréquemment imprimée en région parisienne164. Parallèlement, le PCF se prépare à radicaliser ses formes d’action, en préparant des mouvements de masse dans les mines de charbon165 et en créant des comités populaires dans les entreprises, les quartiers ou les agglomérations166, mais surtout en projetant des actions armées, puisqu’il constitue des stocks de matériel de guerre en récupérant les armes abandonnées par l’armée française au cours de la débâcle et qu’il vient de créer des équipes de choc de six à huit hommes167. Par ailleurs, de multiples renseignements convergents rapportent un accroissement de l’activité et de l’influence communiste à l’étranger, particulièrement en Allemagne168, dans les Balkans169, en Italie170, en Suisse171, en Belgique et aux Pays-Bas172. Mais, ce qui par-dessus tout impressionne le contre-espionnage militaire dans l’orientation antiallemande désormais suivie par le PCF, c’est l’optimisme qu’elle suscite parmi ses dirigeants et sa dominante nationale qui éclipse nettement l’antinazisme.
78Le BMA de la 13e division prend connaissance des propos tenus par Marcel Thibaud, ex-dirigeant communiste de Saint-Étienne, interné depuis le 20 juillet 1940 avec d’autres responsables du PCF, et qui a bénéficié d’une permission de trois jours en janvier 1941. Revenu chez lui à Montluçon, il a reçu des militants, parmi lesquels un informateur du BMA, auxquels il a parlé de la situation française et internationale en des termes qui paraissent refléter le point de vue des dirigeants communistes internés avec lui. Ce renseignement est d’autant plus instructif que les internés semblent bénéficier de bonnes liaisons avec la direction communiste, ce qui laisse penser que leur point de vue concorde avec les analyses faites par le noyau dirigeant du PCF.
79Thibaud s’est montré convaincu que la conjoncture était très bonne pour les communistes :
« Jamais la situation n’a été si favorable pour la révolution totale en France. La situation actuelle peut se comparer à la position de la Russie en 1917. La France est complètement défaite. Les partis nationaux se battent entre eux et se disputent le pouvoir. Leur accord est impossible. Continuez à travailler en sourdine comme vous le faites. N’hésitez pas à faire comme Lénine, l’alliance avec les socialistes, les francs-maçons et les juifs. Quand nous serons au pouvoir, nous ferons comme lui l’épuration. La position de l’Angleterre est très forte. Les Anglais débarqueront en France fin février ou mars. À ce moment, l’armée française devra intervenir et quitter ses casernements de Saint-Étienne et d’ailleurs. Que restera-t-il ? Les gardes mobiles qui ne seront pas assez puissants. En 24 heures, nous serons les maîtres de la situation173. »
80Ces propos, outre leur caractère très instructif sur le moral des dirigeants communistes et leurs perspectives à court terme, confirment en partie les renseignements recueillis par ailleurs sur l’infléchissement récent de la politique communiste, en particulier sa volonté de rapprochement avec les Britanniques.
81En janvier, la synthèse des rapports de gendarmerie relève, d’ailleurs de manière inexacte car ils datent en réalité de l’été, l’apparition des nouveaux mots d’ordre communistes « Vive l’Union de la nation française ! Ni protectorat allemand, ni dominion britannique ! Vive la France libre, indépendante et heureuse, que veulent et feront les communistes » et « Ni soldats de l’Angleterre avec de Gaulle, ni soldats de l’Allemagne avec Pétain174 ». La persistance de cette propagande, qui tend de plus en plus à présenter la France comme une nation opprimée et pose plus ou moins explicitement la question de la libération nationale, modifie les perspectives dans la lutte contre le communisme, car elle doit désormais être liée étroitement à la répression contre les menées gaullistes et oblige à considérer plus sérieusement que dans les mois passés l’hypothèse de la collusion anglo-communiste175.
La collusion communistes-britanniques-gaullistes, un danger politique
82Au cours de l’hiver 1940-1941, les questions britanniques et secondairement gaullistes sont devenues des problèmes importants de politique intérieure à cause de l’évolution d’une opinion publique de plus en plus hostile aux Allemands et à la politique de collaboration. Le divorce est net entre l’armée, très majoritairement antiallemande mais de plus en plus marquée par l’anglophobie, et la majorité du pays, qui penche massivement pour l’Angleterre. Robert Paxton a ainsi décrit le sentiment dominant chez les militaires vis-à-vis des Britanniques :
« La guerre se prolongeant, l’anglophobie ne cessa […] d’augmenter, et ce alors même que les sentiments germanophobes reprenaient cours. Les officiers français et les publications de l’armée, loin d’être contrariés par la censure, contribuaient à souffler sur le feu. Une conférence de presse de Darlan, le 12 mars 1941, au cours de laquelle l’amiral avait dénoncé la capture par les Britanniques de 108 bateaux français depuis l’armistice, fut présentée en première page de La France militaire comme “le bilan de la piraterie britannique”. Les bombardements aériens sur les villes françaises étaient décrits comme “des actes de sauvagerie”176. »
83L’hostilité contre le gaullisme est encore plus vive, car, considéré comme une dissidence inféodée aux Britanniques, il est assimilé à un mouvement concerté de trahison. Les directives données en novembre 1940 au SMA sont sans ambiguïté sur l’attitude que doit adopter le contre-espionnage face à ces deux adversaires :
« La propagande anglaise, appuyée par les partisans de l’ex-général de Gaulle, […] constitue un crime contre la sûreté extérieure de l’État [qui] devra être réprimé avec la dernière énergie. Les chefs des BMA des divisions militaires attireront d’une façon toute spéciale l’attention des officiers MA des corps et services sur l’intérêt qu’il y a dans les circonstances actuelles à surveiller de très près les manifestations de la propagande anglaise et gaulliste (diffusion de tracts, recrutement, etc.) et à rendre compte, directement et d’urgence, de tout indice de dissidence qui parviendrait à leur connaissance […] Les commissions de contrôle sont invitées à transmettre au BMA toutes les interceptions intéressant la propagande anglaise et gaulliste dont elles auraient connaissance177. »
84Le bilan de la répression des menées gaullistes ou des actions liées aux services spéciaux britanniques montre que, dans les mois suivants, ces directives ont bien été appliquées. Les résultats de l’action du SMA sont en effet les suivants : dans l’armée, 12 militaires ont été arrêtés en décembre, 19 en janvier, 7 en février ; parmi les civils, il y a eu 42 arrestations en décembre (auxquelles s’ajoutent celles de deux espions anglais), 34 en janvier et 92 en février, dont 70 Polonais et deux Anglais178.
85Le SMA est conscient de la consolidation d’un fort sentiment probritannique, surtout en zone occupée, et, de façon moins nette, d’une approbation du gaullisme. En mars, il estime que l’anglophilie touche massivement toutes les classes de la société, puisqu’elle représenterait 60 à 70 % de la population de zone libre et au minimum 80 % en zone occupée179. Début mai, une note de synthèse sur la situation en zone occupée décrit les tendances de fond qui parcourent l’opinion publique dans les premiers mois de 1941180 : « L’hostilité irréductible à l’égard de l’occupant » est le trait le plus marquant de l’état d’esprit de la population, ce qui contribue à accroître encore davantage l’impopularité du gouvernement, puisque « la personne même du maréchal commence à être attaquée181 » ; à l’inverse, la sympathie pour l’Angleterre gagne en intensité et les soutiens qu’elle peut susciter sont spectaculaires. Ainsi, « on entend dire couramment qu’on préfère se priver encore, mais que les Anglais doivent maintenir leur blocus. » De même, « la radio française soulève toujours les critiques et parfois la fureur […] L’heure de la radio anglaise est toujours l’heure sacrée, le seul bon moment de la journée, celui qui verse l’espoir et entretient le courage. » Par contre, le rédacteur note une certaine indifférence vis-à-vis du général de Gaulle. Et s’il relève que la France libre recueille un réel soutien, que « bien des personnes ont pleuré quand le général Catroux a été condamné à mort », c’est l’Angleterre qui incarne l’espoir des Français hostiles à l’occupant.
86Toutefois, pour le contre-espionnage militaire, les liens entre les Britanniques et les communistes sont plus ténus, moins complexes et moins inquiétants que les connexions repérées entre PCF et gaullistes. En effet, alors que le SMA a accumulé les indices de liens étroits entre les SR britannique et soviétique, la place accordée à l’Angleterre dans la politique communiste reste surtout marquée par la dénonciation de l’impérialisme britannique et d’éventuelles relations entre le PCF et l’Intelligence Service ne sont jamais mentionnées. À l’automne 1940, le BMA de la XVe division militaire croit découvrir des convergences entre la propagande britannique et celle des communistes, alors qu’il tient l’action des gaullistes pour négligeable :
« On peut ramener à deux courants principaux les différentes propagandes subversives : le courant communiste, le courant britannique […] Le premier semble rejoindre le second, mais le but n’est qu’apparent […] Ces propagandes se font sous une étiquette patriotique182. »
87Le BMA remarque en particulier que la propagande communiste affirme que « la victoire de l’Angleterre ne fait aucun doute », ce qui revient à « faire le jeu » des Britanniques. Mais excepté ce point de vue localisé, c’est la collusion entre gaullistes et communistes qui retient surtout l’attention du SMA.
88De même que les services de renseignement allemands à la même époque183, le SMA a tendance à assimiler gaullisme et communisme. Cette erreur d’optique tient d’abord à l’ambiance générale dans l’armée de Vichy, très hostile au gaullisme et qui, très tôt, voit en de Gaulle un fourrier du communisme. Une conviction que Robert Paxton a ainsi résumé :
« La menace communiste eut […] un effet négatif sur l’appel du général de Gaulle. D’après des officiers comme le général Laure, le mouvement des Français libres était trop soutenu par la gauche ; d’autre part, en contribuant à perpétuer la division de l’Europe, de Gaulle favorisait l’expansion soviétique : “Quand arriverait-on à stopper la bolchevisation de l’Europe184 ?” »
89Il est probable que les officiers du SMA, tout au moins dans les premiers mois du régime de Vichy, portent un jugement identique sur le gaullisme.
90En outre, si l’on en croit le contre-espionnage, à l’automne 1940, la propagande communiste, tout au moins localement, a souvent un contenu progaulliste. Ainsi, TR signale à Bordeaux l’apparition du slogan « vive le communisme, vive de Gaulle185 ». Par la suite, au cours de l’hiver et du printemps, le contre-espionnage estime que les communistes se montrent moins favorables à de Gaulle186. En réalité, le facteur local semble jouer le rôle principal, puisqu’en mars, une note du SMA sur le gaullisme affirme que « la propagande communiste après avoir été très gaulliste est actuellement hostile à ce mouvement187 ». Or, trois semaines plus tard, le SMA relève que dans le Nord-Pas-de-Calais, « il y a de nombreux communistes qui […] sont en même temps gaullistes » et qu’en Gironde, « les militants sont nettement antiallemands et favorables au gaullisme188 ». Dans l’ensemble, cette proximité entre gaullistes et communistes est simplement constatée. Le SMA ne cherche pas vraiment à l’expliquer et n’y voit pas la source d’une synergie dangereuse pour le régime. Le contre-espionnage militaire s’inquiète bien davantage à cette époque des limites et des difficultés de la répression.
Répression et lutte d’influence
91L’instauration du régime de Vichy, qui affiche ostensiblement sa volonté de restaurer et maintenir sans faiblir l’autorité de l’État, ne met pas fin aux critiques de l’institution militaire contre les autorités civiles rendues responsables des carences de la répression contre la subversion189. Mais, comme dans les dernières années de la IIIe République, on constate qu’au sein de l’armée, la répression est loin d’être devenue draconienne et qu’en pratique, on retrouve une certaine continuité avec la période des années 1930 et de la drôle de guerre.
92Robert Paxton a montré que l’épuration de l’armée avait concerné des effectifs assez limités lors de l’application des législations antijuives et antimaçonniques190. Il n’aborde pas la question de la chasse aux communistes dans l’institution militaire, mais Claude d’Abzac estime qu’elle touche très peu le département de l’Air191. Les quelques indications fournies par les archives du SMA tendent à indiquer qu’il en a été de même dans l’armée de Terre. Ainsi, si l’on en croit une note du BMA de Clermont-Ferrand, les soldats repérés comme communistes sont surveillés, mais ne sont ni inquiétés, ni chassés de l’armée192. Un autre renseignement rapporte le laxisme des sous-officiers et des officiers du 1er bataillon du 21e RI cantonné à Hyères face à la propagande communiste menée par des soldats de l’unité193.
