Chapitre VI. Le directeur général de l’Enseignement technique
p. 99-124
Texte intégral
1À partir du 1er octobre 1933, Hippolyte Luc préside officiellement aux destinées de l’enseignement technique français. Désormais, il est l’enseignement technique. Rien de ce qui touche, de près ou de loin, à son champ de responsabilités ne lui est étranger. Il appartient à cette catégorie d’« individualités assez dynamiques et globalisantes1 » capables d’investir des domaines qui dépassent les frontières de leurs strictes attributions. Aussi acquiert-il une notoriété que lui reconnaît, dans un portait non dénué d’ironie, l’un des chroniqueurs du quotidien des élites modérées, Le Temps : « Et voici l’autre pôle de la vie nationale que représente M. Hippolyte Luc, directeur général de l’Enseignement technique, qui sait ce qu’il veut, et ayant le goût du risque, le veut bien. Et comme, pour sa part, il est homme à lire Le Politique ou La République de Platon dans le texte, ses vues s’élèvent d’autant. […] Quelle netteté de pensée, quelle fermeté de dessein, sans omettre une générosité de sentiments qui dépasse le niveau des humanités techniques, des humanités comptables, et, particulièrement, fiscales2 ! »
Hippolyte Luc sur tous les fronts
2À tout seigneur tout honneur : l’Association française pour le développement de l’enseignement technique (AFDET) constitue le lieu d’influence par excellence. Non seulement Luc en est le vice-président mais il en dirige les huit commissions de travail3. De plus, son propre fils, Jean, assure le secrétariat de La Formation professionnelle, revue officielle de l’association. Il n’est pas non plus anodin d’observer que d’octobre 1936 à avril 1938, Jean occupe également le poste de chef de cabinet adjoint d’Alfred Jules-Julien au sous-secrétariat d’État de l’Enseignement technique. Nous y reviendrons.
3Hippolyte Luc assume aussi plusieurs fonctions importantes au sein de la Ligue de l’enseignement. Délégué du département de la Seine au Conseil général de la Ligue, il est en même temps commissaire général de l’UFOLEA (Union française des œuvres laïques pour l’éducation artistique) et commissaire général adjoint de l’UFOCEL (Union française des œuvres du cinéma éducateur laïque). Créées en 1933, UFOCEL et UFOLEA sont deux des quatre composantes de la Ligue destinées à regrouper nationalement les œuvres laïques par types d’activités4. Ces positions font de Luc un des « ligueurs éminents5 » et lui procurent une réelle capacité d’action dans les champs des activités post-scolaires, de la formation des adultes et de l’Enseignement artistique. C’est ainsi qu’en cumulant ses fonctions de directeur général de l’Enseignement technique, de commissaire général adjoint de l’UFOCEL et de président de la sixième commission de l’AFDET, il exerce une influence non négligeable dans la révolution audio-visuelle alors en cours en plaidant pour le développement du cinéma et de la radio dont il a compris qu’ils constituent d’efficaces outils au service de « l’enseignement professionnel des hommes et des femmes, l’enseignement ménager, la propagation de l’hygiène, la vulgarisation de la puériculture6 ». Et, quand, en novembre 1936, Jean Zay envisage la création d’un Conservatoire des arts cinématographiques, c’est à la direction générale de l’Enseignement technique qu’il pense pour en assurer la tutelle7. Ce multi-positionnement vaut à Luc les critiques acerbes du rédacteur en chef de La Croix qui l’accuse de participer au complot maçonnique visant à priver l’économie nationale du produit de la taxe d’apprentissage en le détournant au profit des œuvres laïques8.
4La lecture des journaux de l’époque montre qu’à l’égal d’un homme politique, Luc a compris la force symbolique de la représentation publique et ne néglige aucune manifestation concernant l’enseignement technique. Sa présence physique semble agir comme une véritable consécration de l’évènement auquel il participe. Il est par exemple significatif que le journal L’Ouest-Éclair précise qu’il est « venu tout exprès de Paris9 » pour donner une conférence à la journée pédagogique de la circonscription d’enseignement primaire de Saint-Lô (Manche). Mais si Luc sait se faire voir, il sait aussi se faire entendre, écouter et comprendre.
5Les congrès de tout niveau auxquels il participe lui fournissent des tribunes à partir desquelles il peut promouvoir le modèle français de formation professionnelle, à commencer par les congrès internationaux. En entrant, dès 1931, au premier conseil d’administration du Bureau international de l’enseignement technique (BIET), Luc intègre le « petit comité d’hommes aux compétences reconnues et particulièrement bien inscrits dans les administrations scolaires des différents pays européens10 » qui collaborent avec le Bureau international du travail (BIT) pour construire une véritable politique européenne de la formation professionnelle. Lors des congrès internationaux de l’Enseignement technique11, ses interventions, très écoutées, lui confèrent le statut d’un véritable expert international pour tout ce qui touche à l’orientation et à la formation. La politique qu’il conduit en France pour unifier les diplômes est donnée en exemple et fournit la matière d’une recommandation de la conférence générale de l’Organisation internationale du travail à Genève le 8 juin 193912. Sa réputation lui vaut d’être invité à plusieurs autres congrès internationaux comme ceux de la chimie industrielle (1933), de la publicité (1937), de l’enseignement primaire et de l’éducation populaire (1937) ou des écoles supérieures de commerce (1937). Luc est également présent dans tous les congrès nationaux où il s’agit d’expliquer ses conceptions de l’orientation et de la formation des jeunes : depuis ceux de la Ligue de l’enseignement où il prend une part active et militante, à ceux d’associations d’anciens élèves, d’ingénieurs ou de diverses organisations professionnelles.
6Les inaugurations d’écoles et de monuments, les vernissages d’expositions, les distributions de prix sont autant d’opportunités pour rappeler l’histoire de l’enseignement technique, en analyser les enjeux dans le présent et plaider en faveur de son développement. Si les inaugurations d’écoles publiques (ENP de Saint-Étienne, de Poligny, lycée et école pratique d’Auxerre) sont pour lui des passages obligés, Luc soigne tout particulièrement celles des centres de formation créés et financés par les employeurs privés, marquant ainsi l’intérêt que son administration porte à de telles réalisations : laboratoire du BTP (1935), école de l’hôtellerie et de la restauration fondée par les hôteliers, restaurateurs et limonadiers de Paris (1936), école des métiers de la meunerie (1937), école de l’aluminium de Chambéry (1938), etc.
7Luc ne néglige pas non plus les manifestations festives. Il ne boude ni les bals, ni les banquets ou les galas de toute nature. Les matinées dansantes des élèves de l’ENSET et le bal de l’enseignement technique donné chaque année, en février, dans les salons de l’hôtel de ville de Rennes sont des rituels institutionnels auxquels il se doit de participer. Mais on le rencontre aussi bien dans les dîners mondains de l’ambassade de Chine à Paris ou dans ceux du cercle des « Arts et Lettres » que dans les banquets corporatifs de l’Union des syndicats de l’alimentation en gros ou du syndicat des experts-comptables. Même la fête de nuit donnée au Moulin de la Galette le 7 mai 1937 par le syndicat des opérateurs électriciens cinématographiques peut s’enorgueillir de sa présence.
8Les conférences constituent une des activités auxquelles il prend visiblement plaisir en donnant la pleine mesure de sa culture philosophique et littéraire servie par un incontestable talent oratoire. Quels que soient les sujets, les circonstances et les publics, Luc est d’abord celui dont l’éloquence séduit. L’inauguration d’un simple foyer artisanal à Mulhouse lui donne l’occasion de prononcer un discours que la presse juge « d’une haute tenue littéraire et d’une parfaite compréhension13 ». Devant des patrons de la métallurgie, c’est par « une brillante allocution14 » qu’il fait connaître son point de vue sur l’apprentissage. Le journaliste du Petit Parisien estime que le discours tenu devant un parterre d’industriels, de parlementaires et de techniciens lors de l’inauguration de l’école de l’aluminium de Chambéry, est d’une « forme parfaite et d’une inspiration étoffée15 ». On pourrait ainsi multiplier les comptes rendus régulièrement élogieux publiés dans la presse nationale et régionale. Orateur brillant, Luc sait varier les registres, jouant aussi bien sur l’affectivité – « Une fois de plus, l’orateur a su créer dans la salle une émotion intense16 » – que sur la pédagogie pour faire passer ses messages car il est celui qui « s’efforce de faire comprendre17 ». Bref, partout on loue « sa facilité d’élocution et sa clarté démonstrative18 » et les avis sont unanimes : « Ceux qui ont eu l’avantage d’entendre M. Luc, y ont trouvé un plaisir et un intérêt extrêmes19. »
9Luc écrit aussi beaucoup. Sa contribution au t. XV de L’Encyclopédie française où il rédige l’article consacré à « La culture technique », lui vaut de figurer dans la catégorie dite « Des hommes d’élite » au côté de Laugier, Wallon, Piéron et Bouglé dans les encarts publicitaires. Il est également l’auteur ou le coauteur de plusieurs ouvrages consacrés à la formation professionnelle des jeunes20. Sa production dépasse le seul cadre de ses fonctions puisqu’il publie chez Delagrave, en compagnie d’Élie Bertrand, trois manuels de littérature, notamment une imposante Introduction à l’étude des littératures modernes. La pensée française et européenne des origines à la Renaissance. Histoire littéraire et textes choisis, de 820 pages (1934), suivie de deux autres ouvrages plus spécifiquement destinés aux élèves des écoles techniques21.
