Chapitre V. Dans l’œil des pictorialistes : le triomphe du flou pictural
p. 141-160
Texte intégral
La supériorité du regard du peintre
1L’importance de la supposée supériorité picturale, tient au fait qu’aux yeux des pictorialistes, avant même d’imprégner les préceptes esthétiques de la peinture, le flou tant convoité fait partie intégrante du regard du peintre. La manière dont le xviiie siècle envisage l’importance de l’expérience et de la sensation visuelle de l’observateur a déjà été évoquée : à l’image de Chardin, tel qu’en parle Michael Baxandall, les peintres exercent leur regard de manière subtile, leur permettant de narrer en image un acte perceptif. Néanmoins, l’artiste se positionne encore de manière extérieure par rapport à son récit. Comme le précise Baxandall, le peintre « raconte l’histoire d’une expérience perceptive qui feint – sans trop y croire – de ne durer qu’un instant ou deux. […] Bien qu’il y ait un certain rapport entre l’expérience qu’il représente et celle que fait le spectateur, qui regarde son tableau, la symétrie n’est pas totale1 ». Ainsi, tout en prenant en compte l’importance de l’acte de percevoir, la peinture garde la trace de la construction intellectuelle du regard de l’artiste. Ce dernier n’est pas totalement absorbé par le monde : il garde une distance par rapport à celui-ci pour tenir, au sujet du lien qu’il entretient avec lui, un propos presque théorique.
2Au début du xixe siècle, le contexte évolue, car, en plus de donner de l’importance aux sensations corporelles, on prend conscience qu’elles contribuent à façonner le réel dont on cherche à rendre compte de manière plus sensible. Jonathan Crary a décrit le nouveau paradigme de l’observation qui se met en place entre 1810 et 1830 et qui marque tout le xixe siècle. Parallèlement à l’apparition de nouveaux dispositifs comme le zooscope, le diorama ou le stéréoscope, un nouvel enjeu absorbe les réflexions sur la représentation. De la Renaissance au début du xixe siècle, l’observateur était toujours perçu comme un être extérieur – séparé du monde notamment par la camera obscura – qui peignait de manière souvent rationnelle et qui observait un réel « qui ne se modifi[ait] pas en fonction de son propre système sensoriel ou physiologique2 ». À partir des années 1810, que ce soit dans la culture picturale ou littéraire – notamment avec Johann Wolfgang von Goethe, et Pierre Maine de Biran en France –, on intègre toujours plus l’expérience intérieure, le rôle des impressions et des sensations physiologiques : « [L]’observation s’extériorise de plus en plus ; le corps du spectateur et les objets offerts à la vue commencent à former un seul terrain où se confondent le dedans et le dehors3. » On prend désormais en compte le corps et le fait que sa réalité intérieure soit constitutive d’un nouveau réel en train de se créer. Désormais, la subjectivité de la vision et l’importance du fonctionnement rétinien – de mieux en mieux connu – prennent le pas sur la conception rationnelle d’une certitude sur le monde extérieur indépendante de l’observateur. Ainsi, la perception visuelle prend progressivement une valeur nouvelle de vérité, car on prend conscience que l’objet ne peut être connu et vu indépendamment de la vision et du regard posé sur lui.
3Cette nouvelle conscience chez les artistes du rôle du corps et de ses sensations dans l’observation du monde coexiste avec l’émergence chez les scientifiques d’un paradigme opposé, celui de l’« objectivité ». Lorraine Daston et Peter Galison ont montré la manière dont la notion d’« objectivité » s’impose après le régime propre au xviiie siècle, que les auteurs nomment « la vérité d’après nature ». Dans celui-ci, la recherche du scientifique allait de pair avec le travail de l’artiste, qui dessinait les objets étudiés et couplait ainsi souvent la vérité à la beauté et à l’idéalisation. Le régime qui suit, de 1830 à 1930, opère une séparation entre la manière d’observer scientifiquement et artistiquement, car s’impose, dans la science, l’idée d’une « objectivité mécanique fondée sur l’image » – dans laquelle la photographie nouvellement inventée joue un rôle prépondérant – visant à « réprimer toute intervention volontaire de l’artiste auteur en mettant en place des méthodes capables d’imprimer la nature sur la page suivant un protocole strict, voire automatique4 ». Dans cette perspective, loin de vouloir prendre en compte ses sensations physiologiques et ses impressions intérieures, l’« observateur vis[e] désormais à être une machine – à voir comme si l’œil interne de sa vision raisonnée était délibérément devenu aveugle5 ». Une dichotomie s’installe alors : les scientifiques et les artistes, auparavant alliés dans une « vision à quatre yeux6 », appréhendent désormais l’observation de la vérité de manière différente. Pour les premiers, les sensations physiologiques sont un obstacle à la connaissance du monde, alors que les seconds considèrent que les impressions intérieures contribuent à constituer le réel. Dans cette perspective, le flou, le plus généralement repoussé par les scientifiques, devient un allié de la vérité artistique.
4Comme on l’a déjà vu, le terme « flou » permet à la fin du xixe siècle de décrire les aléas de la vision humaine. Se fiant de plus en plus à sa perception personnelle, le peintre intègre ainsi le flou dans la construction de sa représentation. Dans sa défense des « objectifs d’artistes » en 1906, Constant Puyo écrit : « Lorsqu’un artiste peint d’après nature, s’il est myope il enlève son lorgnon, s’il a bonne vue il ferme à demi les yeux. C’est que les feuilles l’empêchent de voir l’arbre, et les arbres de voir la forêt ; son œil, trop analytique, le gêne. Pareillement les divers objectifs voient bien trop le détail infini des choses7. » Le photographe envie en somme ces peintres dont la myopie aurait, selon Patrick Trevor-Roper, influencé l’art : la mauvaise vision de Claude Monet, de Paul Cézanne, d’Auguste Renoir et de Camille Pissarro, entre autres, pourrait selon l’auteur les avoir aidés dans leur quête impressionniste8.
5La photographie, dès ses débuts, peut être floue, mise au point de manière vague ; elle touche à l’optique, dont elle constitue l’art par excellence. Les photographes ne parviennent pourtant pas à se penser de manière autonome, et à imposer des modèles esthétiques qui leur soient propres. Le flou produit par la photographie est toujours perçu de manière plus imparfaite que la vision du peintre, quand bien même il serait myope. Et c’est encore l’œil du peintre – même et surtout défectueux – qui apparaît comme la référence à suivre, sans que la spécificité optique de la photographie n’ait voix au chapitre. En 1898, Paul Bergon et René Le Bègue recommandent d’ailleurs au photographe de se former dans l’atelier du peintre, afin d’éduquer son œil : « Après avoir fait dans des ateliers des études de dessin et de peinture, on aura acquis une éducation de l’œil qui permettra d’aborder avec beaucoup plus de chances de succès les difficultés spéciales de l’Art photographique9. » La vision du peintre semble en effet supérieure à celle du photographe, comme si, précédant pourtant la production de l’œuvre, le regard était déjà formaté par la technique de l’artiste.
