Chapitre XV. Peur et souillure : une relation insignifiante ?
p. 213-226
Texte intégral
1J’aimerais commencer par un aveu. Il m’est arrivé de travailler sur la souillure et la purification pour scruter le sens de l’expression « sacrifice purificatoire », répétée souvent par les modernes1. J’avais donc pensé, peut-être naïvement, que la peur de la souillure, ou associée à la souillure, allait de soi et qu’elle ne posait pas trop de difficultés. Cependant, je me suis aperçue que cette question n’attire pas beaucoup l’attention des modernes, si on en juge par quelques ouvrages plus ou moins récents, consacrés aux émotions2. Certes, David Konstan, dans son livre The Emotions of the Ancient Greeks, consacre tout un chapitre à la peur, au fear, mais c’est surtout dans le contexte de la guerre3. Précisons, tout de suite, que je ne vais pas me lancer à mon tour dans l’examen général des émotions, ni dans une énième étude sur la pollution, ni encore dans l’exploration générale du champ sémantique de la peur, dans ses différents aspects et contextes. Dans les limites de cet article, j’aimerais m’interroger particulièrement sur la relation entre peur et souillure, chercher ainsi les éventuelles connexions, directes ou indirectes, entre le phobos et le miasma, mais comprendre aussi pourquoi la question de la liaison entre ces deux termes ne semble pas se poser pour certains hellénistes. Si l’on regarde, par exemple, l’important ouvrage de référence sur le miasma de Robert Parker, on s’aperçoit que des mots comme fear ou anxiety, etc., ne sont pas inclus dans les Indexes. Et pour cause. « It has often been said », écrit R. Parker en renvoyant à une série d’hellénistes, et en particulier à L. Gernet, « that the fame of the healer-seers and purifiers is proof of the obsessive anxiety that was felt about pollution in the archaic period ». Cependant, note R. Parker, « we have no evidence that healer-seers were summoned in response to mere anxieties4 ». Par ailleurs, il précise que, de toute façon, l’approche qu’il adopte dans son ouvrage « puts no emphasis on fear and horror ». Par exemple – dit-il – le meurtrier, considéré comme pollué, souillé, miaros, peut être par définition dangereux, mais cela ne veut nullement dire que la peur « was the origin of the belief ». Car une fois qu’on aurait suivi « the proper procedures », le danger représenté par le meurtrier n’était plus « a source of anxiety », comme on n’a pas peur, par exemple, des « high-voltage cables that run through our cities ». De plus, ajoute R. Parker, nos sources suggèrent qu’« intense anxiety was not the norm5 ». Toutefois, si R. Parker a raison de s’élever contre l’attribution particulière de cette anxiété à l’âge archaïque, comme on le voit, par exemple, chez L. Gernet ou E. R. Dodds6, son idée que « by the fifth century, Greeks had probably ceased to be troubled » par la contamination, la souillure, due à des « impure activities », à des actes impurs et/ou impies, comme ceux, par exemple, dont parle Hésiode (voir infra), a de quoi laisser un peu perplexe7.
2Quoi qu’il en soit, au-delà des positions de R. Parker qui mériteraient une discussion plus approfondie et plus circonspecte, il ne serait pas inutile de reconsidérer certaines sources et de faire quelques mises au point, tout en ayant conscience de la nécessité d’une enquête ultérieure, si l’on veut examiner avec minutie les différentes conceptions grecques sur la peur et la souillure, en prenant en compte le temps et le contexte. Pour le moment, disons qu’au-delà des références aux temps archaïques, Louis Gernet parle en général d’un « souci » dominant « qui est celui de la purification », afin qu’on puisse guérir les gens « d’une souillure », souci qui témoigne – dit-il – d’« une véritable obsession8 ». Et sur ce point, il me semble que L. Gernet a raison. Car on peut devenir impur du fait d’actes interdits, non conformes aux règles religieuses, comme on le voit déjà chez Hésiode, vers la fin des Travaux et les jours (695-764). Dans ce long passage, Hésiode donne divers conseils à son frère Persès, en l’incitant à se mettre bien en garde contre la « vigilance vengeresse » (opin) des « Immortels bienheureux » (et non pas « observe bien le respect » dû aux dieux, comme traduit P. Mazon, dans l’édition de la CUF)9. Hésiode insiste surtout sur ce qu’on ne doit pas faire, car si quelqu’un commet un acte impie, impur10, il risque d’être puni par les dieux en colère, comme l’indique, par exemple, le verbe νεμεσάω (« s’indigner, s’irriter », v. 741, 751), ou le substantif ποινή (« châtiment », v. 749). Les dieux courroucés peuvent alors envoyer aux humains des algea, des souffrances, comme risque d’en éprouver celui qui traverse un fleuve « sans avoir lavé sa méchanceté et ses mains11 ». Des siècles plus tard, une de ces fameuses stèles dites de confession12 pourrait montrer que le non-respect des règles de pureté entraîne la punition divine13, d’autant plus que, dans ce cas, c’est la parole même du dieu qui, par la voie oraculaire, révèle à l’homme la cause de cette punition : « parce que tu es souillé14 ».
Peur, impureté et punition divine
3Toutefois, on peut aller plus loin pour rappeler ce qu’ont signalé plusieurs spécialistes, à savoir qu’une souillure qui résulte d’un acte impur, ou de la négligence d’un devoir religieux de la part d’un individu, est considérée comme susceptible d’atteindre toute la communauté, une croyance qui semble être profondément enracinée dans la culture grecque15. Dans ce cas, la communauté devient la cible de la colère divine pour payer des « fautes » parfois « inconnues », commises par des ancêtres ou d’autres parents16. On aurait donc affaire à une « pollution héréditaire », où les dieux jouent un rôle majeur. Cependant, pour un savant comme Louis Moulinier17, il ne s’agit pas là d’une idée religieuse : la pollution héréditaire renvoie surtout à des considérations de « pureté physique ». C’est sans doute pour cela qu’il ne s’intéresse pas beaucoup au problème de la peur18. L. Moulinier évacue ainsi la notion de la « faute ancestrale », explorée récemment, et de façon pertinente, par Renaud Gagné, dont l’ouvrage de référence nous délivre de l’obligation d’aborder, de nouveau, cette importante thématique19. Je tiens cependant à signaler, à mon tour, cette lamelle exceptionnelle de l’oracle dodonéen, où les gens de Dodone demandent à Zeus et à Diôna si le dieu (ὁ θεός) a envoyé le mauvais temps à cause de l’impureté d’un homme20. Or, contrairement à l’adjectif ἀκάθαρτος (« sale, impur », au sens propre21 et plus souvent au figuré), le terme ἀκαθαρτία n’est pas très courant. À titre d’exemple, sous la forme usuelle ἀκαθαρσία, on le trouve, au sens propre, chez Platon, lorsqu’il parle des « impuretés » (ἀκαθαρσίαι) qui peuvent apparaître sur le foie ; ou encore, au sens figuré, chez Démosthène, lorsque l’orateur accuse Midias d’un « excès d’impureté22 ». De ce point de vue, la lamelle oraculaire de Dodone prend toute sa valeur, d’autant plus que d’autres lamelles laissent paraître une appréhension, une anxiété, concernant la pureté ou la souillure23. De plus, la question des Dodonéens montre que n’importe quel membre de la communauté est susceptible de commettre une « impureté », provoquant ainsi l’ire du dieu.
