Du Perron et l’affaire du premier article du Tiers État aux États généraux de 1614-1615
p. 179-198
Texte intégral
1Beaucoup a été écrit ces dernières années pour éclaircir les tensions théologico-politiques qui sous-tendaient la période de la « Pax Hispanica ». Dans les mains vigoureuses d’une succession de papes, et sous l’impulsion des réformes tridentines, la chaire de Saint-Pierre était en passe de devenir le trône d’un prince pontifical, un « corps » et deux « âmes », l’un pour les États pontificaux, et l’autre pour l’Église universelle1. Tout le propos du cardinal Robert Bellarmin, architecte de la manifestation théorique de la souveraineté pontificale, était de démontrer que le régime de l’Église était principalement monarchique, auquel la métaphore des « clefs » assigne le sens d’un « summa potestas2 ». Ce pouvoir est direct (séculier et spirituel) lorsqu’il s’agit des États pontificaux et indirect (spirituel, mais avec le pouvoir d’intervenir in rebus temporalibus dans la mesure que les intérêts du spirituel le requièrent) quand il concerne les âmes de la Chrétienté plus large. De fait, à partir de ces revendications, les papes post-tridentins parcoururent tout le clavier que leur offrait la potestas clavium, des indulgences aux jubilés, des dépositions de souverains aux absolutions solennelles. L’âge d’or du pouvoir pontifical, et de la mode de gouvernance qui l’accompagnait, fit naître une antipathie mutuelle avec l’antiromanisme catholique de cette époque, dont Sylvio De Franceschi a amplement exploré les origines doctrinales et les combats successifs, mettant l’accent sur les dimensions multiples et internationales dans lesquelles ces conflits se déroulaient dans le contexte du prisme français3.
2Le volet de cet affrontement qui s’ouvrait dans la foulée de l’assassinat d’Henri IV eut lieu dans le sillage d’une (re-)sacralisation de la monarchie après les bouleversements religieux des guerres de Religion et dans le contexte d’une interpénétration des événements et des débats en France et d’outre-Manche4. L’antiromanisme se présentera désormais sous différentes couleurs, d’un protestantisme de souche anti-papale, en passant par un anglogallicanisme envers un gallicanisme indigène avec des origines qui remontent au xve siècle, et qui peut prendre plusieurs visages selon son point de départ et les circonstances du moment5. Tantôt érudit et savant, tantôt politisé et polémique (surtout dans la fureur anti-jésuite6), le gallicanisme s’infiltrait dans la mentalité des magistrats, des universitaires, et des clercs, absorbant les préoccupations et les intérêts de ces institutions particulières. Les États généraux de 1614-1615 offraient un espace privilégié pour la mise en scène d’un moment de crispation dans l’histoire pluriséculaire du conflit entre la plena potestas du pape et le pouvoir temporel du roi de France7.
3Théâtre de rhétorique, espace polémique en temps réel, moment politique de grande envergure, les États généraux portaient en eux la controverse qui leur serait fatale. Le cardinal du Perron y occupa une place de premier plan lorsqu’il prononça la fameuse harangue au nom du Clergé devant les membres de la chambre du Tiers État dans le réfectoire des Augustins le 2 janvier 1615. Son but était d’enterrer le célèbre article du Tiers État qui proposait une loi fondamentale du royaume affirmant qu’aucune puissance spirituelle ou temporelle n’avait le droit de priver la personne sacrée du roi de son royaume ni de dispenser les sujets de fidélité, tout en condamnant fermement les doctrines des régicides. Cet article condamnait ainsi les prétentions au pouvoir indirect du pape au temporel, prétentions qui ouvraient la porte, selon eux, au tyrannicide. Pour les principaux acteurs du drame français de 1614-1615, le conflit remonte aux événements liés au début des guerres de Religion, surtout à la mercuriale de juin 1559 et au décret du 2 décembre 1561 contre la thèse ultramontaine, soutenue par Jean Tanquerel au collège d’Harcourt le 6 novembre 1561. L’auteur de ce décret fut Christophe de Thou, père de Jacques-Auguste, l’ennemi déclaré des jésuites (surtout de Bellarmin) et l’un des instigateurs de l’article premier du Tiers8. Un deuxième ennemi des jésuites, l’avocat Antoine II Arnauld, chef de la petite commission qui rédigea la version parisienne de l’article premier du Tiers État, avait ses propres connexions à ces controverses : son père éponyme était le beau-frère d’Anne du Bourg, le martyre protestant de la mercuriale de 15599. Dès les années 1590, Jacques-Auguste de Thou, Arnauld (fils), et leurs amis ont réanimé le décret de 1561 : au Parlement, les décrets contre Mariana (1610), Bellarmin (1610), Suarez (1614), et celui du 2 janvier 1615 faisaient tous mention de l’action de 1561. Aux États généraux, pendant ses discours contre l’article premier du Tiers, le cardinal du Perron en faisait autant. Pour les juristes français du xvie siècle, ce conflit entre les deux puissances était double : comme ailleurs, il s’agissait de « l’assoluta autorità del re » utilisée pour « compiacer il pontefice », pour reprendre une expression de l’ambassadeur vénitien, Pietro Contarini10. Pourtant, les juristes soutenaient non seulement l’autorité royale, mais leur propre juridiction. Des juges séculaires menaient une lutte acharnée, et largement couronnée de succès, contre leurs concurrents ecclésiastiques pendant la deuxième moitié du xvie siècle11. Du Perron était loin d’être étranger aux épineux débats de l’époque définissant la souveraineté et ses rapports avec le spirituel. Promu membre du Collège des cardinaux, la cour du prince pontifical, il avait été aussi le facilitateur de l’intensification de la sacralisation de la monarchie bourbonienne, dont la sacralité lui était particulièrement chère. Aux premières loges du conflit entre Venise et le Saint-Siège en 1606-1607, il s’impose comme auteur protagoniste dans la querelle autour du serment d’allégeance que le roi Jacques VI d’Écosse, Ier d’Angleterre, exigea de ses sujets catholiques au lendemain de la conspiration des Poudres.
4De cette querelle, le débat virulent soulevé par le premier article du Tiers est, en quelque sorte, une continuité12. « Celuy là n’est pas souverain és choses temporelles qui peut estre despossedé de tout son temporel par une puissance superieure » est la façon tranchante dont le roi britannique choisit de formuler la question dans sa riposte au texte du fameux discours que Du Perron lui avait envoyé « de sa grace une copie13 ». Et le roi britannique de s’étendre sur ses espoirs et ses déceptions lors de l’affaire du premier article du Tiers :
« Et m’estois esjouy d’entendre que le tiers estat avoit proposé un article contenant les moyens d’oster au peuple l’opinion que le Roy puisse estre deposé par le Pape, et par la tuerie des rois on puisse obtenir la couronne du Martyre. Mais le rebours est advenu. Car cet article du tiers estat, semblable à un souspir de la liberté mourante, n’a servy qu’à assujettir tant plus la couronne, et aggraver la servitude [….] Car il est hors de doute, que celuy n’est Roy qu’en titre, qui ne reigne qu’à la discretion d’autruy, et auquel le Pape peut oster la couronne14. »
5Selon le roi, Du Perron est devenu un ventriloque vénal (la charge a son poids dans le contexte du débat en parallèle aux États sur la vénalité des offices et la paulette). « Parmy le Clergé », il est « celuy qui a le plus prostitué son honneur15 ». Jacques Ier était au courant du fait que Du Perron avait présenté deux harangues sur le sujet devant les États généraux, une devant la chambre de la noblesse le 31 décembre 1614 et la deuxième devant la chambre du Tiers État le 2 janvier 1615. Selon le roi, le cardinal a supprimé de sa publication celle présentée à la noblesse, « de peur d’offenser le Pape : pour y avoir dit trop souvent que ceste doctrine problematique, et y avoir osé dire que les Catholiques de mon Royaume sont obligez à m’obeir, sçachant bien que le Pape tient ceste doctrine de la deposition des Rois pour necessaire ». Le roi n’est pas même convaincu que le texte publié par Du Perron représente fidèlement ce qu’il avait prononcé devant le Tiers État16. Dans tous les cas, le texte est une « palynodie », car Du Perron y fait volte-face par rapport à ce qu’il avait écrit et déclaré sur le sujet, preuve manifeste qu’il y a anguille sous roche et qu’il parle « contre son propre sentiment » et « contre sa conscience17 ». Cette accusation du roi d’Angleterre nous invite à partir à la recherche des rapports complexes entre l’oral et l’écrit, souvent négligés quand il s’agit d’analyser les débats aux États généraux (et autour d’eux), et à restituer les méandres d’une bataille politique au plus haut niveau. Il s’agit donc de considérer une prise de position publique majeure du cardinal du Perron dans les circonstances précises de sa production et d’appréhender sa portée.
