Chapitre XII. Le flou pris au piège d’un classicisme national
p. 391-416
Texte intégral
Positionnement identitaire
1La légitimité progressivement acquise par le bougé et, dès les années 1950, son acceptation presque unanime dans l’esthétique photographique ne s’appliquent pas de manière aussi évidente au flou « artistique ». En France, l’histoire de la légitimation du flou de bougé dans la presse ne se confond pas avec celle du flou des esthètes. On le constate aisément avec l’opinion de Daniel Masclet – l’un des photographes français les plus influents dans les années 1950 et 1960 – face à ces deux formes distinctes. Dès 1950, fervent admirateur des inventions formelles – notamment grâce au bougé – de l’Allemand Otto Steinert, il est pourtant à la même époque une figure majeure des défenseurs de la netteté. En 1950, il expose les principes qui réunissent le Groupe des XV, créé en 1946 avec notamment pour ambition de défendre la production française : « [R]espect du procédé. La vraie photographie. Pas de tripatouillages ou de manipulations, le négatif parfait, le minimum de retouche, ou pas du tout si possible ! Netteté et clarté de l’image, jamais de flou, ce “style de myope”, pas de simili-dessin ou de fausse peinture1 ! »
2L’assertion tranchée de Daniel Masclet ne reflète pas les opinions beaucoup plus nuancées qu’il aura quelques années après ; sa virulence provient plutôt d’un positionnement contre un pictorialisme très tardif, défendu en France entre 1945 et 1952 par un petit groupe d’artistes plutôt minoritaire. L’intensité des propos de Masclet, qui n’est pas à la mesure du succès très limité que reçoivent ces photographes contre lesquels il se positionne, témoigne d’une réaction devenue presque viscérale contre toute forme de flou « artistique ». Aux raisons esthétiques, techniques, voire morales de ce rejet s’en ajoute sans doute une politique. Souvent assimilé à une influence étrangère, qu’il s’agisse du pictorialisme – largement associé à la production anglaise et américaine – ou des inventions avant-gardistes – produites en grande partie par des artistes d’Europe centrale, le flou est également repoussé dans un élan nationaliste, qui vise à faire « école » autour d’une esthétique classique et d’une qualité technique infaillible. On ne peut ainsi écarter du débat sur le flou l’inévitable repli nationaliste qui commence avant la Seconde Guerre mondiale dans les années 1930 et se poursuit jusque dans les années 1950.
3Ce positionnement identitaire s’amorce à la fin des années 1930, quelques années avant la guerre, avec la volonté de valoriser les photographes français dont on regrette le peu de visibilité face aux affirmations des avant-gardes étrangères présentes à Paris. Dans un climat politique en plein bouleversement se manifeste, dès 1935, une distanciation par rapport aux expérimentations des surréalistes et aux inventions formelles de la Nouvelle Vision. Aux expérimentations modernistes de la décennie précédente, majoritairement dues à des photographes venus des États-Unis et de pays d’Europe centrale, succède la mise en valeur de la production nationale, dans un mouvement de repli général. Elle se reflète dans la posture d’Emmanuel Sougez, qui dirige jusqu’à sa disparition en 1939 le service photographique du magazine L’Illustration aux positions patriotiques très affirmées2. Fondateur en 1937 de l’association Le Rectangle, il publie en 1938 son manifeste dans la revue Photo-illustrations avec une position très agressive à l’égard des avant-gardes étrangères :
« Parce qu’ils ont su les premiers exploiter heureusement la Photographie, les Allemands et leurs voisins d’Europe centrale sont tenus pour les meilleurs photographes du monde et ont pu, jusqu’en France même, forcer l’opinion dans ce sens. Ainsi, connaissons-nous tels et tels illustrés français, qui ne choisissent leur pâture photographique qu’en raison de la consonance des noms d’auteurs qui leur sont proposés et certaines euphonies semblent être leur principal critérium d’appréciation. Le mal est là. […] [D]es praticiens de tout poil, et hélas !, de toute valeur, sont “descendus” en France, à Paris surtout, avec leur arsenal et leurs appétits et ont imposé plus directement une suprématie illégitime, bousculant, étouffant nos pauvres bonshommes sans hardiesse, prenant parmi eux une place indue3. »
4Pour Sougez, la timidité de la création française est une réalité, qu’il victimise face à l’arrogance dont il accuse les photographes étrangers.
5Avant la Seconde Guerre mondiale, c’est sur un classicisme renaissant que l’on fonde le renouveau de l’art photographique français. Dès 1935, Arts et métiers graphiques se plie en effet à l’exercice de valoriser un art photographique typiquement français régénéré par un retour au calme. À l’approche de la guerre surgit ainsi dans la photographie française un « retour à l’ordre4 » pour se mettre au service de la nouvelle réalité politique et sociale. Les qualités descriptives de la photographie et son apparente objectivité au service du reportage prennent le pas sur les expérimentations de la décennie précédente. Arts et métiers graphiques prône en effet « la Photographie vers la voie classique où elle semble s’engager maintenant5 ». En 1939, la position de la revue est claire :
« L’ère de ces balivernes oiseuses est, Dieu merci, désormais finie, en même temps celle de ces recherches singulières [sic] : angles “audacieux” de prise de vue, déformations systématiques, déviations de lignes, qui, n’étant que des effets de surprises, ont cessé depuis longtemps de surprendre et sont désormais marque d’impuissance et de stérilité. La photographie délivrée de l’esthétisme s’est créé un langage à elle, universellement compréhensible, un langage qui a souci de clarté dans l’expression, de soumission à l’objet, qui correspond à ce qu’est la photographie6. »
6Les images que la revue publie à cette époque affichent les critères essentiels à la sélection d’une image : calme de la composition, absence d’effets stylistiques, attention principale sur le sujet du réel qui revient au centre des préoccupations.
Classicisme de L’Art de voir
7Ce classicisme, qui devient en quelque sorte une marque de fabrique française, a pour conséquence d’étouffer les opinions tranchées – qu’elles soient en faveur du flou ou de la netteté – au profit d’une position médiane et consensuelle. En 1936, L’Instantané prend acte d’une lutte qu’il juge terminée entre partisans de la netteté et du flou, et constate un nouveau positionnement dans lequel le classicisme s’installe :
« C’était l’époque des luttes ardentes entre partisans, quand elles s’apaisaient sur ce sujet, il était facile de les raviver sur la question du pictorialisme. La polémique était loin d’être aimable surtout de la part des partisans du diaphragme F:64 qui n’admettaient pas la moindre diffusion sur un cliché. Il y avait là quelques circonstances atténuantes à ces échanges malsonnants d’opinions en raison de l’ardeur combattive des extrémistes qui ne comprenaient pas que le flou général pouvait représenter la manière large d’opérer de l’artiste qui travaille avec un pinceau. Par voie de contraste, la politesse est maintenant à l’ordre du jour, accentuée par la venue du sexe faible dans les sociétés photographiques7. »
8Cette « politesse » – dont on s’abstiendra de commenter ici le rôle attribué à la femme dans sa formation – trouve son expression dans l’ouvrage que Marcel Natkin publie en 1935 sous le titre de L’Art de voir et la photographie8. Illustré d’œuvres, parmi d’autres, de Natkin lui-même, de Laure Albin Guillot, d’Emmanuel Sougez, de Man Ray, de Brassaï et de François Kollar, il retrace dans une voie médiane l’ensemble des acquis contemporains de ce « langage visuel qu’est la photographie9 ». Reprenant les règles élémentaires de la composition – de l’unité à la perspective, et du nombre d’or à l’harmonie – et se référant massivement à la peinture – de Léonard de Vinci à Rembrandt et Rubens –, il explique aux amateurs que la « photographie consiste essentiellement en un choix qui porte l’empreinte de notre individualité10 ».