4Et la peur dans tout cela ? On va la trouver, mais auparavant faisons une remarque : il va de soi qu’il est très important d’étudier le vocabulaire, les expressions utilisées par les Anciens pour comprendre le sens de leurs actes, de leurs sentiments, de leurs opinions. Toutefois, il arrive parfois qu’un vocabulaire précis fasse défaut pour décrire ou désigner une réalité qui, elle, existe bel et bien. Ainsi ni dans le passage d’Hésiode, ni dans la question posée à l’oracle de Dodone, on ne trouve de termes comme phobos, deos, ou d’autres mots signifiant la peur, la crainte, la frayeur. Cependant, dans les deux cas, et surtout dans l’exemple de Dodone, la peur de la souillure qui menace de provoquer la punition divine est, me semble-t-il, sensible, bien que sous-jacente. Certes, je ne veux pas prétendre que la punition du coupable risque toujours de tomber aussi sur les autres, mais l’impureté d’un miaros peut souvent devenir un objet de crainte pour la communauté. Je ne veux pas non plus soutenir que l’idée de la contamination soit toujours à l’origine de la peur, puisque cette peur peut souvent trouver sa cause dans la menace d’une éventuelle punition divine. Cependant, la frontière entre, d’une part, la crainte du châtiment divin et, d’autre part, la peur de la pollution susceptible de contaminer les autres, cette frontière donc semble extrêmement tenue, puisque c’est justement la présence d’un miasma qui provoque la colère et la punition des dieux. À mon sens, on ne saurait donc dissocier les deux peurs24.
5Or, il est de cas où le dieu ne « punit pas sur-le-champ », tout de suite, comme le dit clairement l’accusateur d’Andocide25. On voit des gens, continue-t-il, qui ont payé longtemps après les actes impies qu’ils ont commis, et la même chose est arrivée à leurs descendants, punis pour les fautes de leurs ancêtres (διὰ τὰ τῶν προγόνων ἁμαρτήματα). Mais entre-temps, le dieu envoie contre ceux qui ont commis des injustices (τοῖς ἀδικοῦσιν) « beaucoup de frayeurs, et de dangers » (δέη πολλὰ καὶ κινδύνους), de sorte que beaucoup, ne pouvant plus supporter ces craintes, ces terreurs, souhaitent mourir pour se débarrasser de ces malheurs26. Dans ce cas, il ne s’agit pas simplement de la peur qui saisit le coupable dans l’attente d’une punition inéluctable. La terreur qui l’anéantit est un instrument terrible que la divinité manie contre les asebeis, sous forme d’une pré-punition si cruelle qu’on lui préfère finalement la mort.
6Ainsi la souillure peut devenir « l’objet d’une véritable hantise », comme le remarque bien L. Gernet27. Or, c’est exactement cette obsession angoissante que montre le cas de l’ancien agos des Alcméonides, ce genos athénien auquel incombait la responsabilité du meurtre des compagnons de Kylon, dont certains s’étaient réfugiés en suppliants près des autels des Vénérables déesses à Athènes28. Hérodote explique pourquoi les meurtriers avaient reçu à Athènes le nom d’Ἐναγέες, d’« Impurs », tandis que Thucydide ajoute qu’ils étaient appelés, eux-mêmes et leurs descendants, non seulement ἐναγεῖς, mais aussi ἀλιτήριοι τῆς θεοῦ (« coupables, criminels envers la déesse »), expression utilisée aussi par Aristophane et qui est étroitement associée à la souillure, au miasma29. Car, comme l’explicite la Souda, en renvoyant à ces vers d’Aristophane, l’alitêrios est un anosios, un « impie », quelqu’un qui « est sujet au miasma et qui a commis des fautes envers les dieux30 ». Or, Thucydide ajoute que ces enageis avaient été expulsés premièrement par les Athéniens, et ensuite, lorsque le roi de Sparte Cléomène arriva à Athènes, en connivence avec une faction athénienne, non seulement on bannit les vivants, mais on déterra et jeta hors du pays les ossements de leurs morts31. Au début de la Constitution d’Athènes, Aristote fait justement allusion à cette action intentée contre les Alcméonides, lorsque, sur l’accusation de Myron, les juges ont reconnu l’agos, le sacrilège qu’ils avaient commis. Les coupables, continue Aristote, furent jetés hors de leurs tombes, et leur famille, leur genos, fut condamnée à l’« exil perpétuel » (ἀειφυγία). Ainsi, dans le cas des Alcméonides, on perçoit clairement le souci permanent de « chasser, d’expulser le sacrilège » de la cité et du pays (ἐλαύνειν τὸ ἄγος), comme le dira plus loin Aristote, en précisant que les Alcméonides « passaient pour faire partie des gens impurs32 ».
7Je résume ici très schématiquement cette affaire, en renvoyant à R. Gagné, qui a bien examiné les différences entre les sources relatives à ce Kylôneion agos qui menaçait toute la communauté, et qui montre comment une faute ancestrale peut bouleverser gravement la vie sociale, religieuse, politique d’une cité33. Pour ma part, j’aimerais surtout mettre plus en évidence, dans le contexte de la souillure et sans aucune prétention d’exhaustivité, les expressions et les manifestations de la peur et de l’anxiété, qui ne semblent pas attirer suffisamment l’attention.
8Dans cette retentissante affaire qui a tant bouleversé Athènes et son peuple, c’est Plutarque qui exprime beaucoup mieux l’agitation, l’anxiété qui saisit la cité. Le Kylôneion agos, dit Plutarque, « troublait profondément la cité » (διετάραττε τὴν πόλιν) depuis longtemps, depuis que les complices de Kylon, bien que placés en suppliants sous la protection de la « déesse » (τὴν θεόν), à savoir d’Athéna, furent lapidés et massacrés34. Athènes était remplie de « peurs superstitieuses » et d’« apparitions fantomatiques », indiquant, selon les devins qui avaient consulté les sacrifices, la présence « des sacrilèges et des souillures » qui exigeaient des purifications35. Comme le remarque justement R. Gagné36, le pluriel ἄγη καὶ μιασμούς, chez Plutarque, montre que la pollution ne concerne pas seulement le genos inculpé, mais qu’elle souille la cité tout entière. C’est pourquoi, poursuit Plutarque, on fit venir de Crète Épiménide de Phaestos, « homme aimé des dieux et instruit des choses divines », afin qu’il « rétablisse la cité dans l’ὅσιον par des expiations et des purifications et des fondations37 ». Dans son chapitre sur Épiménide, Diogène Laërce reprend ce qualificatif du Crétois au superlatif, en précisant que cet homme, « le plus aimé des dieux » (θεοφιλέστατος), serait venu à Athènes pour purifier la ville d’une peste (loimos), selon la réponse qu’avait donnée la Pythie aux Athéniens frappés par ce fléau. Or, d’après d’autres, ajoute Diogène Laërce, Épiménide aurait déclaré que cette maladie était due à la souillure liée à l’affaire de Kylon (οἱ δὲ τὴν αἰτίαν εἰπεῖν τοῦ λοιμοῦ τὸ Κυλώνειον ἄγος), et indiqua comment on allait s’en débarrasser38. Cependant, cette histoire, qui ébranla Athènes pendant plus d’un siècle, pourrait sans doute suggérer qu’on n’a pas toujours besoin d’utiliser un vocabulaire précis, comme le fait Plutarque, pour montrer les grandes peurs qui peuvent secouer toute une communauté. Car, ces peurs peuvent très bien être exprimées indirectement par des actions fortes, brutales, violentes, comme le bannissement répétitif, l’exhumation des morts souillés et la dispersion de leurs os, voire la mise à mort d’êtres humains – acte extrême, imposé parfois par la « nécessité », par l’ἀνάγκη39 – afin qu’on se débarrasse du miasma, qu’on purifie la communauté menacée, même si derrière ces actions on peut discerner aussi d’autres causes, comme des luttes et des antagonismes politiques.
