Chapitre II. Notes sur la représentation du flou optique en peinture
p. 67-90
Texte intégral
1Historiquement, le « flou » désigne un style pictural plus qu’un phénomène optique. On voit bien cependant que le lien entre un pinceau flou et la vision indistincte est subtil. S’il ne lui correspond pas pleinement dans sa définition, le pinceau flou contribue pourtant à la représentation du fait optique, en atténuant la sécheresse des contours. Une zone de rencontre existe bien entre le flou pictural et le flou optique, à l’endroit même où le premier efface les marques trop strictes des contours de manière à laisser percevoir le second. Malgré un lien tangible, les deux notions ne recouvrent pourtant pas les mêmes phénomènes. Elles s’éloignent à partir du moment où le flou pictural rend compte d’une manière de travailler le rendu général d’une œuvre, pour atteindre un moelleux totalement indépendant d’une indistinction des formes ; mais aussi dès que la confusion optique des formes se fait par une autre technique que le flou pictural, notamment par un travail très haché du pinceau. Au xixe siècle, la photographie confrontera le flou pictural et le flou optique pour les réunir sous le même terme. Elle ne cessera alors de buter sur cette nouvelle complexité du flou, prise au piège entre une définition forgée au contact de la peinture et la réalité de sa technique, propice à représenter le phénomène optique. Dès son apparition, la photographie, qui héritera du terme « flou » et de tout ce qu’il charrie, devra en même temps se confronter à de nombreuses questions sur le flou de vision – même s’il n’est alors pas qualifié par ce terme. Avant d’aborder la problématique du flou photographique, il est par conséquent nécessaire de quitter, pour un temps, le seul domaine du flou pictural, pour élargir le propos au phénomène optique, afin de donner quelques précisions sur sa représentation dans la peinture.
Connaissances optiques
2La manière dont l’œil fonctionne pour donner à la vision des zones de netteté et de flou peut se résumer ainsi :
« La lumière réfléchie par les objets traverse l’œil et se projette sur la rétine qui est une membrane tapissant la face interne de l’œil. Elle est constituée de deux types de photorécepteurs, les cônes et les bâtonnets, qui transforment l’information en influx nerveux. Ces deux types de récepteurs diffèrent par leur densité, leur répartition sur la rétine mais aussi par leur sensibilité. Les cônes, beaucoup moins nombreux que les bâtonnets, sont concentrés essentiellement au centre de la rétine, la fovéa, alors que les bâtonnets y sont absents. Ces derniers peuvent réagir à de faibles quantités de lumière, mais ne permettent pas la perception colorée ou celle des détails alors que l’activation des cônes requiert une plus grande quantité de lumière, mais ils permettent la discrimination des couleurs et des détails. C’est donc quand les objets visés sont projetés au centre de la rétine, sur la fovéa, que l’acuité visuelle est maximale. Les photorécepteurs transmettent ensuite les informations à différentes couches de cellules nerveuses dans la rétine qui convergent pour constituer le nerf optique1. »
3Le flou apparaît dans l’image projetée sur la zone périphérique de la rétine, en dehors de la fovéa, et devient plus prononcé dans l’obscurité. En fonction de la distance de l’objet, son image apparaît de manière plus ou moins grande sur la rétine et il est nécessaire d’accommoder la vision de manière à placer au centre de la fovéa les éléments que l’on souhaite voir distinctement.
4Au milieu du xixe siècle, lorsque Hermann von Helmholtz publie son Optique physiologique qui constitue un jalon essentiel dans ce domaine et auquel les artistes se sont souvent référés, cette conception du fonctionnement de l’œil est globalement acquise2. Les recherches de la première moitié du xixe siècle ont néanmoins permis d’importantes avancées, car, en 1822 encore, le Dictionnaire des sciences médicales publié en soixante volumes par l’éditeur Panckoucke, qui fait alors autorité, estime que les connaissances sur la vision n’ont pas beaucoup évolué depuis la naissance de l’optique moderne de Johannes Kepler : « Kepler en 1604 […] s’explique clairement sur les usages du crystallin [sic] et de la rétine ; il connut l’existence des images qui peignent sur cette membrane, leur inversion, et les causes de leur netteté et de leur confusion : or c’est encore, à fort peu de choses près, ce que nous savons bien aujourd’hui3. » Il n’est alors pas possible de faire la distinction entre les bâtonnets et les cônes de la rétine et, si l’on comprend que l’image est plus nette en son centre, il est encore difficile d’estimer précisément la différence de sensibilité entre ses différentes zones.
5En 1822, peu de temps avant l’invention de la photographie, le Dictionnaire des sciences médicales pose la question de la netteté de la vision humaine en ces termes : « Tout nous porte à croire que la nature, en organisant l’œil, n’a eu d’autre but que de donner aux images qui se forment sur la rétine, toute la netteté imaginable4. » On suppose que la netteté constituerait un élément déterminant de la vision, plus utile à l’homme que le flou qu’elle contient. Dans une pensée rousseauiste qui accorde à la nature le pouvoir de bien faire les choses, les auteurs de l’article donnent d’emblée à la netteté une supériorité innée. Néanmoins, ils enchaînent sur l’impossibilité de prouver cette idée, car « quelque probable que paraisse cette assertion ; pour la changer en certitude, il faudrait que nous pussions mathématiquement assigner la route que suivent les rayons lumineux en traversant les humeurs réfringentes de l’œil5 ».
6Des recherches sont alors encore nécessaires pour « connaître exactement les courbures des faces antérieure et postérieure de la cornée transparente, celles du crystallin [sic], et enfin la configuration de la rétine », pour réussir à « calculer le foyer de l’œil, et […] s’assurer si cet organe est réellement achromatique », et enfin pour « découvrir le changement auxquels l’œil peut se prêter pour, sans cesser d’être achromatique, remplir également bien ses fonctions lorsqu’il est dirigé vers des objets placés à toutes les distances auxquelles la vision distincte peut avoir lieu6 », c’est-à-dire le fonctionnement de l’accommodation de la vision. Lorsqu’en 1867 l’Optique physiologique de Hermann von Helmholtz est publiée en français, les connaissances sur ces sujets ont largement progressé et l’on sait, par exemple, que l’accommodation se fait par une déformation du cristallin, « hypothèse qui a fini par être prouvée par les faits7 ». Bien connu au milieu du xixe siècle, le fonctionnement de l’œil est alors perçu comme un organe complexe, dont les phénomènes de flous sont variés : outre les flous liés à la vision directe et indirecte, et aux différents plans proches ou éloignés, on explique entre autres l’aberration chromatique, l’aberration de sphéricité, l’astigmatisme, ou encore la tache aveugle8. Les traités d’optiques expliquent la confusion qu’entraîne la perception d’objets éloignés ou la défaillance de la vision, sans pourtant jamais user du terme « flou », qui n’apparaît pas dans la traduction de l’ouvrage d’Hermann von Helmholtz : les mots de « confus » ou d’objets vus « indistinctement » sont alors utilisés pour caractériser le contraire de la vision distincte9.
