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Introduction à la partie 3

p. 129-130


Texte intégral

1Au-delà du phénomène d’autoenfermement résidentiel évoqué précédemment, le spectre des stratégies sécuritaires peut et doit être élargi. Ainsi, la diffusion des systèmes de contrôle d’accès à l’entrée des immeubles s’inscrit en partie dans ce registre de la sécurisation de l’habitat. La banalité de ce type d’équipements, et de fait son acceptation sociale, contraste avec la passion qui anime le débat sur les communautés fermées. Pourtant, les équipements sécuritaires à l’entrée des logements collectifs répondent à la même préoccupation : marquer un distinguo net entre espace privé et espace public. Ce besoin de sectoriser les lieux et d’en réglementer l’usage se manifeste de manière particulièrement vive dans les quartiers centraux nord-américains en voie de reconquête résidentielle (chapitre 7). Dans ce contexte de renouvellement urbain et de mixité fonctionnelle, le traitement sécuritaire des logements s’intègre dans un processus multi-agent de contrôle de l’espace public.

2Néanmoins, ce souci de sécurisation des logements ne saurait se limiter au simple déploiement d’équipements ayant vocation à filtrer l’accès. Depuis une trentaine d’années, s’est imposé en Amérique du Nord un courant visant à construire des quartiers résidentiels naturellement réducteurs d’insécurité. Les urbanistes et les architectes jouent à la fois sur l’agencement du bâti, la trame viaire, ou encore le contrôle social de l’espace par les résidants pour produire un urbanisme sécurisant sans pour autant recourir à l’autoenfermement (chapitre 8). Souvent plus rassurants que véritablement sûrs, ces quartiers ont ouvert la voie d’une intégration quasi systématique de la variable sécuritaire/sécurisante dans les politiques urbaines nord-américaines actuelles. Loin de la production d’un univers carcéral, la préoccupation de nombreux aménageurs et des pouvoirs publics est au contraire de créer un milieu urbain le plus ouvert possible, tout en préservant l’indispensable imperméabilité du logement.

3Bien que plus tardivement touchée par ce mouvement, la France expérimente depuis quelques années un mouvement similaire particulièrement ciblé : la résidentialisation (chapitre 9). Intégrée dans une réflexion plus vaste sur le développement de la prévention situationnelle, la résidentialisation se porte au chevet des grands ensembles dans lesquels insécurité et sentiment d’insécurité limitent une reconquête viable de la fonction résidentielle. Cependant, comme pour le cas nord-américain, la modélisation et l’aménagement d’environnements physiques sécures n’apportent qu’une réponse partielle au complexe problème de la sécurisation résidentielle.

4Enfin, se pose la délicate question de la prévention communautaire et, plus globalement, de la coproduction de la sécurité (chapitre 10). En France, si le recours aux vigiles ou aux médiateurs dans les cités d’habitat social soulèvent peu de controverses, la participation des résidants à la surveillance de leur quartier reste un sujet relativement tabou. Le cas nord-américain offre ici un dernier effet miroir pertinent : de la simple autosurveillance informelle à l’organisation de patrouilles équipées et entraînées, les résidants démontrent leur capacité à participer à la sécurisation de leur espace résidentiel aux côtés de forces de police réformées…

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