Chapitre VIII. Le flou dans le cinéma des années 1920
p. 239-264
Texte intégral
Nouvelle influence du cinéma
1La complexité du rapport au flou dans les années 1920 ne peut se comprendre sans prendre en compte la manière dont le cinéma s’en empare, exactement à la même période. Dès 1918, puis massivement entre 1920 et 1925, des opérateurs se servent du « flou artistique, déjà connu en photographie1 » dans des buts esthétiques et narratifs variés. Son importance cinématographique croissante dénote bien sûr l’influence de la photographie. Les cinéastes puisent en partie leurs premières trouvailles techniques et esthétiques dans les expériences des photographes, qui se sont depuis longtemps emparés de la question du flou2. Des textes critiques de l’époque témoignent pourtant surtout de la manière dont les opérateurs se réapproprient cette forme pour en faire une pratique cinématographique pleinement assumée, laissant les photographes seuls face à leurs doutes sur la légitimité du flou. Dans les années 1920, les cinéastes l’empoignent d’une manière si simple, qu’on en oublie presque les dilemmes et les paradoxes auxquels se confrontent au même moment les photographes d’avant-garde, encore marqués par les préjudices dont ils accusent le pictorialisme.
2Cette éclosion du flou dans le cinéma se fait à une époque où les photographes se distancient progressivement du modèle pictural au profit de celui du film. En 1935, Walter Benjamin théorisera le modèle esthétique dominant que représente le cinéma pour son époque et qui prend de plus en plus d’importance dès les années 1920. Dans L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, il affirme la supériorité du pouvoir du nouveau médium sur les spectateurs en raison de la distraction qu’il propose, de son accessibilité et de sa reproductibilité qui permet sa diffusion à grande échelle. Pour lui, le « cinéma a effectivement enrichi notre univers perceptible3 ». Le cinéma transforme surtout à ses yeux le rapport des masses à l’art : soumises à l’opinion des élites face à la peinture, elles se libèrent de cette autorité face aux films qu’elles se sentent autorisées à juger de manière autonome et personnelle. Si les masses paraissent rétrogrades face à un Picasso, explique-t-il, « elles deviennent des plus progressistes vis-à-vis d’un Chaplin. Ce qui caractérise alors le comportement progressiste, c’est que le plaisir de regarder et d’éprouver se confond immédiatement et profondément avec l’attitude du spécialiste, à même de juger4 ».
3Le cinéma rassemble un public socialement très varié. Tant les avant-gardes artistiques que le public moins averti fréquentent les salles. Les photographes, qu’ils soient proches des surréalistes, amateurs « experts » ou novices, intègrent les nouvelles formes véhiculées par le cinéma. Dans le texte qu’il publie en 1930 dans le numéro spécial d’Arts et métiers graphiques, Waldemar-George est radical : « La réhabilitation de la photographie est l’œuvre du cinématographe5. » Trois ans auparavant, L’Art vivant avait déjà fait le même constat : « On ne comprendrait rien, en effet, aux progrès de la photographie si on ne songeait au cinéma6. » L’article est illustré de plusieurs images dont les inventions formelles produisent des flous variés (fig. 24). De nouveaux magazines consacrés au septième art – comme Cinéa, Cinémagazine et Ciné pour tous – critiquent les films et donnent des informations techniques aux amateurs qui souhaitent en réaliser. Même La Revue française de photographie qui, sous la houlette de Constant Puyo, défend une photographie d’inspiration picturale, laisse entendre l’importance pour les photographes des nouveaux modèles esthétiques que leur offre le cinéma. En 1925, une lettre d’un dénommé Guy Hervochon explicite à la fois la volonté d’orienter la revue vers la modernité cinématographique tout en prenant acte de l’aspect encore précurseur que prend sa requête :
« Je vais, bien sagement, comme la meute, le troupeau, au cinéma, voir des images, de belles images, des gestes, de beaux gestes. Quel enfant, n’est-ce pas ? […] Pourquoi ce dédain des maîtres photographes pour un art qui a porté au summum la perfection photographique ? Pour ma part, je prétends que, pour un amateur, il est infiniment plus profitable d’aller assister à la représentation d’un beau film que de visiter n’importe quel salon de peinture. Amateurs, secouez le joug, rompez les entraves, soyez modernes. […] Peut-être alors, comme cela m’est arrivé en montrant une belle épreuve à un profane, vous dira-t-on : “Comme c’est bien, on dirait une photo de cinéma !”. Ce Philistin a raison, mille fois raison. Pour mon compte, il m’aurait infligé une suprême injure en s’exclamant : “Tiens, c’est drôle, on dirait une estampe”7. »
Fig. 24. – Luc Benoist, « L’art de la photographie », L’Art vivant, vol. 2, 15 octobre 1927, p. 844-845.
Collections Bibliothèque Photo Elysée-mudac, Lausanne.
4D’autres courriers sont publiés par la suite sur le même ton et, en 1926, le titre du journal se transforme en Revue de photographie et cinématographie8.
Les flous cinématographiques
5Se tournant vers le modèle du cinéma, les photographes y voient également une nouvelle source d’inspiration face au problème particulier du flou. Auparavant conçu comme une aspiration picturale, le flou prend soudain la couleur du cinéma. À lire les textes de l’époque, il est surprenant de noter à quel point le flou devient appréciable lorsqu’on l’envisage du point de vue du nouveau médium. En 1935, on souligne dans Arts et métiers graphiques la manière dont les films ont influencé la photographie dans les années 1920. En citant le flou parmi les innovations cinématographiques, l’auteur en fait une forme nouvelle, détachée de ses antécédents picturaux, et même susceptible de « sauver » les photographes de l’influence des peintres :
« Le cinéma a influencé doublement la photo : d’une part, en multipliant les angles de prises de vues, en montrant la puissance des gros plans, le pouvoir de suggestion des objets inanimés, en utilisant les surimpressions, les caches, les flous, les déformations, en perfectionnant les supports négatifs, et d’autre, en éduquant la masse, en lui apprenant à goûter ces effets. Ces écrivains, des peintres même, ont compris que la photo devait délibérément s’écarter de la peinture où elle s’engluait depuis trop longtemps. […] Il faut avoir grandi avec le cinéma, avalé pendant des heures sa pâte grise […] pour apprendre l’abc de cette nouvelle écriture humaine qu’est la photo9. »
6La mention des « flous » au pluriel dénote en outre une nouvelle utilisation du terme, détaché de sa résonance esthétique et picturale pour désigner plus spécifiquement des techniques particulières et variées. Un Lexique du cinéma des origines à 1930, publié en 1958, confirme ce nouvel usage. Après avoir rappelé l’origine picturale du terme comme une « indécision voulue des contours », l’article « flou » précise qu’il s’agit d’un « [p]rocédé de prise de vue qui permet, grâce à un filtre placé devant l’objectif, ou à l’emploi d’un objectif doux, de voiler, d’estomper l’image filmique. Ne pas confondre avec le flou, défaut de la photographie10 ». On mesure ici l’écart qui sépare les flous cinématographiques qui évoquent des techniques très spécifiques, du flou photographique, toujours renvoyé à sa propre défaillance.
7Cette nouvelle appréciation du flou est importante, car elle témoigne de la signification très différente du terme en fonction de la technique dans laquelle il émerge. Au xixe siècle, il était enraciné dans le vocabulaire pictural, compliquant sa réappropriation par les photographes. Dans les années 1920, il passe du discours sur la peinture au vocabulaire du cinéma. Alors même que le terme continue à poser problème face à la photographie, la théorie cinématographique s’en empare comme d’un mot nouveau, libéré du poids qu’il endosse pour les photographes. Ces derniers, qui cherchent depuis près d’un siècle à incorporer le flou à leur esthétique tout en se heurtant aux présupposés picturaux qu’il suppose, en sont subitement comme dépossédés par certains opérateurs de cinéma, qui en font dans les années 1920 un de leurs « trucs » les plus en vogue.
8Ce changement de perception peut s’expliquer de plusieurs façons. Pour Emmanuel Sougez, le cinéma rend acceptable des éléments qui ne le sont pas dans la photographie parce que les images y défilent rapidement, ne laissant pas le temps au spectateur de ressentir la stupéfaction à laquelle il pourrait être confronté face à une image fixe. Il s’explique sur ce point dans une conférence donnée en mars 1932 à la Société française de photographie :
« C’est le cinéma qui conduisit, par ses audaces, la photographie vers une noble émulation. Nos yeux admettaient à l’écran, parce qu’elles étaient fugaces, des images qui, statiques, eussent autrefois paru excessives. Peu à peu, sans qu’on puisse dire exactement quand et en quels points la chose eut lieu d’abord, la photographie osa. Elle qui était la première née, voulut parler aussi le langage de son enfant prodige. Les yeux, déjà préparés, retrouvèrent alors figées dans une immobilité favorable à l’analyse, ces visions nouvelles de la vie et des choses que nous avait révélées le cinéma11. »
9Le flou présenté furtivement dans les films aurait ainsi peut-être habitué l’œil du spectateur au point qu’il finisse par l’accepter dans la photographie. Dès les films des frères Lumière, les flous de mise au point et ceux liés à la vitesse auraient été intégrés plus facilement à la vision moderne.