10Luc est également préfacier22. Loin d’être mineur, ce registre d’activités permet de mesurer la notoriété qui est alors la sienne. Le fait que des auteurs lui demandent de préfacer leurs ouvrages montre qu’ils lui reconnaissent un rôle de parrain dont le nom, à lui seul, constitue une garantie de qualité qui recommande le livre aux potentiels lecteurs. Et si on veut bien admettre que « la préface est un échange de services23 », en se pliant à ce type d’exercice Luc en retire un accroissement de sa propre renommée, y compris dans des milieux a priori éloignés de l’enseignement technique comme le montre celle qu’il consacre à l’ouvrage d’Henri-Marcel Magne, L’Art et les Techniques, paru en janvier 1936, qui lui permet de faire valoir son point de vue dans le monde des critiques d’art. Luc préface principalement des ouvrages à caractère pédagogique – manuels techniques, traités théoriques, vade-mecum – couvrant un large éventail de spécialités professionnelles et de disciplines : travail du bois et du fer, maçonnerie, mécanique, carrosserie automobile, comptabilité, vente, sténographie, algèbre, chimie, français, législation ouvrière, etc. En 1944, il écrit même la préface d’un Dictionnaire allemand-français des mots et expressions techniques24.
11Enfin, Luc se fait chroniqueur. Du 4 janvier 1939 au 8 juin 1940, il rédige à un rythme quasi hebdomadaire, 69 chroniques pour L’Information Universitaire sous les pseudonymes de L. Hache puis de Hachel. Par leur tonalité et la variété des sujets abordés, elles ne sont pas sans rappeler les célèbres Propos du philosophe Alain. Si, sans surprise, il y développe ses thèmes favoris – orientation, qualification, problèmes de la jeunesse – il donne également des textes très combatifs condamnant sans appel le nazisme. C’est ainsi qu’évoquant sa participation au congrès international de l’enseignement technique tenu à Berlin du 25 au 29 juillet 1938, il relate l’indignation qui fut la sienne en entendant ses collègues italiens et allemands expliquer que, seuls, les modèles fasciste et nazi d’apprentissage formaient des hommes libres : « Sur le moment, mes oreilles tintèrent, je fus abasourdi. Puis l’esprit me revint et je faillis crier au scandale. […] Je me calmai, on me calma. […] Surtout, prudemment, on me montra l’araignée noire qui me guettait sur les drapeaux25. » Cet épisode lui donne l’occasion de prononcer un violent réquisitoire contre les modernes sophistes que sont, à ses yeux, Hitler et Mussolini : « Il y a sophisme si ceux qui proclament la liberté la refusent. L’Autriche, la Tchécoslovaquie, l’Albanie sont-elles libres ? Non, mille fois non. Les Juifs sont-ils libres en terre allemande ? Les marxistes y sont-ils libres ? Non, il n’y a plus dans ce système, ni droit des gens, ni liberté individuelle, ni liberté de penser26. »
Fonder une société sur la qualification : « Cela mènerait jusqu’à la justice »
12Avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire en juin 1936, s’ouvre une période au cours de laquelle Hippolyte Luc donne toute la mesure de sa capacité à analyser une situation historique inédite, à en décrypter les enjeux et à agir rapidement pour en tirer avantage au profit du grand dispositif d’enseignement technique d’État qu’il souhaite édifier. De ce point de vue ses réactions à la signature des premières conventions collectives constituent un exemple emblématique de la convergence qui peut s’opérer, par l’action d’un individu, entre un évènement imprévu et une volonté politique de long terme. Luc prend alors des initiatives qui révèlent le pouvoir dont il se sent investi et éclairent la marge d’autonomie dont il dispose.
13Quand survient « le coup de soleil de 3627 », la direction de l’enseignement technique poursuit depuis dix ans déjà une politique qui vise à unifier nationalement les programmes des formations et les conditions de délivrance des diplômes pour mettre fin au foisonnement des spécialités locales et à la multiplication anarchique des certifications. La validité de cette politique est mise à l’épreuve de la réalité par le mouvement social de mai-juin 1936. En effet, les conventions collectives de la métallurgie définissent l’ouvrier qualifié comme celui qui possède « un métier dont l’apprentissage peut être sanctionné par un CAP », et la loi du 24 juin 1936 prévoit qu’un accord conclu dans une entreprise particulière puisse s’appliquer à toute une branche ou à toute une région, s’imposant ainsi à toutes les entreprises. En faisant du diplôme un instrument de classement des salariés, les accords collectifs mettent en pleine lumière la question de l’extension de la légitimité du CAP et de son homogénéisation. L’intelligence politique de Luc est alors de comprendre que le mouvement social en cours et la politique gouvernementale convergent avec les visées stratégiques de la direction de l’Enseignement technique et que s’ouvre une fenêtre d’opportunité qu’il lui faut exploiter pour accélérer le processus engagé depuis une décennie. Aussi réagit-il très vite.
14Les premières grèves débutent le 11 mai, la première convention collective est signée le 12 juin dans la métallurgie parisienne. Le 24 Luc informe le comité de l’AFDET qu’il a déjà rencontré des délégations ouvrières et contacté le ministère du Travail28. De son propre aveu, il est inquiet. Il a lu les premières conventions et a besoin de connaître les intentions des organisations syndicales quant au devenir des diplômes de l’enseignement technique29. Dans un premier temps, il contacte les syndicalistes qu’il connaît bien, ceux qui siègent à la commission permanente du Conseil supérieur de l’enseignement technique. Il s’agit de Robert Bothereau, René Belin, Oreste Capocci et Claude Liochon. Ces sont des dirigeants de haut niveau de la CGT puisque Bothereau, proche de Léon Jouhaux, et Belin sont tous deux secrétaires confédéraux tandis que Capocci et Liochon dirigent respectivement les fédérations des Employés et des Travailleurs du livre. Ce premier contact semble avoir tranquillisé Luc car les syndicalistes lui ont donné l’assurance que « les textes sur lesquels nous vivons seront sauvegardés et que les dispositions qui sont envisagées ont pour but non pas de diminuer, mais au contraire de renforcer la valeur de l’apprentissage30 ». Apparemment, Luc ne se contente pas de ce premier avis, il rencontre également plusieurs délégations ouvrières de la région parisienne sans toutefois en préciser la composition. « Toutes31 » lui affirment que « le but de ces conventions était de renforcer la formation des ouvriers qualifiés et d’empêcher que des ouvriers non-qualifiés soient payés au taux des ouvriers qualifiés32 ». Enfin, par l’intermédiaire des préfets, il a connaissance des demandes exprimées par les syndicats CGT de plusieurs départements qui, à l’exemple de ceux du Loiret, affirment leur soutien à l’enseignement technique et déclarent qu’il serait « très désirable que les diverses institutions relevant de cet enseignement fassent l’objet d’une réglementation unitaire33 ». Luc a donc l’assurance que les syndicalistes ne s’opposeront pas à la poursuite de sa politique, bien au contraire.
