Chapitre IV. L’usine est là où sont les travailleurs
p. 155-192
Texte intégral
« Le jour où [Pierre Messmer] a lancé devant les caméras de la télévision, l’œil, le visage et la voix étrangement durcis, son fameux “Lip, c’est fini !”, l’espace d’un instant, j’ai cru voir un légionnaire romain repoussant les curieux des abords du Calvaire et criant avec un mouvement de menton par-dessus l’épaule, du côté du gibet : “Le christianisme, c’est fini !” »
André Frossard1.
« Tout ce qu’ils [CGT] disaient était qu’il fallait normaliser le conflit. Et ils ne s’apercevaient pas qu’ils utilisaient le même mot de “normalisation” que l’URSS envers la Tchécoslovaquie […] La CGT, elle, voulait toujours normaliser, pour reprendre le sillon de la lutte traditionnelle, avec ses revendications traditionnelles […] Dès que le conflit a été normalisé, ils ont fait comme les Russes avec Dubček et ses camarades, ils nous ont traités de traîtres à la classe ouvrière et de serviteurs des patrons. »
Charles Piaget2.
1L’affaire Lip arrive à la jonction des Trente Glorieuses et du début d’une longue récession, marquée par les débats sur les réponses que pouvait apporter l’État aux défis de mai-juin 1968 et de la discordance croissante entre la politique gaulliste et l’évolution de l’économie de marché. En juillet 1972, le président Georges Pompidou remplace au poste de Premier ministre Jacques Chaban-Delmas par Pierre Messmer, qui montre fort peu d’intérêt pour la « nouvelle société » prônée par son prédécesseur. Mais tous les gaullistes ne partagent pas son aversion. Au début de juin 1973, Michel Habib-Deloncle, directeur politique de l’organe de l’UDR, La Lettre de la Nation, publie un article très sévère sur Fred Lip, l’accusant d’être responsable de la situation des travailleurs de son entreprise3. Le secrétaire d’État auprès du ministre du Travail, Christian Poncelet, déclare à des journalistes que s’il avait besoin d’une montre, il serait prêt à en acheter une aux salariés de Lip ; quand on lui fait remarquer que ce serait illégal, celui-ci répond qu’il a entendu dire qu’elles se vendaient bien : « on va être beaucoup en prison4 ». De son côté, Alexandre Sanguinetti, secrétaire général adjoint de l’UDR, a accepté de la part du président de l’Union des jeunes pour le progrès l’une des cinquante montres que le groupe gaulliste avait achetée aux Lip5. Pour Habib-Deloncle, Poncelet et Sanguinetti, proches de Jacques Chaban-Delmas, l’affaire Lip montrait au début à quel point une « nouvelle société » était nécessaire6.
2Selon Charles Piaget, « la “participationnite” a fait fureur » chez les hommes politiques conservateurs lorsqu’ils parlaient de Lip, ce qui n’avait rien d’étonnant, car comme le fait observer un trotskiste, c’était pour un homme de droite un moyen « de se refaire une virginité d’homme de gauche7 ». Des gaullistes de toutes tendances, parmi lesquels Pierre Messmer, Alexandre Sanguinetti, Edgar Faure et Alain Peyrefitte, n’avaient que le mot « participation » à la bouche, laissant entendre que si Fred Lip avait tenu ses salariés mieux informés, ceux-ci n’auraient pas remis en cause l’analyse de la situation par l’entreprise et auraient docilement quitté le navire en perdition, comme de bons acteurs du marché8. Mais en même temps, ils se rendaient compte qu’il était trop tard pour que la participation puisse régler le problème, et Pierre Messmer fut le premier à se laver les mains de toute l’affaire : dès que les salariés de Lip commencèrent à fabriquer leurs montres, il expliqua qu’en l’absence d’employeur, il n’y avait pas de conflit social, donc que l’État ne pouvait pas jouer le rôle d’arbitre9.
3Avant de partir en vacances au mois d’août, le président Pompidou dit aux membres de son gouvernement qu’il était inutile de prendre des mesures : « Lip, ça n’intéresse que certains Parisiens et les intellectuels de gauche. La France s’en fout10. » Mais en l’absence de structures de direction avec lesquelles négocier, et au vu du soutien que les salariés de Lip avaient réussi à mobiliser dans tout le pays, la stratégie de pourrissement du gouvernement s’avérait de plus en plus intenable. Du Figaro à L’Humanité, du dirigeant du PSU Michel Rocard au journal communiste libertaire Guerre de classes, les critiques étaient unanimes pour dire que l’État jouait le rôle de Ponce Pilate en se lavant les mains de toute responsabilité11. Au début de juillet, on pouvait lire dans Le Point que « Lip résonne maintenant comme un péché originel dans le monde des patrons », et un mois plus tard que « la première guerre de Troie de l’autogestion est bien en train de se dérouler sous nos yeux12 ». C’est à Jean Charbonnel, ministre du Développement industriel et scientifique, qu’il allait revenir de s’occuper du cheval de Troie de Palente.
Négociations avec « le faux Zorro »
4Jean Charbonnel, que Fred Lip appela le « magicien du mois d’août », intervint le 1er août et proposa une variante du projet d’Ébauches SA impliquant le démantèlement de l’entreprise et le licenciement d’un nombre de salariés compris entre 400 et 600. Ce nouveau projet, comme la précédente tentative auprès de l’IDI, tirait ses conclusions des données qu’Ébauches SA avaient rassemblées pour 1972-1973, ce qui témoignait des efforts déployés par la société suisse pour vider Lip de sa substance13. L’AG rejeta aussitôt la proposition Charbonnel, à laquelle les salariés réagirent dès le lendemain en distribuant la première paie. Même le leader de la CGC-Lip, syndicat qui était opposé à la vente des montres et au paiement des salaires par le personnel, qualifia le plan Charbonnel de « devoir de vacances mal bâclé14 ». Pour tenter de conserver l’initiative, Charbonnel envoya à Besançon Henry Giraud, non pas comme médiateur (quel interlocuteur aurait-il trouvé face aux salariés ?), mais pour remplir simultanément deux fonctions, bien difficiles à concilier : celle d’envoyé du gouvernement et, s’il parvenait à négocier un accord avec les salariés, celle de créateur d’une nouvelle entreprise dont il deviendrait le directeur. Henry Giraud était un homme d’affaires qui avait déjà réussi à remettre sur pied des entreprises de métallurgie au bord de la faillite, plus petites que Lip, dont celle d’Arc-et-Senans, non loin de Besançon, en 1972 ; le Canard enchaîné l’avait surnommé « le Saint-Bernard des sociétés malades15 ». En faisant appel au « faux Zorro » Giraud, l’État évitait d’avoir à traiter directement avec les hors-la-loi de Besançon16. Quand Le Figaro lui demanda pourquoi il avait accepté cette mission, Giraud répondit : « Je suis catholique [pratiquant]. J’ai fait du scoutisme. J’ai l’occasion de rendre service17. »
5C’est le 7 août qu’Henry Giraud rencontre pour la première fois les salariés, qui ont insisté pour qu’il se rende à Palente : « Ce n’est pas à Paris avec des dossiers et des crayons qu’on étudie les problèmes », lui dit Charles Piaget, « c’est ici sur place à l’usine dans les ateliers avec les travailleurs18 ! » Selon La Croix, c’est une rencontre « “à l’américaine” sous les feux de la TV », mais ce sont d’autres images qui viennent à l’esprit de Giraud19 qui, évoquant plus tard l’assemblée des travailleurs de Lip, nombreux à être accompagnés de leurs épouses et de leurs enfants, en donnera cette description : « Subitement, j’eus l’impression de me retrouver dans les images de mon vieux livre d’histoire de collégien représentant les tribunaux révolutionnaires20. » Il informe l’assemblée qu’il compte organiser des réunions distinctes avec les délégués de chaque syndicat ; en présence de l’ensemble du personnel, les syndicats rejettent catégoriquement sa proposition, déclarant qu’ils refusent d’être divisés et qu’ils ne le rencontreront que collectivement.
6Henry Giraud ne devait plus rencontrer les salariés à Palente. Au début du mois d’août, la présence policière est renforcée pour tenter d’empêcher les montres fabriquées de sortir de l’usine. Aussitôt les ouvriers cherchent à jauger ce que sait la police et à anticiper ses réactions, par exemple en chargeant des miettes de pain dans les véhicules pour voir lesquels sont interceptés et saisis par les forces de l’ordre21. Le 8 août, la cour d’appel ordonne l’évacuation de Palente, et la mise en place de mesures empêchant les salariés de pénétrer dans l’usine ou d’en subtiliser du matériel, afin de garantir aux créanciers la sécurité des machines et du stock ; le lendemain, le magistrat chargé de poser les scellés sur les grilles de l’usine en est empêché par le personnel. C’en est trop pour Pierre Messmer. Le président Pompidou étant en vacances, le Premier ministre prend l’initiative, convaincu qu’il est temps de passer à une autre forme d’intervention de l’État que celle incarnée par Henry Giraud. Aux premières heures de la journée du 14 août, « comme les coupe-jarrets du Moyen-Âge attendaient les voyageurs au coin du bois », selon les termes du secrétaire général de la CFDT Edmond Maire, 3 000 gardes mobiles investissent l’usine, balayant la cinquantaine de salariés qui montaient la garde et laissant le champ libre à l’occupation de Palente par les CRS22. Selon Pierre Messmer, en expulsant les salariés le gouvernement ne faisait que rejeter « le capitalisme sauvage », dans la mesure où l’occupation était tout simplement la conséquence de la mauvaise gestion de Fred Lip23. Pour Michel Rocard, en total désaccord avec cette tentative d’absoudre le capitalisme et l’État en faisant de Fred Lip un bouc émissaire, les interventions du gouvernement confirmaient l’absence criante de politique sociale digne de ce nom chez les Gaullistes : « le plan Charbonnel et l’intervention policière à Palente avaient démontré à la face de tous que la participation pouvait être mise aux poubelles de l’Histoire24 ». C’était là le message porté, les 16 et 17 août, par les 61 meetings et les arrêts de travail dans toute la France, et par les 587 délégations des différents partis et syndicats qui, le 23 août, se présentèrent à Matignon pour déposer sur le bureau du Premier ministre plus de 3 000 motions et pétitions soutenant les travailleurs de Lip. Chez Usinor à Denain, la CGT distribua des tracts portant en caractères gras : « Nous sommes tous des Lip25. » Pour la première fois, les secrétaires généraux de la CGT et de la CFDT, Georges Séguy et Edmond Maire, se rendirent ensemble sur le lieu du conflit pour exprimer leur soutien. Le Nouvel Observateur commentait ainsi le jugement porté par Georges Pompidou : « On découvre soudain qu’il y a des millions d’intellectuels de gauche dans ce pays. » Au lendemain de l’expulsion des salariés de Palente, Jean Charbonnel parle d’« une sorte de vertige du néant » et La Croix décrit l’affaire Lip comme « un véritable psychodrame national26 ».
7Pour les tenants de la nouvelle gauche, le conflit chez Lip était l’expression, en France, des bouleversements des années 1968 sur la scène mondiale, et c’est dans ce contexte que fut replacée l’expulsion. Jean-Pierre Faye établit un parallèle entre l’occupation policière de Palente et l’entrée des chars soviétiques dans Prague en 1968 : « le parti des Messmer et des Debré avait grand intérêt en effet à ce que soit écrasée à Prague la Révolution des Conseils ouvriers27 ». Pour Pierre Audibert de Libération, après cinq ans de négociations à Paris, les Américains et les Vietnamiens parlaient en décembre 1972 d’une « paix imminente », mais à la fin de ce même mois les Américains lançaient une campagne de bombardements massifs sur le Nord Vietnam ; et une semaine après l’ouverture de négociations pour mettre fin au conflit chez Lip, l’État envahissait Palente28. Le mois suivant, après le renversement du gouvernement Allende en septembre 1973, Bernard Langlois, rédacteur en chef de l’hebdomadaire du PSU, Tribune socialiste, établit un parallèle entre le Chili et Lip (qualifié par certains de « Chilip ») : au Chili, les intérêts capitalistes nationaux et internationaux avaient fait tout leur possible pour ruiner l’économie, après quoi l’armée avait utilisé la faillite économique pour justifier son coup d’État ; dans le cas de Lip, l’État et les intérêts commerciaux avaient fait tout leur possible pour mettre l’entreprise en faillite, après quoi ils avaient tiré argument de cette faillite pour la liquider29. Quant à l’ancienne Ligue communiste, elle aussi décrivait l’évacuation de Palente comme « en quelque sorte un petit Chili30 ».
8À Besançon, les soirs qui suivirent le 14 août virent des affrontements entre la police et la jeunesse. Entre le 15 et le 17 août, les CRS lancèrent 904 grenades lacrymogènes. Il faisait une telle chaleur que le commandant recommanda que le port de la cravate par les CRS ne soit pas à l’avenir exigé dans de telles conditions31. Les médias nationaux eurent beau affirmer que les manifestants étaient des gauchistes extérieurs à la ville, sur les 34 personnes arrêtées au cours de la semaine, 33 étaient des ouvriers de Besançon (mais seuls quelques-uns travaillaient chez Lip)32. Charles Piaget se plaignit de ce que « Palente, c’est comme un phare allumé qui attire les papillons » et demanda aux soutiens de se tenir à l’écart33. Les syndicats et l’AG prirent leur distance avec les affrontements de rue que de nombreux membres de la gauche radicale estimaient nécessaires, en France comme au Chili ; en des mots empreints d’humanisme catholique, Roland Vittot en appela aux manifestants s’opposant à la police : « Derrière ces robots casqués […] il y a des hommes, il y a un cœur d’homme qui bat chez chacun d’eux34. »
9Charles Piaget s’adressa à son tour aux hommes et aux femmes de Lip, à l’extérieur des murs de l’usine : « Le pouvoir […] ne sait pas que l’usine est là où sont les travailleurs. L’usine, ce n’est pas des murs, c’est des hommes35. » Défendant ce qu’Edmond Maire appela à l’époque « la légalité de demain », les travailleurs de Lip se battaient pour une autre conception de l’entreprise, qui ne se définisse plus en termes de possession des moyens de production. Le savoir-faire et la créativité des ouvriers, l’investissement de chacun dans l’entreprise, leur conféraient des droits et des responsabilités plus légitimes que ceux des actionnaires, pour lesquels Lip n’était qu’une abstraction. Quand Fred Lip avait cédé le contrôle de son usine à Ébauches SA, les salariés avaient vu s’ouvrir un espace dans lequel c’étaient eux qui méritaient l’entreprise, et non les Suisses qui n’y voyaient qu’un moyen d’atteindre leurs propres objectifs, bien différents de ceux de Lip. C’était au capital de s’adapter aux droits des travailleurs, et non à ceux-ci de se plier aux ordres du capital. Pour les théoriciens de la CFDT qu’étaient Pierre Rosanvallon et J.-M. Leduc, la conception qu’exprimait Piaget, en réaction au coup apparemment fatal porté à l’entreprise, « innove car il met les travailleurs en position offensive face aux problèmes de l’emploi et non plus seulement en position défensive36 ».