Un vieux prélat dans la mêlée
6Du Perron n’avait aucun besoin de rechercher la renommée en octobre 1614, lorsque les États généraux commençaient leurs débats18. Sa santé le rendait incapable de se déplacer sans aide et il ne cherchait pas la vedette, pleurant l’usage de ses jambes. Sa procuration du bailliage de Sens avait déjà prévu le besoin d’un substitut, et le 7 novembre 1614 le cardinal demande à l’assemblée d’accepter sa nomination de l’abbé de Juilly comme son proxime19. Très peu présent aux délibérations lors de la lecture des cahiers provinciaux, Du Perron ne sort de l’ombre qu’au début de la confection des cahiers généraux et dans la foulée de la lecture du premier article du cahier de Paris devant le Tiers État le 15 décembre20. La décision prise à ce moment-là (que chaque ordre poursuive la confection de ses cahiers séparément) rend indispensable le recours à la communication mutuelle entre les trois chambres, communication qui s’effectue par l’instrument lourd et lent de l’échange de députations et de l’écoute de leurs discours.
7Du Perron était-il au courant des péripéties de la formulation du premier article, mises en lumière par Pierre Blet21 ? A-t-il même lu la Defensio fidei catholicæ de Francisco Suárez, l’ouvrage publié à Coimbra en 1613 dont la parution aux foires de Francfort en 1614 et la circulation en France provoquèrent l’indignation des gens du roi gallicans, amenant à l’arrêt du parlement de Paris du 20 juin 1614 exigeant la condamnation de l’auteur22 ? Cet arrêt fut, Blet l’a démontré, le déclencheur des premières ébauches de l’article dans le cadre de la préparation du cahier de la ville et prévôté de Paris pendant l’été. Sans doute averti des intentions anti-jésuites ambiantes par le général de la Société de Jésus23, Du Perron était probablement aussi renseigné par le nonce Roberto Ubaldini sur la stratégie cachée des figures de proue dans l’élite judiciaire à Paris : Servin, les Molé, Le Bret, Séguier, et Jacques-Auguste de Thou24. On connaît l’auteur de la première version de l’article : Antoine II Arnauld, avocat et ennemi juré des jésuites. D’autres membres du comité de rédaction du cahier parisien sont également bien connus pour leurs contacts avec le milieu gallican ou/et pour leurs activités anti-jésuites25. Mais il y en avait tout un courant d’opinion parisienne derrière, et Robert Miron, prévôt des marchands, évoque à juste titre la présence de plus de 300 personnes dans la salle lors de l’assemblée qui adopta l’article dans sa version définitive. Installé dans l’hôtel des archevêques de Sens, situé à l’angle des rues du Figuier et de l’hôtel de ville, Du Perron n’était qu’à portée de clocher de cette assemblée et il en avait peut-être écho. Il connaissait bien les milieux ultra-gallicans et s’était déjà opposé à leurs prises de position anti-pontificales par le passé. En 1611, c’est lui qui avait convoqué, dans son hôtel, le concile provincial de Sens pour censurer l’ouvrage gallican d’Edmond Richer, syndic de la Faculté de théologie de Paris. Des sept membres du jury constitué d’évêques, six seront parmi les députés épiscopaux aux États26. Le rôle de Du Perron dans l’affaire du premier article doit être interprété en prenant en compte son implication dans la censure de l’ouvrage de Richer qualifié de schismatique.
8Revenons donc aux États généraux : le 15 décembre, le Tiers État commença enfin à dresser son cahier général. On adopta, suivant l’insistance des députés parisiens, la méthode consistant à lire publiquement le cahier parisien, que les présidents des onze autres gouvernements devaient ensuite approuver ou amender en fonction du contenu de leurs propres cahiers. Leurs délibérations sur le premier article sont éclairantes, car, compte tenu du fait que la plupart des députés étaient des officiers du roi, elles nous révèlent que les sentiments en faveur de l’article n’étaient pas limités à une coterie parisienne. Un député normand constate « qu’il y a articles semblables aux autres cahiers, et que l’article doit demeurer », et le président de son gouvernement confirme ce propos (3e article de leur cahier27). La Bretagne, le Dauphiné, la Provence et la Picardie donnent leur accord, cette dernière signalant même « qu’il est tres-necessaire28 ». Le Languedoc, sous l’impulsion des députés toulousains, souhaite aller plus loin en affirmant que « l’article est saint et inviolable, que tous ceux de la Province jureront et signeront de leur propre sang. Et adjoustent, que les Imprimeurs des Livres doivent estre sujets à la peine de l’article29 ». La Champagne, tout en louant l’article, souhaite le compléter, citant des articles de leurs cahiers particuliers30. L’Orléanais – un immense gouvernement – donne son accord, mais avec une réserve sur la qualification de « loi fondamentale31 ». La Guyenne demande un délai pour que la forme de l’article soit mieux étudiée. Le Lyonnais est le seul gouvernement à demander que l’article soit communiqué aux deux autres ordres, soulignant tout de même que la doctrine du tyrannicide est « contraire à la parole de Dieu & determination de l’Eglise universelle », demandant aux « ambassadeurs » du pape d’obtenir un « nouvel Anatheme contre cette doctrine et les publicateurs d’icelle32 ». En fait, force est de constater que les cahiers particuliers qui subsistent ne contiennent presque jamais d’article spécifique à propos du tyrannicide33. Parmi les exceptions, celle, dans les cahiers préliminaires du bailliage de Troyes, du petit bourg de La Ferté-Loupière qui demande : « que les predicateurs, prieurs, curés et aultres ne pourront prescher ny enseigner chose contre l’auctorité du Roy, ny mouvoir à Rebellion et desobeissance, ny proposer chose contre la liberté de l’esglise gallicane, Et en ce cas, qu’il sera permis et enjoinct aulx juges des lieux de se saisir d’eulx et faire leur proces34 ». Le propos peut sembler ici proche de l’article, c’est la crainte d’un retour de la guerre civile qui le motive, et non une question de prince et d’autorité. Les cahiers du Tiers État révèlent une forte préoccupation quant au retour de la guerre civile, une nouveauté par rapport aux États précédents35. Enfin, le Tiers État, dans son article, eut l’ingéniosité d’insérer un passage visant les jésuites et les doctrines sur le tyrannicide qui leur étaient imputées dans un propos plus général, concernant le soutien inconditionnel à l’autorité royale. La tâche du clergé, en l’occurrence de Du Perron, d’abord très réticent à s’impliquer, était alors de démêler les deux aspects.
