Chapitre 10. Surveillance et coproduction de sécurité
p. 179-206
Texte intégral
1Disposer d’un cadre de vie considéré comme « sûr1 » représente aujourd’hui une demande à la fois individuelle et sociétale. Même si celle-ci n’est pas sans s’exprimer dans l’ambiguïté tant cet adjectif recouvre des sens bien différents selon la nature, l’intensité et la plus ou moins grande proximité des menaces réelles ou représentées. Il ne faut donc pas s’étonner que cette demande se soit traduite par l’apparition de nouveaux paradigmes et la mise en œuvre de dispositifs. La gated community représente à la fois un paradigme et un dispositif. Mais elle n’occupe, dans les régions des États-Unis où elle s’est le plus répandue, qu’une fraction du marché immobilier résidentiel et ne traduit qu’une partie de la demande de sûreté. Cette demande, aujourd’hui, est devenue si générale, certains diront même envahissante, que d’autres réponses, de portée plus ubiquiste, tendent à prévaloir. Il en est ainsi, notamment, des idées de « tranquillisation », de « gardiennage », de « police de proximité » ou de « community policing », idées qui depuis maintenant deux décennies parcourent, avec plus ou moins de consistance et de vigueur, le discours à la fois politique, médiatique et scientifique et inspirent l’action publique.
2Dans ce registre, la comparaison entre les deux versants de l’Atlantique témoigne d’un intérêt certain. Presque parallèlement, en effet, aux États-Unis et en France, s’est manifestée une préoccupation grandissante des opinions publiques vis-à-vis des questions de sécurité, et notamment des dimensions subjectives de celles-ci, au travers du « sentiment d’insécurité ». À cet égard, comme le rappellent J. Donzelot et A. Wyvekens (2000), la première moitié de la décennie 1980 est l’occasion de voir paraître aux États-Unis le très célèbre article de Kelling et Wilson (1982) qui, plus tard, donnera naissance à la théorie des « broken windows2 » développée par Kelling et Coles (1996) et, côté français, le « Rapport Bonnemaison3 ». Mais, au-delà de temporalités et de constatations souvent proches, les problématiques comme les choix opérés n’apparaissent guère comparables. C’est que, dans ce domaine, les contextes sont par trop différents pour donner lieu à l’établissement d’un panorama décrivant les démarches et décernant bons ou mauvais points. Il s’agit plutôt de dresser, là encore, des miroirs et d’établir la compréhension des différentes approches, de leurs caractères propres, d’en voir aussi les conséquences sur la manière dont les questions de sûreté et de sécurisation contribuent à produire du rapport social dans la ville contemporaine.
3Pour ce faire, nous proposons de décrire des paradigmes, graduant ceux-ci selon la place occupée par les habitants dans les dispositifs. Certains, en effet, construisent une sécurisation dans laquelle les habitants apparaissent à la fois comme demandeurs et consommateurs. Ils n’interviennent pas directement, ni dans la mise en œuvre, ni dans le fonctionnement du dispositif. D’autres, au contraire, partent d’une demande sociale et sollicitent la participation directe d’habitants, sur la base du volontariat. Et entre ces deux polarités se rencontrent d’autres dispositifs plus ou moins complexes. Mais une autre graduation se construit également de manière sous-jacente, graduation tenant à la place occupée par la police en tant qu’institution publique, dans une construction de la sécurité dans laquelle elle n’est plus la seule à intervenir. En effet, depuis plus d’un quart de siècle, la sécurisation est devenue un marché sur lequel l’offre n’a cessé de s’amplifier et de se diversifier. L’essai qui suit tente donc de croiser à la fois la place des habitants et le rapport entre sphère publique et sphère privée dans la construction de la sécurisation des espaces résidentiels.
LA TRANQUILLISATION
4Dans des sociétés urbanisées où la violence relationnelle est devenue présente soit de manière latente, soit au travers d’explosions soudaines et imprévisibles, faire œuvre de pacification, de tranquillisation est devenu un objectif, même si l’expression de celui-ci n’apparaît pas toujours de manière très claire. Par la tranquillisation, il s’agit de produire une situation dans laquelle la tension, ou le conflit, doit pouvoir trouver un autre moyen de se manifester que sur le mode de la violence verbale ou physique, la dégradation d’objets ou de bâtiments, de mettre en scène et en actes des médiations, de rappeler les règles élémentaires du savoir-vivre ensemble. La tranquillisation, en d’autres termes, apparaît comme une démarche cherchant à lutter plus contre les incivilités de toutes natures que contre les actes délictueux ou criminels. Il s’agit donc d’assurer une présence qui doit être dissuasive et qui, en outre, peut permettre le règlement de problèmes d’abord relationnels.