10Chassés de l’usine, les salariés se tournèrent vers l’abbé Marcel Manche de la paroisse Saint-Pie de Palente, où habitaient près de trois cents d’entre eux37. L’abbé Manche, figure admirée de tous, avait pendant la guerre choisi d’adopter une fausse identité comme ouvrier métallurgiste afin d’être envoyé en Allemagne, où il avait servi comme prêtre auprès des ouvriers français réquisitionnés dans le cadre du Service du travail obligatoire, auxquels l’Allemagne nazie refusait le droit aux offices religieux38. Pendant le conflit chez Lip, l’abbé Manche assista aux assemblées générales39. Pour la fête de L’Assomption, le lendemain de l’expulsion des salariés, il rédigea un sermon qui fut lu à chacune des messes célébrées dans les cinq paroisses de Palente : « les familles de chez Lip sont dans le même état d’esprit que la Vierge sur le Golgotha devant la mort de son fils. Avec, au cœur, l’espérance de la Résurrection40 » ; la Vierge Marie entendrait les prières des travailleurs de Lip, assurait-il : « Rappelons-nous Cana : “Ils n’ont plus de vin”dit la Vierge, et Jésus trouve la solution. Pendant quelques instants dans une prière silencieuse, disons et redisons à la Vierge Marie : “Ils n’ont plus de travail, ils n’ont plus d’outils de travail.” Elle ne peut rester sourde à nos appels41. » L’abbé Manche dénonçait l’« affreuse orientation capitaliste [d’une entreprise Lip] menée par les trusts sans souci pour les ouvriers42 ». Et c’est lui qui amena progressivement Henry Giraud à comprendre le potentiel économique et technologique de Lip, ce qui allait lui permettre d’aller plus loin que le projet d’Ébauches SA que Jean Charbonnel avait repris tel quel43.
11Les salariés tenaient leur assemblée générale quotidienne à 9 heures du matin dans le cinéma paroissial Le Lux, la plus grande salle de Besançon, d’une capacité de 981 places, située à 500 mètres de l’usine. La première AG eut lieu à peine quatre heures après l’expulsion de Palente44. La ville de Besançon ouvrit aussi d’autres lieux aux Lip : à condition qu’ils s’engagent à ne pas y fabriquer des montres, le maire leur permit d’utiliser le gymnase de l’école Jean Zay, où ils érigèrent des cloisons pour que les commissions puissent se réunir ; après la rentrée, ils furent hébergés par la Maison pour Tous, à quelques centaines de mètres du site de Palente. La ville autorisa aussi les salariés à rouvrir leur restaurant d’entreprise dans le fort de Brégille, inoccupé, situé à la périphérie de la ville : dès le mois de décembre, il s’y servait 350 repas chaque jour, et un repas de Noël avec dinde aux marrons et bûche réunit 800 convives45. C’est là que se retrouvaient les ouvriers après chaque AG, les grandes tables contribuant à faire tomber les barrières sociales46. Pour les visiteurs, ces repas en vinrent à représenter « l’ébauche d’une société nouvelle » : « Ce n’est ni une grève ni une manifestation ; c’est quelque chose de nouveau, c’est une communauté qui soutient un siège contre le monde extérieur47. »
12Avant d’être chassés de l’usine, les ouvriers avaient pris la précaution de cacher des pièces qu’ils avaient retirées d’une vingtaine de machines, afin de rendre celles-ci inutilisables ; ils avaient aussi emporté quatre tonnes de documents : bandes d’ordinateur, livres de comptes, listes de clients, et rapports de recherche, en particulier sur la montre à quartz48. Grâce aux machines et aux pièces qu’ils avaient emportées de Palente, en prévision de l’évacuation, ils mirent en marche des ateliers clandestins, appelés par Charles Piaget « ateliers fantômes », dans lesquels ils produisaient, à la fin du mois d’août, entre 80 et 100 montres par jour, un dixième de la production antérieure à leur expulsion, puis 200 par jour au début d’octobre. Monique Piton reconnaît que ces ateliers étaient « presque un truc pour les journalistes », mais face aux efforts de plus en plus soutenus de la police pour découvrir des ateliers et des cachettes de montres, il importait surtout de montrer que le mouvement continuait à vivre. À la recherche d’ateliers, la police fouilla les institutions religieuses de la région, sans grand succès49. Pour accéder aux lieux où se trouvaient les ouvriers, les policiers avaient recours à la ruse : un jour, par exemple, ils arrivèrent à la Maison pour Tous en se faisant passer pour des personnes handicapées, et ayant réussi à y pénétrer bondirent de leurs fauteuils roulants en brandissant leurs cartes de police50. Ou encore, lorsqu’ils voyaient dans la rue un ouvrier qui portait des sacs et paraissait prendre des précautions, ils le filaient51.
13À l’automne, les ventes de montres étaient devenues de plus en plus difficiles, et ne pouvaient plus guère se faire que par l’intermédiaire des comités d’entreprise. Malgré la tenue de quelque quatre-vingt-dix réunions et manifestations de soutien dans tout le pays dans les trois semaines qui suivirent l’expulsion, ce n’est que lors des dernières que les salariés purent vendre des montres, sous la protection du public52. Il leur restait toutefois des fonds provenant des ventes de l’été et ils avaient mis à l’abri les documents nécessaires pour calculer la paie et les déductions53. Le 31 août, au cinéma Lux, les portes furent fermées à clé et une seconde paie distribuée aux salariés ; à l’affiche ce jour-là, Le Clan des Irréductibles, et annoncé, le film de Woody Allen, Prends l’oseille et tire-toi.
14Henry Giraud n’avait pas été informé de la décision d’investir Palente. Après l’occupation de l’usine par les CRS, il décida de poursuivre les négociations à la Saline royale d’Arc-et-Senans, construite au xviiie siècle sur le principe d’une cité utopique idéale, la maison du directeur étant située au centre et les logements des ouvriers disposés en demi-cercle de part et d’autre. La Saline royale se trouvant à 35 kilomètres de Besançon, Giraud espérait que cet éloignement lui permettrait de négocier avec les représentants syndicaux, sans la présence de l’ensemble des salariés. Comme Giraud, le préfet voyait d’un bon œil la présence à Arc-et-Senans des représentants des confédérations, qu’ils considéraient comme plus disposés à faire des concessions sur les licenciements et le démantèlement, inacceptables pour les syndicats locaux. La CFDT et la CGT voulaient l’une comme l’autre parvenir à une solution, à la fois parce que l’attention portée au conflit chez Lip constituait un obstacle pour leurs campagnes nationales à l’approche de la rentrée et parce qu’elles craignaient qu’à vouloir tout gagner, Lip risquait de tout perdre. La décision des bureaux nationaux de cesser leur participation à la vente de montres fut à ce titre emblématique54.
15Un comité d’action revigoré contrecarra les efforts déployés pour tenir les salariés éloignés des discussions ; il ne faisait aucune confiance à des négociations qui pourraient donner aux syndicats l’occasion de mettre leur propre intérêt avant ceux des travailleurs55. Ce fut toutefois sur l’insistance de la CFDT-Lip qu’Henry Giraud accepta la présence d’une petite délégation du CA aux négociations d’Arc-et-Senans56. De l’avis de Jean Raguénès, le CA pourrait s’opposer aux représentants des confédérations, qu’il voyait comme des experts parlant à la place des travailleurs57. Chacune des rencontres avec Giraud réunit par conséquent quarante à soixante participants, délégués syndicaux, représentants des confédérations et membres du CA58. Dans la mesure où pour celui-ci, la délégation d’autorité était en contradiction totale avec sa raison d’être, il n’avait pas désigné de délégués permanents, aussi les représentants du CA à la table des négociations changeaient-ils d’un jour sur l’autre, ce qui agaçait Giraud59. Qui plus est, les salariés de Lip se déplaçaient aussi à Arc-et-Senans – tantôt une dizaine, tantôt plus d’une centaine. Ils et elles attendaient à l’extérieur, profitant du soleil, jouant à la pétanque ou tricotant. Toutes les demi-heures un négociateur sortait avec un mégaphone les informer de ce qui se passait à l’intérieur ; les salariés en discutaient et tenaient souvent des assemblées spontanées en fin de journée60. Pour Henry Giraud, c’était là la preuve que les salariés de Lip avaient oublié ce qu’était le « véritable travail » : « On avait abandonné le travail de base, sévère, régulier, peut-être fastidieux, certainement ingrat, de tous les jours : “tu gagneras ton pain à la sueur de ton front.” Quelle différence avec ce métier de vedettes folkloriques et de ventes sauvages alimentant des payes sauvages61 ! »
16Les représentants syndicaux de Lip refusèrent de respecter le secret habituel des négociations ; chaque syndicat enregistra la totalité des 70 heures de discussions avec Giraud62. Après chaque séance, on faisait écouter la bande à l’AG à Besançon afin que les salariés puissent en débattre. Les syndicats diffusèrent aussi sous la forme de trois brochures les transcriptions du « texte intégral » des pourparlers, ce qui donnait aux ouvriers des informations qui étaient en général réservées aux dirigeants syndicaux ; ils pouvaient écouter et lire les discussions telles qu’elles avaient lieu dans la réalité, sans qu’elles soient enrobées dans le jargon syndical ou politique habituel63. Les enregistrements jouaient aussi un rôle dans les négociations elles-mêmes : si Henry Giraud niait avoir fait une déclaration, les représentants syndicaux lui repassaient la bande64. Il n’avait pas remarqué dès le début que les délégués Lip enregistraient les séances, et leur demanda de cesser, mais les négociateurs syndicaux répondirent que soit ils continueraient à enregistrer, soit ils prendraient en sténo l’intégralité des discussions. Giraud riposta en apportant aux réunions suivantes son propre magnétophone, plus imposant65. L’appareil fut ainsi le moyen qui permit à la fois aux délégués de peser sur les négociations et à la base d’y participer66. Toute cette procédure allait à l’encontre des principes de Giraud, qui estimait que les salariés devaient laisser leurs représentants syndicaux s’exprimer en leur nom. Pour lui, le rôle des salariés était de travailler et de s’occuper de leur famille, non de passer du temps dans des assemblées générales où les esprits s’échauffaient et où des « minorités agissantes » pouvaient faire des ouvriers les prisonniers de leurs idées révolutionnaires « comme une fille que vous auriez dévoyée67 ».
17À la mi-août, Pierre Messmer déclara à la presse que même si le plan Charbonnel n’était pas parfait, il avait au moins le mérite d’exister : « il n’y a pas de plan du personnel de Lip68 ». Dans une économie capitaliste, les travailleurs se sentent impuissants face au caractère apparemment inexorable de l’information filtrée par le patronat sur la viabilité de l’entreprise et sur l’emploi. C’est ce que refusaient d’accepter les salariés de Lip. Pour comprendre l’information contenue dans les documents qu’ils avaient récupérés dans l’usine, et mener les actions qui en découlaient, ils firent appel à Syndex, cabinet de conseil qui travaillait en lien avec la CFDT. Puisant ses origines dans l’après-mai 1968, Syndex était né de l’ouverture des portes par les syndicats (synd) à des experts (ex) venant mettre leur savoir spécialisé et leurs compétences à la disposition de comités d’entreprise et, chez Lip, au service du combat ouvrier. En 1973, le cabinet comptait une trentaine d’associés et intervenait d’une manière ou d’une autre auprès d’une centaine d’entreprises. Du point de vue de Charles Piaget, ce que faisait Syndex chez Lip, c’était prendre des documents réservés à une minorité ayant fait des études supérieures et apprendre aux travailleurs à les déchiffrer et à les interpréter69.
18En août et septembre, cinq experts de Syndex travaillèrent à plein temps avec les salariés de Lip pour produire trois rapports détaillés sur la situation dans l’entreprise. Arguments convaincants à l’appui, Syndex réfuta l’accusation selon laquelle les salaires élevés étaient la cause des difficultés de Lip, et produisit une analyse des mauvaises décisions prises par Fred Lip (trop de modèles de montres, manque de réactivité aux évolutions du marché, trop de dépenses publicitaires), ainsi que du pillage systématique de Lip, d’abord par Fred Lip lui-même puis par Ébauches SA. La rentabilité de Lip n’était pas en question ; c’étaient les décisions prises par Ébauches SA dans son propre intérêt, et non dans celui de Lip, qui avaient détruit cette rentabilité. Syndex élabora un plan de développement démontrant que la diversité des domaines d’expérience de l’entreprise offrait aux nouveaux propriétaires des possibilités d’étendre leurs activités et à tous les salariés de conserver leur emploi. Il faudrait que l’État engage des fonds, mais pour Michel Rocard, dans la mesure où les travailleurs ne pouvaient être tenus responsables de mauvaises décisions opérationnelles, l’État était tenu de les indemniser en investissant, comme il le faisait pour les agriculteurs touchés par une « catastrophe naturelle70 ».
19Le plan élaboré par Syndex prenait en compte les différentes composantes de l’entreprise. L’intégration de Lip au géant Ébauches SA était jugée contre-productive : les pièces achetées à Ébauches étaient d’un coût plus élevé que celles qui étaient fabriquées à Palente. Par ailleurs, le succès rencontré par les ventes de montres par les salariés prouvait qu’il existait d’autres moyens de commercialisation que de se reposer sur les horlogers-bijoutiers, et qu’il était possible d’augmenter les ventes ; en outre, ces ventes avaient permis de se débarrasser des excès de stock, d’identifier, parmi la pléthore de modèles, quels étaient les « rossignols » et les « chevaux de bataille », et de faire de la publicité pour la marque. Les recherches menées chez Lip sur les montres électroniques et à quartz en faisaient une entreprise que l’État avait intérêt à soutenir, s’il souhaitait conserver une industrie horlogère française. Tout récemment, en 1972, forte de son expérience acquise en mécanique de précision, Lip avait commencé à l’appliquer à d’autres domaines de production, à travers des contrats passés avec plusieurs entreprises de pointe, entre autres la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS) et Dassault, et pourrait poursuivre ce type de coopération, ce qui contribuerait à pallier la faiblesse du secteur de la mécanique de précision que l’État lui-même avait identifiée dans son sixième Plan71.
