Le sultan « miracle »
Le cülûs de Mehmed IV à travers les chroniques ottomanes du xviie siècle
p. 233-242
Texte intégral
1Dans les chroniques ottomanes du xviie siècle, le sultan Mehmed IV est décrit comme le sultan victorieux, triomphant et glorieux, qui marche avec succès, de ville en ville, de conquête en conquête, sans que soient évoquées les difficultés de la guerre et des combats. Il répand, selon Evliyâ Çelebi, « une clameur à l’est et à l’ouest, un cri d’horreur et de lamentation dans les pays des infidèles et de tous les peuples1 », pour vaincre l’ennemi avec un zèle prophétique. Dans la même veine, Ahmed Dede Müneccimbaşı, qui écrit vers la fin du xviie siècle, le désigne comme « le mujahid, roi-gazi, libérateur de la conquête et gazi2 ». Les thuriféraires de ce sultan présentent son parcours comme une succession de moments décisifs témoignant de sa vertu et de sa valeur, mais aussi de la protection particulière que Dieu lui accorde. Les circonstances extraordinaires de l’arrivée au pouvoir de Mehmed IV, alors âgé de sept ans, en 1648, peuvent apparaître comme la preuve de sa vocation providentielle. Il est le sultan « miracle », le sultan-gazi3, choisi par Dieu pour accomplir une destinée prodigieuse4. Son avènement ne s’est-il pas produit à Istanbul, à Topkapı, après la déposition du sultan Ibrahim le Fou, pour que chacun puisse honorer et servir le nouveau sultan ? Le caractère exceptionnel de la destinée du padişah pouvait être célébré avec enthousiasme par quelques-uns, alors que pour d’autres chroniqueurs de la fin du xviie siècle la montée, sur le trône du şehzade fait figure de châtiment divin5.
2La question du couronnement des sultans est devenue un champ de recherche à part entière dans l’historiographie de l’Empire ottoman à partir des années 1980, grâce aux études menées sur les rites monarchiques et sur l’anthropologie des rois qui ont fasciné les historiens de l’Occident6. Plusieurs sous-thèmes, dont la mort du sultan, sont explorés par les historiens ottomanistes, majoritairement francophones7. Elle devient même une des composantes de ce nouveau champ de recherche. S’il existe de longue date une littérature consacrée aux aspects événementiels, l’année 1996 marque un tournant historiographique avec les publications des travaux de G. Necipoğlu, K. Kreiser, N. Vatin et G. Veinstein8. Dans un article, ces deux historiens annonçaient déjà la publication d’un ouvrage, faisant aujourd’hui référence, Le Sérail ébranlé9, centré entre autres sur l’évolution des rites et la perception politique de l’intronisation (cülûs) du sultan. Ils restent très attentifs aux significations et aux échos socio-politiques des avènements, des dépositions et des morts des sultans. Notre travail s’inscrit avant tout dans cette perspective historiographique qui vise à analyser l’arrivée de Mehmed IV au pouvoir et sa vocation à renouer avec l’esprit de gazi pour légitimer son règne. Le cérémonial d’intronisation du sultan, théâtre d’un pouvoir identique à lui-même et pourtant toujours différent au gré d’infimes transformations, peut donner un sentiment de vertige à qui décide d’en entreprendre l’étude, notamment avec l’intronisation de Mehmed IV, dans une période pour le moins troublée (déposition d’Ibrahim, crises internes et externes de la Sublime Porte). Cette première étape, qu’est le cülûs, est cruciale pour (r)établir « l’ordre du monde ». Son couronnement est l’occasion de destituer puis d’exécuter le sultan Ibrahim Ier. Cette situation marque de façon nette la prétention des hautes autorités de l’État, politiques, militaires et religieuses, à se constituer en une sorte d’instance qui a pour autorité de faire et défaire les souverains10. Avec les crises de la fin du xvie siècle, l’Empire ottoman connaît des changements multiples dans sa structure : la monétarisation accrue des impôts et de l’économie, la hausse du nombre de janissaires, le renforcement de la puissance économique et politique des maisons des vizirs et des ulémas et finalement la perte du pouvoir du sultan face aux élites du pouvoir, ces fameux « groupes privilégiés11 ». Au cours de la période étudiée, l’État moderne et bureaucratique se forme et les équilibres entre les piliers de l’État se recomposent. Le droit de succession est modifié progressivement du « père au fils », vers « l’aîné de la famille », dans une période où la politique de fratricide disparaît, comme l’envoi des princes dans les provinces pour se former à l’art de gouverner et de la guerre12. Politiquement moins puissants, les princes commencent à être enfermés dans le palais, cette fameuse cage désignée par le terme de kafes. Détrôner le sultan devient ainsi une option évidente dans le cycle de crises que connaît la Sublime Porte13.
