Introduction à la seconde partie
p. 155-156
Texte intégral
1En 1878, le rapport du député Lamy sur le budget de la Marine compile un flot de critiques sur la Royale, son administration et la flotte dont celle-ci est capable de doter le pays. Il suggère parallèlement d’impliquer davantage le Parlement dans le contrôle de l’action gouvernementale sur la Marine. Aboutissant à la nomination d’une commission extraparlementaire sans réelle influence sur les usages de la Royale, ce rapport émeut les parlementaires mais ne suscite pas réellement de changement d’attitude de leur part. Il faut en fait attendre la fin des années 1880 pour observer une réelle rupture dans le rapport des parlementaires à la Marine. Le rapport Lamy de 1878 constitue certes, une rupture dans la volonté de républicaniser cette institution et résulte de la victoire des républicains. Mais si les critiques qu’il contient sont régulièrement reprises par les rapports suivants sur le budget en question, ce rapport n’aboutit nullement à une rupture dans la volonté du Parlement de prendre les choses en main pour réformer la Marine et influencer la politique navale du pays. La commission extraparlementaire de la Marine nommée en 1878, à la suite du rapport, n’aboutit à aucun document officiel et, hormis les idées que le commandant Gougeard y développe et qui inspireront son action rue Royale, trois ans plus tard, aucune influence concrète sur les affaires de la Marine n’émane de cette commission.
2Le ministère du contre-amiral Aube est un tournant dans le rapport parlementaire à la Marine. Jusqu’à l’arrivée du père de la Jeune École, les élus des deux chambres estiment que c’est aux ministres de la rue Royale de réformer leur département. De nombreux parlementaires soutiennent Aube car ils voient en lui le réformateur nécessaire de la Marine. Son bilan est donc particulièrement décevant aux yeux de ces élus : alors que les réformes attendues devaient favoriser des économies budgétaires, le passage de Aube à la rue Royale se solde par l’absence des réformes attendues et l’explosion des dépenses navales.
3L’année 1890 marque définitivement un changement d’attitude des parlementaires intéressés par les affaires navales, parlementaires qui se montrent d’ailleurs plus nombreux. Renouvelée au début de l’automne 1889, la Chambre accueille favorablement le rapport sur le budget de la Marine de Gerville-Réache en 1890. Défenseur des idées de Aube, le rapporteur doit reconnaître l’échec de celui-ci à réformer l’administration de la Marine. Gerville-Réache se tourne désormais vers le Parlement pour l’inciter à réformer lui-même un département qui s’illustre depuis 1871 par son conservatisme. La mise en place de commissions permanentes de la Marine à la Chambre en novembre 1890, puis au Sénat trois mois plus tard, répond à ce vœu de Gerville-Réache. Leur création a pour objectif de doter les chambres d’outils capables de favoriser l’entrée de la Marine « dans le cadre de la loi ». Les parlementaires français intéressés par les affaires navales peuvent donc s’investir plus facilement sur ces questions. Si la permanence de ces commissions à la Chambre n’est officialisée que le 11 novembre 1902 avec la modification du règlement de cette assemblée, les pratiques parlementaires inscrivent ces nouvelles commissions dans les usages dès les années 1890. Mais la définition des sujets traités par les membres de ces commissions est davantage le fait du pouvoir exécutif que de ces parlementaires eux-mêmes, à l’image de la scission définitive entre les ministères de la Marine et des Colonies, en 1894, imposée par l’exécutif sans que le Parlement n’en débatte réellement. Cette absence de débats sur ce sujet explique par ailleurs que cette scission ne soit pas abordée dans cette deuxième partie.
4L’intérêt porté par les parlementaires sur leur marine de guerre s’illustre par le nombre de leurs interventions orales en séance plénière comme en commissions (annexe no 1). En effet, hormis l’épisode du ministère Aube, ce nombre d’interventions sur la Marine dépasse rarement les 500 dans les années 1870 et 1880. À partir des années 1890, ces prises de paroles des députés ne passent plus qu’épisodiquement sous cette barre des 500. Au Sénat, cette rupture de 1889-1891 s’observe également.
5Cette plus grande activité du Parlement sur les affaires navales accompagne de nouveaux équilibres internes à ce Parlement qui se mettent en place dans les années 1890. Dès lors, il est possible d’observer l’influence grandissante des parlementaires sur la politique navale du pays, les enjeux humains de la Marine et les réformes administratives au sein de cette dernière.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008