6Pour les photographes, ceci est d’autant plus compliqué que leur technique ne permet pas la rencontre parfaite entre leur vision et leur représentation, car, au contraire de la lentille, la peinture autorise l’artiste à corriger son œuvre pour remettre du flou dans une appréciation trop schématique de la nature. Comme le peintre qui trace dans un premier jet des contours trop secs, l’objectif imprime les objets trop nets. Cependant, à la différence du peintre qui peut librement corriger son tableau grâce au flou, le photographe est complètement soumis à la machine qui n’autorise presque aucune rectification. Le photographe parvient peut-être parfois à voir comme le peintre, mais sa difficulté réside dans sa capacité à le montrer :
« [L]’œil du peintre fait tout naturellement, d’accord avec son cerveau, la sélection artistique nécessaire, l’abstraction qui rendue sur la toile, fera dire au public : Voilà le Réveil de Flore et non pas : voilà un lever de Soleil au Printemps […]. L’œil du photographe fait aussi cette sélection, s’il est artiste. Mais l’objectif de son appareil ne la fait pas, de lui-même ; il faut que le photographe la lui fasse faire dans la mesure, d’ailleurs très restreinte, où il peut la produire10. »
7L’objectif – nous y reviendrons – constitue encore à l’époque pictorialiste l’adversaire majeur du flou ; et il ne met jamais en danger la supériorité du regard du peintre tant convoité, qui demeure le modèle suprême à imiter.
Naturalisme de Peter Henry Emerson
8Pour les pictorialistes, l’objectif photographique a abîmé la vue de ceux qui l’ont utilisé et il s’agit de revenir à une manière de voir plus naturelle, comme savent le faire les peintres. Michel Poivert a montré l’importance pour les premiers pictorialistes de s’éloigner de la vision de l’objectif pour se rapprocher de celle de l’œil humain – et les débats qui en découlent11. Le photographe doit s’inspirer du regard du peintre, qui sait voir la nature et la représenter selon sa vision individuelle. L’argumentation naturaliste du pictorialisme, héritée des Anglais Peter Henry Emerson et Henry Peach Robinson – notamment reprise en France par le comte d’Assche –, se base sur le constat que fait le Belge Léon Bovier en 189512 :
« L’objectif nous a donc gâté la vue et le goût, aussi faut-il s’ingénier à corriger ces aberrations, et à copier la nature telle que nous la voyons avec nos yeux. La meilleure façon d’y arriver est de faire flou, un flou qui ait sa raison d’être, qui ne fatigue point la vue, un flou nature où il y a toujours une certaine place de net et une limite bien définie où le vague commence. Après l’argument des artistes peintres et de leur façon de travailler vient l’argument suprême de la nature elle-même qui nous invite, elle aussi, à faire flou13. »
9L’argumentation naturaliste du pictorialisme trouve sa source dans l’ouvrage Naturalistic Photography for Students of the Art, publié en 1889 par l’Anglais Peter Henry Emerson14. Bien que ce dernier n’ait jamais été traduit en français, les théories d’Emerson ont pourtant eu une influence en France, notamment par l’intermédiaire du comte d’Assche15. Pour Emerson, l’art réside dans « l’expression vraie et naturelle d’une impression de la nature par un art16 ». Il ajoute : « On dira immédiatement que tous les hommes voient la nature différemment. C’est vrai. Mais l’artiste voit plus profondément, pénètre davantage dans la beauté et le mystère de la nature que l’homme ordinaire17. » Emerson intègre pleinement l’idée que la vision n’est pas un acte purement biologique, mais une action exercée par l’esprit humain et, selon lui, particulièrement mieux maîtrisée par les artistes, notamment les peintres. Ainsi, l’art photographique naturaliste ne peut-il passer que par l’étude rigoureuse de la nature, qui doit elle-même se nourrir des œuvres des plus grands peintres – Jean-François Millet en tête, selon Emerson – de manière à s’imprégner du regard qu’ils ont su poser sur leurs sujets.
10Partant du constat que la vision humaine est imparfaite, Emerson développe l’idée que le photographe doit bien plus s’appliquer à imiter cette perception, que se soumettre au rendu de l’objectif photographique. À l’appui des théories physiologiques du médecin Joseph Le Conte – qui publie en 1881 une étude intitulée Sight: An Exposition of the Principles of Monocular and Binocular Vision18 – et de celles de Hermann von Helmholtz, il explique que le flou perçu par l’œil humain est bien plus important que celui rendu par la photographie :
« [O]n comprendra qu’une image ne doit pas être tout à fait nette dans aucune partie, car alors elle devient fausse ; elle doit être rendue aussi nette que l’œil la voit et pas plus, car il faut se rappeler que l’œil ne voit pas les choses aussi nettement que l’objectif photographique, car l’œil a les défauts dus à la dispersion, à l’aberration sphérique, à l’astigmatisme, à la turbidité aérienne, à la tache aveugle, et au-delà de vingt pieds il ne s’ajuste pas parfaitement aux différents plans. Toutes ces légères imperfections rendent la vision de l’œil plus imparfaite que celle de l’objectif de l’opticien, même lorsque les objets d’un seul plan sont mis au point avec précision. Par conséquent […] le point d’intérêt principal doit être légèrement – très légèrement – hors foyer, tandis que tout ce qui est hors du plan de l’objet principal, comme il est parfaitement évident, d’après ce qui a été dit, doit également être légèrement hors foyer, non pas au point de produire une destruction de la structure ou un flou [fuzzy], mais suffisamment pour les maintenir en arrière et en place19. »
11Dans son ouvrage, Emerson détaille et explique les différents phénomènes qui amènent un flou de vision différent de celui produit par l’objectif, qui lui le corrige. Reprenant les connaissances optiques notamment acquises par sa lecture de Hermann von Helmholtz, il explique le flou dû à l’aberration sphérique, à l’astigmatisme, à la vision binoculaire, à la tache aveugle et le flou de lointain. S’ajoute aussi selon lui l’impureté dont est faite la matière de l’œil, au contraire du verre de la lentille parfaitement transparent20.
12Malgré une résistance moins grande au « flou » en Grande-Bretagne qu’en France, Emerson se défend pourtant lui aussi d’appartenir à la « fuzzy school » anglaise, car, pour lui, l’essentiel ne réside pas tant dans le flou que dans le traitement des « masses » et des « valeurs » – que le photographe doit pouvoir harmonieusement rendre pour éviter toute délimitation trop stricte des contours21. Ainsi condamne-t-il le flou [fuzzy] qui, par excès, dénature les lignes de la composition :
« Certains auteurs […] ont soutenu que nous admettions le flou [fuzzy] en photographie. Ces personnes se trompent lourdement ; nous n’avons rien à voir avec une quelconque “école du flou” [fuzzy school]. Le flou, pour nous, signifie la destruction de la structure. […] Nous n’avons donc rien à voir avec le “flou”, à moins que ce terme ne désigne ce déploiement large et ample du détail, si nécessaire au travail artistique22. »
13Défenseur d’une photographie directe et sans retouche, Emerson recommande l’usage du bon objectif – le new long-focus rectilinear landscape lens de John Henry Dallmeyer23 – et le travail subtil de la mise au point pour adapter l’image à la vision perçue par l’œil.