7Dans les siècles précédents, malgré des connaissances optiques beaucoup moins précises, on avait déjà conscience de certains effets de flou dans la vision. La gradation de la netteté dans la vision, et la possibilité que cette dernière ait des défauts, avaient déjà été perçues dans l’Antiquité, selon Marc Wellmann, qui décrit dans son ouvrage quelques grandes étapes de la découverte de la vision confuse, de l’Antiquité au xixe siècle10. L’apparition de la perspective à la Renaissance pose pour la première fois la question de la nature de la vision, et de l’apparence des choses, relativement à un point d’observation, en lien avec la problématique de la représentation11. À cette époque, comme on l’a vu, Léonard de Vinci constate la confusion dans la perception des objets périphériques et éloignés. Ses idées ne reposent cependant pas encore sur des connaissances et des démonstrations scientifiques éprouvées.
8L’astronome allemand Johannes Kepler apporte des connaissances sur le fonctionnement de la vision dans ses Paralipomènes à Vitellion qu’il publie en 1604 et qui fondent l’optique moderne12. Pour la première fois, il comprend qu’une image se forme sur la rétine : la réalité n’est donc pas perceptible directement, mais par la réapparition de son image dans l’œil. Cette découverte est fondamentale, car elle permet d’envisager les phénomènes visuels – et notamment le flou – en lien avec le fonctionnement de l’œil, plus que par des explications physiques sur le monde extérieur. « [P]uisque la vision se fait par peinture [sur la rétine], si la peinture est troublée, la vision est troublée13 », explique l’astronome. Dès cette époque, on comprend que l’œil n’est jamais capable de percevoir nettement tous les objets et tous les plans en même temps.
9Dans sa Dioptrique qu’il publie en 1637, notamment en réponse aux recherches de Kepler, René Descartes écrit : « [I]l est impossible de voir plus d’un seul objet à la fois distinctement : en sorte que cette commodité, d’en voir cependant confusément plusieurs autres, n’est principalement utile, qu’afin de savoir par quel côté il faudra par après tourner les yeux, pour regarder celui d’entre eux qu’on voudra mieux considérer14. » L’optique moderne, telle qu’elle apparaît au xviie siècle, rend compte des nombreux phénomènes de flous. Kepler observe par exemple que « lorsque l’objet visible est situé au-delà du point, fixé par la nature pour tout œil, dont toutes les radiations se rassemblent en un point de la rétine, cet objet apparaît confus15 », et il explique la myopie et la presbytie car « [c]eux qui voient les objets éloignés distinctement voient confusément les objets proches ; il leur faut des verres convexes. Au contraire ceux qui voient confusément les objets éloignés et distinctement les objets proches sont aidés par des verres concaves16 ».
10Au xviie siècle, les découvertes fondamentales de Johannes Kepler ont des conséquences sur la représentation picturale. Outre le flou des formes éloignées ou trop rapprochées de l’œil, déjà observé par Léonard de Vinci, on comprend le flou provoqué par les objets en mouvement, ainsi que la perte de netteté croissante de la vision périphérique17. Marc Wellmann a montré comment certains tableaux témoignent de la connaissance, par les artistes, des différents effets de flou perçus par l’œil humain, et de leur capacité à les représenter. Dans le tableau des Ménines de Diego Vélasquez en 1656 (fig. 8), la perte de netteté des objets lointains se perçoit dans le reflet du couple dans le miroir, ainsi que dans la silhouette esquissée de l’homme dans l’encadrement de la porte ; le léger flou de certains personnages montre la diminution de l’acuité dans les zones d’ombre ; la figure du premier plan, avec un pied sur le chien, disparaît quant à elle dans un flou de mouvement18. Le Portrait d’un homme de Balthasar Denner (1685-1749) [fig. 9] confirme à la fois la maîtrise du flou de la touche, qui ne laisse apparaître aucune trace du pinceau, et la connaissance de la vision humaine : la netteté varie selon les parties du visage, et impose un point de focalisation très précis, autour duquel l’acuité diminue. Bien avant l’invention de l’appareil photographique, de nombreux phénomènes de flou sont ainsi connus et éprouvés dans la représentation picturale.
Fig. 8. – Diego Vélasquez, Les Ménines, 1656.

Huile sur toile, 320,5 × 281,5 cm. Madrid, musée du Prado, akg-images, Erich Lessing.
Fig. 9. – Balthasar Denner, Portrait d’un homme, 1732.

Huile sur toile marouflée sur bois de chêne, 36,6 × 30,1 × 0,7 cm. Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, Legs de Joséphine Chavannes, 1918. Inv. 717.
© musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.
11Dès le xviie siècle, le flou est compris comme un phénomène émanant de l’appareil oculaire lui-même et appartenant en plein à la vision humaine. Cependant, on conçoit encore l’œil comme un objet autonome, dans lequel se forme une image, séparément de l’acte de percevoir. Dans la conception de Kepler, l’observateur est un être passif face à une vision indépendante de lui. Ce dernier serait le témoin d’un acte représentatif du monde qui se fait et s’accomplit seul, devant lui et sans sa participation active. L’œil s’apparente ainsi à une camera obscura qui projette l’image des objets sur un écran, sans que l’on prenne en compte sa sensation, et sa compréhension.
12Comme l’explique Wellmann, la camera obscura offre d’ailleurs de nouvelles possibilités pour comprendre les phénomènes optiques : « Pour la première fois dans l’histoire de la vision, le modèle de la camera obscura a permis de prendre conscience, avec une grande clarté conceptuelle et descriptive, de la capacité des yeux à focaliser des objets à différentes distances19. » Cette conception mécanique de la vision empêche cependant d’envisager la subjectivité de la perception du flou. On conçoit que ce dernier apparaît dans l’œil en fonction de différents éléments physiques : par exemple, lorsque les rayons lumineux n’atteignent pas le centre de la rétine, mais sa périphérie ; ou lorsque l’image ne se forme pas sur la rétine, mais en avant (myopie) ou en arrière de celle-ci (presbytie). En revanche, on n’envisage pas que la sensation de ce flou puisse varier d’un individu à l’autre en fonction de l’expérience individuelle de la perception.
13Si l’on en croit Michael Baxandall, cet aspect émerge dans la peinture du xviiie siècle et notamment chez Jean-Baptiste-Siméon Chardin auquel il consacre un chapitre de son livre Formes de l’intention, publié en 1985. L’historien étudie Une dame qui prend le thé de 1735 (fig. 10) en relation avec les écrits de philosophes contemporains sur la perception, notamment John Locke, Peter Camper et Sébastien Le Clerc. Dans cette peinture, il observe « la plus ou moins grande netteté des plans. Ainsi un plan bien délimité est créé par l’enchaînement de la théière, de la main, et du bras qui ressortent beaucoup plus distinctement que le reste et, à l’intérieur même de ce plan, certains détails sont rendus avec plus de précision que d’autres20 ». Il s’interroge sur le lien entre cette représentation et la nouvelle, prise en compte au xviiie siècle, de l’importance de l’expérience dans la connaissance du monde. Cette œuvre permet à Baxandall de développer l’idée qu’« un tableau est non pas une représentation de la substance – ou de la Nature comme on disait depuis la Renaissance – mais une représentation d’un acte de perception de cette substance21 ».