93Pourtant, la dénonciation par le commandement et le SMA des carences de la répression anticommuniste ne faiblit pas. Elle vise particulièrement le manque de sévérité des tribunaux civils et militaires qui sont montrés du doigt194. Ainsi, le BMA de Toulouse s’indigne du jugement rendu le 23 avril 1941 par le tribunal militaire de la 17e division à la suite des poursuites engagées contre 102 hussards du 2e régiment de Tarbes qui avaient adressé une pétition au ministre de la Guerre. Le BMA regrette amèrement que trois cavaliers seulement aient été jugés, dont « l’agitateur communiste connu, Mora » ; tous les autres militaires impliqués dans la procédure ont bénéficié d’un non-lieu, « bien que les charges relevées contre eux semblaient graves195 ». Les condamnations prononcées, un an ferme avec 50 francs d’amende avec sursis pour le premier, un an de prison pour le second et six mois pour Mora, sont considérées comme « insignifiantes », le tribunal ayant fait preuve « d’une faiblesse inadmissible […] Deux juges ont même estimé que Mora n’était nullement coupable. » Cette faiblesse n’est pas exceptionnelle, puisque la composition du tribunal a été modifiée plusieurs fois, sans effet perceptible sur la sévérité des jugements. En conclusion, le chef du BMA donne son avis à la direction du SMA :
« Il semble bien qu’il y ait lieu de faire donner aux tribunaux militaires des instructions très précises pour éviter à jamais le retour de pareilles indulgences coupables qui ne peuvent que constituer un encouragement pour les fauteurs de désordre dans l’armée196. »
94Cette absence de zèle répressif caractérise également l’attitude des juges de la 14e région militaire (Lyon)197.
95Un autre sujet de plainte, déjà récurrent dans l’entre-deux-guerres, porte sur l’embauche d’ouvriers suspects dans les établissements travaillant pour la défense nationale. Le général commandant la 12e division militaire dénonce le manque de rigueur, voire les irrégularités, dans la conduite des enquêtes avant embauche à l’Atelier industriel de l’Air de Limoges. En outre, le général accuse le directeur de l’entreprise de couvrir les ouvriers ayant fait l’objet d’une enquête défavorable198. Mais la principale cause de récrimination reste l’indulgence, voire la complicité, des préfectures face au communisme. Le cas du Sud-Ouest, peut-être un cas extrême, montre que les frictions restent au moins aussi brutales qu’au cours de la drôle de guerre199.
96Le rapport sur le moral dans le département de l’Ariège au mois de décembre, rédigé par le commissaire spécial de Foix, constate qu’aucune propagande communiste ou antinationale n’a été repérée. Pourtant, la préfecture a fait mener de nombreuses enquêtes à la suite d’informations fournies par le commandement militaire local sur des suspects d’activités subversives. Aucune n’a donné de résultats positifs, ce qui conduit le commissaire spécial à mettre directement en cause les autorités militaires :
« Les investigations ont démontré qu’il s’agissait de dénonciations calomnieuses et de vengeances de la part de mécontents […] Je me permets de signaler que les renseignements fournis à l’état-major par des informateurs, la plupart du temps occasionnels, sont pour 99 % erronés et, en tous cas, ne reposent sur aucun fondement sérieux. Sur les listes transmises, […] certaines personnes sont portées “militantes communistes” alors qu’elles n’ont jamais été inscrites ou même sympathisantes de ce parti200. »
97En janvier, le commandant militaire du département de l’Ariège transmet à son supérieur, le général commandant la 17e division militaire, diverses observations sur le rapport du commissaire spécial qu’il conclut en observant amèrement que la police fait obstruction à toute relation sérieuse avec l’autorité militaire :
« Les divergences d’opinion […] permettent de constater à nouveau que le service de la Sûreté nationale ne désire nullement collaborer avec l’autorité militaire. Au contraire, il semble vouloir continuer d’agir seul et s’ingénie, dans ce but, soit à critiquer ce que font les autres informateurs, soit à donner des informations contraires201. »
98Cette confrontation ouverte entre autorités civiles et militaires de l’Ariège oblige le BMA de Toulouse à réagir. D’une part, il reconnaît pour une part les excès du commandement militaire de Foix dans la recherche des suspects d’activités subversives « à cause de l’interprétation par des officiers, non spécialisés, de renseignements provenant de sources parfois très tendancieuses ». Pour cette raison, le BMA a dû intervenir auprès des officiers concernés pour leur montrer « la difficulté d’apprécier correctement la valeur d’un renseignement et les a invités à lui transmettre pour exploitation les informations qu’ils pourraient recueillir. » D’autre part, il estime que la partialité du commissaire spécial est incontestable : « Dans la majorité des cas, [il] considère systématiquement comme sans valeur les renseignements que lui communique le commandant militaire du département et, bien que spécialiste, en donne une interprétation bien plus tendancieuse que celle due au manque d’expérience de certains officiers202. »
99Or, loin d’être exceptionnelle, cette tension entre la préfecture et le commandement militaire départemental se retrouve sous une forme plus aiguë dans les Hautes-Pyrénées et moins gravement dans le Lot-et-Garonne203. Il paraît peu probable que les relations médiocres entre autorités civiles et militaires n’aient concerné que le Sud-Ouest. Il est plus vraisemblable que cette situation se soit reproduite dans d’autres régions. On peut en effet penser que les relations déjà difficiles entre police et armée, entre préfecture et commandement militaire local au cours de la drôle de guerre, se sont encore dégradées du fait de l’autorité accrue de l’institution militaire dans les premiers temps du régime de Vichy. L’attitude adoptée par les commissaires spéciaux participerait donc d’une stratégie de marginalisation des militaires dans la lutte contre la subversion, l’invocation assez systématique de leur incompétence étant le meilleur argument en ce sens. Mis en cause, les militaires restent sur la défensive, ce qu’indique parfaitement le BMA de Toulouse qui doit reconnaître les fautes commises par des officiers dans la lutte contre le communisme. Ainsi, la tutelle en principe exercée par le contre-espionnage militaire sur la police de surveillance du territoire est en réalité assez largement battue en brèche et, au printemps 1941, les relatifs succès de la répression anticommuniste ne peuvent que conforter cette évolution.
La longue attente du printemps 1941
100À partir du mois de mars, les préoccupations suscitées par le communisme connaissent une nette régression. Il est vrai que l’activité du PCF diminue sous les coups de la répression et le constat qu’un coup d’arrêt a été porté au développement de la propagande communiste est assez général dans les sources militaires : en mars, le SMA relève un fléchissement d’ensemble, confirmé par la gendarmerie, excepté dans la région parisienne où la progression du PCF semble se poursuivre204 ; puis, jusqu’en juin, le recul de l’activité communiste est confirmé par les rapports de gendarmerie205. Quelques foyers restent toutefois particulièrement actifs dans les bastions communistes de région parisienne et de province, ainsi qu’à la SNCF206. Mais l’affaiblissement du PCF n’explique qu’en partie la moindre attention qui lui est accordée, car à cette époque les interrogations sur les intentions de Hitler éclipsent toutes les autres préoccupations.
Vers l’occupation de la zone libre ou la guerre germano-soviétique ?
101Il semble en effet inéluctable qu’au cours du printemps, les Allemands prendront de grandes initiatives stratégiques qui relanceront la guerre et lui donneront un nouveau cours. Ces spéculations provoquent la multiplication de rumeurs sur la probable occupation à brève échéance de la zone libre par les Allemands. Dans un tel contexte, le communisme devient alors un problème nettement secondaire.
102Dès le mois de janvier, TR considérait que le SRA travaillait, de même d’ailleurs que le SR italien, à la préparation de l’occupation de la zone libre qui interviendrait au printemps207. Fin mars, l’intensification « effrayante » de l’activité du SRA en zone libre et en Afrique du Nord semble confirmer que l’invasion est proche208. Simultanément, les renseignements sur les préparatifs militaires allemands contre l’URSS se multiplient, rapportant des concentrations de troupes près des frontières de l’URSS ou des transferts de troupes vers l’Est à travers l’Europe centrale209. Déjà en janvier, le colonel Rivet recevait un rapport de bonne source annonçant que Hitler avait décidé d’envahir l’URSS210 ; en mars, un « honorable correspondant » installé à Berne annonce l’invasion allemande de l’URSS pour l’été, puis, en avril, TR considère que la guerre est imminente211.
103Les renseignements provenant d’URSS confirment la montée de la tension et montrent que les dirigeants soviétiques sont conscients de la gravité de la menace. L’attaché militaire rend précisément compte du durcissement intérieur, qui est peut-être encore plus sensible pour les étrangers qu’au moment de la Grande Terreur. En avril, le lieutenant-colonel Abraham, suite à la demande de voyage qu’il avait formulée, reçoit l’interdiction de voyager en Crimée et dans le Caucase. Il est toutefois autorisé, après quelques démarches, à faire un circuit Kiev-Kharkov-Rostov-Stalingrad en compagnie de l’attaché commercial de l’ambassade et de l’attaché militaire suédois. Dès le départ, les trois hommes font l’objet d’une surveillance draconienne et, à Kharkov, Abraham se livre « à de véritables parties de cache-cache » avec les agents du NKVD212. Fait sans précédent, Abraham et l’attaché commercial sont même arrêtés au cours de leur séjour dans la ville.
104Cet épisode, symptomatique de l’espionnite exacerbée qui règne à cette époque à travers le pays, débute par un contrôle impromptu effectué par un milicien « ignare » :
« Notre carte diplomatique ne l’impressionna pas, car il était selon toute apparence illettré. Bientôt nous fûmes entourés par une douzaine d’individus hostiles […] Ces gens étaient de toute évidence persuadés de tenir en leurs mains de parfaits espions. Entraînés au poste, […], nous dûmes entrer dans une grande pièce délabrée où se trouvait un capitaine de la milice […] Tout le groupe hostile qui nous suivait s’était engouffré à notre suite. L’attaché commercial se fâcha, exigea la rédaction d’un “protocole”. L’œil vague, impressionné, désemparé, l’officier de police nous relâcha séance tenante. Quelle déception pour l’assistance213 ! »
105Après cet incident sans précédent pour un attaché militaire français en URSS, Abraham, poursuivant son voyage, rencontre de très nombreux militaires dans les trains et constate que, depuis son passage à Kiev au mois de mars précédent, les troupes encasernées sont devenues rares. Il en déduit qu’elles ont été envoyées près de la frontière. À l’inverse, à Kharkov et Rostov, situés à l’intérieur du pays, les garnisons sont nombreuses. Dans cette dernière ville, il relève qu’en dépit de l’éloignement de la frontière, les mesures de défense passive sont importantes. Dans les semaines suivantes, Abraham informe Paris de l’implication de la population soviétique dans les préparatifs de guerre. En particulier, il souligne la multiplication des exercices contre les descentes de parachutistes, surtout dans la région de Moscou214. Il rend également compte de la fermeture presque complète du pays aux diplomates, désormais confinés dans la capitale, devenue pour eux un véritable « camp de concentration215 ».
106Cette dynamique de préparation à la guerre ne signifie pas que le choc germano-soviétique est inéluctable à brève échéance. En effet, l’interprétation de l’attitude allemande est source de désaccord entre ceux qui croient à un affrontement imminent et les autres qui penchent pour une politique de pressions énergiques sur l’URSS. Cette dernière hypothèse découle du pronostic que l’Allemagne se prépare à donner un nouvel élan à la guerre contre l’Empire britannique en exerçant, dès le printemps, une grande poussée vers le Sud afin de prendre le contrôle du bassin méditerranéen et d’une bonne partie de l’Afrique. Face à cette alternative, l’intérêt de la France serait de voir l’Allemagne attaquer l’URSS, car il paraît probable que l’expansion du Reich vers le Sud impliquerait l’occupation de la zone libre. Dans l’ensemble, on constate entre diplomates et militaires une différence de perception de la situation européenne et de la politique de guerre allemande, les premiers estimant plutôt que Berlin a choisi l’option politique face à l’URSS, les seconds, ayant une appréciation plus flou, mais semblant toutefois privilégier l’option militaire216.