Technicité assumée du cinéma
10Dès 1895, les premiers films proposent en effet une nouvelle expérience optique dans laquelle le flou a une place importante pour des raisons techniques. Comme l’explique Kevin Moore, la fixité du cinématographe, posé sur un trépied, implique de nombreux flous en fonction du déplacement des personnages dans les premiers et les arrière-plans12. On l’observe notamment en 1896 dans plusieurs films des frères Lumière comme la silhouette floue d’un homme à cheval dans Buffalo Bill : cow-boys, le passage du camion de pompiers dans Retour des pompes à la caserne ou le défilé dans Attelage d’un camion. L’intrigue apparaît alors secondaire par rapport à la nouvelle vision fascinante du monde en mouvement qu’offre le cinéma.
11Comme dans le domaine de la photographie à ses débuts, les techniciens cherchent en premier lieu à éviter le flou qui apparaît comme un défaut à éviter. Dans Hebdo-film, on déplore « les seconds plans […] quelque peu flous par moments13 », « certains troisièmes plans […] un peu flous14 » et « la photo […] plate et floue15 » d’un film sur la plage de Biarritz. On trouve dans Ciné-journal – revue dédiée à l’industrie cinématographique – des publicités pour le film Panchromo qui garantit « tous les détails » avec « plus de flou ni de halo16 », et des auteurs qui s’appliquent plutôt à rassurer sur le fait « qu’il n’y a pas de crainte que l’image soit floue », par exemple dans un article sur « la cinématographie ultra-rapide17 ». Dans les premiers numéros de La Cinématographie française, créée en 1918, le flou n’est discuté que comme un élément technique à éviter qu’il s’agisse d’agrandir la projection « sans que les sujets soient flous ou déformés18 », ou de critiquer la piètre qualité de films d’une « photo un peu floue19 » ou de l’équipement de certaines salles de cinéma ne permettant pas une bonne projection20. Le magazine Le Film recommande pour sa part aux amateurs voulant enregistrer une promenade en voiture dans un vêtement ample : « Méfiez-vous […] du grand flou qu’il pourrait occasionner21. »
12Des recherches sont menées pour corriger le flou afin d’améliorer la qualité de l’image, mais il ne constitue pas un frein aussi important au statut artistique de la technique cinématographique qu’il ne l’a été pour le médium photographique. Le changement de perception du flou qui s’opère dans le cinéma doit en effet être considéré dans son rapport à la technique et l’on peut d’emblée remarquer la valeur positive attribuée à la technique du cinéma alors que les photographes ne cessent de s’en excuser. Dans la photographie, le flou est critiqué parce qu’il dévoile une technique mécanique et défaillante, qu’il s’agit à tout prix de masquer, notamment par l’imitation de la peinture et de son autre flou si spécifique. Les opérateurs de cinéma valorisent au contraire une technicité qui se voit. Là où le photographe cherchait en tout point à masquer son métier – à produire des flous « qui ne sentent pas l’objectif22 », comme le précisait Étienne Wallon en 1898 – l’opérateur met le sien en avant avec fierté. En passant de l’influence de la peinture à celle du cinéma, le flou change radicalement de registre. Sa technique, qui apparaissait comme dégradante face à la peinture, devient un atout. En 1933, imaginant un musée de la Photographie – alors encore utopique – Louis Chéronnet décrit la manière dont une salle présenterait d’abord « la recherche d’une interprétation artistique par des procédés de tirage » pour mener à une autre pièce qui mettrait en avant « l’apport du cinéma qui renouvelle les angles de vue et redonne à la photo sa valeur “mécanique” laissant le premier rôle effectif au pied, à l’objectif, au diaphragme, à l’éclairage, etc.23 ».
13Ce rapport différent à la technique a de quoi interroger, comme le fait d’ailleurs Georges Hilaire en 1935 dans Arts et métiers graphiques : « Trahison ! s’écriait-on il y a cent ans. Un processus photochimique peut-il faire œuvre subjective ? […] Qu’a fait Georges Méliès pour que l’on pardonnât au cinéma naissant son caractère mécanique24 ? » L’auteur trouve sa réponse dans « l’onirisme du film », c’est-à-dire dans l’émerveillement des premières séances cinématographiques, que Méliès agrémente de beaucoup de magie grâce à différents « trucs » techniques, comme la surimpression. Jusqu’en 1930, les procédés se développent et s’améliorent, mais la dimension onirique demeure et le flou y joue un rôle majeur : « La surimpression, le fondu, les flous, nous introduisent dans les royaumes du Rêve25 », lit-on en 1931 dans un article sur la technique cinématographique. Le cinéma, parce qu’il s’ouvre à l’image en mouvement et à la narration, propose un spectacle fascinant et inaccessible à la photographie. Il échappe, par ce biais, au reproche de sa technicité, car il n’entre pas dans une comparaison aussi franche avec les techniques classiques de la représentation.
14La technique cinématographique correspond en outre parfaitement à la civilisation urbaine et industrielle de l’entre-deux-guerres, qu’elle doit mettre en forme et rendre perceptible. Comme le rappelle Dominique Baqué, dans la conception que László Moholy-Nagy s’en fait, le cinéma « doit avoir pour tâche l’éducation et l’affinement des organes perceptifs, déjà fortement sollicités par la grande ville et le développement de la technique26 ». Dans la deuxième édition de Peinture, photographie, film, Moholy-Nagy, pourtant farouchement opposé au flou dans la photographie, complimente deux films sortis en 1927, l’un de Walther Ruttmann et l’autre d’Abel Gance : « Dans Symphonie de la grande ville, Ruttmann montre le rythme cinétique d’une ville en renonçant à la traditionnelle “action”. Abel Gance, quant à lui, utilise pour son Napoléon trois bobines de film juxtaposées27. » Le premier donne à voir l’énergie urbaine de Berlin, et alterne au début du film entre des images d’objets en mouvement rapide (trains, passants) et des vues de rues vides, dans lesquelles le flou est souvent présent. Le deuxième en montre également tant dans des vues de brouillard qu’à l’aide de la technique de la polyvision qui superpose des images d’une même scène. Moholy-Nagy ne mentionne pas le flou, mais la caution qu’il donne à ces deux œuvres confirme que le cinéma peut s’approprier le flou d’une autre façon que la photographie.
David Wark Griffith : le flou de la figure
15Trop encombré de références picturales et pictorialistes, ou considéré comme un défaut dans la photographie, le flou émerge sous un jour nouveau dans le cinéma et devient aux États-Unis comme en France un élément central de la prise de vue et de la narration. C’est d’abord dans les œuvres de David Wark Griffith que le flou acquiert ses lettres de noblesse. S’inspirant du « flou artistique » connu dans la photographie, l’opérateur invente une forme qui devient sa véritable marque de fabrique cinématographique. Son flou s’apparente à « une sorte de halo léger recouvrant les contours d’une photo nette par elle-même. L’avantage d’une telle innovation est de bannir de la grosse tête projetée les défauts […] et, en le faisant apparaître plus tangiblement, d’intensifier le jeu de physionomie de l’artiste28 ». Comme dans le portrait photographique de studio, son flou est souvent utilisé pour masquer les impuretés des visages dans les gros plans, ainsi que les imperfections de maquillage29.