La peur du miaros
9Mais allons plus loin. On connaît les interdictions terribles qui frappent le meurtrier devenu souvent, de par son acte, un impur, un miaros40. Démosthène en parle dans le Contre Leptine, en les attribuant aux lois de Dracon. En effet, Dracon, pour empêcher de tels crimes, prend des mesures « draconiennes », dirait-on aujourd’hui, pour écarter l’homicide, l’androphonos, « de l’eau lustrale, des libations, des cratères, des hiera, de l’agora41 ». En fait, on le bannit ainsi de tout acte sacrificiel, on le chasse de tout espace où le religieux, le politique, le social interfèrent, se mélangent, comme le montrent bien les cités grecques. Bref, on l’exclut de la communauté, car sa présence risque de polluer toute la société humaine42. C’est pourquoi, celui qui va tuer, par exemple, un meurtrier de ce type sera considéré comme « pur » (καθαρός)43, par opposition aussi à sa victime qui aurait les mains impures, souillées de sang. On se réfère souvent à ces lois, mais on observe beaucoup moins ce que dit Démosthène avant d’énumérer ces strictes mesures d’exclusion imposées à l’androphonos, à savoir que Dracon, dans ses lois concernant les meurtres, « a construit quelque chose d’effrayant et de terrifiant44 », pour empêcher la succession des homicides. Le grand législateur avait établi ainsi des nomoi sévères, des lois restrictives et prohibitives, qui ne sauraient que faire peur aux gens, une peur dissuasive, susceptible de les détourner de toute action criminelle entraînant la souillure.
10Toutes ces épouvantables interdictions sont prononcées aussi par Œdipe dans Œdipe roi, lorsqu’il « ordonne » (κελεύω, v. 226) avec insistance qu’on lui révèle le meurtrier de Laïos : « Quel que soit l’homme [qui a commis ce crime] je défends à quiconque dans ce pays où j’ai le pouvoir et le trône, de le recevoir, de lui adresser la parole, de l’associer aux prières pour les dieux ou aux animaux sacrificiels, de lui donner de l’eau lustrale ; mais tous doivent le repousser hors des maisons45. » Certains modernes arrêtent ici la citation du texte. Cependant Œdipe ajoute qu’il faut le chasser parce que « cet homme est un miasma pour nous » (ὡς μιάσματος τοῦδ᾽ ἡμὶν ὄντος), comme l’oracle pythique le lui a dit expressément (v. 241-243)46. En effet, dès le début de la pièce, on sait qu’une « peste odieuse » (λοιμὸς ἔχθιστος, v. 28) s’est abattue sur la cité de Thèbes et ses habitants. Devant la douleur et les souffrances qui frappent non seulement le peuple, mais aussi le roi lui-même (cf. v. 58-67), Œdipe envoie son beau-frère Créon à Pythô, l’oracle apollinien, demander ce qu’il faut faire pour sauver la cité. Or, « maître Phœbos donne l’ordre exprès de chasser du pays le miasma qui est nourri dans cette terre, et de ne pas l’y laisser devenir incurable47 ». C’est justement à ce miasma auquel se réfère ensuite Œdipe, une souillure qui doit être lavée par la purification (καθαρμῷ), en bannissant ou en exécutant les coupables du meurtre de Laïos48. Cependant, la peur de cette souillure, une peur clairement suggérée par les interdictions sans aucune exception ordonnées par Œdipe, par l’exclusion définitive qui frappe cruellement le criminel, cette peur donc serait ressentie aussi par le meurtrier, qui pourrait craindre pour lui-même (κεἰ μὲν φοβεῖται, v. 227), en se sachant coupable49 et par conséquent souillé50.
Le cas d’Oreste
11Comme nous l’avons noté, la peur de la contamination peut être évidente, même si on n’a pas, sur le plan du vocabulaire, des termes comme phobos, tremô, etc. Lorsque Iphigénie, en Tauride, trompe le roi Thoas, en lui disant qu’elle va purifier Oreste et Pylade de leur souillure de matricides, elle ordonne aux citoyens de « se tenir éloigné de ce miasma, si quelque gardien de temples doit avoir les mains pures pour les dieux, ou si quelqu’un va conclure un mariage, ou si quelque femme est alourdie d’un enfant. Qu’ils fuient, qu’ils s’écartent, (de peur) que ce musos ne tombe sur quelqu’un51 ». Or, le mot musos renvoie à une menace encore plus grave que le miasma « dont le champ sémantique est plus étendu ». Musos est une souillure importante, une « abomination », qui se dit « surtout de crimes et de sacrilèges » et qui aurait inspiré une peur indicible52.
12Le cas d’Oreste montre aussi cette anxiété, cette peur de contagion que peut inspirer un matricide comme lui, ainsi qu’il ressort du récit dramatique qu’il adresse à Iphigénie53. Selon ce récit – qui relate les « nombreuses souffrances » (πολλῶν πόνων, v. 939) qu’il a endurées – lorsque Oreste arrive à Athènes, persécuté par les Érinyes, personne ne veut l’accueillir chez lui, comme un homme « haï des dieux » (θεοῖς στυγούμενον, v. 948). Finalement certains, qui ont eu pitié du matricide, lui offrirent chez eux « une table solitaire » (μονοτράπεζά μοι παρέσχον, v. 949-950), où ils l’ont laissé manger et boire mais séparément (δίχα, v. 952), sans lui adresser la parole, tandis qu’ils « prenaient du plaisir », en buvant à part, chacun dans son propre vase (ἄγγος ἴδιον, v. 953), où l’on avait versé une mesure égale de vin. Et Oreste de décrire comment il « souffrait en silence » (ἤλγουν δὲ σιγῇ), « en gémissant grandement » (μέγα στενάζων) d’avoir été le meurtrier de sa mère. Or, en mémoire de ses malheurs – ajoute Oreste – les Athéniens avaient institué une fête, où chacun buvait dans son propre χοῆρες ἄγγος, à savoir dans son vase de vin contenant un conge (χοῦς)54.
13Un homme souillé, honni par les dieux, en tant que meurtrier, ne saurait donc que faire peur aux gens qui, même s’ils l’accueillent sous leur propre toit, le tiennent à distance, en évitant de lui parler, comme si la parole échangée pouvait véhiculer la souillure, comme si finalement le silence avait le pouvoir de tenir le miasma soigneusement éloigné. Mais il y a plus. Ainsi, selon Phanodemos d’Athènes (ive siècle avant notre ère), Oreste arriva à Athènes sous le règne du roi Démophon, au moment de la fête qui ne s’appelait pas encore Choes. Or, Démophon, ne voulant pas admettre Oreste aux rites, ni aux libations, parce qu’il n’avait pas encore été jugé, « ordonna de fermer les hiera » (ἐκέλευσε συγκλεισθῆναί τε τὰ ἱερά) et de donner à chacun en particulier un conge de vin. Ensuite, il fit savoir que, lorsqu’on aurait fini de boire, personne ne déposerait dans les lieux sacrés les couronnes que chacun avait sur la tête, parce qu’on s’était trouvé « sous le même toit qu’Oreste » (διὰ τὸ ὁμορόφους γενέσθαι τῷ Ὀρέστῃ)55, comme si même les couronnes pouvaient être contaminées par la souillure d’un miaros.