Berlin, Moscou : la double énigme
107Dans la période mai-juin, on constate dans les milieux diplomatiques une oscillation dans la prévalence de ces deux hypothèses. L’absence de sources ne permet pas de suivre précisément le point de vue des militaires français : les renseignements que collecte TR sur les préparatifs de la Wehrmacht en Europe orientale ne s’accompagnent d’aucun pronostic sur leur finalité, excepté en avril lorsque le service estime la guerre imminente ; Abraham rend compte de la situation intérieure soviétique, mais ne fournit pas d’analyse sur la politique allemande. Seules les archives diplomatiques permettent de rendre compte de la grande incertitude qui caractérise les dernières semaines qui précèdent l’invasion de l’URSS.
108À son départ de Moscou, le 26 avril, Eirik Labonne estime que l’Allemagne a plus intérêt à obtenir d’importantes concessions de l’URSS qu’à jouer la carte de l’invasion. Le 3 mai, Bergery, peut-être parce qu’il vient juste de prendre ses fonctions, se montre prudent, estimant que la guerre est possible mais pas certaine, et que le dénouement interviendra avant l’été217. Toutefois, son entretien avec l’ambassadeur d’Allemagne deux jours plus tard l’amène à pencher pour l’hypothèse de l’agression, puisqu’il estime que
« le Reich […] ne veut pas répandre la croyance à un conflit imminent et prétend pour l’instant se contenter du résultat des négociations. Mais, en même temps, les négociations sont appuyées par des concentrations militaires aux frontières soviétiques et par la préparation constante d’opérations qu’il envisagerait avec confiance comme une nouvelle blitzkrieg218 ».
109À la fin du mois, le balancier repart dans l’autre sens. Le 25 mai, Bergery informe Paris que dans les milieux diplomatiques de Moscou l’hypothèse de la poussée vers le Sud gagne en influence, car il semble de plus en plus évident qu’elle apporterait de nombreux avantages à l’Allemagne, tout en favorisant la politique de pression sur l’URSS et en facilitant la conquête ultérieure du Caucase et de l’Ukraine. Bergery penche très prudemment dans ce sens, puisqu’il pense que le débarquement des Allemands en Crête tend à valider cette thèse219. L’attaché militaire paraît accréditer le point de vue de l’ambassadeur puisqu’il transmet la note rédigée par ce dernier, sans émettre de réserve, ce qui tendrait à indiquer que depuis janvier son point de vue s’est inversé220.
110À la même époque, Nac transmet à TR le compte rendu d’un entretien entre l’industriel suédois Emmanuel Nobel et le maréchal Mannerheim. Ce dernier ne croit pas que Hitler attaquera prochainement l’URSS, car il attendra d’abord d’avoir vaincu l’Angleterre. Dans les jours suivant cette rencontre, Nobel fait un séjour en Allemagne au cours duquel il n’a pas l’impression que le gouvernement du Reich se prépare à attaquer prochainement l’URSS221. À nouveau, ces spéculations tournent court, car le 17 juin, l’attaché militaire à Budapest informe Paris que l’attaque contre l’URSS « pourrait être déclenchée avant la fin juin » avec l’aide roumaine222, puis, deux jours plus tard, Gaston Bergery télégraphie de Moscou qu’au vu de tous les renseignements dont il dispose, l’Allemagne est prête à attaquer l’URSS et qu’il ne semble pas qu’il s’agisse d’une manœuvre de diversion destinée à couvrir une grande offensive vers le Sud223.
111Face à cette montée rapide des risques de guerre au cours du printemps, l’évaluation de l’attitude des Soviétiques fait l’objet de nombreux rapports envoyés de Moscou qui cherchent à percer les intentions du Kremlin face aux préparatifs militaires allemands. Si personne n’envisage une attitude offensive des Soviétiques, sous la forme d’une guerre préventive ou d’opérations plus limitées, la question centrale qui se pose est celle des limites de la politique de temporisation menée par l’URSS face aux exigences de Berlin.
112Avant de quitter l’ambassade de Moscou, Eirik Labonne rédige en avril un long rapport consacré à la politique internationale du Kremlin. Il souligne le succès de l’orientation suivie par Staline depuis le début de la guerre, puisque le choix de l’isolement destiné à éviter l’implication de l’URSS dans le conflit lui a permis de sauvegarder sa neutralité. L’ambassadeur estime que « le temps a été préféré aux alliances, le répit aux appuis » et qu’au printemps 1941, Moscou dispose encore d’une bonne marge de manœuvre face aux pressions croissantes de l’Allemagne. Il précise à ce sujet :
« La période la plus angoissante a été celle de juin-juillet 1940 […] Aujourd’hui, si terrible soit-elle, la menace est tout de même moindre qu’au printemps de l’an dernier. Certes, les forces du Reich ont grandi ; les Balkans sont conquis ; le printemps est arrivé ; les divisions cuirassées sont à pied d’œuvre. Mais un an aussi a passé. La Russie a armé intensément. L’empire britannique aussi, les États-Unis aussi. La maîtrise n’est plus absolument allemande comme l’an dernier. Elle peut passer aux Anglo-Saxons. Considérations à laquelle les Russes attachent […] le plus grand poids. L’équilibre entre les belligérants n’étant pas rompu, la fausseté du calcul n’est pas démontrée. Le goût de temporisation du dictateur y trouve justification et motif de persévérance224. »
113Par conséquent, Labonne estime que, face au Reich, Staline continue d’user de « la collusion » et de « la résistance » afin de gagner du temps, tout en se gardant de contribuer au triomphe de l’Axe, car
« aucun Russe n’a jamais douté […] du sort réservé à la Russie par une Allemagne et un Japon vainqueurs des Anglo-Saxons […] Vingt-trois années d’énergie féroce, et aujourd’hui intacte, ont signifié au monde que les bolcheviks n’ont nullement le goût du suicide, qu’ils sont assez lucides pour ne point creuser leur tombe. Ainsi s’expliquent collusion et résistance, ainsi se comprennent louvoiements et limites. À cette lumière, le sphinx russe se dépouille d’une bonne part de ses énigmes225 ».
114En conséquence, Labonne pense qu’au printemps 1941, Staline est prêt à d’importantes concessions, en particulier dans le domaine économique et qu’en cas d’invasion des Balkans et de la Turquie, l’URSS ne bougerait pas. Mais si les exigences allemandes se font trop fortes, touchant aux forces vives du pays, telles que des livraisons trop importantes ou une démobilisation contrôlée, « alors la Russie se battra ».
115Dans les deux mois qui suivent, la documentation disponible ne permet pas de juger de la position adoptée par Gaston Bergery, mais le fait qu’il pense que l’URSS n’a pas les moyens militaires de résister au Reich et que Staline en est pleinement conscient semble indiquer que, selon lui, l’URSS est prête à toutes les concessions pour éviter le choc sur le terrain militaire. C’est en tout cas le sentiment du lieutenant-colonel Abraham, tel qu’il l’exprime à la suite de l’effondrement yougoslave qui marque en avril une nouvelle inflexion de Moscou en direction de Berlin :
« La pensée officielle ne doit pas différer sensiblement de celle qui ressort d’un petit colloque entre deux fonctionnaires soviétiques entendus dans un trolleybus de Moscou, le 22 avril : “Il faut toujours craindre qu’une entente anglo-allemande se fasse sur notre dos. Comme l’URSS n’est pas en mesure de se défendre contre pareille coalition, il est dans son intérêt de signer tous les pactes que l’Allemagne voudra et de lui accorder toutes les concessions qu’elle exigera.” Voici de plus, de source sûre, la substance d’un raisonnement auquel s’est livré un avocat hautement qualifié du barreau de Moscou : “Pour le moment, l’Union soviétique fera tout pour éviter la guerre. Elle signera tous les pactes qu’il faudra avec l’Allemagne. Si celle-ci exige l’Ukraine et Bakou, le gouvernement soviétique les lui donnera226”. »
116Toutefois, Bergery tient compte des mesures prises ostensiblement, telle que la convocation de centaines de milliers de réservistes au cours du mois d’avril, pour montrer à Berlin que les Soviétiques sont prêts à combattre dans le but de dissuader Hitler d’imposer des conditions trop sévères227. Le 24 mai, tout en précisant que le corps diplomatique avait plutôt tendance à croire à la volonté de résistance du Kremlin, l’attaché militaire confirme son analyse sur la volonté des Soviétiques de gagner du temps à n’importe quel prix. Au sujet des rumeurs de négociations secrètes engagées entre le gouvernement allemand et l’ambassadeur d’URSS à Berlin, Abraham affirme qu’il ne serait pas « autrement étonné si Staline lui-même prenait un jour le train pour se rendre à Berlin228 ». Cette attitude très conciliante, qui permettrait, en se soumettant aux exigences allemandes, de tenir au moins jusqu’à la fin de l’été, ne mettrait pourtant pas fin au double jeu de Staline qui « continuerait sans doute, aussi secrètement que possible, à préparer matériellement et moralement son pays à la guerre. » Sur ce plan-là, Abraham est moins affirmatif qu’en janvier sur la valeur du potentiel militaire soviétique et la capacité de l’Armée rouge à tenir tête, au moins un certain temps, à la Wehrmacht.
Encore et toujours, que penser de l’Armée rouge ?
117Le 5 mars, il transmet à Paris un rapport sur la situation d’ensemble de l’URSS, qui, par ses informations imprécises et son analyse assez superficielle, est d’une qualité inférieure à ceux établis antérieurement par les attachés militaires. Faut-il y voir la conséquence d’une plus grande difficulté à accéder aux informations en raison du durcissement extrême de la situation intérieure ou de la volonté de ne pas se compromettre à nouveau comme en début d’année lorsque Labonne avait critiqué son point de vue sur le potentiel militaire soviétique et la politique internationale de Moscou ? Dans le domaine militaire, Abraham confirme que « la défense nationale prime tout » et signale qu’en février, des changements importants sont intervenus dans le haut commandement et parmi les chefs de régions militaires. Il ne s’agit pas, selon lui, d’une épuration politique mais de mutations décidées pour des raisons militaires, car, face à l’aggravation des risques de guerre, Staline veut placer les meilleurs généraux à la tête des armées. Cependant, malgré les efforts accomplis, l’Armée rouge manque d’officiers et la faiblesse de leur formation perdure229. Plus de deux mois plus tard, l’attaché militaire fournit une évaluation des effectifs militaires qui lui ont été donnés par son homologue japonais et qui indique un net renforcement depuis l’automne. Environ 5,5 millions d’hommes seraient sous les drapeaux, répartis pour l’essentiel en 170 DI, 65 brigades de chars et 38 divisions de cavalerie, une estimation qui se révèle assez juste230. En dépit de ces données impressionnantes, Abraham se montre sceptique sur la capacité de résistance de l’Armée rouge. À la mi-mai, il pose la question : « En trois mois de guerre, que resterait-il de l’URSS231 ? » Cette formulation semble sous-entendre que, face à la Wehrmacht, l’Armée rouge serait rapidement balayée. Un sous-entendu que l’on retrouve dans le rapport qu’il rédige au retour de son voyage en Ukraine au mois d’avril232.