9Le clergé est certainement au courant des dispositifs de l’article du Tiers dès le 15 décembre ; une assemblée de l’université de Paris le 13 décembre met en débat un texte qui ressemble à celui discuté au Tiers État deux jours plus tard, et des copies en circulent librement36. Les négociations entre les deux chambres du 20 et du 22 décembre en vue de la prise officielle de connaissance de l’article par le clergé donnent suite aux premières harangues de l’archevêque d’Aix (Pierre Hurault de L’Hôpital) et de l’évêque de Montpellier (Pierre Fenouillet) en guise de prolégomènes à l’intervention de Du Perron, qui a d’ailleurs commencé, à partir du 15 décembre, d’assister plus assidûment aux délibérations du clergé. Le premier refus du Tiers de soumettre le document soulève les soupçons du clergé quant à l’amalgame au cœur de l’article37. Le discours de Fenouillet réussit à semer le doute dans les esprits de certains membres du Tiers, tout en rendant d’autres plus inflexibles38. Les deux harangues de Du Perron, celle du 31 décembre 1614 devant la noblesse, et celle du 2 janvier 1615 devant le Tiers État s’inscrivirent dans un décor planté en avance.
Du Perron à la Tribune…
10Le cardinal n’accepta l’invitation d’être le porte-parole de la chambre que très à contrecœur39. Sa réticence dépassait la captatio benevolentiæ et était à l’image même des difficultés à surmonter, le probable tollé à affronter, sur le plan local et international, des deux camps ultra – et anti-romains. Pourquoi accepta-t-il ? Le cardinal de La Rochefoucauld, qui a pris le devant de la scène lors de la réunion du clergé, le 30 décembre, pour dénoncer l’article, et offrant de traduire le canon du Concile de Constance sur le sujet, n’aurait-il pas été au moins autant que Du Perron à la hauteur du sujet et de l’occasion40 ? Du Perron, le « grand convertisseur », jouissant d’une réputation des plus hautes pour « la force de son sçavoir et eloquence41 », ne fut-il tenté par un ultime tournoi, qui plus est motivé par le danger, pour lui réel, d’un schisme ? Dans ce cas, fut-il à la hauteur des circonstances, hautement politiques cette fois ? Les opinions divergèrent sur l’impact rhétorique de ses discours. Le secrétaire de la chambre du Clergé, de parti pris, salua la « grande doctrine et eloquence » avec lesquelles il avait « ravy toute l’assistance, qui estoit extraordinaire » à la chambre de la noblesse42. Pourtant, il remarqua que le cardinal s’excusa « deux diverses fois, s’il estoit un peu long… qu’il connaissoit bien ses manquemens », trait revenant jusqu’à la fin du discours, où il indiquait avoir « oublié quelque chose43 ». La noblesse, ayant été plutôt du côté du Tiers avant son discours, changea de camp, autant sous l’influence du président de la chambre, Henri de Bauffremont, que sous celle de Du Perron44. Le discours devant la noblesse fut une répétition générale de celui devant le Tiers.
11Le cardinal arriva à la chambre du Tiers État le 2 janvier 1615 vers neuf heures du matin, porté dans sa chaise, la grande salle de l’Hôtel de Ville étant comble45. Pierre Clapisson, secrétaire du Tiers État, évoque les attentes diverses dans l’auditoire46. Selon le Mercure françois son discours dura trois heures et la séance fut levée après la réponse de Robert Miron, président du Tiers et des échanges supplémentaires, vers treize heures trente47. Clapisson juge que l’allocution n’était pas à la hauteur des exigences du cardinal lui-même :
« Sa harangue fut fort longue, interrompue par lui-même, lequel, ainsi qu’aucuns remarquoient, étoit marri de ce que sa langue n’étoit pas assez prompte pour suivre son imagination, et en cette suite n’employoit des termes si propres qu’il eût désiré, quoique bons, étant contraint souventefois d’user de synonimes, voire en reprenant un même mot, et plus propre que le premier, se mécompter soi-même de l’usage des mots propres à son goût, ce qui consomma une partie du temps de son action48. »
12Le texte de la harangue reproduit dans les Œuvres posthumes du cardinal est celui qui avait été imprimé à Paris par son imprimeur, Antoine Estienne, en mai ou juin 161549. Dans son « Advis au lecteur », Du Perron explique qu’on « avait fait imprimer un discours en forme de proces-verbal des Estats » où « l’on avoit inseré deux harangues sous son nom, presques toutes differentes de sens et de paroles de celles qu’il avoit prononcées50 ». Il a été donc « contrainct de mettre celle-cy au jour, afin de servir de desaveu aux autres ». Et de préciser « qu’il n’y a plume qui ayt peu suivre, ny mémoire qui ayt peu retenir deux oraisons, dont la moindre dura trois heures, et fut prononcée fort couramment ». Tout le monde, à l’exception de Jacques Ier, l’a pris au mot, et la version publiée dans ses Œuvres est toujours celle qui fait foi. Mais le roi britannique suivait de près, par le biais de son ambassadeur à Paris, Sir Thomas Edmondes, l’affaire du premier article aux États. Il savait qu’il y avait quelque chose de suspect dans ce désaveu d’une version que le cardinal prend soin de ne pas citer.
13Cette version se trouvait effectivement dans un recueil de documents du Tiers État à propos du premier article, publié sans autorisation et sans éditeur, à la suite de la clôture des États le 23 février 161551. Sa publication clandestine portait atteinte au privilège accordé par Henri IV à Du Perron, son premier aumônier à l’époque, « de faire imprimer et mettre en lumiere par tel Imprimeur qu’il choisira […] toutes ses œuvres et écrits52 ». De plus, cette édition non autorisée présentait des marques claires de sa paternité gallicane. Du Perron fit tout pour l’enrayer : sous couvert de ce qu’il nous assure être au mot près le texte de la véritable harangue qu’il avait prononcée devant le Tiers État le 2 janvier, il proposa une publication de plus grande envergure, destinée à contribuer au débat toujours en cours avec Jacques Ier à propos du serment d’allégeance. On se trouve confronté à une drôle de situation, un trésor pour les théoriciens littéraires de l’intertextualité53. Deux harangues d’abord, l’une prototype de l’autre, dont on ne connaît le contenu que par le biais des assistants, témoins qui n’adhéraient pas nécessairement au message communiqué ; et un texte de l’auteur, déguisé en version authentique, mais qui est plutôt un palimpseste gigantesque de l’original. Il faut distinguer entre deux moments : la harangue-aux-États comme moment théâtral, inscrit dans une périodicité politique, et une harangue-hors-États, événement littéraire, inscrit dans une périodicité polémique. Chacun a sa propre logique. La logique du deuxième moment est celle de la controverse ecclésio-politique de la période. Elle explique la forme de la production, fourmillante de citations en manchette, riche en précédents historiques, remplie de discussions sur l’authenticité des sources et d’allusions aux débats précédents. Le but est de mettre Jacques Ier et les anglicanes en porte à faux et de montrer que le serment d’allégeance est en contradiction (et par là incompatible) avec leur revendication de catholicité54. Le texte publié par Du Perron aurait pris au moins quatre heures à prononcer à haute voix, et le public, même le plus savant, n’en aurait pas compris la moitié. La logique du premier moment est autre, et plus limitée : il s’agissait de persuader les députés du Tiers État de renoncer à l’article proposé, dans les bornes de la structure d’un discours dont la forme rhétorique est facilement comprise.