3Pour comprendre cette intronisation, nous verrons comment les chroniques ottomanes construisent la généalogie des formes de justification de son avènement et comment la sacralisation de la loi de dévolution de la couronne a permis de présenter ce prince de la dynastie osmanienne comme un élu de Dieu.
Destituer le sultan…
4Pour les chroniqueurs ottomans, la déposition d’Ibrahim au profit de Mehmed IV est un événement remarquable qui a marqué les esprits des auteurs ottomans du xviie siècle. La terminologie qu’ils emploient est limpide pour décrire la crise de 164814. La révolte d’officiers revenus de la campagne de Candie dans la capitale met le feu aux poudres, comme le signale Jean de La Haye, ambassadeur français à la Porte15. À l’été 1648, les janissaires et les sipahis s’unissent aux hommes du turban (les şeyhülislam) et aux magistrats de la ville pour exiger la destitution du sultan. Kâtib Çelebi, comme Na’îma Efendi, rapporte les plaintes des piliers de l’État et autres notables (désignés par le terme de « cumhur16 ») contre le sultan Ibrahim Ier. Son abandon du droit islamique, son intérêt marqué pour ses concubines, la domination des femmes dans les affaires de l’État, les souffrances de simples sujets, la perte de nombreuses citadelles aux frontières et la menace pesante de Venise sur Istanbul sont autant de défauts qui tiennent à sa mauvaise réputation17. Connu pour ses extravagances, les rebelles ne négocient pas la reddition avec le souverain lui-même mais avec sa mère, figure tutrice et protectrice de son fils, qui devient le seul rempart contre les insurgés. Pour ces derniers, c’est le jour du jugement pour Ibrahim, selon Karaçelebizade18. S’engage alors une discussion animée entre le cumhur et la vâlide sultane, Kösem Sultan19. Elle reproche aux hommes qui lui font face leur hypocrisie pour avoir accepté les ordres de son fils, sans l’avouer ni le gêner20. Pourtant, une femme âgée ne pouvait rien faire contre une foule d’hommes armés, alliés aux magistrats et aux piliers de l’État21. Elle semble avoir peu de pouvoir dans ces circonstances même si elle est la représentante de la dynastie, l’interlocutrice du premier empire islamique du monde. Comme le note L. Peirce, la vâlide accepte de céder pour préserver ainsi la légitimité dynastique22. Elle contrôle surtout l’accès aux sultans présents et futurs, obstacle à l’accomplissement des demandes des révoltés. Si elle résiste jusqu’à la fin, elle comprend, comme le rapporte Karaçelebizade, que, pour apaiser le soulèvement dans le Palais, elle devait placer le jeune şehzâde sur le trône23. Cette solution n’est pas sans avantage car elle espère continuer à exercer sur son petit-fils l’influence qu’elle avait eue sur son fils. Mais elle doit compter avec la concurrence de sa bru, la mère du futur sultan, Turhan Hadice. Après avoir donné son autorisation, elle ordonne que le trône soit installé, comme le veut l’usage pour les intronisations, devant la « Porte de la Félicité », à l’entrée de la troisième cour. Kösem Sultan entre à l’intérieur du palais pour chercher elle-même le jeune prince24. Poussant la logique à l’extrême, elle ordonne entre-temps l’emprisonnement d’Ibrahim dans l’enderum, la partie privée du palais. Dans une scène saisissante que raconte le chroniqueur Mehmed Hemdani Solakzade, la vâlide, en affichant le futur souverain, dit à l’assemblée des piliers de l’État : « Est-ce ce que vous voulez ? Voici le prince », avec la « détresse apparente et la haine sur son visage25 ». Les arguments des rebelles trouvent un écho auprès des responsables de l’État. L’avènement de Mehmed IV devient alors « l’affaire des hommes26 ». Toutefois, à lire les écrits des chroniqueurs ottomans qui exaltent la figure du prince lors de l’intronisation comme seul détenteur de la souveraineté, son accession au trône devient aussi l’affaire de Dieu.