118Curieusement, on assiste à une inversion des positions depuis le début de l’année : Abraham se montre implicitement pessimiste sur les possibilités défensives de l’URSS, alors que Labonne se montre sur ce point beaucoup plus confiant que l’attaché militaire. En effet, dans son dernier rapport, l’ambassadeur s’exprime librement sur le problème militaire soviétique. Compte tenu de son intérêt rétrospectif, cette analyse mérite d’être largement citée :
« Que vaut l’armée soviétique ? En 1914, après trois séjours en Russie, j’ai présenté en plusieurs articles une opinion pessimiste sur l’armée tsariste. L’événement ne l’a pas ratifiée. En dépit de toutes les défaillances, cette armée a lutté efficacement pendant trois années. Elle a usé terriblement l’armée allemande. Elle nous a sauvés. Ne l’oublions jamais. »
« Aujourd’hui, mon jugement sur l’armée soviétique est beaucoup plus favorable que celui d’alors sur l’armée tsariste […] Jeunesse, cohérence, armement, ramassent en trois termes les éléments essentiels de confiance. Sur son terrain et en défensive, cette armée prend confiance en elle-même. Le patriotisme russe agit de nouveau profondément, puissamment. L’enthousiasme de plus en plus la pénètre. Ce jugement ne répond pas à la majorité des avis des experts militaires et d’observateurs qualifiés de tous pays que j’ai méthodiquement recueillis. Quelques-uns tiennent l’Armée rouge pour négligeable et tronçonnable à merci par les divisions cuirassées du Reich. La plupart estime que sa résistance ne saurait excéder quelques mois. Quelques-uns seulement partagent mon opinion sur sa très sérieuse valeur défensive233. »
119Cet avis est effectivement isolé puisque, dès son arrivée en Russie, Bergery se montre très sceptique sur la capacité de l’Armée rouge à faire la guerre234. Toutefois, à la même époque, le contre-espionnage français dispose du précieux jugement du maréchal Mannerheim, particulièrement bien placé pour connaître l’armée soviétique et qui a une haute opinion de ses capacités :
« Ayant servi dans l’armée impériale russe, il a connu l’ancien soldat russe qui a été un combattant excellent, mais le soldat de l’Armée rouge est, de son avis, de beaucoup supérieur à l’ancien soldat de l’armée du tsar, par son endurance, sa bravoure et sa ténacité. Les soldats russes, qui combattaient en Finlande, ont fait preuve d’excellente qualité et se sont conduits très bravement […] Ce qui manque à l’Armée rouge, c’est un bon commandement. Les officiers russes actuels sont peu instruits et peu cultivés. Néanmoins la conquête de l’Ukraine, dont on parle beaucoup, ne sera pas du tout une chose si facile et coûtera aux Allemands infiniment plus cher qu’on le croit généralement. L’Armée rouge se défendra bien et opposera une forte résistance235. »
120À la veille du déclenchement de la guerre en Russie, le haut commandement français dispose donc de renseignements contradictoires sur le potentiel militaire de l’URSS et aucune source n’indique vers quelle hypothèse il penche à ce moment-là. Seul indice repérable, La France militaire publie en mars, coup sur coup, deux articles qui, sous la signature du général Cullman, sont largement consacrés à la consolidation du régime communiste et de son armée, et aux conditions géographiques de l’Union soviétique très favorables pour mener avec succès une guerre défensive236. Le quotidien militaire sous-entend par-là qu’en attaquant l’URSS, la Wehrmacht risquerait l’enlisement. Il est fort probable, en l’absence d’autres articles sur l’URSS, que le général Cullman exprime alors le point de vue du haut commandement et du 2e bureau237. Compte tenu des multiples rumeurs sur un prochain conflit germano-soviétique au printemps 1941 et des évaluations contradictoires des capacités militaires soviétiques, il semble aller de soi que les chefs militaires ont voulu discrètement fournir aux corps des officiers un cadre d’analyse exprimant assez explicitement leur point de vue. L’attaque allemande contre l’URSS allait soumettre tous ces pronostics divergents à l’épreuve des faits.
Notes de bas de page
1 MAE, P 02608/d. 835, Monsieur Eirik Labonne, ambassadeur de France à Moscou, à son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte, ministre Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, fin de mission – quelques vues d’ensemble, 22 avril 1941, p. 157.
2 Ce document rédigé par les capitaines Frenay et Chevance-Bertin date de mai 1941, selon l’estimation de Robert Belot (« La résistance française non-communiste et l’image de l’URSS », dans Soutou Georges-Henri et Robin Hivert Émilia (dir.), L’URSS et l’Europe de 1941 à 1957, op. cit., p. 248).
3 Kaspi André, La Mission de Jean Monnet à Alger (mars-octobre 1943), Paris, Éditions Richelieu, p. 45-46. Le Mémorandum de Giraud à Pétain est daté du 26 juillet 1940.
4 Gubian Julien, Les Analyses de la défaite de 1940 par les officiers de l’armée d’armistice (1940-1942), mémoire de maîtrise, université Montpellier III, 2003, 27 p. Cette étude ne montre pas que le communisme ait été désigné comme une cause particulière et décisive de la défaite.
5 Paxton Robert, La France de Vichy (1940-1944), Paris, Seuil, 1999, p. 301.
6 Soutou Georges-Henri, « Vichy et la place de l’URSS dans le système européen », dans Soutou Georges-Henri et Robin Hivert Émilia (dir.), L’URSS et l’Europe de 1941 à 1957, op. cit., p. 67-68 et 87-90. Georges-Henri Soutou insiste surtout sur le rôle de l’anticommunisme dans le choix de la collaboration à partir du printemps 1941. On peut cependant estimer qu’il joue un rôle notable dès la période de Montoire, même si d’autres considérations plus conjoncturelles entrent également en ligne de compte.
7 SHD-DAT, 28P1 87, direction générale de la Sûreté nationale, commissaire Prétot à Monsieur l’Inspecteur général des services, 31 août 1940. Ce rapport très précis, qui évoque la présence d’au moins un informateur bien placé au sein du PCF, vise à établir une « géographie du communisme » en France pour mener une répression plus efficace. La capacité d’action du PCF est estimée à 50 % de celle d’août 1939.
8 Broche François, L’Armée française sous l’Occupation. La dispersion, Paris, Presses de la Cité, 2001, t. 1, p. 44.
9 Sur le rôle de l’armée dans la Révolution nationale et sur l’influence des militaires dans les institutions, cf. Abzac-Epezy Claude d’, « Les militaires en politique : l’exemple de la France de Vichy », Les Cahiers du CEHD, no 26, Paris, 2006, p. 79-95 ; Paxton Robert, L’Armée de Vichy – Le corps des officiers français 1940-1944, Paris, Tallandier, 2004, p. 163-193. Paxton écrit à ce sujet : « Les forces armées furent des institutions centrales du régime de Vichy […] La petite armée autorisée par la convention d’armistice […] se voue à la création d’une France nouvelle, se vantant d’incarner les valeurs de discipline, d’ordre et d’autorité méconnues – au dire de ses chefs – par la Troisième République » (p. 12) ; « Le cabinet formé par le Maréchal le 12 juillet 1940 comportait proportionnellement plus de militaires qu’aucun autre depuis le cabinet Soult de 1832 dans lequel trois ministres sur neuf étaient des officiers de carrière (p. 169). » En outre, le général Huntziger, lors de son arrivée au gouvernement le 6 septembre 1940, cumule les fonctions de ministre de la Guerre et de chef d’état-major de l’Armée. Il en sera de même de ses successeurs Darlan et Bridoux. Une semblable concentration des directions politique et militaire concerne l’armée de l’Air avec Pujo puis Bergeret, et pour la Marine avec Darlan (p. 169). En outre, les anciens militaires sont particulièrement nombreux dans les ministères, les préfectures et les grandes administrations.
10 Secrétariat d’État à la Guerre, notice provisoire sur la guerre de rue, 21 février 1943, p. 32 (archive personnelle).
11 B.P., « Le rôle de l’armée depuis l’armistice », La France militaire, 17 août 1940, p. 1. Les autres missions citées sont ensuite dans l’ordre : circulation, transport, hygiène et santé publique, démobilisation.
12 SHD-DAT, 1P 31, circulaire no 7381/CAB, général Huntziger, ministre Secrétaire d’État à la guerre et Commandant en chef des Forces terrestres, conduite morale et pratique de l’armée, 25 octobre 1940.
13 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1745, général Huntziger, ministre Secrétaire d’État à la Guerre, Commandant en chef des forces terrestres, aux généraux commandant les divisions militaires et les troupes d’outre-mer, état d’esprit dans l’armée, 11 juin 1941, p. 450-451. Il écrit en particulier : « L’armée a reçu mission de maintenir l’ordre. Cette mission implique non seulement l’emploi éventuel de la force, mais encore et surtout une action continue en vue de maintenir dans le pays une ambiance d’adhésion sans réserve à l’œuvre du maréchal, ambiance qui est le plus sûr garant du maintien de l’ordre. »
14 SHD-DAT, 7NN 3304, d. 1891, le général Huntziger, ministre Secrétaire d’État à la Guerre à Messieurs les Généraux commandant les divisions militaires et les troupes du Maroc et de Tunisie, affaires intéressant le maintien de l’ordre et la sûreté de l’État, 28 juillet 1941, p. 518.
15 MAE, P 02855/d. 138, le général d’armée Huntziger, Commandant en chef des forces terrestres, ministre Secrétaire d’État à la Guerre, à Monsieur le Secrétaire d’État aux communications, 6 juin 1941, p. 41. Le général demande que des mesures énergiques soient prises contre l’activité communiste à la SNCF, zone occupée comprise.
16 Paxton Robert, L’Armée de Vichy, op. cit., p. 175-176.
17 Vidal Georges, L’Armée française et l’ennemi intérieur (1917-1939), op. cit., p. 106 et 203.
18 SHD-DAT, 3P 124, ministère de la Défense nationale et de la Guerre, note pour l’EMA, 3 février 1941. Huntziger écrit à ce sujet : « Dans le cas où la puissance occupante serait amenée un jour à évacuer rapidement Paris, de graves troubles communistes menaceraient la capitale momentanément privée de forces de maintien de l’ordre suffisantes. Quel que soit le degré de probabilité de tels événements, leurs conséquences seraient tellement graves qu’il convient de rechercher en tout état de cause les moyens d’y parer. » À ce moment, un retrait allemand n’est pas attendu à court terme, mais dans le cas où la guerre se terminerait par une paix de compromis germano-britannique. À l’inverse, début 1942, les autorités françaises envisageront l’hypothèse d’un départ rapide et unilatéral des Allemands à cause de leurs difficultés sur le front russe.
19 SHD-DAT, 3P 124, note sur le maintien de l’ordre dans la région parisienne, 7 août 1941.
20 SHD-DAT, 3P 124, Secrétariat d’État à la Guerre, observations du 3e bureau au sujet d’un « Plan spécial de maintien de l’ordre à Paris », 18 août 1941.
21 SHD-DAT, 3P 124, le Général Réquin, commandant le 2e groupe de divisions militaires, à Monsieur le ministre, secrétaire d’État à la Guerre, 16 juin 1941.
22 SHD-DAT, 9N 366, maintien de l’ordre, général Voiriot, Note sur la défense de la Région parisienne contre l’ennemi intérieur en temps de guerre, s. d., p. 9. Sur la portée de ce document, cf. Vidal Georges, L’Armée française et l’ennemi intérieur (1917-1939), op. cit., p. 62 et 202-220.
23 Sur les groupes d’autodéfense mis en place par l’armée, cf. Dupont Vincent, La Carrière d’un cavalier, le général Touzet du Vigier, mémoire de master, Amiens, 2009.
24 SHD-DAT, 3P 124, EMA, 4e bureau, instruction provisoire relative à l’exécution des transports militaires par chemin de fer dans le cadre du plan du maintien de l’ordre, 21 juillet 1941.
25 SHD-DAT, 3P 124, Secrétariat d’État à la Guerre, Inspection de la cavalerie et de la Garde, note sur l’emploi de la cavalerie dans les opérations de maintien de l’ordre, novembre 1941.
26 SHD-DAT, 3P 124, Secrétariat d’État à la Guerre, participation de l’armée de l’Air au maintien de l’ordre, 22 septembre 1941.
27 SHD-DAT, 3P 124, commissariat général des chantiers de la Jeunesse, note pour le commissaire chef de la section des chantiers de Vichy, 18 juillet 1941.
28 Les chantiers de jeunesse, encadrés pour l’essentiel par des officiers d’active sans affectation au lendemain de la défaite, sont une organisation de type paramilitaire surtout conçue comme un instrument idéologique au service de la Révolution nationale (Pécout Christophe, Les Chantiers de la Jeunesse et la revitalisation physique et morale de la jeunesse (1940-1944), L’Harmattan, Paris, 2007, 268 p.). La lutte contre le communisme fait donc partie de ses missions (ibid., p. 90-93).
29 SHD-DAT, 3P 124, commissariat général des chantiers de la Jeunesse, projet d’instruction concernant le concours que les chantiers de la Jeunesse sont susceptibles d’apporter au maintien de l’ordre en cas de défaillance de certains services publics, 18 juillet 1941.
30 SHD-DAT, secrétariat d’État à la Guerre, EMA, 3e bureau, participation au maintien de l’ordre des chantiers de la Jeunesse, 27 juillet 1942.
31 Sur l’origine et l’organisation des services spéciaux de Vichy, cf. Warusfel Bernard, Contre-espionnage et protection du secret. Histoire, droit et organisation de la sécurité nationale en France, Beychac-et-Caillau, Éditions Lavauzelle, 2000, p. 30 ; Kitson Simon, Vichy et la chasse aux espions nazis. 1940-1942 : complexités de la politique de collaboration, Paris, Autrement, 2005, p. 52-68 ; Laurent Sébastien, « Le temps des incertitudes. Les services spéciaux sous l’Occupation », dans Rivet Louis (général), op. cit., p. 419-427.