20Le projet de Syndex fit apparaître l’écart qui se creusait entre les centrales syndicales. Les dirigeants de la CFDT avaient leurs raisons de vanter les mérites du travail de Syndex qui, selon eux, montrait ce que la confédération pouvait apporter à une section syndicale qu’ils estimaient trop influencée par le soutien témoigné aux travailleurs lors de leurs déplacements aux quatre coins de la France ; en travaillant avec Syndex, disaient-ils, les salariés de Lip « ont découvert que l’imagination et la prise de responsabilités ne suffisaient pas : il fallait leur associer la compétence72 ». De son côté, la fédération des travailleurs de la métallurgie-CGT (FTM-CGT) considéra d’abord l’intervention de Syndex comme une tentative par la CFDT de « faire de Lip un exemple d’expérience autogestionnaire », puis plus tard comme une manœuvre pour prouver que le capitalisme était viable. La CGT ne voyait aucune raison pour que les syndicats fassent « des projets susceptibles de concurrencer le patronat dans la gestion capitaliste des sociétés73 ». Elle interprétait la situation chez Lip en termes de complicité de l’État avec le capitalisme multinational d’Ébauches SA. La CGT avait déjà proposé, fin juillet, que l’État entre à titre majoritaire au capital d’une nouvelle entreprise, variation sur sa ligne habituelle prônant la nationalisation, reformulée dans le cadre du Programme commun74.
21La CFDT-Lip se réjouissait du « caractère profondément révolutionnaire du contrôle des livres de comptes. Notre victoire sera la première grande victoire du mouvement ouvrier contre les sociétés multinationales75 ». Mais, comme le dit clairement Charles Piaget, il n’était pas question d’abandonner aux comptables ce qui était la mission du syndicat :
« On a demandé à l’équipe [Syndex] d’examiner l’entreprise avec nous, mais on a bien pensé que si on arrivait à la conclusion que la “mine de charbon était épuisée”, je prends là une image, il fallait alors chercher d’autres arguments. Il était hors de question de dire “on va se rendre à l’évidence, c’est le système capitaliste”, mais disons que dans le cas présent on avait au moins la chance d’arriver sur un terrain où, sur le plan syndical, c’était valable. Donc à partir de là, on a utilisé le terrain, mais sinon on aurait cherché une autre argumentation76. »
22La CFDT-Lip reconnaissait qu’en établissant un plan de développement, il existait « un risque très fort d’intégration à l’américaine » dans la gestion de l’entreprise77 ; à un moment donné, le syndicat fit comprendre à Syndex « qu’on ne voulait pas aller plus loin dans la démonstration parce que c’était une démonstration dangereuse dans le système78 ».
23Le plan élaboré par Syndex fut malgré tout pris comme base des négociations avec Henry Giraud ; présenté à l’AG lors d’une séance de trois heures en août, il redonna confiance en eux aux salariés. Il leur permettait de soumettre à Giraud une stratégie de développement industriel où figuraient des propositions structurelles précises sur la production et la commercialisation, terrain habituellement réservé aux patrons, et qui ne consistait pas simplement en une défense des intérêts des salariés quels que soient les scénarios venus d’en haut79. Il était évident que la délégation de Lip connaissait beaucoup mieux l’entreprise que Giraud et maîtrisait le discours financier, commercial et technique du monde des affaires80. Le Figaro voyait là la preuve que la « participation » n’était pas simplement un moyen de contraindre les travailleurs à faire face aux réalités économiques, mais pouvait aussi leur permettre de forcer les employeurs à en faire autant : « l’une des originalités du conflit Lip – parmi tant d’autres – aura été justement de démontrer que lorsqu’ils disposent d’éléments d’information suffisants, les responsables syndicaux d’entreprise peuvent débattre au même niveau que les managers de dossiers économiques81 ».
24Le gouvernement n’avait cependant aucune envie d’admettre que les travailleurs qu’il avait expulsés de Palente pouvaient avoir raison, ce qui ne ferait qu’en encourager d’autres à contester des licenciements82. Les salariés de Lip rencontrèrent Henry Giraud à quatorze reprises83, finissant par avoir l’impression que celui-ci cherchait à tirer avantage de ce que Charles Piaget nommait « le caractère rassurant et magique » des négociations84 et attendait que le mouvement s’essouffle à Besançon où, depuis l’évacuation de Palente, la population tolérait « l’affaire Lip un peu comme une vache subit les agaceries d’une mouche85 ». Entre les réunions s’intercalaient de longues périodes d’inaction. Au cours de l’une d’entre elles, Giraud fit un voyage d’affaires en Union soviétique, d’où il revint en disant que les Russes souhaitaient faire appel à l’assistance technique de Lip afin de lancer conjointement la production d’une montre à quartz… mais seulement, ajouta-t-il, une fois que la situation chez Lip serait « normalisée86 ». Les interruptions de séance étaient elles aussi fréquentes, car Giraud devait consulter le gouvernement sur les questions importantes87, ce qui, selon Piaget, montrait « à quel point il [Giraud] était cadre », en ce sens qu’il semblait prêt à faire des concessions, mais disait qu’il fallait d’abord qu’il passe un coup de téléphone, puis revenait le lendemain matin et annonçait que non, c’était impossible88. Les « négociations marathon » d’Arc-et-Senans furent ainsi « une négociation à la vietnamienne », dit Piaget, faisant référence aux très longs pourparlers de paix qui s’étaient récemment tenus à Paris ; le secrétaire de la section CGT-Lip Claude Mercet ajoute que les Lip occupaient la place du Nord Vietnam, d’où le rôle de Giraud en « Kissinger du pauvre89 ».
25En août et septembre les salariés durent faire face à plusieurs tentatives pour saper leur moral et leur solidarité. Comme pour l’expulsion de Palente, Henry Giraud n’en avait pas été informé à l’avance, mais il était significatif qu’elles se produisaient souvent juste avant ou juste après une rencontre des deux parties90. Ainsi, le plan Charbonnel du 1er août avait-il remanié les propositions antérieures en dorant la pilule, y ajoutant ce que les syndicats et le CA décrivirent comme de la « confiture » : paiement d’une indemnité de fin de contrat, possibilité de réembauche dans de nouvelles entreprises issues du démantèlement de Lip, formation à de nouveaux emplois. Les syndicats diffusèrent une mise en garde contre ce qu’ils percevaient comme des mesures destinées à « amorcer la pompe » en brisant l’unité des travailleurs : « il n’y a qu’en assemblée générale que nous déciderons des décisions à prendre. N’agissez jamais seul, c’est notre mort à très court terme91 ». À la veille de l’arrivée de Giraud à Besançon, le syndic avait adressé un courrier aux salariés leur signifiant leurs licenciements, mais ceux-ci avaient refusé de s’inscrire au chômage, disant qu’ils avaient des emplois chez Lip, et que la seule chose qui leur manquait, c’était un patron. Plus tard ce même mois, l’IDI adressa un courrier à un tiers des salariés, principalement des femmes OS travaillant au montage des montres, leur assurant qu’elles seraient réembauchées ; des enveloppes prétimbrées à leur adresse étaient jointes pour leurs réponses. Réunies par la responsable de la section CGT-Lip, chacune des ouvrières inscrivit en réponse sur son courrier : « Nous rentrerons ensemble dans la même entreprise », et les lettres furent renvoyées collectivement en un seul paquet92. Lorsque Charles Piaget demanda plus tard à Henry Giraud pourquoi ces courriers n’avaient pas été envoyés aux autres salariés, c’est Noëlle Dartevelle qui, sarcastique, répondit à sa place qu’à Palente « il y a des CRS pour faire leur travail à leur place93 ».
26À la mi-septembre, les salariés apprirent qu’ils allaient perdre leurs droits à la sécurité sociale s’ils continuaient à refuser de s’inscrire au chômage. Par solidarité, les employés syndiqués de la caisse d’assurance maladie de Besançon allaient le mardi et le vendredi au gymnase Jean Zay en dehors de leurs heures de travail pour gérer les dossiers des salariés de Lip encourant des frais médicaux et calculer les remboursements auxquels ils avaient droit ; ceux-ci étaient ensuite versés en tirant sur la cagnotte alimentée par les déductions sur les salaires appliquées par la commission paie94. En outre, certains médecins de l’hôpital de la ville se déclarèrent prêts à soigner gratuitement tout salarié de Lip qui s’adresserait à eux95.
27Jean Charbonnel avait à l’origine proposé de suivre le projet d’Ébauches SA et de diviser Lip en quatre entreprises séparées : horlogerie, matériel militaire, équipements non-militaires et machines-outils. À Arc-et-Senans, Henry Giraud fut surpris quand une femme du CA prit la parole (il s’attendait à ce que seuls les délégués syndicaux s’expriment) pour demander s’il avait jamais été malade, à quoi il répondit que non. Elle poursuivit en disant qu’elle s’en doutait, l’ayant entendu faire une comparaison entre une entreprise malade et un homme malade : « Vous êtes malade, on vous coupe en 4, pour vous soigner mieux96… » Bien que convaincu à l’époque de la nécessité de ce genre d’opération chirurgicale, Giraud souleva la question auprès du gouvernement et fut assez vite en mesure d’assurer que Lip ne serait pas démantelé : il y aurait trois entreprises distinctes, mais qui seraient chapeautées par une seule société dirigée par Giraud, qui louerait des locaux à ces entreprises et au sein de laquelle les travailleurs auraient les mêmes droits et les mêmes acquis sociaux, mais perdraient les nombreux avantages obtenus à l’issue des conflits menés depuis 1968, dont les primes et les mesures d’ajustement au coût de la vie97.
28Sur la question cruciale des licenciements, Henry Giraud passa de 480 à 330, puis à 159, mais s’arrêta là : « 159 licenciements, c’est le chiffre de l’ukase patronal », déclara Piaget98. Pour les délégués de Lip, les revirements de Giraud quant au nombre d’emplois et ses projets inavoués de faire faire plus de travail par moins d’ouvriers, sans expliquer comment, constituaient des preuves supplémentaires de sa faible maîtrise de la situation particulière chez Lip99. Quand, à la fin du mois de septembre, le président Pompidou déclara à la presse, en réponse à une question sur Lip, que si le droit de l’employeur de prendre des décisions sur l’emploi était menacé, la prospérité de la France serait en danger, il ne faisait que confirmer le sentiment qu’avaient les salariés que c’était là le motif de l’intransigeance de Giraud100. Les plus touchés par le plan Giraud restaient les cadres et les ETAM101. Pour les 159, l’État compenserait pendant six mois toute perte de salaire supérieure à 10 % dans leur nouvel emploi, ou bien ils pourraient bénéficier de 9 à 12 mois de formation professionnelle à 90 % de leur salaire antérieur ; ils seraient prioritaires pour tout emploi créé dans l’entreprise qui succéderait à Lip, mais ne pouvaient compter sur aucune garantie102. Giraud n’avait pas l’intention de maintenir comme entité séparée l’atelier de mécanique, principal foyer de la direction de la CFDT-Lip ; les trois quarts des ouvriers employés dans ce secteur, soit 72 personnes, faisaient partie des licenciés. Les cadres firent un « travail souterrain » de porte-à-porte, allant discuter longuement avec les ouvriers des secteurs armement et machines-outils, destinés à devenir de nouvelles usines dans le plan Giraud, leur expliquant que Lip était fini et que leur seule chance de retrouver du travail était de rompre avec les autres salariés103.
29Lorsque Charles Piaget répéta à l’AG le 12 septembre, comme il le faisait tous les jours, que « nous serons intraitables sur les licenciements. Tout le monde doit être repris », il reconnaissait que la collectivité née du conflit rejetait l’attitude des confédérations syndicales, qui réagissaient aux licenciements en négociant des indemnités de départ, des programmes de formation et l’offre de nouveaux emplois ailleurs104. Le monde des affaires était choqué de constater la fermeté de l’opposition des salariés de Lip à ces mesures palliatives105, et les confédérations ne comprenaient pas non plus. La CFDT était persuadée qu’elle rendait service aux salariés en leur évitant de faire fausse route ; quant à la CGT, elle considérait que le conflit Lip était un obstacle à la seule solution viable pour la collectivité nationale des travailleurs, à savoir l’élection d’un gouvernement qui pourrait appliquer le Programme commun. Pour les deux confédérations, il était temps d’arriver à une solution de l’affaire Lip. Tout au long de la grève, la section CFDT-Lip avait mené des actions qui s’écartaient de la ligne de la confédération, et était plus réticente que la CGT-Lip à toute tentative du syndicat national de la mettre au pas106. À la fin du mois d’août, Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, adressa un courrier à chacun des membres de la section CGT-Lip pour leur dire qu’ils se devaient, à eux-mêmes et à tous les travailleurs français, de se plier aux efforts de concessions mutuelles que suppose une véritable négociation, comme celle qui venait de se dérouler dans l’industrie de la chaussure à Romans, sous la médiation de José Bidegain107. La CGT trouvait aussi la CFDT-Lip trop pinailleuse dans les négociations : « Pour un peu on se croit au café du coin à débattre le sexe des anges108. »
La marche du 29 septembre
30Le 7 septembre, la CGT et la CFDT organisèrent à Paris une manifestation de soutien aux Lip, pour rappeler à tous le rôle essentiel qu’avaient à jouer les confédérations syndicales afin de parvenir à un résultat satisfaisant à Besançon109. Mais la manifestation avait été mal préparée, et arrivait deux semaines après un grand meeting au Larzac ayant réuni de nombreux militants qui soutenaient les paysans dans leur lutte contre leur expropriation par l’armée. L’Union départementale CFDT du Rhône ne fut pas seule à comparer les deux manifestations, faisant remarquer que les confédérations syndicales n’avaient pas lancé d’appel à se rendre sur le Larzac, où s’étaient néanmoins retrouvées 80 000 personnes, et recommandant à la CFDT d’en tenir compte si elle voulait jouer un rôle moteur dans les luttes en cours110. Deux cents travailleurs de Lip s’étaient rendus au Larzac et en étaient revenus fort impressionnés. Frustrée de voir piétiner les négociations avec Henry Giraud, l’AG appela à manifester à Besançon le 29 septembre pour montrer que les Lip étaient toujours soutenus dans le pays. La commission exécutive de la CFDT ne partageait pas l’enthousiasme des camarades du Rhône, et craignait que les gauchistes ne transforment la manifestation en « une sorte de Larzac syndical111 » ; et la ville de Besançon elle-même n’y était guère favorable non plus, à l’instar de son maire, Jean Minjoz, socialiste de la vieille école anticléricale, très éloigné du catholicisme de gauche, qui était de plus en plus mal disposé envers le mouvement. Un certain nombre de fournisseurs de Lip n’avaient pas été payés et la population craignait le désordre que pourrait provoquer la manifestation112. La plupart des commerces restèrent fermés le 29 septembre, mais cette fois-ci la « ville morte » exprimait son opposition à la manifestation, ce qui poussa Maurice Clavel à citer l’Évangile selon Saint Matthieu, 25 : 42 : « Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire113. »
31Bien que la CGT-Lip ait refusé d’autoriser le CA à signer l’appel à manifestation et ait stipulé que seuls les représentants syndicaux pourraient y prendre la parole, le comité prit néanmoins une part essentielle aux dix-neuf commissions d’organisation de la journée et à leur coordination114. À partir des listes d’abonnés à des publications sympathisantes, de visiteurs venus à Palente, de personnes ayant acheté des montres ou envoyé des lettres de soutien, de noms glanés dans les quelque 130 meetings de soutien qui s’étaient tenus en France ou ailleurs en Europe, les organisateurs expédièrent des dizaines de milliers d’invitations à manifester115. Les CRS avaient fermé les portes de Palente ; la manifestation donnait aux Lip une nouvelle occasion d’inviter leurs soutiens à les rejoindre. En dépit des appels lancés aux travailleurs, comme le craignaient les centrales syndicales un grand nombre de participants furent des soixante-huitards, comme ceux qui s’étaient rendus au Larzac. La section CGT-Lip, qui avait posé comme condition que la manifestation soit exclusivement syndicale, retira son stand plutôt que de figurer à côté des gauchistes, avec lesquels les responsables CGT accusaient la CFDT-Lip d’être trop « complaisante116 ». Le leader maoïste Alain Geismar décrivit les travailleurs de Lip en ces termes : « partis très haut à l’assaut du ciel comme, il y a 100 ans, leurs ancêtres de la Commune, ils y ont comme eux découvert un certain isolement que la grande marche du 29 septembre avait un moment brisé117 » et Michel Rocard devait plus tard parler de la manifestation comme étant « un haut lieu du gauchisme118 ». Quant au gouvernement, il a pu aussi y voir un événement gauchiste peu soutenu par les centrales syndicales, l’encourageant à se montrer intransigeant dans la négociation119.