16Naissance d’une nation, qu’il produit en 1915, est reconnu pour cette innovation comme on l’écrit dans Cinéa à l’occasion de la sortie du film en France en 1923, huit ans trop tard selon la revue qui déplore que la France n’ait pas plus rapidement accès aux productions américaines :
« C’est ici que Griffith tenta pour la première fois ses portraits en flou qui causèrent une véritable révolution et qui sont aujourd’hui partie intégrante de toute technique un peu raffinée. Quelques gros premiers plans de la Naissance d’une nation dépassent la timidité des essais et sont déjà de définitives œuvres d’art qu’on ne lasserait pas d’admirer30. »
17Quelques années plus tôt, c’est grâce au Lys brisé de Griffith que les Français découvrent pour la première fois, mais trop tard selon certains, son « flou artistique31 » :
« Ces gros plans où l’on voit les personnages exprimer un sentiment intense par le moyen d’une extrême concentration d’esprit avaient, en effet, le défaut, jusqu’à présent, de nous montrer parfois mieux les défauts de peau ou le maquillage de l’artiste que la nature du sentiment qui l’agitait. L’usage de cette sorte de flou, lui, supprime tout détail inutile, nuisible même, et tend ainsi à accentuer le jeu de physionomie du personnage ainsi vu de très près. Ce flou, d’ailleurs, est un flou non pas dû simplement à une mise au point défectueuse voulue ou non, mais un flou particulier, auquel je crois, le nom de “halo” conviendrait mieux, puisqu’il consiste en une sorte de trait brumeux recouvrant les principales lignes nettes de la vue projetée32. »
18Proche de l’ambition du flou dans la peinture, celui de Griffith a non seulement pour but de « sublimer l’image de cinéma en exploitant ses qualités picturales et de rendu atmosphérique33 » – comme l’explique Martine Beugnet –, mais il vise aussi à la mimêsis pour atteindre une représentation plus vraie. On peut lire en 1921 dans Le Film :
« Les superpositions, les fondus, les flous, etc., n’ont de raison d’être qu’autant qu’ils concourent à l’effet général, en faisant en quelque sorte partie intégrante de l’œuvre. Dans Le Lys brisé, par exemple, ces raffinements n’avaient qu’un but : créer une atmosphère plus précise, et nous donner, plus parfait, le sentiment de la réalité34. »
19Reconnu comme véritable précurseur, Griffith hérite d’une technique déjà éprouvée en photographie, qu’il s’agisse du « flou artistique » dans le portrait ou du flou chromatique qui s’obtient « par une différence de mise au point entre les rayons violets et les rayons jaunes35 ». Jugés archaïques et dépassés par des avant-gardes photographiques soucieuses de se détacher du pictorialisme, ces procédés paraissent au contraire novateurs et modernes dans le cinéma, au point que le flou devient un élément très important de ce nouvel art filmique. En 1921, Germaine Dulac écrit :
« Dégager le cinéma des autres formes de l’art, lui révéler sa propre voie, sa propre grandeur, sa propre personnalité, tels furent l’effort et la réalisation de Griffith qui fut toujours un novateur et non un disciple. À lui nous devons […] cette étude des images floues qui fondent, estompent certains traits ; ces projections irisées ou dégradées en une même teinte qui encadrent l’écran36. »
20La réalisatrice témoigne de l’importance du flou dans la modernité du cinéma de Griffith.
Marcel L’Herbier et l’« école impressionniste » en France
21Pour les critiques de cinéma français, le flou appartient surtout au style américain37. On se plaint parfois d’ailleurs que la France ne sache pas mieux s’en servir : « La photographie est toujours trop dure (sharp). On dirait que les opérateurs ignorent comment se servir du “soft focus” des disques de verre, des petits écrans, des morceaux de tulle, qui donnent aux films américains ces bons flous, souvent artistiques et presque toujours indispensables38 », déplore-t-on en 1928 dans Cinémagazine. Les critiques encouragent les réalisateurs français à s’inspirer des inventions américaines, malgré quelques réticences qui s’expriment notamment dans La Cinématographie française : « [É]vitons le flou, l’imprécis, les essais psychologiques et ne cherchons pas à dépasser le lyrisme de… Griffith, par exemple39 », peut-on lire en 1920. En France en 1915, l’année où Griffith produit La Naissance d’une nation, Abel Gance réalise La Folie du Docteur Tube, court-métrage qui présente un scientifique fou faisant diverses expériences de toutes sortes. Expérimentant tous les procédés qui permettent de déformer l’image et de lui donner un aspect bizarre, « [l]e jeune metteur en scène emploie à cet effet des glaces déformantes et des flous40 », explique-t-on en 1923. L’œuvre paraît pourtant si étrange aux directeurs de salles qu’ils refusent de montrer ce film au public41.
22En France, le flou n’émerge véritablement qu’au début des années 1920 avec des cinéastes comme Marcel L’Herbier, Abel Gance, Jean Epstein, Louis Delluc et Germaine Dulac. Marcel L’Herbier est le premier, dès 1920, à se faire connaître pour les flous dont il agrémente ses films. Avec L’Homme du large qu’il réalise alors, il s’affiche d’emblée comme le grand précurseur du flou en France, qui, à la différence de celui de Griffith, a une fonction plus narrative qu’esthétique. Dans Ciné pour tous, on admire l’utilisation qu’il fait du flou pour marquer les souvenirs des personnages :
« [U]n perfectionnement fort intéressant également vient d’être apporté par Marcel L’Herbier, dans L’Homme du large : il consiste à présenter ces derniers en flou – pas le même flou, d’ailleurs que celui utilisé par Griffith dans les gros plans – en flou enveloppant, total ; c’est en effet beaucoup plus rationnel et beaucoup plus compréhensible, et, comme pour tout ce qui est simple, on s’étonne que nul n’y ait songé avant42. »
23C’est aussi en 1920 que Louis Delluc publie son livre intitulé Photogénie – dans lequel il défend l’expression visuelle de la psychologie des personnages –, au sein duquel il prend ouvertement parti pour le flou en raillant ironiquement ses adversaires :
« Tout ce que je dirais du flou serait aussi criminel. Notre œil voit des plans flous. L’écran n’a pas le droit de voir flou. Étrange ! En cinéma, tous les plans sont nets. Ô logique ! Car c’est au nom de la logique que toutes les erreurs lumineuses et photographiques entourent nos films d’absurdité. N’est-ce pas la logique de ces dictateurs – un dictateur est toujours provisoire – qui répudie la déformation ? Notre œil doute parfois de l’équilibre d’un clocher lointain, d’un paquebot à l’horizon, d’un rivage trop proche de nous. Grâce à quoi la peinture a construit des milliers de chefs-d’œuvre43. »
24Évoquant l’année 1918 dans un numéro publié en 1921, Cinémagazine confirme qu’en ce temps-là, « les opérateurs de prise de vue n’avaient pas encore inventé le flou artistique44 ! ». Ils le font dans les deux années qui suivent, avec l’ambition de se démarquer d’une production cinématographique française alors étouffée par une crise économique qui favorise, plutôt que les films d’auteur, les productions collectives réalisées par des sociétés qui s’adressent à un public populaire et sans légitimité culturelle. Marcel L’Herbier comme d’autres cinéastes étiquetés d’« impressionnistes » cherchent à s’en démarquer et à définir une esthétique propre au cinéma « par l’exploitation systématique des possibilités techniques de la caméra45 ».
25François Albera a montré la complexité de l’avant-garde cinématographique des années 1920. La dénommée « école impressionniste » – dont feraient notamment partie Marcel L’Herbier, Jean Epstein, Louis Delluc et Germaine Dulac – semble plutôt être une catégorie historique créée après-guerre par Henri Langlois pour la distinguer de l’« expressionnisme » allemand46. Pour Albera au contraire,
« [o]n ne saurait parler […] d’“école” en dépit de la commodité apparente qu’a acquise l’expression “école impressionniste”. Les proximités sociologiques – qu’ils partagent d’ailleurs avec des cinéastes que l’on n’associe pas ou plus à leur “tendance” –, les convergences d’intérêt en matière de reconnaissance institutionnelle via les revues, les ciné-clubs, les expositions, les cycles de conférences, voire les collaborations occasionnelles qui les réunissent parfois […] ne les constituent pas en un groupe homogène. Les discours théoriques de chacun diffèrent, les esthétiques également47 ».
26Ce qui les réunit, en revanche, est « le combat pour faire reconnaître le metteur en scène comme auteur du film48 ». Au contraire des avant-gardes surréalistes, dont les propositions cinématographiques sont « réglé[e]s par le refus d’“articiser” le cinéma, d’en faire, selon l’expression consacrée “le 7e art”49 », ces cinéastes cherchent la reconnaissance d’une élite et celle du cinéma comme un art à part entière. Là où les surréalistes souhaitent noyer la notion d’« auteur » et d’« œuvre » sans se distinguer des productions cinématographiques populaires, Louis Delluc, Germaine Dulac et Marcel L’Herbier espèrent créer un art reconnu comme tel. François Albera remarque d’ailleurs dans les écrits de l’époque un « vocabulaire offensif » et un « appel aux doctrines » qui sont « envisagés dans la perspective strictement “militaire”50 ». Ce combat n’est pas sans rappeler celui des pictorialistes – parfois accusés d’être des peintres frustrés – et leur vocabulaire guerrier pour défendre l’accès de la photographie à une élite de l’art. François Albera rappelle d’ailleurs que tant Marcel L’Herbier, Louis Delluc que Jean Epstein, avaient d’abord des ambitions littéraires restées inassouvies et se seraient tournés vers le cinéma pour combler leur besoin de reconnaissance51. Le flou pratiqué par ces cinéastes se teinte ainsi également d’un accent de revendication artistique. Comme dans la photographie, le flou cinématographique s’inscrit dans la recherche d’une reconnaissance artistique. À l’inverse d’elle pourtant, il est d’emblée valorisé comme un élément caractéristique de la technique du cinéma lui permettant ainsi de défendre son potentiel artistique spécifique.