15En prenant contact avec le ministère du Travail, il veut fixer les limites des champs de responsabilités des deux administrations. Il s’agit, pour lui, de marquer son territoire en matière de définition de la qualification. Là encore, il obtient l’assurance, de la part du directeur du Travail qu’« on laisserait à l’Enseignement technique le soin de résoudre le problème de la qualification professionnelle34 ». Même si la formulation reste vague, Luc comprend que le Travail lui laisse la responsabilité de définir, par le biais des programmes de formation et des modalités de leur validation, le contenu des qualifications. Assuré du soutien des organisations syndicales et de la neutralité du ministère du Travail, il peut s’appuyer sur les conventions collectives pour justifier et amplifier la refonte générale des programmes et des règlements d’examens en vue de leur unification à l’échelon national :
« Fait nouveau, nos diplômes professionnels sont pris pour base dans les conventions collectives pour opérer le classement des travailleurs. C’est dire l’obligation plus grande qui nous est faite de donner à ces diplômes la valeur que les gens de métier leur attribuent. C’est dire combien l’enseignement technique se doit d’apporter plus que jamais à ceux qui bénéficient de ses disciplines l’aide d’un savoir professionnel sérieux. Mais il va de soi que le CAP ne peut avoir sa pleine valeur que s’il est acquis sur des programmes et règlements d’examens communs, à la suite d’épreuves d’un même niveau et faisant l’objet de la part des examinateurs, dans toute la mesure du possible, des mêmes exigences, des mêmes appréciations. Il faut qu’il soit possible d’affirmer que tous les apprentis, qui dans le pays présentent un CAP, sont en mesure de prouver une habileté manuelle égale, une formation professionnelle équivalente dans l’exercice d’un même métier ou d’une même profession […]. Il est donc devenu urgent de faire disparaître ces différences trop grandes dans le niveau du CAP en sorte que ce diplôme ne soit plus une récompense facile, mais un brevet que l’on gagne35. »
16Le chantier ouvert est gigantesque. Il s’agit, pour une administration centrale aux dimensions relativement modestes, d’entreprendre la révision générale de tous les programmes et règlements d’examens de tous les CAP créés depuis 191136 sur le territoire national et de procéder à l’harmonisation de leurs épreuves. Luc mobilise l’ensemble du corps des inspecteurs généraux et propose aux préfets deux solutions pour unifier les épreuves d’examens : soit les sujets sont élaborés par une commission départementale composée d’un inspecteur et de professeurs et directeurs d’écoles publiques d’enseignement technique, « à l’exclusion de tous autres » ; soit ils sont fabriqués à la base par les jurys puis soumis au contrôle de « quelques directeurs d’écoles publiques d’enseignement technique » qui ont pouvoir de les modifier pour « leur donner un niveau commun ». Luc précise que la première solution lui « semble préférable ». Dans les deux cas, il veille à ce que les agents de l’institution scolaire publique gardent la haute main sur le niveau d’exigence des épreuves. Visiblement pressé d’aboutir, il conclut la circulaire du 4 avril 1938 par cette injonction digne de l’officier d’infanterie entraînant ses hommes : « Cette réforme devra avoir son plein effet en 1939. »
17En réalité, le projet porté par Luc est plus ambitieux encore. Afin que la valeur de tous les diplômes professionnels – et pas seulement les CAP – soit garantie sur l’ensemble du marché national du travail, il faut que l’État, et lui seul, ait le monopole de leur délivrance. Car, dans le contexte de la crise économique, Luc considère que la tâche prioritaire est « de former un nombre le plus grand possible de gens qualifiés, cadres moyens qualifiés, ouvriers qualifiés, ingénieurs qualifiés, dignes de leurs titres37 » et qu’il faut donc garantir « la valeur de placement des diplômes » auprès des employeurs. Le problème avait été posé dès le début des années 1920 pour protéger le titre d’ingénieur menacé par la multiplication d’écoles dont toutes n’offraient pas de garanties suffisantes quant au sérieux de leurs études. C’est ainsi que la loi du 10 juillet 1934 instaura une « commission des titres d’ingénieurs » chargée de vérifier et de décider si les écoles techniques privées donnaient « un enseignement suffisant pour délivrer des diplômes d’ingénieurs38 ». C’est dans le même esprit que la direction de l’Enseignement technique prépare, en septembre 1935, puis par deux fois en 1936, plusieurs avant-projets de lois et de décrets visant à interdire aux écoles, cours ou instituts privés de délivrer leurs propres diplômes, brevets ou certificats. Toutes ces tentatives furent mises en échec par une coalition réunissant la Confédération générale du patronat français (CGPF)39, la Confédération française des professions commerciales, industrielles et libérales40, des chambres de commerce de grandes villes41, des associations de Parents d’élèves de l’enseignement libre, des Amicales d’anciens élèves et des directeurs d’écoles privées. Un épisode de cette bataille en dit long sur l’autorité acquise par Luc et sur sa capacité à l’exercer. Le sénateur du Haut-Rhin, Médard Brogly est le rapporteur, devant la Haute Assemblée, de la seconde version du projet de loi réglementant la délivrance des diplômes professionnels42. Dans un premier temps, Luc lui reproche, par écrit, d’avoir rédigé un mauvais rapport car il « ne contient que les arguments des adversaires du projet et ne peut aboutir qu’à son rejet43 ». À la suite de cette quasi-admonestation, Brogly est convoqué à la direction de l’Enseignement technique. Le récit que le sénateur fait de son entretien avec Luc est éloquent :
« Au cours de notre entretien du 10 novembre [1938], il m’a exprimé son désir de voir changer mon rapport de fond en comble en renonçant à l’historique du projet et à quelques réserves faites dans mon texte et en ne présentant que les motifs qui militent en faveur du dernier texte. […]
Je l’informais, à cette occasion, qu’il y aura sûrement un amendement à prévoir visant la suppression du cadre départemental des examens et demandant l’organisation de ces examens par académie ou par région économique. Il m’a répondu qu’il combattrait un tel amendement énergiquement. […]
Dans notre réunion commune avec M. Luc, celui-ci m’avait promis de me faire donner connaissance, par ses services, des abus44 qui avaient provoqué le dépôt du projet initial no 219, pour que je sois armé si l’on m’interpellait pendant la discussion. Cette fois-ci, il m’a refusé nettement ces renseignements. Ce n’est vraiment pas compréhensible45. »
18La stratégie suivie par Luc n’est pas seulement celle du haut fonctionnaire soucieux de régulation étatique, elle répond aussi aux préoccupations sociales du républicain humaniste chez qui les conséquences de la crise ont renforcé la conviction qu’« il y a danger dans la multiplication des manœuvres [qui] sont les premiers atteints par le chômage, [et] les plus difficiles à reclasser46 ». Ces ouvriers-là, explique-t-il, sont aussi « les moins libres [car] on ne choisit pas quand on n’a que ses deux bras à offrir47 ». Dans ces conditions, la nécessité s’impose de qualifier la force de travail des plus démunis en rendant « le travail intelligible et intelligent ». C’est, aux yeux de Luc, une véritable conquête sociale qui, non seulement libère les ouvriers d’une « servitude odieuse », mais va dans le sens des avancées techniques qui exigent un « apprentissage intelligent48 » et de l’intérêt économique de la nation. Son analyse rejoint ici les revendications des syndicats ouvriers. Dans la réponse qu’il donne à l’enquête que la revue Europe mène sur « L’Homme, la Technique et la Nature » en juillet 1938, il se range explicitement dans le camp de la classe ouvrière en plaidant pour une « éducation professionnelle humaine et libératrice » :
« La production n’est pas tout. La partie du patronat qui ne voit qu’elle, combattant jadis l’école professionnelle, moins capable disait-on que l’atelier de former des mains habiles et productives, s’opposant encore aux progrès, dans ces écoles, de l’enseignement général, fait preuve d’égoïsme, non de réalisme. C’est justement, au contraire, que la classe ouvrière s’oppose à une spécialisation prématurée et, avide de culture humaine, demande à l’éducation, à la seule éducation qu’elle reçoit, en vue du métier, à cause du métier, de ne point la rendre esclave cependant du métier, de l’affranchir au contraire de la servitude odieuse et totale, physique, intellectuelle, économique, qui l’a rivée au métier pendant des siècles, c’est justement qu’elle lui demande d’être instrument de libération. Et c’est l’autre principe de l’éducation professionnelle qu’elle soit humaine et libératrice. C’est-à-dire éducation vraie, non dressage49. »
19Administrateur soucieux de mettre en ordre le système des diplômes, républicain social attentif au sort des ouvriers sans formation, c’est en philosophe que Luc définit la qualification en se référant à ce qu’il appelle deux « principes platoniciens » : celui des aptitudes – « nos goûts, nos intérêts, nos vocations » – et celui de l’apprentissage méthodique. De la combinaison de ces deux principes résulte, selon lui, la qualification : « On devient qualifié, compétent, quand, aidé par ses aptitudes, formé par l’apprentissage, on a acquis cette maîtrise c’est-à-dire cette aisance dans le travail, cette richesse d’invention, cette intelligence des moyens, cette sûreté d’adaptation qui caractérisent les vrais ouvriers et j’entends par là tous ceux qui ont à faire une œuvre, qu’elle soit ou non manuelle50. » Cette qualification-là, parce qu’elle exige de la méthode et du temps – « On ne forme pas d’ouvriers qualifiés en quelques mois » – ne peut valablement s’acquérir que dans les écoles techniques. Et Luc se prend à rêver : « Cela irait loin si on fondait une société, une nation, le monde sur la compétence, sur la qualification ; cela mènerait jusqu’à la justice. Aucune révolution jusqu’ici n’a eu telle hardiesse51. »
« Mettre une âme de beauté dans l’utile »
20Cette formule, dans sa brièveté, résume parfaitement ce que fut le projet de Luc dans un domaine où, a priori, on ne l’attendait pas : l’enseignement artistique. Sa préoccupation est d’abord celle de l’humaniste qui, dans le mouvement de démocratisation culturelle des années du Front populaire, veut mettre l’art à la portée du plus grand nombre : « Je me sens riche, riche de tout ce que je connais de beau, de grand, de tout ce que je peux sentir et éprouver ; mais si je suis riche, très riche, je veux que le peuple le soit aussi et que ce que j’aime il apprenne à l’aimer52. » Comme souvent chez Luc, le poids des origines n’est jamais bien loin quand il s’agit d’établir un lien explicite entre son passé et ses fonctions : « À mes origines je dois aujourd’hui la volonté qui m’anime de compléter cette œuvre d’éducation populaire en ramenant l’art aux métiers, afin que ceux-ci soient bons et leur production belle, ce qui est notre destinée française ; afin que la noblesse de l’art, source de tout enthousiasme, charme et consolation de la vie, s’allie pour le peuple à la noblesse de la pensée53. » Ces raisons d’agir entrent sans doute en résonnance avec une sensibilité artistique, et plus particulièrement littéraire, déjà manifeste chez le jeune homme exprimant en vers son admiration pour Suzanne, chez le soldat rêvant de paix pendant la guerre et aussi chez le haut fonctionnaire saisissant toute occasion pour extérioriser, en de brefs poèmes, ses angoisses existentielles54.