32Le nombre de personnes qui affrontèrent la pluie se situa quelque part entre les 30 000 estimés par la préfecture et le chiffre de 100 000 avancé par les organisateurs ; les ventes de montres rapportèrent 210 000 francs120. Le slogan adopté par le CA, « Élargir l’espace Lip ! » visait à intégrer d’autres luttes121. Charles Piaget avait ainsi demandé à des travailleurs confrontés à des restructurations et des licenciements de venir échanger leurs expériences comme point de départ de coopérations à venir : « la fête de l’imagination dans les luttes, la fête de tout ce qui a été un peu Lip et se continue déjà dans d’autres entreprises122 ». Mais beaucoup furent déçus par la marche de Besançon, où ils auraient voulu tenir les « États Généraux de la contestation ouvrière et paysanne » et participer à des débats ouverts comme ceux qu’ils appréciaient tant dans la lutte des Lip123. « On s’est rendu compte », dirait plus tard Piaget, « que beaucoup de travailleurs qui sont venus à la marche attendaient autre chose que cela, qu’il y avait eu une soif d’échanger qui n’a pas été étanchée, loin de là124 ». De toute façon, la pluie diluvienne n’avait pas facilité les débats, et la marche ne réussit pas à insuffler une nouvelle énergie au mouvement. La présence aux assemblées générales quotidiennes tomba à deux ou trois cents personnes125, conduisant à exiger que chaque salarié s’inscrive à l’AG le matin et à la Maison pour Tous de Palente pour le travail en commissions l’après-midi, au motif, comme l’explique Piaget, que « notre grève est particulière, aristocratique dans le sens où nous touchons nos salaires ». Les salariés devaient tenir leurs engagements : « Vis-à-vis de ceux qui nous soutiennent, nous avons le devoir minimum d’être présents, de souscrire pour les travaux à faire126. » Sous l’effet de ce contrôle, ou peut-être du sentiment que la situation atteignait un point critique, l’assiduité à l’AG s’améliora, avec en moyenne 746 présents entre le 5 et le 31 octobre, et 801 le 12 octobre127.
Le 12 octobre
33C’est dans ce contexte que la CFDT décida de trouver le moyen de régler la question du mouvement de Besançon. La FGM-CFDT n’avait jamais approuvé les actions illégales de la section CFDT-Lip, et lorsque les ouvriers avaient saisi les montres et repris la production, le secrétaire général de la fédération, Jacques Chérèque, avait téléphoné, furieux, à Charles Piaget, lui lançant : « Qu’est-ce que c’est que ce bazar128 ? » À la fin du mois de septembre, il avait averti que l’intransigeance des salariés pourrait avoir comme résultat « une fin médiocre129 ». Selon Daniel Mothé, les représentants de la fédération à Arc-et-Senans se comportaient comme des avocats essayant de convaincre leurs clients d’accepter de négocier un compromis130.
34Dans une conversation parue dans le numéro du 1er octobre du magazine communiste France nouvelle, le secrétaire général de la CFDT, Edmond Maire, se mit d’accord avec son homologue de la CGT, Georges Séguy, sur la nécessité de « ne pas idéaliser ce conflit [Lip] au point d’en faire le centre de gravité national ou universel de la lutte des classes131 ». Une semaine plus tard, Edmond Maire adressait un courrier à la CFDT-Lip leur communiquant « l’analyse approfondie du conflit Lip » que venait de faire la commission exécutive confédérale. Tout en reconnaissant que les salariés de Lip disposaient de réserves financières suffisantes pour tenir longtemps, il conseillait aux dirigeants de la section locale du syndicat de ne pas se laisser abuser par les dizaines de milliers de participants à la manifestation du 29 septembre : « S’il reste un fort appui aux travailleurs Lip, il est surtout le fait des militants, la masse des travailleurs se préoccupant plus de ses revendications propres et montrant un moindre intérêt pour une lutte qui dure depuis presque six mois. » Il les mettait en garde, soulignant qu’un échec « sera[it] celui de toute la CFDT », et concluait en insistant que la section devait prendre conscience du durcissement de la position de l’État. Soucieuse d’éviter que la CFDT-Lip ne soit tenue responsable d’une rupture des négociations dans ce qui était devenu une question politique à l’échelle nationale, la commission exécutive recommanda que le plan Giraud, impliquant le licenciement de 159 salariés, serve de base à une réponse qui pourrait conduire à conclure un accord132.
35Le même jour, le 8 octobre, la CGT-Lip, sous la pression de la confédération, se réunit séparément et vota la poursuite des négociations sur la base de la proposition de Giraud, ce qui constituait une trahison de l’unité syndicale au niveau local que Charles Piaget avait toujours considérée « indispensable133 ». Mais l’AG vota à main levée (et non à bulletin secret, comme l’avait demandé la section CGT) contre la proposition faite par la CGT-Lip de mettre de côté dans l’immédiat la question du nombre d’emplois afin de négocier sur le statut de ceux qui seraient embauchés dans la nouvelle entreprise, en réaffirmant leur opposition à tout licenciement. Les négociations étant restées bloquées toute la journée, une centaine de salariés s’en prirent à Henry Giraud à la sortie, lui offrant des « œillères d’attelage » en criant : « Giraud n’est qu’un mulet têtu. » Giraud, se sentant insulté, réagit en déclarant qu’il n’y aurait plus de réunions. Le représentant de l’inspection du travail réussit à le convaincre d’en tenir encore une le lendemain, mais cette fois-ci à Dijon, pour mettre plus de distance entre les négociateurs et les ouvriers de Besançon134. Le secrétaire général de la FGM-CFDT, Jacques Chérèque, se rendit ce soir-là à Besançon pour tenter de convaincre la CFDT-Lip d’accepter un compromis. Piaget ne se montra pas hostile, et Chérèque écrirait plus tard : « Piaget a alors un double comportement. Sur place, il est ultra-autogestionnaire. En même temps, il est assez grand garçon pour savoir que, après quelques mois de folles agapes, s’ils sont encore sur le talus, ils ne s’en sortiront pas135. » Piaget avait toujours été convaincu que la coopération entre CFDT-Lip et CGT-Lip était indispensable pour parvenir à la victoire136. Avec Jacques Chérèque, la CFDT-Lip élabora un nouveau plan : « pas de suppression de l’emploi sans la garantie d’un reclassement équivalent », les conditions du réemploi étant à définir au cas par cas, priorité étant accordée à la réembauche chez Lip dès qu’un emploi s’y trouverait vacant. La CGT-Lip accepta et c’est cette proposition intersyndicale qui fut présentée à Henry Giraud à Dijon137.
36Celui-ci posa de nombreuses questions, fit examiner la proposition par ses avocats, puis sortit passer un coup de téléphone et revint avec une réponse négative138, déclarant qu’il ne pouvait pas garantir un emploi à ceux qui ne seraient pas réembauchés, et fixant une date limite pour l’acceptation de son projet, incluant les 159 licenciements. Pour les dirigeants de la gauche française, ce refus de négocier, alors que Giraud venait de se voir proposer par les salariés la première concession significative depuis le début des discussions, indiquait clairement qu’il n’était pas libre de ses décisions. Michel Rocard arriva à la conclusion que la limite supérieure du nombre d’embauches (989) avait été fixée par le gouvernement (« Il fallait bien punir ces travailleurs »), affirmant que Giraud s’était rendu compte que son plan était impossible à réaliser, raison pour laquelle il avait fait échouer les négociations139.
37Le point de vue de la CGT était tout autre ; refusant de juger de la viabilité d’une entreprise capitaliste, elle présenta le plan Giraud comme une victoire pour les travailleurs : une telle issue ne pouvant être tolérée par l’État, celui-ci avait chargé son émissaire, Henry Giraud, de faire en sorte que son plan soit rejeté. Dans l’analyse que la CGT diffusa plus tard auprès de ses militants, elle expliquait que « présenté sous une forme provocante le texte baptisé “plan Giraud” correspondait en fait à la somme des reculs effectués par Giraud et le gouvernement [au départ étaient prévus 480 licenciements] […] C’était la provocation et le piège en même temps, dans l’espoir d’une réaction de rejet qui aurait fait perdre de vue aux ouvriers leur victoire140 ». La CGT pesa de toutes ses forces pour mettre fin à la grève. Tenant des propos rappelant la célèbre phrase du dirigeant communiste Maurice Thorez en 1936, « il faut savoir terminer une grève », Georges Séguy affirmait le 11 octobre dans L’Humanité que la CFDT-Lip, contrairement au syndicat national, ne faisait pas preuve d’une « attitude réaliste » ; la poursuite du mouvement était contraire aux intérêts des travailleurs de Lip : « Il arrive un moment, toujours, où il faut savoir conclure. Nous avons l’impression que ce moment est arrivé141. »
38Le secrétaire général de la CGT-Lip, Claude Mercet, n’aimait pas prendre la parole, et c’est à Noëlle Dartevelle qu’il revint de présenter ces arguments au personnel142. Une semaine avant la marche du 29 septembre, Mercet avait évoqué le Programme commun en des termes qu’aucun dirigeant CGT national n’aurait employés : « Mais le conflit Lip et peut-être d’autres conflits en cours peuvent faire la démonstration que le Programme commun est peut-être dépassé dans sa forme primitive143. » Il n’empêche que lors de la manifestation Noëlle Dartevelle, concluant son discours adressé aux travailleurs et aux militants venus les soutenir, ne craignit pas de déclencher les huées en insistant que les Lip risquaient, certes, de ne pas voir satisfaites toutes leurs revendications, mais que ce qui était important c’était que le mouvement avait affaibli le gouvernement, ce qui constituait un premier pas vers la seule vraie solution, un gouvernement qui pourrait appliquer le Programme commun144. Quelques jours plus tard, Charles Piaget ayant affirmé que les travailleurs poursuivraient la lutte même si Henry Giraud se retirait des négociations, elle déclarait : « Toute attitude allant dans le sens d’un prolongement du conflit aura des répercussions néfastes pour les travailleurs145 », et allait ensuite faire écho à la position de Séguy : « Les Lip ne pouvaient pas abattre à eux seuls le capitalisme, et avoir obtenu le maintien de l’usine et cent soixante licenciements au lieu de six cents, c’était une victoire sans précédent146 ».
39Un CA revigoré rejeta la proposition intersyndicale que Giraud avait, lui aussi, considérée comme inacceptable. L’AG avait mandaté les délégués syndicaux pour défendre sa position, pas pour la sacrifier aux négociations – pour citer Jean Raguénès : « On veut bien négocier mais pas se faire négocier147. » Produit de la lutte, la collectivité des Lip formait un tout, ce n’était pas une collection d’individus : tout exil de certains d’entre eux constituerait une trahison. Jean Raguénès et Marc Géhin, qui avait quitté la CGT quand il avait appris que le syndicat cherchait à négocier avec Giraud des indemnités de licenciements pour ceux qui ne seraient pas repris, rédigèrent un document qu’ils distribuèrent au CA, « Lip : Espoir de la classe ouvrière148 ? » Le texte faisait écho aux déclarations des secrétaires généraux de la CGT et de la CFDT, selon lesquelles le conflit Lip en était arrivé au point où les travailleurs de Lip menaient une lutte pour tous les travailleurs : pour Georges Séguy et Edmond Maire, cela signifiait qu’ils devaient accepter de faire des compromis ; pour le CA, au contraire, cela voulait dire que les Lip devaient continuer leur lutte.
40Les confédérations avaient toujours craint cette contestation par le comité d’action du rôle moteur des syndicats. Le CA vit en effet dans la proposition intersyndicale le travail des dirigeants des syndicats nationaux et chercha à se rallier la base afin de bloquer toute possibilité « d’accords qui se fassent dans notre dos149 ». Réaffirmant que les travailleurs ne devaient pas remettre leur sort entre les mains des délégués syndicaux, le CA remit en question la prétendue nécessité, d’après Charles Piaget, de coopérer avec la CGT-Lip, y voyant le signe de faiblesse d’un militant épuisé150. Le manifeste du CA rejetait la proposition intersyndicale, renvoyant au projet Syndex comme preuve de la viabilité économique de l’ensemble des activités de Lip ; selon Jean Raguénès, « l’objectif de ce texte était de dénoncer tout compromis syndical151 ». Le document « Lip : Espoir de la classe ouvrière ? » reprenait les exigences – non au démantèlement, non aux licenciements, maintien des droits acquis – et rappelait le droit qu’avaient tous les travailleurs « de savoir le degré de détermination et de combativité » qu’était prêt à montrer le syndicat pour défendre ces revendications. Que dirait un travailleur, demandait le tract,
« à notre camarade licencié […] et qui était pourtant celui qui avait combattu avec nous dès le début, qui espérait avec nous […] et qui se retrouve maintenant loin de nous (parce qu’il avait la malchance, par exemple, d’appartenir à la mécanique !) ; à notre camarade licencié […] et qui était peut-être celui qui hier, produisait, vendait, popularisait ? […] POURRONS-NOUS sincèrement parler de VICTOIRE alors que plusieurs de nos camarades ne seront plus à nos côtés152 ? »
41Le CA réussit à convaincre la CFDT-Lip qu’avant que l’assemblée générale ne se réunisse pour prendre une décision, il fallait que tout le monde ait pu débattre des propositions de Giraud et de l’intersyndicale, ainsi que de celle du CA. L’après-midi du 11 octobre, neuf groupes de 50 à 150 salariés, incluant chacun des délégués CGT et CFDT, se retrouvèrent pendant près de trois heures pour discuter des différentes propositions, à la Maison pour Tous de Palente, dans le sous-sol de l’église Pie X et au Fort de Brégille. À chacun fut donné un dossier de douze pages préparé par le comité intersyndical, exposant la position des syndicats et le résultat des négociations avec Giraud, ainsi qu’un exemplaire du document « Lip : Espoir de la classe ouvrière153 ? »
42Le 11 octobre au soir, la section CFDT-Lip se réunit pour analyser ce qui ressortait de ces discussions. Voyant que la proposition intersyndicale était peu soutenue, et sachant qu’Henry Giraud l’avait rejetée, la section se retira de l’accord avec la CGT-Lip, conformément à ce qu’avait déclaré Charles Piaget quelques semaines plus tôt : « Nous avons toujours été à la pointe de la lutte avec les travailleurs mais c’est parce que nous avons accepté par moments d’être dépassés. Le refuser, c’était être un frein objectif à la lutte. Il faut accepter d’être dépassés pour rester l’organisation des travailleurs au service de tous les travailleurs154. » La CGT, outrée, accusa la CFDT-Lip d’être revenue du jour au lendemain à sa position initiale, sous l’influence du gauchisme incontrôlé du CA, qui était contraire aux intérêts des travailleurs et leur perdrait le soutien du public155. Au vu des divisions syndicales apparues à Besançon, les confédérations essayèrent de leur côté, ce même jour, de parvenir à une position commune, mais sans succès.