27Malgré son caractère résolument novateur, le flou cinématographique n’est pas exempt de parallèle avec la peinture. La comparaison est en effet souvent faite à propos des films de David Wark Griffith et de Marcel L’Herbier. À propos de Way down East (À travers l’orage) réalisé par Griffith en 1920, un critique trouve « le tout un peu flou ; j’ai songé à Corot52 ». Cette recherche picturale chez Griffith est d’ailleurs clairement explicitée par Jacques Roullet dans Cinémagazine : « [C]eux qui lui reprochent d’avoir recherché des effets de flou ne comprennent peut-être pas très bien l’effort artistique qu’il a voulu tenter, car, indiscutablement, ce maître du film possède un œil de peintre53. » Le cinéma ne craint pas le parallèle avec les peintres les plus admirés des pictorialistes, comme Eugène Carrière qui est appelé à la comparaison de L’Homme du large de L’Herbier54 et de Ben-Hur de Fred Niblo55.
28Pour Jean Epstein, l’aspect pictural du flou met d’ailleurs en doute sa nécessité au cinéma. Dans une interview de 1923, commentant son film L’Auberge rouge sorti la même année, le cinéaste regrette son usage excessif du flou :
« [A]yant confié toute l’expression et toute la vie de ce film à la technique “flou”, je me suis aperçu que celle-ci était une erreur, pour la bonne raison que, lui ayant fait rendre tout ce qu’elle pouvait donner, je n’ai obtenu qu’un résultat très inférieur à celui que j’espérais. Cette technique, parfaite pour des scènes spéciales, telles que celles auxquelles elle était adaptée dans El Dorado de L’Herbier, est une impasse, un cul-de-sac et n’aboutit finalement à rien, lorsque l’on veut s’en servir comme je l’ai fait pour L’Auberge rouge. […] [P]our résumer mon opinion sur l’emploi trop généralisé de la technique en question, je crois que dans cette alternative, elle ramène trop le cinéma à la peinture56. »
29Epstein recommande des procédés qui correspondent mieux, selon lui, à l’ontologie cinématographique et touchant plutôt au rythme visuel et à l’accélération. Il continue cependant à utiliser le flou de manière plus ponctuée, comme dans son film L’Affiche en 192557.
La fonction du flou
30Malgré la réserve exprimée par Epstein, le lien du flou à la peinture ne fait pas obstacle à son usage dans les films et à sa reconnaissance pleinement cinématographique. Ce rapprochement avec la peinture est extrêmement problématique pour les photographes d’avant-garde qui souhaitent rompre avec le pictorialisme ; mais le cinéma ne s’inscrit pas dans la même histoire, et adopte le flou beaucoup plus librement. Surtout, il en fait un élément fondamental de la narration, lui donnant un rôle qu’il n’avait pu endosser ni dans la peinture ni dans la photographie. L’usage qu’en fait Marcel L’Herbier dans El Dorado, en 1921, révèle cette valeur nouvelle que le flou acquiert au contact du cinéma. Le film, qui raconte l’histoire tragique d’une danseuse de cabaret nommée Sibilla, devient rapidement emblématique de la richesse technique qu’offre le médium. En 1923, Jean Mirty estime qu’il « fait faire un énorme pas en avant à la technique d’alors. Ce film est une véritable symphonie visuelle ; il contient des innovations dont les possibilités sont illimitées : déformation plastique ; généralisation des flous partiels, halos… etc.58 ».
31Une scène en particulier montre Sibilla dans un flou complet en train de danser sur scène, mais absorbée dans ses pensées. Le flou prend ici une fonction fondamentale, qui consiste à faire surgir une sensation ou un ressenti. Détaché d’une simple recherche esthétique parfois jugée futile ou coquette, il fait partie prenante du film sans qu’on ne puisse plus l’accabler de superficialité. Comme l’explique en 1926 Pierre Porte dans Cinéa, il permet :
« d’exprimer des sentiments ou des idées par des moyens directement visuels. Si L’Herbier nous montre dans El Dorado Sibilla floue parmi les danseuses nettes, c’est pour concrétiser en une image cinégraphique que Sibilla rêve. […] Ainsi le sentiment, ou plutôt son équivalent s’inscrit sur la pellicule même : Il est rendu sensible, il est perçu directement par l’œil et nous affecte directement. Il se manifeste par la forme du film59 ».
32Ce nouvel atout que le cinéma offre au flou est essentiel, car il lui donne une fonction qui justifie pleinement son usage cinématographique. C’est bien cette question de la fonction qui pose problème à la photographie : elle explique pourquoi elle échoue à véritablement donner sa place au flou, alors que la peinture et le cinéma y parviennent. Les photographes, longtemps pris au piège des débats pictorialistes sur le flou, ne réussissent pas clairement à identifier sa mission dans la nouvelle conception émergente de la photographie. On le déplore comme un défaut, ou comme l’imitation de la peinture, mais on peine encore à l’investir d’une force proprement photographique. La représentation du mouvement et de la vitesse figure parmi les préoccupations des photographes – et l’on verra son importance dans un prochain chapitre –, mais le souvenir du pictorialisme ne leur permet pas de s’emparer de la notion comme les peintres l’avaient fait aux siècles précédents et comme les cinéastes le font vers 1920.
33Dans la peinture classique, le flou répondait à une fonction fondamentale de la représentation en constituant une technique précise visant à atténuer les touches du pinceau sur la toile, c’est-à-dire la trace de l’intervention du peintre. En dissimulant son faire, le flou permettait de s’approcher de l’idéal classique d’une « fenêtre ouverte60 » sur l’histoire, selon l’expression d’Alberti en 1435. Il travaillait au perfectionnement de la mimêsis, afin qu’elle puisse donner l’illusion de se peindre toute seule. La fonction picturale du flou constituait bien un élément essentiel du métier du peintre, qui l’avait adopté sans se heurter aux contradictions observées dans la photographie.
34Il en va de même pour l’opérateur de cinéma, pour qui le flou répond à une fonction essentielle de son art. Elle ne se situe pas tant dans l’amélioration d’une mimêsis que dans la construction formelle d’une émotion narrative. Le flou permet non seulement d’exprimer visuellement des éléments de narration autrement difficiles à comprendre, mais surtout de faire ressentir. Dans El Dorado, Marcel L’Herbier parvient grâce au flou non seulement à indiquer un sentiment, mais aussi à le communiquer au spectateur et à le lui faire vivre. Dans le cadre d’un colloque organisé en 2013 sur le flou au cinéma, Giusy Pisano résume d’ailleurs très bien les différents emplois possibles du « flou narratif », que ce soit dans le cinéma d’auteur (elle cite Jean Epstein, Louis Delluc, mais aussi Michelangelo Antonioni) et d’avant-garde, ou dans le cinéma narratif : « [I]l est employé dans le cinéma narratif en raison d’indications précises de scénario, par exemple afin de représenter le trouble d’un personnage, pour illustrer un lieu imaginaire, un rêve, un souvenir, pour troubler les frontières temporelles et spatiales61. » Pour Martine Beugnet, chez les cinéastes des avant-gardes françaises, « [l]a zone floue, c’est celle où le film abandonne la simple observation du réel pour explorer les états intérieurs, subjectifs62 ».
35Dans les années 1920, on parle des « flous, utilisés soit dans les visions de rêve, de cauchemar ou d’ivresse, soit pour estomper les visions de souvenirs63 », mais il peut aussi s’agir de peur ou de lassitude64. Le flou devient le moyen d’exprimer une intériorité psychique et trouve, dans sa rencontre avec le cinéma, une caisse de résonance importante. Dans Ciné-journal, on applaudit ces « jeux aussi savants de surimpression, de flou, de dégradé, de fondus enchaînés et de dédoublement, qui concourent à extérioriser, à matérialiser, si l’on peut dire, l’âme des interprètes65 ». L’idée est résumée encore en 1929 par la revue Cinéa :
« La vie psychologique ne peut être comparée qu’à une réalité fluide et mouvante comme le courant d’un fleuve : elle s’écoule. Se trouve-t-il un art qui, mieux que le cinéma, puisse suivre pas à pas ce courant de conscience parfois ralenti, quelquefois accéléré par la passion ou l’émotion – dont le centre est très net et la marge souvent floue, et dont les profondeurs subconscientes par instant, visibles impriment à la surface des remous dont on ignore bien souvent l’origine. – Et surtout, n’est-il pas prodigieux de constater que les procédés techniques du cinéma correspondent à ces données psychologiques du courant de la conscience66. »
36À la lumière du flou cinématographique, tel qu’inventé par les opérateurs dits « impressionnistes », il est possible de réévaluer l’embarras dans lequel la photographie semble figée. La difficulté à assumer un flou photographique n’est pas seulement due à des difficultés techniques et à des résistances liées à l’histoire critique du terme. Elle s’explique aussi par la nécessité de trouver la fonction que le flou peut remplir dans la photographie et par rapport à ses caractéristiques propres. Dans les années 1920, celle-ci n’est pas encore trouvée.