9Pour Natkin, « une photographie réussie est celle qui, exécutée au temps de pose correct, est bien nette dans tous ses détails, exempte de tout défaut ou déformation désagréable à l’œil11 ». Ce prérequis de base n’empêche pas l’auteur d’admettre aussi du flou, qui joue à ses yeux le même rôle que les peintres anciens lui avaient attribué. La conception esthétique de Natkin s’inscrit pleinement dans la tradition de la mimêsis picturale, comme on le constate dans les thèmes abordés du sacrifice des détails, de la perspective aérienne et du traitement de la lumière. De l’ouvrage de Natkin émerge la sensation que la netteté et le flou peuvent désormais cohabiter dans une harmonie parfaite, notamment en raison des acquis techniques de son époque. Les photographes semblent avoir avec les petits formats des moyens aussi efficaces et aboutis que les peintres en avaient acquis avec la peinture à l’huile.
10On se souvient du dilemme inextricable des premiers calotypistes et des pictorialistes du xixe siècle, qui ne parvenaient pas à concilier la théorie du « sacrifice des détails », héritée de la peinture, avec la technique photographique. Cette dernière ne permettait pas, selon eux, de choisir un flou suffisamment subtil pour que le photographe puisse contrôler les sacrifices à faire. Pour Natkin, la question technique du choix est résolue. Prenant exemple sur trois photographies d’enfants, il énumère les différentes possibilités – offertes par le cadrage, la mise au point et le diaphragme – qui permettront au photographe d’attirer l’attention du spectateur soit sur les personnages, soit sur le paysage (fig. 56). Si le photographe :
« se place de près, la mise au point faite sur les enfants, le paysage environnant étant flou, tout l’intérêt se portera sur ces petits personnages. […] S’il se place très loin, assez haut, les personnages ne formeront plus que de petites taches dans un grand champ ; c’est seulement leur attitude générale qui comptera, les détails de leur physionomie se perdront. […] Le paysage attirera particulièrement notre attention, et les personnages seront seulement un point fort venant rehausser plus ou moins heureusement l’impression d’ensemble. Si le photographe, au contraire, utilise le paysage comme cadre, en laissant l’arrière-plan flou, les enfants reprendront tout leur intérêt. Les possibilités de la composition photographique sont innombrables12 ».
Fig. 56. – Marcel Natkin, L’Art de voir et la photographie, Paris, Éditions Tiranty, 1935, p. 21.
11Il résume plus loin : « Dans le cas où l’on veut mettre en valeur les sujets rapprochés, on fera la mise au point sur eux, avec une grande ouverture, laissant ainsi l’arrière flou ; par contre, si l’on veut faire ressortir la beauté d’un panorama, on braquera la mise au point sur le lointain, en laissant flous les objets rapprochés13. » En 1935, la place du flou semble acquise dans la palette du photographe.
12On peut s’en convaincre encore dans le passage que Natkin consacre à la perspective aérienne ou dans un autre chapitre sur l’ambiance : « [E]n mettant différemment au point, net sur un sujet au premier plan, en laissant flou le reste, il pourra mettre en valeur une idée. La brume, le flou, la fumée, l’éclairage, voilà autant de moyens pour augmenter l’effet recherché, dont le photographe expert pourra habilement jouer pour créer l’ambiance14. » À la fin des années 1930, une place est bel et bien donnée au flou parmi les moyens techniques à disposition du photographe pour composer l’image. Dès lors que le photographe amateur maîtrise un peu la technique, on l’encourage à pleinement intégrer le flou dans ses outils techniques.
Recul historique face au pictorialisme
13Le classicisme qui s’installe dès 1935 se double en outre d’un nouveau regard posé sur le pictorialisme, qui n’apparaît plus comme une bête aussi noire que les avant-gardes l’avaient dépeint. Dès la fin des années 1930, on constate en effet que le temps écoulé depuis le premier mouvement d’art du début du siècle a fait son effet, et que la distance historique ouvre la voie à un jugement plus bienveillant et moins tranché. En 1935, Marcel Natkin reconnaît à la « photographie picturale » son rôle pionnier dans la création artistique, bien qu’elle reste entachée des défauts du précurseur sans référence et sans expérience : « Ne nions donc pas l’importance de cette première étape. […] Si, à proprement parler, cette photographie picturale manquait d’un caractère propre, nous devons lui savoir gré de nous avoir offert quelques œuvres de valeur […]. [N]ous serions injustes si nous ne reconnaissions en elle une étape importante réalisée dans l’art de voir15. » À la même époque, Arts et métiers graphiques témoigne d’une même tolérance face à un pictorialisme devenu historique. En 1936, la revue dresse un bref rappel des « styles photographiques », au sein desquels le flou pictorialiste trouve sa place :
« La photographie possède une certaine facture d’époque, à la façon dont on dit la facture d’un peintre ou d’une école. […]. À cet égard, la succession des factures, que d’aucuns appelleraient les “styles photographiques”, est déjà un document sur l’honnêteté du portrait au xixe siècle, sur le flou “artistique” autour de 1900, sur la recherche de la “curiosité” dans les années d’après-guerre, sur l’étude des éclairages et des angles de vue, sur le patient dépistage des détails aujourd’hui16. »
14La même année, un article souligne l’importance historique de l’Américain Edward Steichen, dont le style flou ne fait pas obstacle à sa reconnaissance, malgré la nécessité d’en souligner l’exagération17. En 1937, un article en vient même à reconsidérer le flou optique et anachromatique, le considérant comme une juste réaction – comme l’était le pictorialisme lui-même – face à la franche prédilection pour la netteté de la décennie écoulée. La référence au pictorialisme n’est plus totalement rédhibitoire, même si l’auteur précise bien qu’il « ne s’agit pas de faire un retour sur le passé et de reprendre d’anciennes formules un peu simples18 ». Dressant une liste des maîtres historiques de la photographie – dont Hippolyte Bayard, Nadar et Edward Steichen –, Emmanuel Sougez lui-même reconnaît de manière un peu condescendante à Robert Demachy « un genre périmé sans doute, mais plein de charme et de sensibilité19 ». Cette nouvelle appréciation du pictorialisme, bien qu’empreint d’un certain dédain, indique un changement de statut pour le flou, dont la forme et le terme auparavant insupportables et repoussants sont de mieux en mieux acceptés. À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, nettistes et flouistes se retrouvent sur un terrain apaisé.
Classicisme critiqué après-guerre
15Plaisant dans le contexte tumultueux d’avant-guerre, le classicisme revendiqué par les Français devient pourtant problématique au sortir de la guerre. La cohabitation harmonieuse entre le flou et la netteté, et la valorisation du calme de la composition avant le conflit mondial – comme dans un nécessaire ralliement général à une cause commune face à l’adversité politique – se transforment après 1945 en lassitude et en ennui. Célébrés à la fin des années 1930, l’absence d’audace et le retour à l’ordre constituent après la guerre les défauts reprochés en permanence à la création française. En 1947, Daniel Masclet s’interroge : « Comment peut-il se faire qu’alors que nous possédons l’école de peinture la plus hardie, la plus avancée du monde, nous soyons si sages, si timides, si “respectueux” en photographie20 ? »
16Dans les années 1950, les revues de photographies déplorent à l’unisson la qualité de la production française, qu’il s’agisse du magazine Le Photographe – la « revue technique des professionnels et du commerce photographique » –, de Photo cinéma magazine, qui s’adresse à un public d’amateurs avertis, ou de Photo-monde, destiné à un lectorat plus large d’amateurs de reportages et de belles images. En 1954 en particulier, les critiques du Salon national de la photographie sont accablantes. André Garban critique dans Le Photographe le manque d’enthousiasme des photographes français, quand Paul Sonthonnax affiche sa consternation dans Photo-monde21 : « Les photographes ont, en majorité, envoyé, cette année, plus encore que les précédentes, au Salon national leurs photographies les moins bonnes et les photographies d’eux qui ne peuvent pas être autre chose que les moins bonnes22. » Dans Photo cinéma magazine, Maximilien Gauthier confirme ce désastre national :
« Or, que nous avait-on envoyé ? En trop grand nombre, hélas, des travaux qui ne dépassaient pas la médiocrité : photographies de n’importe quoi, n’importe comment, sans passion, sans ingéniosité, sans esprit, et dont il n’était pas difficile de deviner qu’elles étaient l’œuvre, pour le développement, l’agrandissement et le tirage, du boîtier que chacun trouve au coin de sa rue23. »
17La même année, Lucien Lorelle et Daniel Masclet ne sont pas plus tendres avec la nouvelle génération réunie depuis 1952 dans le club parisien des 30 × 4024.