Le flou, enjeu d’un nouveau Paragone
14À lire les débats qui s’animent alors sur la comparaison entre la photographie et la peinture, on mesure l’enjeu que représente le flou dans la compétition entre les arts. À la Renaissance déjà, il avait joué un rôle important dans le débat du Paragone qui opposait les peintres aux sculpteurs pour déterminer lequel des deux arts imitait le mieux la nature. Léonard de Vinci, en plaçant la vision et la mimêsis au centre du débat, estimait la peinture plus élaborée et supérieure à la sculpture, parce qu’elle tenait compte, au contraire de sa rivale, de la perspective atmosphérique et des variations de netteté observées dans les contours des figures24. Dans cette controverse, la couleur occupait une place centrale pour l’argumentation des peintres, car elle permettait une variation d’effets – dont le sfumato – à laquelle la sculpture ne pouvait prétendre. Les demi-teintes et le fondu des tons les uns avec les autres jouaient un rôle crucial, car ils constituaient précisément un élément de progrès dans la mimêsis artistique.
15À l’époque pictorialiste, ce n’est plus seulement sa valeur mimétique, mais aussi l’espace qu’il ouvre à l’expression artistique qui donne au flou une place centrale dans le débat. Parce que le talent de l’artiste s’exprime en grande partie dans la qualité de son flou, il devient un élément fondamental de comparaison pour évaluer la qualité d’un art sur un autre. En s’imposant dans le domaine de la représentation bidimensionnelle et de l’optique, la photographie remet le flou au centre du débat sur les arts. Celui-ci devient même un point central d’argumentation pour démontrer la valeur d’un procédé photographique par rapport à un autre. Régulièrement, on assure que le flou produit par telle ou telle technique photographique a au moins autant de qualités que le flou pictural. L’argument s’impose comme une preuve irrévocable de sa qualité et de sa vertu. On le constate par exemple sous la plume d’Albert Reyner à propos de la photographie binoculaire, inventée par le Suisse Frédéric Boissonnas. Il compare « la peinture de M. Carrière […] au portrait binoculaire de M. Boissonnas25 » afin de démontrer la qualité du flou des œuvres ainsi produites, qui n’ont rien à envier à la subtilité du style du peintre. Puyo et Leclerc de Pulligny recourent à la même méthode pour valoriser le flou des anachromats : « [S]i vous rappelez à votre souvenir la façon dont Henner liait les contours de ses nymphes au fond sombre des bois sacrés et la façon simplifiée dont il en modelait les corps, en pleine clarté, vous aurez une sensation à peu près exacte du rendu anachromatique26. »
16Quelques écrits affirment même la supériorité du flou photographique. Ils sont rares, mais ils permettent de croire qu’une évolution se fait et que les photographes prennent de l’assurance par rapport aux peintres. En 1899, Alfred Horsley Hinton estime par exemple, dans le Bulletin du Photo-Club de Paris, que le flou photographique s’est imposé, au point de faire disparaître le référent absolu de netteté qu’imposait le cliché depuis son invention. Le standard de visibilité hérité du daguerréotype, acquis à la netteté toute-puissante, se serait assoupli :
« Depuis quelque temps l’œil s’est habitué au manque de netteté. On ne s’aperçoit plus du flou ni de l’absence de détails. “Loin des yeux, loin du cœur”, dit un autre proverbe. L’influence du papier au platine d’un usage très répandu a été pour beaucoup dans cette évolution. L’interprétation plus large que donne le tirage a préparé le public aux impressions sur gomme bichromatée. Les innombrables phototypogravures qui illustrent les magazines ont eu leur part dans cette éducation du public qui a commencé par tolérer le flou et a fini par le préférer à la netteté photographique27. »
17Sous la plume de Horsley Hinton, le pouvoir du regard n’est plus uniquement entre les mains des peintres ; les photographes ont la capacité d’agir et d’influencer le standard de la vision artistique.
18En 1904, un auteur du Bulletin mensuel du Photo-Club toulousain pousse même l’argument plus loin, estimant qu’au lieu de se soumettre au regard des peintres, les photographes sont au contraire en mesure de leur enseigner une manière de voir :
« Parce qu’une branche d’arbre du premier plan était un peu floue, ce n’était pas une raison suffisante pour négliger une œuvre d’une si grande beauté. Je veux même aller plus loin et tant pis, si je risque encore une fois par mon paradoxe les malédictions de quelques-uns de nos amis ! Je déclare que cette branche qui n’était pas au point donnait un charme spécial au tableau. Et en somme pourquoi pas ? L’objectif ne fait que préciser ce que voit votre œil. Or, dès qu’on embrasse largement un paysage fort étendu, si une branche toute proche s’interpose et gêne notre vue, notre esprit en fait abstraction, par une sorte d’adoption spéciale de nos nerfs visuels. Néanmoins l’objet existe et nous le voyons flou, devant ce que nous voyons net. Donc, M. Bertrand a eu parfaitement raison de travailler son cliché, de l’agrandir et d’en faire un tableau. Je vais encore exagérer mon paradoxe en disant que les peintres eux-mêmes dont la manière de faire a beaucoup changé depuis l’invention de la photographie et surtout de l’instantané, feront peut-être un jour comme M. Bertrand, si certains ne l’ont même déjà fait28. »
19L’auteur de ces lignes, qui a conscience d’« exagérer un paradoxe », sait bien qu’il appartient à une minorité et que la supériorité du flou des peintres apparaît encore à l’époque comme une évidence absolue. Bien que, selon certains historiens, les peintres s’inspirent du flou qu’ils observent sur les photographies, ils gardent in fine une supériorité dans ce domaine29. Les termes du débat semblent inégaux, et la victoire des photographes impossible. Car reconnaître au photographe la capacité à « faire flou » aussi bien que le peintre imposerait un bouleversement radical. Au tournant du siècle, il ne paraît pas envisageable de céder sur ce point, parce qu’il constitue précisément un enjeu essentiel dans l’évaluation des qualités d’une œuvre ou d’un artiste. Le flou s’impose comme l’un des critères sur lesquels l’art est jugé, et il va de soi que la peinture garde alors sa supériorité hiérarchique. Même si les photographes parviennent à corriger leurs épreuves, même s’ils s’élèvent au niveau du flou pictural, même si certains d’entre eux pourraient prétendre « gagner » la bataille, le succès ne peut leur être accordé. Le flou reste la propriété des peintres, car il apparaît comme une arme de pouvoir dans le combat qui oppose ces deux disciplines.