21En proclamant son intention de « ramener l’art aux métiers », Luc n’exprime pas seulement sa volonté de protéger et développer l’artisanat d’art, spécialité française à laquelle il est très attaché. Il vise également un autre objectif, plus ambitieux : mettre de la beauté dans les objets d’usage courant, fabriqués en grandes séries. La portée sociale de cette revendication est clairement exprimée :
« S’imagine-t-on qu’il soit digne du peuple de se contenter d’objets médiocres ? S’imagine-t-on qu’on l’a servi et qu’on l’a aimé, quand on a déclaré d’avance qu’il y aurait dans notre production deux sortes d’objets, ceux destinés aux riches, et ceux médiocres de forme et de matière, destinés au peuple ? Est-ce qu’il n’y a pas là je ne sais quelle injure profonde contre laquelle le peuple tout entier devrait protester ? Le but de la civilisation ce n’est pas cela, c’est d’abord de donner aux objets utiles une forme belle55. »
22C’était aussi, dans son esprit, une manière de compenser la défaillance des musées qu’il qualifie de « cimetières indignes de la beauté et indignes du peuple56 » où sont enfermées les œuvres d’art auxquelles le peuple n’a pas accès. Concilier standardisation et recherche esthétique, quantité et qualité, n’est donc pas pour lui contradictoire. C’est même nécessaire pour sauver la part d’humanité en chaque individu, à la fois producteur et consommateur. En effet, le philosophe rationaliste qui voit dans la technique « le fruit naturel de la science57 » en perçoit aussi les limites qui sont celles d’un utilitarisme desséchant. Aussi estime-t-il qu’« une époque technicienne a besoin d’une immense compensation. Le vrai remède c’est l’art58 ». De ce constat, le directeur général de l’Enseignement technique conclut à la nécessité de développer l’enseignement artistique dans les écoles dont il a la responsabilité au nom du principe : « Pas d’éducation professionnelle sans éducation artistique59. » Démocratiser l’accès à la culture et humaniser le travail par l’art sont les deux facettes d’un même combat qu’il résume parfaitement dans une des chroniques qu’il donne à L’Information universitaire en novembre 1939 :
« Il s’agissait d’allier le fond à la forme, d’obtenir la qualité, même dans ces objets fabriqués en grande série et à bon marché dont le peuple doit se satisfaire. On voulait mettre une âme de beauté dans l’utile et pour cela, il fallait donner une âme artiste aux producteurs de tout ordre, ingénieurs, contremaîtres, ouvriers, aux vendeurs aussi et au public. Artiste et technicien, cela doit aller ensemble, car il y a autant de technique dans l’art, même pur, que d’art dans la technique quand elle est parfaite, quand elle s’élève à ce point où l’élégance de la forme devance et résout les exigences du calcul industriel60. »
23Pour « donner une âme artiste aux producteurs » il fallait remplir deux conditions : l’une, institutionnelle, obligeait à faire travailler ensemble la direction de l’Enseignement technique et celle des Beaux-Arts ; l’autre, d’ordre doctrinal, imposait de s’engager dans la bataille idéologique pour mettre au diapason de la modernité les codes esthétiques dominant dans le monde des arts appliqués.
24Depuis le milieu des années 1920, l’Enseignement technique et les Beaux-Arts se livrent une concurrence féroce qui, sur le terrain, prend des allures de « lutte sournoise et continue61 » entre écoles techniques et écoles de dessin. Les effets en sont catastrophiques car « les élèves ayant des métiers mi-techniques, mi-artistiques sont tiraillés entre les deux enseignements et doivent opter soit pour l’un, soit pour l’autre ; c’est-à-dire que, suivant le hasard de leur choix, ils seront techniciens sans goût ou artistes sans connaissances pratiques, de toute façon artisans incomplets62 ». Luc veut mettre fin à cette rivalité stérile en rapprochant les deux administrations qui appartiennent au même ministère. Pour réaliser son projet, il trouve un allié de poids : Georges Huisman.
25Chartiste, agrégé d’histoire, Huisman est « un rénovateur “radical” dans tous les sens du mot63 ». Son intérêt précoce pour l’histoire de l’art l’a conduit à publier plusieurs ouvrages caractérisés par « des choix esthétiques modernistes64 ». Les deux hommes se connaissent et s’apprécient : Luc appelle Huisman son « camarade et ami65 ». Leur collaboration remonte à 1927. Cette année-là, selon le témoignage de Luc, tous deux avaient écrit à Herriot, alors ministre de l’Instruction publique, pour le sensibiliser aux problèmes de l’enseignement artistique. À la suite de leur intervention, Herriot demanda à la direction de l’Enseignement technique et à celle des Beaux-Arts de collaborer afin de bâtir des formations d’art appliqué fondées sur des principes communs. C’était, selon Luc, « une grande affaire66 » dont la réalisation put réellement démarrer avec l’arrivée de Huisman à la direction des Beaux-Arts en février 1934 car, ajoute-t-il, « nous avons décidé de l’entreprendre ensemble67 ».
26De fait, en 1935, le Conseil supérieur de l’enseignement technique décide d’introduire un enseignement d’art appliqué dans les EPCI, les ENP et les écoles hôtelières. À la rentrée 1936, l’École normale supérieure de l’enseignement technique dont Luc fut directeur par intérim d’octobre 1932 à janvier 1934, ouvre une nouvelle section dite « des arts appliqués aux métiers » (section C)68. Preuve de l’efficacité de la collaboration entre Luc et Huisman, l’arrêté de création stipule, en son article 4, que le contenu des formations suivies par les élèves-professeurs sera fixé chaque année conjointement par les directeurs généraux de l’Enseignement technique et des Beaux-Arts.
27Luc et Huisman, reconnus comme les artisans de ce rapprochement, sont chaleureusement salués dans la revue Comoedia par le critique d’art Yvanhoé Rambosson qui se félicite qu’une « même doctrine salvatrice inspire d’une façon générale l’enseignement des arts et des métiers69 ». De fait, l’enseignement technique est alors le seul qui prenne véritablement au sérieux l’éducation artistique en se dotant d’un corps de professeurs spécialisés, chargés d’appliquer des programmes spécifiques d’enseignement des arts appliqués.
28Pour fixer la doctrine de ce nouvel enseignement, Luc fait appel à Henri-Marcel Magne, professeur d’art appliqué au Conservatoire national des arts et métiers70. Celui-ci avait publié en 1918 un ouvrage au titre éloquent – L’enseignement de l’art appliqué aux métiers71 – dans lequel il résumait sa conception de la création artistique : « Toute œuvre humaine répond à une idée ou à un besoin. Pour sa réalisation, l’homme choisit une matière. Si l’idée est parfaitement exprimée, si l’objet répond parfaitement à son usage, si la matière est parfaitement employée, ces qualités de perfection font que l’œuvre est une œuvre d’art72. » Militant activement pour « l’union de l’art et de l’industrie73 », Magne prône l’utilisation des nouveaux matériaux tels que le béton, le plastique et l’aluminium. C’est donc à lui que Luc demande, à la rentrée de 1935, de donner cinq conférences à l’intention des directeurs des écoles techniques et des professeurs qui enseignent le dessin et l’art appliqué pour leur transmettre « l’idée maîtresse d’une nouvelle “Philosophie de l’Art” ». Et le laboratoire de Magne au CNAM devient le « véritable centre d’application et de formation des futurs professeurs74 ». Quand il publie en janvier 1936 L’Art et les techniques75, c’est Luc qui en rédige la préface.
29Les conceptions de Magne et la politique conduite par Luc sont relayées dans les milieux artistiques par certaines des revues les plus actives dans la bataille pour la modernisation de l’enseignement des arts appliqués. C’est ainsi que Comoedia consacre un compte rendu élogieux à l’ouvrage de Magne dont elle salue « le bon combat » et ne manque pas de rendre hommage à « des hommes tels que M. Huisman et M. Luc » grâce à l’action desquels « on nous prépare des éducateurs qui transformeront demain la mentalité des jeunes générations76 ». De son côté, la « vieille revue de référence77 » Art et décoration que dirige Louis Chéronnet, critique d’art marxiste et l’un des « principaux théoriciens ou pédagogues esthétiques du temps78 », qualifie Luc de « belle intelligence et grand cœur79 ». La même revue évoque « une conversation récente avec M. Hippolyte Luc, l’actif et clairvoyant directeur général de l’Enseignement technique lequel nous a promis de nous faire profiter, chaque fois que nous pourrons en avoir besoin, de ses conseils et avis80 ». Luc est présenté comme une des « hautes personnalités du monde des arts » au côté de Jean Fressinet (directeur de l’École des Arts appliqués à l’industrie), du célèbre ensemblier Maurice Dufrêne, du décorateur René Gabriel et de l’architecte Francis Jourdain qui est l’un des « trois grands patriarches de l’architecture et de l’art décoratif d’avant-garde81 », proche du Parti communiste et un des fondateurs de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR).