18Mis à part la production de quelques photographes sans cesse mis en avant – dont Daniel Masclet, Lucien Lorelle, Jean-Pierre Sudre, André Thévenet et René Giton (dit René-Jacques) – et d’autres dont on déplore l’absence répétée aux diverses expositions artistiques – en particulier Henri Cartier-Bresson qui, à la différence de Willy Ronis, n’expose pas ses œuvres dans les salons25 –, l’art photographique français suscite essentiellement l’ennui. Excepté Jean-Pierre Sudre né en 1921, tous ces photographes atteignent la cinquantaine, ou l’ont parfois largement dépassée, et ils ne cessent de déplorer le manque d’inspiration de leurs cadets. Daniel Masclet exprime bien un enthousiasme éphémère en 1950, croyant que les Français se sont « réveillés de leur apathie, [ont] retrouvé l’enthousiasme sans lequel il n’est pas d’art créateur26 », mais qui retombe d’emblée l’année suivante27. Au mieux, on tente de faire passer la monotonie des images comme une élégance discrète à la profondeur cachée ou on justifie les défauts comme étant les revers d’une médaille par ailleurs brillante : « [O]n nous accuse parfois d’avoir les défauts de nos qualités : de manquer de flamme, de lyrisme, d’être rarement originaux, fréquemment superficiels, de manquer parfois de “vision”28. »
Résurgence pictorialiste vers 1950
19Dans ce contexte, le positionnement catégorique qu’adoptent quelques pictorialistes tardifs au sortir de la guerre repousse les nettistes dans leurs retranchements argumentatifs – comme on a pu l’observer avec Daniel Masclet en 1950. Déjà exprimé en 1945, un clivage entre nettistes et flouistes se marque progressivement, mais il reste cependant cantonné à un cercle artistique restreint et à quelques critiques farouches, dont le photographe Georges Bernard qui publie des textes dans Le Photographe29 :
« Actuellement, deux écoles sont en présence. D’abord celle qui tend à la netteté, à l’exactitude, aux détails poussés à l’extrême, qui aime à promener son regard partout pour saisir la moindre chose. Celle-ci représente la tendance actuelle défendue avec tant de verve par mon ami Daniel Masclet. […] C’est la photo objective, technique. Actuellement, cette tendance reprend au début de la photo, à l’époque du collodion humide, fin du xixe siècle, tirage direct, netteté parfaite. L’autre tendance, celle que je m’efforce de soutenir, y est diamétralement opposée. C’est la tendance pictorialiste si richement différemment illustrée par les Demachy, Keighley, Otthoffer, Echagüe et bien d’autres encore30. »
20Ce pictorialisme tardif est animé par des artistes souvent étrangers, dont certains sont âgés : l’Anglais Alexander Keighley, né en 1861, de la même génération que Robert Demachy (né en 1859) ; l’Espagnol José Oriz Echagüe, né en 1886 et âgé de 66 ans ; et son contemporain Georges Otthoffer, membre de la Société française de photographie et surtout actif dans les années 1920 et 193031. Julien Faure-Conorton a montré que ces figures, qui appartiennent au courant historique, ne sont pas totalement isolées, car des photographes plus jeunes comme Alfred Fauvarque-Omez participent à la vitalité de ce dernier pictorialisme32. On observe néanmoins que les théories pictorialistes s’épuisent progressivement dans les années 1950, comme on le constate aussi par le manque de réaction du côté des nettistes. Malgré l’exclamation de Daniel Masclet en 1950, le débat ne reprend pas réellement de vigueur dans l’ensemble du milieu photographique.
21C’est ainsi que les arguments avancés par ces pictorialistes d’après-guerre se calquent précisément sur ceux de leurs prédécesseurs33. Totalement dépendants de l’idéal utopique dont ils se nourrissent, ils renouent également avec la logique du progrès artistique, dans laquelle le flou joue à leurs yeux un rôle prépondérant. Dans un article publié en 1952 dans Le Photographe, Georges Bernard dresse une chronologie conjointe de l’évolution de la peinture et de la photographie. Deux critères sont pour lui déterminants dans la progression de l’art : le flou – qu’il nomme aussi « l’atmosphère » – et la représentation du mouvement – à laquelle il donne plus d’importance que les premiers pictorialistes ne l’avaient fait. Le leitmotiv du progrès par le flou – déjà observé à plusieurs occasions – est repris dans un argumentaire schématique et simplifié, qu’aucun auteur n’avait jusqu’alors explicité de manière si franche. La photographie progresse selon lui, de « la netteté poussée à l’extrême » offerte au xixe siècle par le collodion humide, pour culminer vers 1930 :
« Le flou remplace le net, le sentiment domine, l’atmosphère atteint son apogée entre 1930 et 1938, ceci dû aux objectifs spéciaux et aux procédés d’interprétations, mis entre les mains d’artistes de la classe d’Alex Keygley, Otthoffer, Ortiz Etchague [sic]. L’art a asservi la technique. L’œuvre d’art photographique est née34. »
22S’efforçant de démontrer la supériorité du pictorialisme tardif, l’article produit l’effet inverse. Parvenu grâce au flou à son point culminant, l’art pictorialiste atteint en même temps son point mort, car les perspectives de perfectionnement s’étiolent définitivement.
Otto Steinert admiré en France
23Comme le montre l’exclamation de Daniel Masclet en 1950 en faveur de la netteté, ce regain pictorialiste suscite quelques réactions vives, mais pas d’inquiétude suffisante pour ranimer un débat en profondeur. Les intérêts réels de Masclet ne se situent pas tant dans la défense de la netteté, que dans la volonté de raviver la création photographique française qu’il juge souvent décevante et empêtrée dans un classicisme stérile. En 1955, relatant sa visite de la deuxième exposition Subjektive Fotografie organisée par Otto Steinert en Allemagne, il dresse une énumération des caractéristiques de chaque pays : « [L]es Américains sont fanatiques de photographie, enthousiastes et “perfectionnistes”, les Suédois, un peu froids, les Suisses formels et impeccables, les Français un peu classiques et très humains, les Allemands originaux, riches et compliqués, les Japonais lyriques35. » Il exprime surtout son enthousiasme face aux recherches formelles menées par la photographie « subjective », dont le courant se dessine d’abord en Allemagne : « [T]ous essaient – enfin ! – de faire sortir la photographie de sa sclérose salonnière, et de son immobilisme esthétique ! Depuis au moins dix ans, je n’avais vu une exposition d’une telle classe36 ! » En comparaison, la morosité de la production en France paraît encore plus flagrante. En cette même année 1955, Lucien Lorelle souligne de son côté le retard qu’il observe au Salon national annuel :
« [L]a plupart des exposants, cette année, s’en tiennent à la “représentation matérielle d’objets ou d’événements”. Ils trouvent dans cette représentation du monde réel une satisfaction suffisante à laquelle ils attachent en outre une valeur morale. Toute tentative pour faire de la photographie un moyen d’expression étendu jusqu’au subjectif, au décoratif, au surréalisme, à l’abstrait semble même, à certains photographes et à certains critiques, au moins illicite sinon déshonnête37. »
24Comme on le déplorait déjà à l’époque pictorialiste, la photographie française est coincée par une morale qui l’enferme dans des principes étriqués.