32 Les SR Marine et Air, ce dernier commandé par le colonel Ronin, fonctionnent également. Sur la formation de TR, cf. Broche François, L’Armée française sous l’Occupation, op. cit., p. 335-336.
33 SHD-DAT, 7NN 2017, directives concernant la lutte contre les menées antinationales dans les établissements travaillant pour la défense nationale (catégorie aviation) et les services relevant de la direction technique et industrielle de l’Air, août 1941. Ce document est en réalité un récapitulatif des attributions et de l’organisation du SMA. Sur l’organisation du SMA, cf. Broche François, L’Armée française sous l’Occupation. op. cit., p. 346-350.
34 Le SMA est également présent dans les industries travaillant pour la défense. Dans les établissements nationalisés, cette tâche est assumée par un ingénieur ou un agent civil et, dans chaque entreprise privée, par le contrôleur.
35 SHD-DAT, 3P 124, Secrétariat d’État à la Guerre, instruction sur l’organisation et le fonctionnement des bureaux MA des divisions militaires, 20 novembre 1940, p. 12-14. Le pouvoir d’enquête obéit à des règles précises, mais marque un important élargissement de compétence comparé au BCR.
36 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, notice sur l’activité de la section contre-espionnage camouflée du SMA, organisation TR, n. d. (certainement été 1941).
37 Abzac Claude d’, « Service spéciaux de Vichy », dans Broche François, Caïtucoli Georges, Muracciole Jean-François (dir.), Dictionnaire de la France libre, Paris, R. Laffont, p. 1 342.
38 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1452, le contre-espionnage, s. d. (certainement début 1942), p. 357. D’autres appartiennent aux SR italien et britannique, mais les nombres ne sont pas fournis. Un agent double est cité concernant le SR soviétique. S’agit-il de Mension, pourtant classé agent du SR du Komintern (voir ci-après) ?
39 SHD-DAT, 7NN 3034, d 1452, compte rendu, M. Perrier a vu, le 17 mars 1942, le W. Fochlot, 18 mars 1942, p. 154-155. Perrier est le pseudonyme de Paul Paillole qui traite directement cet agent double pour lequel il a la plus grande confiance et la plus grande estime. Curieusement, il ne le cite jamais dans ses Mémoires et son existence n’est connue que par les quelques documents conservés dans les archives TR.
40 MAE, P 02609/d. 834, 4 décembre 1940 (sans en-tête), p. 29-31. TR le qualifie de « source excellente, informateur sincère, intelligent, averti et très bien placé » SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, renseignement, 10 février 1941, p. 439). Nemanoff, qui était déjà un informateur du ministère des Affaires étrangères depuis les années 1930, le restera après la guerre.
41 MAE, P 02855/d. 138, direction des services de l’armistice, renseignements puisés à des sources communistes par un informateur sérieux, 1er août 1941, p. 45. Les notes rédigées par cet informateur semblent remises à la Direction des services de l’armistice qui les transmet très vraisemblablement à TR et au BMA. Il s’agit d’analyses originales, dans l’ensemble bien informées, faites par quelqu’un politiquement très à gauche, non-membre du PCF mais qui l’a certainement été par le passé et y a conservé des contacts à un niveau élevé. Aucune indication n’est donnée à son sujet.
42 SHD-DAT, 7NN 2321, d. 1227, renseignements, 17 septembre 1940, p. 68. On trouve aussi son nom orthographié Mention. Il est présenté comme un « informateur très sûr », adjoint au directeur technique des Établissements Caudron à Billancourt, très connu du colonel Mermet, chef du 2e bureau de la région militaire de Paris dans les années d’avant-guerre.
43 SHD-DAT, 7NN 2017, renseignements recueillis par TR (contre-espionnage du SMA) à propos du conflit germano-russe (non daté), p. 94. La source est classée W. et Mension qualifié « d’agent bien connu et important du Komintern ».
44 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, renseignements, source Paul Ker par HC sûr, 7 juillet 1941, p. 86.
45 Robert Mension, ouvrier communiste, était secrétaire général de la Fédération sportive et gymniques du travail (FSGT) de la région parisienne.
46 Bourgeois Guillaume, « Vie et mort de Henri Robinson », Communisme, 40-41, 4e trim. 1994-1er trim. 1995, p. 85-116 ; Peschanski Denis, « La répression anticommuniste dans le département de la Seine », dans Bidussa David, Peschanski Denis (dir.), La France de Vichy. Archives inédites d’Angelo Tasca, Milan, Fondazione Feltrinelli, 1996, p. 128.
47 Exemples de renseignements fantaisistes : les Allemands ont vendu au PCF un grand nombre de ronéos électriques, ce qui va permettre à L’Humanité de reparaître sur plusieurs pages (SHD-DAT, 7NN 2321, d. 1227, renseignements, 17 septembre 1940, p. 68) ; les Soviétiques vont employer massivement des armes chimiques et ont déjà utilisé l’arme microbienne en lâchant en direction des lignes allemandes des rats porteurs de maladies (SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, renseignements, source Paul Ker par HC sûr, 7 juillet 1941, p. 86). À l’inverse, l’appréciation des dirigeants du PCF sur la situation française en décembre 1940, telle qu’elle est rapportée, paraît plausible (7NN 3034, d 1451, renseignement, source W. sérieux et confirmé, 17 décembre 1940, p. 74). Début 1942, une annotation manuscrite relève les excellents renseignements de contre-espionnage du Komintern, Ker ayant cité à plusieurs reprises des noms d’informateurs du SR français, en particulier du SR Air (7NN 3034, d 1452, renseignement, source excellente, 21 janvier 1942, p. 428).
48 Dans la période 1936-1937, une opération d’intoxication de la SCR et du 2e bureau a été menée avec succès pour accréditer l’existence d’une stratégie offensive soviéto-communiste à l’échelle de l’Europe occidentale visant à affaiblir la France face à l’Allemagne. Le 2e bureau de la région militaire de Paris a joué un rôle très actif dans la propagation de rumeurs ou de renseignements alarmistes (Vidal Georges, L’Armée française et l’ennemi intérieur, op. cit., p 96-106).
49 SHD-DAT, 7NN 2321, d. 1227, renseignements, 17 septembre 1940, p. 68. Le document est seulement allusif à ce sujet, mais il évoque explicitement un contact étroit Mension-Mermet dans les années d’avant-guerre. Or, il est établi que dans cette période le 2e bureau de la région militaire de Paris a été très perméable à l’intoxication dans le domaine de la lutte anticommuniste.
50 Abzac-Epezy Claude d’, L’Armée de l’Air des années noires, Paris, Economica, 1998, p. 433.
51 Paxton Robert, L’Armée de Vichy, op. cit., p. 404.
52 Secrétariat d’État à la Guerre, notice provisoire sur la guerre de rue, 21 février 1943, 32 p. (archive personnelle).
53 Laborie Pierre, L’Opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 1990, p. 233-252. Pierre Laborie démontre le caractère déformé ou inexacts des rapports des préfets sur l’état de l’opinion. En comparaison, les rapports des services spéciaux échappent pour l’essentiel à ces travers.
54 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, renseignement, source très bonne, 9 septembre 1940, p. 263-264.
55 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, rapport sur l’état d’esprit de la population civile de la XVe région militaire, 10 octobre 1940, p. 78 ; d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit en France occupée, 31 décembre 1940, p. 367 sq. L’historiographie confirme ces tendances générales. Ainsi, en septembre 1940, 10 commissaires sont envoyés dans 27 départements pour évaluer l’état d’esprit de la population. Selon leur rapport de synthèse, 80 % des Français souhaitent la victoire anglaise, la majorité de l’opinion publique fait confiance à Pétain et se montre hostile au gouvernement (Burrin Philippe, La Dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery, op. cit., p. 395).
56 Paxton écrit à ce sujet : « “L’armée nouvelle” donna toutes les apparences d’un expédient temporaire tourné vers le passé et fit très peu pour combler le vide existant entre les officiers et la nation, un vide déjà discernable avant la guerre et dangereusement approfondi par la défaite. De plus, durant les deux années qui suivirent la création de l’armée de l’armistice, ses officiers contribuèrent à élargir cette fissure » (L’Armée de Vichy, op. cit., p. 79) Il souligne en particulier que « la profusion de fanfares, parades, cérémonies à la lumière des projecteurs et gardes d’honneur, contrastait exagérément avec les privations auxquelles les civils furent confrontés durant la période de l’armistice » (p. 458). Pour souligner la maladresse de cette propagande, il cite le général Bourret qui écrivit que c’était aller contre tout bon sens que de « déclarer l’armée vaincue le seul élément sain de la nation, et la combler de récompense dont l’abondance eût étonné même une armée victorieuse […] Jamais on a tant promu, ni décoré, ni prodigué les prébendes » (La Tragédie de l’armée française, Paris, La Table ronde, 1947, p. 142).
57 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, l’état d’esprit en France de l’armistice à la veille de la constitution, 20 juin-20 juillet 1940 (synthèse des contrôles des correspondances), p. 412 sq.
58 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 20 au 26 août 1940, p. 280 et 281.
59 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 11 au 17 octobre 1940, p. 69. En novembre, une note concernant le 1er bataillon du 21e RI d’Hyères fait un constat assez voisin (SHD-DAT, 7NN 2017, renseignement, source bonne, 21 novembre 1940, p. 306).
60 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1743, synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 12 au 19 août 1940, p. 376 et 377. Une lettre interceptée attire particulièrement l’attention du SMA, car elle indique qu’un « gros mouvement se dessine » dans les chantiers.
61 D’autres documents signalent une activité de propagande communiste plus ou moins active : SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, rapport sur l’état d’esprit de la population civile de la XVe région militaire, 10 octobre 1940, p. 78-81 ; d. 1744, XVe division militaire (Marseille), EM, bureau MA, rapport mensuel sur l’état d’esprit des populations (période du 15 octobre au 15 novembre 1940), p. 569 sq.
62 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 5 au 12 août 1940, p. 374 ; synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 12 au 19 août 1940, p. 377 et 376 ; synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 20 au 26 août 1940, p. 280 et 281.
63 Ibid., synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 6 au 12 septembre 1940, p. 148.
64 Ibid., synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 20 au 26 septembre 1940, p. 115.
65 SHD-DAT, 7NN 2346, préparation militaire soviétique, 15 septembre 1940, p. 118. Un autre document TR indique que Moscou encourage l’action subversive en France (Ibid., la politique soviétique à l’égard de la France depuis l’armistice, septembre 1940, p. 120-122).
66 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, renseignement, source très bonne, 9 septembre 1940, p. 264.
67 SHD-DAT, 7NN 2321, d. 1227, renseignements, 17 septembre 1940, p. 68. Quelques faits sont ainsi rapportés : le PCF a décidé de distribuer dans Paris 100 000 fausses cartes d’alimentations pour accroître les pénuries ; les communistes ont déjà arrêté des trains de lait pendant plusieurs jours le rendant impropre à la consommation ; ils font circuler des rumeurs dans les queues devant les magasins. Deux exemples sont cités : deux bateaux de lait concentré envoyés par Staline sont arrivés récemment à Marseille et ont été refoulés par ordre de Pétain ; Staline aurait offert de ravitailler gratuitement la France en savon et huile pendant un an, mais le gouvernement français a refusé.
68 SHD-DAT, 7NN 3034, d 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 15 au 21 septembre 1940 inclus, 23 septembre 1940, p. 317 ; 7NN 2346, note sur l’action communiste en France, début octobre 1940, p. 3-5.
69 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 4 au 10 novembre 1940 inclus, p. 155.
70 MAE, P 02609/d. 830, le lieutenant-colonel Chauvin, attaché militaire à Berne, à Monsieur le ministre Secrétaire d’État à la Guerre, 2e bureau, 26 février 1941, p. 15.
71 SHD-DAT, 7NN 2346, note sur l’action communiste en France, début octobre 1940, p. 3-5.
72 Paxton Robert, La France de Vichy, op. cit., p. 160 et 351.
73 SHD-DAT, 7NN 3034, d 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 15 au 21 septembre 1940 inclus, 23 septembre 1940, p. 317.