Fig. 10. – Jean-Baptiste-Siméon Chardin, Une dame qui prend du thé, 1735.

Huile sur toile, 81 × 99 cm. Glasgow, Hunterian Art Gallery, akg-images, VISIOARS.
14Or cette perception n’est pas instantanée, mais se fait sur une durée qui donne l’occasion de voir nettement certains éléments et d’autres flous, puis d’accommoder sur d’autres objets du réel. En observant les zones de netteté et celles plus floues, l’historien conclut qu’il ne s’agit pas d’une représentation unique du monde avec ses éléments flous – comme l’aurait été une image projetée sur une rétine indépendante de l’acte perceptif – mais le récit d’une expérience de perception : « Chardin multiple en effet les notations : son récit montre que l’attention est faite de moments d’attention, de points de fixation privilégiés, de ratages perceptifs, de plages de repos, qu’elle est attirée par les contrastes, et par tout ce qui se dérobe à la compréhension22. »
15L’hypothèse de Baxandall permet de comprendre la transformation qui s’opère au xviiie siècle dans la perception du flou optique. Celui-ci n’apparaît plus comme un phénomène univoque, mais comme le résultat d’une expérience visuelle. L’historien cite Sébastien Le Clerc, qui publie en 1719 le Système de la vision fondé sur de nouveaux principes :
« Quoique l’on découvre assez bien d’un seul coup d’œil de grandes campagnes, cependant on observe qu’on ne voit que peu de choses distinctement à la fois, et il y a deux raisons de cela. La première, que les objets ne se peignent distinctement dans les yeux que sous un angle assez petit, comme on vient de voir ; et la deuxième, que l’âme ne pouvant se rendre attentive à considérer plusieurs choses à la fois, elle n’examine les objets que partie à partie. Ainsi, encore qu’on aperçoive d’un premier coup d’œil quelque objet considérable, un Palais, par exemple, et qu’il s’en peigne une image dans nos yeux qui nous en fait avoir aussitôt une bonne ou une méchante idée, c’est néanmoins toujours sans distinction de parties, parce que l’âme n’y fait d’abord aucune application particulière. Mais voulant savoir de quel ordre en est l’Architecture, et si elle est de bon ou de méchant goût, alors elle en parcourt de l’œil, ou pour mieux dire, de son axe, toutes les parties les unes après les autres, pour avoir une connaissance exacte de chacune en particulier23. »
16Un élément majeur distingue cette conception de celle de Kepler : le flou ne peut s’expliquer par la seule raison physique de l’acuité ; il est également le résultat de l’acte de voir lui-même, qui implique une intention et une attention particulière sur un point ou un autre. Sans attention, la vision globale est généralement confuse « parce que l’âme n’y fait d’abord aucune application particulière ». La psychologie humaine joue donc un rôle dans la perception du flou, qui est lié à l’intention de regarder. Ce n’est que par la volonté de voir plus distinctement un élément qu’un autre que le regard peut faire le point sur des parties du bâtiment et le balayer de manière plus appliquée.
17En 1749, dans sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, Denis Diderot défend lui aussi l’importance de l’attention et de l’expérience dans la vision la plus exacte des choses. Cherchant à remettre en cause des évidences de son temps, notamment l’existence d’un Dieu visible dans la beauté du monde, il tente de comprendre comment se fait la perception du monde par un aveugle de naissance, qui recouvrerait la vue. Il explique :
« Aussitôt que l’aveugle-né jouit de la faculté de se servir de ses yeux, toute la scène qu’il a en perspective vient se peindre dans le fond de son œil. Cette image, composée d’une infinité d’objets rassemblés dans un fort petit espace, n’est qu’un amas confus de figures qu’il ne sera pas en état de distinguer les unes des autres. […] Il faut donc convenir que nous devons apercevoir dans les objets une infinité de choses que l’enfant ni l’aveugle-né n’y aperçoivent point, quoiqu’elles se peignent également au fond de leurs yeux ; que ce n’est pas assez que les objets nous frappent, qu’il faut encore que nous soyons attentifs à leurs impressions ; que, par conséquent, on ne voit rien la première fois qu’on se sert de ses yeux ; qu’on n’est affecté, dans les premiers instants de la vision, que d’une multitude de sensations confuses qui ne se débrouillent qu’avec le temps et par la réflexion habituelle sur ce qui se passe en nous ; que c’est l’expérience seule qui nous apprend à comparer les sensations avec ce qui les occasionne24. »
18Ainsi, l’image qui se projette sur la rétine peut être nette, mais sa perception rester vague. Le flou n’est plus seulement dû à des caractéristiques physiques de l’œil ; il émane aussi d’un manque d’expérience et de connaissance sur le monde – qui empêche de percevoir nettement – et à une absence d’attention. Pour la question de la représentation, cette nouvelle conception du flou est importante : l’expérience et l’attention, propres à l’artiste, deviennent des critères pertinents pour évaluer le flou optique représenté dans son œuvre. La vision floue et nette ne dépend pas seulement du fonctionnement optique de l’œil, mais d’une sensibilité propre à l’artiste. Ce dernier peut ainsi revendiquer une perception originale et la création d’une œuvre unique, fidèle à sa sensation, plutôt qu’une simple copie d’une image projetée sur un écran. L’enjeu de la représentation du flou perceptif ne se situe alors pas seulement dans la mimêsis, mais dans la capacité à percevoir le monde selon une expérience individuelle.
19Dans le Dictionnaire des sciences médicales de 1822, cette dimension psychologique de la perception est importante. En effet, l’article s’ouvre sur ce constat :
« Lorsque la lumière émanée d’un objet […] pénètre notre œil […], elle fait naître en nous une sensation qui, ainsi que toutes les autres, doit être étudiée sous deux rapports différens [sic] : l’un est purement physiologique, il ne va pas au-delà des effets optiques de l’œil et l’impression que l’image des objets fait sur la partie sensible de cet organe, c’est la vision proprement dite ; et l’autre que l’on pourrait nommer psychologique, s’attache à découvrir comment, sous l’influence du toucher, se développent les idées dont nous sommes redevables aux propriétés physiques de la lumière ; c’est ce qui constitue la vue25. »
20L’œil seul ne permet par exemple pas de voir la distance d’un objet : ce n’est que parce qu’on a accumulé l’expérience de ne pas pouvoir le toucher, parce qu’on a constaté qu’il était plus petit et plus flou, que l’esprit parvient à décoder qu’il constitue un élément d’arrière-plan. Hermann von Helmholtz consacre précisément la troisième partie de son Optique physiologique à étudier les « activités de l’âme qui interviennent dans les perceptions visuelles26 », de manière à mieux comprendre la perception de la profondeur, la façon dont se remplit la tache aveugle, ou dont on crée une seule image à partir d’une vision binoculaire.