Anagnos et alitêrios
14On pourrait dire que le cas d’Oreste devient paradigmatique, comme le montre une série de textes. En effet, ainsi que le note l’orateur Lysias (né aux environs de 440), personne ne veut manger avec un meurtrier ou vivre sous la même tente que lui ; le taxiarque refuse de lui assigner une place dans sa tribu, et aucun homme ne veut converser avec lui, parce qu’il est un alitêrios, un criminel envers les dieux56. Selon l’auteur du discours Contre Andocide, que nous avons vu plus haut, un ἀλιτήριος, qui transgresse « la loi » (τὸν νόμον) établie par les Athéniens, doit être « écarté des hiera » (εἴργεσθαι τῶν ἱερῶν), il n’a pas le droit de sacrifier « sur les autels » (ἐπὶ τῶν βωμῶν), ou de se laver les mains avec « l’eau sacrée » (ἐκ τῆς ἱερᾶς χέρνιβος). En se débarrassant de lui, en l’expulsant comme un pharmakos, c’est finalement « la cité qu’on purifie » (τὴν πόλιν καθαίρειν)57.
15Il suffit cependant de lire Antiphon, un autre orateur du ve siècle, pour sentir derrière ses mots toute l’aversion, toute la peur que pourrait provoquer la présence d’une personne polluée. Antiphon dira, par exemple, que beaucoup de gens, dont les mains étaient impures (μὴ καθαροὶ χεῖρας) ou qui avaient contracté une autre souillure (ἄλλο τι μίασμα), lorsqu’ils étaient embarqués sur un bateau, ont fait aussi périr avec eux les pieux, ceux qui se conformaient aux prescriptions des dieux. Parfois même – poursuit Antiphon – l’impureté de beaucoup de gens qui assistent aux rituels sacrificiels devient apparente lorsqu’on s’aperçoit que, par leur présence, « ils empêchaient les sacrifices traditionnels de s’accomplir58 ». Dans un autre discours, Antiphon explique comment quelqu’un qui est μιαρός et ἄναγνος, « souillé et impur », est nuisible à la communauté, puisqu’il va à l’encontre de l’intérêt commun (ἀσύμφορος). Non seulement, en effet, il « pollue la pureté » des sanctuaires s’il y entre (μιαίνειν τὴν ἁγνείαν αὐτῶν), mais il contamine, en même temps, les innocents, les « non coupables » (ἀναιτίους) en se mettant « aux mêmes tables » qu’eux (ἐπί τε τὰς αὐτὰς τραπέζας). Et voilà, conclut Antiphon, ce qui provoque que les fruits ne poussent pas (ἀφορίαι), et que les entreprises (τὰς πράξεις) échouent59. Ainsi la contamination de la souillure touche non seulement les gens, mais elle infecte surtout les lieux sacrés et bouleverse toute la vie religieuse et civique de la cité. Finalement, le miaros, dont la présence agit comme un fort polluant, constitue une calamité générale, un grand malheur public ; c’est pourquoi il inspire la crainte et l’anxiété.
Platon et la souillure
16Dans ce contexte, on ne saurait oublier Platon, surtout le Platon des Lois et son discours sur les différents profils des meurtriers et sur l’impiété, un discours qui, comme le remarque avec justesse Glenn Morrow, le commentateur de cette œuvre platonicienne, suit plus ou moins les principes des lois athéniennes contemporaines60. Dans le livre IX des Lois, Platon détaille les différentes punitions qui frappent ceux qui ont commis des meurtres pour des raisons diverses : par folie ou par colère, involontairement ou de façon préméditée, etc. Ce long discours, que l’Athénien adresse à Clinias, est dominé par les thèmes de la « souillure » (μίασμα) et de la « purification » (καθαρμός), par le souci obsessionnel d’expulser, de bannir le meurtrier, voire, dans certains cas, de le condamner à mort. Malheur à celui qui « étant impur, ose aller vers les lieux sacrés et y sacrifier61 » ! Grand malheur au meurtrier qui « n’obéit pas à la loi mais, étant impur, souille la place publique, les jeux et les autres lieux sacrés62 » ! Ici, cependant, nous devons rappeler que tout cela ne regarde pas seulement ceux qui tuent, mais toute personne qui commet un acte interdit par la loi. Ainsi, dit Platon (881d-882a), si quelqu’un est condamné pour avoir maltraité ses parents, il sera tout d’abord chassé pour toujours de la ville, vers une autre partie du pays, puis « il se verra interdire tous les hiera » (πάντων ἱερῶν εἰργέσθω), sans compter que, s’il revient en ville, il sera puni de mort. De plus, son éventuelle présence dans la cité aura de graves conséquences aussi pour les autres. S’il arrive à quelqu’un parmi les hommes libres « de manger ou de boire avec lui » (συμφάγῃ ἢ συμπίῃ), ou d’avoir avec lui quelque autre « communication » (κοινωνίαν) de ce genre, « ou même, tout simplement, s’il le touche volontairement, en le rencontrant par hasard63 », que cet homme « ne mette le pied dans aucun sanctuaire, ni dans la place publique, ni où que ce soit dans la cité, avant de s’être purifié64 », en considérant qu’il « a participé à un sort criminel » (κεκοινωνηκέναι ἀλιτηριώδους τύχης) – ce qui veut sans doute dire qu’il devient aussi miaros. En effet, continue Platon, si cet homme libre, « en désobéissant à la loi, souille illégalement les hiera et la cité65 », celui des magistrats qui, s’en étant aperçu, ne le citera pas en justice, s’exposera en rendant ses comptes à la plus grave accusation qu’on puisse porter contre lui.
17Ces passages donnent seulement une idée partielle du long discours que tient Platon, comme nous l’avons dit, sur la question de la souillure et de sa contamination si redoutée, ainsi que sur la nécessité absolue de se purifier et de chasser l’agos hors les frontières de la cité. En effet, Platon ne se lasse pas de revenir sur toutes ces interdictions, prononcées toujours par la loi « au nom de toute la cité » (ὑπὲρ πάσης τῆς πόλεως), et qui frappent le meurtrier : « Il sera écarté des pratiques coutumières, pour qu’il ne puisse souiller ni les hiera, ni la place publique, ni les ports, ni aucun autre endroit de rassemblement commun66. » La peur est là, non seulement la peur de la contagion, mais aussi la peur de la punition67, qu’elle soit divine ou humaine. Car celui qui ne poursuivrait pas le meurtrier, alors qu’il le doit, celui-là « recevra contre lui-même la souillure et l’inimitié des dieux68 ». Tout acte d’ailleurs doit être scruté et pesé, pour s’assurer qu’il ne risque pas de provoquer de la pollution. Comme le dit, par exemple, Platon, dans la République, il ne faut pas porter non plus les armes (τὰ ὅπλα) dans les sanctuaires, pour les y consacrer, et à plus forte raison les armes des Grecs. Car « nous craindrons plutôt qu’il n’y ait quelque souillure du fait d’apporter dans le sanctuaire de telles [armes] venant de ceux qui nous sont apparentés, à moins que le dieu ne le dise autrement69 ».