… pour « asseoir » l’élu de Dieu sur le trône
5En cette période de crises, les auteurs ottomans cèdent à la tentation de louer les sultans. Face à l’impopularité des sultans précédents, parfois mineurs, fous et immoraux, le şeyhülislam Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, dans son Ravzatü’l-ebrar27, attire, à l’occasion de l’intronisation de Mehmed IV en 1648, l’attention sur le brouillage des repères et des consciences de l’empire, qui aboutit aux prédictions les plus terrifiantes28. Pour lui, « il ne restait que peu de temps avant que la marée ne monte » et que cette « calamité ne noie l’Empire29 ». C’est pourquoi l’arbitrage des dignitaires, qui s’est imposé au cours du xviie siècle, facilite les successions, un moyen protégeant le droit ancestral de tout prince ottoman au trône. Ces hauts dignitaires souhaitent transformer cette perspective millénariste en un moment de bonheur30. Karaçelebizade décrit le cülûs de Mehmed IV, le fait d’asseoir le sultan sur le trône, en présence de dignitaires et d’une population plus ou moins importante31. Pour Mehmed Hemdemi Solakzade, cette scène présente une assemblée qui attend « avec espoir le lever du soleil du prince au cœur noble et illuminant le monde ». L’auteur ottoman s’empare de cet événement pour annoncer un phénomène inédit avec l’avènement de Mehmed IV, comparé au « soleil se levant dans une position favorable dans le ciel32 ». Lorsque le futur Mehmed IV « regard[e] autour de lui », Karaçelebizade prend le jeune garçon par le bras droit, tandis qu’un autre s’empare du gauche pour le placer sur le trône. Karaçelebizade compare son regard au « soleil rougeoyant, des rayons [qui] se sont dispersés » dans toute la cour. Le sultanat de Mehmed IV commence, pour l’ancien juriste musulman, lorsque ses yeux se fixent sur ses serviteurs qui, en attendant de croiser son « regard heureux du bel œil du souverain heureux », le saluent en espérant que « l’aide de Dieu soit sur [lui] » et commencent la cérémonie d’intronisation33. Karaçelebizade présente dès lors le jeune sultan, à peine âgé de sept ans, comme un chef omniscient. D’autres, comme le poète ottoman Cevri Ibrahim Çelebi34, estiment que « l’intronisation de Mehmed Khan rendit le monde tranquille35 ». Tous ces auteurs exploitent le couronnement de Mehmed IV pour annoncer une nouvelle ère. Ces écrits s’inscrivent alors dans un genre prophétique, éléments ordinaires de la culture de prédictions. Ces dernières sont choses courantes à cette époque. Mais comment le couronnement et les pronostics éventés ont-ils pu provoquer à la fois un courant de panique et de joie aussi intense ? Les paroles du poète ne laissent aucune ambiguïté, comme celles de Karaçelebizade. Un nouveau soleil s’est mis à luire : le couronnement de Mehmed IV stimule aussitôt les astrologues, les devins et les auteurs ottomans qui rivalisent de prédictions flatteuses. Pourtant, son intronisation est accueillie dans une effusion de sang36. Dans ce cycle vertigineux des transmissions du trône, un certain équilibre est trouvé, permettant au sultan de préserver les bases de sa légitimité. Les auteurs ottomans soulignent que le nouveau sultan va réaffirmer et refonder la grandeur de l’Empire, comme le prouvent les vagues de pronostics et de prophéties qui se succèdent d’ailleurs tout au long du règne de Mehmed IV avec une intensité et une régularité rarement égalées, et la victoire sur les infidèles occupe une place centrale parmi les succès qui lui sont augurés37.