Un élément de progrès artistique
21La compréhension de plus en plus approfondie des phénomènes de flous dans la vision et la perception a eu une incidence sur l’histoire de la peinture. Au fil des siècles, au fur et à mesure que l’on découvre comment fonctionne la vision – et notamment le flou –, les peintres cherchent à intégrer ces nouvelles connaissances. Insistons d’abord sur le progrès que constitue la maîtrise de la représentation du flou optique dans la conquête de la mimêsis, et de l’imitation du réel par la peinture27. En 1982, Ernst Gombrich résume en ces termes l’évolution générale de l’art, reprenant un postulat posé en 196028 :
« Le monde ancien a certainement considéré l’évolution de l’art principalement comme un progrès technique, la conquête de ce talent dans la mimêsis, dans l’imitation, qui était considérée comme la base de l’art. Les maîtres de la Renaissance ne diffèrent pas sur ce point. Léonard de Vinci était convaincu de la valeur de l’illusion, de même que le chroniqueur le plus influent de l’art renaissant, Giorgio Vasari, qui prenait pour acquis qu’en retraçant l’évolution d’un rendu plausible de la nature il décrivait le progrès de la peinture vers la perfection. […] Le processus de la conquête de la réalité à travers l’art a continué, à une vitesse variable, au moins jusqu’au xixe siècle29. »
22La notion de progrès fait bien sûr débat, particulièrement au xixe siècle qui assiste à la rupture de la foi absolue dans la mimêsis picturale. Si Watelet, qui décède quelques années avant la publication de son dictionnaire en 1792, estime que « c’est à l’imitation bien entendu que l’art doit ses progrès, puisqu’on doit reconnaître que si les artistes n’avoient pas mis à profit les découvertes de leurs prédécesseurs, l’art seroit toujours demeuré dans l’enfance de la barbarie30 », l’évolution de l’art au xixe siècle fera dire en 1856 à Théophile Gautier – pour défendre l’imagination et la force créatrice du peintre face au réalisme provocant de Gustave Courbet – qu’« en art, il n’y a pas de progrès » et que « la peinture […] agit souvent avec d’autant plus de force qu’elle s’éloigne de la nature31 ». Olga Hazan a bien montré la manière dont la notion de progrès artistique se met en place à la Renaissance – pour affirmer la supériorité des peintres de l’époque – et l’usage de cette notion dans les diverses argumentations pour un style particulier contre un autre32. Laissons cependant de côté les discussions sur l’existence, ou non, d’un progrès général en art, et concentrons-nous sur la manière dont les écrivains évaluent l’évolution particulière de la mimêsis, indépendamment de son bien-fondé artistique.
23Au début du xixe siècle, le manque de fondu dans les contours constitue le défaut principal attribué à l’art antique, soi-disant aux contours abrupts. Johann Joachim Winckelmann lui-même l’avait concédé dans son Histoire de l’art chez les anciens, notamment à propos de la sculpture, propageant l’idée chez les nombreux auteurs qui se référeraient ensuite à lui33 :
« Il est pourtant vraisemblable, et on le juge ainsi par quelques passages des anciens écrivains, que ce style sublime conserva toujours quelque chose de roide, que les contours y furent formés d’angles saillants […]. Car, comme ces habiles Maîtres, tels que Polyclète, fixèrent les lois de la proportion pour les différentes parties du corps humain, ils durent déterminer chaque partie dans tous ses points précis, et il n’est pas incroyable qu’on ait sacrifié quelques degrés de beauté dans la forme à l’exactitude sensible de l’expression. Ainsi le sublime était empreint sur leurs figures, mais il s’y montrait avec une certaine rudesse, en comparaison des contours moelleux et coulants qui caractérisèrent les successeurs de ces grands Maîtres34. »
24À trop vouloir comprendre le corps humain, les Grecs n’en ont pas assez observé l’apparence générale et ont sacrifié un peu de grâce par trop de précision. Le même défaut se trouvait chez les peintres grecs, et l’on estimait que le progrès de l’art renaissant, par rapport à la période antique, se situait dans le fondu – le sfumato italien – que les artistes avaient su donner à leurs contours. Dans son livre sur la couleur, Max Imdahl a montré comment les couleurs, dès les xvie et xviie siècles, et en particulier la capacité à les fondre, se situaient au cœur des débats pour prouver la supériorité des œuvres modernes sur celles de l’Antiquité35. Le fondu des couleurs, que les artistes grecs ne maîtrisaient pas, constituait l’une des qualités par lesquelles les peintres renaissants pouvaient se démarquer et montrer leur supériorité, car ils parvenaient à allier la perfection du dessin antique à la douceur légèrement fondue des demi-teintes.
25Au début du xixe siècle, les écrits s’accordent sur l’idée que, dans la conquête picturale de la réalité, la mimêsis n’a cessé, depuis la Grèce antique, de gagner en subtilité, notamment grâce à la capacité grandissante des peintres à fondre les couleurs. En 1837, cette conception de l’évolution de la peinture est réaffirmée dans le cadre du congrès de l’Institut historique :
« Quel immense progrès, Messieurs, l’art de peindre n’a-t-il pas fait, depuis qu’Apollodore et Zeuxis osèrent distribuer des ombres et des lumières dans leurs tableaux !… Le clair-obscur et la grâce, souvent supérieurs à la beauté, ont été portés à la perfection dans les temps modernes, par Corrège. Les peintres grecs ne connaissaient point l’art du clair-obscur ni la perspective aérienne ; ils posaient les couleurs à plat sur des fonds unis, sans avoir égard aux convenances de l’harmonie et de la fonte des couleurs36. »
26Cette qualité se révèle en effet décisive dans les recherches artistiques pour imiter, par la peinture, la perception du monde extérieur. En 1857, Eugène Delacroix donne au Titien une suprématie sur les « premiers peintres », qu’il inscrit dans une évolution de l’art, allant d’un contour sec et artificiel à une manière plus large qui prend en compte l’indistinction inhérente à la perception humaine :
« Qu’est-ce qu’en définitive que la peinture dans sa définition la plus littérale ? L’imitation de la saillie sur une surface plane. Avant de faire de la poésie avec la peinture, il faut avoir appris à faire venir les objets en avant ; il a fallu des siècles pour en arriver là. On a commencé par un trait sec et aride, on a fini par les merveilles de Rubens, et du Titien, dans lesquelles les parties saillantes comme les simples contours, prononcés chacun dans la mesure convenable, sont arrivés à cacher l’art tout à fait à force d’art : voilà le nec plus ultra, voilà le prodige, et ce prodige est le fruit de l’illusion37. »
27Peindre de manière moins sèche, fluidifier les contours de manière à en masquer l’artificialité, parfaire l’illusion : tels sont les progrès que l’on attribue aux peintres au fil des siècles depuis la Grèce antique, auxquels la maîtrise de la représentation du flou optique participe activement.