De la peur à l’horreur
18Une dernière réflexion pour clore cette partielle exploration d’un sujet qui peut parfois échapper à l’attention. On pourrait, en fait, percevoir une sorte de progression graduelle du sentiment de la peur, selon les causes qui la provoquent. Et il me semble que, de ce point de vue, Les Sept contre Thèbes d’Eschyle offrent un exemple aussi subtil qu’éloquent. En effet, au début de la tragédie, le Chœur constitué d’une troupe de femmes épouvantées « pousse de grands cris » (θρεῦμαι [ou θρέομαι], v. 78), il est secoué par la « peur » (φόβος, v. 121) devant les armes puissantes de l’armée ennemie qui s’approche. Les femmes demandent à Athéna et à Poséidon ἐπίλυσιν φόβων, « de les délivrer de leurs peurs » (v. 132). C’est justement cette « peur effroyable », ce φόβος ταρβόσυνος70, qui les fait monter sur l’acropole, endroit honorable, pour implorer les dieux. Or, lorsqu’Étéocle décide d’affronter lui-même son frère Polynice, alors ce n’est pas la guerre qui affole le Chœur, mais le fratricide imminent prédit par l’Érinye d’Œdipe, ce père qui, dans sa folie, a lancé des malédictions contre ses fils71. Mais cette fois, le double fratricide qui signe la mort des deux frères est un miasma, « une souillure qui ne vieillit pas72 ». Comme l’expriment, d’ailleurs, avec autant d’intensité les verbes πέφρικα (v. 720), ou τρέω (v. 790), le Chœur « frissonne de crainte », « tremble de peur », terrifié par la présence de l’Érinye du père, de cette divinité de vengeance qui ruine les maisons, qui ne ressemble pas aux dieux, qui est une vraie devineresse de malheurs (v. 720-723). Il a raison de « trembler » à l’idée que cette Érinye, qui court si vite, puisse accomplir la malédiction d’Œdipe (v. 785-791) : les « vœux malheureux » (εὐχὰς δυσπότμους) d’un père, qui allaient précipiter les deux frères dans la tombe (v. 818-819). D’autant plus, que cette catastrophe annoncée est la conséquence de la faute ancestrale des Labdacides, cette « transgression née depuis longtemps » (παλαιγενῆ…παρβασίαν, v. 742-743), qui menace maintenant la survie de la cité, tout entière73. On est toujours ici dans l’espace polyvalent de la peur, mais on est monté plus haut sur son échelle, on est passé de la peur de guerre à une peur suprême, exprimée par d’autres termes, encore plus forts, pour désigner l’horreur qui saisit le Chœur à cause de ce miasma impérissable74. En fin de compte, on pourrait penser que la souillure appartient au type des kaka, dont parlait Aristote dans sa définition de la peur, ces maux susceptibles de causer de grandes peines et destructions, surtout, je dirais, dans des cas où le miasma fait partie de ces « choses effrayantes », des φοβερά, qui sont « tout près » de nous (σύνεγγυς)75.
⁂
19Je m’arrête ici, tout en ayant conscience que, dans ce texte, j’ai laissé de côté un nombre de points importants, qui mériteraient un traitement à part, comme, par exemple, le rapport entre la peur et la loi76 : un sujet qui a intéressé bien entendu certains spécialistes, mais qu’il ne serait pas, sans doute, inutile de reprendre, en mettant au centre de la réflexion la question de la souillure, de ce miasma qui a tant préoccupé, tourmenté, obsédé le nous et le cœur des Anciens.
Notes de bas de page
1 S. Georgoudi, « Reflections on Sacrifice and Purification in the Greek World », dans S. Hitch et I. Rutherford (dir.), Animal Sacrifice in the Ancient Greek World, Cambridge/New York/Melbourne, Cambridge University Press, 2017, p. 105-135.
2 Cf., à titre d’exemple, E. Sanders et M. Johncock (dir.), Emotion and Persuasion in Classical Antiquity, Stuttgart, Franz Steiner, 2016 ; E. Visvardi, Emotion in Action: Thucydides and the Tragic Chorus (Mnemosyne, suppl. 377), Leyde/Boston, Brill, 2015 ; D. Cairns et L. Fulkerson (dir.), Emotions between Greece and Rome, Londres, Institute of Classical Studies, 2015 (mais voir infra, n. 7, les travaux de E. M. Harris sur la pollution).
3 D. Konstan, The Emotions of the Ancient Greeks: Studies in Aristotle and Classical Literature, Toronto/Buffalo/Londres, University of Toronto Press, 2006, p. 148 : « The contexts in which I have examined fear have all been military » ; cf. aussi infra.
4 R. Parker, Miasma: Pollution and Purification in Early Greek Religion, Oxford, Clarendon Press, 1983, p. 211 et n. 22 (ces auteurs sont cités à la p. 209, n. 11).
5 Ibid., p. 128.
6 L. Gernet et A. Boulanger, Le Génie grec dans la religion, Paris, Albin Michel, 19702 (1932), p. 118-121 (cependant, L. Gernet n’emploie pas ici le mot « anxiété »), voir aussi infra. E. R. Dodds, The Greeks and the Irrational, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1951, p. 44 (mais, sauf erreur de ma part, dans son chap. v, où Dodds se réfère aux seers, healers, et autres shamans, il n’est pas question d’anxiety).
7 R. Parker, op. cit., p. 293-294. Sur ces questions, je suivrais plutôt les analyses et les réflexions de E. M. Harris qui discute les thèses de R. Parker et d’autres spécialistes, en montrant, plusieurs textes à l’appui, que les peurs de la souillure étaient bien présentes au ive siècle : « The fears of pollution therefore did not “arise” in one period and then die out. They were rooted in beliefs that can be found in Homeric poems and continued right down into the Classical period » : E. M. Harris, « The Family, the Community and Murder: The Role of Pollution in Athenian Homicide Law », dans C. Ando et J. Rüpke (dir.), Public and Private in Ancient Mediterranean Law and Religion, Berlin/Munich/Boston, De Gruyter, 2015, p. 11-35 (la citation p. 22) ; Idem, « Pollution and Purification in Athenian Law and in Attic Tragedy », dans S. Bigliazzi, F. Lupi et G. Ugolini (dir.), Studies in Honour of Guido Avezzù, Vérone, Skenè Studies, I/1, 2018, p. 419-454.
8 L. Gernet et A. Boulanger, op. cit., p. 120.
9 Hésiode, Les Travaux et les jours, 706 : Εὖ δ᾽ ὄπιν ἀθανάτων μακάρων πεφυλαγμένος εἶναι. Sur ce sens du terme opis s’appliquant aux dieux lorsqu’ils châtient les hommes « pour toute faute commise », voir P. Chantraine, DELG, s.v. ὄπις ; cf. aussi M. L. West (éd.), Hesiod, Theogony, Oxford, Clarendon Press, 1978 (1966), v. 222, p. 230, à propos de la phrase θεῶν ὄπιν : « divine punishment and not merely divine regard », un sens que West attribue aussi au v. 706 des Travaux.
10 Comme, par exemple, le fait d’offrir à Zeus ou aux autres Immortels des libations de vin noir « avec des mains non lavées » (χερσὶν ἀνίπτοισιν, v. 725).
11 Hésiode, Les Travaux et les jours, 740-741 : ὃς ποταμὸν διαβῇ κακότητ᾽ ἰδὲ χεῖρας ἄνιπτος,/τῷ δὲ θεοὶ νεμεσῶσι καὶ ἄλγεα δῶκαν ὀπίσσω. Sur ces vers, cf. le commentaire de M. L. West (éd.), Hesiod, Works and Days, Oxford, Clarendon Press, 1978, p. 339, ainsi que de R. Parker, op. cit., p. 293-294. Sur Hésiode et ses recommandations, cf. les analyses de A. Petrovic et I. Petrovic, Inner Purity & Pollution in Greek Religion, t. I : Early Greek Religion, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 41-52 (« Hesiod on Moral Badness as Impurity »).
12 Sur ces stèles, cf. les réflexions pertinentes de N. Belayche, « Les stèles dites de confession : une religiosité originale dans l’Anatolie impériale ? », dans L. de Blois, P. Funke et J. Hahn (dir.), The Impact of Imperial Rome on Religions, Ritual and Religious Life in the Roman Empire, Leyde/Boston, Brill, 2006, p. 66-68.