Signes et gestes du couronnement
6Le fait d’être assis sur le trône, dans des conditions particulières, signifie indubitablement la fin de la crise et l’avènement d’un nouveau règne. Cette accession à la royauté est en effet sanctionnée par la « montée sur le trône » qui précède immédiatement le bey’at, l’hommage que reçoit le sultan dans cette posture, impliquant déjà sa majesté royale38. Alors que la guerre civile fait rage, le « faible et mince » Mehmed, âgé de 7 ans et non circoncis, devient le sultan de la dynastie ottomane39. Assis « sur le trône auguste », devant la « Porte de la Félicité », le jeune sultan attend la cérémonie de l’hommage, moment pendant lequel les dignitaires qui l’ont posé sur le trône valident leur propre œuvre. En respectant les usages bien établis du bey’at, tous les ministres prêtent serment devant lui avec le baisemain (destbus) qui matérialise l’hommage. Dans d’autres occasions, ces groupes privilégiés s’inclinent et, peut-être, s’agenouillent devant le sultan. L’hommage reçu est riche de signification car il porte en lui un engagement de soumission et d’obédience, comme le veut le bey’at au sens strict. Quant aux participants à cette cérémonie fondatrice, les sources restent assez imprécises, voire floues. N. Vatin et G. Veinstein pensent que les différentes catégories des dignitaires sont alors représentées : les vizirs et les membres du divan, les grands ulémas, les officiers des différents corps de l’armée et enfin les préposés aux grandes charges du Palais40. En tout cas, les chroniques ottomanes mentionnent la présence du şeyhülislam, qui porte une fourrure blanche alors que le grand vizir, vêtu d’un manteau de satin blanc recouvert de fourrure de zibeline, porte un turban de trente-cinq centimètres, formant un cylindre autour duquel se trouve une étoffe de mousseline blanche ornée d’un drap rouge41. Suivent alors les autres ministres avec un turban ressemblant à celui du grand vizir42. Dans cette large assemblée, qui a sans doute impressionné le jeune sultan, sont présents des centaines d’hommes, certainement les janissaires avec leurs énormes moustaches et leur étendard à la main, qui n’ont pas pu prêter serment, comme l’indique Karaçelebizade, de peur d’effrayer la foule43. Pourtant, les acclamations du çavuş sont un élément à caractère propitiatoire. Ils ont pour rôle de « pousser des acclamations, des prières et de louanges44 ». Ces ovations n’interviennent pas seulement dans le cadre de l’avènement mais aussi lorsque le sultan fait des apparitions solennelles. Leur présence semble indispensable à double titre : elle apporte un message de soutien et elle représente l’armée. Leur cri habituel est pour le moins rempli d’une symbolique belliqueuse : « Rencontrons-nous à la Pomme d’Or (Kızıl Elma)45 », la capitale du monde chrétien46. À cette occasion, les dignitaires présentent leurs félicitations au nouveau souverain et lui souhaitent un règne long et prospère. Le cérémonial du bey’at est exprimé de façon non verbale et seule la composante propitiatoire ferait l’objet d’une certaine verbalisation. Dans les chroniques utilisées, on ne retrouve ni la prononciation d’une formule consacrée ni la prestation d’un serment solennel de la part du sultan. Après cette cérémonie discrète, le « roi du soleil » quitte la Porte de la Félicité, comme le rapporte Karaçelbizade, pour faire une sieste dans la salle royale gardée par les eunuques du harem47. Avec le couple cülûs-bey’at, le pèlerinage à Eyüp est l’autre grand rite d’intronisation des sultans ottomans. Son itinéraire est bien fixé depuis l’avènement de Mûrad III. Le sultan se dirige jusqu’au débarcadère d’Eyüp, par voie d’eau, empruntant la Corne d’Or sur un caïque. Arrivé au mausolée d’Eyüp, lieu de pèlerinage pour le nouveau souverain48, il accomplit non seulement des aumônes et des sacrifices mais il cherche surtout les charismes nécessaires au succès de son règne. Le mausolée d’Eyüp sert de cadre à une autre cérémonie, dont l’importance revêt une dimension fondamentale de l’intronisation pour Solakzade49. Au cours de ce rite propitiatoire qui inaugure sa carrière militaire, le sultan Mehmed IV est ceint d’un sabre (kılıc kuşatması) par le şeyhülislam50.
7Entre-temps, afin d’écarter toute suspicion de fitne (de révolte contre l’ordre établi), les notables ont signifié, à travers une « cérémonie sans précédent de contre-bey’at51 », la destitution du sultan Ibrahim Ier. Alors que les soldats venaient chercher le sultan pour son exécution, justifiée par ailleurs par une fatwa du şeyhülislam52, le sultan déchu, dans une situation bien précaire, aurait prononcé un discours haineux à l’encontre de ses bourreaux, selon Karaçelebizade : « Hé ! Des traîtres ! Que faites-vous ? Est-ce que je ne suis pas le sultan ? ». Pour seule réponse, il obtient : « Non, vous n’êtes pas le sultan » et « ton califat n’est pas légal53 ». Pour le şeyhülislam mais aussi pour l’ensemble des notables, il n’est plus digne du trône mais le şehzâde, quant à lui, accepte les sages conseils de ses ulémas54. Tout cet habillage permet non seulement d’évincer légitimement un sultan fou mais aussi d’opposer des armes justes pour ceux qui s’opposent à l’ordre. Selon les chroniques ottomanes, l’intronisation de Mehmed IV repose sur les lois fondamentales qui constituent le socle de la monarchie ottomane. Pourtant, ce jeune apparaît à bien des égards comme un sultan « de carte55 », soumis au contrôle de la vâlide sultan et influencé par les hauts dignitaires de la Sublime Porte. Si la dynastie ottomane est préservée, la Sublime Porte doit affronter plusieurs crises qui se multiplient et s’intensifient en dépit du couronnement de Mehmed IV.