25Otto Steinert, père de la Subjektive Fotografie en Allemagne, fonde le groupe Fotoform en 1949, dont les productions se font connaître à la photokina de Cologne en 1950. Les recherches formelles du groupe, visant à libérer la force créatrice et subjective du photographe, accordent leur place à tous les possibles formels offerts par le médium, dont le flou, notamment de bougé. En France, l’œuvre de Steinert suscite l’admiration de Daniel Masclet. Il le rencontre à Paris en 1951 avant d’être invité à participer à la première exposition Subjektive Fotografie organisée par Steinert la même année à Sarrebruck et à Cologne38. En 1950 déjà, Masclet témoigne de son admiration dans Le Photographe : « Le docteur Steinert est un maître : il expose l’épreuve la plus “forte” du Salon, une solarisation de cheminées d’usines dont la “puissance de choc” est absolument inouïe39. » En France, les recherches formelles de Steinert se font largement connaître. Les professionnels peuvent voir des publicités pour son groupe Fotoform dans Le Photographe, et constater l’adhésion de la revue à son œuvre40 : « Steinert est toujours Steinert, l’un des huit ou dix meilleurs photographes européens ! C’est le chef, incontesté, du fameux clan “Fotoform”, à tendances modernes et subjectives41 », peut-on lire en 1952. En 1954 dans Photo-monde, on applaudit aussi le maître : « Le Dr Otto Steinert est, sans aucune contestation possible, l’un des cinq ou six hommes qui ont le plus d’influence sur l’art photographique dans l’ensemble du monde. […] Les photographies du Dr Steinert, tout le monde les connaît. Son style particulier tout le monde le reconnaît42. » L’éloge se poursuit l’année suivante dans la même revue43. Plusieurs photographies de Steinert y sont publiées, dont le Piéton unijambiste (fig. 57) et Vue de l’Arc de Triomphe44. Le flou volontairement mis en avant pour sa qualité formelle devient progressivement un des aspects typiques de son travail. Plus tard, en 1958, la revue Camera l’explicite dans un article consacré au photographe allemand :
« Ce qui, jadis, était réprouvé comme négligence technique, prend une valeur d’expression : le flou, le grain, les contours effacés, auxquels s’ajoute la complexité des structures superficielles dans la figuration des êtres et des objets. Tel est le langage de l’expression photographique actuelle. C’est celle que Steinert appelle “subjective”45. »
Fig. 57. – Otto Steinert, Piéton unijambiste, 1950.
Épreuve gélatino-argentique, 28,8 × 40,4 cm. Fotografische Sammlung, Museum Folkwang, Essen.
© Estate Otto Steinert, Museum Folkwang, Essen.
26En 1961, lorsque Roland Barthes publie sa première étude consacrée à la photographie, le « “flou de mouvement” ou “filé”, lancé par l’équipe du Dr Steinert46 » constitue un exemple suffisamment éloquent pour que l’auteur le mentionne de manière allusive, entre parenthèses, afin d’illustrer ce qu’il a en tête en parlant des « effets » techniques propres à la photographie.
27Très perplexes face au flou classique et pictorialiste qui persiste chez eux, les critiques français s’intéressent à cette nouvelle « subjectivité » qui donne une place importante au flou de bougé pour renouveler l’esthétique photographique et en découvrir toute la force expressive. Confrontés au renouveau de la photographie à l’étranger et à son immobilisme en France, ils ne cessent de réclamer de la nouveauté. Dans cette recherche d’un nouveau style, le flou de bougé suscite l’intérêt. Dans Le Photographe, les photographies bougées sont fréquemment présentées aux lecteurs, soit en couverture, soit en illustration des articles, qu’ils soient consacrés spécifiquement à la photographie de mouvement, au Salon national de la photographie ou à l’exposition Subjektive Fotografie de 195447.
28En janvier 1947, face à la pauvreté de la création française qu’il déplore, Daniel Masclet décrit les images observées au Salon national qui se rapprochent le plus de son « idéal », dont « surtout la danseuse en mouvement, de Lorelle, qui “bougeait” littéralement sous les yeux48 ». Le flou de bougé produit dans la photographie de danse fascine toujours autant qu’à l’époque surréaliste. En 1953, lorsqu’il félicite René-Jacques, Lucien Lorelle et Willy Ronis pour leur « idée de laisser l’image floue pendant la prise de vue […] par le mouvement et le déplacement même du sujet », J. M. Auradon accompagne également son article d’une danseuse en mouvement par Lorelle49. On retrouve le même motif pour illustrer la force d’expression de la photographie dans un article publié en 1952 dans Photo-monde ou dans Camera en 1955 (fig. 58) et 1957 (fig. 59), qu’il s’agisse d’ailleurs de bougé ou de surimpression50. En 1964 encore, un auteur de Camera relève l’importance de ce qu’il appelle la « photographie mouvée » qui « s’occupe davantage de la danse que du danseur » notamment grâce à l’« abandon partiel ou total de la netteté (on utilise le flou des mouvements et de la mise au point)51 ».
Fig. 58. – A. Rossi, « Ceskoslovensko Magico », Camera, no 5, mai 1955, p. 221.
Collections Bibliothèque Photo Elysée-mudac, Lausanne. Droits réservés.
Fig. 59. – Camera, couverture, no 4, avril 1957, photographie de Robert Doisneau.
Collections Bibliothèque Photo Elysée-mudac, Lausanne.
© Robert Doisneau/GAMMA RAPHO.
William Klein : flou à outrance
29En France, cet attrait pour le flou de bougé ne suffit pourtant pas à faire pleinement admettre des photographes comme l’Américain William Klein et le Suisse Robert Frank qui, quelques années après Otto Steinert, s’emparent à leur tour de cette forme, mais dans une perspective beaucoup plus subversive que l’artiste allemand. Après le refus auxquels ils se confrontent auprès des maisons d’éditions américaines, c’est pourtant grâce à deux éditeurs français que ces artistes parviennent à faire aboutir leurs publications. Appuyé par Chris Marker, Klein publie en 1956 Life is Good and Good for You in New York: Trance Witness Revels aux éditions du Seuil ; Frank est quant à lui soutenu par Robert Delpire qui édite Les Américains en 195852. Échec commercial à sa sortie, l’ouvrage se fait d’abord timidement connaître et est peu commenté dans les revues françaises. On peut lire en 1957 dans Camera un article en allemand d’un photographe suisse, traduit en français, qui manifeste son admiration pour la maquette à laquelle il a eu accès en primeur et dont il souligne la qualité malgré la crainte d’une réception très critique par le public53. La nouveauté, tant réclamée en France, paraît dans ces travaux trop brusque et soudaine pour être assimilée ; et le flou de bougé, si bien perçu chez Otto Steinert, revêt une allure négligée là où l’Allemand lui donnait un aspect subtil et travaillé.
30La manière dont William Klein aborde le flou explique la réticence du public français si habitué à un classicisme pourtant devenu lassant (fig. 60). Dans le récit que l’Américain fait de son premier contact avec la photographie au début des années 1950, le bougé joue déjà un rôle central. Ayant terminé la commande d’un panneau mural rotatif pour l’architecte Angelo Mangiarotti, il en observe les photographies prises à des fins de documentation. Captées en mouvements, les formes abstraites peintes sur le panneau, noires et blanches, apparaissent floues sur les clichés : « [C]omment ai-je eu envie de faire de la photographie ? Un accident, comme tout le reste. […] Je venais de terminer une commande : des panneaux amovibles et coulissants à installer dans une pièce. Je les ai photographiés en mouvement54. » Le flou devient ainsi pour Klein un élément volontairement recherché, qu’il applique ensuite à la photographie du monde extérieur.
Fig. 60. – William Klein, Mur au damier, New York, vers 1954-1955.
Tirage gélatino-argentique de 1986, 24,9 × 31,2 cm. Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. RMN-Grand Palais.
© William Klein.