Syntaxe incomprise
37Au cinéma, les procédés pour obtenir du flou sont divers ; ils s’apparentent néanmoins, comme chez les photographes flouistes de la fin du xixe siècle, à des « trucs » empiriques parfois très hasardeux. En 1926, Juan Arroy recommande « l’interposition devant l’objectif de gazes très transparentes » et raconte que, « autrefois, on utilisait le procédé d’une cuve remplie d’eau bouillante, placée à terre devant l’appareil. Mais ce procédé rudimentaire a dû être abandonné par suite de nombreux inconvénients, et on ne l’utilise plus guère que dans des cas spéciaux67 ». Le flou « soft focus » de Griffith paraît lui aussi artisanal, comme l’explique la revue Cinéa :
« On doit tout d’abord placer entre les lentilles, une mince petite toile noire dans un léger cadre d’acier. C’est à l’aide de cette petite toile que l’on obtient le “soft focus” (flou) qui doit entourer le visage à photographier. Pour cela, quand la mise au point est faite, on retire la petite toile et on la brûle tout doucement, d’abord au milieu, puis le trou s’élargit et on ne laisse de la toile que les parties qui devront servir à donner le flou entourant la tête, en général, les opérateurs ne brûlent pas la toile avec une allumette, car ils risqueraient de l’enflammer entièrement d’un seul coup, ils préfèrent la brûler avec le feu doux d’une cigarette, de la sorte les fils de la minuscule toile se brûlent les uns après les autres, et en cessant le contact de la cigarette allumée contre la toile on peut obtenir, à un millimètre près, les limites choisies au champ du soft focus68. »
38Parmi les techniques les plus répandues, on trouve aussi les objectifs spéciaux, le dérèglement de la mise au point et le flou chromatique69. Mais ce sont surtout le « cache flou » – qui consiste « en un morceau de celluloïd blanc qu’on place à l’avant de l’objectif et qui dégrade les bords de la vue photographiée70 » – et l’écran producteur de flou qui sont les plus utilisés. Celui-ci « nécessite l’emploi d’un objectif assez rapide et produit des effets artistiques très recherchés. Il peut être employé aussi pour réaliser certaines scènes de caractère un peu mystérieux, telles que l’apparition ou la disparition d’un fantôme, d’un esprit, ou quelque chose d’analogue71 ». On en trouve de toutes sortes, comme le « Graduated Iris », qui donne une image dont seule la partie centrale est nette, le « White Iris », qui présente un effet de brouillard ou le « Diffused Iris » producteur de flou.
39Abel Gance dans La Roue (1923), Jacques Feyder dans Crainquebille (1922) et Jean Epstein dans L’Auberge rouge (1923) contribuent à faire du flou un élément important de la pratique cinématographique. Dans une conférence donnée en 1924, Germaine Dulac le mentionne parmi les éléments de syntaxe élémentaires du cinéma : « [J]e dois vous entretenir d’un sujet qui m’est particulièrement cher : des procédés expressifs du cinéma, du rôle des différents plans et angles de prise de vues, du fondu, du fondu enchaîné, de la surimpression, du flou, des déformations. En somme de toute la syntaxe du film72. » Dans la Gazette des sept arts, ces mêmes ressorts techniques – qu’il s’agisse du fondu, du dégradé, de la surimpression ou du flou – sont perçus comme une « ponctuation visuelle73 ». On en vient même dans Cinéa à imaginer élaborer une grammaire stricte du flou qui donnerait un sens particulier à chacune de ses déclinaisons :
« L’écran dispose actuellement d’un certain nombre de symboles qui en constituent la grammaire : le flou, total ou partiel – l’accéléré – le ralenti – l’apparition progressive soit par un fondu, soit à l’iris, soit par le mouvement d’un écran – la déformation – la surimpression, etc. […] Il semble, si l’on voulait, pour employer le jargon à la mode, standardiser les symboles, qu’on pourrait s’entendre sur les conventions scénaristes. […] Le flou léger servirait à caractériser le passé, qu’il soit évoqué par un des personnages (ce que rendrait sensible l’iris) ou raconté par le narrateur. J’ajoute qu’il serait conforme à l’exactitude psychologique de réserver pour les scènes évoquées ou imaginées le flou partiel – seule apparaissant nettement la figure principale ou le détail saillant. […] Dans le cas fréquent où l’on veut montrer une apparition, une évocation, on peut en affirmer le caractère soit en lui donnant un certain flou, soit – ceci n’a guère été essayé – en la faisant ressortir nette, précise et brève, comme à la lueur d’un éclair, dans une pièce moyennement éclairée74. »
40Une telle standardisation servirait de marche à suivre pour le cinéaste, qui n’aurait qu’à piocher dans son livre de recettes pour savoir quel flou utiliser pour répondre à son objectif narratif.
41Un usage si rationnel menace pourtant d’enlever au flou sa fonction essentielle. L’écueil réside dans la perte du sens donné au flou cinématographique, qui risquerait de devenir une pure modalité. En 1924, un article publié dans Cinéa exprime ce danger :
« Cette pauvreté, cette faiblesse, voire cette inexistence de la dramaturgie cinématographique originale, me semble provenir très nettement de l’importance exagérée que l’on accorde à la technique. Course effrénée de nos réalisateurs les mieux doués au nouveau fondu, au nouveau cache, au nouvel enchaîné. […] Ainsi de même le flou, la déformation picturale, la double exposition et autres simples signes de l’alphabet visuel75. »
42Il s’agit pour les cinéastes de ne pas vider le « flou artistique » de son sens pour en faire une forme conventionnelle qui indiquerait un surplus d’art artificiel, comme on le déplore dans la photographie. Le flou doit répondre à une exigence du film pour ne pas s’afficher comme une simple démonstration de savoir-faire. Il ne vise pas seulement à indiquer ou signifier quelque chose, mais il permet surtout par sa forme de faire ressentir la vie du personnage. À propos d’un film de George Fitzmaurice sorti en 1921, un critique regrette un mauvais usage du flou :
« Dans Expérience de Fitzmaurice, nous assistons à la mort de la mère de Richard Barthelmess, Gertrude Claire. Pour nous montrer qu’elle a fini de vivre, le cinéaste recouvre, dans un plan général de la scène, son visage par un flou progressif… Nous comprenons que cela veut dire qu’elle est morte ; mais nous comprenons comme si nous déchiffrions un rébus… Ce procédé artificiel n’est en effet qu’un rébus, une devinette. Souvent utilisé, il ne tarderait pas à devenir une convention. Ce flou n’est qu’une expression ; ce n’est pas une sensation. Pour qu’il y ait équilibre entre elles, pour que nous sentions directement ce qui est exprimé, il faudrait que, voyant par les yeux de la mourante, notre vue se trouble peu à peu jusqu’à s’éteindre76. »
43Le flou est bien présent, mais il perd sa véritable fonction de transmission du sentiment. Pour le critique, le flou aurait dû permettre au spectateur de véritablement prendre la place de la mourante pour voir comme elle, et lui faire vivre ainsi la sensation du personnage.
44C’est précisément ce que parvient à faire Abel Gance dans La Roue qu’il réalise en 1923. Le film raconte l’histoire de Sisif, mécanicien tourmenté épris de sa fille adoptive, dont on observe les délires et la chute après qu’un accident de train l’a rendu aveugle. Le flou permet de « faire exprimer par un procédé strictement cinégraphique le délire de Sisif77 », de « conter pathétiquement la tragédie de Sisif qui devient aveugle. Sa pipe floue, son verre flou jouant dans un rayon de soleil livide prenaient l’émotion à sa source profonde pour nous la livrer amplifiée formidablement78 ».