⁂
8Avec l’intronisation de Mehmed, en 1648, l’atmosphère, décrite par les chroniqueurs du xviie siècle, montre un empire qui s’est bureaucratisé et sédentarisé où le pouvoir du sultan s’est réduit au profit d’une élite, désignée par l’historiographie comme les « groupes privilégiés ». L’affaiblissement du pouvoir du sultan depuis la fin du xvie siècle et le régicide ne le privent pas, cependant, de leur poids politique. S’il se produit dans un contexte de crise, comme celui d’Ibrahim Ier, l’arrivée du nouveau sultan imposé est présentée par les chroniqueurs ottomans comme un « événement remarquable » et comme le choix des hommes et de la Providence. Pourtant, les crises chroniques durant la première partie du règne de Mehmed IV, à la fois internes et externes, poussent certains auteurs ottomans à composer des traités politiques pour soigner, ce qui préfigure « l’homme malade » du xixe siècle. Ils attendent la venue de « l’homme de l’épée », qui n’est pas forcément le sultan. En effet, dès 1656, la monarchie ottomane reprend en main l’ensemble du gouvernement et les rouages de l’État, grâce aux Köprülü. De façon urgente, ils assainissent les finances impériales car le sultan a hérité de la situation difficile léguée par ces prédécesseurs. Mais le travail de resacralisation de l’autorité impériale auquel se sont livrés les partisans de Mehmed IV dans les années 1660 a pour but de rendre impossible toute nouvelle contestation et de permettre définitivement au sultan d’aspirer à la souveraineté impériale, voire universelle et, pour reprendre la formule de G. Işıksel, de « cosmocratique ». L’appareil idéologique sur lequel s’est construite l’image de Mehmed IV repose sur l’idée d’un souverain qui détenait une puissance unique divine, à l’instar de ses prédécesseurs. À terme, la figure du sultan change dans les chroniques, passant du sultan apeuré à un souverain aguerri à l’art de la guerre, pour devenir l’élu de Dieu, le pourfendeur de l’infidèle et de l’hérétique.
Notes de bas de page
1 Gökyay Orhan Şaik, Evliya Çelebi Seyahatnâmesi, 1 Kitap: Istanbul, Topkapı Sarayı Bağdat 304 Yazmasının Transkripsiyonu-Dizini, Istanbul, Yapı Kredi Yayınları, 1996, p. 114.
2 Müneccimbaşı Ahmed Dede ibn Lutfullah, Jami’ al-Duwal fi al-Tarikh, Bibliothèque Suleimaniye, MS. Esad Efendi 2101-2103, fo 772b. Şeikh halveti puis chef astrologue (müneccimbaşı) du Palais à partir de 1668, favori de Mehmed IV, il raconte notamment une histoire de l’humanité jusqu’en 1673.
3 Les définitions de gazâ et de jihad ne font pas l’unanimité auprès des historiens. Voir Wittek Paul, The Rise of the Ottoman Empire. Studies in the History of Turkey, Thirteenth-Fifteenth Centuries, Heywood Colin éd., New York, Routledge, 2012. Plusieurs historiens reviennent sur la théorie de Paul Wittek et son interprétation. Voir Emecen Feridun M., « Gazaya dair. XIV. yüzyıl kaynakları arasında bir gezinti », in Hakkı Dursun Yılmaz’a armağan, Istanbul, 1995, p. 191-197 ; Kafadar Cemal, Between Two Worlds : the Construction of the Ottoman State, Berkeley, University of California Press, 1995 ; Özcan Abdulkadir, « Türklerde Gaza ruhu ve bunun Osmanlılardaki tezahürü », 10. Osmanlı Sempozyumu Bildirileri, Söğüt, 1995, p. 9-13 ; Darling Linda T., « Contested Territory. Ottoman Holy War in Comparative Perspective », Studia Islamica, 91, 2000, p. 133-163.