43Le 12 octobre, il fut demandé à l’AG de choisir entre deux motions : accepter le plan Giraud ou s’en tenir aux revendications des Lip depuis le début ; la proposition intersyndicale n’avait pas été retenue comme choix possible. La CGT-Lip soutenait la première, tout en regrettant qu’elle ne se présente pas comme une poursuite de la lutte pour défendre le statut des salariés après la reprise du travail ; la CFDT-Lip et le CA soutenaient la seconde. Le débat qui suivit fut animé. L’un des membres du CA fit sur tous une forte impression lorsqu’il leur demanda de s’imaginer en train de marcher en file indienne, en comptant 1, 2, 3 et en s’arrêtant chaque fois au quatrième pour le faire sortir156. Charles Piaget ne put empêcher les sifflets et les cris de « Giraud-CGT même combat » ou « Une seule solution, baissez votre caleçon », dès que les délégués CGT prenaient la parole157. Mais, selon le compte rendu du préfet, après que Claude Mercet eut mis en garde l’assemblée générale sur les conséquences d’un rejet, Piaget lui-même exprima des « critiques sans précédent contre la CGT, accusant celle-ci de malhonnêteté, d’irresponsabilité158 ». Selon la police, les propos de Piaget ont créé « une ambiance de “chahut” indescriptible », dans laquelle quelques membres de la CGT-Lip ont déchiré leur carte d’adhérent en pleine assemblée159.
44Quand arriva le moment du vote, Claude Mercet, voyant que « la salle avait été chauffée à blanc » par les attaques contre son syndicat, exigea, comme avait déjà essayé de le faire Henry Giraud, un vote à bulletin secret, ce qui allait à l’encontre des pratiques habituelles de l’AG160. Il fut fourni deux bulletins à chaque personne, les responsables vérifiant le statut de salarié chez Lip de chaque votant. Mercet fit toutefois remarquer que comme le bulletin « oui » était d’une taille plus grande que le « non », en l’absence d’urnes ou d’enveloppes, on ne pouvait guère parler d’un vote à bulletin secret. La motion CA/CFDT-Lip recueillit 626 voix, contre 174 en faveur de l’acceptation du plan Giraud et de la reprise du travail161. « Et quelle fête après le refus du plan », dit une ouvrière : « on sentait que ç’avait été vraiment NOTRE vote162 ».
45Les ouvrières spécialisées, bien qu’assurées pour la plupart d’être réembauchées, rejetèrent le plan Giraud. Certaines votèrent contre à la perspective de rester sans défense une fois que presque tous les dirigeants CFDT-Lip auraient été licenciés163. De plus, exiger la reprise de tous les salariés était indispensable à la survie de cette collectivité, fondée sur de nouvelles formes de sociabilité et sur les liens qui s’étaient forgés entre travailleurs de différents secteurs de l’usine au cours du conflit : plus que pour défendre des emplois ou des avantages individuels, c’était à présent pour préserver cette solidarité qu’ils continuaient la lutte164. Dans ce sens, le vote marquait une nouvelle étape : ce n’était plus tant une situation antérieure qu’ils défendaient, mais celle qui s’était installée par la lutte. Ainsi, une OS explique qu’en raison du mouvement « on y est encore plus attaché qu’avant à notre usine : maintenant, c’est bien plus qu’un gagne-pain, c’est notre vie, vraiment notre milieu165 ». Confrontés après le vote aux récriminations de leurs familles, les salariés n’en furent que plus engagés envers la nouvelle communauté née de la lutte166. Selon un jeune militant du CA, « si nous avions accepté des licenciements, je n’aurais jamais cru au socialisme ! Pour moi, le socialisme, c’est la possibilité de se sacrifier à mille pour ne pas en abandonner cent cinquante167 ».
46Lip était un mouvement national dans la mesure où il avait suscité du soutien dans tout le pays, soutien dont il dépendait en retour, mais la CFDT-Lip refusa de se plier aveuglément aux directives des confédérations syndicales. Charles Piaget devait dire plus tard : « À Besançon, on n’oublie pas que les décisions importantes, tout au long du conflit Lip, ont été prises par nous contre l’avis des dirigeants fédéraux [de la FGM-CFDT]168. » Selon un des membres du CA, « nous avions un ennemi : le patronat et le pouvoir, et un frein : la CGT qui est presque un ennemi. C’est un ennemi du moment qu’il freine. Un peu comme à Waterloo – on attend Grouchy… et c’est Blücher qui arrive169 ». Les salariés adoptèrent le slogan « Lip ne sera pas Grenelle », en référence aux accords négociés par les centrales syndicales qui avaient mis fin aux grèves de mai 1968 ; mais, ajoutait Piaget, à l’époque seule une minorité des travailleurs avait rejeté les accords, tandis que cette fois-ci, chez Lip, c’était la majorité170. Face à l’hostilité que leur manifestaient les confédérations, les membres du CA leur rendaient monnaie de leur pièce, convaincus qu’un mouvement fondé sur l’affirmation démocratique de leur force à l’échelle locale était incompatible avec les injonctions à la discipline venant des directions nationales se posant en experts. L’un des personnages du roman de Maurice Clavel, Les Paroissiens de Palente, évoque l’implication des directions fédérales « sur un ton de mauvais film de gangster qui faisait penser au FBI171 ».
47Depuis son arrivée à Besançon, Henry Giraud avait essayé de traiter avec les syndicats dont le rôle, pensait-il, était de convaincre les travailleurs de les suivre. De même qu’il estimait que Lip avait besoin d’un directeur capable d’imposer son autorité, il critiquait également les syndicats de Lip qui « n’ont pas été suivis par leurs troupes et ne remplissaient donc pas ce que j’entends par le rôle du chef, qui est de diriger172 ». Le seul à se montrer satisfait fut Fred Lip, qui voyait dans la situation de Giraud la preuve que les autres n’étaient pas capables de réussir mieux que lui chez Lip : selon lui, au fur et à mesure que Giraud tirait des lapins de son chapeau, ceux-ci étaient « abattus les uns après les autres par les armes syndicales173 ». C’est le retrait de la CFDT-Lip de la proposition intersyndicale (et non son rejet par Giraud) qui inspira à Jean Charbonnel une profonde déception, qu’il cherche à dissimuler dans ses mémoires : « Je ne ressasserai pas toute ma vie, comme jadis Cicéron racontant son consulat, la conjuration de Charles Piaget174. »
48La FGM-CFDT avait, elle aussi, été choquée de constater ce qu’elle considérait comme une perte d’autorité de la section syndicale face au CA. « Si ça continue », déclara Jacques Chérèque, « on aura des syndicats mais plus de syndiqués175 ». Privés d’accès au réseau national de la CGT, les salariés de Lip étaient à présent plus dépendants du soutien de différents groupes d’extrême gauche, ce qui inquiétait la CFDT. Évoquant la répudiation du gauchisme par la centrale syndicale lors de son congrès confédéral en mai-juin 1973, Jacques Chérèque déclara dans une réunion des dirigeants de la FGM-CFDT qui se tenait une semaine après le 12 octobre que Lip était désormais le « terrain de bataille » dans la confrontation avec les gauchistes, et qu’il serait, à terme, peut-être nécessaire de désavouer la section CFDT-Lip176. En novembre, Charles Piaget reconnaissait que le PSU et les partis d’extrême gauche étaient « les seuls alliés au niveau politique » des Lip, et qu’ils leur apportaient beaucoup plus d’aide que la gauche traditionnelle ; il demandait néanmoins que ces mouvements « n’apparaissent pas trop » : il était essentiel de conserver le soutien de la CFDT, et se montrer trop proches des gauchistes n’était pas « ce qui va nous sortir du ghetto177 ».
La traversée du désert
49Une des raisons pour lesquelles la lutte des Lip avait suscité un tel intérêt à l’échelle nationale était la coopération des syndicats CGT et CFDT de l’usine ; c’en était désormais fini. Après le vote du 12 octobre, la CGT-Lip retira ses adhérents des commissions et se mit à tenir des réunions séparées, indépendamment de l’assemblée générale178. Revenant à des méthodes plus traditionnelles, le syndicat passa par ses porte-parole ou ses représentants élus pour rappeler que les possibilités offertes par le plan Giraud le 12 octobre restaient ouvertes179. Il demandait aux salariés de Lip d’envoyer des courriers ou des télégrammes au président Pompidou demandant l’arrêt du démantèlement et la préservation des emplois180. Si c’était avant tout la CFDT-Lip que la CGT accusait de l’échec des négociations avec Henry Giraud, prenant un malin plaisir à faire connaître le courrier d’avertissement qu’avait adressé Edmond Maire à la section le 8 octobre (« cette intervention absolument juste »), elle reprochait aussi à la CFDT de ne pas avoir appliqué les résolutions votées à son dernier congrès et de ne pas avoir purgé la CFDT-Lip de son gauchisme181. En réaction au flot continu de critiques de la part de la CGT, la CFDT-Lip prit la décision inédite de faire paraître dans Le Monde un encart d’une demi-page réfutant l’interprétation que donnait la CGT des événements de Lip, affirmant que dans la mesure où Henry Giraud avait rejeté l’accord intersyndical, celui-ci ne pouvait pas être proposé comme choix à l’AG. La CFDT-Lip rappelait en outre qu’elle n’avait jamais cru au plan de développement annoncé par Giraud, décrit par Charles Piaget comme « vraiment du rafistolage, un ensemble tenu par des petits bouts de fil de fer », apparemment le résultat de décisions prises à la hâte182. La réussite sur le plan économique supposait d’augmenter la production de montres et de matériel civil, ce qui expliquait la nécessité de conserver tous les emplois et de maintenir le secteur de mécanique183.
50Tout en approuvant cette position, la FGM-CFDT avertit le 17 octobre les adhérents de la CFDT-Lip qu’ils n’étaient pas « les propriétaires exclusifs du conflit ». La presse donnait l’impression que c’était le CA qui était aux commandes et l’extrême gauche qui prenait les décisions, ce qui « ne favorise pas l’image de marque de votre lutte ». L’État ne bougerait pas, et le soutien politique et syndical s’effritait, ce qui se voyait dans le « contenu faiblement syndical » des dernières actions de popularisation. La seule solution était d’arriver à une entente avec la CGT-Lip sur la base de la position intersyndicale184. Mais ce n’était pas si facile. Le 19 octobre, la CFDT-Lip vota en faveur de la reprise des négociations sur la base de l’accord intersyndical, mais la tentative était condamnée d’avance, en raison de l’hostilité du CA, à laquelle s’ajoutait le fait que la CGT-Lip exigeait que le CA ne joue plus le moindre rôle à l’avenir185, refusant d’écouter l’explication d’un représentant CFDT-Lip selon lequel le CA n’avait plus le genre d’influence que dénonçait la CGT : « À l’heure actuelle, le comité d’action est surtout un état d’esprit or il est impossible de dissoudre par un texte un état d’esprit186. » L’assemblée générale rejeta elle aussi le point de vue de la CGT-Lip, estimant que son souhait d’écarter tous ceux qui ne faisaient pas partie des directions syndicales était contraire au principe majeur en vigueur depuis le début du conflit : l’assemblée générale était à considérer « comme suprême » par les syndicats, et les syndicats ne devaient pas poursuivre une politique qui n’avait pas l’aval du personnel, représenté par cette assemblée187.
51S’il s’avéra que le CA demeurait bien plus qu’un « état d’esprit » après le 12 octobre, l’assemblée générale n’avait aucune intention de lui céder la place, pas plus qu’à la CGT-Lip. Le 5 novembre, la réunion du CA attira plus de cinquante personnes : « le comité d’action fonctionne un peu comme une baudruche se gonflant dans les périodes de reflux188 ». La CFDT-Lip reprit l’habitude de se réunir avec le CA avant chaque assemblée générale189. Dans la période d’incertitude qui suivit le 12 octobre, Jean Raguénès vit s’opérer une évolution chez un certain nombre de jeunes membres du CA qui, cherchant à leur tour des réponses, devenaient ces ouvriers ouverts aux idées nouvelles que l’extrême gauche avait espéré en vain trouver chez Lip ; cependant, quand ils soumettaient à l’AG les propositions novatrices qu’ils avaient glanées à travers ces contacts extérieurs, elles étaient débattues, mais n’étaient pas retenues190.