14Le texte qui se trouve dans les Résolutions n’est qu’un précis de ce que le cardinal a prononcé. Long de 18 pages (environ 8 000 mots ; à haute voix, cela aurait duré un peu plus d’une heure), il est déjà important. Il a le mérite d’être ce que quelqu’un a entendu dire ; de plus, il est conforme dans le moindre détail avec ce que d’autres députés nous rapportent, tant sur la forme que sur le fond55. Les mêmes arguments ne sont pas absents de la Harangue publiée par Du Perron, loin de là, mais la présentation dans cette version postérieure ne correspond pas à ce que les députés avaient entendu, ni aux divisions d’une harangue que le public les aurait pu aisément suivre :
Sommaire de l’argument de la harangue du 2 janvier 1615


15Du Perron amadoue son auditoire dans l’exorde. Les députés du Tiers État, la plupart officiers de la justice du roi, sont très savants « et fer[aient] leçon à des Evesques ». Par la communication de leur article au clergé, ils avaient implicitement reconnu le rôle de ce dernier dans les décisions en matière de foi et de discipline ecclésiastique. La narration expose le lien indissoluble entre la foi et la discipline. La division souligne la distinction, confondue dans l’article en question, entre la sacralité des rois (que le clergé soutient avec toute sa force) et la question, plus douteuse, touchant la déposition des rois et la dispense d’un serment de fidélité à un pouvoir temporel. En ce qui concerne la dernière, il s’agit d’une question problématique qui n’est pas un article de foi. Dans la confirmation, Du Perron cible ce point, car il a seulement besoin de prouver qu’il s’agit d’une question contestée au sujet de la discipline de l’Église pour démontrer que l’article en question dépasse les bornes de l’autorité accordée au Tiers État, et aux États généraux. Il se sert d’un passage de Jacques Almain, grand théologien de l’université de Paris au début du xvie siècle, recteur de l’université, qui, dans ses ouvrages, appliquait les thèses du conciliarisme dans une réflexion politique plus large. Livre à la main, il le cite dans une édition « imprimée à Paris depuis huict ans », vraisemblablement celle publiée par Edmond Richer dans sa collection des œuvres de Jean Gerson en 160656. Richer est la cible, également, de la réfutation, la partie où Du Perron sort ses griffes. L’article, dit ici le cardinal, est dressé par de mauvaises gens, des ennemis de la Religion et de l’État. Composé à Paris, il faudrait savoir s’il est conforme à la doctrine des savants docteurs de la Sorbonne. Et qui de plus éminent parmi eux que le « Coriphee Gerson qui est intitulé Doctor Christianissimus » ? Brandissant le texte dans l’édition de Richer, il cite le passage in extenso d’un sermon de Gerson, puis un autre encore plus surprenant, où le docteur parisien insiste sur le fait que, si le prince s’obstinait dans la tyrannie, alors il devenait loisible d’opposer la force à la force, ajoutant (citant Sénèque) qu’« aucune victime ne aurait être plus agréable à Dieu qu’un tyran57 ».
16Pourtant, la mention de Mariana et de Suarez, qu’on trouve dans le procès-verbal de Clapisson, ne se trouve pas dans le texte publié par Du Perron. La version de Rapine dit que Du Perron lisait un passage de Gerson, et affirmait « que ce soit la mesme doctrine de Suarez & Mariana. On brûle les livres de ceux-cy, & vous loüez Gerson. […]. Ie puis dire avec verité que le Livre de Gerson contient une beaucoup pire doctrine que Mariana en son Traitté58 ». Tous les témoins sont d’accord sur le fait que le cardinal fit cette comparaison entre Gerson et Mariana : Le Doux écrit même que Du Perron disait, sur la doctrine de Gerson, « que Mariana avoit prins ce qu’il avoit escrit la dedans59 ». Nous pouvons estimer que le cardinal ne voulait pas associer son nom, dans un texte imprimé, à des auteurs tels que Mariana : « Parlant de son livre, qui dit qu’il faut tuer les Tyrans, il dit, qu’il étoit très dangereux de mettre ces questions en un Etat Monarchique, puis qu’il est si aisé qu’un Prince, qu’un Roy dégenere en Tyrannie60. »
17Le cardinal garde sa pièce de résistance pour la fin : les thèses d’Edmond Richer, quand ce dernier soutenait son doctorat à la Sorbonne. Pièce rare, car elle date de 1591 et de ses années étudiantes et ligueuses, l’exemplaire se trouvait dans la collection personnelle du cardinal61. « Et par ceste These l’auteur d’icelle », proclame Du Perron, « soustient que comme la loy Salique recule les femmes de la succession de ceste Couronne : de mesme il se doit interpreter contre les heretiques, adiustant ce mot, que divino iure conventus possunt deponere Reges (que par un droit divin une assemblée peut déposer des rois), et met la puissance des Estats pardessus les Rois. Que la mort de Henry III a esté justement attentee par Jacques Clement, qu’il appelle vindicem publicæ libertatis (le champion de la liberté publique) ». Le cardinal produit l’opuscule en question, sans d’abord nommer l’auteur, ce qu’il finit par le faire. Le but de Du Perron est clair : de montrer que les régicides d’hier sont les gallicans radicaux d’aujourd’hui. Sa péroraison sert à prévenir qu’ils seront aussi, si on les laisse prévaloir, les schismatiques de demain, ceux qui chercheront à agiter l’État et l’Église, se servant de l’instrument des États généraux et attribuant indûment au Tiers État un pouvoir excessif sur l’Église.
… et la suite
18Le discours de Du Perron devant le Tiers État atteignit-il ses objectifs ? Comme tout événement théâtral, la réponse dépend de sa réception. Dans l’immédiat, le cardinal aurait pu être déçu du résultat de ses efforts. Robert Miron, prévôt des marchands de la ville de Paris, a la lourde tâche de répondre à l’improviste au discours. Déjà habitué aux désaccords profonds provoqués par le premier article lors de la confection du cahier parisien, il se sent nécessairement lié par les décisions de son ordre et tenu à respecter sa ligne d’approche62. Il met l’accent sur la sincérité des intentions du Tiers63. Il souligne le rôle des magistrats dans la compagnie du Tiers et soutient l’action des gens du roi au Parlement qui ont poursuivi les publications récentes préjudiciables à la souveraineté royale64. Il répond aux exemples de l’Ancien Testament, et met en doute la pertinence des citations de Gerson. Si la doctrine du tyrannicide est problématique, se demande-t-il, pourquoi ceux en France qui veulent protéger leur roi contre ces dérives ne sont-ils pas libres de le faire ? Il rejette catégoriquement le danger d’un schisme. Pourtant, au nom du Tiers et à titre personnel, il accueille la proposition du clergé de rééditer le décret du Concile de Constance, et propose (de préférence, en petit comité) de revenir sur le choix des mots dans la formulation de l’article pour accommoder les sensibilités cléricales. Et le cardinal de revenir à la charge dans une ultime intervention, dont il n’y a aucune trace dans la version « autorisée », mettant en évidence la « double mission » du clergé et les écueils qu’attendent ceux qui tirent des leçons de l’histoire ecclésiastique sans l’avoir étudiée au fond, continuant à nier au Tiers le droit de se mêler de telles matières65.