30De son côté, dans les entretiens qu’il donne à la presse spécialisée, Luc n’hésite pas à présenter un bilan très positif de son action d’où l’autosatisfaction n’est pas absente et où l’emploi répété du possessif signale la conscience qu’il a de son propre pouvoir : « Nos écoles ont reçu comme consigne de collaborer […] Le contact des artistes et de mes techniciens est excellent […] J’ai nommé ces professeurs d’Art appliqué dans mes écoles techniques, non pas pour qu’ils fassent d’eux [les élèves] des artistes : l’art pousse où il veut. Non, je travaille seulement pour que les miens aient l’inquiétude de l’art82. » Visiblement écouté et respecté dans les milieux politiquement et esthétiquement d’avant-garde, Luc est en revanche la cible des traditionnalistes qui tournent férocement en dérision son action : « On ne voit pas que, depuis l’avènement de M. Luc, nouvelle étoile au firmament des Arts, de ses écoles et de ses professeurs, la culture artistique du public se soit améliorée83 ! »
31L’exposition universelle qui se tient à Paris du 25 mai au 25 novembre 1937, significativement dénommée « Exposition internationale des Arts et des Techniques appliqués à la Vie moderne » dont le commissaire général n’est autre qu’Edmond Labbé, marque une étape importante dans l’accomplissement des projets partagés par Luc. C’est lui qui, le 10 novembre 1937, préside la première séance du tout nouvel Institut de recherche et de coordination artistique et technique (IRCAT) dont l’un des fondateurs est Georges Bastard84, « ami fraternel » et « compagnon de route85 » de Luc, tandis qu’est créé au CNAM un Centre de recherches et de liaison entre artistes, ingénieurs, industriels et ouvriers pour « inventer l’expression artistique de la vie moderne86 ».
32Dans ce domaine comme dans d’autres, Luc franchit les frontières strictes de l’enseignement technique pour investir l’espace du système scolaire dans son ensemble. Dénonçant le peu de considération accordée à l’enseignement artistique, il estime que l’école ne pourra éduquer des hommes complets qu’en accordant sa place légitime à l’art et que, de même qu’« on a dû concéder une place à la vie physique longtemps exclue, il faudra bientôt faire sa place à la vie artistique87 ». De cet enseignement-là, Luc a une vision très large qui englobe « toutes les formes de l’art » afin de donner aux élèves « par le dessin, la couleur, le modelage, la musique et même quelques techniques d’art appliqué, des habitudes, des aptitudes de travail créateur […] pour leur plus grande joie, pour l’épanouissement en eux des plus beaux dons de l’homme88 ». Il n’est donc pas surprenant qu’en 1937, quand fut élaboré par le Comité central des arts appliqués89 un programme de réforme de l’enseignement artistique qui dépassait le simple cadre scolaire et visait, en réalité, à n’être rien moins qu’un vaste « programme de rénovation et de développement de la culture artistique90 », il apparut, aux yeux de tous comme « le plan d’Hippolyte Luc91 ».
« Prendre le commandement de son destin » par l’orientation professionnelle
33Luc consacre aussi une grande partie de son temps, de ses discours et de ses écrits à la question de l’orientation professionnelle. L’intérêt qu’il lui porte est à la mesure de l’importance d’un problème qui, selon lui, « intéresse à la fois l’individu et la famille, l’école et la profession, la société même92 ». Dans cette perspective, il n’est pas absurde de considérer l’orientation comme un « fait social total93 » que Luc analyse comme tel. Ses prises de position peuvent s’interpréter de plusieurs points de vue : celui du directeur général de l’Enseignement technique, celui de l’homme de gauche réformiste, celui du pédagogue et celui du philosophe.
34En tant que directeur de l’Enseignement technique, Luc accorde une attention toute particulière au choix du métier dont il considère qu’il constitue un moment crucial de la vie d’un individu. Or, déplore-t-il, ce choix dépend le plus souvent du hasard de la naissance94. En digne héritier des Lumières et du positivisme, il veut opposer à l’injustice du hasard, une démarche fondée sur la toute-puissance de la raison. Cette démarche a un nom – orientation professionnelle – et une définition : « La recherche de tous les moyens que l’on peut employer pour rendre rationnel et efficace le choix d’un métier95. » Il pilote une « administration conquérante96 » en ce domaine qui, au lendemain de la guerre, a encouragé la création d’offices d’orientation professionnelle dans tous les départements. C’est même elle qui en a la tutelle administrative depuis le décret du 26 septembre 1922. À la DET, Luc travaille en parfaite harmonie avec l’un des pionniers de l’orientation, ancien professeur à l’ENP d’Armentières et aux Arts et Métiers de Lille : l’inspecteur général Julien Fontègne97. Luc retrouve également le réseau des jeunes savants, déjà croisés aux Compagnons de l’université nouvelle, comme Henri Laugier et Henri Wallon, qui portent, sous la direction d’Henri Piéron, le projet de fonder une psychologie scientifique et une psychotechnique capables de déceler les aptitudes des futurs apprentis. Et c’est Luc qui « plaide la cause de Piéron auprès d’Edmond Labbé98 » pour la création de l’Institut national d’orientation professionnelle (INOP) en février 1928. En réalité, son positionnement est à son image : subtil et complexe. Dans le « grand bouillonnement épistémologique99 » qui caractérise l’histoire de l’orientation au cours de ces années, il se situe au croisement de plusieurs courants, parfois antagonistes. Proche de Piéron, il considère que la psychotechnique est un outil efficace qu’il voudrait voir utiliser « avec audace100 », mais dont il discerne les limites et demande qu’elle ne soit utilisée que « dans la mesure où elle sera la servante docile de nos desseins pédagogiques, de nos ambitions de véritable et complète éducation humaine101 ». Par ailleurs, la familiarité entretenue avec le patronat taylorien l’amène à fréquenter les animateurs de la filiale française de l’Institut Pelman où se développe une « nébuleuse de pratiques102 » que Piéron condamne fermement et n’hésite pas à qualifier de « dérives charlatanesques103 ». Et pourtant, c’est Luc qui en « tient104 » le service d’orientation avec Fontègne et une élève de Piéron, Léone Bourdel, bibliothécaire à l’INOP et enseignante à l’école d’Organisation scientifique du travail dont Luc est lui-même membre du comité de patronage depuis sa fondation en décembre 1934.
35Pour l’homme de gauche réformiste, orienter n’est pas seulement affecter chaque jeune sur le marché du travail à la place qui correspond le mieux à ses goûts, à ses aptitudes et aux besoins de l’économie. C’est aussi contribuer à bâtir une société mieux organisée parce que plus juste, dans laquelle ce n’est pas « la place de sa naissance, de son argent, de ses relations, de sa ruse, de sa violence105 » qui détermine la position sociale d’un individu, mais le choix éclairé et librement consenti de son activité professionnelle. Cependant, l’exigence de justice n’exclut pas la préservation de l’ordre établi. Luc voit dans l’orientation professionnelle l’une des réponses possibles aux désordres engendrés par la crise des années 1930, désordres qui, à ses yeux, revêtent plusieurs formes : l’exacerbation de la lutte des classes et « la confusion des sexes avec les revendications féminines106 ». Ce dernier point éclaire la contradiction qui oppose en lui le pater familias traditionnaliste et l’homme de gauche progressiste qui ne peut plus ignorer que « désormais le travail fait partie de l’horizon des possibles d’une majorité de femmes107 ». Luc considère en effet que le travail des femmes est un facteur de désagrégation des familles ouvrières car « la femme, est distraite de ses devoirs (avoir des enfants et s’en occuper) pour aller travailler au-dehors108 ». Et si, à l’égal des garçons, il préconise pour les jeunes filles une orientation rationnelle, il ne leur destine pourtant que des métiers qui, selon lui, « conviennent aux femmes109 » et s’inquiète de ce qu’il appelle « leur vie propre » autrement dit leur rôle de futures épouses et mères : « Qui sauvera le foyer si le métier en arrache la femme, l’empêchant d’être complètement épouse et mère ? C’est le grand problème de l’enseignement ménager110. » Toujours soucieux d’ordre, Luc craint également le risque de déclassement que l’absence d’orientation fait peser sur « ces étudiants que la nécessité pousse à exercer des occupations subalternes111 ». Il redoute enfin qu’une fraction de la jeunesse, privée de formation professionnelle par défaut d’orientation, devienne « une sorte de jeunesse errante dont les dérèglements menacent de succéder à ceux de la jeunesse de la guerre ». Bref, pour Luc, si « l’orientation professionnelle veut la justice », elle est aussi « un facteur d’ordre et d’organisation » car « quand on a fait sa place, il faut l’accepter ».