31Lorsqu’il réalise son livre sur New York en 1954, après son emménagement à Paris en 1948, l’Américain assume une position différente de celle d’Otto Steinert, pour sa part très méticuleux sur le contrôle et la construction graphique de l’image. Klein se fie au hasard, laissant de côté la technique et prenant pour modèle Paris-Match et la presse des scoops et des événements bruts :
« Je voulais […] faire que mon livre ressemble au Daily News, qu’il ait son impact sonore, son énergie, sa vulgarité. Et une touche de mon propre dadaïsme. De toute évidence, je me moquais complètement de toutes les subtilités de la technique photographique. Avec mes amis parisiens, j’avais évolué vers l’anti-art, pourquoi ne pas faire de l’anti-photo ? Ou au moins des anti-“bonnes” photos ? J’ai joué le paparazzo, traitant l’événement le plus anodin comme s’il s’agissait d’un scoop55. »
32Alors que le flou de Steinert s’inscrit dans une grammaire formelle maîtrisée, celui de Klein est le résultat d’une remise en cause délibérée du contrôle qu’il revendique comme une garantie de liberté :
« Je n’étais pas limité par une formation photographique ou des tabous, j’essayais tout. Grain, flou, décadrages, déformations, accidents. Je déclenchais au hasard, cadrant comme je le pouvais, poussant le film, le contraste, torturant les agrandissements, faisant rendre tout ce qu’il pouvait à ce procédé. Je fonçais tête baissée dans tout ce qu’il ne fallait pas faire en photographie. J’ai alors conservé et utilisé d’une manière ou d’une autre ce que presque tous les photographes de l’époque auraient jeté. J’avais le sentiment que les peintres s’étaient libérés des règles : pourquoi pas les photographes56 ? »
33Bien que William Klein publie d’abord son œuvre en France, Alain Jouffroy raconte la frilosité des Français face à ce livre, que les éditeurs américains avaient jugé trop laid, voire insultant pour New York et la photographie elle-même : « Il ne faut pas croire que Klein rencontra, partout à Paris, une aussi parfaite compréhension. Le directeur de la revue Connaissance des Arts, à qui je proposai, en 1956, d’écrire un article sur William Klein, me l’a refusé en me tenant à peu près les mêmes propos que les éditeurs étatsuniens57. » En France, le travail de Klein ne trouve pas un écho aussi important que celui de Steinert, dont le savoir-faire, la culture de la formation artistique et l’appui sur des principes esthétiques correspondent mieux aux habitudes françaises. En 1957, la revue Camera fait un accueil timide au livre, soulignant la controverse suscitée par la publication, prenant acte de la nouveauté apporté par l’artiste sans pourtant adhérer pleinement à ce « besoin de libération, avec tout son contenu de paroxysme et de véhémence58 ». Pour une majorité de photographes, la liberté affichée par Klein face à toute forme de règle photographique rend son travail illisible. « Une poignée aimait mes livres, la majorité n’en voulait pas. C’était ainsi. L’establishment photographique n’était qu’une immense plaisanterie, les photographes vivaient dans un ghetto59 », expliquera Klein par la suite. Malgré un accueil timide, son travail se fait malgré tout connaître. En 1959, Lucien Lorelle donne un avis beaucoup plus favorable à son New York : « La photographie de William Klein est d’une originalité tout à fait en rapport avec le caractère de l’auteur de ce puissant ouvrage satirique qu’est son New York60. »
34Quelques figures françaises, comme Chris Marker et Robert Delpire, ont l’audace de publier des auteurs comme Klein et Frank qui, même chez eux, ne trouvent pas d’éditeurs en raison d’abord – plus que du seul usage subversif du flou – de l’offense ressentie face à l’image d’une Amérique dépréciée. Néanmoins, ces découvertes françaises, de même que l’admiration plus générale pour Steinert, ne suffisent pas à susciter des vocations parmi les photographes français eux-mêmes. La position française est ambigüe, et les esthètes d’après-guerre se retrouvent à nouveau pris dans une situation paradoxale, à l’issue passablement bloquée. Déçus de la création de leurs compatriotes, dont ils déplorent le classicisme inerte, ils admirent celle d’Otto Steinert. Lassés du flou classique et pictorialiste, ils défendent le potentiel créatif du flou de bougé observé ailleurs. Cependant, ils ne parviennent pas à se positionner de manière claire sur le sujet, n’osant franchir le pas d’abandonner les préceptes classiques, qui pour eux forgent l’identité esthétique française. En 1953, André Garban, pourtant très engagé dans le renouvellement de l’art photographique de son pays, adopte une position très traditionnelle. « L’unité est le secret véritable de toute composition61 », explique-t-il dans Le Photographe.
L’autorité française de Cartier-Bresson
35L’autorité non contestée d’Henri Cartier-Bresson en France joue sans doute un rôle important dans la timidité des Français à s’émanciper vers des formes plus affranchies. Considéré dès 1950 comme « le plus célèbre reporter du monde62 », il fait l’unanimité absolue. Dans un magazine destiné au grand public comme Photo-monde, on considère que « [c]hacune de ses images est importante et elle est authentique63 ». Parmi les photographes qui alimentent le débat artistique, Jean-Claude Gautrand, qui appelle dans Jeune photographie à un renouvellement des formes, le considère comme le « pape de la photographie de reportage64 ». Du côté des défenseurs d’un classicisme plus traditionnel, Lucien Lorelle n’est pas moins élogieux : « Jamais une œuvre photographique ne connut une telle unanimité admirative. Elle n’appelle ni controverse ni discussion. Elle s’impose en bloc, telle qu’elle est, avec une force dont on pourrait dire qu’elle est de la nature même65. »
36Le reporter français fixe des règles très strictes sur la définition de la « bonne » photographie. La liberté des formes prônée par William Klein se situe en effet à l’opposé de la philosophie élaborée par Cartier-Bresson, comme l’explique l’Américain lui-même au sujet de son travail réalisé à New York :
« À cette époque, en 1954, le modèle de référence était Cartier-Bresson, et le maître-mot était “objectivité”. Élégance, mesure, distance, description. Mon projet était d’une tout autre nature. J’allais en direction opposée, abandonnant le mythe de l’objectivité, provoquant une sorte de photomaton-ographie de rue66. »
37Il est cependant intéressant de noter que c’est entre autres par cette même liberté du flou « accidentel », revendiquée par William Klein, et qui le rend si peu apprécié en France, que Cartier-Bresson s’était d’abord fait connaître aux États-Unis, lorsque Julien Levy avait exposé son travail en 1933. Il redoutait alors, par un effet de miroir inversé, l’accueil que le public américain réserverait à une telle provocation « brute » dans l’univers d’une photographie américaine alors perçue comme « aseptisée67 ». Vingt ans plus tard, le photographe français affiche l’exigence d’une qualité très intimidante. Selon la phrase sans doute la plus citée de son ouvrage publié en octobre 1952, Images à la sauvette est bien la démonstration de l’importance de l’« organisation rigoureuse des formes68 » dont la valeur de la photographie dépend pleinement.