19Miron refusa toute délibération après le départ du cardinal, et Pierre Clapisson nous informe sur les appréhensions que la séance avait provoquées. D’une part, certains députés virent d’un mauvais œil ce refus, et les concessions faites par Miron au nom du Tiers, mais à titre personnel. Ceci marqua le début d’une méfiance parmi les gallicans purs et durs concernant la détermination de Miron pour leur cause, méfiance qui ne cessera que d’augmenter au cours de la semaine suivante66. D’autre part, certains députés qui, persuadés par des sermons prêchés à Paris dans l’octave de la Nativité que l’article était contre la religion, revinrent à leur première position lorsque le cardinal leur disait que l’article était seulement « problématique ». Un bon nombre de députés, semble-t-il, « ne prenoient pas, comme eût désiré ledit sieur cardinal, son argument pour prouver un schisme ». Le « grand convertisseur » n’a pas réussi à convaincre les indécis. Pire, la harangue n’éteint pas le débat ; elle l’enflamme, élargissant son champ en en faisant une « affaire politique » qui dépasse le cadre des États généraux avec l’arrêt du Parlement du même jour qui soutint la position du Tiers – une réponse directe au discours de Du Perron. Les inquiétudes que cette décision suscita au sein du Tiers État, et la résistance vigoureuse qu’elle rencontra chez le clergé, provoquèrent la résolution du roi du 6 janvier 1615 de reprendre lui-même l’affaire en main. On peut raisonnablement soutenir que l’influence de Du Perron en coulisse à la Cour pendant cette période fut encore plus importante que son rôle aux États. Florimond Rapine rapporte que, dans la foulée de cette décision royale, une délégation, consistant de Du Perron, du cardinal de Sourdis et de Charles Miron, évêque d’Angers, fut reçue au Conseil du roi. Une altercation extraordinaire entre Du Perron et les ministres s’est ensuivie, dans laquelle on a pu entendre Du Perron dire67 :
« Que c’estoit vrayement un poinct de doctrine, sur lequel il avoit dit ces jours passez, que la question estoit problematique, mais que maintenant il tranchoit court, et qu’il soutenoit, que la puissance du Pape, estoit pleine, plenissime, et directe au spirituel, et indirecte au temporel. Que ceux qui voudroient soustenir le contraire, estoient schismatiques et heretiques, mesme ceux du Parlement, qui avoient sucé le laict de Tours68. Que si le Roy ne cassoit promptement l’arrest du Parlement, et ne faisoit tirer les conclusion des Gens du Roy, hors du registre, il avoit charge du Clergé de dire, qu’ils sortiroient des Estats : Et qu’estans icy comme en Concile national, ils excommuniroient tous ceux qui seroient d’opinion contraire à la proposition affirmative, qui est, que le Pape peut deposer le Roy. »
20Rapine ajoute que « tout ce discours s’est publié à Paris, de sorte qu’il est tenu pour vray ». Par la loi des conséquences imprévues, la harangue et les événements entamés, déclenchèrent une flambée de publications, une véritable « guerre des brochures » que la résolution royale du 6 janvier 1615 ne suffit pas à maîtriser69. Lorsque Du Perron publia sa version de la Harangue en mai-juin 1615, il ne fit qu’une contribution à une controverse nationale et internationale déjà en cours, et destinée à faire planer une ombre immense sur le reste du siècle, et sur la réputation posthume de Du Perron lui-même.
21Dans la longue durée, le cardinal a perdu son pari. Si les historiens débattent les nuances des positions de Bellarmin, Mariana ou Suarez, l’aristocratie et les juristes étaient unanimes dans leur compréhension des deux points fondamentaux de la doctrine ultramontaine : 1. « nous verrons que votre personne sacrée, Sire, peut légitimement en quelque cas, être tuée de ses sujets, selon leur [Jésuite] doctrine » ; et 2. qu’il faut prendre garde à « un livre […], fait par le Cardinal Bellarmin, qui élève si haut l’autorité des Papes, leur donnant pouvoir de destituer les Rois et d’en pouvoir mettre d’autres à la place70 ». En 1682, Bossuet dénonce les « chicanes de Bellarmin, » qui « fait seul toute la tradition » à Rome : « Dieu nous en préserve ! » Les hommes de clergé de son temps « se sont écartés du sentiment de leurs prédécesseurs en faisant en 1682 une declaration semblable à celle à laquelle leurs prédécesseurs s’opposerent avec vigueur en 161571 ». Comme l’article du Tiers de 1614, les lettres royales aux parlements pour l’enregistrement des Quatre Articles, interdisent l’enseignement des doctrines ultramontaines.
22Le Grand Arnauld, fils d’un des auteurs de l’article du Tiers de 1614, nous donne son explication de ce changement : « On n’est plus au temps que les Papes puissent user de la puissance qu’ils se sont autrefois attribuée de déposer les Rois. Ce seroit perdre la Chrétienté que de le tenter72. » Mais c’est Bossuet, fils et petit-fils de grands robins dijonnais, qui pose la question dans sa plus grande simplicité : « Quelle puissance souveraine voudrait se donner un maître qui lui pût par un décret ôter son royaume73 ? »
Notes de bas de page
1 L’ouvrage de Prodi Paolo (Il sovrano pontefice. Un corpo e due anime: la monarchia papale nella prima età moderna, Bologne, il Mulino, 1982) donna suite à des publications trop nombreuses à énumérer sur ce thème.
2 Exposé pour la première fois dans ses Disputationes de controversiis christianæ fidei (1586/1593). Le parlement de Paris condamna l’ouvrage de Bellarmin (De potestate summi pontificis in rebus temporalibus) en novembre 1610, et la controverse autour de ses idées, et celles d’autres jésuites (y compris Mariana et Suarez) attirait des contributions antiromaines de nombreux acteurs. Voir Tutino Stefania, Empire of Souls: Robert Bellarmine and the Christian Commonwealth, Oxford, Oxford University Press, 2010 et, pour le pouvoir des clés spécifiquement, Schmitz Benoît, Le pouvoir des clefs au xvie siècle. La suprématie pontificale et son exercice face aux contestations religieuses et politiques, thèse d’histoire, dir. Alain Tallon, Sorbonne Université, 2013.
3 Trois ouvrages de De Franceschi Sylvio Hermann : La crise théologico-politique du premier âge baroque, Rome, École française de Rome, 2009 ; Raison d’État et raison d’Église. La France et l’interdit vénitien (1606-1607) : aspects diplomatiques et doctrinaux, Paris, Honoré Champion, 2009 ; et comme éditeur, Antiromanisme doctrinal et romanité ecclésiale dans le catholicisme posttridentin (xvie-xxe siècles). Actes de la journée d’études de Lyon (2007), Lyon, LAHRA, 2009.
4 Asch Ronald, Sacral Kingship between disenchantment and re-enchantment. The French and English and English Monarchies, 1587-1688, New York/Oxford, Berghahn, 2014, chap i.
5 Lange Tyler, The First French Reformation. Church Reform and the Origins of the Old Regime. New York/Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
6 Nelson Eric, The Jesuits and the Monarchy: Catholic Reform and Political Authority in France (1590-1615), Burlington, Ashgate, 2005 ; Höpfl Harro, Jesuit Political Thought. The Society of Jesus and the State, c. 1540-1630, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ; Parsons Jotham, The Church in the Republic: Gallicanism and Political Ideology in Renaissance France, Washington, Catholic UAP, 2004.
7 Krynen Jacques, L’empire du roi : idées et croyances politiques en France, xiiie-xve siècles, Paris, Gallimard, 1993 ; Krynen Jacques, L’idéologie de la magistrature ancienne, Paris, Gallimard, 2009 ; Collins James, La monarchie républicaine, Paris, Odile Jacob, 2016.
8 Christophe de Thou joua également un rôle du premier plan dans le procès des sept juges compris dans le scandale de la mercuriale. Plusieurs autres acteurs du drame de 1610-1615 avaient des aïeux liés aux événements de juin 1559. Souriac Pierre-Jean, « De l’anecdote à l’événement historique : l’affaire Jean Tanquerel (1561) », in Sylvio De Franceschi et Franz-Xavier Bischof (dir.), Histoires antiromaines II, Équipe Religions, sociétés et acculturation, RESEA, du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes, Lyon, 2014.
9 Antoine II Arnauld fut le fils de la seconde femme de son père, et non de Marguerite du Bourg.
10 Relazioni degli stati Europei lette al Senato dagli Ambasciatori Veneti, série II, Francia, v. I, éd. Nicolò Barrozi et Guglielmo Berchet, Venise, 1857, p. 542.