52Dans une pièce de théâtre écrite plus tard par les travailleurs de Lip pour raconter leur expérience, ils qualifient la période d’immobilisme entre fin octobre et fin décembre de « traversée du désert191 ». Face aux divisions syndicales que Charles Piaget avait toujours redoutées, on chercha à redynamiser l’assemblée générale. Un courrier fut adressé à ceux et celles dont la présence était irrégulière pour leur assurer qu’une solution serait trouvée et que pour que la lutte soit victorieuse, ils devaient assister aux AG, « car vous êtes des nôtres et en fait, vous êtes un Lip ». Les membres d’une nouvelle commission, « Présence dans la lutte », allèrent parler directement aux salariés qui n’avaient pas réagi au courrier192. Les AG quotidiennes de la fin du mois de novembre comptèrent de quatre à cinq cents présents, et jusqu’à six cents en décembre193, ce qui venait confirmer que l’AG était le plus efficace lorsqu’elle fonctionnait en lien étroit avec des discussions informelles ou du travail en commissions : « Si on rentre chez soi après l’assemblée générale on broie du noir, on est souvent déprimé. […] C’est tout le contraire si l’on vient à la Maison pour Tous et si on a une activité dans la lutte194. »
53À la suite du vote du 12 octobre, le Premier ministre Pierre Messmer annonça, soulagé, que « Lip, c’est fini, en ce qui me concerne », ajoutant que « les ouvriers de Lip ne méritaient pas le malheur dans lequel des dirigeants aveugles, emportés par la passion, les ont plongés195 ». Le 18 octobre, les salariés distribuèrent leur quatrième paie, discrètement, par petits groupes en des lieux différents, parfois même individuellement ou au domicile de certains ouvriers, ce qui entraîna une descente de police au quartier général du mouvement196. Le 23 octobre, CRS et policiers pénétrèrent de force à la Maison pour Tous, à la recherche de montres séquestrées et d’argent liquide ; mais presque tout avait été caché ailleurs et la police ne trouva que 39 montres et l’équivalent de deux semaines de paie197. Plus efficace fut la menace de cesser de verser les allocations familiales et les prestations de sécurité sociale à tout salarié de Lip qui ne s’inscrirait pas à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) avant le 13 novembre, date retenue parce que le vote du 12 octobre était considéré comme marquant la fin de leurs droits en tant que grévistes et le début de la période où ils ne pouvaient y prétendre que comme chômeurs198. La CGT-Lip encouragea aussitôt ses adhérents à s’exécuter, mais la CFDT-Lip suivit la décision prise par l’assemblée générale de refuser, craignant que ce ne soit interprété comme une défaite.
54Pendant toute cette période d’incertitude, c’est sur une femme qu’allaient se concentrer les craintes de voir la collectivité se diviser et perdre le sens de sa mission. Si le mouvement avait eu une grande influence sur un certain nombre de salariées, et en avait fait émerger plusieurs au sein du CA, Noëlle Dartevelle restait la seule dirigeante syndicale. Alors que le secrétaire général de la CGT-Lip, Claude Mercet, avait tendance à coopérer avec la direction (masculine) de la CFDT-Lip, c’est à Noëlle Dartevelle que revenait souvent le rôle de défendre les positions plus impopulaires de la CGT199. Un membre du CA alla même jusqu’à l’accuser de profiter de la liberté d’expression offerte par l’assemblée générale pour faire de la provocation :
« Vous l’avez vue avec son chewing-gum, c’est déjà quelque chose, avec son sourire ironique, je pense qu’elle attend d’être visée, qu’elle attend effectivement que des gens l’empêchent de parler et ce sera sa victoire. Vous voyez chaque fois quand Piaget dit “laissez-la parler, taisez-vous”, elle sourit avec l’air de dire : “Vous voyez, vous n’êtes pas démocratiques200.” »
55Noëlle Dartevelle était celle dont la voix s’était le plus vigoureusement élevée contre la direction de la CFDT-Lip, affirmant qu’il était temps de trouver un moyen de terminer la grève en septembre et au début d’octobre. Ce clivage persista après le 12 octobre. Dans son rôle de porte-parole de son syndicat, elle s’exprima en faveur de l’inscription à l’ANPE et fut attaquée en des termes particulièrement grossiers201. Dans l’AG, certains se mirent à scander : « Bêe, Bêe, regardez la chèvre de Monsieur Séguy202 », sans que les dirigeants de l’un ou l’autre syndicat n’interviennent pour les faire taire. Empêchée de parler, Noëlle Dartevelle proféra un « et merde » de colère, ce qui aurait été considéré comme parfaitement acceptable chez un homme réagissant à un comportement insultant, mais ne l’était pas chez une femme : Claude Mercet lui arracha le micro sans lui laisser la possibilité s’excuser, elle fut interdite de parole en assemblée générale pendant deux jours et on ne lui pardonna jamais ce manquement aux convenances. En dépit de toutes les mesures qui avaient été prises pour inclure les femmes dans la sphère publique, celle qui était parvenue à occuper sa place au tout premier plan devint une figure honnie, jugée en tant que femme et condamnée pour son comportement. Plusieurs mois plus tard, lors des élections au comité d’entreprise, la CGT-Lip refusa de la présenter comme candidate en dépit de ses vingt ans d’expérience dans cette instance, en lui disant : « tu seras rayée203 ».
56La question de l’inscription à l’ANPE fut résolue le 12 novembre, quand Charles Piaget et Claude Mercet réussirent ensemble à convaincre l’assemblée générale de voter en faveur d’une démarche collective : en réponse à la question portant sur l’emploi recherché, chaque salarié inscrivit celui qu’il ou elle occupait à Palente, expliquant qu’ils s’étaient retrouvés au chômage lorsque les CRS avaient occupé l’usine ; puis ils allèrent tous ensemble déposer leurs formulaires à l’ANPE le 13 novembre204. Comme le craignaient bon nombre d’entre eux, le préfet déclara en conséquence que leur demande mettait fin à « une fiction soigneusement entretenue », selon laquelle les salariés de Lip n’étaient pas au chômage205. Leur décision d’accepter présentait toutefois des avantages : en touchant l’allocation-chômage, les salariés pourraient continuer à se payer et recevraient l’équivalent de leur salaire complet pendant plusieurs mois encore – « de quoi faire réfléchir les autorités », dit Piaget à l’assemblée générale206. De plus, les employés de l’ANPE n’avaient aucune envie de sévir contre les Lip. Le directeur régional déclara que pendant au moins trois mois, leurs allocations-chômage ne seraient pas affectées par les salaires qu’ils se payaient, et que les prestations et remboursements dont le paiement était suspendu depuis le début de septembre leur seraient versés ; il promettait également que les salariés de Lip ne se verraient pas proposer d’emplois avant la fin décembre, et n’auraient pas à pointer à l’ANPE, contrairement aux autres travailleurs dans la même situation207.
Combattre les licenciements en France
57Si l’affaire Lip a eu un impact national, c’est que ni les partis ni les centrales syndicales n’étaient prêts à faire face aux questions soulevées par ce mouvement qui, né de 1968, cherchait à affronter ce qui allait devenir un problème crucial pour la France dans les années 1970 : le chômage. Ni l’IDI ni le plan Charbonnel ne faisaient autre chose que reproduire le projet de la multinationale suisse ; Henry Giraud avait été chargé d’une mission politique, pas économique ; les socialistes et les communistes soutenaient les Lip, mais se tenaient à distance ; quant aux centrales syndicales, elles restaient perplexes face à un mouvement local qui ne voyait l’avenir ni en termes d’avantages individuels pour les licenciés, ni à travers les nationalisations prévues dans le Programme commun.
58La réaction institutionnelle la plus innovante fut la décision que prit la CFDT d’envoyer à Besançon des économistes de Syndex. Pendant le conflit, la CFDT-Lip, pour ménager la CGT, avait fait référence à l’autogestion de la lutte plutôt qu’à l’autogestion de la production ou de l’économie. Parmi ceux qui soutenaient les Lip, beaucoup voyaient en revanche le conflit en termes d’autogestion de la production, pratique conçue à l’origine, au cours des années de croissance de l’après-guerre, pour mieux adapter les conditions de travail aux besoins humains. Mais le conflit Lip constitua un tournant pour l’autogestion, en impliquant les travailleurs dans des débats sur les investissements et les formes de gestion nécessaires pour fournir à tous des emplois. Dans d’autres conflits qui ont suivi, la CFDT a souvent fait appel à des conseillers comme ceux de Syndex, même si, comme chez Lip, les sections syndicales locales n’ont jamais cherché à jouer un rôle de gestionnaire208. Le plan élaboré par Lip en collaboration avec Syndex fut le premier d’une quarantaine de projets semblables mis sur pied par des sections syndicales s’adressant à des conseillers pour les aider à résoudre les problèmes des entreprises françaises qui avaient recours à des licenciements massifs dans leurs usines entre 1973 et 1980 ; il s’agissait là d’une réaction de la classe ouvrière à l’impuissance des comités d’entreprise dans les secteurs en crise, si flagrante dans les dernières années de Lip209. Quand Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, s’est rendue à Besançon en 1993 pour évoquer la question du chômage à l’occasion du vingtième anniversaire de l’été Lip, elle a souligné le rôle de la CFDT dans l’élaboration de « contre-propositions industrielles », plutôt que la créativité ou l’imagination des Lip eux-mêmes210. Et pourtant un des comptables de Syndex, faisant écho à Jean Raguénès en 1973, se demande si, en faisant confiance à des experts auxquels les sections syndicales locales s’en remettaient car ils disaient ce que ces sections voulaient entendre, on n’introduisait pas une technocratie syndicale en lieu et place de l’autogestion ? Cela ne revenait-il pas « en fait à faire entrer par la fenêtre ce que nous voulons faire sortir par la porte, à savoir le maintien des travailleurs dans l’ignorance des mécanismes fondamentaux de l’exploitation211 » ?
59Mais les travailleurs de Lip avaient eux-mêmes des compétences à apporter : ils étaient convaincus qu’un mouvement ancré dans une collectivité née de la lutte ne constituait pas un obstacle pour les instances nationales, mais au contraire pouvait jouer un rôle catalyseur. Au lieu d’une autre manifestation semblable à celle du 29 septembre, la CFDT-Lip entreprit après le 12 octobre d’organiser un colloque national sur l’emploi, en collaboration avec la CFDT. Tandis que la confédération insistait sur le thème « aucun licenciement sans reclassement équivalent », la section Lip s’appuyait sur deux éléments spécifiques de leur propre conflit : les échanges entre intellectuels et ouvriers, et la volonté de pratiquer une coopération directe entre différents mouvements refusant les licenciements plutôt que de dépendre des confédérations nationales pour leur communication. Le colloque qui se tint en décembre 1973 réunit économistes, médecins, architectes, juristes, psychologues et salariés venus d’entreprises des quatre coins de la France, confrontées comme Lip à des licenciements et des restructurations. Une centaine de délégations CFDT furent présentes, auxquelles se joignirent cent cinquante salariés de Lip, mais la CGT refusa de participer. Le colloque n’était pas destiné à être le lieu où les travailleurs poseraient des questions auxquelles répondraient les intellectuels. Depuis le début du conflit, les Lip dépendaient de leurs soutiens à l’extérieur, mais avaient aussi pleinement conscience de tout ce que pouvait apporter à d’autres leur propre expérience. L’idée du colloque était de permettre aux salariés de Lip, qui avaient « depuis sept mois mené une intense réflexion commune », de confronter cette réflexion aux expériences d’autres travailleurs engagés dans des conflits sociaux, ainsi qu’aux connaissances et aux concepts que pouvaient leur apporter les intellectuels212.
60Syndex avait été l’exemple d’une forme innovante de coopération entre intellectuels et ouvriers, mais c’était autre chose que proposait la CFDT-Lip à travers ce colloque. Les organisateurs savaient qu’à la suite de mai 1968, une question cruciale était « de préciser quelle pouvait être la contribution des groupes de travail d’intellectuels dans un débat entre délégations ouvrières213 ». C’était l’époque où les intellectuels du Groupe d’information sur les prisons travaillaient avec les prisonniers pour faire l’analyse de l’univers carcéral longtemps passé sous silence. Pendant les années de croissance de l’après-guerre, les chômeurs formaient un autre groupe dont on ne parlait jamais et qui n’avait pas la parole. Charles Piaget envisageait ainsi le colloque : « Ce sera l’équivalent pour l’emploi de ce que sont les Entretiens de Bichat pour la Santé. La différence, c’est que les ouvriers auront la parole, tout autant que les experts214. » Les intellectuels possédaient des savoirs sur un ensemble de sujets qui les conduisaient à « découper » la question de l’emploi d’une certaine façon, mais les échanges entre les salariés de Lip et d’autres entreprises engagées dans des luttes pour l’emploi montreraient que les questions soulevées « doivent et peuvent être redécoupées ». Pour prendre un exemple d’action concrète possible, certaines personnes de Lip ont suggéré de collaborer avec des médecins et des étudiants en médecine pour étudier les effets d’un long conflit comme le leur sur la santé des travailleurs215. Ces échanges entre experts formés dans le monde universitaire et experts formés par la lutte donnèrent inévitablement lieu à des déceptions : les ouvriers se sentaient frustrés par le discours très généralisant des intellectuels sur les questions d’emploi, considérant qu’il dévalorisait leurs situations particulières et leurs efforts pour y faire face216.
61LA CFDT-Lip entreprit également d’organiser des actions communes avec des sections syndicales engagées dans des luttes pour l’emploi dans d’autres entreprises. La commission popularisation demanda à son réseau national de prendre des contacts pour discuter d’actions possibles dans ces entreprises en lutte. Dans le bulletin d’information Lip Unité, une place de plus en plus importante était consacrée à d’autres campagnes menées contre des licenciements massifs217. La réaction des confédérations fut de mettre des bâtons dans les roues à ce qu’elles considéraient comme des défis à leur autorité218. Selon Marie-Noëlle Thibault, adhérente CFDT, le colloque était révélateur de l’esprit de clocher qu’y voyait le syndicat national : « En parlant de la crise au niveau économique général, les participants ont eu l’impression qu’on les dépossédait de leur conflit, et que celui-ci se gère dans l’entreprise219. » Mais du point de vue des organisateurs, la remise en cause du pouvoir décisionnaire du capitalisme allait plus loin que n’osaient le faire les experts universitaires ou les centrales syndicales, laissant aux travailleurs comme ceux de Lip la tâche d’agir localement et de penser globalement, afin de remettre en question « un certain type de développement économique et préfigure[r] la manière dont les orientations économiques pourraient être prises220 ».
Palente et le pouvoir législatif
62Les législateurs conservateurs reconnaissaient que l’affaire Lip avait fait apparaître au grand jour certains problèmes, même si leurs efforts se limitaient à préserver l’ordre existant en cherchant à en gérer les conséquences. Lip avait enfreint la loi en licenciant le personnel sans respecter le préavis réglementaire, et aussi en payant certains créanciers et certains salariés non-grévistes après la déclaration de faillite. En septembre 1973, c’est l’affaire Lip qui poussa le président Pompidou à demander une révision de la législation en vue d’une meilleure protection des salariés en cas de faillite. François Ceyrac, président du CNPF, se montra d’accord avec cet objectif de s’assurer, selon ses termes, que « les entreprises défuntes soient en mesure de régler leurs frais d’enterrement221 ». Les salariés devaient devenir des créanciers privilégiés. Au cas où ces mesures ne suffiraient pas, le ministre du Travail Georges Gorse, gaulliste de gauche comme Jean Charbonnel, signa à la fin du mois de décembre 1973 un décret établissant un fonds de réserve alimenté par les cotisations patronales afin de payer sans délai les salaires dus au personnel en cas de faillite de l’entreprise – disposition qui, comme l’expliquait Michel Garcin, futur dirigeant chez Lip, « dissipe par là même les risques de révolte collective222 ». Une loi votée en octobre 1974 fixa l’allocation de chômage à 90 % du dernier salaire pendant la première année (avec prolongation possible allant jusqu’à quatre mois) en cas de licenciement d’une entreprise en difficulté financière ; avec une telle somme il était peu probable que des travailleurs relancent la production pour se payer eux-mêmes. Enfin, en janvier 1975 furent introduites de nouvelles dispositions législatives stipulant que tout licenciement économique par un employeur devait faire l’objet d’une approbation administrative par l’inspection du travail. Cet ensemble de lois, conséquence directe de l’affaire Lip, restait toutefois bien éloigné de la « légalité de demain » qu’avait prônée Edmond Maire.