45Le premier flou des films de 1919 à 1921 n’est pas toujours compris du grand public qui croit, comme face à la photographie, à un défaut de mise au point. Les directeurs de salles de cinéma sont particulièrement critiqués, car, déplorant eux aussi face au flou une erreur technique, ils prennent la liberté de couper des scènes pour éviter au public une incompréhension. C’est le sort qui est notamment fait à la scène dansée par Sibilla dans El Dorado :
« L’auteur a voulu, un moment, pour produire une impression déterminée, réaliser un flou. C’était là une audace d’artiste qui risquait de ne pas être comprise par tout le monde puisque, en effet, certains spectateurs ont cru à une défectuosité de photographie ou de projection. En conséquence, pour éviter toute incompréhension, des directeurs ont coupé la scène en question. Si l’action n’en est pas amoindrie, du moins une œuvre personnelle en souffre79. »
46L’élite parisienne déplore en particulier l’ignorance des provinciaux, qu’ils considèrent en total décalage avec la capitale. Pour ce public, le flou paraît plus difficile à accepter que d’autres effets. Le ralenti, par exemple, séduit rapidement sans se heurter à une résistance trop forte de la part des spectateurs80. Jusqu’au milieu de la décennie, on critique l’incompréhension du flou qui, à Paris, paraît parfaitement bien assimilé. Dans Cinémagazine, on rapporte qu’au cours d’une projection à l’attention des directeurs de salles de cinéma, « un exploitant de province (qui évidemment avait acquis son écran de fraîche date), s’écria en voyant ce que toute la salle savait être un flou à la Griffith : “L’appareil n’est pas au point !” et refusa d’en démordre81. » En 1923, le film Crainquebille de Jacques Feyder est confronté au même problème, comme le déplore un lecteur de Cinémagazine ayant vu le film en province : « Tout est parfait dans Crainquebille, mais là encore tout n’a pas été compris, les flous et la décentration pendant les scènes du tribunal par exemple. Triste… Triste… ! Non, mais y a-t-il un mouvement cinématographique à Saint-Étienne ? Je ne pense pas82. » Comme dans la photographie, le flou opère une distinction des classes, et son appréciation diffère selon le niveau culturel et l’appartenance sociale des professionnels et des spectateurs.
47Un travail d’éducation se fait progressivement, afin de faire accepter le flou auprès du public. Pour Crainquebille, Germaine Dulac s’en charge :
« La déformation et le flou apportent toute une philosophie visuelle au cinéma. […] Dans un film admirable, Crainquebille, il [Jacques Feyder] a joué avec génie du procédé des flous et des déformations. […] Cet appoint des flous et des déformations n’a pas été sans apporter quelque perturbation dans l’esprit du public qui comprend mal le réel but du cinéma, la vision du drame ou des joies de la vie intérieure. On pourrait faire un film avec un seul personnage en conflit avec ses impressions. C’est presque ce tour de force qu’a réalisé superbement Feyder dans Crainquebille. Crainquebille et ses sentiments de crainte et d’espoir ! Vus sous l’angle de la pensée de Crainquebille, flous, surimpressions, déformations jouent magistralement. Ce pauvre Crainquebille, innocent du délit dont on l’accuse, ne possède plus la juste vision des choses83… »
48La réalisatrice explicite la fonction du flou, qui a pour ambition de faire entrer le spectateur dans le regard et la pensée du personnage, pour lui faire vivre et ressentir son égarement.
Succès industriel et perte de fonction
49Progressivement, le flou se fait mieux comprendre et admettre, même en province. En 1924, on constate ce changement dans le cadre d’une enquête menée sur le public d’un cinéma de Montpellier : « [D]ans l’ensemble, le goût du public s’affine constamment ; ainsi, actuellement, si les rythmes d’alternance rapide “à la Epstein” sont encore discutés, le flou est admis ; le public ne croit plus à une mise au point défectueuse et plus n’est besoin de le prévenir, comme on dut le faire avant la projection d’El Dorado ou de Jocelyn que ces flous avaient été réalisés volontairement84 ! » En 1925, le flou ne pose définitivement plus problème, comme on l’explique dans Cinémagazine :
« Dès à présent nous savons que si les foules restent encore déconcertées par des films exclusifs à dessein, elles s’intéressent toutefois à des procédés qui déchaînaient les sifflets il n’y a pas quatre ans. Ainsi sont acceptés aujourd’hui : gros plans, flous, déformations, ralentis, montages courts, incompris à leur apparition et employés depuis par leurs détracteurs mêmes85. »
50On se souvient alors comme d’une époque lointaine le temps où le public sifflait des flous incompréhensibles à ses yeux86 : « 1918 ! 1919 ! C’est si proche et pourtant ces menus événements nous semblent si lointains. […] On sifflait les premiers flous du Lys brisé87. »
51Tel qu’il émerge et transparaît dans la critique vers 1920, le flou cinématographique vit une gloire de courte durée88. Progressivement, le flou est de moins en moins apprécié. Comme cela s’était déjà produit face au pictorialisme, le phénomène de mode qu’il provoque entraîne finalement ses premières critiques. Désormais accepté, le flou d’artistes comme Marcel L’Herbier est repris par d’autres cinéastes, et les commentateurs commencent à regretter les mauvaises imitations. La critique se fait entendre dès 1923 sous la plume de Louis Delluc :
« A-t-on assez plaisanté, dans la galère cinématique, les efforts minutieux et entêtés de Marcel L’Herbier ? Pouvait-il être pris au sérieux quand il étudiait avec soin toutes les réactions de la pellicule à la lumière ? Novateur, va. Pourtant tous l’ont copié, plus ou moins niaisement, et l’on ne voit plus de film sans flous, sans caches, sans déformations, sans surimpressions, jetés au petit malheur. Ils sont donc tous novateurs ? “Ah non, protestent-ils, nous ce n’est pas la même chose”. De vrai, ce n’est pas la même chose89. »
52Les commentaires se multiplient surtout dès 1925 et l’on regrette « L’Homme du large, avec les flous qui étaient une novation cinégraphique [sic]… Depuis, Marcel L’Herbier a été imité : on a usé et abusé des flous90… »
53À partir de 1926, le flou ne permet plus de distinguer une création cinématographique particulière par rapport à une autre. Il est enseigné dans des cours à l’attention des amateurs91. Des publicités paraissent dans les magazines pour des objectifs – comme le Parvo, modèle L92 – permettant d’en produire facilement. On préfère, peu à peu, ne plus sacrifier « à la mode du “flou” industriel93 », car sa standardisation a fini, comme on le craignait déjà en 1924, par le vider de son sens et de sa fonction première. Le premier enthousiasme pour un flou expérimental et souvent empirique est rattrapé par une technique qui ne cesse de s’améliorer. « Nous les connaissons maintenant trop bien ces effets de flou, de déformation stylisée, de surimpression, de rythme haletant qui passaient alors pour des nouveautés révolutionnaires. C’est que le cinéma progresse vite, au moins dans le domaine de la technique et de la mécanique94 », écrit-on en 1927 dans Cinémagazine.
54Surtout, le flou ne remplit plus sa fonction. Alors qu’il se mettait au service du sentiment, le flou semble désormais lui faire obstruction. Il s’accordait dans sa forme au vécu du personnage pour le faire ressentir au spectateur, mais ne s’affiche désormais plus que comme un simple effet. En 1926, dans Cinémagazine, on opte pour un cinéma plus simple, qui ne met pas en avant une technique qui, désormais, fait obstacle à l’émotion :
« Il est passé le temps où de gros plans démesurés, des flous, un montage rapide, des surimpressions, des fondus savants soulevaient l’admiration. Cette science de l’appareil de prise de vues, tous les metteurs en scène la connaissent, ou devraient la connaître, et ils ne doivent user de ces procédés que lorsqu’ils ont leur utilité – ce qu’ils ne font pas tous. Il est beaucoup plus difficile de faire simple, de laisser oublier au public qu’il existe une technique ; et une œuvre est beaucoup plus émouvante, parce que plus sincère, lorsque, à aucun moment, on n’a l’impression de la recherche de l’effet95. »
55À la fin de la décennie, le flou est définitivement classé dans une esthétique du passé. L’arrivée du cinéma parlant permet de s’épargner des effets stylistiques destinés à expliciter la narration. Pour Martine Beugnet, il constitue en outre « une évolution technique qui tend […] à exclure le flou de l’image cinématographique. Pour être distinctement perçus et localisés dans l’espace, les sons doivent être précisément associés aux gestes et déplacement des corps, et les dialogues synchronisés aux mouvements des lèvres96 ». Ce changement lié au procédé s’accompagne d’un retour à une simplicité stylistique, et par conséquent à un rejet du flou. En 1929, Juan Arroy le constate clairement :
« Les films d’aujourd’hui sont beaucoup plus simples que ceux d’il y a quatre ans, particulièrement les films français. Toutes les étrangetés de style visuel, toutes les fioritures, toutes ces ouvertures et fermetures et enchaînés compliqués ont à peu près disparu. On n’utilise que rarement les flous et, lorsqu’on use du montage accéléré, c’est avec à-propos97. »
56En outre, les cinéastes renoncent peu à peu aux gros plans rapprochés sur les visages qui leur donnent cet aspect de « guimauve » souvent flou que Griffith avait mis en vogue. C’est notamment le cas de Jean Renoir en 1936, pour son film Partie de campagne, pour lequel il décide de ne pas recourir au « flou artistique genre Manuel frères98 ». S’il n’est pas exclu d’en user, rarement et à bon escient, le flou cinématographique finit pourtant par indiquer la volonté d’art de l’opérateur, sans n’être plus perçu comme un effet nécessaire et positif. On retrouve la critique, bien connue des photographes, du flou comme effet artistique facile et méprisable. En 1930, dans un dictionnaire humoristique du cinéma, on donne ironiquement pour seule définition de « flou : film artistique99 ».