11 Greengrass Mark, Governing Passions: Peace and Reform in the French Kingdom, 1576-1585, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; Collins James, From Monarchical Commonwealth to Royal State: France, 1561-1651, Cambridge, Cambridge University Press, 2022. Ces conflits de juridiction avaient lieu non seulement entre les juges laïques et ecclésiastiques, mais aussi entre les juges royaux et leurs concurrents séculaires, tels que les consulats des villes.
12 Voir la contribution de Sylvio Hermann De Franceschi dans ce volume.
13 BnF ms. fr. 15734 fo 84 ro-vo, la traduction (faite par Pierre du Moulin, qui a même participé en toute probabilité à sa rédaction) du libelle du roi britannique qui fut publié sous les auspices officiels du roi à Londres sous le titre Déclaration du serenissime roy Jacques I. […] contre La Harangue de l’Illustrissime Cardinal Du Perron prononcée en la chambre du tiers Estat le XV de Ianvier 1615 (Londres, Jehan Bill, 1615), préface, p. 3-4. Jacques Ier attribue la date de l’allocution selon le calendrier julien en usage en Angleterre.
14 Ibid., p. 2-3.
15 Ibid., p. 5 (la traduction, plus forte, de l’anglais « set aside his honour to sale »).
16 Ibid., p. 7 (« Que si l’abbregé de sa harangue au tiers estat qui a esté publié est veritable, auquel il compare la puissance du Pape à celle du Duc de Venize qui reçoit les honneurs au nom de l’Eglise, je ne m’esbahis pas si en faisant imprimer ceste harangue il a osté ceste clause et autres semblables de peur d’offenser sa Saincteté. »).
17 Ibid., p. 7, 11.
18 Voici les sources réunies pour l’étude des événements aux États généraux : « Procès-verbal du tiers-état par le sieur [Pierre de] Clapisson, conseiller au Châtelet et évangéliste [secrétaire] en la chambre du tiers-état » (BnF ms. Dupuy 520, et Lalourcé et Duval, Recueil de pièces originales et authentiques, concernant la tenue des états-généraux […], Paris, Barrois l’aîné, 1789, t. VIII, p. 1-213 [désormais « Lalourcé et Duval »]) ; « Proces-verbal de la noblesse pour les états de Paris par M. [Renaud] de Montcassin, secrétaire de la chambre de la noblesse » (ibid., t. VII – le manuscrit de l’original étant vendu aux enchères de Richelieu-Drouot en 2010) ; Rapine Florimond, Recueil tres-exact et curieux de tout ce qui s’est fait et passé de singulier et memorable en l’Assemblée generale des Estats tenus à Paris en l’année 1614…, Paris, au Palais, 1651 (désormais « Rapine ») ; Behety Pierre de, Procez verbal contenant les propositions, deliberations, & resolutions prises & receëues en la Chambre Ecclesiastique des Estats Generaux du Royaume de France, s. l., 1650 [désormais « Behety »] (aussi Lalourcé et Duval, t. VI) ; BnF ms. fr. 4082 (« Ordre des Estats tenus à Paris, l’an 1614 », journal quotidien de Charles de La Saussaye, député du clergé) ; « Procez verbal de ce qui s’est passé en la chambre du Tiers Estat aux Esats generaux tenus à Paris ès années 1614 et 1615, dressé par Mr Le Doux, lieutenant général d’Evreux » (BnF ms. fr., nouvelles acquisitions 1395) ; BnF ms. Arsenal 4255 (« Relation véritable de ce quy s’est passé en la chambre du Tiers-Ordre, convoquée en l’assemblée des Estatz généraux… par Estienne de Lalain, député du bailliage de Vermandois et ancien ressort ») ; Les Resolutions et arrestez de la Chambre du Tiers Estat, touchant le premier Article de leur Cahier, presenté du Roy, s. l., 1615 (désormais « Resolutions ») ; BnF ms. Dupuy 950 contient également un recueil de pièces relatives au premier article, essentiellement une copie des « Résolutions » suivie d’autres extraits des procès-verbaux du clergé et de la noblesse. BM Angers ms 710 fo 172-176 contient un texte, intitulé « Discours du Cardinal Du Perron », qui est une copie de celui de Pierre de Clapisson (dans un manuscrit du xviie siècle qui appartenait à Claude-Gabriel Pocquet de Livonnières).
19 Behety, p. 72. Sébastien Zamet, abbé de Juilly, « personne de mérite que chacun sçait », deuxième fils du financier du même nom, y a succédé à son oncle Horace, assassiné par les ligueurs. Ayant fait ses études en Sorbonne il vint d’être nommé coadjuteur de Langres.
20 Il y fait une intervention le 17 novembre 1614, cherchant à persuader les députés de faire cause commune avec la noblesse au sujet de la paulette (ibid., p. 93-94). Il fait partie de ceux qui président les journées des 22 novembre et 5 décembre (p. 107, 133), et accepte de représenter la Chambre devant le Conseil d’État pour faire des remontrances à propos des comptes du clergé et l’établissement d’une chambre de justice pour épurer les malversations des financiers (p. 131).
21 Blet Pierre, « L’article du Tiers aux états généraux de 1614 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. II, no 2, 1955, p. 81-106.
22 Le Perroniana rapporte deux allusions à Suarez – les seules dans toutes les œuvres du cardinal. La première est dans le contexte de son profond mépris pour la théologie scolastique, par rapport à la patristique. De la dernière, « j’ay plus sçu de toutes ces matieres au bout du doit, que tous ces Suarez et les Cours de Coimbre » (Perroniana et Thuana. Editio tertia. 1691, p. 280). La deuxième rapporte sa réaction à un ouvrage de Suarez que lui avaient présenté les jésuites de Turin : « Suarez est le plus ignorant homme en Antiquité qu’il est possible. » En feuilletant le livre en question (et rien ne confirme qu’il s’agisse de la Defensio) le cardinal s’exclame : « je leur montray tant de passages, si impertinement, sottement et ignoramment tirez que rien plus, et falsifiez aussi ».
23 Du Perron fut le destinataire de la longue lettre d’Aquaviva du 2 août 1614, envoyée en copie à tous les cardinaux français cherchant leur protection de son ordre.
24 Robert Descimon insiste, probablement avec raison, sur le rôle de De Thou comme « l’inspirateur » de l’article : Descimon Robert, « Guillaume Du Vair (7 mars 1556 – 3 aout 1621) : les enseignements d’une biographie sociale. La construction symbolique d’un grand homme et l’échec d’un lignage », in Bruno Petey-Grard et Alexandre Tarrète (dir.), Guillaume Du Vair. Parlementaire et écrivain (1556-1621), Genève, Droz, 2005, p. 52-53.
25 Charles du Lys, par exemple, avocat du roi à la Cour des Aides, est un ami proche d’Étienne Pasquier, de Peiresc, de Malherbe et des frères Sainte-Marthe. Auteur d’une généalogie de Jeanne d’Arc, par laquelle il prouve qu’il est un descendant de son frère, il a beaucoup aidé Edmond Richer dans son histoire de la Pucelle d’Orléans. Nicolas Le Prestre, autre membre de l’équipe de rédaction, est également conseiller à la Cour des Aides. Son frère Guillaume est nommé évêque de Cornouaille le 17 novembre 1614. Il se montra farouchement hostile à la fondation d’un collège jésuite à Quimper ; son « ordonnance de censure » sera parmi les pièces visées dans l’arrêt du parlement de Paris de 1762 contre les jésuites (Fierville Charles, Histoire du collège de Quimper, Paris, Hachette, 1864, p. 20).