36En Luc veille aussi le pédagogue qui n’a pas oublié son passé de professeur. Pour lui, l’orientation n’est pas dissociable de l’éducation en vertu du principe que « l’éducation implique l’orientation [et] inversement, l’orientation favorise l’éducation112 ». Cette interdépendance entraîne une transformation radicale de la manière d’apprendre et d’enseigner. Parce qu’elle exige d’avoir une connaissance approfondie de chaque enfant, une orientation réussie nécessite de mettre les élèves en capacité d’agir et de réfléchir par eux-mêmes et cela « ne consiste point à répéter les paroles ni les pensées des maîtres ou des livres, mais à résoudre des problèmes, à penser par soi, à ne pas se tromper113 ». Il en résulte une redéfinition des fonctions du maître qui ne peut plus « continuer à jouer un rôle de haut-parleur, ou, si l’on préfère, le personnage du conférencier tandis que, devant lui, des enfants s’ennuient à longueur de journée, ou s’aigrissent, parce qu’ils ont le sentiment de n’être ni vus ni compris114 ». Son « vrai devoir [est] d’exercer les élèves à cette intelligence active, les menant aux difficultés réelles, aux expériences, les guidant seulement dans cette lutte115 ». En proclamant ainsi son « adhésion ferme à l’école active », Luc ne manque jamais de rappeler son passé d’inspecteur d’académie pour souligner l’ancienneté de ses convictions : « Au cours de mes tournées d’inspection […] j’ai toujours loué deux choses chez les maîtres : 1o quand ils empruntaient les données de leurs problèmes à la réalité ; 2o quand en énonçant les données d’un problème, le maître obligeait ses élèves à faire une petite recherche de la réalité. Ces procédés valent cent fois ceux d’autres maîtres qui, corrigeant les problèmes des élèves, ne leur demandaient simplement que de lever leur ardoise pour qu’ils pussent corriger tout de suite, et de loin116. »
37Enfin, en tant que philosophe, Luc assigne une place centrale au travail dans la vie des hommes. On touche ici au cœur de ses convictions. Loin d’être la marque de la servitude et de l’indignité sociale, le travail est, à ses yeux, l’essence même de l’être humain. Dans la lignée de Kant, Hegel et Marx, il affirme que « l’homme n’est visiblement lui-même que dans le travail. L’homme faber n’est pas une espèce d’homme, mais l’homme, et qui le saisit dans ses métiers, dans ses professions, en apprend plus sur lui que par toutes analyses sur le mort et sur le vivant117 ». C’est le travail qui « forge l’individu », « donne la moralité vraie », est « créateur de beauté118 ». Il devrait donc avoir toute sa place dans un système éducatif dont l’objectif ne serait plus seulement de transmettre des connaissances, mais aussi de préparer à la vie119 et, comme celle-ci « ne consiste pas seulement à penser, mais à travailler […], l’école doit préparer au métier comme au savoir120 ». Luc propose donc d’initier les enfants au travail manuel dès l’âge de 6 ans jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire dont il suggère de repousser la limite à 14 ans. Une éducation qui intègre le travail comme valeur cardinale est, selon lui, « la seule démocratique » car « elle évite que se creuse le fossé entre ceux qui croient penser et ceux qui sont contraints à agir121 ». Dans cette perspective, Luc conteste la hiérarchie établie des savoirs, réhabilite les métiers manuels comme des options professionnelles socialement valorisées et considère qu’orienter n’est pas sélectionner. Parce qu’elle exclut, la sélection heurte son humanisme foncier : « Beaucoup d’éducateurs n’ont en bouche que ce mot de sélection. Qu’ils sont dangereux et inhumains122 ! » Toujours attentif au sort des « anges aux figures sales123 », il a le souci de n’écarter aucun individu et en fait le principe même de l’orientation qui est « de ne laisser personne en route, de n’abandonner aucun homme, même les malades ou les infirmes, car ils ont droit au travail pour vivre et, s’il se peut, se refaire hommes124 ». Mais la sélection est surtout pernicieuse à ses yeux parce qu’elle opère un tri fondé sur les seuls critères de l’« intellectualisme scolaire125 » dont il récuse la validité car ils récompensent « la récitation, la docilité, ces redites verbales qui ne créent rien » et sont incapables de détecter l’« élite vraie, force inventive, originalité, puissance, créatrice de pensée et d’actes, et non orgueil et dilettantisme126 ». En réalité, Luc remet fondamentalement en cause le modèle éducatif dominant, apanage des plus aisés, dans lequel, à ses yeux, « entrent une part énorme d’artifices, l’obéissance aux règles d’un jeu compliqué où les signes ont plus d’importance que les choses, où il importe plus de paraître savoir que de savoir réellement, où la docilité, la mémoire, la facilité verbale servent plus que le caractère, le jugement, la conscience, le courage127 ». C’est ce qui va le séparer, dramatiquement, de Jean Zay.
Annexe
Hippolyte Luc poète
Tout au long de sa vie, Luc a exprimé sa sensibilité littéraire par une importante production poétique. Une grande partie a disparu dans les tranchées et les déménagements. Seuls sont parvenus jusqu’à nous quelques 65 poèmes rimés auxquels il faut ajouter des textes poétiques en prose, écrits entre 1901 et la fin de la Première Guerre ; environ 90 textes rédigés entre 1935 et 1937 et une vingtaine au cours du second semestre 1944. Jamais le besoin d’écrire ne l’abandonna. Même au cours des années 1930, quand ses fonctions de directeur général l’accaparent tout entier, il trouve toujours un moment, y compris dans un train, pour jeter quelques strophes sur le papier.
La Paix
Quand la guerre sera finie,
quand les vivants se compteront,
quand la famille réunie
cherchera ceux qui manqueront,
Une tristesse épouvantable
les saisira dans le désert
plus affreuse et plus lamentable
que tout ce qu’ils auront souffert,
De ces innombrables absences
que la guerre semblait voiler
germeront d’amères souffrances
que rien ne pourra consoler.
La tranquillité des jours ternes
aura comme un goût de néant ;
et les vastes cours des casernes
sembleront un tombeau béant.
La mère en contemplant la place
où le fils aurait dû s’asseoir
sentira que son cœur se glace
et sanglotera jusqu’au soir.
Elle ira dans la maison vide,
cherchant la trace de ses morts ;
sa vie atroce, vaine, aride
lui pèsera comme un remords.
Et cette paix pleine de larmes
sera plus triste que les jours
où du moins la rumeur des armes
faisait oublier les retours.
(sans doute décembre 1915).
‒
Revenez me voir,
Madame la fièvre,
J’aime vos yeux noirs,
votre robe rouge,
Si ça te sourit,
Madame la fièvre,
nous allons valser
à travers la nuit
jusqu’au jour livide
au fond des fenêtres.
On est dans tes bras
grand comme le monde,
plus fort que la vie,
ferme comme un dieu.
roule tête folle
entre les soleils !
Dans tes bras brûlants
on ne peut dormir ;
notre cœur se gonfle
d’un désir absurde
et du plus amer
de nos souvenirs.
Madame la fièvre,
on peut en mourir.
Revenez me voir,
Madame la fièvre,
Un cruel courage
me vient près de vous.
J’aime vos yeux noirs,
votre robe rouge.
(daté 1935-1936).
‒
Un soir, fatigué de vivre
parmi les cailloux, les plantes,
parmi les bêtes, les hommes,
dans les campagnes revêches,
dans les villes sans pitié,
je vais piquer une tête
dans la douce nuit limpide
où frissonnent les étoiles.
Mon cadavre, au fil du ciel,
les mains croisées sur le cœur,
un sourire sur la bouche,
ira flottant vers l’abîme,
au-delà des nébuleuses,
au-delà de l’univers,
loin, si loin que la lumière
ne pourra me rattraper.
(daté 1935-1936).
‒
Train. Bois. Vers Besançon
J’ai repris la route
au pays des bois
encore une fois
je crois et je doute.
Que la neige est blanche
sur les champs d’hiver
et parmi le vert
du coteau qui penche.
Que le jour est doux,
que la vie est sage !
Un étroit passage ;
mais contentons-nous.
(1er février 1935, écrit dans le train).
‒
Que je sois pardonné de tenir à la vie,
oubliant tous mes morts qu’un jour je rejoindrai
tous ceux que j’ai laissés sur la route suivie
et tous ceux, les plus chers, que demain je perdrai.
Que je sois pardonné de marcher dans la joie
parce que ce matin me souffle sa fraîcheur
parce que le chemin sous mes pas se déploie
ainsi qu’un beau tapis qui mène le marcheur.
Que je sois pardonné d’être un homme qui passe
dans la tranquillité de la terre et du ciel
heureux de son instant, de son point de l’espace,
ne se souvenant plus qu’il veut être éternel.
Que je sois pardonné de ma brève folie !
Je sais que tout est vain et surtout le bonheur ;
sur la mer de mes jours, ce n’est qu’une embellie,
n’ai-je pas mérité la paix de sa douceur ?
(non daté).
‒
Octobre à l’odeur amère,
toi qui fais mourir les feuilles
pour que le lit de l’hiver
soit nu, simple et solennel ;
toi qui fais briller la lune
au ciel du soir pur et froid ;
octobre, grand balayeur,
nettoie tout, nettoie l’année
et nettoie mon cœur aussi ;
nettoie les pays du monde
des feuilles mortes des guerres
pour l’hiver d’une paix simple,
viril comme le travail,
solennel comme un devoir.