13 Sur le châtiment des dieux et la peur qu’il inspire, en général, voir les analyses circonstanciées d’A. Chaniotis, « Constructing the Fear of Gods. Epigraphic Evidence from Sanctuaries of Greece and Asia Minor », dans A. Chaniotis (dir.), Unveiling Emotions. Sources and Methods for the Study of Emotions in the Greek World, Stuttgart, Franz Steiner, 2012, p. 205-234.
14 Ibid., p. 217 avec la n. 46 : ὅτι μεμολυμένος εἶ ; cf. aussi N. Belayche, « “Un châtiment adviendra”. Le malheur comme signe des dieux dans l’Anatolie impériale », dans S. Georgoudi, R. Koch Piettre et F. Schmidt (dir.), La Raison des signes. Présages, rites, destin dans les sociétés de la Méditerranée ancienne, Leyde/Boston, Brill, 2012, p. 319-342, 330.
15 Cf. A. Chaniotis, art. cité, p. 210 : « impurity resulting from the neglect of a religious duty was also often regarded as communicable and potentially collective ».
16 Platon parle justement, dans le Phèdre, 244d-e, de ces παλαιὰ μηνίματα, littéralement, de ces « antiques ressentiments » divins, de ces « anciennes causes de colère » qui frappent certaines familles de maladies et de grands malheurs.
17 Dans son livre classique Le Pur et l’impur dans la pensée des Grecs, d’Homère à Aristote (Études et commentaires, 12), Paris, Klincksieck, 1952.
18 Bien qu’il parle, en passant, de « la crainte qu’inspire » la souillure du meurtrier : L. Moulinier, op. cit., p. 45-46.
19 R. Gagné, Ancestral Fault in Ancient Greece, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2013 (voir p. 11-12, sur les thèses de L. Moulinier). Ainsi, pour une série de cas que je mentionne ici, je renvoie pour les détails et les développements substantiels à cet ouvrage, afin de me limiter surtout à la question de la peur à cause de la souillure ou par rapport à elle.
20 E. Lhôte, Les Lamelles oraculaires de Dodone, Genève, Droz, 2006, no 14 : ἐπερωτῶντι Δωδωναῖοι τὸν | Δία καὶ τὰν Διώναν ἦ δι᾽ ἀνθρώ|που τινὸς ἀκαθαρτίαν ὁ θεὸς | τὸ<ν> χειμῶνα παρέχει. Cf. A. Chaniotis, art. cité, p. 210.
21 Cf., par exemple, Hippocrate, Des airs, des eaux, des lieux, 6 (l’air est qualifié d’akathartos).
22 Platon, Timée, 72c ; Démosthène, (XXI) Contre Midias, 119 : ὑπερβολὴν ἀκαθαρσίας.
23 Cf. les termes καθαρός, καθαρά (pur, pure) : lamelles 2381A (vie siècle av. n. è.), 4131B (ive siècle av. n. è.), 2432B (2e moitié du ive siècle av. n. è.) ; ou le verbe μιαίνω, lorsqu’on demande de savoir si quelque chose est susceptible de « souiller ou pas » : μιανῖ (ἢ) οὔ; (lamelle no 308A, milieu du ve siècle av. n. è.) : S. Dakaris, I. Vokotopoulou, A. Christidis et S. Tzelikas, Τα χρηστήρια ελάσματα της Δωδώνης των ανασκαφών Δ. Ευαγγελίδη, Athènes, I en Athinais Archailogiki Etaireia, 2013. Cf. le même verbe μιαίνω (dans ses diverses formes : μιανεῖ, μιᾶι, μιασεῖ, μιαίνεται) dans la loi cathartique de Cyrène (SEG L, 1638/CGRN, no 99, fin du ive siècle av. n. è.).
24 En revanche, R. Parker, op. cit., p. 8-9, ne retient que la peur du châtiment divin, lorsqu’il est question d’éviter le contact avec un enagês.
25 Pseudo-Lysias, (VI) Contre Andocide, 20 : οὔτε γὰρ ὁ θεὸς παραχρῆμα κολάζει (sur le § 20, voir aussi le commentaire de S. C. Todd, A Commentary on Lysias. Speeches 1-11, Oxford/New York, Oxford University Press, 2007, p. 455).
26 Ibid. : ὥστε πολλοὺς ἤδη ἐπιθυμῆσαι τελευτήσαντας τῶν κακῶν ἀπηλλάχθαι. Sur ce passage, cf. R. Gagné, op. cit., p. 463-464. Sur ce discours attribué à Lysias, en relation avec le Sur les mystères (I) d’Andocide, où cet orateur attaque ses accusateurs, cf. encore R. Gagné, « Mystery Inquisitors: Performance, Authority, and Sacrilege at Eleusis », ClAnt, 28, 2, 2009, p. 211-247, surtout p. 235-241, où l’intérêt porte particulièrement sur « the theatrical fear of the civic spectacle, the phobos of tragedy » (p. 240).
27 L. Gernet et A. Boulanger, op. cit., p. 135.
28 Thucydide, I, 126, 11 : καθεζομένους δέ τινας καὶ ἐπὶ τῶν σεμνῶν θεῶν τοῖς βωμοῖς ἐν τῇ παρόδῳ ἀπεχρήσαντο.
29 Hérodote, V, 71 ; Thucydide, loc. cit. ; Aristophane, Les Cavaliers, 445-446 : τῶν ἀλιτηρίων… τῶν τῆς θεοῦ.
30 Souda, s.v. ἀλιτήριος· ἀνόσιος, ὁ ἐνεχόμενος μιάσματι καὶ ἐξημαρτηκὼς εἰς θεούς.
31 Thucydide, I, 126, 12.
32 Aristote, Constitution d’Athènes, I et XX, 2 : διὰ τὸ τοὺς Ἀλκμεωνίδας δοκεῖν εἶναι τῶν ἐναγῶν. Aristote ajoute d’ailleurs (XX, 3), que, pour cette raison, Cléomène, en arrivant à Athènes, chassa sept cents familles athéniennes.
33 R. Gagné, op. cit., surtout p. 206-209 et 306-325.
34 Plutarque, Vie de Solon, 12, 1. Plutarque reprend ainsi le récit bien connu, n’oubliant pas également de rappeler qu’on n’a même pas épargné ceux qui s’étaient réfugiés près des autels des Vénérables déesses (σεμνὰς θεάς).
35 Ibid., 12, 6 : καὶ φόβοι τινὲς ἐκ δεισιδαιμονίας ἅμα καὶ φάσματα κατεῖχε τὴν πόλιν· οἵ τε μάντεις ἄγη καὶ μιασμοὺς δεομένους καθαρμῶν προφαίνεσθαι διὰ τῶν ἱερῶν ἠγόρευον.
36 R. Gagné, op. cit., p. 314.
37 Plutarque, Vie de Solon, 12, 7 : θεοφιλής, καὶ σοφὸς περὶ τὰ θεῖα ; 12, 9 : ἱλασμοῖς τισι καὶ καθαρμοῖς καὶ ἱδρύσεσι […] καθοσιώσας τὴν πόλιν. Sur le sens ici du verbe καθοσιοῦν, cf. J. Rudhardt, Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, Picard, 19922 (1958), p. 168. Voir aussi Aristote, Constitution d’Athènes, I, où il est dit de façon laconique que le Crétois Épiménide « purifia la cité » (ἐκάθηρε τὴν πόλιν).
38 Diogène Laërce, I, 109-110, où l’auteur conclut que, « pour cette raison » (διὰ τοῦτο), deux jeunes gens étaient mis à mort, ce qui a mis fin à ce malheur (καὶ λυθῆναι τὴν συμφοράν) ; sur ces faits, cf. R. Gagné, op. cit., p. 315-317.