26 Parmi eux, Philippe Hurault (Chartres), neveu de Jacques-Auguste de Thou et Gabriel de l’Aubespine (Orléans, neveu du ministre Nicolas de Neufville-Villeroy). Selon Denis Philippe (Edmond Richer et le renouveau du conciliarisme au xviie siècle, Paris, Le Cerf, 2014), Charles Miron (Angers) fut aussi parmi eux, mais son nom ne se trouve pas sur la censure officielle (ex : BnF ms. fr. 15734, fo 25). Voilà les descendants des grands serviteurs de l’État sous Catherine de Médicis, recrutés au service de la partie ultramontaine – de quoi nous faire repenser la dichotomie trop simpliste entre ultramontain et gallican.
27 Rapine, p. 207 ; voir aussi Miron de l’Espinay Albert, Robert Miron et l’administration municipale de Paris de 1614 à 1616. Le tiers aux États généraux de 1614, Paris, Plon-Nourrit, 1922, p. 58-60.
28 Rapine, p. 209.
29 Ibid.
30 Ibid., p. 208-209 ; l’art. 15 du cahier provincial ; art. 26 du bailliage de Troyes ; art. 2 de Vitry. Ils demandent que la lecture de l’article soit faite tous les ans en toutes les justices royales aux ouvertures des audiences, que les « predicateurs et lecteurs ne prescheront, enseigneront ou escriront aucune Doctrine contaire à la Souveraineté et authorité de vostre Majesté […] à peine de crime de leze-Majesté au premier chef ». L’article de Vitry est encore plus rigoureux : « Que l’authorité du Roy soit et demeure absoluë sur tous ses sujets, de quelque profession qu’ils soient : & soit tenu pour loy fondamentale du Royaume, que la personne du Roy est saincte & inviolable, auquel est deuë toute obeïssance & fidelitë… » Les deux députés de Vitry, Jacques Roter et François Rouyer sont avocats au parlement de Paris. Les 12 députés du gouvernement de Champagne sont tous gens de loi, y compris sept juges et un procureur du roi.
31 Il est intéressant de constater que le cahier pour le bailliage de Bourges (un des 18 bailliages et sénéchaussées du gouvernement) ne contient aucun article sur ce sujet (A[rchives] m[unicipales] de Bourges, AA 38).
32 En fait, le cahier de Lyon ne fait aucune mention d’un tel article (AM Lyon, BB 150 fo 317 sq.).
33 À titre d’exemple, aucune mention dans les cahiers de la sénéchaussée de Saumur (« Cahier du Tiers État de la sénéchaussée de Saumur aux États généraux de 1614 », Revue historique, littéraire et archéologique d’Anjou, t. 1 [1867], p. 206-210) ; ni dans ceux du bailliage de Touraine (Grandmaison C. de, « Cahier du Tiers État de Touraine », Bulletin de la société archéologique de Touraine, t. VIII [1889-1891], p. 117-157) ; ni dans ceux du bailliage de Vendôme (Bouchet C., « Cahier du Tiers État vendômois », Bulletin de la société archéologique, scientifique et littéraire de Vendômois, t. XI [1872], p. 80-101 ; 145-165).
34 Cahiers de doléances des paroisses du bailliage de Troyes pour les États généraux de 1614, éd. Yves Durand, Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 80.
35 Les députés du Tiers au bailliage de Chalon-sur-Saône s’expriment ainsi : « Car les bonnes loix restablies et bien observées fortiffient entierement le sceptre en la main de sa Majesté et luy asseurent du tout la couronne sur la teste contre toute sorte de mauvais desseings » (AM Chalon, AA 27). Le clergé se montre plus pragmatique ; à Troyes, par exemple, il « supplie très humblement Sa Majesté très-chrestienne, où elle jugera qui, pour le bien de l’Estat il n’est expedient de revoquer absolument tous les edictz octroyez par le passé en faveur de la liberté de conscience » (Hérelle Georges, Documents inédits sur les États-généraux [1482-1789] tirés des archives de Vitry-le-François, Paris, 1879), p. 109. Pourtant l’article se poursuit avec une demande supplémentaire : « du moins qu’il luy plaise ordonner que ceulx de la pretendue religion reformee se contiendront dans l’estroict observance des clauses de l’edict ».
36 Le procès-verbal de l’assemblée du clergé y fait allusion le 20 décembre (Behety, p. 177).
37 Ibid., « parmy des choses bonnes et justes, et sous l’apparence du soin et affection de la conservation de la personne et autorité du Roy […] on mesle d’autres propositions curieuses et impertinentes, et lesquelles inventées et mises en avant par les ruses et industrie des Heretiques et leurs fauteurs, vont à introduire et susciter un schisme et division entre les catholiques, et à mettre sur la balance l’authorité du Saint Siege et celle du Roy ».
38 Rapine, p. 266.
39 Le 30 décembre (Behety, p. 201) : « Sur les difficultez faites par mondit Seigneur le Cardinal, s’excusant sur ses incommoditez et infirmitez, representant plusieurs de la Compagnie en estre plus propres, et offrant qu’ès autres occasion, et mesmes sur ce sujet… » Le Clergé lui accorde la nuit pour réfléchir à la demande impérative de la chambre. De nouveau, le 2 janvier (p. 204) : « après avoir persisté beaucoup en ses difficultez, finalement s’est soumis à l’obeïssance, esperant qu’elle luy attireroit la grace et assistance particuliere du S. Esprit, sans laquelle il ne pouvoit rien esperer en cette action, et a supplié la Compagnie de prier Dieu et interceder pour luy ».
40 Ibid., p. 199-200.
41 Ibid., p. 204.
42 Ibid., p. 202.
43 Ibid., p. 291-292 ; Du Perron revint à la distinction entre tyrans d’usurpation et d’exercice, qui n’avait pas de rapport direct avec l’article du Tiers État, mais qui relevait du traité de Martin Bécan, et qui avait une importance politique cruciale, car Du Perron ne voulait pas que son discours soit interprété comme une attaque sur la légitimité de Jacques Ier.
44 Selon la Mercure françois (III, p. 264) il exigea que « chacun le rapporteroit dans sa Province afin que la France entiere luy eut obligation de ses merites », Bauffremont était soupçonné par plusieurs députés d’être à la botte de la Reine Mère. Louis de Montmorency-Bouteville, vice-amiral de France, et membre de la chambre, osa même dire qu’il « le faudra appeler le président de la reine, et non de la compagnie » (Lalourcé et Duval, t. VII, p. 45).
45 Le Tiers État comptait 182 membres. En plus, il fallait accommoder 30-40 membres du clergé et autant de la noblesse. Nous n’avons aucune idée du nombre d’absents, mais Le Doux fait allusion au « grand bruict et comotion qu’il y avoit [dans la chambre] à cause de la multitude des personnes qui y estoient » (BnF ms. fr. 1395, fo 52 vo).
46 « les uns par curiosité d’apprendre son sens, sur le sujet qui le faisoit voir, les autres pour censurer les maximes qu’il tiendroit ; les uns pour s’instruire de la conséquence du premier article, les autres pour sentir s’il étoit possible le mouvement de son ordre » (Lalourcé et Duval, t. VIII, p. 111-112 ; BnF ms. Dupuy 520 fo 90).
47 Mercure françois, III, p. 265 ; BnF ms. fr. 1395 fo 52 v ; 54 ro. Selon Le Doux la séance se termina à midi et demi (Le Doux, fo 54).
48 Lalourcé et Duval, t. VIII, p. 112 ; BnF ms. Dupuy 520 fo 90.
49 Œuvres ; Harangue faicte de la part de la chambre ecclesiastique […], Paris, Antoine Estienne, 1615. Cet ouvrage fut publié juste à temps pour que Étienne Pasquier (il meurt le 31 août 1615) puisse en faire un commentaire critique (IIIe livre : chap. vii et xv) : Les Recherches de la France, éd. Marie-Madeleine Fragonard et François Roudaut, Paris, Honoré Champion, 1996, t. I, p. 566-568 et 628 sq.