20En 1899, Léon Vidal montre très clairement que le flou appartient pleinement et presque uniquement aux arts de la peinture et du dessin, pour ne se laisser qu’imiter par la photographie :
« Après l’examen même rapide de tout un salon d’art photographique, tel qu’est par exemple le Salon annuel du Photo-club de Paris, on est frappé de ce fait que la plupart des exposants ont cherché à imiter, avec l’aide de la photographie, soit le flou des artistes dessinant au crayon, soit la gravure des papiers d’aquarelles, et quelques-uns y ont réussi à ce point qu’on peut s’y tromper et prendre pour une œuvre originale exécutée à la main une image purement photographique30. »
21Un flou réussi entraîne automatiquement une assimilation de l’œuvre à l’art pictural, empêchant la photographie de se faire reconnaître sur un pied d’égalité à ce sujet. En 1905, le photographe André Dauphin, contrarié face à une injustice sans lien avec la réalité de l’œuvre, se plaint d’ailleurs que le débat soit faussé, car il ne se fait finalement pas sur ce que l’on observe des œuvres, tant il est a priori admis que le peintre maîtrise mieux le flou :
« Telle personne qui s’extasiera devant un Corot ou un Rembrandt, peut-être il est vrai sans y rien comprendre, trouvera très laide une gomme bichromatée du même degré de flou que le Corot ou éclairée à la Rembrandt. Pour que nous puissions nous faire admettre dans le monde, il faudrait arriver à nous y imposer, en étant traités sur le même pied que les peintres dans les salons de peinture ; en multipliant les expositions de photographie et surtout en vendant cher, très cher, les œuvres primées. […] Et l’on ne traitera plus alors les photographistes comme d’innocents maniaques ou de grands enfants auxquels on consent l’admiration pour ne les point désobliger31. »
22Ainsi le jugement négatif du flou n’est-il pas seulement dû à sa forme, mais aussi à la condamnation a priori de la photographie qui ne saurait, quoi qu’il en soit, mieux faire que la peinture.
Les peintres au pouvoir
23La difficulté à grandir, pour ces « grands enfants » photographes, c’est-à-dire à s’émanciper des peintres, se perçoit très concrètement dans la composition des jurys des Expositions du Photo-Club de Paris, qui n’accueillent jusqu’en 1914 que des peintres, ainsi que quelques graveurs et sculpteurs, exception faite à un seul et unique photographe32. On comprend que, dans l’esprit français de l’époque, les expositions photographiques ne puissent être jugées que par des peintres, puisqu’en matière d’art visuel l’on ne peut faire confiance qu’à celui qui sait voir. Avant même la première Exposition du Photo-Club de Paris de 1894, le comte d’Assche place la photographie sous le jugement des peintres : « Que l’on donne à juger ces images à des artistes étrangers à la photographie, le résultat ne sera pas le même. Ils choisiront certainement l’épreuve largement traitée, dans laquelle les masses d’ombre et de lumière se compenseront avec harmonie33. »
24Le vœu du comte d’Assche se réalise au point que les opposants au flou, au fur et à mesure que le pictorialisme prend de l’importance, reprochent aux peintres – trop présents, selon eux, dans les jurys – l’évolution de la photographie34. En 1898, Albert Londe déplore que certains clichés soient, en raison de leur flou, admis à des expositions d’art photographique :
« On a décidé un beau jour que le flou, c’est-à-dire l’indécision des lignes poussée jusqu’à ses extrêmes limites, était la vraie touche de l’art photographique ; hors de là, pas de salut. […] Prenez un sujet quelconque, et du moment qu’il sera bien estompé par le flou salutaire, vous pouvez solliciter hardiment votre admission dans une exposition d’art photographique35. »
25Selon lui, la composition des jurys, dont les photographes sont exclus, explique en grande partie cette évolution :
« Ces résultats ont d’ailleurs été pleinement encouragés par le choix des jurys dans les diverses expositions d’art photographique. C’est à peine si nous y voyons pour mémoire un ou deux connaisseurs de la chambre noire ; les autres sont des peintres, des sculpteurs, des critiques d’art dont nous reconnaissons hautement le talent dans leurs spécialités, mais qui, par leur manière de voir, ont certainement contribué à exagérer certaines licences acceptables dans une mesure restreinte, mais qui cessent de l’être lorsqu’on veut en faire des règles immuables36. »
26Face à cet argument, les pictorialistes ne parviennent pas à admettre et à défendre que les photographes – c’est-à-dire eux-mêmes – sont capables d’un jugement artistique fondé, comme c’est le cas en Angleterre et aux États-Unis où les jurys sont essentiellement composés de photographes37.
27Il n’est pas forcément évident de faire un lien direct entre l’appréciation du flou dans l’Exposition annuelle du Photo-Club de Paris et la présence des peintres dans son jury. De 1895 à 1903, ce dernier est en effet présidé par le peintre académique Gérôme, qui n’est de loin pas un représentant du flou en peinture. Proche du Photo-Club de Paris et en lien étroit avec Robert Demachy, il ne figure cependant pas parmi les modèles picturaux principaux des pictorialistes, qui respectent néanmoins l’autorité que lui confère son académisme38. Les principales admirations artistiques des amateurs photographes se situent ailleurs, et plusieurs études ont montré la diversité de leurs influences picturales39. L’impressionnisme autant que le symbolisme, Jean-François Millet, Camille Corot, Eugène Carrière autant que Jean-Jacques Henner – mais aussi des peintres plus anciens comme Rembrandt et Vélasquez – sont des sources d’inspiration pour les photographes pictorialistes, qui ont bien sûr chacun leur préférence, sans qu’un courant pictural ne puisse absolument s’imposer comme le modèle unique à suivre. Toujours, en revanche, le flou de ces peintres – aussi divers soient-ils – provoque l’admiration et suscite l’envie, comme en témoigne Pierre Dubreuil :
« Ce flou, cet enveloppement ne nous rapproche-t-il pas de la peinture ? C’est ce faire large des artistes complètement opposés à cette netteté photographique tant prônée autrefois, c’est la suppression du détail inutile comme l’a enseigné Carrière, c’est l’adoucissement général dans un genre qui fait oublier le côté mécanique de la photographie pour nous rapprocher, j’oserais dire, de l’impressionnisme40. »
28Pour le photographe, peu importent les différences de styles entre Eugène Carrière et les impressionnistes : l’essentiel réside dans le traitement large des formes et la technique picturale historique du flou n’apparaît pas comme un critère pertinent pour évaluer une œuvre de peinture par rapport à une autre.
L’impressionnisme est-il « flou » ?
29Par l’accent qu’elle met sur la perception visuelle et les phénomènes optiques, et surtout par son aspect souvent brouillé, la peinture impressionniste se propose comme une référence directe pour les commentateurs qui cherchent à situer et à catégoriser l’art des amateurs photographes : « Si les nettistes pèchent par un excès de détails, la nouvelle école, correspondant à l’impressionnisme en peinture, a le défaut de vouloir tout noyer41 », explique Henri Emery en 1900. Pour les pictorialistes, la question paraît plus compliquée dans la mesure où le travail impressionniste se concentre sur la couleur, élément alors inutilisable en photographie. En 1905, Constant Puyo écarte pour sa part l’influence impressionniste : « Que reste-t-il d’un tableau impressionniste, d’un Sisley, d’un Pissarro, une fois traduit en noir et blanc ? Rien, un pur néant ; parce que ces peintres, purs coloristes, n’ont pu faire chanter la couleur qu’en faisant taire le dessin et en mettant une sourdine aux valeurs42. »
30Admirés ou non par les pictorialistes, les impressionnistes ne s’affichent pourtant pas comme les maîtres du « flou ». C’est au xxe siècle que les commentateurs et les historiens associeront de manière de plus en plus immédiate ce mouvement pictural au flou. Michel Makarius estime par exemple que le flou est « à son comble dans la peinture impressionniste43 ». Son étude ne prend pas en compte la définition historique du terme, et son opposition fondamentale à la peinture touchée. Car à lire les critiques contemporaines des impressionnistes, le qualificatif ne leur est pratiquement pas attribué. Défenseurs ou ennemis de leur art favorisent en effet d’autres termes pour décrire leurs œuvres. On parle d’un « œil synthétique44 » à propos de Camille Pissarro, d’une « touche large et rapide45 » au sujet de Monet, on qualifie l’impressionnisme de « sommaire et approximatif46 », et l’on explique que cette nouvelle école « n’a pas appris le catéchisme optique47 » ou qu’il s’agit d’une « peinture demeurée à l’état de confus rudiment, de vague ébauche48 ».