5La démarche de tranquillisation est, en France, devenue familière à de nombreuses municipalités afin de répondre à une demande croissante, tout au long de la décennie 1990, des habitants de quartiers populaires. Le plus souvent, ces dernières ont été rejointes par les gestionnaires des parcs de logements sociaux de ces quartiers. Cette démarche s’est donc construite en légitimant une demande sociale, pour répondre à des impératifs d’intervention ne ressortissant pas des missions de la police. Cette présence peut évidemment s’accompagner de tâches de surveillance et venir en appui aux services techniques des municipalités ou des sociétés gestionnaires de logements afin, notamment, de corriger les dysfonctionnements, les pannes, assurer les réparations urgentes, nettoyer les graffitis, etc. Cette surveillance peut conduire aussi à informer la police de l’accomplissement d’actes délictueux. Ces différentes fonctions de la tranquillisation ne font guère appel aux habitants eux-mêmes. Des agents, certes parfois recrutés parmi les résidants, sont chargés d’assurer celles-ci. Ils doivent témoigner, par leur présence, de leur disponibilité, de leur attention, de leur écoute, montrer également comment les instances publiques prêtent attention et intérêt à leurs problèmes.
6Une politique de tranquillisation : Le Mans 2001-2004
En octobre 2001 le conseil municipal du Mans se voit saisi d’un projet de « contrat de tranquillité publique, de civilité et de solidarité ». Cette perspective s’inscrit alors dans le cadre du déploiement sur la ville de la « police de proximité » et le souci de consolider des initiatives de surveillance et de gardiennage d’espaces résidentiels et publics considérés comme sensibles aux dégradations, aux incivilités voire à la délinquance. Pour ce faire, une adjointe se voit confiée la délégation à la « tranquillité publique » et le partage des rôles entre police nationale et mairie se trouve éclairci et rappelé à la population.
À la police, qui désormais devrait mieux s’insérer dans les quartiers au fur et à mesure que seront ouverts les postes dépendant du commissariat central, la dissuasion et la responsabilité des interventions traitant des troubles à l’ordre public et de la lutte contre la criminalité et la délinquance. Aux services de la ville de renforcer les opérations de dissuasion, d’action éducative, de responsabilisation des jeunes et de leurs familles, de travailler en direction de publics ciblés (gens du voyage, SDF notamment), de renforcer la propreté, l’entretien et la tranquillité du voisinage. Dans ces domaines, l’action la plus retentissante fut sans doute d’étendre les dispositifs de gardiennage de nuit, au moyen de vigiles employés par une société privée de sécurité, à l’ensemble des quartiers où dominent les logements sociaux. Ce dispositif de surveillance et de pacification, cependant, ne représente qu’une partie d’un ensemble de moyens cumulés, mis en place progressivement à partir des années 1995-1997, moyens censés désamorcer les tensions, réguler les problèmes et rassurer les habitants. La multiplication des accès sécurisés aux immeubles sociaux, les gardiens et les « agents de médiation » employés par l’office HLM de la communauté urbaine, les « agents de proximité » de la ville à l’écoute des résidants, les « adultes-relais », les gardiens de parcs sont loin de régler tous les problèmes mais représentent bien les figures d’une politique de tranquillisation qui, tout en n’empêchant pas l’expression de formes localisées de dégradation, d’incivilité et de délinquance, a globalement permis de pacifier la vie dans de larges secteurs de la ville où l’exaspération provoquait régulièrement la manifestation d’un mécontentement collectif.
J. Chevalier d’après presses municipale et locale, entretiens.
7Vidéosurveillance et tranquillisation aux Côteaux (Mulhouse)
À Mulhouse, à partir du milieu des années quatre-vingt dix, la vidéosurveillance est devenue un moyen employé pour contrôler les incivilités et la délinquance de voie publique. Depuis les élections municipales de 2001, elle est devenue désormais aussi un moyen pour mieux surveiller et contrôler des espaces résidentiels considérés comme « difficiles », tels que celui des Côteaux, classé en Zone urbaine sensible (ZUS). Il s’agit évidemment d’une surveillance touchant les parties communes de cet ensemble de logements sociaux : entrées et garages, surveillance assurée par une entreprise de gardiennage qui est chargée, le cas échéant, de déposer plainte. Pour assurer ce contrôle, les bailleurs sociaux s’acquittent d’un forfait mensuel, contribution venant s’ajouter à celle plus importante que verse chaque ménage de locataires. Le résultat le plus manifeste des premiers mois de fonctionnement d’un tel système réside dans la brutale diminution des dégradations et donc du budget réparations même si celles-ci, ainsi que la délinquance, se sont sans doute déplacées dans des ensembles non surveillés du quartier ou hors de celui-ci. Ce dispositif vient appuyer, en fait, d’autres initiatives antérieures : le rôle attribué à la police municipale depuis la fin de la décennie 1980, le déploiement des « médiateurs » chargés surtout d’aplanir les différends de voisinage et de lutter contre les nuisances sonores.
Source : d’après EB « Mulhouse mise sur la vidéosurveillance », Le Monde, 4 janvier 2002.