La phase de correction
28Cette évolution de la peinture, telle qu’elle est perçue au xixe siècle, se retrouve également à l’échelle plus petite de l’apprentissage de son art par le peintre, qui doit sans cesse s’améliorer pour rendre son trait de contour moins dur. Jean-Claude Lebensztejn explique :
« À partir de Léonard, le travail des peintres tâchera d’accorder ces deux contraires : instituer la ligne, principe de l’imitation ; puis l’effacer par le clair-obscur, de façon à réduire la frontière entre la nature et son imitation. L’invisibilité totale ou presque du trait est la perfection du dessin, son fini. […] Dans l’espace historique de la mimêsis, le colorisme sera constamment lié au naturalisme. Si Corrège était passé maître dans l’accord du coloris, c’est, dit William Hogarth, parce qu’il habitait la campagne, loin des peintres, mais près de la nature38. »
29Dans son ouvrage sur Le Détail, Daniel Arasse explique d’ailleurs que la formation académique du peintre, au xixe siècle, lui impose d’apprendre d’abord à représenter les moindres détails afin d’être capable d’observer et de représenter la nature sous toutes ses formes. Ce n’est que dans une deuxième phase de son apprentissage qu’il en vient à l’étape du « tout-ensemble » afin d’être capable de faire ressortir les masses au sacrifice de certains détails. L’habitude d’imiter les détails, forgée au début de sa formation, complique souvent la tâche du peintre, qui peine ensuite à s’en défaire : « Les professeurs se plaignent de ces élèves qui combinent des […] détails […] sans parvenir à l’unité de la figure39. »
30L’artiste doit apprendre à se corriger, c’est-à-dire à se distancier d’une représentation sèche, détaillée et trop schématique pour en adoucir les contours et ne pas se perdre dans une minutie étouffante. Dans la théorie qu’il élabore sur la perception artistique, Ernst Gombrich distingue ces deux types de représentations, l’une conceptuelle, l’autre perceptive. La première vise à représenter le monde tel qu’on le conçoit, selon un code symbolique qui permet de reconnaître les différents objets : « Beaucoup de styles dans l’histoire de l’art […] opèrent seulement avec des codes tout prêts et mémorisables, styles dans lesquels les artistes apprennent de leurs maîtres comment représenter une montagne ou un arbre […] selon une formule bien éprouvée40. » La représentation perceptive sollicite quant à elle la perception visuelle du monde, bien plus que sa compréhension conceptuelle, afin de le montrer tel qu’on le voit, en prenant en compte la médiation du regard dans l’accès à la nature. Elle trouve son apogée dans la théorie de « l’innocence de l’œil » de l’anglais John Ruskin (1819-1900), qui constitue la volonté la plus aboutie d’une représentation perceptive de la nature. L’artiste ne doit selon lui s’en remettre qu’à ce qu’il perçoit visuellement, sans même permettre à son intellect de traduire les formes et les couleurs en objets identifiables :
« La perception de la forme solide est entièrement une question d’expérience. Nous ne voyons que des couleurs plates ; et ce n’est que par une série d’expériences que nous découvrons qu’une tache de noir ou de gris indique le côté sombre d’une substance solide, ou qu’une légère teinte indique que l’objet dans lequel elle apparaît est éloigné. Toute la puissance technique de la peinture dépend de notre capacité à retrouver de ce que l’on peut appeler l’innocence de l’œil, c’est-à-dire une sorte de perception enfantine de ces taches plates de couleur, simplement comme telles, sans conscience de ce qu’elles signifient, comme un aveugle les verrait s’il était soudainement doué de la vue41. »
31Ruskin reprend l’exemple de l’aveugle recouvrant la vue déjà traité par Diderot. Pour l’Anglais, l’innocence visuelle, notamment nourrie de flou, constitue le garant d’une peinture basée sur la réalité perceptive, et débarrassée de codes artificiellement construits.
32Au fil des siècles, les tendances conceptuelle et perceptive n’auraient cessé de s’enchevêtrer, avec une importance grandissante donnée à la perception de la nature au fur et à mesure qu’on en comprenait le fonctionnement optique. Selon Gombrich, la représentation perceptive ne parviendra cependant jamais à une parfaite autonomie, le « regard innocent » de Ruskin étant illusoire et incapable de totalement libérer le peintre du code représentatif auquel il se réfère pour imiter la nature42. Parce que « ce que nous appelons la réalité est trop riche et trop variée pour être reproductible à volonté43 », parce que le plan de la toile à deux dimensions, et les couleurs des pigments, ne peuvent correspondre à cette réalité, le code représentatif demeure le socle de toute œuvre figurative, que l’artiste corrige pour adapter son image à celle de la nature. Gombrich résume ainsi le processus d’imitation de la perception de la nature par la formule « schéma plus correction44 ». L’artiste base son dessin sur un code schématique, qui lui permet de rendre identifiables les objets représentés, qu’il corrige ensuite, selon son propre style, pour les imiter au mieux. Le peintre n’abandonne jamais toute représentation conceptuelle, qu’il réalise et soumet ensuite à une correction plus ou moins prononcée en fonction de sa perception visuelle.
33Le flou – ou fondu – des contours apparaît, au début du xixe siècle, comme un élément de la correction perceptive, faite pour améliorer la représentation du réel. Watelet explicite d’ailleurs clairement que la sécheresse constitue un défaut de jeunesse de la plupart des peintres, qui peut se corriger par l’exercice d’une « touche moelleuse » :
« On peut comparer la plus grande partie des jeunes artistes qui commencent à dessiner, aux nations qui, pour parler figurément, commencent, dans leur jeunesse, à pratiquer les arts. Les jeunes artistes sont naturellement portés à la sécheresse dans les premiers essais qu’ils font du crayon, à moins que les bons modèles qu’on leur offre à copier, & les bonnes instructions ne les détournent de cette sécheresse qui les place au rang des artistes qui commencent ou à créer ou à faire renaître l’art45. »
34Selon Watelet, l’évolution artistique d’un peintre correspond à celle d’une nation, et l’art, au cours de son histoire, a pu perfectionner l’imitation de la nature grâce au fondu des contours, qui a permis de se défaire d’un dessin trop sec et de lignes trop bien délimitées. Il le confirme, lorsqu’il énumère, juste après avoir posé l’imitation comme premier facteur de progrès dans l’art, les éléments qui ont permis ce perfectionnement : « Un maître a détruit la roideur des formes, l’autre la sécheresse du pinceau46. » Dans la construction de son style particulier et personnel, l’artiste doit donc maîtriser le fondu des couleurs afin de pouvoir se détacher des lignes trop sèches du débutant.
35Les écrits du xixe siècle témoignent d’ailleurs de l’importance du « moelleux » pour corriger un dessin trop schématique et tranchant. Le flou contribue à la création de l’œuvre d’art, indispensable à sa reconnaissance. En 1852, Toussaint-Bernard Émeric-David explique à propos d’Albrecht Dürer : « Ses contours ne sont pas toujours assez moelleux ; on dirait qu’en dessinant le corps humain il a quelquefois suivi ses systèmes plutôt que la nature47. » Pour le critique, la netteté sèche des lignes indique que Dürer crée selon un schéma codifié bien plus qu’en observant le monde extérieur. Le flou s’impose ainsi pour améliorer la représentation conceptuelle et la rapprocher du réel. La description que donne Louis-Étienne Dussieux du peintre Jacques-François Duvivier confirme cette idée : « [Il] étoit obligé, pour exprimer moelleusement les objets qui l’exigeoient, d’être continuellement en garde contre lui-même, de peur d’être entraîné, sans y penser, à déterminer trop sensiblement ce que des Connoissances exactes lui faisoient apercevoir48. » Savant dessinateur « attaché à la justesse des formes et à la pureté des contours, et à qui la supériorité des connoissances en ce point ne permettoit pas de s’écarter et de se livrer aux impressions d’un goût […] libre49 », le peintre ne parvient pas à se détacher d’un schéma représentatif intellectuel pour y ajouter un flou plus harmonieux.