31Lorsque le « flou » est évoqué, ce n’est pas tant pour désigner une peinture indéterminée dans son ensemble, qu’un élément peint au contraire avec une douceur qui contraste avec le vague général qui l’entoure. En 1874, Ernest Chesneau écrit à propos d’une œuvre d’Auguste Renoir : « La Danseuse est vraie et a une fine et nerveuse élégance dans sa vérité. Le flou des jupes de gaze, les notes de couleur de la tête, de la poitrine et des jambes ; tout cela qui est charmant est malheureusement perdu dans un fond vague, tout de convention49. » Brouillé et abîmé par un « vague » beaucoup plus indéterminé que lui, le « flou » apparaît comme un élément délicat, loin de la confusion grossière qui le trouble. Ici, l’emploi du terme « flou » s’explique peut-être aussi par son usage fréquent à l’époque dans la mode, mais il témoigne surtout que le « flou » ne se confond pas avec le style impressionniste. Dans son « bilan de l’impressionnisme50 » en 1904, Robert de La Sizeranne ne mentionne par exemple jamais le terme, qu’il utilise pourtant fréquemment dans l’article qu’il publie en 1897 au sujet des pictorialistes dans la Revue des deux mondes51.
32Les impressionnistes ne peignent pas « flou ». Jamais des peintres n’avaient autant qu’eux mis en valeur et joué de la touche du pinceau, qui prend, sur leurs toiles, des accents, des formes et des tailles diverses, mais qui toujours s’affiche et se voit. L’impressionnisme, en ce sens, est l’inverse du flou, tel qu’il s’est défini dans l’histoire de la peinture. Ceci est d’autant plus vrai que la définition historique du terme est encore d’actualité à la fin du xixe siècle, comme en témoigne un Dictionnaire universel des sciences, des lettres et des arts en 1896 : « Flou (onomatopée), terme technique employé par les peintres pour exprimer la grâce et la douceur des touches, le moelleux du coloris52. » Sur de nombreuses œuvres impressionnistes, la toile se voit, le geste artistique s’exhibe, et l’on comprend que le flou, qui historiquement « rend la couleur lisse sans nulle touche53 », ne puisse s’y appliquer.
Les peintres du flou : Henner, Carrière et Whistler
33Jean-Jacques Henner et Eugène Carrière – sans doute parmi les peintres les plus fréquemment cités par les pictorialistes – s’imposent en revanche comme les maîtres du flou pictural de la fin du xixe siècle. Les critiques de l’époque parlent du « flou particulier54 » d’Henner, de « ce flou qu’affectionne le grand artiste55 ». Lorsqu’une photographie présente un flou comparable, elle ne peut être considérée comme une production purement photographique : « Est-ce là réellement œuvre de photographe, ou n’est-ce pas plutôt œuvre d’un grand artiste ? Cette figure, d’un flou heureusement choisi, d’un modèle remarquable, fait songer à un Henner56 », commente-t-on à propos de Cécilie de Philipp Ritter von Schoeller. Henner est également la référence de Constant Puyo, dans sa défense du flou chromatique, pour affirmer l’excellence de son nouveau procédé57. Eugène Carrière (fig. 13) est quant à lui consacré « roi du flou58 », bien qu’on lui reproche, comme aux pictorialistes, d’en abuser par un peu trop d’effets superflus : « Il ne suffit pas qu’une œuvre soit nuageuse, confuse, indistincte pour être proclamée supérieure59. » L’importance de son flou est telle qu’il s’impose, dans sa fortune critique, comme la figure historique de ce style, effaçant derrière lui les trois siècles de peinture ayant façonné le flou. En 1926, on peut en effet lire que « c’est à Carrière qu’on peut faire remonter le “flou”60 », comme s’il en était l’inventeur et que personne avant lui ne l’avait pratiqué.
Fig. 13. – Eugène Carrière, Bords de la Marne, entre 1849 et 1906.
Huile sur bois, 40,5 × 47 cm. Paris.
© RMN-Grand Palais (musée d’Orsay), Hervé Lewandowski.
34Parmi les peintres étrangers, l’art de James McNeill Whistler est comparé à celui d’Eugène Carrière, notamment par Gaston Deschamps en 189461. En 1901, dans une critique du Salon du Photo-Club, Whistler est appelé à la comparaison des photographes pictorialistes au même titre que Carrière :
« La photographie est un art. C’est chose admise. Eh bien ! Cet art évolue comme tous les autres et tend à se détacher des vieilles formules de précision mathématique, pour chercher, dans le flou et le vaporeux, l’expression des êtres et des choses, plutôt que leurs lignes de contour. On estompe. Tel est le mot d’ordre, et c’est, si l’on permet la comparaison, du Carrière ou du Whistler62. »
35Le peintre américain, vivant à Londres, est régulièrement qualifié de « flou », sans qu’il ne soit pour autant attaqué pour un éventuel excès que la critique française attribue régulièrement à la production anglo-saxonne. « M. Whistler […] est un artiste très flou63 », lit-on en 1895 et l’on parle du « flou des nocturnes64 » dans une critique du Salon d’automne de 1904.
36Avec ces trois peintres, le flou est à la fois confirmé dans sa tradition technique, et redéfini dans sa conception esthétique. Il n’est plus, comme à la fin du xviiie siècle, destiné à servir la mimêsis avant tout. À la place de renforcer l’illusion du réel, il est le moyen pour ces artistes d’interpréter le monde visible, d’exprimer l’idée, d’évoquer le rêve. Par leurs pinceaux, le flou se met au service du symbolisme. Whistler ne peint presque jamais devant le motif : il l’observe, le mémorise et peint ce que sa mémoire lui permet de composer65. Au lieu de retranscrire la vision du réel, le flou suggère un monde intérieur, et devient, comme l’écrit Wolfgang Ullrich au sujet de Carrière, un lieu de projection du psychisme du spectateur66. À la fin du xixe siècle, le flou évolue de manière parallèle dans la peinture et dans la photographie. Alors qu’il était auparavant, dans ces deux arts, un outil pour représenter le réel, il se met, autant en peinture qu’en photographie, au service de l’idée. Le symbolisme de Robert Demachy est ainsi confronté à celui d’Eugène Carrière, et le flou photographique bute encore sur celui du peintre, qui s’impose une nouvelle fois comme une référence indépassable.