Notes de bas de page
1 Le Point, 18 juillet 1977, p. 55.
2 Maria-Antonietta Macciocchi, De la France, Paris, Seuil, 1977, p. 146-148, 150.
3 Daniel Duigou, Journaliste, psy et prêtre, Paris, Presses de la Renaissance, 2005, p. 24.
4 Le Figaro, 23-24 juin 1973, p. 6.
5 Le Figaro, 27 juin 1973.
6 Certains gaullistes, se situant plus à gauche, ont à l’été 1973 apporté leur soutien aux Lip, en qui ils voyaient les champions de l’indépendance nationale et de la démocratie économique. Affirmant que si les actions des salariés n’étaient pas légales, elles étaient néanmoins légitimes, comme l’était l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940, ils condamnaient la position de Georges Pompidou, la comparant à celle d’Adolphe Thiers pendant la Commune de Paris. ACFDT 20F138 Tract du Front progressiste (1973).
7 Libération, 10 août 1973, p. 2. ACGT Lip Boîte 15 La Taupe Rouge, 28 novembre 1973.
8 F. H. de Virieu, Lip 100 000 montres sans patron, Paris, Calmann-Levy, 1973, p. 94. Jean Divo, L’affaire Lip et les catholiques de Franche-Comté, Saint-Gingolph, Cabédita, 2003, p. 30. Le Monde, 27 juin 1973, p. 26 ; 30 juin 1973, p. 29. La Croix, 4 septembre 1973, p. 3.
9 Le Figaro, 25 juin 1973, p. 9.
10 Le Nouvel Observateur, 20 août 1973, p. 15.
11 Le Figaro, 6 août 1973, p. 3. Le Monde, 2 août 1973, p. 17. L’Humanité, 15 août 1973. Michel Rocard, « Postface » de Charles Piaget, Lip. Charles Piaget et les Lip racontent, Paris, Stock, 1973, p. 197. Guerre de classes, no 6, octobre 1973, p. 1.
12 Le Point, 2 juillet 1973, p. 23 ; 6 août 1973, p. 19.
13 Fred Lip, Conter mes heures, Paris, Éditions Parnasse, 1973, p. 13. LC F delta rés 707/5 FGM-CFDT, « L’affaire LIP », 8 août 1973.
14 Témoignage chrétien, 9 août 1973, p. 7.
15 J. Divo, L’affaire Lip, p. 72. Sur ces négociations, voir Guillaume Gourgues, « Le débat dans la lutte. Changement et “vérité” économique dans le conflit Lip (1973) », in Sylvain Lavelle (dir.), Critiques du dialogue : discussion, traduction, participation, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016, p. 245-274.
16 Paul Maire, « Lip ou les mécanismes de l’horlogerie capitaliste », Masses ouvrières, no 306, janvier 1974, p. 74.
17 Le Figaro, 4-5 août 1973, p. 6.
18 Henry Giraud, Mon été chez Lip, Paris, France-Empire, 1974, p. 32.
19 La Croix, 9 août 1973, p. 3.
20 H. Giraud, Mon été chez Lip, p. 37. ADD 1026W11 RG, 6 août 1973.
21 « Un pas vers la révolution », Supplément de Rouge, no 231, novembre 1973, p. 17.
22 Politique hebdo, 23 août 1973, p. 12.
23 Le Nouvel Observateur, 3 septembre 1973, p. 28.
24 M. Rocard, « Postface », p. 202.
25 AN 19800280/156 RG, 18 août 1973. AN 20070670/159 Tract annexé au rapport des RG, 22 août 1973. L’Humanité, 24 août 1973, p. 4.
26 Le Nouvel Observateur, 20 août 1973. ACHSP CHA23 Transcription d’un entretien avec Jean Charbonnel sur France Inter, 16 août 1973. La Croix, 19-20 août 1973, p. 1.
27 Jean-Pierre Faye, « La Grammaire de Lip », Gulliver, no 10, 1973, p. 34-37.
28 Libération, 19 septembre 1973, p. 4.
29 Tribune socialiste, 12 septembre 1973, p. 8. Sur « Chilip », voir Philippe Gavi, Jean-Paul Sartre et Pierre Victor, On a raison de se révolter, Paris, 1974, p. 244 (octobre 1973).
30 « Un pas vers la révolution », p. 20. La réaction de Pierre Messmer fut de demander pourquoi l’on trouvait normal que l’État applique un jugement de tribunal ordonnant la mise en liberté du leader de la Ligue communiste récemment dissoute, Alain Krivine, mais n’exécute pas une ordonnance d’évacuation de Palente. Le Monde, 18 août 1973, p. 6.
31 AN 19890466/13 « Rapport technique de fin de service établi par le Commandant principal Gouillart Joseph », [août 1973]. AN 19940111/4 « Fiche relative à la participation des CRS au maintien de l’ordre à BESANÇON à l’occasion de l’affaire LIP » [1974].
32 Anti-brouillard, septembre 1973, non paginé.
33 L’Est républicain, 20 août 1973.
34 J. Divo, L’affaire Lip, p. 85.
35 La formulation était peut-être celle des militants PSU envoyés de Paris, mais elle faisait écho à une déclaration de l’ACO diocésaine dès 1967 : « L’entreprise n’est pas d’abord un capital, mais une communauté de personnes ». J. Divo, L’affaire Lip, p. 102. Charles Piaget et Roland Vittot, « LIP, une lutte riche d’enseignements », in Jean-Claude Gillet et Michel Mousel (dir.), Parti et mouvement social. Le chantier ouvert par le PSU, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 285-286.
36 Jacques Chérèque et Edmond Maire, « Les leçons de Lip », in Charles Piaget et Edmond Maire, Lip 73, Paris, Seuil, 1973, p. 121. J.-M. Leduc et Pierre Rosanvallon, « La nouvelle approche des luttes sur l’emploi », CFDT Aujourd’hui, no 9, septembre-octobre 1974, p. 4.
37 J. Divo, L’affaire Lip, 75.
38 Association de Palente, Palente au fil du temps. Du village à la cité, Besançon, 2011, p. 171.
39 Entretien de Donald Reid avec Michel Jeanningros, 1er juin 2011.
40 L’Express, 20 août 1973, p. 13.
41 J. Divo, L’affaire Lip, p. 107. La Croix, 17 août 1973, p. 3.
42 L’Humanité dimanche, 22 août 1973, p. 9.
43 J. Divo, L’affaire Lip, p. 108.
44 Association de Palente, Palente au fil du temps, 188-193. Au Lux, la scène, surélevée par rapport à la salle, constituait un obstacle à la proximité que les salariés avaient appréciée lors des AG dans le restaurant à Palente ; cette distance était en contradiction avec l’esprit même de la lutte. Aussi la table où se tenaient les intervenants fut-elle bientôt déplacée en contrebas. Jean Lopez, « Interview Lip [transcription de discussions avec des membres du comité d’action] », novembre 1973, texte dactylographié LC Q Pièce 12 785, p. 63, 66. Libération, 19 décembre 1973, p. 3.
45 Libération, 20 décembre 1973, p. 3 ; Il était une fois la révolution, Paris, Gilles Tautin, 1974, p. 95.
46 Évelyne Le Garrec, Les Messagères, Paris, Éditions des femmes, 1976, p. 109.
47 Paris Match, 19 janvier 1974, p. 22. Le terme d’ébauche, en horlogerie, renvoie à un mouvement incomplet auquel il manque des éléments essentiels.
48 La Croix, 15-16 août 1973, p. 3.
49 Le Monde, 31 août 1973. L’Est républicain, 2 octobre 1973.
50 Christine Friedel, « Lip, la fête : solidarité, culture et sandwiches à toute heure. Témoignage de Michel Jeanningros » (2001), [theatre-contemporain.net].
51 ADD 1026W11 RG (Besançon), 12 janvier 1974.
52 Politique hebdo, 6 septembre 1973, p. 7.
53 ADD 1026W11 RG (Besançon), 27 août 1973.
54 ADD 1026W14 Préfet du Doubs au Premier ministre, 4 septembre 1973. Politique hebdo, 30 août 1973, p. 6.
55 Voir le tract du comité d’action cité dans Charles Reeves, Lip : une brèche dans le mouvement ouvrier traditionnel, Bois-Colombes, Mise au point, 1974, p. 34.
56 Mais les syndicats n’autorisèrent pas le comité d’action à signer les communiqués qu’ils publiaient régulièrement sur le déroulement des négociations. Monique Piton, C’est possible !, Paris, Éditions des femmes, 1975, p. 260.
57 Il était une fois la révolution, p. 236.
58 LC F delta rés 578/38 Les Cahiers de mai, no 41-42, non paru. Jean Raguénès, De Mai 68 à LIP. Un dominicain au cœur des luttes, Paris, Karthala, 2008, p. 176. Charles Piaget, « Les luttes de Lip de 1948 à 1983 » (2005) [alencontre.org].
59 Guy dans C. Piaget, Lip. Charles Piaget et les Lip racontent, p. 156.
60 Le Nouvel Observateur, 10 septembre 1973, p. 19.
61 H. Giraud. Mon été chez Lip, p. 133.
62 Le Nouvel Observateur, 10 septembre 1973, p. 19.
63 Idées ouvrières, septembre 1977 (non paginé). On trouvera les brochures de « LIP. Texte intégral des négociations » dans LC F delta rés 578/37.
64 Le Monde, 30 août 1973, p. 19.
65 LC F delta rés 578/36 « Texte de l’intervention de Charles Piaget au cours du meeting à la Bourse du Travail de Lyon, le 24 octobre 1973 », p. 6. C. Piaget, Lip. Charles Piaget et les Lip racontent, p. 30. M. Piton, C’est possible !, p. 252.
66 On trouvera un autre exemple d’utilisation d’un magnétophone pendant des négociations lors d’une grève en mai 1968 dans Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière dans les années 68, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 64.
67 H. Giraud, Mon été chez Lip, p. 138, 160-161, 166.
68 L’Humanité, 21 août 1973, p. 5.
69 Pierre Rosanvallon fut l’un des fondateurs de Syndex. Paula Cristofalo, Syndicalisme et expertise. La structuration d’un milieu de l’expertise au service des représentants du personnel (de 1945 à nos jours), thèse de doctorat, université Paris-Ouest Nanterre La Défense, 2011, p. 184-211. Charles Piaget, « LIP. Les effets formateurs d’une lutte collective », Entropia, no 2, printemps 2007, p. 149-150.
70 Témoignage chrétien, 6 septembre 1973, p. 6-7.
71 LC F delta rés 707/5 FGM-CFDT, « L’affaire Lip », 8 août 1973.
72 J. Chérèque et E. Maire, « Les leçons de Lip », p. 123.
73 ACGT Lip Boîte 4 « Procès-verbaux de la réunion des camarades du bureau fédéral [de la FTM-CGT] », 30 juillet 1973. FTM-CGT, « La CGT et Lip : des faits, des enseignements », Le Guide du militant de la métallurgie, no 94, avril 1974, p. 31.
74 Lip Unité, 27 juillet 1973.
75 Le Nouvel Observateur, 27 août 1973, p. 29.
76 « Un pas vers la révolution », p. 27.
77 Le Nouvel Observateur, 27 août 1973, p. 29. Daniel Mothé critique, lui, l’absence de toute trace d’autogestion dans le plan Syndex – voir « Lip : réussite de la lutte, échec de la grève », Esprit, no 430, décembre 1973, p. 895.
78 « Un pas vers la révolution », p. 27.
79 Gilles Martinet, L’avenir depuis vingt ans, Paris, Stock, 1974, p. 137-140.
80 J.-M. Leduc et P. Rosanvallon, « La nouvelle approche des luttes », p. 6-7. Des économistes de Syndex participaient aussi aux négociations. H. Giraud, Mon été chez Lip, p. 65-67.
81 Le Figaro, 26 septembre 1973, p. 10.
82 Libération, 17 septembre 1973, p. 4. Le Monde, 18 septembre 1973, p. 40.
83 Entretien de Dominique Féret avec Charles Piaget, « À voix nue », France-Culture, 2011.
84 M.-A. Macciocchi, De la France, p. 144-145.
85 Le Monde, 15 septembre 1973, p. 41.
86 La Croix, 30 août 1973, p. 3. L’URSS avait déjà eu recours aux services de Fred Lip en 1936 pour démarrer une industrie horlogère.
87 Une de ces occasions où Henry Giraud dut faire machine arrière après avoir consulté Jean Charbonnel est évoquée dans Le Nouvel Observateur, 3 septembre 1973, p. 27.
88 LC F delta rés 578/36 « Texte de l’intervention de Charles Piaget », p. 7.
89 « Un pas vers la révolution », p. 26. Pour d’autres références à ce parallèle, voir Libération, 19 septembre 1973, p. 4 ; 21 septembre 1973, p. 3. M.-A. Macciocchi, De la France, p. 144-145.
90 M. Piton, C’est possible !, p. 282.
91 LC F delta rés 578/43 CFDT/CGT/CA, Lettre adressée à tous les salariés de Lip, 2 août 1973.
92 L’Humanité, 25 août 1973, p. 3. Politique hebdo, 30 août 1973, p. 7. ADD 1026W11 RG (Besançon) aux RG (Paris), 24 août 1973.
93 LC F delta rés 578/37 « LIP. Texte intégral des négociations (21 août-9 sept) ». Session du 30 août 1973, p. 19. Les CRS avaient eux aussi leurs doléances. Selon leur syndicat, ils étaient « traumatisés par un manque de considération » de la part des autorités locales. À l’automne, certains, pour protester contre la saleté, le surpeuplement et l’absence de chauffage dans la caserne de l’armée où ils étaient cantonnés, réagirent en traçant à la craie sur les portes des étoiles de David. AN 19890466/13 Secrétaire général du Syndicat national indépendant et professionnel des CRS au Premier ministre, 20 novembre 1973.
94 Le Figaro, 22-23 septembre 1973, p. 6. Lip Unité, 28 septembre 1973, p. 2. Libération, 20 septembre 1973, p. 6 ; 4 octobre 1973, p. 12. L’Unité, 7 septembre 1973.