4 Les auteurs contemporains proposent, après 1660, une vision assez favorable du sultan Mehmed. Ils gravitent tous autour du pouvoir comme Mehmed Halife, Hasan Ağa, Abdi Paşa, Hacı Ali, Yusuf Nabi, Vani Efendi et Mehmed Necati.
5 Naîmâ Mustafa Efendi, Târih-i Na‘imâ (Ravzatü’l-Hüseyn fî Hulâsati Ahbâri’l-Hâfikayn), éd. Mehmet Ipşirli, IV, Ankara, Türk Tarih Kurumu Basımevi 2007 ; Silahdar Fındıklılı Mehmed Ağa. Silahdar Tarihi, Istanbul, Devlet Matbaası, 1928, 2 vol. Sur Mehmed IV, voir l’article de Baysun Cavid M., « Mehmed IV », Islam Ansiklopedisi (abrégé en IA), Istanbul, Maarif Basımevi, 1984-1986, p. 556. Voir aussi Kurat A. N., « The Reign of Mehmed IV, 1648-1687 », in A History of the Ottoman Empire to 1730, M. A. Cook, éd., New York, Cambridge University Press, 1976, p. 162 ; Alderson A. D., The Structure of the Ottoman Dynasty, Westport, CT, Greenwood Press, 1982, p. 65-66 ; Abou-El-Haj Rifa’at Ali, The 1703 Rebellion and the Structure of Ottoman Politics, Leyde, NINO, 1984, p. 90 ; Nutku Özdemir, IV. Mehmet’in Edirne Şenliği, 1675, 2e éd., Ankara, TTKB, 1987 ; Uzunçarşılı Ismail Hakkı, Osmanlı Tarihi, 3 (1), 3e éd., Ankara, TTKB, 1983, p. 366 ; Koçu Reşad Ekrem, Osmanlı Padişahları, Istanbul, Doğan Kitap, 2002, p. 315-16 ; Shaw Stanford J., History of the Ottoman Empire and Modern Turkey, vol. 1 : Empire of the Gazis: The Rise and Decline of the Ottoman Empire, 1280-1808, New York, Cambridge University Press, 1976, p. 219. On se reportera aussi à l’ouvrage de Baer Marc D., Honored by the Glory of Islam. Conversion and Conquest in Ottoman Europe, New York, Oxford University Press, 2008. Dans cette entreprise de réhabilitation, licite au demeurant, Marc D. Baer succombe au magnétisme de son personnage et son ouvrage prend un tour hagiographique.
6 Bloch Marc, Les rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale, particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, 1983 ; Kantorowicz Ernst, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1989. Pour l’Empire ottoman, voir Necipoğlu Gülrü, Architecture, Ceremonial, and Power: The Topkapı Palace in the Fifteenth and Sixteenth Centuries, Cambridge, Mass. MIT Press, 1992 ; Tarım Ertuğ Zeynep, « Ceremony and Protocol at the Ottoman Court », in A Cultural Atlas of the Turkish World: Ottoman Period, vol. 1, Istanbul, Turkish Cultural Service Foundation, 1999, p. 428-477.
7 Sur cette même question, voir Veinstein Gilles, « Préface », in Veinstein Gilles (dir.), Les Ottomans et la mort, Leyde, Brill, 1996, p. 1996 ; et Onaran Burak, « Fransız Osmanlı Tarihi Çalışmaları Hakkında Bir Değerlendirme », TALİD, 8/15, 2010, p. 333-335.
8 Necipoğlu Gülrü, « Dynastic Imprints on the Cityscape », in Bacqué-Grammont Jean-Louis et Tibet Aksel, Cimetières et traditions funéraires dans le monde islamique, vol. 2, Ankara, TTK, 1996, p. 29-33 ; Kreiser Klaus, « Istanbul, die wahre Stadt der Muslime », in Cimetières et traditions funéraires dans le monde islamique, p. 9-21 ; Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, « Les obsèques des sultan ottomans de Mehmed II à Ahmed Ier (1481-1616) », in Veinstein Gilles, Les Ottomans et la mort, op. cit., p. 207-243 et récemment, Onur Burak, « La mort du sultan détrôné (1622-1918). Un survol à travers l’histoire politique de l’Empire ottoman », in Foa Jérémie, Malamut Élisabeth et Zaremba Charles (dir.), La mort du prince. De l’Antiquité à nos jours, Aix-Marseille, Presses universitaires de Provence, 2016, p. 161-172.
