Introduction à la troisième partie
p. 183-184
Texte intégral
1La fin des années 1880 et les années 1890 se caractérisent, à l’échelle nationale, par plusieurs évolutions majeures. Le moment boulangiste montre tout d’abord l’essor et l’exaspération d’une opposition polymorphe mais virulente envers les républicains modérés, qui se trouvent ensuite contestés par l’essor du socialisme et des revendications ouvrières, la « question sociale » et la structuration du radicalisme. Le scandale des décorations, en 1887, puis celui de Panama, en 1891-1893, fragilisent le parlementarisme tandis que les attentats anarchistes, dont l’assassinat du président Sadi Carnot en 1894, provoquent un raidissement des modérés envers l’extrême gauche. La question du Ralliement des catholiques à la République, en 1890-1893, entraine en même temps un rapprochement entre certains conservateurs et une partie des républicains de gouvernement tandis que les « opportunistes », devenus « progressistes » en 1893, se rapprochent eux-mêmes de la droite et s’éloignent de la gauche1. Une droite républicaine commence ainsi à exister à l’échelle nationale à partir de 1890 environ2. Avec la politique d’apaisement, les républicains modérés se rapprochent des conservateurs, notamment à cause de l’anticléricalisme des radicaux, tandis qu’une partie de la droite se rallie à la République. L’antisémitisme, la xénophobie3, le nationalisme et l’antiparlementarisme se développent tout au long des années 1890.
2La République modérée, sortie victorieuse de la crise boulangiste, se recompose avec succès au sein de cette configuration faite de contestations et de ralliements, et les républicains modérés demeurent entre 1889 et 1899 le groupe le plus important du parti républicain4. Pour Jean Garrigues, les années 1890 voient ainsi se reconstituer la République conservatrice prônée naguère par le Centre gauche5 tandis que, pour Jean-Marie Mayeur, les années « politiquement assez confuses » 1889-1898 constituent l’un des « moments » forts du centrisme en France6. C’est en effet au cours des années 1890 qu’un grand parti modéré essaie de se constituer à l’échelle nationale et à l’échelle locale, notamment pour faire face à l’essor du socialisme et du radicalisme7, tandis que le scandale de Panama participe à la définition de nouvelles normes politiques8. À l’échelle internationale, enfin, les tensions entre la France et l’Italie s’aggravent à cause du renouvellement de la Triplice en 1891. Comment, dans ce contexte, le républicanisme modéré et libéral des Alpes-Maritimes parvient-il à s’adapter et à se redéfinir ? Comment le régime républicain parvient-il à surmonter ces deux crises majeures que sont le boulangisme et le scandale de Panama ? Un nouveau républicanisme est-il, en même temps, en train d’apparaitre à Nice et dans les Alpes-Maritimes ?
3Cette décennie se caractérise en effet, dans le département, par d’importantes recompositions des républicains modérés. Trois phases peuvent être distinguées. La crise boulangiste, tout d’abord, provoque une recomposition importante du paysage politique départemental (chapitre vii). De 1892 à 1895, années marquées par le Ralliement et le scandale de Panama, les républicains s’efforcent ensuite de mettre en œuvre une nouvelle « conciliation » entre leurs différentes tendances, essentiellement dans l’ancien comté de Nice, afin d’éviter toute lutte fratricide alors pourtant que l’opposition radicale ou socialiste demeure quasi inexistante, sauf dans l’arrondissement de Grasse (chapitre viii). De 1896 à 1898, enfin, les républicains modérés, à présent devenus progressistes, parviennent à réaffirmer leur domination sans partage sur le département, malgré les retombées du scandale de Panama (chapitre ix).
Notes de bas de page
1 Grondeux Jérôme, La France entre en République. 1870-1893, Paris, Librairie générale française, 2000, p. 143-184 ; Mayeur Jean-Marie, Les débuts de la Troisième République, 1871-1898, op. cit., p. 193-228 ; Berstein Serge et Winock Michel (dir.), L’invention de la démocratie, 1789-1914, op. cit., p. 299-302 ; Pécout Gilles, Naissance de l’Italie contemporaine, 1770-1922, op. cit, p. 263-268.
2 Agulhon Maurice, « La République française : vision d’un historien », in Paul Isoart et Christian Bidégaray (dir.), Des Républiques françaises, Paris, Economica, 1988, p. 56.
3 Noiriel Gérard, Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1892, Paris, Fayard, 2010.
4 Lévêque Pierre, Histoire des forces politiques en France, t. II, 1880-1940, Paris, Armand Colin, 1994, p. 20.
5 Garrigues Jean, La République des hommes d’affaires, 1870-1900, op. cit., p. 319.
6 Mayeur Jean-Marie, « De l’“esprit nouveau” au “progressisme” », in Sylvie Guillaume (dir.), Le centrisme en France aux xixe et xxe siècles. Un échec ?, op. cit., p. 69-76.
7 Bernard Mathias, La dérive des modérés…, op. cit., p. 21, p. 71 ; Lévêque Pierre, Histoire des forces politiques en France, t. II, 1880-1940, op. cit., p. 22-23.
8 Blic Damien de et Lemieux Cyril, « Le scandale comme épreuve. Éléments de sociologie pragmatique », art. cité.
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