95 LC F delta rés 578/36 « Texte de l’intervention de Charles Piaget », p. 14.
96 LC F delta rés 578/37 « LIP. Texte intégral des négociations (21 août-9 sept) ». Session du 30 août, p. 13.
97 LC F delta rés 578/36 « Débat entre les travailleurs de la Redoute et de Lip », 10 novembre 1973, p. 10-11.
98 Libération, 10 octobre 1973, p. 6. Collectif [de salariés de Lip], Lip : affaire non classée, Paris, 1976, p. 29.
99 LC F delta rés 707/5 FGM-CFDT, « LIP. L’emploi pour tous », conférence de presse, 26 septembre 1973.
100 Lip Unité, 28 septembre 1973, p. 2.
101 ADD 1026W7 Préfecture du Doubs, annonce d’une réunion d’employeurs potentiels des salariés de Lip, 17 septembre 1973. Le Figaro, 6-7 octobre 1973, p. 5.
102 ADD 1026W7 « Lip Giraud. Dispositions à prendre pour le personnel non repris (159 personnes) ». AN 19800280/155 RG, 5 octobre 1973.
103 LC F delta rés 578/36 « Texte de l’intervention de Charles Piaget », p. 6, 16.
104 ADD 1026W11 RG (Besançon) aux RG (Paris), 12 septembre 1973.
105 Bernard Brizay, Le Patronat : histoire, structure, stratégie du CNPF, Paris, 1975, p. 208-209.
106 Politique hebdo, 3 octobre 1974, p. 21.
107 ADD 177J7 Georges Séguy aux camarades de la CGT-Lip, 28 août 1973.
108 FTM-CGT, « La CGT et Lip », p. 43.
109 Le Figaro, 9 septembre 1973, p. 1.
110 ACFDT 8H561 CFDT-Rhône à la Commission exécutive de la CFDT, 17 septembre 1973.
111 ACFDT 8H561 Commission Exécutive CFDT, 22 septembre 1973.
112 AMB 5Z223 Mairie de Besançon, « Procès-verbal de la réunion du 24 septembre 1973 ». Olivier Borraz, Gouverner une ville : Besançon 1959-1989, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, p. 100.
113 Libération, 1er octobre 1973, p. 6.
114 Politique Hebdo, 20 septembre 1973, p. 15 ; 27 septembre 1973, p. 4.
115 Le Nouvel Observateur, 24 septembre 1973, p. 29.
116 ACGT Lip Boîte 9 Claude Curty à l’Union régionale CFDT de Franche-Comté, 29 septembre 1973.
117 Libération, 17 mai 1974, p. 9.
118 Le Monde, 21 mars 2007, p. 28.
119 « Lip Larzac », Cahiers pour le communisme, février 1974, p. 47-48.
120 M. Piton, C’est possible !, p. 260, 290, 293. Politique hebdo, 20 septembre 1973, p. 15.
121 F. H. de Virieu, Lip 100 000 montres, p. 155.
122 Le Monde, 18 septembre 1973, p. 40.
123 Libération, 1er octobre 1973, p. 6.
124 L’Outil des travailleurs, décembre 1973-janvier 1974, p. 5.
125 Lip Unité, septembre 1978, p. 4.
126 Libération, 4 octobre 1973, p. 12. Le Figaro, 4 octobre 1973, p. 13.
127 ACGT Archives Lip non cataloguées, « Personnel pointé aux AG octobre 1973 ».
128 Benoît Collombat, « Lip, 1973 : la grande peur du patronat », in Benoît Collombat et David Servenay (dir.), Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, Paris, La Découverte, 2009, p. 219.
129 Témoignage chrétien, 4 octobre 1973, p. 7.
130 D. Mothé, « Lip : réussite de la lutte », p. 890-896.
131 Le Figaro, 2 octobre 1973, p. 16.
132 ADD 177J7 Edmond Maire à la CFDT-Lip, 8 octobre 1973.
133 C. Piaget, Lip. Charles Piaget et les Lip racontent, p. 36. La CFDT-Lip se plaignait depuis longtemps de ce que c’étaient les dirigeants nationaux de la CGT qui imposaient à la section CGT-Lip son ordre du jour lors des réunions intersyndicales. ACGT Lip Boîte 4 CFDT-Lip à la CGT-Lip, 9 août 1973.
134 Le Figaro, 9 octobre 1973, p. 14.
135 Jacques Chérèque, La Rage de faire, Paris, 2007, p. 73.
136 Libération, 20-21 octobre 1973, p. 2.
137 AMB 5Z221 Tract CFDT, « LIP c’est possible. Ils peuvent gagner », octobre 1973.
138 LC F delta rés 578/36 « Texte de l’intervention de Charles Piaget ».
139 ACFDT 8H561 « Intervention de Michel Rocard », 26 novembre 1973. Tribune socialiste, 30 janvier 1974, p. 2.
140 FTM-CGT, « La CGT et Lip », p. 15.
141 L’Humanité, 11 octobre 1973, p. 6. Deux mois plus tôt, Claude Mercet avait eu ces mêmes paroles : « Que voulez-vous, Maurice Thorez l’a dit, il faut savoir terminer une grève ! », propos cités dans « Lip : les dernières montres », Valeurs actuelles, 13 août 1973, p. 10.
142 L’Expansion, no 66, septembre 1973, p. 98.
143 Libération, 21 septembre 1973, p. 3.
144 Libération, 1er octobre 1973, p. 7.
145 Le Figaro, 6-7 octobre 1973, p. 5.
146 Le Nouvel Observateur, 15 octobre 1973, p. 35.
147 Libération, 12 octobre 1973, p. 12.
148 Libération, 18 octobre 1973, p. 3.
149 Il était une fois la Révolution, p. 236.
150 J. Lopez, « Interview Lip », p. 6-7.
151 Il était une fois la Révolution, p. 226-227.
152 LC F delta rés 702/7/1 CA, « Lip : espoir de la classe ouvrière ? », 11 octobre 1973.
153 Lip Unité dépêche quotidienne, 11 octobre 1973. Lip Unité, 23 octobre 1973, p. 2. Tribune socialiste, 17 octobre 1973, p. 7. Politique hebdo, 18 octobre 1973, p. 15.
154 Tribune socialiste, 25 septembre 1973, non paginé (numéro spécial à l’occasion de la marche du 29 septembre).
155 L’Humanité, 11 octobre 1973, p. 6 ; 15 octobre 1973, p. 5.
156 J. Raguénès, De Mai 68 à LIP, p. 186.
157 Libération, 13-14 octobre 1973, p. 1.
158 ADD 1026W14 Préfet du Doubs au Premier ministre, 12 octobre 1973.
159 ADD 1026W14 RG (Besançon), 12 octobre 1973.
160 L’Humanité, 15 octobre 1973, p. 5. La CGC se joignit à la CGT pour dénoncer les « conditions inadmissibles » dans lesquelles s’était déroulée la consultation. Ses membres n’ayant pas assisté à l’AG, le syndicat demanda qu’un second vote de tous les salariés de Lip soit organisé en terrain neutre. Le Monde, 15 octobre 1973.
161 Bien que soit estimé à environ 150 le nombre de salariés (sans compter les cadres, le personnel du service commercial à Paris et ceux qui étaient en déplacement pour des actions de popularisation) n’ayant pas déposé de bulletin, le niveau de participation fut néanmoins très important, pour un mouvement qui durait depuis six mois. Jean-Pierre Barou, Gilda je t’aime, à bas le travail !, Paris, Les Presses d’Aujourd’hui, 1975, p. 96. Les 77 salariés de l’usine de machine-outils d’Ornans, qui n’avait jamais fait partie intégrante de Lip et où la CGT et FO étaient majoritaires, votèrent la reprise du travail sous un nouvel employeur. Le redémarrage de l’usine d’Ornans fit l’objet de débats houleux entre Noëlle Dartevelle et Charles Piaget, qui y voyait un début de démantèlement de l’entreprise. AN 19800280/156 RG, 25 octobre 1973 ; 3 novembre 1973. La CFDT-Lip finit toutefois par accepter la situation, l’AG donna son approbation et le travail reprit le 19 novembre à Ornans.
162 Marie-Christine dans Lip au féminin, supplément de Combat socialiste, no 16, février 1975, p. 52.
163 Politique hebdo, 18 octobre 1973, p. 16.
164 Lip Unité dépêche quotidienne, 12 octobre 1973.
165 Jeanne Z. dans « Comment “l’affaire” nous a changés », Preuves, no 16, 1973, p. 66.
166 Pascale Werner, « La question des femmes dans la lutte des classes. L’expérience Lip (avril 73-mars 74) », Les Temps modernes, no 336, juillet 1974, p. 2453.
167 Le Nouvel Observateur, 29 octobre 1973, p. 33.
168 Politique hebdo, 3 octobre 1974, p. 21.
169 L’Outil des travailleurs, décembre 1973-janvier 1974, p. 8.
170 Libération, 10-11 novembre 1973, p. 3.
171 Maurice Clavel, Les Paroissiens de Palente, Paris, Grasset, 1974, p. 47.
172 H. Giraud, Mon été chez Lip, p. 110.
173 F. Lip, Conter mes heures, p. 12.
174 Jean Charbonnel, L’Aventure de la fidélité, Paris, 1976, p. 224.
175 L’Express, 22 octobre 1973, p. 75.
176 Frank Georgi, Soufflons nous-mêmes notre forge, Paris, Éditions ouvrières, 1991, p. 171.
177 « Un pas vers la révolution », p. 31.
178 Lip Unité dépêche quotidienne, 6 novembre 1973.
179 L’Humanité, 23 octobre 1973, p. 6. ADD 43J30 Télégramme de Claude Curty, secrétaire général CGT-Doubs, à la CFDT-LIP, 23 octobre 1973.
180 Lip Unité dépêche quotidienne, 30 octobre 1973.
181 ACGT Lip Boîte 6 CGT, « La situation chez Lip et ses répercussions » (après le 12 octobre 1973).
182 Témoignage chrétien, 7 février 1974, p. 4.
183 Le Monde, 21-22 octobre 1973, p. 10.
184 ACFDT 8H561 FGM-CFDT [Jacques Chérèque] à la CFDT-Lip, 17 octobre 1973.
185 Entretien avec Charles Piaget et les membres du comité d’action, Front Rouge, 25 octobre 1973.
186 Lip Unité dépêche quotidienne, 12 novembre 1973.
187 Lip Unité dépêche quotidienne, 7 novembre 1973.
188 Politique hebdo, 8 novembre 1973, p. 14.
189 Lip Unité dépêche quotidienne, 22 novembre 1973.
190 « Un pas vers la révolution », p. 28, 31.
191 « Refuser la fatalité et vivre ensemble au pays [Historique de la lutte présenté par les travailleurs] », dans Gérard Terrieux, L’expérience Lip, thèse de 3e cycle, université Paris 1, 1983, Partie I, épisode 3.
192 Courrier cité dans Lip Unité dépêche quotidienne, 26 octobre 1973. LC F delta rés 578/44 « Commission présence dans le conflit » (vers janvier 1974).
193 Libération, 20 décembre 1973, p. 3.
194 Lip Unité dépêche quotidienne, 7 novembre 1973.
195 Cité dans L’Humanité, 13 octobre 1973, p. 6.
196 ADD 1026W2 Préfet du Doubs, 23 octobre 1973.
197 LC F delta rés 578/36 « Texte de l’intervention de Charles Piaget », p. 32.
198 ADD 1026W10 Ministère de la Santé publique à la Direction de la Sécurité sociale de Bourgogne, 1er novembre 1973.
199 Dans Les Paroissiens de Palente, de Maurice Clavel, cette division apparaît clairement : Blandel (Claude Mercet) remet souvent en cause les positions de la CGT, mais la mère Poudevigne (Noëlle Dartevelle) est ridiculisée et méprisée même par les personnages de son bord.
200 J. Lopez, « Interview Lip », p. 59.
201 AB Entretien de Joëlle Beurier avec Noëlle Dartevelle, 8 janvier 1992, p. 11.
202 M. Piton, C’est possible !, p. 479.
203 AB Entretien de Joëlle Beurier avec Noëlle Dartevelle, 8 janvier 1992, p. 16, 60, 62.
204 Lip Unité dépêche quotidienne, 13 novembre 1973. Libération, 15 novembre 1973, p. 6.
205 ADD 1026W13 Préfet du Doubs au Premier ministre, 12 novembre 1973.
206 ADD 45J16 Affiche du 19 novembre 1973.
207 Lip Unité dépêche quotidienne, 12 novembre 1973.
208 Albert Mercier, « Les conflits de longue durée », CFDT aujourd’hui, no 22, novembre-décembre 1976, p. 8.
209 Jean-Pierre Huiban, « La contre proposition industrielle comme élément de stratégie syndicale (1973-1980) », in Mark Kesselman et Guy Groux (dir.), 1968-1982 : le mouvement ouvrier français, Paris, Éditions ouvrières, 1984, p. 302.
210 ACFDT CSG/5/3 Nicole Notat, « Il y a 20 ans, LIP… », 29 septembre 1993.
211 Maurice Najman, « Syndicats : la fin de “l’homme de marbre” », Autrement, no 29, 1981, p. 214.
212 LC F delta rés 578/52/10 « Préparation du colloque sur l’emploi. Compte rendu d’une réunion tenue à Besançon les samedi 10 et dimanche 11 novembre ».
213 Ibid.
214 Libération, 16 octobre 1973, p. 6. Les Entretiens de Bichat sont une session annuelle de formation pour les professionnels du monde médical.
215 LC F delta rés 578/52/10 « Préparation du colloque sur l’emploi ».
216 « Lip Larzac » p. 53. Collectif, Lip : affaire non classée, p. 25.
217 LC F delta rés 578/48 Coordination technique des commissions Lip aux commissions Lip, 6 janvier 1974. Politique hebdo, 13 décembre 1973, p. 14. Sur les rencontres de salariés de ces entreprises au cours des mois suivants, voir Pierre Jusseaume, « Un succès venu de loin. La “Popularisation” chez Lip », Politique aujourd’hui, mars-avril 1974, p. 70.
218 Les Cahiers de mai hebdo, 14 janvier 1974, p. 4.
219 « Lip : les raisons d’un succès », Politique aujourd’hui, mars-avril 1974, p. 27. Sur M.-N. Thibault, voir Donald Reid, « The Red and the Black: Marie-Noëlle Thibault and the Novels of Dominique Manotti », French Cultural Studies, 26:3, août 2015, p. 1-12.
220 LC F delta rés 2074 Les Cahiers de mai, « Projet de texte à la suite des discussions que nous avons eues à Besançon le 1er et le 2 décembre ».
221 Le Figaro, 20 septembre 1973, p. 7 ; 21 septembre 1973, p. 1. Citation tirée de Henri Weber, Le parti des patrons, Paris, Seuil, 1991, p. 267.
222 Le Point, 25 janvier 2007.
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