Continuité de la technique du flou pictural
37Cette supériorité se confirme en outre par la technique du « flou » pictural, qui, malgré l’évolution des préceptes esthétiques – du naturalisme au symbolisme –, reste fidèle au procédé défini au xviiie siècle. Il s’agit encore, à la fin du xixe siècle, de noyer les touches et d’unifier l’œuvre dans un ensemble doux et harmonieux. En 1895, dans un traité sur la peinture à l’huile, le peintre Karl Robert recommande, comme on le faisait au xviiie siècle, l’usage final d’une brosse pour fondre les tons :
« Quand l’étude vous semble terminée, vous fondez et passez les tons les uns dans les autres à l’aide d’une brosse plate en martre en opérant très légèrement et en différents sens. À remarquer toutefois que fondre les tons et les passer les uns dans les autres ne veut pas dire flocheter, c’est-à-dire mettre du flou quand même, et que si l’art du flochetage est grand parmi les modernes et notamment chez Henner où la silhouette d’une figure se confond au paysage par un léger duvet […], il n’en va pas de même dans les œuvres de Chardin67. »
38Karl Robert distingue le fondu du flou, trop excessif selon lui. Néanmoins, la technique qu’il préconise, c’est-à-dire l’usage d’une brosse pour unifier les tons, est bien la même que celle dont parlait l’Encyclopédie de Diderot en 1751 ou Jean-Charles-Emmanuel Nodier en 182868. On comprend encore mieux que l’impressionnisme, avec ses touches souvent abruptes, ne puisse s’en réclamer, d’autant que la critique majeure adressée au mouvement se situe dans l’absence de structure précise, de fini et dans un relâchement général des formes69.
39Or le flou pictural ne peut être valorisé, au tournant du xxe siècle comme au milieu du xixe siècle, qu’à la condition de s’allier à un dessin précis. Le point d’achoppement, pour les photographes, se situe bien dans la continuité de cette définition particulière du flou pictural, qui impose à la fois une douceur dans le rendu, une gradation légère des tons, et en même temps un dessin juste et précis, ainsi qu’une facture qui puisse, en certains points, accentuer de manière précise et détaillée un élément central de l’œuvre. Lors du décès d’Eugène Carrière, en 1906, un article nécrologique exprime cette alliance nécessaire entre le flou et les détails, que prônait déjà Diderot :
« L’œuvre de Carrière, tout d’abord, paraît comme un rêve brumeux. […] Nul peut-être n’exprima comme Carrière la vie intense du regard humain qui jaillit sous les paupières mi-closes, se charge d’angoisse, de prière ou de doute. Carrière fouille au-delà des traits jusqu’à l’âme ; sur ses toiles il en jette l’indéfinissable reflet et par une sorte de paradoxe sublime, il peint la pensée elle-même. »
40Cependant, l’auteur précise un peu plus loin : « Carrière est réaliste : il peint la figure humaine avec un minutieux souci de vérité, il en scrute les altérations et les tares, cherche les dessous de la structure, tient à l’harmonie des proportions exactes, puis il noie la maquette trop fidèle dans cet immatériel flou70. »
41Ce mélange de flou et de minutie constitue encore l’obstacle technique que les photographes ne parviennent pas à franchir. En 1910, dans ses « Notes sur le flou » publiées dans Photo-gazette, Ernest Coustet exprime d’ailleurs très clairement son admiration pour les possibilités qu’offre la peinture dans ce domaine, en particulier celle de Henner :
« Même le peintre dont la caractéristique est la largeur de touche, le faire moelleux, vaporeux, omet rarement de préciser tout particulièrement un trait essentiel de son sujet, qui se trouve ainsi mis en évidence et ressort, au milieu du vague environnant, forçant sur lui l’attention, par un effet de contraste, comme on en remarque dans les portraits de Henner. Rarement peintre a mieux su rendre la poésie des contours estompés, la douceur du modelé, la morbidesse des jeunes carnations. Et pourtant, quelle acuité dans le regard71 ! »
42Dans la définition picturale du flou à laquelle il se soumet encore, le photographe bute sur ce problème essentiel que constitue le subtil dosage du flou et des détails. D’où la recommandation en 1902, dans Le Photogramme, de ne pas s’enfermer dans des références picturales trop étriquées :
« Parce que [le pictorial] admire la maîtrise d’un Millet ou celle d’un Henner affirmée dans un portrait flou noyé dans un fond de bitume, il ne se croit pas obligé pour cela de nier tout sentiment et intention d’art dans un tableau de l’École flamande qui représentera quelque petite scène anecdotique où les personnages principaux seront entourés d’accessoires traités avec minutie72. »
43Les pictorialistes ne se sont d’ailleurs pas privés d’admirer des peintres a priori opposés à l’esthétique du flou. Au cours du premier pictorialisme des années 1890, alors que la technique du flou est encore très expérimentale, plusieurs auteurs qui souhaitent recadrer les fantaisies flouistes rappellent l’importance du détail, qui ne doit pas être complètement négligé. Le peintre Ernest Meissonier, connu pour sa peinture très détaillée, est par exemple cité par Hector Colard, dans le Bulletin du Photo-Club de Paris, qui l’admire malgré le fait que dans son art « la précision du détail est poussée fort loin. Cela est exact, mais que l’on n’oublie pas cependant que Meissonnier traitait, dans un cadre restreint, des sujets qui avaient une véritable grandeur par le traitement des masses et par leur composition73 ». Les œuvres des peintres, si elles s’affichent comme des modèles en matière de flou, sont également convoquées pour rappeler l’importance de la netteté du motif. On le constate sous la plume de Frédéric Dillaye, ardent défenseur du pictorialisme, mais qui s’oppose pourtant aux « flouteries » trop extravagantes. Dans son argumentation, la peinture n’est plus seulement un moyen de rappeler l’importance du flou dans l’art, mais également de prouver que la netteté est malgré tout indispensable :
« C’est donc encore, et jusqu’à bien longtemps peut-être, aux tableaux des peintres célèbres que nous devons recourir pour former notre goût et compléter notre éducation. Regardons-les au seul point de vue de cette netteté du motif. Nous resterons confondus en constatant combien les détails les plus insignifiants […] ramènent inéluctablement vers le centre de l’action, tonifiant le sujet, l’éclairant, chacun un peu, de sa lumière propre pour lui donner son maximum de relief et compléter sa définition […]. L’art n’existe qu’avec cette netteté74. »
44La peinture et son principe du tout-ensemble apparaissent ainsi comme l’alpha et l’oméga d’un modèle esthétique qui impose de pouvoir doser de manière très subtile le flou et les détails. Cette conception du flou, issue des théories picturales classiques, est enracinée dans la technique de la peinture : historiquement liée à l’invention de la peinture à l’huile, elle exige la liberté de l’intervention manuelle sur l’œuvre pour donner la possibilité, par la minutie de travail que permet le pinceau, d’éteindre des détails par endroits pour en rallumer d’autres ailleurs. En se soumettant à cette définition picturale du flou, les pictorialistes s’enferment dans un paradoxe qu’ils cherchent à dénouer par tous les moyens, comme le montrent leurs nombreuses expérimentations techniques.
Notes de bas de page
1 Baxandall Michael, Formes de l’intention, op. cit., p. 170.
2 Crary Jonathan, L’art de l’observateur : vision et modernité au xixe siècle, trad. de l’anglais par Frédéric Maurin, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1994 (1990), p. 90.
3 Ibid., p. 113.
4 Daston Lorraine et Galison Peter, Objectivité, trad. de l’anglais par Sophie Renaut et Hélène Quiniou, Dijon, Les Presses du réel, 2012 (2007), p. 144.