36Dans cette théorie du processus créatif, le flou de contour et le fondu des couleurs constituent des éléments de « correction » auxquels le peintre doit toujours rester attentif. La correction peut se faire de deux manières. D’abord en rectifiant une habitude ou un premier élan qui le pousserait à représenter la nature par des contours trop schématiques et abrupts. Ensuite, en corrigeant réellement sur son dessin une copie trop dure de la nature pour en atténuer le rendu, car la peinture constitue une matière qu’il peut transformer à volonté par l’ajout de couleurs et l’effacement des premières touches. Si l’on se souvient qu’au xviiie siècle les théories de la vision donnent une place toujours plus importante à l’intention perceptive propre à l’observateur, on comprend que cette phase de correction devienne primordiale. La perception du flou n’est pas le seul fruit d’une optique visuelle mécanique : elle est aussi le résultat d’une intention de voir que l’artiste exerce de manière individuelle. La correction de son travail lui permet, en quelque sorte, de donner à son œuvre la sensation visuelle qu’il éprouve face au réel et qui constitue son originalité première.
37Il faut ici souligner l’importance de cette phase de « correction » dans la production du flou, car elle constituera, pour la photographie, un obstacle majeur. En imposant une image captée de manière mécanique, la technique photographique compliquera le travail des artistes dans leur processus de correction. Les photographes ne cesseront ainsi de chercher à améliorer les procédés ou à rectifier l’image au tirage, de manière à réaliser malgré tout cette phase si nécessaire au flou. Stade crucial du travail du peintre, elle deviendra problématique pour les photographes qui l’envieront pendant longtemps, car la « dureté » des premiers clichés les confrontera d’emblée à la difficulté d’en adoucir la sécheresse. Le daguerréotype imprimera une représentation si nette et si précise de la nature que tous les efforts des amateurs se concentreront aussitôt sur les moyens pour la corriger sur le cliché, ou par la suite sur le tirage positif. Ce changement de paradigme dans le processus créatif ne sera pas sans conséquence sur la perception du flou dans la photographie.
Camera obscura : le flou par choix
38L’un des ancêtres techniques de la photographie constitue d’ailleurs pour les peintres une source de connaissance fondamentale sur les phénomènes optiques. Dès le xvie siècle, la camera obscura est munie d’une lentille qui améliore la netteté de l’image, auparavant projetée à travers un simple trou50. La question de la mise au point est dès lors prise en compte, dans la mesure où seule une zone restreinte peut être focalisée51. Lorsque l’emploi de la camera obscura se répand au xviie siècle, son mécanisme est suffisamment élaboré pour que l’on puisse observer durablement les effets de netteté et de confusion optique – qui n’est pas encore qualifié par le terme « flou » –, et il permet à de nombreux artistes d’affiner l’imitation de la perception de la nature.
39Johannes Vermeer (1632-1675) est exemplaire de cet usage52. Martin Kemp estime même que le peintre « met au point » ses tableaux dans la chambre noire, grâce à laquelle il scrute le réel et découvre des effets de flou difficiles, voire impossibles à observer à l’œil nu53. Il ne faudrait cependant pas en déduire que Vermeer anticipe le flou « photographique » du xixe siècle : ses effets appartiennent au contraire pleinement à la culture picturale, qui, comme on l’a vu, avait déjà intégré une large gamme de phénomènes optiques. La camera obscura lui permet d’affiner son regard, mais elle ne le contraint jamais dans ses choix de composition. Son pinceau n’est pas assujetti à la chambre obscure, et il peut jouer des phénomènes qu’il y voit selon sa propre fantaisie. Pour Daniel Arasse, Vermeer « recourt à la chambre noire pour l’effet spécifique de flou qui s’y observe54 », mais, dans ses tableaux, il ne place pas nécessairement ses flous à l’endroit où il les perçoit dans la réalité. Arasse précise notamment que les « gouttes lumineuses » – sortes de reflets flous qui irradient un détail de l’image – sont généralement placées par Vermeer sur des textures qui, dans la réalité, interdisent leur formation : « Ces gouttes de lumière apparaissent en général sur des surfaces brillantes, mouillées ou métalliques, frappées par un éclairage violent. Mais Vermeer les place sur le tapis (La Dentellière) ou sur la toile sur le bateau (Vue de Delft)55. » Le peintre ne se soumet pas à la technique et utilise le flou, découvert grâce à la chambre obscure, comme un moyen de composition pictural dont il sélectionne les éléments pertinents.
40Cette liberté de choix est fondamentale pour comprendre le flou optique du peintre, qui peut corriger à volonté sur sa toile les effets observés dans les chambres obscures. Souvent conçues spécifiquement pour la création artistique, elles répondent aux attentes des peintres. Joel Snyder précise d’ailleurs qu’on recommande aux artistes de ne pas trop en abuser, car la médiation par la chambre obscure donne lieu à des œuvres dont le flou est de mauvaise qualité, ou au contraire, à des représentations trop crues56. Déjà, l’artiste doit se prémunir contre la défaillance technique de la machine, à laquelle le photographe sera constamment confronté. La chambre noire ne préfigure ainsi pas un mécanisme photographique, mais constitue pleinement un outil du peintre dont il peut user librement57. Au début du xixe siècle, l’indépendance face à la camera obscura demeure, et l’on conseille aux peintres de s’en servir uniquement comme une béquille pour observer le monde sans copier servilement son image. En 1829, Paillot de Montabert explique à propos de l’image projetée dans la chambre noire :
« [L]e coloris et le clair-obscur ainsi exposés ne doivent point servir de règle pour la représentation. Le rapport des ciels avec les objets n’est pas le rapport naturel ; certaines nuances prismatiques et étranges ont lieu, et en général tout le spectacle y est peu conforme à la perspective aérienne. Je ne parle pas des déformations qui peuvent résulter de la forme lenticulaire des verres, de leurs diverses positions, situations, etc.58. »
41Le flou optique que le peintre représente sur sa toile, après l’avoir perçu dans la chambre noire, est ainsi le résultat d’un choix – l’artiste a la liberté de copier, ou non, l’image projetée – qui ne préfigure pas la problématique photographique.
Tout-ensemble et sacrifice des détails
42Au contraire, la chambre noire contribue à affiner, par l’observation de ses principes, le « tout-ensemble », précepte esthétique fondamentalement pictural que les coloristes du début du xixe siècle – Delacroix en tête – placeront au centre de leur théorie artistique et dont les photographes hériteront dès l’invention du nouveau médium. Prôné dès 1708 par Roger de Piles dans son Cours de peinture par principes, le « tout-ensemble » a pour principal objectif de permettre à la représentation de correspondre, au mieux, à la vision humaine qui fait la netteté sur un point central, laissant les parties environnantes dans un flou qui s’accentue en s’éloignant du point de focalisation. « Subordination générale des objets les uns aux autres, qui les fait concourir tous ensemble à n’en faire qu’un59 », le tout-ensemble a pour but de proposer une composition harmonieuse, qui s’organise autour d’un point précis auquel les autres parties se soumettent sans attirer le regard par trop de détails. Puisque la vision humaine n’est capable de focaliser nettement que sur un point, entouré d’un flou de plus en plus marqué, il s’agit d’éviter un tableau :
« où plusieurs objets séparés, peints de même force et éclairés de pareille lumière, partageraient et inquiéteraient la vue, laquelle, étant attirée de différents côtés, serait en peine sur lequel se porter, ou qui voulant les embrasser tous d’un même coup d’œil, ne pourrait les voir qu’imparfaitement60 ».