39 Cf. S. Georgoudi, « À propos du sacrifice humain en Grèce ancienne : remarques critiques », ARG, 1, 1999, p. 61-82, 80-82.
40 Je suis consciente que tout meurtrier ne devient pas obligatoirement miaros (voir infra). Sur les différents types de pollution, voir E. M. Harris, « Is Oedipus Guilty? Sophocles and Athenian Homicide Law », dans E. M. Harris, D. E. Leão et P. J. Rhodes (dir.), Law and Drama in Ancient Greece, Londres, Duckworth, 2010, p. 122-146, 133 : « There was not one type of pollution from homicide, but several levels, each one calibrated to express different levels of culpability. » Cf. aussi les remarques de A. Petrovic et I. Petrovic, op. cit., p. 158-160 (p. 160 : « An individual who committed intentional and unjustifiable homicide was considered to be permanently impure; pollution clings to such a person even after death »).
41 Démosthène, (XX) Contre Leptine, 158 : χέρνιβος εἴργεσθαι τὸν ἀνδροφόνον, σπονδῶν, κρατήρων, ἱερῶν, ἀγορᾶς. Voir sur ce passage, le commentaire de M. Canevaro, Demostene, Contro Leptine. Introduzione, Traduzione e Commento Storico, Berlin/Boston, De Gruyter, 2016, p. 420-422. Le terme hiera pose un problème qu’on ne saurait examiner ici. On le traduit par « lieux sacrés », « sacrifices », « offrandes », « cérémonies sacrées », « sanctuaires » ou « temples », bien que cette dernière acception soit rare (cf. Platon, Le Banquet, 189c : ἱερὰ κατασκευάσαι καὶ βωμούς). Voir, en général, J. Casabona, Recherches sur le vocabulaire des sacrifices en grec, des origines à la fin de l’époque classique (Annales de la faculté des lettres, N.S. 56), Paris, Ophrys, 1966, p. 5-18.
42 Cf. la juste remarque de E. M. Harris, « The Family », art. cité, p. 18 : « The Athenians believed that pollution was contagious: if one associated with a person who was polluted, one risked becoming infected by his pollution and thereby incurring the anger of the gods. »
43 Cf. E. M. Harris, « Pollution and Purification », art. cité, p. 432-434.
44 Démosthène, (XX) Contre Leptine, 158 : ἐν τοίνυν τοῖς περὶ τούτων νόμοις ὁ Δράκων φοβερὸν κατασκευάζων καὶ δεινόν. La thèse, soutenue par certains, selon laquelle la pollution serait absente des lois de Dracon (M. Gagarin, Drakon and Early Athenian Homicide Law, New Haven/Londres, Yale University Press, 1981, p. 165-167), ou encore que « the threat of miasma… appears to be later than Draco » (E. Carawan, Rhetoric and the Law of Draco, Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 18), cette thèse a été contestée par d’autres : cf., par exemple, E. M. Harris, « The Family », art. cité ; M. Canevaro, op. cit., p. 420-421. Quoi qu’il en soit, on pourrait suivre en général l’opinion de R. Stroud, lorsqu’il affirme, en se référant au passage du Contre Leptine, 158, que « there is no reason to question the authenticity of the Drakontian laws mentioned in this passage » (R. Stroud, Drakon’s Law on Homicide, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1968, p. 38).
45 Sophocle, Œdipe roi, 236-241 : τὸν ἄνδρ᾽ ἀπαυδῶ τοῦτον, ὅστις ἐστί, γῆς τῆσδ᾽, ἧς ἐγὼ κράτη τε καὶ θρόνους νέμω, μήτ᾽ ἐσδέχεσθαι μήτε προσφωνεῖν τινα, μήτ᾽ ἐν θεῶν εὐχαῖσι μήτε θύμασιν κοινὸν ποεῖσθαι, μήτε χέρνιβος νέμειν· ὠθεῖν δ᾽ ἀπ᾽ οἴκων πάντας. Sur la construction et le sens de ces vers, je préfère suivre le commentaire de R. Jebb, The Oedipus Tyrannus of Sophocles, Cambridge, Cambridge University Press, 1966 (18792), p. 33-34, selon lequel le roi adresse ses ordres à tous les citoyens, en leur interdisant tout contact avec le meurtrier. En revanche, en prenant le pronom indéfini τινα pour un complément et non pas pour un sujet, J. Bollack, L’Œdipe Roi de Sophocle : le texte et ses interprétations. Commentaire, première partie, vol. 2, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires de Lille, 1990, p. 154-155, soutient qu’Œdipe n’interpelle pas la « collectivité thébaine », mais qu’il s’adresse « directement au meurtrier pour le forcer à rompre avec ses concitoyens » – ce qui va à l’encontre de toute une série de textes où ce sont les gens d’une communauté qui sont incités à rompre radicalement avec le meurtrier, cet effroyable miaros, en le bannissant de leur univers.
46 Cf. le commentaire des vers 241-242 par R. Jebb, op. cit., p. 34 : « ὡς μιάσματος κ.τ.λ. “knowing that this is our defiling thing” » (c’est R. Jebb qui souligne).
47 Sophocle, Œdipe roi, 96-98 : Ἄνωγεν ἡμᾶς Φοῖβος ἐμφανῶς ἄναξ/μίασμα χώρας ὡς τεθραμμένον χθονὶ/ἐν τῇδ᾽ ἐλαύνειν μηδ᾽ ἀνήκεστον τρέφειν. Voir, sur ces vers, le commentaire de J. Bollack, op. cit., p. 54-57, qui note, entre autres : « L’oracle révèle, dans la “souillure”, une cause “collective”, non identifiée, de la calamité » (p. 56).
48 Sophocle, Œdipe roi, 99-101. Cf. sur ces vers A. Petrovic et I. Petrovic, op. cit., p. 180 ; certes, le loimos est en général un miasma, comme disent ces auteurs (p. 179), mais il me semble qu’en l’occurrence, le coupable lui-même puisse aussi être qualifié de miasma, comme il ressort de la réponse de Pythie (voir supra avec la note 46), ainsi que des paroles d’Œdipe (voir supra, v. 241-243).
49 Cf., sur ce vers, le commentaire de R. Jebb, op. cit., p. 32 : « and if he is afraid (as knowing himself to be the culprit)… » (c’est R. Jebb qui souligne).
50 Rappelons, dans Œdipe à Colone de Sophocle, la supplique qu’Œdipe adresse au Chœur des vieillards de Colone qui viennent d’apprendre la vraie identité de ce « vieil aveugle » (τυφλοῦ γέροντος, v. 1), lorsque, conduit par Antigone, il arrive dans leur dème, à l’orée du bois des Euménides : « Ah ! n’ayez crainte (δέος) de rien de ce que je vous dis » (v. 223). Il n’empêche : le Chœur, terrorisé, poussant des cris (ἰού, ἰού, v. 220 ; ἰώ, ὢ ὤ, v. 224), veut chasser le meurtrier et sa fille : « Dehors ! Partez loin de ce pays » (Ἔξω, πόρσω βαίνετε χώρας, v. 226). Un meurtrier, souillé par définition, ne saurait qu’inspirer une peur effroyable aux gens qu’il approche.