9 Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé. Essai sur les morts, dépositions et avènements des sultans ottomans (xive-xixe siècle), Paris, Fayard, 2003.
10 Ibid., p. 196.
11 Sur ce terme, voir Tezcan Beki, The Second Ottoman Empire, New York, Cambridge University Press, 2010 et Onaran Onur, Détrôner le sultan, Paris, Peeters, 2013, p. 55-60.
12 Buğra Ekinci Ekkrem, « Fratricide in Ottoman Law », Belleten, LXXXII, 2018, p. 1013-1046.
13 Abou-El-Haj Rifa’at ‘Ali, Formation of Modern State, Albany, State University of New York, 1991. Pour le renversement du cycle de crise, voir Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 81-82 et aussi Peirce Leslie, The Imperial Harem, Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 260, 262.
14 Kâtib Çelebi, Fezleke, Aycibin Zeynep, éd. Istanbul, Calımça Basım Yayın, 2017, II, p. 327-330 ; Müneccimbaşı Ahmed b. Lutfullah, Sahaifu’l-ahbar, Istanbul, Matbaa-ı Amire, 1285/1868-69, III, p. 690-693. On se rapportera aussi à l’analyse de Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 196-204.
15 AMAE, CP, supplément, Turquie, vol. 3, fo 171 vo, lettre du 16 septembre 1648 de Jean de La Haye à la Cour.
16 Kâtib Çelebi, Fezleke, op. cit., 2, p. 328. Sur le terme de cumhur, voir Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 197.
17 Kâtib Çelebi, Fezleke, op. cit., 2, p. 327.
18 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli (Tahlîl ve Metin), 1732, Kaya Nevzat, Ankara, éd., TTKB, 2003, p. 2. Sur cet auteur, voir Köprülü Fuat O., « Şeyhülislam Kara Çelebi-zâde Abdülaziz Efendi ve Müftü Suyu », Belleten, 41, XI, 1947, p. 136-142 ; Babinger Franz, « Abdulaziz Efendi, Kara Çelebi-zâde », in IA, vol. 1, Istanbul, p. 64-65 ; Özgül Ibrahim, « Kara Çelebi-Zâde Abdülaziz Efendi’nin Tarihçiliği ile Devlet Adamlarına ve Olaylara Bakışı », Atatürk Üniversitesi Sosyal Bilimler Enstitüsü Dergisi, 22-1, 2018, p. 97-109.
19 Tezcan Baki, « The Debut of Kösem Sultan’s Political Career », Turcica, 40, 2008, p. 347-359.
20 Kâtib Çelebi, Fezleke, op. cit., 2, p. 329 ; Müneccimbaşı Ahmed Dede ibn Lutfullah, op. cit., fo 772a.
21 Kâtib Çelebi, Fezleke, op. cit., 2, p. 329.
22 Peirce Leslie, The Imperial Harem, op. cit., p. 263-64.
23 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 4.
24 Idem.
25 Solakzade Mehmed Hemdani, Tarih-i Al-i Osman, Topkapı Palace Museum Library, MS. Ahmed III 3078, fo 467a.
26 Nicolas Vatin et Gilles Veistein, Le Sérail ébranlé, op. cit., chap. iii.
27 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 3.
28 Sur les crises politiques qui touchent l’Empire ottoman et les successions des sultans, voir Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 183-258.
29 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 9.
30 Sur « ceux qui font et défont », voir Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 192-204.
31 Sur les cérémonies d’intronisation, voir Imber Colin, « Die Thronbesteitungen der osmanische Sultane », in Steinicke Marion et Weinfurter Stefan, dir., Investitur-und Krönungsrituale, Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau Verlag, 2005, p. 291-303 ; Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 259-304.
32 Solakzade Mehmed Hemdani, Tarih-i Al-i Osman, op. cit., fo 467a.
33 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 4.
34 Ayan Hüseyin, « Cevri Ibrahim Çelebi », TDV İslâm Ansiklopedisi, vol. VII, 1993, p. 460-461 ; Özgüdenli Osman G., « Jevri, Ebrāhim Čelebi », Encyclopaedia Iranica, vol. XIV, fasc. 6, p. 640-641.
35 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 5 ; Solakzade Mehmed Hemdani, Tarih-i Al-i Osman, op. cit., fo 467a ; Vecihi Hasan Çelebi, Tarih-i Vecihi, Topkapı Palace Museum Library, MS. Revan 1153, fo 47b ; Halife Mehmed, Tarih-i Gilmani, Topkapı Saray Museum Library, MS. Revan 1306, fo 17b.