38Celle-ci ne se mesure pas tant à la technique – dont il revendique la maîtrise, mais qui ne devient jamais un but en soi – qu’au style, que Cartier-Bresson place au firmament de son art. S’il défend l’importance du style – c’est-à-dire la nécessité d’une éthique esthétique –, il s’oppose à toute forme de stylisation qui est, pour lui, « le triste résultat d’une approche systématique de la composition, à la place de l’intuition69 ». Au contraire de Willy Ronis, Cartier-Bresson ne fréquente pas les salons de photographie, ce dont se plaint d’ailleurs Daniel Masclet en 1951 dans Le Photographe70. Le contre-pied pris par rapport aux positions artistiques traditionnelles sur la photographie le place d’emblée en marge d’un débat sur le flou. Il se situe bien aux antipodes de la photographie pictorialiste, qui fait de l’art pour l’art, sans intérêt pour la « vie » si chère à ses yeux : « On ne peut pas séparer la forme du fond, il y a tout un jeu d’interrelation entre les deux. Le malheur de tant de photographies de Salons, de tant de photographies pictoriales, c’est qu’elles n’ont souvent qu’une belle forme, mais si vide, si creuse71… » Mais il n’adhère pas non plus à la position défendue par les esthètes de son temps en faveur de la netteté. En 1952, dans Images à la sauvette, il se tient clairement à distance du débat flou/net qui prend place au même moment dans la revue Le Photographe :
« Je m’amuse toujours de l’idée que certaines personnes se font de la technique en photographie, et qui se traduit par un goût immodéré pour la netteté de l’image ; est-ce la passion du minutieux, du fignolé ou espèrent-elles par ce trompe-l’œil serrer ainsi la réalité de plus près ? Elles sont d’ailleurs tout aussi éloignées du véritable problème que celles de l’autre génération qui enveloppaient de flou artistique toutes leurs anecdotes72. »
39Pour Cartier-Bresson, « floue ou pas, nette ou pas, une bonne photo, c’est une question de proportions, de rapports entre le noir et le blanc73 ». La méticulosité de la composition demeure essentielle, et le flou ne peut exister qu’à la condition d’être pleinement justifié dans l’équilibre de l’image. Si le photographe procède « par instinct et par intuition, dans l’instantané74 », il n’en reste pas moins attentif à l’importance de la composition de l’image. Le détail, en particulier, prolonge une forme de tradition classique, car, pour Cartier-Bresson comme pour ses compatriotes, il donne à la photographie sa force première. « Nous piquons des détails précis, nous sommes analytiques ; le peintre, lui, opère par méditation et par synthèse75 », explique-t-il en 1961. Et c’est lorsqu’il rate un détail marquant du réel que le photographe passe à côté de la bonne image :
« Quand il est trop tard, on sait exactement pourquoi on a été insuffisant. Souvent, pendant le travail une hésitation, une rupture physique avec l’événement vous a donné le sentiment de n’avoir pas tenu compte de tel détail dans l’ensemble ; surtout, ce qui est très fréquent, l’œil s’est laissé aller à la nonchalance, le regard est devenu vague, cela a suffi76. »
40Son éthique exige de lui une grande acuité, qui ne correspond pas exactement à la netteté, mais qui limite tout autant les possibilités d’émancipation vis-à-vis du flou. À propos des différents appareils qu’il utilise, il explique à Daniel Masclet : « Je tire parti de leurs profondeurs variées, je diaphragme, ou je laisse à pleine ouverture : tout dépend de ce dont j’ai besoin. J’aime que mes images soient nettes, ou plutôt aiguës… Ceci étant davantage un style qu’une technique77. » Son style, en somme, doit être précis, même si ses photographies ne le sont pas. Pour le dire autrement, il admet le flou, à la condition que le regard à l’origine de l’image ait été parfaitement lucide et que la démarche ait été totalement sincère : « À mon avis, si beaucoup de photos manquent de netteté, ce n’est pas parce qu’elles sont floues, mais parce que le plus petit mouvement du doigt qui appuie sur le déclencheur suffit souvent à rendre floue une photo bien mise au point78. » La mise au point doit être nette, jamais volontairement manipulée pour « faire flou ». Cependant, le résultat obtenu peut être flou à la condition que la sincérité du photographe soit totale.
41En 1965, Pierre Bourdieu décrit une photographie de Cartier-Bresson, en insistant sur l’acuité de la composition qui donne au flou une place pleinement justifiée et compréhensible (fig. 61) : « Dans un portrait de Giacometti par Cartier-Bresson, c’est parce que nous voyons à côté de Giacometti la silhouette gracile et tremblée de ses statues que nous savons comment lire le “flou” de la silhouette du sculpteur79. » Cartier-Bresson, dont l’exigence lui procure l’admiration sans faille de ses pairs, admet le bougé, mais il ne permet pas de faire éclater les règles et les préjugés qui écrasent le flou. Pour Cartier-Bresson, le flou peut exister, mais son exigence d’objectivité restreint d’emblée le potentiel expressif et subjectif de ce dernier.
Fig. 61. – Henri Cartier-Bresson, Alberto Giacometti, Galerie Maeght, Paris, 1961.
© Henri Cartier-Bresson © Fondation Henri Cartier-Bresson, Magnum Photos.
Élitisme et nationalisme français
42Dans les années 1950, le nationalisme qui habite les esthètes français leur permet d’autant moins de se détacher de l’autorité de Cartier-Bresson. En effet, leur difficulté à lâcher des règles qui freinent pourtant leurs ambitions s’explique par une position très patriotique. Tout en cherchant à se hisser au niveau de la création subjective produite à l’étranger, ils s’acharnent à défendre une spécificité typiquement française. La position élitiste et nationaliste d’avant-guerre de l’association Le Rectangle – qui ne donne lieu qu’à une seule exposition en 1938 à la galerie Le Chasseur d’images et ne survit pas à l’Occupation – se retrouve après la guerre dans le Groupe des XV, qui en est l’héritier direct80. Fondé le 8 mars 1946 par André Garban, ce groupe réunit des photographes exclusivement français – dont Lucien Lorelle, Emmanuel Sougez, Marcel Bovis, René-Jacques, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau et Willy Ronis – avec l’ambition de défendre la qualité de leurs œuvres et les droits d’images de leurs auteurs81.
43Comme Le Rectangle, qui réclamait « d’obtenir pour la photographie française de justes droits et son maintien à la place qui lui est due82 », le Groupe des XV se positionne comme le garant de la qualité et de la défense de la photographie nationale. Tout en déplorant l’état de la production artistique dans leur pays, ses membres affirment que le « Groupe des XV a droit aux félicitations. Grâce à lui, l’art photographique français est à l’honneur dans toutes les manifestations d’art nationales et internationales83 ». Afin de renforcer le soutien à la création du pays, s’organise aussi dès 1946, à la salle Mansart de la Bibliothèque nationale de France, un Salon national, dans lequel amateurs et professionnels français sont invités à présenter leurs meilleurs travaux. Les photographes du Groupe des XV – en particulier Daniel Masclet et Lucien Lorelle – ne cessent de se lamenter sur la qualité déplorable des envois faits à cette exposition annuelle, mais ils se félicitent néanmoins du nouvel élan lancé sous leur impulsion :
« La création en France, en 1946, du fameux “Groupe des XV”, celle du “Salon national” par André Garban, la multiplication des expositions, internationales, générales ou particulières, montrent que le bouillonnement spirituel a touché la France et que, peut-être même, nous l’avons inauguré84. »
44Le Groupe des XV affiche un élitisme dont il se défend pourtant régulièrement85. Réduit à quinze membres au maximum, il s’impose en effet des règles qui témoignent de sa volonté de se distinguer par rapport à une production française dont il n’assume pas la mauvaise qualité et qu’il souhaite améliorer. « Chaque membre devra considérer comme un honneur de faire partie du Groupe86 », rappelle André Garban en 1950. Surtout, l’excellence de la qualité photographique devient la caractéristique majeure qui les réunit : « Chaque membre devra prendre comme ligne de conduite de ne produire pour les expositions décidées dès maintenant et dans l’avenir, que des œuvres d’une technique et d’un équilibre parfaits et d’une réelle valeur artistique87. »
45En se donnant pour buts premiers d’atteindre la perfection technique, l’équilibre de l’image et la « réelle valeur artistique », le Groupe des XV se positionne de facto dans un débat élitiste que les pictorialistes avaient mobilisé au début du siècle et que leurs derniers représentants tentent de se réapproprier jusqu’au début des années 1950. Or, ce positionnement élitiste retranche le Groupe des XV dans un conflit qui complique leur émancipation, les obligeant à reprendre position sur des sujets spécifiques en France, au débat sur l’art photographique et dont le flou constitue historiquement un pivot central. Lorsqu’en 1950 Daniel Masclet s’offusque contre ce « style de myope », il adopte des termes qui rangent d’emblée la discussion dans le champ esthétique. Il témoigne surtout qu’en 1950 l’esthète français ne peut encore revendiquer un art supérieur sans se positionner sur la question du flou, qui semble être, en quelque sorte, le passage obligé pour donner de la hauteur au débat. Malgré son enthousiasme pour le bougé de Steinert, il adopte une position tranchée contre le flou. Elle lui permet de se distinguer des pictorialistes tardifs, encore menaçants, et de la production amateur, qui pratique un flou « artistique » ou par erreur. On se souvient, avec Pierre Bourdieu, de la nécessité pour un photographe de se démarquer des pratiques jugées vulgaires, pour attribuer de la valeur à sa production88. Or, l’argumentaire du Groupe des XV témoigne de l’importance encore grande du flou dans ce jeu de distinction et de différenciation ; cependant cette fois dans le but de défendre son opposé.