74 SHD-DAT, 7NN 2346, préparation militaire soviétique 15 septembre 1940, p. 118 ; 7NN 2346, la politique soviétique à l’égard de la France depuis l’armistice, septembre 1940, p. 120-122.
75 Cugnac Jean de (général), « L’expansion russe de 1940 », La France militaire, 21 août 1940, p. 1 ; Culmann Frédéric (général), « Les agrandissements de la Russie depuis 1939 », La France militaire, 28 septembre 1940, p. 1 ; « La future Europe et la Russie », La France militaire, 13 novembre 1940, p. 1. Ces deux généraux sont des proches de Pétain.
76 Eirik Labonne, en poste à Moscou depuis le 12 juin 1940, est un diplomate expérimenté, ex-ambassadeur à Madrid pendant la guerre civile, qui connaît bien la Russie, où il est venu pour la première fois en 1905 et où il a, par la suite, occupé différents postes. Sa nomination traduit une volonté d’ouverture du gouvernement Reynaud en direction de Moscou. Personnalité inclassable, il est soupçonné en 1938 par la SCR d’être lié à l’Intelligence Service.
77 Soutou Georges-Henri, « Vichy et la place de l’URSS dans le système européen », op. cit., p. 69-73. Dans l’ensemble, la politique extérieure française reste floue durant cette période.
78 MAE, P 02608/d. 835, télég. no 188, Riga, 10 juillet 1940, p. 2-3.
79 MAE, P 02608/d. 835, télég. no 965, Stockholm, 23 juillet 1940, p. 12 ; télég. no 968, Madrid, 27 juillet 1940, p. 19 ; Direction politique, note, Allemagne-URSS, 29 juillet 1940, p. 16 ; SHD-DAT, 7NN 2017, renseignements recueillis par TR à propos du conflit « germano-russe » (non daté), p. 94.
80 MAE, P 02608/d. 835, télég. no 502, Cité du Vatican, 17 juillet 1940, p. 8 ; télég. no 198, Riga, 18 juillet 1940, p. 10 (selon les attachés militaires du Japon et d’Italie, les Allemands se préparent à attaquer l’URSS). Les concentrations de forces effectuées par l’Armée rouge sont le contrecoup de l’effondrement français. Il semble que les chefs militaires soviétiques ont convaincu le Kremlin d’accepter ces mesures de même que l’intégration des pays baltes à la sphère soviétique pour améliorer leurs positions défensives face aux Allemands (Reviakine Alexandre, « L’URSS et la défaite de la France en 1940 », dans Soutou Georges-Henri et Robin Hivert Émilia [dir.], L’URSS et l’Europe de 1941 à 1957, op. cit., p. 38-39).
81 (Souligné par l’auteur du document).
82 MAE, P 02608/d. 835, rapport confidentiel sur l’Est européen, 19 septembre 1940, p. 31-33. Des sources diplomatiques rapportent que dans les milieux militaires soviétiques la guerre est considérée comme inévitable, mais pas avant plusieurs mois (MAE, P 02608/d. 835, Monsieur Henri Spitzmuller, Chargé d’affaires de France en Roumanie, à son Excellence Monsieur Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères, 28 octobre 1940, p. 43-46).
83 En septembre, un « responsable important » du SRA admet « l’hypothèse d’un conflit futur, et sans doute prochain, avec l’URSS » (SHD-DAT, 7NN 2017, renseignements recueillis par TR à propos du conflit « germano-russe », s. d., p. 94). En octobre, le général de La Laurencie croit à une guerre germano-russe, mais pas nécessairement à court terme (cité par Soutou Georges-Henri, « Vichy et la place de l’URSS dans le système européen », op. cit., p. 76).
84 (Souligné par l’auteur du document).
85 MAE, P 02609/d. 834, renseignement, politique extérieure de l’URSS, informateur compétent et bien placé, 18 septembre 1940, p. 12.
86 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, le conflit germano-russe vu par les rapports hebdomadaires de TR, s. d., p. 298-299 (ce renseignement porte sur le mois d’octobre). Plus surprenant encore, le 15 septembre, TR informe le SMA que les Soviétiques préparent des sabotages en Suisse contre les usines travaillant pour les Allemands. Au vu de l’historiographie, tous ces renseignements relèvent de la fiction.
87 SHD-DAT, 7NN 2346, note sur l’action communiste en France, début octobre 1940, p. 3-5.
88 Ibid. À la même époque, le chargé d’affaires en Roumanie pense que l’Armée rouge est capable de résister à la Wehrmacht (MAE, P 02608/d. 835, Monsieur Henri Spitzmuller, Chargé d’affaires de France en Roumanie, à son Excellence Monsieur Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères, 28 octobre 1940, p. 43-46).
89 MAE, P 02609/d. 834, Délégation française de la commission italienne d’armistice, l’Italie et l’URSS, 14 octobre 1940, p. 23.
90 MAE, P 02608/d. 835, délégation française auprès de la commission d’armistice de Wiesbaden, no 340, rapport entre l’URSS et le Reich, 20 novembre 1940, p. 82.
91 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1743, synthèse hebdomadaire des interceptions des contrôles télégraphiques, téléphoniques et postaux du 12 au 19 août 1940, p. 377 et 376 ; du 6 au 12 septembre 1940, p. 148.
92 SHD-DAT, 7NN 2346, renseignement, source très bonne, 6 novembre 1940, p. 100.
93 SHD-DAT, 7NN 2321, d. 1227, renseignements, 17 septembre 1940, p. 68. Ces renseignements fantaisistes ne rendent pas compte de l’attitude adoptée par les autorités allemandes face au PCF qui combine tolérance, surveillance et volonté de l’affaiblir dans certaines limites. Ainsi, la vague d’arrestations d’octobre par la police française a été au préalable approuvée par l’occupant. Cf. Peschanski Denis, « La répression anticommuniste dans le département de la Seine », op. cit., p. 113-114 et 120. Sur l’attitude du PCF vis-à-vis des Allemands dans cette période, cf. Narinski Mikhaïl, « Le Komintern et le parti communiste français 1939-1942 », Communisme, no 32-33-34, 1993, p. 11-27 ; Besse Jean-Pierre et Pennetier Claude, Juin 1940, la négociation secrète, op. cit., 207 p.
94 MAE, P 02855/d. 138, copie d’un tract communiste placardé sur les murs d’Épinal, fin septembre, 31 octobre 1940, p. 22-23. Son contenu est pris très au sérieux par TR (SHD-DAT, 7NN 2017, renseignements recueillis par TR à propos du conflit germano-russe [non daté], p. 95). La qualité politique et rédactionnelle de ce document rend très improbable une origine locale, mais semble indiquer qu’il provient d’un échelon élevé. En contradiction avec la ligne officielle, telle qu’elle est en particulier donnée par L’Humanité, ce tract ne peut être corrélé à aucun autre document ou témoignage équivalent connu issu du PCF à la même époque. Aucune conclusion ne peut donc être tirée sur la portée de ce document énigmatique : serait-il l’indice d’une dissidence à l’intérieur du PCF, un secteur provincial de l’appareil communiste de ZO suivant une orientation antinazie face à l’occupation ? S’agirait-il de l’application locale par le PCF d’une propagande antiallemande plus précoce que l’historiographie ne l’a établi pour la France (des directives en ce sens sont données à cette époque par le Komintern aux communistes hongrois et autrichiens) ? D’autres indices d’un hiatus entre orientation nationale et initiatives locales sont repérables dans cette même période. Ainsi, ces papillons diffusés à Bordeaux avec ce slogan : « Vive le communisme, vive de Gaulle » (SHD-DAT, 7NN 2346, renseignement, source excellente, s. d. [probablement fin 1940], p. 17). Sur la politique du Komintern au deuxième semestre 1940, cf. Narinski Mikhaïl, « Le Komintern et le parti communiste français 1939-1941 », art. cité, p. 35-36. Sur les variantes locales de la propagande communiste et la cohésion fragilisée du PCF durant cette période, cf. Kedward Harry Roderick, Naissance de la Résistance dans la France de Vichy (1940-1942). Idées et motivations, Seyssel, Champ Vallon, 1989, p. 78-82 ; Lévy Gilles, Cordet Francis, À nous Auvergne ! La vérité sur la résistance en Auvergne, 1940-1944, Paris, Presses de la Cité, 1981, p. 18-23.
95 « La future Europe et la Russie », La France militaire, 13 novembre 1940, p. 1.
96 Sur le déroulement et la portée considérable de ces négociations, cf. Gorodetsky Gabriel, Le Grand Jeu de dupes. Staline et l’invasion allemande, op. cit., p. 140-111.
97 MAE, P 02608/d. 835, direction politique, Vichy, note, 23 novembre 1940, p. 98 (cette note est centrée sur le maintien d’une politique de stricte neutralité de la part des Soviétiques) ; télég. no 1405, 21 novembre 1940, p. 89 (signé Labonne). Mikhaïl Narinski montre que les intentions de la direction soviétique lors des pourparlers de Berlin relevaient davantage d’une logique de marchandage que d’une simple politique de neutralité, mais il est indubitable qu’en novembre 1940, l’URSS fait preuve de fermeté face aux propositions allemandes (Narinski Mikhaïl, « Le Komintern et le parti communiste français 1939-1942 », art. cité, p. 38).
98 L’historiographie du renseignement ne rapporte aucun rapprochement entre services spéciaux britanniques et soviétiques durant cette période. Pourtant, TR mentionne l’existence de ces contacts depuis plusieurs mois.
99 SHD-DAT, 7NN 2017, renseignements recueillis par TR à propos du conflit germano-russe (non daté), p. 94-97. Ce document dresse un récapitulatif de l’été 1940 jusqu’en juin 1941.
100 SHD-DAT, 7NN 2017, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 17 au 23 juin 1941 inclus, p. 171.
101 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, renseignement, source informateur intelligent et droit, en relation avec le beau-frère de Goering et lié au SRA, 15 janvier 1941, p. 539.
102 MAE, P 02609/d. 834, 4 décembre 1940, signé Nac (sans en-tête), p. 29-31.
103 MAE, P 02609/d. 834, 3 janvier 1941, signé Nac (sans en-tête), p. 63-77.
104 Moins optimiste, Staline avait déclaré à Dimitrov le 25 novembre : « Nos relations avec les Allemands sont en apparence cordiales, mais il existe un sérieux contentieux entre nous » (Narinski Mikhaïl, « Le Komintern et le parti communiste français 1939-1941 », art. cité, p. 38).
105 MAE, P 02609/d. 834, 3 janvier 1941, signé Nac (sans en-tête), p. 63-77.
106 MAE, P 02609/d. 834, télégramme de l’attaché militaire à Moscou adressé au ministère de la Guerre, 7 janvier 1941, p. 84-85 ; télégramme de l’attaché militaire à Moscou adressé au ministère de la Guerre, 14 janvier 1941, p. 85-86.
107 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, 5 mars 1941, p. 29.
108 MAE, P 02609/d. 834, ambassade de France à Moscou, au sujet de télégrammes adressés par l’attaché militaire au ministère de la Guerre, 30 janvier 1941, p. 81-83.
109 Soutou Georges-Henri, « Vichy et la place de l’URSS dans le système européen », op. cit., p. 72-73. De mars à mai, la France engage une politique d’ouverture en direction de Moscou qui rencontre une attitude réceptive de l’URSS. Ainsi, en mars, Bogomolov est promu au titre d’ambassadeur et s’installe à Vichy, puis, en avril, il fait part au représentant du Quai d’Orsay du désir du gouvernement soviétique d’entretenir de « bonnes relations avec la France ». Il insiste sur la distinction politique intérieure et extérieure : si Vichy pourchasse les communistes français, cela n’empêche pas le rapprochement entre la France et l’URSS (MAE, P 02609/d. 834, sous-direction Europe, note, 11 avril 1941, p. 131-133).
110 MAE, P 02624/d. 816, le général d’Armée, secrétaire d’État à la Guerre, à Monsieur le ministre des Affaires étrangères, 31 août 1940, p. 10-11.
111 Navarre Henri, Le Service de renseignements (1871-1944), Paris, Plon, 1978, p. 144. Cette nomination n’a rien d’exceptionnel puisque les attachés militaires et leurs adjoints sont en général passés au cours de leur carrière par les sections russes du 2e bureau ou du SR.
112 MAE, P 02624/d. 816, le Secrétaire d’État à l’Aviation à Monsieur le ministre Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, 18 octobre 1940, p. 17.