36 AMAE, CP, supplément Turquie, vol. 3, fo 171 vo, lettre, datée du 16 septembre 1648, de Jean de La Haye à la Cour : l’ambassadeur français explique dans sa dépêche la « cause de sa mort vient d’un bruit qui commençoit à courir et qui estoit veritable que la milice particulière des sipahis se repentoient disia d’avoir depose leur Prince et le vouloient restablir » ; Solakzade Mehmed Hemdani, Tarih-i Al-i Osman, op. cit., fo 469a.
37 Voir Baer Marc D., « Manliness, Male Virtue and History Writing at the Seventeenth-Century Ottoman Court », Gender & History, 20-1, 2008, p. 128-148.
38 Sur la question du bey’at, voir Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 259-305.
39 Gökyay Orhan Şaik, Evliya Çelebi Seyahatnâmesi, op. cit., p. 114.
40 Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 277.
41 Efendi Abdi, Sur-name-i Sultan Mehmed ibn Ibrahim Han, Istanbul, Topkapı Palace Museum Library, Istanbul, MS. Revan 823, fos 16b-17a ; Kütükoğlu Mübahat S. (éd.), Osmanlılarda Narh Müessesesi ve 1640 Tarihli Narh Defteri, Enderun Yayınları 13, Istanbul, Ünal Matbaası, 1983, p. 356.
42 Abdi Paşa Abdurrahman, « Osmanlı Kanûnnâmeleri », Millî Tetebbu‘lar Mecmû‘ası 1, no 2, Temmuz-Ağustos 1331/1912, p. 529.
43 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 6.
44 Solakzade Mehmed Hemdani, Tarih-i Al-i Osman, op. cit., p. 683.
45 Depuis le règne de Süleyman Ier, les Ottomans ont l’ambition impériale de conquérir Vienne, qu’ils appellent parfois la Pomme rouge (ou d’or) (Kızıl Elma). Sur la volonté de conquérir Vienne/la Pomme rouge dans l’imagination impériale ottomane, voir Şaik Gökyay Orhan, « Kızıl Elma Üzerine », in Tarih ve Toplum 23, 1986, p. 425-430 ; 26, p. 84-89 ; 27, p. 137-141 ; 28, p. 201-205. Voir aussi Fodor Pál, « The View of the Turk in Hungary : The Apocalyptic Tradition and the Legend of the Red Apple in Ottoman-Hungarian Context », in Lellouch Benjamin et Yerasimos Stéphane (dir.), Les traditions apocalyptiques au tournant de la chute de Constantinople : Actes de la Table Ronde d’Istanbul (13-14 avril 1996), Paris, L’Harmattan, 1999, p. 99-131.
46 Necipoğlu Gülcü, Architecture, Ceremonial, and Power…, op. cit., p. 11-12 ; Fodor Pál, « Ungarn und Wien in der osmanischen Eroberungsideologie (im Spiegel der Târîh-i Beç krâlı, 17. Jahrhundert) », in Pàl Fordor, In Quest of the Golden Apple: Imperial Ideology, Politics and Military Administration in the Ottoman Empire, Istanbul, ISIS, 2000, p. 52-53.
47 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrar zeyli, op. cit., p. 7.
48 Vatin Nicolas, « Aux origines du pèlerinage à Eyüp des sultans ottomans », Turcica, XXVII, 1995, p. 91-99.
49 Solakzade Mehmed Hemdani, Tarih-i Al-i Osman, op. cit., fo 467b.
50 Naîmâ Mustafa Efendi, Târih-i Na‘imâ, op. cit., 4, p. 334.
51 Vatin Nicolas et Veinstein Gilles, Le Sérail ébranlé, op. cit., p. 200 : les auteurs qualifient cette cérémonie de « contre-bey’at ».
52 Pour la traduction en français de la fatwa, voir ibid., p. 203.
53 Karaçelebizade Abdülaziz Efendi, Ravzatü’l-ebrâr zeyli, op. cit., p. 7.
54 Idem.
55 Je me permets de reprendre la formule d’Anne d’Autriche qui, en se confiant au maréchal de Villeroy, veut protéger le jeune Louis XIV de la Fronde. Voir Mme Motteville, Mémoires de Mme Motteville sur Anne d’Autriche et sa cour, Paris, éd. F. Riaux, 1886, t. II, p. 225.
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