46La netteté parfaite permet aux esthètes de marquer leurs différences, non seulement par rapport aux pratiques amateurs et aux dernières tentatives pictorialistes, mais aussi par rapport à la production étrangère. L’élan nationaliste qui anime les photographes français depuis la fin des années 1930 les engage à trouver des spécificités qui permettent à leur art de se démarquer ; d’abord par rapport aux avant-gardes étrangères présentes à Paris dès les années 1920, puis au sein des expositions internationales qui donnent lieu à des jeux de comparaison entre les différents pays. Depuis le xixe siècle, la Grande-Bretagne se caractérise aux yeux des Français par son flou, qu’ils jugent souvent excessif et lassant. En 1946, Daniel Masclet le répète lors de la première exposition internationale de photographie organisée après la guerre à Paris : « Comme d’habitude, la vieille Angleterre, très “gentleman like”, affectionne les images enfumées et les demi-teintes89. » Dans cet exercice de catégorisation nationale un peu sommaire, la France reste cantonnée au rôle qu’elle s’est assignée depuis le xixe siècle, et à cette « clarté » typiquement française dont Louis Aragon s’était déjà moqué en 1924, raillant le « petit air de contentement national90 » avec lequel ses compatriotes s’en réclamaient. En 1950, Le Photographe fait de la netteté une qualité spécifiquement française :
« La place tenue par l’Art photographique spécifiquement français parmi les différents styles nationaux a toujours été très honorable et très particulière, et ses caractéristiques le font reconnaître aisément. Bien sûr, comme tous les autres arts, la photographie française a eu elle aussi ses Écoles, et subit naturellement des “modes” variées qui l’influencèrent et firent ondoyer son cours. Mais cela n’est jamais allé jusqu’à lui faire perdre complètement sa démarche fondamentale, qui a toujours été à base de netteté, de clarté et de simplicité91. »
47Dans ce jeu de démarcation identitaire, la France mise toujours sur la netteté, ancrée dans l’idée qu’elle se fait de la photographie depuis l’invention du daguerréotype.
Notes de bas de page
1 Masclet Daniel, Camera, février 1950, p. 46-47 ; cité in Bouqueret Christian, Daniel Masclet, photographe, critique, théoricien, Paris, Marval, 2001, p. 20. Il réitère son argument la même année dans Publimondial (Masclet Daniel, « Le Groupe des XV de Paris », Publimondial, no 28, 1950, p. 92).
2 À ce sujet, voir Martin Pauline, « “Une grande force au service d’une grande œuvre” : Photographies et peintures de l’Afrique dans L’Illustration (1919-1940) », Word & Image, vol. 23, no 3, juillet-septembre 2007, p. 337-349.
3 Sougez Emmanuel, « Le Rectangle », Photo-illustrations, no 33, juin 1938, p. 4-5.
4 Bouqueret Christian, La Nouvelle Photographie en France, op. cit., p. 11 ; id., Des Années folles aux années noires, op. cit., p. 266.
5 Vétheuil Jean, « Considérations sur l’évolution de la photographie », art. cité.
6 Lejard André, « Marcel Bovis, photographe artisan », Arts et métiers graphiques, vol. 12, no 68, 15 mai 1939, p. 49-53.
7 Anon., « Réflexion d’un ancien : hier et maintenant », L’Instantané, année 7, no 73, juin 1936, p. 10-11.
8 Natkin Marcel, L’Art de voir et la photographie, op. cit.
9 Ibid., p. 4.
10 Ibid., p. 5.
11 Ibid., p. 3.
12 Ibid., p. 20.
13 Ibid., p. 44.
14 Ibid., p. 30.
15 Ibid., p. 8.
16 Abraham Pierre, « Témoignage », Arts et métiers graphiques, numéro spécial Photographie, 1936, n. p.
17 Serruys Yvonne, « Edward Steichen », Arts et métiers graphiques, vol. 10, mars 1937, p. 50-54.
18 Cantonnier Henri, « Avenir de l’optique », Arts et métiers graphiques, 1937, p. 111-113.
19 Sougez Emmanuel, « Photographie », Le Point, no 6, décembre 1936, p. 6-26.
20 Masclet Daniel, « Réflexions sur un Salon », Le Photographe, no 639, 5 janvier 1947, p. 13-14.
21 Garban André, « À propos du IXe Salon national de la photographie », Le Photographe, no 826, 20 octobre 1954, p. 434.
22 Sonthonnax Paul, « Essai de défense de la photographie contre les photographes : le Salon national 1954 », Photo-monde, novembre-décembre 1954, no 40, p. 1.
23 Gauthier Maximilien, « Réflexions à propos du IXe Salon national de photographie », Photo cinéma magazine, no 636, octobre 1954, p. 196-203.
24 Voir Lorelle Lucien, « Malaise de la jeune photographie. Lettre ouverte à mes amis des 30 × 40 », Photo-monde, juin 1954, no 36, p. 51-52 ; Paterne Germain, « Le Salon des 30 × 40 à la galerie Saint-Jacques. Une interview exclusive de Yousuf Karsh », Le Photographe, no 819, 5 juillet 1954, p. 297-298.
25 En 1951, Daniel Masclet regrette par exemple qu’Henri Cartier-Bresson ne participe jamais aux expositions collectives (Masclet Daniel, « XXXIXe Salon international de Paris », Le Photographe, no 753, 5 octobre 1951, p. 344-345). En 1956, une « lettre ouverte » publiée dans Camera déplore que des photographes comme Cartier-Bresson, Brassaï, Robert Doisneau et Édouard Boubat ne soient pas plus mis en avant, notamment dans l’exposition Family of Man, initialement organisée par Edward Steichen au Museum of Modern Art de New York, et présentée en 1956 au musée d’Art moderne à Paris (Michaelides Cl., « Lettre ouverte », Camera, année 35, no 6, juin 1956, p. 250).
26 Masclet Daniel, « Le XXXVIIIe Salon international d’art photographique », Le Photographe, no 731, 5 novembre 1950, p. 345-346.
27 Id., « XXXIXe Salon international de Paris », art. cité.
28 Ibid.
29 La polarisation du débat se manifeste notamment en 1945 lors de la XVIIIe Exposition de la photographie : « Nous avons d’un côté remarqué un lot de photos supérieures à tous points de vue, réalisées sous l’influence persistante du concept pictural ; de l’autre, quelques belles épreuves aussi qui affirment une tendance nettement marquée vers la plénitude de la belle définition photographique. Ces deux tendances se sont chacune signalée par de beaux résultats ; à nous de choisir selon notre tempérament le sens qui nous passionnera le plus », explique le président du jury J. M. Auradon (Auradon J. M., « Le Salon d’art à la XVIIIe Exposition de la photo », Le Photographe, no 623, 5 mai 1945, p. 76-77).
30 Bernard Georges, « Point de vue sur la technique et l’art », Le Photographe, no 774, 20 août 1952, p. 299-230.
31 Anon., « Séance générale du 23 mars 1924 », BSFP, t. 11, no 4, avril 1924, p. 73.
32 Faure-Conorton Julien, Visions d’Artistes : photographies pictorialistes, 1890-1960, op. cit., p. 10-11.
33 Comme leurs prédécesseurs, ces pictorialistes très tardifs réinvestissent notamment l’utopie d’un flou soi-disant mesurable, mais techniquement inatteignable. On retrouve en effet la quête d’un idéal impossible, dont les optiques à disposition ne permettent jamais la réalisation. Pour répondre aux « exigences particulières » des artistes photographes, H. Cuisinier recommande l’usage des objectifs d’artistes, popularisés par Jean Leclerc de Pulligny et Constant Puyo et dont les résultats « font encore l’admiration de l’élite des photographes » (Cuisinier H., « Dissertations sur les objectifs d’artistes », Le Photographe, no 657, 5 octobre 1947, p. 283-285). Néanmoins, la mauvaise adaptation entre ces objectifs historiques et les émulsions très sensibles disponibles en 1947 le pousse vers d’autres optiques. Pour le paysage, il recommande le Color, produit par l’opticien Berthiot pour maintenir l’aberration chromatique, alors que le portrait nécessite l’Opale, de la firme Boyer, prévu « pour être employé avec les émulsions chromosensibles de conception nouvelle » (ibid.). Ces solutions ne lui donnent pourtant pas entière satisfaction, au point que la quête de l’optique parfaite est relancée : « En attendant que l’objectif idéal soit proposé à l’artiste photographe attiré par les sujets d’extérieur, il faut utiliser au mieux les instruments dont on dispose actuellement » (ibid.).