(daté 25 octobre 1936)
Texte écrit au dos de la page de garde des Cahiers du préapprentissage, « Les
problèmes du préapprentissage. Le Travail manuel », H. Luc et J. Fontègne,
octobre 1936.
‒
Espagne-été 1936
Bientôt nous franchirons les frontières de l’été, ma patrie,
où le soleil coule dans la pierre comme du sang.
Bientôt nous descendrons par les sentiers bordés d’iris,
par les chemins rocailleux des solitudes rouges
vers la ville où les filles vont, tête nue,
dans l’allégresse du crépuscule tiède
tandis que sur les nacres de la mer
comme la fusée d’une fête
scintille la première constellation.
Mais cette fois, compagnons, laissez vos rêves derrière vous,
marchez les armes à la main vers l’horizon brûlant de Sud !
La flamme qui s’enfle au fond du ciel
monte des villes bombardées,
le cri qui s’enfle au fond du ciel,
c’est la clameur d’un peuple assassiné.
Celle qui nous attend, couronnée de lumière,
celle qui nous guérira dans une seule étreinte
du regret des heures douces et de la honte des mauvaises,
c’est la bergère des patrouilles perdues,
l’étoile des cargos éventrés par les mines,
la fiancée des offensives,
celle qui porte l’épouvante dans les plis de son châle noir
et qui brise une rose entre ses dents de louve,
narguant l’éclat désespéré de notre
dernier regard sur la beauté
du monde.
Notes de bas de page
1 Ory Pascal, La Belle illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire, 1935-1938, Paris, Plon, 1994, p. 156.
2 Parigot Henri, « Encyclopédie française. Éducation et instruction », Le Temps, 19 juillet 1939.
3 1-Orientation professionnelle. 2-Apprentissage. 3-Formation professionnelle de l’ouvrier et de l’employé soit à l’école, soit dans les cours. 4-Formation professionnelle des cadres moyens. 5-Formation professionnelle des cadres supérieurs dans les écoles, les cours et les instituts spécialisés. 6-Œuvres complémentaires de l’école, du cinéma, de la TSF, des loisirs de l’ouvrier, des foyers d’apprentissage, des congrès et des expositions. 7-Commission administrative et financière. 8-Revue La Formation professionnelle.
4 En 1928 avait été créée l’UFOLEP pour l’éducation physique. L’UFOVAL sera créée en 1934 pour les « vacances laïques ».
5 Martin Jean-Paul, La Ligue de l’enseignement. Une histoire politique (1866-2016), Rennes, PUR, 2016, p. 295.
6 Luc Hippolyte, La Formation professionnelle, no 5, janvier 1935, p. 12-13.
7 Ce fait est rapporté par Ory Pascal, La Belle illusion, op. cit., p. 423-424.
8 Guiraud J., « Les grignoteurs du budget national », La Croix, 4 septembre 1935.
9 « Journée pédagogique », L’Ouest-Éclair, 23 mai 1933.
10 Matasci Damiano, « L’éducation, terrain d’action internationale : le bureau international de l’enseignement technique dans les années 1930 », Relations internationales, no 151, 2012/3, p. 37-48. C’est dans ce cadre que Luc fait la connaissance de l’Allemand Hermann Südhof, conseiller au ministère de l’Instruction et de l’Éducation du Reich, qu’il retrouvera à Paris pendant l’Occupation.
11 Congrès de Bruxelles (1932), Barcelone (1934), Rome (1936) et Berlin (1938).
12 L’Enseignement Technique, no 15-16-17, octobre-novembre-décembre 1939, p. 115.
13 Comoedia, 31 décembre 1935.
14 Journal des débats politiques et littéraires, 21 janvier 1938.
15 Le Petit Parisien, 20 novembre 1938.
16 Compte rendu du discours d’H. Luc devant la Chambre d’apprentissage des industries de l’ameublement de la région parisienne, 3 octobre 1937, Bulletin de l’UCPAS, no 14, octobre-décembre 1937, p. 8-13.
17 Le Figaro, 18 novembre 1938.
18 Comoedia, 12 janvier 1936.
19 Ménessier P., « Les conférences de M. Luc », Bulletin de l’Association générale des Orienteurs de France, janvier-mars 1933, p. 3.
20 Luc Hippolyte, Les problèmes actuels de l’Enseignement technique (1939), Luc Hippolyte et Fontègne Julien, Généralités sur le préapprentissage : le travail manuel (1936), Les métiers du bâtiment (1936), L’École et l’orientation professionnelle (1943). Luc Hippolyte et Bertrand Élie, « L’enfance et l’éducation professionnelle », in Le visage de l’enfance (1937).
21 Il s’agit des Textes choisis de grands écrivains à l’usage de toutes les écoles techniques et professionnelles, Paris, Delagrave, 1936 (512 pages) et du Précis d’histoire de la littérature de la France et de l’Europe du ier au xxe siècle à l’usage de toutes les écoles techniques et professionnelles, Paris, Delagrave, 1937 (222 pages).
22 Nous avons dénombré plus d’une trentaine d’ouvrages pour lesquels Luc a rédigé une préface.
23 Idt Geneviève, « Fonction rituelle du métalangage dans les préfaces “hétérographes” », Littérature, no 27, 1977, p. 65-74.
24 Chauchard Léon et Spaeth Albert, Dictionnaire allemand-français des mots et expressions techniques, Éditions de la France nouvelle, 1944.
25 Hache L., « Réponse à l’araignée », L’Information universitaire, no 916, 6 mai 1939. L’araignée désigne vraisemblablement la croix gammée.
26 Ibid.
27 Rioux Jean-Pierre, Au bonheur de la France, Paris, Perrin, 2004, p. 171-189.
28 Ces deux informations sont fournies par Luc lui-même en réponse à une question posée par M. Birckel, inspecteur départemental de l’ET de Belfort, La Formation professionnelle, no 11, juillet 1936, p. 357-359.
29 Luc le dit explicitement dans son intervention devant le comité de l’AFDET du 24 juin 1936.
30 Luc Hippolyte, La Formation professionnelle, op. cit.
31 La précision est de Luc lui-même.
32 Luc Hippolyte, La Formation professionnelle, op. cit.
33 Rapport du secrétaire de l’Union départementale CGT du Loiret au préfet, 16 décembre 1936, AD Loiret, T 21.
34 Luc Hippolyte, La Formation professionnelle, op. cit.
35 Circulaire du 4 avril 1938, L’Enseignement technique, no 3, juin 1938, p. 54-56.
36 Les certificats de capacité professionnelle, ancêtres des CAP, furent institués par le décret du 24 octobre 1911.
37 Luc Hippolyte, discours devant l’assemblée générale de l’Association des anciens élèves des ENP, 23 février 1936.
38 Article 3 de la loi du 10 juillet 1934 relative aux conditions de délivrance et d’usage du titre d’ingénieur diplômé.
39 Née en 1936 de la transformation de la Confédération générale de la production française. Ancêtre du CNPF et de l’actuel MEDEF.
40 Née en 1926, la CFP regroupe essentiellement des petits patrons chrétiens issus des secteurs du bâtiment et de l’imprimerie ainsi que des professions libérales (pharmaciens, architectes, experts-comptables).
41 Notamment celles de Béthune, Lille, Le Havre, Lyon, Nantes, Poitiers, Rouen, Toulon, Tourcoing, Tours.
42 Rapport déposé, au nom de la Commission de l’enseignement du Sénat, sur le projet de loi réglementant la délivrance des diplômes professionnels, no 356, 16 juin 1938.
43 Lettre du sénateur Brogly au président de la commission de l’enseignement du sénat, 25 novembre 1938, AN 652 AP 9.
44 Le sénateur fait ici allusion aux abus constatés dans des écoles privées de coiffure, de manucure, de pédicure et d’éducation physique en matière de délivrance des diplômes. Ces abus avaient été invoqués pour justifier le dépôt du projet de loi.
45 Lettre du sénateur, op. cit.
46 Luc Hippolyte, « De l’école au travail », conférence prononcée au Congrès international de l’Enseignement primaire et de l’éducation populaire, Paris, 23-31 juillet 1937, Sudel, 1937, p. 260-268.
47 Ibid.
48 Ibid.
49 Luc Hippolyte, « L’Enseignement technique », in « L’Homme, la Technique et la Nature », Europe, no 187, 15 juillet 1938, p. 324-333.
50 Hachel, « Nécessité de la qualification », L’Information universitaire, no 969, 4 mai 1940.
51 Ibid.
52 Entretien de Luc avec G. Delafon pour l’enquête sur la réforme de l’enseignement artistique menée par la revue Beaux-Arts, cité par Gilet Jean-Louis, « Sur une enquête », Art méridional, no 37, septembre 1938, p. 4.
53 Discours prononcé lors du banquet donné par l’AFDET en l’honneur de sa promotion au grade de commandeur de la Légion d’Honneur, publié dans La Formation professionnelle, no 4, décembre 1935, p. 123-126.