50 Harangue, sig. A ij.
51 Les Resolutions et arrestez de la Chambre du Tiers Estat.
52 Privilège accordé par des lettres patentes du 3 juin 1600.
53 Compagnon Antoine, La seconde main, ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979 ; Genette Gérard, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982.
54 Milton Anthony, Catholic and Reformed. The Roman and Protestant Churches in English Protestant Thought, 1600-1640, Cambridge, Cambridge University Press, 1995. Il n’y a rien de surprenant que le texte publié par Du Perron soit vite traduit en anglais par les collégiens anglais de Saint-Omer ni que Jacques Ier s’organise pour en faire une réponse.
55 Il s’agit du procès-verbal de Pierre Clapisson (Lalourcé et Duval, t. VIII, p. 110-114 [Dupuy ms. 520, fo 89 vo-92 ro]) ; le journal de Claude Le Doux, lieutenant-général d’Évreux (BnF, Français nouvelles acquisitions, ms. 1395 fo 52 vo-54) ; celui d’Estienne de Lalain, député du bailliage de Vermandois (ms. Arsenal 4255 fo 37 ro-vo) ; celui de Florimond Rapine (p. 297-323), publié en 1651, reproduit in extenso le texte qui se trouve dans les Résolutions. Parmi les commentateurs modernes, A. Miron d’Espinay semble le seul à avoir pris en compte que ce sont les Résolutions qui représentent fidèlement le discours du cardinal (Miron de l’Espinay A., Robert Miron et l’administration municipale de Paris de 1614 à 1616. Le tiers aux États généraux de 1614, Paris, Plon-Nourrit, 1922, p. 65-68).
56 Almain Jacques, Libellus de auctoritate ecclesiæ, Paris, 1512, réimprimé dans Gersoni opera, 4 tomes en 2 vol, éd. Richer, Paris, vol. 1, col. 688 sq. Le passage en question sera important dans l’exposition de Richer Edmond, De potestate ecclesiaie in rebus temporalibus (la défense du premier article de Richer, publié longtemps après sa mort, à Cologne en 1692), p. 261.
57 Résolutions, p. 65. Il est ajouté que « le Cardinal faict lecture du passage dudit Gerson, duquel il avoit faict apporter le Livre à ceste fin ». Il l’aura trouvé dans le tome IV, avec, ensuite, les « decem considerationes principibus et dominis utilissimæ » (col. 827).
58 Lalourcé et Duval, t. VIII, p. 113 ; Rapine, p. 317.
59 BnF ms. nouvelles acquisition franç. 1395, fo 53 vo.
60 Perroniana, p. 195.
61 Du Perron y fait allusion dans une lettre à Isaac Casaubon du 18 avril 1612, lors de la censure de Richer : « Or sont ces Theses, un levain de vieille doctrine, qu’il a couvée et soustenuë dés long-temps, en laquelle, encore qu’il ayt changé de procedure, pour le fait de l’Eglise ; neantmoins il a conservé les mesmes maximes, qu’il tenoit lors, pour le fait de l’Estat. Car l’an mil cinq cents quatre-vingts unze, au mois d’Octobre, il soustint publiquement, en Sorbonne : Que les Estats du Royaume, estoient indubitablement, par-dessus le Roy : Et que Henry III. qui avoit violé la Foy, donnée à la face des Estats, avoit esté, comme Tyran, iustement tué : et que ceux qui luy ressembloient devoient estre poursuivis non seulement par les armes publiques, mais aussi par les embusches des particuliers ; Et que Jacques Clement, qui l’avoit tué, n’avoit esté allumé d’autre passion, que du zele de la discipline Ecclesiastique, et de l’amour des loix de sa patrie, et de la liberté publique… » (Ambassades, p. 696). Le texte des thèses de Richer est édité dans [l’Abbé] Puyol Édouard, Edmond Richer. Étude historique et critique sur la rénovation du gallicanisme du xviie siècle, 2 vols, Paris, T. Olmer, 1876, t. II, p. 137-143.
62 Miron de l’Espinay A., Robert Miron et l’administration municipale de Paris de 1614 à 1616. Le tiers aux États généraux de 1614, Paris, Plon-Nourrit, 1922, p. 43-45.
63 Rapine, p. 331 : « L’intention donc de cette compagnie a esté de maintenir l’independance de la Couronne de nos Rois, qui ne luy peut estre arrachée de droict par aucune puissance ; Que l’Eglise ne l’a jamais pretendu ; Que ceux qui escrivent le contraire, soient chastiez comme criminels par les Juges seculiers… » ; Résolutions, p. 79.
64 Rapine, p. 332 ; Résolutions, p. 80.
65 Rapine, p. 337-338 : « que ce n’estoit au tiers Estat d’interpreter, resoudre et conclure en semblables matieres les questions douteuses […] que c’estoit à ceux du Clergé, qui en sont les Jugees, à les terminer » ; Résolutions, p. 80-81. Sur la notion de la « double mission » des prélats de cour, voir Pierre Benoist, « Prélats et clergé de cour en France au xviie siècle », Dix-septième siècle (2011), p. 725-737.
66 Lalourcé et Duval, t. VIII, p. 118. Charles Miron, le neveu de Robert, est évêque d’Angers et un allié du cardinal au sein du clergé. En 1624-1625, Charles intentera un procès au chapitre de la cathédrale d’Angers qu’il accuse d’hérésie suite à un appel comme d’abus contre son excommunication d’un chanoine. Sa prise de position reflète les débats entamés en 1614-1615.
67 Rapine, p. 356-357.
68 Allusion au conflit entre le parlement de Tours et la papauté en 1589-1590, marquant les débuts d’un projet inachevé de séparation de l’Église de France de l’Église catholique et romaine, qui continuait à hanter Du Perron. Voir Penzi Marco, « Tours contre Rome au début du règne d’Henri IV », Revue de l’histoire des religions, t. III (2009), p. 329-347.
69 Jacques Lelong inventorie pas moins de 40 titres à propos du premier article (Lelong Jacques, Bibliothèque historique de la France, contenant Le Catologue des Ouvrages, imprimés et manuscrits […], Paris, Jean-Thomas Herissant, 1749, t. II, p. 743-745) qui invitent à une étude plus approfondie. Voir Richet Denis, « La polémique politique en France de 1612 à 1615 », in Roger Chartier et Denis Richet (dir.), Représentation et vouloir politique. Autour des États Généraux de 1614, Paris, Éditions de l’EHESS, 1982 et Hayden J. Michael, « The Uses of Political Pamphlets: The Example of 1614-15 in France », Canadian Journal of History, t. XXI (1986), p. 143-165.
70 « Harangue de Monsieur le Prince », dans Recueil de pièces concernant l’histoire de Louis XIII, Paris, 1716, t. I, p. 202 ; et une lettre du duc de la Force à sa femme (30 novembre 1610) : Caumont Jacques-Nompar de, Mémoires authentiques de Jacques Nompar de Caumont duc de la Force, éd. Marquis de la Grange. Paris, 1843, vol. 2, p. 310. Jacques-Auguste de Thou étant le chef de Conseil de Condé, nous pouvons estimer qu’il joua un rôle dans la création de cette harangue du « prince ».
71 Bossuet Jacques-Bénigne, Correspondance de Bossuet, éd. C. Urbain et E. Levesque, Paris, Hachette, 1909, t. II, p. 317-319, lettre à François Diroys, 28 octobre 1682.
72 Arnauld Antoine, Lettres de Messire Antoine Arnauld, 4 tomes, en 3 vol, Paris/Lausanne, Sigismond d’Arnay, 1775-1776, t. II, p. 193, lettre à M. du Vaucel, 22 janvier 1683.
73 Correspondance de Bossuet, t. II, p. 281, lettre au cardinal d’Estrées, 1er décembre 1681.
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