5 Ibid., p. 165.
6 Ibid., p. 101.
7 Puyo Constant et Leclerc de Pulligny Jean, Les objectifs d’artistes, op. cit., 1906, p. 13.
8 Trevor-Roper Patrick, The World Through Blunted Sight: Inquiry into the Influence of Defective Vision on Art and Character, Londres, Penguin Books, 1990 (1970), p. 37-40.
9 Bergon Paul et Le Bègue René, Art photographique, le nu & le drapé en plein air, Paris, Mendel, 1898, p. 15. La formation du photographe dans l’atelier du peintre est recommandée par d’autres photographes dont Frédéric Dillaye (Dillaye Frédéric, La théorie, la pratique et l’art en photographie, op. cit., p. 11) et Robert Demachy (Demachy Robert, « Artistic Photography in France during 1899 », Photograms of the Year, 1899, p. 29-32).
10 Bordat Louis, « La part de l’art dans la photographie », Marseille-revue photographique, no 11, novembre 1907, p. 164-169.
11 Poivert Michel, La photographie pictorialiste en France, op. cit., p. 277-286.
12 Traduit en français en 1885 par Hector Colard, le texte de Henry Peach Robinson repose sur l’argumentation de la vision naturaliste. L’auteur ne recommande pas véritablement le flou, car il pense que l’œil l’apportera lui-même sur l’image en regardant l’œuvre, mais il recommande de bien masser les ombres et les lumières (Robinson Henry Peach, De l’effet artistique en photographie : conseils aux photographes sur l’art de la composition et du clair-obscur, trad. par Hector Colard, Paris, Gauthier-Villars, 1885 [1869]). En 1891, Frédéric Dillaye s’inspire beaucoup de Robinson, mais il insiste plus sur l’importance d’intégrer le flou dans l’image (Dillaye Frédéric, La théorie, la pratique et l’art en photographie, op. cit.). Plusieurs auteurs – notamment le comte d’Assche (en 1892 dans Photo-gazette), Robert de La Sizeranne (en 1893 dans la Revue des deux mondes), Alfred Horsley Hinton en 1894 et Hector Colard en Belgique vers 1895 – défendent l’idée que l’œuvre doit correspondre à la vision humaine, et pour cette raison intégrer le flou que l’œil impose.
13 Bovier Léon, « Du flou en photographie », art. cité. Nous soulignons.
14 Emerson Peter Henry, Naturalistic Photography for Students of the Art, New York, E. & F. Spon, 1890 (1889).
15 Assche comte d’, « Nettistes et flouistes. Les théories du Dr Emerson », art. cité. Au sujet de la fortune critique d’Emerson en France, voir Poivert Michel, La photographie pictorialiste en France, op. cit., p. 56-57, 63 et 285. En 1891, Emerson rejette ses théories artistiques développées deux ans auparavant, et se distancie du pictorialisme, ce qui explique aussi, selon Michel Poivert, la méconnaissance d’Emerson en France.
16 « The true and natural expression of an impression of nature by an art » (Emerson Peter Henry, Naturalistic Photography, op. cit., p. 23. Nous traduisons).
17 « Now it will immediately be said that all men see nature differently. Granted. But the artist sees deeper, penetrates more into the beauty and mystery of nature than the commonplace man » (ibid. Nous traduisons).
18 Le Conte Joseph, Sight: An Exposition of the Principles of Monocular et Binocular Vision, Londres, Kegan Paul, Trench, Trübner & Co., 1895 (1881).
19 « [I]t will now be understood that a picture should not be quite sharply focused in any part, for then it becomes false; it should be made just as sharp as the eye sees it and no sharper, for it must be remembered the eye does not see things as sharply as the photographic lens, for the eye has the faults due to dispersion, spherical aberration, astigmatism, aerial turbidity, blind spot, and beyond twenty feet it does not adjust perfectly for the different planes. All these slight imperfections make the eye’s vision more imperfect than that of the optician’s lens, even when objects in one plane only are sharply focused, therefore, […] the chief point of interest should be slightly—very slightly—out of focus, while all things, out of the plane of the principal object, it is perfectly obvious, from what has been said, should also be slightly out of focus, not to the extent of producing destruction of structure or fuzziness, but sufficiently to keep them back and in place » (Emerson Peter Henry, Naturalistic Photography, op. cit., p. 119. Nous traduisons).
20 Ibid., p. 97-112.
21 Ibid., p. 148-149.
22 « Some writers who have never taken the trouble to understand even these points, have held that we admitted fuzziness in photography. Such persons are laboring under a great misconception; we have nothing whatever to do with any “fuzzy school”. Fuzziness, to us, means destruction of structure. […] We have, then nothing to do with “fuzziness”, unless by the term is meant that broad and ample generalization of detail, so necessary to artistic work » (ibid., p. 121. Nous traduisons).
23 Ibid., p. 135-136.
24 Hendler Sefy, La guerre des arts. Le Paragone peinture-sculpture en Italie xve-xviie siècle, Rome, L’« Erma » di Bretschneider, 2013, notamment p. 45-47.
25 Reyner Albert, L’année photographique 1900, Paris, Charles Mendel, 1900, p. 129.
26 Puyo Constant et Leclerc de Pulligny Jean, Les objectifs d’artistes, op. cit., 1906, p. 29.
27 Horsley Hinton Alfred, « Le flou et le net », Bulletin du Photo-Club de Paris, 1899, p. 343-344.
28 Rey Étienne, « L’exposition annuelle du Photo-club », Bulletin mensuel du Photo-Club toulousain, série 2, no 7, novembre 1904, p. 76-80.
29 Scharf Aaron, Art and Photography, op. cit., p. 170 ; Font-Réaulx Dominique de, Peinture & photographie, op. cit., p. 172.
30 Vidal Léon, « Un bon conseil », Le Photogramme, vol. 3, no 8, août 1899, p. 129.
31 Dauphin André, « La photographie et le public », art. cité.
32 En 1894, le jury d’admission pour le premier Salon du Photo-Club de Paris se composait d’Audra (Société française de photographie), René Billotte (artiste peintre), Armand Dayot (inspecteur des Beaux-Arts), Guillaume Dubufe (artiste peintre), Jules Jacquet (artiste graveur), Frédérique Montenard (artiste peintre), Édouard Rosset-Granger (artiste peintre), René de Saint-Marceaux (statuaire), Haincque de Saint Senoch (Société française de photographie), Thiébault-Sisson (critique d’art). À partir de 1895, le peintre Gérôme préside ce jury, jusqu’à sa mort en 1904. En 1897, Paul Bergon participe au jury, en 1898 c’est au tour de René Le Bègue, et l’année suivante à celui du belge Hector Colard. Ce dernier sera ensuite le seul représentant des amateurs photographes aux jurys jusqu’en 1914.
33 Assche comte d’, « Du choix des moyens en photographie (suite) », art. cité, p. 93-96.
34 Sur la composition précise des jurys, voir Poivert Michel, La photographie pictorialiste en France, op. cit., p. 105-106.