34 Bernard Georges, « Point de vue sur la technique et l’art », Le Photographe, no 772, 20 juillet 1952, p. 273-274.
35 Masclet Daniel, « L’exposition internationale Subjektive de Sarrebruck », Le Photographe, no 834, 20 février 1955, p. 79-81.
36 Ibid.
37 Lorelle Lucien, « Xe Salon national de la photographie », Le Photographe, no 850, 20 octobre 1955, p. 509-510.
38 Bouqueret Christian, Daniel Masclet, op. cit., p. 23-25.
39 Masclet Daniel, « Le XXXVIIIe Salon international d’art photographique », art. cité.
40 Steinert Docteur, « Le groupe Fotoform », Le Photographe, no 763, 5 mars 1952, p. 30.
41 C. P., « À propos du VIIe Salon national de photographie », Le Photographe, no 777, 5 octobre 1952, p. 348-349.
42 Sonthonnax Paul, « Otto Steinert », Photo-monde, no 39, octobre 1954, p. 16-27.
43 Id., « La Subjektive Fotografie et l’école de Sarrebruck », Photo-monde, no 42, février 1955, p. 3-21.
44 Id., « Otto Steinert », art. cité ; id., « Photographie 53, fin ou commencement ? », Photo-monde, no 20, novembre 1952, p. 35-42.
45 Toussaint O., « L’autoportrait dans la photographie moderne », Camera, année 37, no 10, octobre 1958, p. 467-473.
46 Barthes Roland, « Le message photographique », Communication, no 1, 1961, p. 127-138.
47 Couverture du Photographe, no 974, 20 décembre 1960 ; Graner Michel, « Réflexions sur le mouvement », art. cité ; Lorelle Lucien, « Xe Salon national de la photographie », art. cité ; Masclet Daniel, « L’exposition internationale Subjektive de Sarrebruck », art. cité.
48 Id., « Réflexions sur un Salon », art. cité.
49 Auradon J. M., « L’épreuve d’exposition », art. cité.
50 Baugey Christian, « La photographie, moyen d’expression », Photo-monde, no 20, novembre 1952, p. 3-8.
51 Kuhlbrodt Eckhard, « La photographie de danse – un cas limite », Camera, année 43, no 7, juillet 1964, p. 6-7.
52 Klein William, Life is Good and Good for You in New York: Trance Witness Revels, Paris, Le Seuil, 1956 ; Frank Robert, Les Américains, Paris, Delpire, 1958.
53 Schuh Gotthard, « Robert Frank », Camera, année 36, no 8, août 1957, p. 339-340.
54 Klein William, « William Klein par lui-même », in Les Grands Maîtres de la photo : William Klein, Paris, Union des Éditions Modernes, 1983 (1982), p. 59-61.
55 Ibid.
56 Ibid.
57 Jouffroy Alain, « Le maître de la cacophonie », in Les Grands Maîtres de la photo : William Klein, op. cit., p. 57-58.
58 Martinez R.-E., « William Klein », Camera, année 36, no 3, mars 1957, p. 95-97.
59 Klein William, « William Klein par lui-même », in Les Grands Maîtres de la photo : William Klein, op. cit., p. 59-61.
60 Lorelle Lucien, « Le XIIIe Salon national de la photographie », Le Photographe, no 933, 5 avril 1959, p. 136-137.
61 Garban André, « Sachez composer vos photographies », Photo cinéma magazine, no 623, septembre 1953, p. 166-167.
62 C. P., « 50 ans d’art photographique français », Le Photographe, no 724, 20 juillet 1950, p. 229-230.
63 S. P., « Cartier-Bresson, écrivain par l’image », Photo-monde, no 20, novembre 1952, p. 33.
64 Gautrand Jean-Claude, « Henri Cartier-Bresson chez Robert Delpire », Jeune photographie, no 56, août-décembre 1956, p. 60-61.
65 Lorelle Lucien, « Du Salon national à l’exposition de Cartier-Bresson », Le Photographe, no 851, 5 novembre 1955, p. 535-537.
66 Klein William, « William Klein par lui-même », in Les Grands Maîtres de la photo : William Klein, op. cit., p. 59-61.
67 Documentary & anti-graphic photographs by Cartier-Bresson, Walker Evans & Alvarez Bravo, op. cit., p 14.
68 « Une photographie est pour moi la reconnaissance simultanée, dans une fraction de seconde, d’une part de la signification d’un fait, et de l’autre d’une organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment ce fait » (Cartier-Bresson Henri, Images à la sauvette, op. cit., n. p.).
69 Id., « “C’est très difficile, la photographie”, entretien avec Richard L. Simon », in « Voir est un tout », op. cit., p. 13-29.
70 Masclet Daniel, « XXXIXe Salon international de Paris », art. cité.
71 Cartier-Bresson Henri, « “Un reporter…”, entretien avec Daniel Masclet », in « Voir est un tout », op. cit., p. 7-11.
72 Id., Images à la sauvette, op. cit., n. p.
73 Id., « “C’est très difficile, la photographie”, entretien avec Richard L. Simon », in « Voir est un tout », op. cit., p. 13-29.
74 Id., « “Saisir la vie”, entretien avec Yvonne Baby (1961) », in « Voir est un tout », op. cit., p. 41-48. Première publication : Baby Yvonne, « “Le dur plaisir” d’Henri Cartier-Bresson », L’Express, no 524, 29 juin 1961, p. 34-35.
75 Ibid.
76 Id., Images à la sauvette, op. cit., n. p.
77 Id., « “Un reporter…”, entretien avec Daniel Masclet », in « Voir est un tout », op. cit., p. 7-11.
78 Id., « “C’est très difficile, la photographie”, entretien avec Richard L. Simon », in « Voir est un tout », op. cit., p. 13-29.
79 Bourdieu Pierre (dir.), Un art moyen, op. cit., p. 236.
80 Le 8 mars 1946, André Garban réunit dans son studio de la rue Bourdaloue des amis, qui faisaient partie de l’association du Rectangle, pour fonder une nouvelle association : le Groupe des XV.
81 Bouqueret Christian, Daniel Masclet, op. cit., p. 18.
82 Sougez Emmanuel, « Le Rectangle », art. cité.
83 Anon., « Exposition du Groupe des XV », Le Photographe, no 701, 5 août 1949, p. 260. Voir aussi C. P., « 50 ans d’art photographique français », art. cité.
84 Masclet Daniel, « De Hill à Blumenfeld, cent années d’art photographique », Le Photographe, no 664, 20 janvier 1948, p. 17-21.
85 Lorelle Lucien, « Xe Salon national de la photographie », art. cité ; id., « Réflexions sur le Xe Salon national de la photographie », Photo cinéma magazine, no 649, novembre 1955, p. 223-229.
86 Garban André, « Manifestation du Groupe des XV », Le Photographe, no 721, 5 juin 1950, p. 180.
87 Ibid.
88 « [L]’intention de conférer valeur à une pratique aussi accessible [que la photographie] enferme nécessairement la référence au moins négative à la pratique commune : les différents groupes d’une société stratifiées peuvent soumettre la pratique photographique à des normes différentes, celles-ci ont au moins en commun de différer (différemment) de la norme qui régit la pratique la plus commune » (Bourdieu Pierre [dir.], Un art moyen, op. cit., p. 73).
89 Masclet Daniel, « Le XXXIVe Salon international d’art photographique de Paris », Le Photographe, no 637, 5 décembre 1946, p. 233-235.
90 Aragon Louis, « Préface », in Le Libertinage, op. cit., p. 24.
91 C. P., « 50 ans d’art photographique français », art. cité.
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