43Pour prouver la nécessité de ce précepte, Roger de Piles s’appuie sur la nature de la perception visuelle qui, ne pouvant tout focaliser nettement en même temps, inclut des zones moins distinctes (fig. 11) :
« L’œil a la liberté de voir parfaitement tous les objets qui l’environnent, en se fixant successivement sur chacun d’eux ; mais quand il est une fois fixé, de tous les objets il n’y a que celui qui se trouve au centre de la vision, lequel soit vu clairement et distinctement : les autres, n’étant vus que par des rayons obliques, s’obscurcissent et se confondent à mesure qu’ils s’éloignent du rayon direct. C’est un fait que nous vérifions à tous les instants que nous portons nos yeux sur quelque objet. Je suppose, par exemple, que mon œil A se porte sur l’objet B par la ligne directe AB. Il est certain que si je ne remue pas mon œil, et qu’en même temps je veuille observer les autres objets qui ne sont vus que par les lignes obliques à droite et à gauche, je trouverai que bien qu’ils soient tous sur une même ligne circulaire à la même distance de mon œil, ils s’effacent et diminuent de force et de couleur à mesure qu’ils s’écartent de la ligne directe, qui est le centre de la vision. D’où il s’ensuit que la vision est une preuve de l’unité d’objet dans la nature61. »
Fig. 11. – Roger de Piles, Cours de peinture par principes, Paris, chez Jacques Estienne, 1708, p. 108.

BNF.
44Tout au long du xviiie siècle, le tout-ensemble s’impose comme un précepte esthétique pictural de base, qui implique, parmi les savoir-faire fondamentaux des artistes, le sacrifice des détails : « Il faut sacrifier les détails qui seroient capables de nuire au tout-ensemble62 », indique le dictionnaire de Watelet en 1792. Afin de ne pas dissiper le regard de l’observateur, l’artiste doit éliminer certains détails pour concentrer l’attention sur le sujet central.
45Poursuivie et appliquée pendant la première moitié du xixe siècle, l’idée prend encore plus d’importance pour Delacroix, qui l’érige en règle fondamentale :
« Ce qui fait précisément du croquis l’expression par excellence de l’idée, c’est, non pas la suppression des détails, mais leur complète subordination aux grands traits qui doivent saisir avant tout. La plus grande difficulté consiste donc à retourner dans le tableau à cet effacement des détails, lesquels pourtant sont la composition, la trame même du tableau. Je ne sais si je me trompe, mais je crois que les plus grands artistes ont eu à lutter grandement contre cette difficulté, la plus sérieuse de toutes63. »
46Alors que Roger de Piles justifiait le tout-ensemble par un argument « réaliste » – « l’unité d’objet dans la nature » –, Delacroix, qui aspire à dépasser le réel par l’imagination, pose le principe comme remède à la minutie qu’offre la nature, qui :
« est loin d’être toujours intéressante au point de vue de l’effet d’ensemble. Si chaque détail offre une perfection, que j’appellerai inimitable, en revanche la réunion de ces détails présente rarement un effet équivalent à celui qui résulte, dans l’ouvrage du grand artiste, du sentiment de l’ensemble et de la composition64 ».
47Loin de suivre servilement la nature, le peintre choisit les détails qu’il met dans son œuvre pour en sacrifier d’autres. Le libre arbitre de l’artiste est ici crucial. Il sélectionne les effets et garde la maîtrise des détails, qui seule donne de la valeur aux sacrifices réalisés, comme l’explique Baudelaire dans son Salon de 1846 : « Le sublime doit fuir les détails. […] Les premiers artistes aussi n’exprimaient pas les détails. Toute la différence, c’est qu’en faisant tout d’une venue les bras et les jambes de leurs figures, ce n’étaient pas eux qui fuyaient les détails, mais les détails qui les fuyaient ; car pour choisir, il faut posséder65. »
48Dans la critique picturale, le sacrifice des détails n’est pas directement lié à la notion de « flou », qui occupe un champ très particulier de la création artistique. Car, en effet, « faire flou » pour un peintre n’équivaut pas nécessairement à effacer des détails. Porter attention au « tout-ensemble » revient pour lui à traiter certains détails de manière plus large, ce qui ne se confond pas avec un traitement pictural « flou ». Les premiers photographes se réapproprieront la théorie des sacrifices héritée des peintres. Cependant, transposée dans une technique en rupture totale avec le geste manuel du pinceau, elle sera progressivement assimilée au « flou », dont on va voir la transformation au contact de la photographie.
Notes de bas de page
1 Lemoine-Lardennois Christelle, Doré-Mazars Karine et Alahyane Nadia, « La mise en place des fonctions visuelles et oculomotrices chez le jeune enfant », Contraste, janvier 2016, no 43, p. 17-37, [https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-contraste-2016-1-page-17.htm], consulté le 15 avril 2022.
2 Helmholtz Hermann von, Optique physiologique, trad. par Émile Javal et N. Th. Klein, Paris, Victor Masson et fils, 1867 (1856-1866), p. 26-27 et 301.
3 Hallé et Thillaye, « Vision », in Dictionnaire des sciences médicales par une Société de médecins et de chirurgiens, Paris, Panckoucke, 1822, t. 58, p. 255-276.
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Helmholtz Hermann von, Optique physiologique, op. cit., p. 167.
8 Ibid., p. 55, 172, 193-195 et 285-287.
9 Lacaille Nicolas-Louis de, Traité d’optique, Paris, Librairie économique, 1807, p. 36 et 101 ; Brewster David, Manuel d’optique, t. 2, trad. par Paul Vergnaud, Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1833, p. 121-140.
10 Wellmann Marc, Die Entdeckung der Unschärfe in Optik und Malerei, op. cit., p. 33-36.
11 Ibid., p. 31.
12 Kepler Johannes, Les fondements de l’optique moderne : paralipomènes à Vitellion (1604), trad. et notes par Catherine Chevalley, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1980.
13 Ibid., p. 360-361.
14 Descartes René, Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, plus la dioptrique et les météores, Paris, chez Théodore Girard, 1667 (1637), p. 87.
15 Kepler Johannes, Les fondements de l’optique moderne, op. cit., p. 361.
16 Ibid., p. 362.
17 Wellmann Marc, Die Entdeckung der Unschärfe in Optik und Malerei, op. cit., p. 131, 171 et 177.
18 Ibid., p. 142-143. Ernst Gombrich dit également que Vélasquez « n’a peint le rouet dans Les Fileuses que comme une zone à peine miroitante », parce qu’on avait déjà observé, au xviie siècle, qu’on ne pouvait pas voir un mouvement aussi rapide (Gombrich Ernst, The Image and the Eye, Oxford, Phaidon, 1982, p. 262. Nous traduisons).