57Dans les années 1920, l’incursion du flou dans l’esthétique cinématographique marque profondément les photographes. La manière très positive, dont il est immédiatement abordé dans ce médium, rompt avec les confrontations multiples que les photographes ont à son sujet. Depuis plusieurs siècles, le flou est pris dans un débat esthétique qui le ramène constamment à une forme d’académisme, à un soupçon de duperie et de superficialité, ainsi qu’à un élitisme de classe. Dans le cinéma, il opère aussi vers 1920 une distinction des classes, qui se résorbe en quelques années par une compréhension et une appréciation, beaucoup plus répandues. Dégagé du rapport complexe que la photographie entretient avec la peinture, le cinéma offre au flou un nouveau souffle, en le dégageant du poids qu’il traîne ailleurs avec lui. Les particularités du cinéma – art industriel en mouvement, narratif, qui s’adresse à la masse plutôt qu’à la seule élite – inscrivent d’emblée le flou dans une nouvelle économie de réception. Cette évolution ajoute un élément à la complexité photographique du flou, toujours entaché de son passé pictural et pictorialiste, mais perméable à la portée moderniste que le cinéma lui confère.
Notes de bas de page
1 Anon., « La réalisation », Ciné pour tous, no 55, 17 décembre 1920, p. 16.
2 Le cinéma constitue avant tout à ses débuts une démonstration de ses capacités techniques, et les opérateurs comme Georges Méliès s’inspirent souvent de la photographie et de ses différents « trucs » – comme la surimpression – pour fasciner leur public. Clément Chéroux a notamment rappelé l’importance de l’influence des « jeux photographiques » dans le premier cinéma, en particulier celui de Georges Méliès (Chéroux Clément, Avant l’avant-garde, op. cit., p. 77-82).
3 Benjamin Walter, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, trad. de l’allemand par Lionel Duvoy, Paris, Éditions Allia, 2016 (1939), p. 72.
4 Ibid., p. 69.
5 Waldemar-George, « Photographie vision du monde », Arts et métiers graphiques, vol. 3, no 16, numéro spécial consacré à la photographie, 15 mars 1930, p. 5-161 (p. 134).
6 Benoist Luc, « L’art de la photographie », L’Art vivant, vol. 2, 15 octobre 1927, p. 844-845 et 856.
7 Hervochon Guy, « Cinématographie et art photographique », rubrique « Le courrier de nos lecteurs », La Revue française de photographie, no 122, 15 janvier 1925, p. 22.
8 Jamar L., « Cinématographie et art photographique », rubrique « Courrier des lecteurs », La Revue française de photographie, no 124, 15 février 1925, p. 50.
9 Vétheuil Jean, « Considérations sur l’évolution de la photographie », Arts et métiers graphiques, numéro spécial consacré à la photographie, 1935, p. 121-123.
10 Giraud Jean, Le lexique du cinéma des origines à 1930, ouvrage publié avec le concours du Centre national de la recherche scientifique, 1958, p. 127.
11 Sougez Emmanuel, « La causerie de M. Sougez à la Société française de photographie », L’Instantané, année 2, no 23, avril 1932, p. 302-305 ; article repris in Sougez Emmanuel, « Photographie d’aujourd’hui », La Revue française de photographie et de cinématographie, no 306, 15 septembre 1932, p. 282-284.
12 Moore Kevin, Jacques Henri Lartigue : l’invention d’un artiste, op. cit., p. 186.
13 Le Voyeur, « Les films de la semaine », Hebdo-film, année 1, no 21, 22 juillet 1916, p. 7-11.
14 Id., « Les films de la semaine », Hebdo-film, année 1, no 8, 22 avril 1916, p. 3-5.
15 D. N., « Les films de la semaine », Hebdo-film, année 2, no 6, 10 février 1917, p. 12-16.
16 Ciné-journal, année 14, no 568, 3 juillet 1920, n. p.
17 Denise Jean, « La photographie ultra-rapide », Ciné-journal, année 16, no 668, 3 juin 1922, p. 11.
18 Le Lecteur, « Une gigantesque manifestation cinématographique », La Cinématographie française, no 43, 30 août 1919, p. 45-46.
19 Nyctalope, « Production hebdomadaire », La Cinématographie française, no 57, 6 septembre 1919, p. 74-88.
20 Id., « Chronique du film français. Qui a tué ? », La Cinématographie française, no 53, 8 novembre 1919, p. 12.
21 M., « Si vous tournez des plein-air », Le Film, année 8, no 177, janvier 1921, n. p.
22 Wallon Étienne, « Le Ve Salon de photographie », art. cité.
23 Chéronnet Louis, « Pour un musée de la photographie », Arts et métiers graphiques, numéro spécial « Photographie 1933-1934 », 1934, n. p.
24 Hilaire Georges, « Peinture et photographie. Un procès qui a encore besoin d’être plaidé : l’antagonisme », Arts et métiers graphiques, numéro spécial « Photographie 1935 », 1935, n. p.
25 Schwilden Maurice, « Considérations sur la technique », Cinéa, année 13, no 12, février 1931, p. 5-6.
26 Baqué Dominique, « Écritures de la lumière », in László Moholy-Nagy, Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie, trad. de l’allemand par Catherine Wermester et de l’anglais par Jean Kemp et Gérard Dallez, préface de Dominique Baqué, Paris, Gallimard, 2007, p. 9-71.
27 Moholy-Nagy László, Peinture, photographie, film et autres écrits sur la photographie, op. cit., p. 116.
28 Anon., « La réalisation », art. cité.
29 Arroy Juan, « Les gros plans », Cinémagazine, année 5, no 45, 5 novembre 1926, p. 293-295.
30 Epardaux Edmond, « La naissance d’une nation », Cinéa, année 3, no 94, 15 juin 1923, p. 16-18.
31 « Le Lys brisé, de Griffith, nous a enthousiasmés, il y a peu de temps. Il n’y a pourtant pas moins de dix-huit mois qu’il fut applaudi à New York et de dix qu’il le fut à Londres (car nous sommes toujours les derniers servis). Les enseignements que nos metteurs en scène en tirent aujourd’hui sont déjà périmés… », peut-on lire dans la revue Le Film, qui ne cesse de défendre le cinéma français pour permettre sa reconnaissance à l’égal du cinéma américain et pour le faire connaître à l’étranger (Haime Raymond, « Deux ans de retard », Le Film, année 7, no 176, décembre 1920, n. p.).
32 H. P., « Le Lys brisé », Ciné pour tous, no 55, 17 décembre 1920, p. 10-11.
33 Beugnet Martine, L’attrait du flou, Crisnée, Yellow Now, coll. « Côté cinéma/Motifs », 2017, p. 31.
34 Ozouff André, « La vérité de l’expression au cinéma ou ce qu’il ne faut pas faire », Le Film, année 8, no 179, mars 1921, n. p.
35 Anon., « Entre nous. Réponses aux questions posées par nos lecteurs », Ciné pour tous, no 75, 8 octobre 1921, p. 12.
36 Dulac Germaine, « Chez D. W. Griffith », Cinéa, année 1, no 7, 17 juin 1921, p. 11-12.
37 Delluc Louis, Écrits cinématographiques, t. I : Le Cinéma et les cinéastes, édition établie et présentée par Pierre Lherminier, Paris, Cinémathèque française, 1985, p. 33 ; paru initialement in Delluc Louis, Photogénie, Paris, Éditions de Brunoff, 1920.