113 MAE, P 02624/d. 816, télég. no 1425, 23 novembre 1940, p. 32. La même demande est renouvelée le 23 janvier.
114 MAE, P 02624/d. 816, le vice-président du Conseil, ministre secrétaire d’État aux Affaires étrangères, à Monsieur le Général d’Armée, ministre Secrétaire d’État à la Guerre, 3 décembre 1940, p. 35-37. Cette attitude relativise l’hypothèse d’une attitude hostile de Laval vis-à-vis de l’URSS à cette époque.
115 MAE, P 02624/d. 816, le Général d’Armée commandant en chef des forces armées, ministre Secrétaire d’État à la Guerre, à Monsieur l’Amiral de la Flotte, vice-président du Conseil, Secrétaire aux Affaires étrangères, 7 avril 1941, p. 68. MAE, P 02624/d. 816, Monsieur Gaston Bergery, ambassadeur de France à Moscou, à son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte, ministre secrétaire d’État aux Affaires étrangères, vues du corps diplomatique à Moscou sur l’évolution du conflit, 4 mai 1941, p. 73.
116 MAE, P 02624/d. 816, télég. no 474, 4 juin 1941, p. 82.
117 MAE, P 02624/d. 816, le Secrétaire d’État à l’Aviation à Monsieur le ministre Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, 21 novembre 1940, p. 29.
118 Le colonel Charles Luguet sera chef d’état-major des FAFL du 1er décembre 1941 au 13 avril 1942.
119 Soutou Georges-Henri, « Vichy et la place de l’URSS dans le système européen », op. cit., p. 76-77.
120 MAE, P 02609/d. 828, le ministre des Affaires étrangères, non daté (lettre adressée à l’ambassadeur de France à Moscou). Cette lettre date vraisemblablement de la mi-décembre, tout comme les documents suivants en rapport avec les offres d’achat d’avions faites aux Soviétiques.
121 L’intérêt de l’URSS pour la France est des plus limité à cette époque, puisqu’un simple chargé d’affaires la représente à Vichy. Episode révélateur, à l’automne 1940, les autorités militaires soviétiques organisent des visites d’unités et d’établissements de l’Armée rouge pour neuf attachés militaires en poste à Moscou, mais l’attaché militaire français n’est pas convié (Reviakine Alexandre, « L’URSS et la défaite de la France en 1940 », op. cit., p. 45-59). L’affectation du général Sousloparov, brillant officier supérieur, comme attaché militaire en France est vraisemblablement davantage liée au travail de renseignement sur la situation militaire à l’Ouest qu’à la volonté de valoriser les relations avec l’armée française.
122 MAE, P 02609/d. 828, Secrétariat d’État à la Guerre, possibilité d’achat de matériel aéronautique à l’URSS, 14 décembre 1940.
123 MAE, P 02609/d. 828, le ministre des Affaires étrangères, non daté (lettre adressée à l’ambassadeur de France à Moscou) ; télég., 16 décembre 1941, p. 13.
124 MAE, P 02609/d. 828, télég. no 1528-1529, Moscou, 20 décembre 1941, p. 15. Vychinski est le commissaire du Peuple adjoint aux Affaires étrangères.
125 MAE, P 02609/d. 828, télég.1536-1537, Moscou, 26 décembre 1940, p. 18.
126 MAE, P 02624/d. 816, le Général d’Armée, commandant en chef des forces terrestres, ministre Secrétaire d’État à la Guerre, à Monsieur le ministre des Affaires étrangères, 20 janvier 1941, p. 10-11 (ce document fait référence à la demande venue de Moscou le 4 décembre 1940, Paris ayant dû donner son accord quelques jours auparavant).
127 À noter l’attitude ambiguë du département de la Guerre qui formule sa demande, mais qui précise en même temps qu’il est très probable que les Soviétiques ne donneront pas suite, comme si l’origine de cette initiative était extérieure à l’armée.
128 Vidal Georges, Une alliance improbable. L’armée française et la Russie soviétique (1917-1939), op. cit., p. 266-267.
129 SHD-DAT, 1K 225, capitaine Beaufre, les négociations franco-anglo-soviétiques d’août 1939, juillet-août 1940.
130 Vidal Georges, Une alliance improbable. L’armée française et la Russie soviétique (1917-1939), op. cit.
131 SHD-DAT, 7N 3138, notice sur les forces militaires soviétiques à la date du 1er juin 1940, 47 p.
132 Ibid., p. 47.
133 MAE, P 02609/d. 828, ambassade de France à Moscou, l’attaché militaire, no 25/A, 20 janvier 1941, politique militaire de l’URSS depuis le 1er septembre 1939, p. 31.
134 MAE, P 02624/d. 816, note pour son Excellence Monsieur l’ambassadeur, 6 décembre 1940, p. 41. Il s’agit d’une longue note du lieutenant-colonel Luguet sur l’aviation soviétique. En mai, Luguet estime qu’elle se modernise, mais sur un rythme inférieur à celui qui est rapporté par la plupart des attachés de l’Air. Selon ces derniers, l’URSS disposerait déjà de 6 000 avions de chasse modernes atteignant la vitesse de 640 km/h ; Luguet fixe le chiffre d’avions modernes entre 2 000 et 2 500 maximum, dont deux tiers seulement atteindraient la vitesse indiquée (MAE, P 02609/d. 828, télég. no 414, Moscou, 9 mai 1941, p. 44). Cette évaluation est correcte, puisque Gaël Moullec donne le chiffre de 2700 avions modernes en juin 1941 (« “L’étrange défaite” de juin 1941 », Communisme, no 49-50, 1997, p. 79), correspondant aux modèles MIG-3, Yak 1 et LaGG 3. Seul le premier atteint la vitesse de 640 km/h équivalente à celle des chasseurs allemands.
135 MAE, P 02608/d. 835, direction politique, Vichy, note, 23 novembre 1940, p. 98.
136 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 4 au 10 février 1941 inclus.
137 SHD-DAT, 7NN 3034, d 1451, renseignement, source W. sérieux et confirmé, 17 décembre 1940, p. 74.
138 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 13 au 20 janvier 1941 inclus, p. 521-522.
139 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 4 au 10 février 1941 inclus.
140 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit et le communisme en France occupée, 28 mars 1941, p. 77.
141 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 25 février au 3 mars 1941 inclus, p. 432.
142 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 25 au 31 mars 1941 inclus, p. 340.
143 Ibid. 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 12 au 24 février 1941 inclus, p. 443 (le PPF est repéré pour son activité en Afrique du Nord qui semble liée au SRA). La coopération du PPF avec les organismes de sécurité allemands est en réalité plus étroite dès cette époque (Burrin Philippe, La Dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery, op. cit., p. 468-476).
144 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaires sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 25 au 31 mars 1941 inclus, p. 340.
145 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, renseignements, source bonne, bien placée et paraissant sincère, 2 avril 1941, p. 339.
146 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, renseignement, source excellente, informateur sincère, intelligent, averti et très bien placé, 10 février 1941 (Il s’agit de l’informateur en relation avec Paul Ker).
147 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 22 au 31 décembre 1940 inclus, 31 décembre 1940, p. 5.
148 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 12 au 24 février 1941 inclus, p. 443.
149 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 11 au 17 mars 1941 inclus, p. 375.
150 Cette thématique est à cette époque en vogue, comme l’indique un article du quotidien Le Temps du 27 janvier 1941, intitulé « le travail noir des communistes ».
151 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit en France occupée, 31 décembre 1940, p. 367 sq.
152 SHD-DAT, 7NN 2346, renseignement, source très bonne, 6 novembre 1940, p. 100.
153 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, janvier 1941, p. 2.
154 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, février 1941, p. 63, 64 et 65.
155 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit en France occupée, 31 décembre 1940, p. 367 sq.
156 SHD-DAT, 7NN 2346, renseignement, source très bonne, 6 novembre 1940, p. 100.
157 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 4 au 10 novembre 1940 inclus.
158 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 23 au 29 décembre 1940 inclus, p. 13.
159 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1743, synthèse des renseignements recueillis du 10 au 21 janvier 1941 en zone occupée et interdite, p. 5 et 6.
160 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, février 1941, p. 63, 64 et 65.
161 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse des renseignements recueillis du 10 au 21 janvier 1941 en zone occupée et interdite, p. 5 et 6.
162 SHD-DAT, 7NN 2346, Monsieur le Secrétaire d’État à l’Intérieur à Monsieur le Préfet de Police, à Messieurs les Préfets, 28 novembre 1940, p. 48. Pour cette période, Stéphane Courtois estime que le PCF donne la priorité à l’action syndicale (Le PCF dans la guerre…, op. cit., p. 168-181). Il est douteux, au vu de leur position précaire, que les communistes aient seulement envisagé de mener ces actions de noyautage à grande échelle.
163 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit et le communisme en France occupée, 28 mars 1941, p. 77.
164 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 4 au 10 novembre 1940 inclus, p. 155. Ce renseignement est erroné, car, à l’exception de trois numéros spéciaux de L’Humanité clandestine tirés en Belgique en novembre 1939, l’impression du journal est toujours effectuée en région parisienne (Willard Germaine, L’Humanité clandestine…, op. cit., t. 1, p. 30). Début 1941, les communistes ont une quinzaine d’imprimeries en région parisienne (Ibid., p. 31).
165 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1768, renseignement, source commandement militaire du département de la Loire, 6 février 1941, p. 31.
166 SHD-DAT, 7NN 2346, Monsieur le Secrétaire d’État à l’Intérieur à Monsieur le Préfet de Police, à Messieurs les Préfets, 28 novembre 1940, p. 48.
167 Ibid. La source précise qu’il s’agit de groupes de protection. La préparation d’actions terroristes n’est pas envisagée. Ce renseignement rapporte correctement la création de l’organisation spéciale par le PCF à l’automne 1940. Un autre renseignement rapporte des stockages d’armes dans les mines du Nord (SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 25 au 31 mars 1941 inclus, p. 340). TR sait que les autorités allemandes sont également informées de ses préparatifs en zone occupée (7NN 2346, renseignement, source W. sérieux et confirmé, 17 décembre 1940, p. 16).
168 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 13 au 20 janvier 1941 inclus, p. 520 ; rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 25 février au 3 mars 1941 inclus. Des renseignements concernent aussi l’activité communiste en France en direction des troupes d’occupation (7NN 2670, d. 14185, renseignements, a/s collusion communistes allemands et français, bonne source, 9 avril 1941, p. 7 ; 7NN 2346, renseignement, source W. sérieux et confirmé, 17 décembre 1940, p. 16).
169 SHD-DAT, 7NN 3034, d. 1451, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 4 au 10 novembre 1940 inclus ; MAE, P 02609/d. 830, le lieutenant-colonel Chauvin, attaché militaire à Berne, à Monsieur le ministre Secrétaire d’État à la Guerre, 2e bureau, 26 février 1941, p. 15.
170 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 13 au 20 janvier 1941 inclus, p. 520.
171 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit en France occupée, 31 décembre 1940, p. 370.
172 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 13 au 20 janvier 1941 inclus, p. 522.
173 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1768, renseignement, source commandement militaire du département de la Loire, 6 février 1941, p. 31. Ces propos sont-ils authentiques ? Ils ne correspondent pas à la ligne du PCF, mais on relève durant cette période beaucoup d’écarts entre certains faits ou déclarations de propagande et l’orientation officielle communiste. Deux éléments rendent toutefois cette source problématique : aucun document d’archives n’indique que les milieux communistes attendent un débarquement britannique dans les premiers mois de 1941, et aucune appréciation n’est portée dans la note sur la qualité de l’informateur.
174 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, janvier 1941, p. 2. Dans les mois suivants, divers documents signalent le maintien de cette orientation (Ibid., synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit et le communisme en France occupée, 28 mars 1941, p. 77 ; Ibid., synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, avril 1941, p. 33-35). Ces rapports citent des mots d’ordre qui datent en fait de l’été précédent (affiches et édition clandestine non datée de L’Humanité diffusées en août 1940). La gendarmerie est donc en retrait par rapport au SMA et aux services spéciaux dans la perception du durcissement du PCF face à l’occupant.
175 À noter que l’oppression nationale est reconnue dès le mois de juillet par la direction nationale du PCF, mais elle n’est pas mise en avant dans la propagande centrale du parti, en particulier dans L’Humanité, jusque début 1941.