19 « Mit dem Modell der Camera Obscura trat das Vermögen der Augen, Objekte in verschiedenen Distanzen zu fokussieren, nun zum ersten Mal in der Geschichte des Sehens mit aller begrifflicher und anschaulicher Schärfe ins Bewusstsein der Epoche » (Wellmann Marc, Die Entdeckung der Unschärfe in Optik und Malerei, op. cit., p. 131-132. Nous traduisons).
20 Baxandall Michael, Formes de l’intention. Sur l’explication historique des tableaux, trad. par Catherine Fraixe, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1991 (1985), p. 138.
21 Ibid., p. 160.
22 Ibid., p. 170.
23 Cité par ibid., p. 147-148.
24 Diderot Denis, « Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient » (1749), in Œuvres complètes de Diderot, t. 1, op. cit., p. 279-330.
25 Hallé et Thillaye, « Vision », in Dictionnaire des sciences médicales, op. cit., p. 255-276.
26 Helmholtz Hermann von, Optique physiologique, op. cit., p. 562.
27 Dans ce domaine, la représentation du détail est d’ailleurs également considérée comme un progrès majeur (Arasse Daniel, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1996 [1992], p. 128).
28 Gombrich Ernst, L’Art et l’illusion, op. cit., p. 246-250.
29 Id., The Image and the Eye, op. cit., p. 11. Nous traduisons.
30 Watelet Claude-Henri et Levesque Pierre-Charles, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, t. 3 (1792), op. cit., p. 139. Le passage est repris par Aubin-Louis Millin en 1806 : Millin Aubin-Louis, Dictionnaire des beaux-arts, t. 2, op. cit., p. 167.
31 Gautier Théophile, L’art moderne, Paris, Michel Lévy frères, 1856, p. 133.
32 Hazan Olga, Le mythe du progrès artistique, Montréal, Les Presses de l’université de Montréal, 1999, en particulier p. 49-95.
33 Dans l’histoire qu’il écrit de la peinture, Paillot de Montabert déplore : « Il paraît donc que c’est une idée reçue dans les livres, qui répètent presque tous avec exagération ce que Winckelmann a avancé avec trop peu de circonspection, que toute sculpture à Praxitèle est dure, sèche et forcée » (Paillot de Montabert Jacques-Nicolas, Traité complet de la peinture, t. 2, op. cit., p. 273).
34 Winckelmann Johann Joachim, Histoire de l’art chez les anciens, t. 2, trad. de l’allemand par Gottfried Sellius et rédigé par Jean-Baptiste-René Robinet, Paris, Saillant, 1766, p. 20.
35 Imdahl Max, Couleur. Les écrits des peintres français de Poussin à Delaunay, trad. de l’allemand par Françoise Laroche, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1996 (1987), en particulier p. 48.
36 Dréolle M., « Troisième congrès historique », Journal de l’Institut Historique, année 4, t. 7, Paris, administration de l’Institut historique, 1837, p. 193-224.
37 Delacroix Eugène, « Revue des arts : Le dessin sans maître, par Marie-Élisabeth Cavé », Revue des deux mondes, septembre 1850, p. 1139-1146.
38 Lebensztejn Jean-Claude, L’Art de la tache. Introduction à la « Nouvelle méthode » d’Alexander Cozens, Montélimar, Éditions du Limon, 1990, p. 321.
39 Arasse Daniel, Le Détail, op. cit., p. 180.
40 Gombrich Ernst, The Image and the Eye, op. cit., p. 16. Nous traduisons.
41 « The perception of solid Form is entirely a matter of experience. We see nothing but flat colours; and it is only by a series of experiments that we find out that a stain of black or grey indicates the dark side of a solid substance, or that a faint hue indicates that the object in which it appears is far away. The whole technical power of painting depends on our recovery of what may be called the innocence of the eye; that is to say, a sort of childish perception of these flat stains of colour, merely as such, without consciousness of what they signify, as a blind man would see them if suddenly gifted with sight » (Ruskin John, The Elements of Drawing in Three Letters to Beginners, Londres, Smith, Elder and Co., 1857, p. 5-6. Nous traduisons).
42 Gombrich Ernst, L’Art et l’illusion, op. cit., p. 252-261.
43 Id., The Image and the Eye, op. cit., p. 16.
44 Ibid., p. 17. Nous traduisons.
45 Watelet Claude-Henri et Levesque Pierre-Charles, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, t. 5, op. cit., p. 737-738.
46 Ibid., t. 3, op. cit., p. 139.
47 Émeric-David Toussaint-Bernard, Histoire de la peinture au Moyen-Âge, Paris, Charpentier, 1852, p. 186.
48 Dussieux Louis-Étienne, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie, op. cit., p. 329.
49 Ibid.
50 Voir Wellmann Marc, Die Entdeckung der Unschärfe in Optik und Malerei, op. cit., p. 140 ; Snyder Joel, « Picturing Vision », Critical Inquiry, vol. 6, printemps 1980, p. 500-526.
51 En 1568, Daniele Barbaro parle dans La Pratica delle Perspectiva de la question de mise en point, expliquant aux peintres comment éloigner ou rapprocher sa feuille de papier de la chambre noire pour voir une silhouette distincte (Hyatt Mayor Alpheus, « The Photographic Eye », The Metropolitan Museum of Art Bulletin, New Series, vol. 5, no 1, été 1946, p. 15-26).
52 Seymour Charles, « Dark Chamber and Light-Filled Room: Vermeer and the Camera Obscura », The Art Bulletin, vol. 46, no 3, 1964, p. 323-331 ; Fink Daniel A., « Vermeer’s Use of the Camera Obscura – A Comparative Study », The Art Bulletin, vol. 53, décembre 1971, p. 493-505.
53 Kemp Martin, The Science of Art: Optical themes in western art from Brunelleschi to Seurat, Londres/New Haven, Yale University Press, 1990, p. 193-195.
54 Arasse Daniel, L’Ambition de Vermeer, Paris, Société nouvelle Adam Biro, 1993, p. 156.
55 Ibid.
56 Snyder Joel, « Picturing Vision », art. cité.
57 La tradition critique qui fait de la photographie un simple dérivé de la camera obscura sans tenir compte de la complexité des expérimentations et du contexte historique qui a rendu possible sa naissance a été remise en question, entre autres, par François Brunet (Brunet François, La naissance de l’idée de photographie, Paris, Presses universitaires de France, 2000).
58 Paillot de Montabert Jacques-Nicolas, Traité complet de la peinture, t. 9, op. cit., p. 635.
59 Piles Roger de, Cours de peinture par principes, Paris, Éditions Jacqueline Chambon, 1990 (1708), p. 69.
60 Ibid., p. 69-70.
61 Ibid., p. 70.
62 Watelet Claude-Henri et Levesque Pierre-Charles, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, t. 5, op. cit., p. 782.
63 Delacroix Eugène, Dictionnaire des Beaux-Arts, op. cit., p. 148 (23 avril 1854).
64 Ibid., p. 134 (12 octobre 1853).
65 Baudelaire Charles, Critique d’art, édition établie par Claude Pichois, présentation de Claire Brunet, Paris, Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1992, p. 117.
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Le flou et la photographie
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