54 Voir les poèmes à la fin de ce chapitre.
55 Discours prononcé le 3 octobre 1937 lors de la distribution des récompenses aux élèves des cours professionnels de la Chambre d’apprentissage des Industries de l’Ameublement de la région parisienne et aux lauréats du CAP. Bulletin de l’UCPAS, no 14, octobre-décembre 1937, p. 8-13.
56 Ibid.
57 Hachel, « Compagnons », L’Information universitaire, no 955, 16 décembre 1939.
58 Discours de Luc cité par Magne Henri-Marcel, « Le 8e congrès international de l’enseignement du dessin et des arts appliqués (Paris, 30 juillet-5 août 1937) », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, janvier-février 1938, p. 15-22.
59 Luc Hippolyte, préface à Magne Henri-Marcel, L’Art et les Techniques, Paris, Henri Laurens Éditeur, 1936.
60 Hachel, « Mesure de l’homme. L’art », L’Information universitaire, no 950, 11 novembre 1939.
61 Rapport de l’inspecteur général des Beaux-Arts Albert Laprade, 5 avril 1933, cité par Laurent Stéphane, L’Art utile. Les écoles d’arts appliqués sous le Second Empire et la Troisième République, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 263.
62 Ibid.
63 Ory Pascal, La Belle illusion, op. cit., p. 283.
64 Ibid., p. 155.
65 Luc Hippolyte, entretien avec G. Delafon pour l’enquête menée par la revue Beaux-Arts, cité par Gilet Jean-Louis, « Sur une enquête », Art Méridional, no 37, septembre 1938, p. 4.
66 Ibid.
67 Ibid.
68 Arrêté du 20 novembre 1935, Journal Officiel de la République française, no 272, 21 novembre 1935, p. 2284.
69 Rambosson Yvanhoé, « Des méthodes d’enseignement fécondes à l’École des Beaux-Arts de Limoges », Comoedia, 9 août 1936.
70 Magne est également membre du Conseil supérieur des Beaux-Arts, du Comité central d’Art appliqué, du conseil de la vénérable et influente Société d’encouragement pour l’industrie nationale, président de la Fédération des sociétés françaises de propagande et d’enseignement artistiques et techniques fondée en 1933.
71 Magne Henri-Marcel, L’enseignement de l’art appliqué aux métiers, Paris, Henri Laurens Éditeur, 1918.
72 Ibid., p. 10.
73 Aspart Vanessa, « Henri-Marcel Magne (1877-1944) », Livraisons de l’histoire de l’architecture, 18/2009, p. 1-11.
74 Les modalités de recrutement et de fonctionnement de la section C sont décrites dans La nouvelle section d’arts appliqués de l’ENSET. document cité par Laurent Stéphane, L’Art utile, op. cit., p. 269.
75 Magne Henri-Marcel, L’Art et les Techniques, Paris, Henri Laurens Éditeur, 1936.
76 Comoedia, 8 décembre 1936.
77 Ory Pascal, La Belle illusion, op. cit., p. 241.
78 Ibid.
79 « Informations et nouvelles », Art et décoration, janvier 1934, p. 31.
80 « Pour l’équipement de la maison », Art et décoration, janvier 1938, p. 45.
81 Ory Pascal, La Belle illusion, op. cit., p. 237.
82 Entretien avec G. Delafon pour l’enquête menée par la revue Beaux-Arts, cité par Gilet Jean-Louis, « Sur une enquête », Art Méridional, no 37, septembre 1938, p. 4.
83 Ibid. Mots en italique dans le texte original.
84 Bastard Georges (1881-1939) célèbre tabletier qui fut directeur de l’École nationale des arts décoratifs de Limoges puis de la Manufacture nationale de Sèvres.
85 Hache L., « Le carreau de cuisine », L’Information universitaire, no 913, 8-15 avril 1939.
86 « Informations et nouvelles », Art et décoration, 1937, t. LXVI, p. 412.
87 Luc Hippolyte, « De l’école au travail », op. cit., p. 260-268.
88 Luc Hippolyte, « Mesure de l’homme. L’art », L’Information universitaire, no 950, 11 novembre 1939.
89 Fondé en 1915, le Comité central est considéré par Stéphane Laurent comme le « fer de lance du gouvernement en matière d’arts décoratifs » in L’Art utile, op. cit., p. 273.
90 Ory Pascal, La Belle Illusion, op. cit., p. 168.
91 Ibid.
92 Luc Hippolyte, préface à Fontègne Julien et Luc Hippolyte, L’école et l’orientation professionnelle, coll. « Les Cahiers du Préapprentissage et de l’Apprentissage », no 6, décembre 1943, éditions de l’AFDET.
93 Forgé par l’anthropologue Marcel Mauss, ce concept apparaît dans l’Essai sur le don publié dans L’Année sociologique, 1923-1924. Il n’est donc pas impossible que Luc ait lu ce texte.
94 Dans nombre de ses interventions, Luc se plaît à citer la célèbre formule de Pascal : « La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose. »
95 Luc Hippolyte, « L’aspect moral et social de l’Orientation Professionnelle », compte rendu de la conférence, Bulletin de l’Association générale des Orienteurs de France, janvier-mars 1933, p. 3-5. Nous remercions Jérôme Martin qui nous a signalé cette série de conférences et qui a généreusement mis à notre disposition ses documents et ses connaissances sur le sujet.
96 Martin Jérôme, La Naissance de l’orientation professionnelle en France (1900-1940). Aux origines de la profession de conseiller d’orientation, Paris, L’Harmattan, 2020, p. 75.
97 Ils font des conférences ensemble et cosignent plusieurs articles et ouvrages aux éditions de l’AFDET : Généralités sur le préapprentissage : le travail manuel (1936), Les métiers du bâtiment (1936) puis L’école et l’orientation professionnelle (1943).
98 Martin Jérôme, La Naissance de l’orientation professionnelle, op. cit., p. 115.
99 Hocquard Dominique, « La science sociale leplaysienne et la question de l’orientation scolaire et professionnelle dans l’entre-deux-guerres », Le Télémaque, no 33, 2008/1, p. 107-128.
100 Luc Hippolyte, Les Problèmes actuels de l’Enseignement technique, Paris, Imprimerie de l’École Estienne, 1939, p. 21.
101 Ibid.
102 Ohayon Annick, « Ce qui énervait Henri Piéron », Bulletin de psychologie, t. LXVII (5), no 533, septembre-octobre 2014, p. 409-414.
103 Ibid.
104 Ibid.
105 Luc Hippolyte, « L’Enseignement technique », in « L’Homme, la Technique et la Nature », Europe, no 187, 15 juillet 1938, p. 324-333.
106 Luc Hippolyte, « L’aspect moral et social de l’orientation professionnelle », Bulletin de l’UCPA, no 1, mars-avril 1935, p. 18-21.
107 Battagliola Françoise, « Le travail des femmes : une paradoxale émancipation », Cités, no 8, 2001/4, p. 75-85.
108 Luc Hippolyte, « L’aspect moral et social de l’orientation professionnelle », op. cit.
109 Il cite les fonctions de mesure, de contrôle, de secrétariat technique, de laboratoire, de dessinatrices. Hache L., « De l’éducation des filles », L’Information universitaire, no 911, 25 mars 1939.
110 Ibid.
111 Luc Hippolyte, « L’aspect moral et social de l’orientation professionnelle », op. cit. Sauf indication contraire les citations suivantes sont extraites du même document.
112 Luc Hippolyte, « De l’école au travail », conférence prononcée au Congrès international de l’enseignement primaire et de l’éducation populaire, Paris, 23-31 juillet 1937, Sudel, 1937, p. 260-268.
113 Hache L., « Appel à l’intelligence », L’Information universitaire, no 904, 4 février 1939.
114 Luc Hippolyte, Les Problèmes actuels de l’Enseignement technique, op. cit., p. 14.
115 Hache L., « Appel à l’intelligence », op. cit.
116 Luc Hippolyte, « L’orientation professionnelle », rapport présenté le 27 septembre 1932 au congrès international de l’enseignement technique de Bruxelles, 25-29 septembre 1932, p. 166-188.
117 Luc Hippolyte, préface à Spreng Hanns, La formation professionnelle des apprentis. Quelques réflexions utiles aux moniteurs, Paris, Dunod, 1939.
118 Luc Hippolyte, « De l’école au travail », op. cit.
119 Cette conception est portée au même moment par Henri Laugier, Édouard Toulouse et Daniel Weinberg dans « La Biotypologie et l’orientation professionnelle », Pour l’Ère Nouvelle, no 92, novembre 1933, p. 249.
120 Luc Hippolyte et Fontègne Julien, Généralités sur le Préapprentissage. Le Travail Manuel, les Cahiers du Préapprentissage, no 1, octobre 1936, p. 3.
121 Luc Hippolyte, « De l’école au travail », op. cit.
122 Ibid.
123 Voir supra, chapitre v.
124 Luc Hippolyte, « L’Enseignement technique », Europe, op. cit.
125 Ibid.
126 Ibid.
127 Luc Hippolyte et Fontègne Julien, L’école et l’orientation professionnelle, coll. « Les Cahiers du Préapprentissage et de l’Apprentissage », no 6, décembre 1943, Éditions de l’AFDET, p. 6.
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