176 Paxton Robert, L’Armée de Vichy, op. cit., p. 148-149.
177 SHD-DAT, 7NN 2696, note pour menées antinationales, 14 novembre 1941, p. 236-239.
178 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, note sur le gaullisme, 7 mars 1941, p. 422.
179 Ibid., p. 417-422. Durant cette période, les analyses faites par le 2e bureau des FFL vont dans le même sens (Albertelli Sébastien, Les Services secrets du général de Gaulle. Le BCRA [1940-1944], Paris, Perrin, 2009, p. 96-98).
180 Ce document, d’un grand intérêt, a probablement été rédigé par un officier TR en mission en zone occupée. Son pessimisme, quant à l’assise du régime dans le pays, et sa liberté de ton, sans équivalent dans les services spéciaux de l’entre-deux-guerres, en disent long sur la désorientation qui règne au sein de l’armée de Vichy.
181 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1745, 7 mai 1941 (note sans en-tête), p. 558 sq. Ces affirmations sont cependant nuancées à propos de la collaboration, puisque le rédacteur écrit qu’« on note un peu plus de tolérance sur le principe de la collaboration », mais comme solution provisoire, car il n’existe aucune confiance dans les Allemands : s’ils gagnent la guerre, « ils nous asservirons sans pitié ».
182 SHD-DAT, 7NN 2052, XVe division militaire (Marseille), EM, bureau MA, rapport mensuel sur l’état d’esprit des populations, période du 15 octobre au 15 novembre 1940, p. 569.
183 Paxton Robert, La France de Vichy, op. cit., p. 293, note 12.
184 Paxton Robert, L’Armée de Vichy, op. cit., p. 153. Paxton précise que parmi les officiers de la zone libre, de Gaulle a « peu de sympathisants et presqu’aucun prosélyte », qu’en général, les officiers très antiallemands sont très antigaullistes (p. 154). Pour une présentation de l’antagonisme politique entre l’armée de Vichy et les FFL, cf. Raoul Girardet, La Société militaire de 1815 à nos jours, Paris, Perrin, 1998, p. 255 sq.
185 SHD-DAT, 7NN 2346, renseignement, source excellente, p. 17. Ce document n’est pas daté, mais il a été probablement rédigé à la fin de 1940.
186 SHD-DAT, 7NN 2052, XVe division militaire (Marseille), EM, bureau MA, rapport mensuel sur l’état d’esprit des populations, période du 15 octobre au 15 novembre 1940, p. 569.
187 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, note sur le gaullisme, 7 mars 1941, p. 417-422. Sur les oscillations de la politique communiste vis-à-vis de Londres et secondairement du gaullisme à cette époque, cf. Narinski Mikhaïl, « Le Komitern et le Parti communiste français, 1939-1942 », op. cit., p. 26-27. La propagande centrale du PCF affecte d’ignorer de Gaulle et la France libre jusqu’en juin 1941 (Vidal Georges, « Presse communiste », dans Broche François, Caïtucoli Georges, Muracciole Jean-François (dir.), Dictionnaire de la France libre, op. cit., p. 1197-1198).
188 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit et le communisme en France occupée, 28 mars 1941, p. 77.
189 Lorsque la direction de la gendarmerie déplore l’insuffisance de la répression contre le communisme, elle exprime parfaitement le point de vue de l’ensemble de l’institution militaire (SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, mars 1941, p. 11). Le laxisme dans la surveillance des communistes internés, cadres de l’appareil compris, est amèrement décrit par le BMA de la 13e division (SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1768, renseignement, source commandement militaire du département de la Loire, 6 février 1941, p. 31).
190 Paxton Robert, L’Armée de Vichy, op. cit., p. 198-199.
191 Abzac-Epezy Claude d’, L’Armée de l’Air des années noires, op. cit., p. 212. L’auteur écrit à ce sujet : « Les mesures de répression des communistes touchent peu le département de l’Air. Nous n’avons jusqu’à présent trouvé aucun exemple de fonctionnaire de ce département radié officiellement à cause de ses activités communistes. »
192 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1768, renseignement, MA, Clermont-Ferrand, 18 octobre 1941, p. 83. Cette note rapporte qu’Albert Barberi, ex-secrétaire des Jeunesses communistes de Cherbourg, incorporé au 404e RADC à St Rémy-en-Rollat, ne s’est pas fait remarquer, mais reste sous la surveillance de ses chefs (ce nom de figure pas dans le DBMOF).
193 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1768, renseignement, source bonne, 21 novembre 1940, p. 306.
194 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, mars 1941, p. 10. La direction de la gendarmerie réclame une « sévérité exemplaire » de la part des tribunaux.
195 SHD-DAT, 7NN 3304, d. 1890, MA 17 à MA 100, 2 mai 1941, p. 100.
196 Ibid.
197 Sansico Virginie, La Justice déshonorée (1940-1944), Paris, Tallandier, 2015, p. 279-285.
198 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1768, le Général de corps d’armée Jannel, commandant la 12e division militaire, à Monsieur le Général, commandant la 2e région aérienne à Toulouse, 16 octobre 1941, p. 80.
199 Sur les relations difficiles entre le contre-espionnage militaire et les services de police, cf. Kitson Simon, Vichy et la chasse aux espions nazis, op. cit., p. 62-64.
200 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, ministère de l’Intérieur, direction générale de la Sureté nationale, rapport moral de décembre 1940, p. 142.
201 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, 17e division militaire, le colonel Sarrat, commandant militaire du département de l’Ariège, à Monsieur le Général, commandant la 17e division militaire, bureau MA (Toulouse), rapport moral du service de la Sûreté nationale, 18 janvier 1941, p. 139.
202 SHD-DAT, 7NN 2052 d. 1744, MA 17 à MA 100, 11 janvier 1941, p. 135.
203 Ibid.
204 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèse trimestrielle sur l’état d’esprit et le communisme en France occupée, 28 mars 1941, p. 77 sq. ; synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, mars 1941, p. 10.
205 SHD-DAT, 7NN 2052, d. 1744, synthèses des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie, avril et juin 1941, p. 10. Les synthèses mensuelles du SMA n’ont pas été conservées pour cette période.
206 SNCF, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 11 au 17 mars 1941 inclus, p. 377 ; 7NN 2052, d. 1744, synthèse des rapports mensuels des commandants de légion de Gendarmerie (avril 1941), p. 33-35 ; MAE, P 02855/d. 138, renseignement, source excellente, p. 42 (sans date, rédigé vraisemblablement courant mars).
207 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 13 au 20 janvier 1941 inclus, p. 518-522. La crainte d’une occupation de la zone libre n’est pas nouvelle. Elle se manifeste déjà à la suite du renvoi de Laval le 13 décembre (Rivet Louis [général], Carnets, op. cit., 20 décembre 1940 et 1er janvier 1941, p. 448-450).
208 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, rapport hebdomadaire sur l’activité des SR étrangers pendant la période du 25 au 31 mars 1941 inclus, p. 340.
209 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, le conflit germano-russe vu par les rapports hebdomadaires de TR, non daté, p. 298-299 ; MAE, P 02608/d. 835, Consulat de France, Zurich, 2 avril 1941, p. 145 ; MAE, P 02608/d. 835, télég. no 77, l’attaché militaire à Budapest, 17 juin 1941, p. 249.
210 Rivet Louis (général), op. cit., janvier 1941, p. 449.
211 SHD-DAT, 7NN 2017, d. 1779, le conflit germano-russe vu par les rapports hebdomadaires de TR, non daté, p. 298-299.
212 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, voyage Kiev-Kharkov-Rostov-Stalingrad, 8 mai 1941, p. 65.
213 Ibid., p. 66-67.
214 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, compte rendu mensuel avril 1941, 14 mai 1941, p. 82.
215 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, zones interdites aux personnels des missions diplomatiques, 23 mai 1941, p. 85-86. Assez curieusement, Bergery décrit une situation moins verrouillée puisqu’il affirme que seules les zones frontières et nombre de centres industriels sont désormais interdits aux diplomates (MAE, P 02624/d. 816, télég. no 433, 19 mai 1941, p. 27).
216 Rivet Louis (général), op. cit., 22 juin 1941, p. 464.
217 MAE, P 02608/d. 835, télég. no 386-393, 3 mai 1941, p. 171.
218 MAE, P 02624/d. Ambassade de France en URSS, no 399-404, 6 mai 1941, p. 108-109.
219 MAE, P 02608/d. 835, Monsieur Gaston Bergery, ambassadeur de France à Moscou, à son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte, ministre Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, vues du corps diplomatique à Moscou sur l’évolution du conflit, 25 mai 1941, p. 202.
220 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, 25 mai 1941, p. 98-99.
221 MAE, P 02608/d. 835, 24 mai 1941 (sans en-tête), p. 200-201.
222 MAE, P 02608/d. 835, télég. no 77, l’attaché militaire à Budapest, 17 juin 1941, p. 249.
223 MAE, P 02608/d. 835, télég., Moscou, 19 juin 1941, p. 257.
224 MAE, P 02608/d. 835, Monsieur Eirik Labonne, ambassadeur de France à Moscou, à son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte, ministre Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, fin de mission – quelques vues d’ensemble, 22 avril 1941, p. 155.
225 Ibid., p. 157.
226 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, compte rendu mensuel avril 1941, 14 mai 1941, p. 77-84.
227 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, effectifs actuels des forces armées soviétiques, 23 mai 1941, p. 90.
228 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, 24 mai 1941, quelques indications sur la politique extérieure de l’URSS, p. 97.
229 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, 5 mars 1941, p. 28-41.
230 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, effectifs actuels des forces armées soviétiques, 23 mai 1941, p. 90. Ces chiffres, assez justes pour les effectifs totaux, ont tendance à sous-estimer le nombre d’unités soviétiques, puisque David Glantz donne pour juin 1941, 196 DI, 61 divisions de chars, 13 DC pour un total de 5 millions d’hommes mobilisés (The Military Stratégy of the Soviet Union, London, Franck Cass, 1992, p. 92). Malgré ces imprécisions, Abraham rend correctement compte de la croissance rapide du potentiel militaire soviétique. À noter, qu’à la même époque, le haut commandement allemand sous-estime dans des proportions beaucoup plus importantes qu’Abraham le nombre d’unités soviétiques : 135 DI, 32 DC, 36 brigades mécanisées (Dunn Walter S., Hitler’s Nemesis, The Red Army (1930-1945), op. cit., p. 21).
231 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, compte rendu mensuel avril 1941, 14 mai 1941, p. 81.
232 MAE, P 02624/d. 817, le lieutenant-colonel Abraham, attaché militaire à Moscou, à Monsieur le ministre de la Guerre, EMA, 2e bureau, voyage Kiev-Kharkov-Rostov-Stalingrad, 8 mai 1941, p. 64. Il insiste en particulier sur le faible niveau de formation et d’éducation des officiers : « Le colonel à grande moustache à la Boudiény, qui mangeait au buffet de la gare de Likhaïa, n’était pas, par les manières et les sentiments, autre chose qu’un paysan ukrainien déguenillé. » Apparaît également des doutes sur la capacité du régime à mobiliser le pays pour faire la guerre : « En cas de guerre dure, le patriotisme des ouvriers et surtout des paysans, malgré tous les efforts faits par le régime pour l’exalter, l’emporterait-il sur le désir d’échapper enfin à la misère ? » (p. 75). Cette vision de l’Armée rouge se situe davantage dans la continuité de celle du 2e bureau d’avant-guerre que de celle des attachés militaires successifs.
233 MAE, P 02608/d. 835, Monsieur Eirik Labonne, ambassadeur de France à Moscou, à son Excellence Monsieur l’Amiral de la Flotte, ministre Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, fin de mission – quelques vues d’ensemble, 22 avril 1941, p. 153-154.
234 MAE, P 02608/d. 835, télég. no 386-393, 3 mai 1941, p. 171.
235 MAE, P 02608/d. 835, mai 1941, p. 199.
236 Culmann Frédéric (général), « La Russie », La France militaire, 1er mars 1941, p. 1 ; « La nouvelle Russie et les tendances allemandes », La France militaire, 15 mars 1941, p. 1. Au cours des années 1930, Cullmann, lié à Pétain, a suivi de près la question russe, exprimant dans l’ensemble des positions hostiles aux Soviétiques et au communisme.
237 Les réactions du 2e bureau dans les jours qui suivent l’attaque allemande contre l’URSS corroborent cette hypothèse.
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