35 Londe Albert, « Art et photographie », Gazette du photographe amateur, no 59, février 1898, p. 19-24.
36 Ibid. Les critiques face à la composition des jurys des expositions s’expriment dès la première exposition du Photo-Club de Paris, comme le montrent les propos tenus dans le Bulletin de l’Association belge de photographie : « L’expérience du jury composé d’artistes pour juger les œuvres d’art photographiques ne nous semble pas avoir donné en pratique ce qu’elle promettait en théorie » (C. H., « Première exposition d’art photographique à Paris », Bulletin de l’Association belge de photographie, année 21, vol. 21, no 3, 1894, p. 180-185).
37 En Angleterre et aux États-Unis, les jurys sont composés de photographes. Voir notamment Heilbrun Françoise, Camera Work, Paris, Centre national de la photographie, coll. « Photo Poche », 1983.
38 Au sujet des relations entre Gérôme et Demachy, voir Faure-Conorton Julien, « Le nu d’atelier dans l’œuvre photographique de Robert Demachy (1859-1936) », Histoire de l’art, no 66, avril 2010, p. 95-106.
39 Voir notamment Lowis Kristina, « Les conceptions esthétiques des pictorialistes européens », in Francis Ribemont et Patrick Daum (dir.), La Photographie pictorialiste en Europe, 1888-1918, cat. expo., Paris, Le Point du Jour/musée des Beaux-Arts de Rennes, 2005, p. 47-51 ; Michel Poivert, La photographie pictorialiste, op. cit.
40 Dubreuil Pierre, « De l’enveloppement », Photo-gazette, 25 novembre 1903, p. 8-11.
41 Emery Henri, La photographie artistique : comment l’amateur devient un artiste, Paris, C. Mendel, 1900, p. 73.
42 Puyo Constant, « L’art de la composition », La Revue de photographie, no 1, 15 janvier 1905, p. 18-24.
43 Makarius Michel, Une histoire du flou, op. cit., p. 15.
44 Castagnary Jules-Antoine, « Exposition du boulevard des Capucines. Les impressionnistes », Le Siècle, 29 avril 1874, p. 3 ; publié in Les écrivains devant l’impressionnisme, textes réunis et présentés par Denys Riout, Paris, Macula, 1989, p. 52-58.
45 Druet Théodore, Le peintre Claude Monet, Paris, G. Charpentier, 1880 ; publié in Les écrivains devant l’impressionnisme, op. cit., p. 224-229.
46 Fénéon Félix, « Notes d’art et de littérature. L’impressionnisme », L’Émancipation sociale agricole, industrielle et commerciale, 3 avril 1887, p. 1-2 ; publié in Les écrivains devant l’impressionnisme, op. cit., p. 417-423.
47 Ephrussi Charles, « Exposition des artistes indépendants », Gazette des Beaux-Arts, 1er mai 1880, p. 485-488 ; publié in Les écrivains devant l’impressionnisme, op. cit., p. 232-237.
48 Huysmans Joris-Karl, L’art moderne, Paris, Charpentier, 1883 ; publié in Les écrivains devant l’impressionnisme, op. cit., p. 303.
49 Chesneau Ernest, « À côté du Salon, le plein air. Exposition du Boulevard des Capucines », Paris-Journal, 7 mai 1874, p. 2 ; publié in Les écrivains devant l’impressionnisme, op. cit., p. 62-66.
50 La Sizeranne Robert de, « Le bilan de l’impressionnisme », Les questions esthétiques contemporaines, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1904, p. 53-103.
51 Id., « La photographie est-elle un art ? », art. cité. L’auteur distingue d’ailleurs clairement les deux mouvements, puisque les impressionnistes lui déplaisent par leur laxisme face à la composition académique, alors que le retour à l’ordre et à la rigueur des pictorialistes le séduit.
52 Bouillet Marie-Nicolas, Dictionnaire universel des sciences, des lettres et des arts, Paris, Hachette, 1896, p. 660.
53 Watelet Claude-Henri et Levesque Pierre-Charles, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, t. 2, op. cit., p. 330.
54 Argus, « Chronique. Le Salon de 1881 », La Semaine des familles, année 23, no 8, 21 mai 1881, p. 128. À propos du Saint Jérôme exposé en 1881.
55 Du Becq Roger, « Les Salons », Revue mondaine, année 2, no 11, 1902, p. 242.
56 Anon., « L’exposition d’art photographique de Dunkerque (suite) », Bulletin de la Société photographique du Nord de la France, janvier 1898, p. 11-13 (p. 12).
57 Puyo Constant et Leclerc de Pulligny Jean, Les objectifs d’artistes, op. cit., 1906, p. 29.
58 Tristan, « Le Salon d’automne », Le Carnet historique et littéraire, t. 18, octobre 1903, p. 297-303.
59 Ibid.
60 Landry Lionel, « Formation de la sensibilité », in L’art cinématographique, t. 2, Paris, Librairie Félix Alcan, 1924, p. 51-81.
61 Deschamps Gaston, « La vie littéraire », Le Temps, 14 janvier 1894, n. p.
62 Villemer Jean, « Le Salon du Photo-club », Le Figaro, année 47, série 3, no 122, 2 mai 1901, p. 1.
63 Cuënot Henry, « Les petits Salons », L’Observateur français, année 9, no 75, 18 mars 1895, p. 1.
64 Bouyer Raymond, « Le procès de l’art moderne au Salon d’automne », La Revue politique et littéraire, 5 novembre 1904, p. 601-605.
65 Simpson Marc (dir.), Like Breath on Glass, op. cit., p. 37.
66 Ullrich Wolfgang, Die Geschichte der Unshärfe, op. cit., p. 34.
67 Robert Karl, Traité pratique de peinture à l’huile : paysage, Paris, Henri Laurens, 1895, p. 102.
68 Diderot Denis et Le Rond Jean dit d’Alembert Jean (dir.), Encyclopédie, t. 6, op. cit., p. 880-881 ; Nodier Jean-Charles-Emmanuel, Dictionnaire raisonné des onomatopées françoises, op. cit., p. 132.
69 Robert de La Sizeranne est en particulier virulent à ce sujet : « La nature et la vie de nos cités pouvaient donc servir de thèmes à de vrais artistes, pourvu qu’en dissimulant la ligne, ils exaspérassent la couleur. C’est ce qu’ont fait les impressionnistes. Ils ont bien représenté, selon la formule réaliste, le spectacle de la vie moderne, mais en les éclaboussant de tant de couleur, qu’on ne les reconnaît plus. Quand la nature était laide, ils ont tâché de la dissimuler à l’aide de la nature même. Ils ont demandé au soleil d’effacer les lignes disgracieuses, comme autrefois on l’aurait demandé à l’ombre » (La Sizeranne Robert de, « Le bilan de l’impressionnisme », art. cité).
70 Anon., « Chronique », La Revue du mois, année 1, t. 2, no 7, 10 octobre 1906, p. 500-501.
71 Coustet Ernest, « Notes sur le flou », Photo-gazette, 25 février 1910, p. 66-72.
72 Anon., « Le mot et la chose – Art et photographie », Le Photogramme, février 1902, vol. 6, no 2, p. 21.
73 Colard Hector, « La photographie moderniste. Fin », Bulletin du Photo-Club de Paris, 1893, p. 301-308.
74 Dillaye Frédéric, Les Nouveautés photographiques. Complément annuel à la théorie, la pratique et l’art en photographie, Paris, Librairie illustrée/Jules Tallandier, 1893, p. 141.
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