51 Euripide, Iphigénie en Tauride, 1226-1229 : ἐκποδὼν δ᾽ αὐδῶ πολίταις τοῦδ᾽ ἔχειν μιάσματος, | εἴ τις ἢ ναῶν πυλωρὸς χεῖρας ἁγνεύει θεοῖς | ἢ γάμον στείχει συνάψων ἢ τόκοις βαρύνεται, | φεύγετ᾽ ἐξίστασθε μή τῳ προσπέσῃ μύσος τόδε ; cf. P. Kyriakou, A Commentary on Euripides’ Iphigeneia in Tauris, Berlin/New York, De Gruyter, 2006, p. 390.
52 P. Chantraine, DELG, s.v. μύσος.
53 Euripide, Iphigénie en Tauride, 939-978. Sur ce récit, voir aussi le commentaire détaillé de P. Kyriakou, op. cit., p. 305-318.
54 On reconnaît ici un aition de la fondation de la fête des Choes, le deuxième jour des Anthestéries (cf. R. Parker, Polytheism and Society at Athens, Oxford, Oxford University Press, 2005, en particulier p. 293-301).
55 Phanodemos, 325, fr. 11 (éd. F. Jacoby), apud Athénée, X, 437 c-d (sur hiera, voir supra n. 41). Selon d’autres sources, il s’agit du roi d’Athènes Pandion : Scholia Aristoph. Equites, 95 ; Souda, s.v. Χόες. Sur le motif du silence que s’impose Oreste (ou les convives), cf. Plutarque, Propos de table, I, 2, Œuvres morales, 613B, et 10, 1, 643A-B, où Plutarque donne, comme hôtes d’Oreste, les Démophantides en suivant sans doute la tradition de Phanodemos.
56 Lysias, (XIII) Contre Agoratos, 79 : οὔτε γὰρ συσσιτήσας τούτῳ οὐδεὶς φανήσεται οὔτε σύσκηνος γενόμενος οὔτε ὁ ταξίαρχος εἰς τὴν φυλὴν κατατάξας, ἀλλ᾽ ὥσπερ ἀλιτηρίῳ οὐδεὶς ἀνθρώπων αὐτῷ διελέγετο.
57 Pseudo-Lysias, (VI) Contre Andocide, 52-53 (à lire avec le commentaire de S. C. Todd, op. cit., p. 472-473).
58 Antiphon, (V) Sur le meurtre d’Hérode, 82 : διακωλύοντες τὰ ἱερὰ μὴ γίγνεσθαι τὰ νομιζόμενα.
59 Antiphon, (II) Première Tétralogie, I, 10. Selon Louis Gernet, le traducteur d’Antiphon (CUF, Paris, 1923), ces praxeis « doivent s’entendre comme les affaires de la cité même ». Sur la pollution dans les Tétralogies d’Antiphon, cf. M. Gagarin, Antiphon the Athenian. Oratory, Law, and Justice in the Age of the Sophists, Austin, University of Texas Press, 2002, p. 109-112. Sur Antiphon, par rapport aux homicides et la pollution, cf. aussi E. M. Harris, « Is Oedipus Guilty? », art. cité, en particulier p. 125-128. Sur the fear of defilement et le miasma dans les Tétralogies, cf. E. Carawan, op. cit., p. 192-198.
60 G. R. Morrow, Plato’s Cretan City. A Historical Interpretation of the Laws, Princeton (NJ), Princeton University Press, 1960 (cf. p. 474 : « Most of these are matters of religious law, and here Plato follows the spirit, if not always the letter, of contemporary Athenian law »). Voir aussi E. M. Harris, « The Family », art. cité, p. 15-17, qui s’oppose à l’opinion de R. Parker, op. cit., p. 128, selon laquelle : « The prominence of pollution in the Laws is characteristic of that work’s profound religious conservatism. »
61 Platon, Lois, IX, 866a : ἀκάθαρτος ὢν εἰς τὰ ἱερὰ τολμᾷ πορεύεσθαι καὶ θύειν.
62 Ibid., IX, 868a : μὴ πείθηται τῷ νόμῳ, ἀλλ᾽ ἀκάθαρτος ὢν ἀγοράν τε καὶ ἆθλα καὶ τὰ ἄλλα ἱερὰ μιαίνῃ.
63 Ibid., IX, 881e : ἢ καὶ μόνον ἐντυγχάνων που προσάπτηται ἑκών.
64 Ibid., IX, 881e : μήτε εἰς ἱερὸν ἔλθῃ μηδὲν μήτ᾽ εἰς ἀγορὰν μήτ᾽ εἰς πόλιν ὅλως πρότερον ἢ καθήρηται.
65 Ibid., IX, 881e : ἀπειθῶν νόμῳ ἱερὰ καὶ πόλιν μιαίνῃ παρανόμως.
66 Ibid., IX, 871a : τῶν νομίμων εἰργέσθω, μήτε ἱερὰ μήτε ἀγορὰν μήτε λιμένας μήτε ἄλλον κοινὸν σύλλογον μηδένα μιαίνων.
67 Φοβουμένῳ… τὴν τοιαύτην δίκην, dira l’Athénien des Lois, en parlant de celui qui craint ce type de châtiment (ibid., IX, 870e).
68 Platon, Lois, IX, 871b : τὸ μίασμα εἰς αὑτὸν καὶ τὴν τῶν θεῶν ἔχθραν δέχοιτο.
69 Platon, République, V, 469 e-470 a : μᾶλλον δὲ καὶ φοβησόμεθα μή τι μίασμα ᾖ πρὸς ἱερὸν τὰ τοιαῦτα ἀπὸ τῶν οἰκείων φέρειν, ἐὰν μή τι δὴ ὁ θεὸς ἄλλο λέγῃ.
70 Eschyle, Les Sept contre Thèbes, 240 : littéralement, en l’occurrence, « la peur qui fait peur », selon P. Chantraine (DELG, s.v. ταρβέω), qui considère l’adjectif ταρβόσυνος comme une « épithète de φόβος », en renvoyant à ce vers de la tragédie. On dirait que, par cet adjectif (qui est un hapax), on voulait redoubler l’intensité de la peur qui envahit le Chœur des femmes.
71 Cf. C. M. Dawson, Aeschylus, The Seven against Thebes, A Translation with Commentary, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall, 1970, p. 14-15.
72 Eschyle, Les Sept contre Thèbes, 682 : οὐκ ἔστι γῆρας τοῦδε τοῦ μιάσματος.
73 R. Gagné, op. cit., p. 355 ; cf. en général, ibid., p. 351-362, sur Les Sept contre Thèbes.
74 Je ne saurais donc suivre D. Konstan, op. cit., p. 147, lorsqu’il semble vouloir, d’une certaine façon, dissocier la « peur » de l’« horreur ».
75 Aristote, Rhétorique, II, 5, 1382a, 20-30. Cf. A. Nehamas, « Pity and Fear in the Rhetoric and the Poetics », dans A. Oksenberg Rorty (dir.), Essays on Aristotle’s Poetics, Princeton (NJ)/Londres, Princeton University Press, 1992, p. 291-314.
76 Ce que les Grecs ne manquaient pas de signaler. Cf., à titre d’exemple, ce qu’affirme Périclès dans sa fameuse oraison funèbre : « dans le domaine des affaires publiques, nous n’agissons pas contre la loi, à cause surtout de la crainte » (τὰ δημόσια διὰ δέος μάλιστα οὐ παρανομοῦμεν, Thucydide, II, 37, 3) ; ou ce que déclare Ménélas : « car jamais les lois dans une cité ne se porteraient bien, là où la crainte n’était pas établie » (οὐ γὰρ ποτ᾽ οὔτ᾽ ἂν ἐν πόλει νόμοι καλῶς φέροιντ᾽ ἄν, ἔνθα μὴ καθεστήκῃ δέος, Sophocle, Ajax, 1073-1074).
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