38 Florey Robert, « Méthodes américaines », Cinémagazine, année 8, no 4, 27 janvier 1928, p. 152-154.
39 Laurent F., « Lettre d’Angleterre », La Cinématographie française, année 3, no 8, 21 février 1920, p. 19-20.
40 Tinchant André, « Abel Gance », Cinémagazine, no 37, 14 septembre 1923, p. 363-367.
41 François Albera a montré les opinions diverses sur ce film, considéré ou non comme précurseur d’un cinéma d’avant-garde. Selon G. Sadoul, n’ayant pas été diffusé à l’époque, le film ne peut avoir exercé une influence sur la nouvelle école, opinion à laquelle s’oppose Henri Langlois, qui en fait le pionnier de l’avant-garde (Albera François, L’Avant-garde au cinéma, Paris, Armand Colin, coll. « Armand Colin Cinéma », 2005, p. 82 et 127).
42 Anon., « La réalisation », art. cité.
43 Delluc Louis, Écrits cinématographiques, t. I, op. cit., p. 37.
44 Guillaume-Danvers V., « Suzanne Grandais », Cinémagazine, année 1, no 8, 11 mars 1921, p. 11-14.
45 Bandier Norbert, « Man Ray, les surréalistes et le cinéma des années 20 », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 88, juin 1991, p. 48-60.
46 Albera François, L’Avant-garde au cinéma, op. cit., p. 126-128.
47 Ibid., p. 84-85.
48 Ibid., p. 85.
49 Ibid., p. 67.
50 Ibid., p. 83-84.
51 Ibid., p. 86-88.
52 Célestin Georges, « Les meilleurs films américains de 1921 », Ciné pour tous, no 81, 30 décembre 1921, p. 4-5.
53 Roullet Jacques, « L’art de Griffith », Cinémagazine, no 41, 13 octobre 1922, p. 55-56.
54 Raymond-Millet J.-K., « Marcel L’Herbier », Cinémagazine, année 5, no 1, 2 janvier 1925, p. 21-22.
55 Ramain Paul, « Ce qu’il faut retenir de Ben Hur », Cinéa, no 98, 1er décembre 1927, p. 13-16.
56 Mirty Jean, « Jean Epstein et ses opinions sur l’art cinégraphique », Ciné pour tous, no 118, novembre 1923, p. 6-7.
57 Mirbel Jean de, « L’Affiche », Cinémagazine, année 5, no 14, 3 avril 1925, p. 27. « Vous verrez avec quelle intelligence le compositeur a su se servir du flou varié pour rendre le souvenir plus poignant ou idéaliser une vue, quelconque par elle-même » (Ramain Paul, « Présentation à Montpellier du film de Jean Epstein L’Affiche », Cinémagazine, année 5, no 19, 8 mai 1925, p. 224).
58 Mirty Jean, « Évolution », Ciné pour tous, no 116, septembre 1923, p. 8-9.
59 Porte Pierre, « Cinéma intellectuel ou affectif ? », Cinéa, no 61, 15 mai 1926, p. 9-10.
60 Alberti Leon Battista, De la peinture. De Pictura, trad. du latin par Jean Louis Schefer, Paris, Macula/Dédale, 1992 (1435), p. 115.
61 Pisano Giusy, « Le flou au cinéma. Du flou comme esthétique de l’écart au flou pour le flou », in Pascal Martin et François Soulages (dir.), Les frontières du flou, op. cit., p. 161-173.
62 Beugnet Martine, L’attrait du flou, op. cit., p. 31.
63 Arroy Juan, « Le langage mystérieux des techniciens du cinéma », Cinémagazine, année 6, no 24, 11 juin 1926, p. 453-455.
64 À propos du film Thérèse Raquin de Jacques Feyder par exemple : « Comme dans une prison, Thérèse est enfermée dans la médiocrité de sa vie : sa nuit de noces passée à soigner un mari qui a une indigestion ; l’atmosphère étouffante, comme poussiéreuse (les flous), où elle respire mal » (Bordeaux Léon, « Thérèse Raquin », Cinéa, no 128, 1er mars 1929, p. 12).
65 Anon., « Le criminel », Ciné-journal, année 20, no 899, 19 novembre 1926, p. 21-23.
66 Francoz Paul, « Qu’est-ce que le cinéma ? », Cinéa, no 134, 1er juin 1929, p. 11.
67 Arroy Juan, « Le langage mystérieux des techniciens du cinéma », Cinémagazine, année 6, no 24, 1926, art. cité.
68 Florey Robert, « Au studio, avec Mary Pickford et Douglas Fairbanks (suite) », Cinéa, no 19, 15 août 1924, p. 22-25.
69 Anon., « Entre nous. Réponses aux questions posées par nos lecteurs », Ciné pour tous, no 75, 8 octobre 1921, p. 12.
70 Anon., « Entre nous. Réponses aux questions posées par nos lecteurs », Ciné pour tous, no 64, 22 avril 1921, p. 8.
71 Bau N., « Écrans à effets spéciaux », La Revue française de photographie et de cinématographie, no 276, 15 juin 1931, p. 182-184.
72 Dulac Germaine, « Les procédés expressifs du cinématographe », Cinémagazine, année 4, no 27, 4 juillet 1924, p. 15-18.
73 Moussinac Léon, « Technique commande », Gazette des sept arts, no 3, 10 février 1923, p. 11-12.
74 Landry Lionel, « La standardisation des symboles », Cinéa, année 3, no 86, 23 février 1923, p. 7.
75 Arroy Juan, « La grande voie du cinéma de demain. Simplicité et discipline », Cinéa, no 16, 1er juillet 1924, p. 7.
76 Porte Pierre, « Une loi du cinéma (suite et fin) », Cinéa, no 9, 15 mars 1924, p. 11-12.
77 Id., « Cinéma intellectuel ou affectif ? », art. cité.
78 Arroy Juan, « Le langage mystérieux des techniciens du cinéma », Cinémagazine, année 6, no 23, juin 1926, p. 493-497.
79 Wahl Lucien, « L’amputation des films », Cinémagazine, année 2, no 13, 31 mars 1922, p. 396-397.
80 Tedesco Jean, « Études de ralenti », Cinéa, no 57, 15 mars 1926, p. 11.
81 Landry Lionel, « Réponse à M. Lucien Doublon », Cinémagazine, année 4, no 9, 29 février 1924, p. 349-350.
82 Anon., « Courrier des “amis” », Cinémagazine, année 3, no 15, 13 avril 1923, p. 82-84.
83 Dulac Germaine, « Les procédés expressifs du cinématographe (suite) », Cinémagazine, année 4, no 29, 18 juillet 1924, p. 89-92.
84 Anon., « Les bons cinémas et les directeurs avisés » (rubrique de courrier de directeurs de cinéma), Cinéa, no 10, 1er avril 1924, p. 8.
85 Cels Henri, « Cinéma d’avant-garde », Cinémagazine, année 5, no 8, 20 février 1925, p. 363-364.
86 « Rappelez-vous que les premiers “close up”, les premiers “flash”, les premiers flous ont été sifflés » (Anon., « Le courrier des amis », Cinémagazine, année 5, no 17, 24 avril 1925, p. 162).
87 Vernay Robert, « Échos du temps passé », Cinémagazine, année 8, no 4, 27 janvier 1928, p. 166.
88 Il s’agit ici de se limiter à l’analyse du « flou » tel qu’il est mentionné et utilisé dans les années 1920, car c’est à ce moment qu’émerge pour la première fois et de manière très significative le terme dans la critique filmique. Le flou ne se limite bien sûr pas à cette courte période et traverse toute l’histoire du cinéma. À ce sujet, voir Martin Pascal et Soulages François (dir.), Les frontières du flou au cinéma, op. cit., et Beugnet Martine, L’attrait du flou, op. cit.
89 Delluc Louis, « Novateurs, primitifs, primaires », Cinéa, année 3, no 93, 1er juin 1923, p. 5.
90 Raymond-Millet J.-K., « Une visite à Jacques Chatelain », Cinémagazine, année 5, no 7, 13 février 1925, p. 307-309.
91 Anon., « Cours de cinéma », Cinémagazine, année 5, no 43, 23 octobre 1925, p. 186.
92 Cinémagazine, année 7, no 22, 3 juin 1927, n. p.
93 Vuillermoz Émile, « Faust », rubrique « L’avis de la critique », Cinéa, no 83, 15 avril 1927, p. 22.
94 La Borie Paul de, « Vers un Salon du cinéma », Cinémagazine, année 7, no 46, 18 novembre 1927, p. 297-298.
95 M. J. de, « La réalisation », Cinémagazine, année 6, no 49, 3 décembre 1926, p. 486-488.
96 Beugnet Martine, L’attrait du flou, op. cit., p. 16.
97 Arroy Juan, « L’abandon des surimpressions », Cinémagazine, année 9, no 9, 10 mai 1929, p. 235-238.
98 Brunius Jacques B., « Photographie et photographie de cinéma », art. cité.
99 Henri-Robert Jacques, « Petit dictionnaire encyclopédique du cinéma », Cinémagazine, année 10, no 4, avril 1930, p. 62.
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