LA COMMANDE PRIVÉE DE GARDIENNAGE
8Cette démarche, très répandue aux États-Unis comme en France dans le cadre d’espaces consacrés aux activités, s’est en outre, aux États-Unis, déployée dans des espaces résidentiels ou des territoires mixtes. Il s’agit d’assurer, de manière continue ou dans certains créneaux journaliers ou/et horaires, la surveillance d’espaces dans lesquels une ou plusieurs menaces sont identifiées, espaces dans lesquels la police ne peut établir une présence permanente.
9À cet égard donc, la commande vient compléter l’exercice d’une surveillance qui continue d’être fournie par la puissance publique. S’il est parfois question de « privatisation de tâches policières », l’abus de langage peut paraître évident : les fonctions des gardiens et gardes, en effet, ne peuvent être confondues avec celles des policiers. Par contre, si cette expression souligne la place croissante occupée par une telle commande, elle est justifiée. En particulier, car c’est en très grande partie sur cette commande que se sont constitués d’importantes entreprises spécialisées générant un nombre croissant d’emplois. Les données produites pour les États-Unis montrent toutes comment, durant la dernière décennie du xxe siècle, n’ont cessé d’augmenter les moyens privés de contrôle et surveillance. Aujourd’hui, les estimations les plus rigoureuses font apparaître que pour chaque agent public de sécurité existent trois agents privés et que les dépenses privées de sécurité représentent près de deux fois l’ensemble des dépenses publiques dans ce domaine. Nombre d’observateurs soulignent évidemment combien cette montée en puissance des entreprises privées de sécurité a correspondu à la diminution de la criminalité observée depuis le début de la décennie 1980, si l’on excepte évidemment le retournement de la période 1985-1991 (Benson, 1998). Des entreprises qui, toutefois, ne sont pas toujours comparables et n’interviennent pas dans tous les registres de la sécurisation : convoyer des fonds, contrôler des zones d’entrepôts ou des espaces commerciaux ne requièrent ni les mêmes outils, ni les mêmes méthodes que de surveiller des espaces résidentiels.
10Critical Intervention Service (CIS) : une entreprise multiservices de sécurité
Cette entreprise née dans l’agglomération de Tampa (Floride) est d’abord intervenue au début des années quatre-vingt-dix dans le champ résidentiel par son expertise et son rôle dans des ensembles de logements sociaux de l’agglomération où la délinquance et la criminalité étaient préoccupantes. C’est là qu’elle a mis au point une méthodologie qui n’est pas sans évoquer les politiques de tranquillisation, méthodologie qui depuis a été commercialisée auprès d’autres institutions gérant des parcs de logements rassemblant des populations en prise avec des problèmes de sécurité, en particulier à Miami, Jacksonville et Orlando.
Cette méthodologie baptisée Community and Character Based Protection Initiative (CCBPI) réside dans l’appréciation des besoins de sécurité entre résidants et officiers, la mise en œuvre de moyens appropriés et l’évaluation de la satisfaction de résidants qui doivent être en mesure, à terme, de reprendre le contrôle de leur communauté et de son territoire. Pour mettre en œuvre ce programme, trois phases successives apparaissent nécessaires. La première consiste à rendre imperméable la communauté à sécuriser vis-à-vis de délinquants ou de criminels extérieurs à celle-ci. Selon la nature de l’insécurité et l’intensité de celle-ci, cette phase peut être plus ou moins complexe et longue. Puis, à l’abri des influences criminogènes extérieures, la communauté peut alors commencer à travailler sur le comportement de ses membres, le contrôle social qu’elle se sent prête à exercer, la place qu’elle va réserver à des acteurs-clés. Enfin, la communauté peut envisager celui d’un développement considéré alors comme durable.
Durant la décennie 1990, cette entreprise a considérablement diversifié ses activités de sécurisation. En effet, depuis quelques années, CIS s’est orientée vers de nouvelles offres de protection dépassant très largement le champ résidentiel, y compris en matière de sécurité chimique. Elle demeure toutefois attachée à sa démarche initiale qui ne peut évidemment pas être déployée dans n’importe quel espace résidentiel.
J. Chevalier d’après CIS (cisworldservices. org/residential) et J. N. Boyce, « Landlords turn to commando patrol », Wall Street Journal, 18 septembre 1996, 1-B2.
11En France, on observe également un développement florissant d’un marché privé de la sécurité qui prend des formes variées (Ansidei, 1998 ; Marcus et Vourc’h, 1998). Selon F. Ocqueteau (1999), le nombre d’entreprises d’enquête et de sécurité recensé par l’Insee et leurs chiffres d’affaires a quadruplé entre 1981 et 1995, ce secteur employant désormais environ 100 000 agents recensés. Toutefois, nous connaissons peu d’exemples où des résidants, collectivement, contractent auprès d’une entreprise de gardiennage ou emploient directement ceux qui assurent la surveillance de leur espace résidentiel commun. Si l’on en croît les travaux existants, cette situation serait exceptionnelle et concernerait des domaines résidentiels d’exception comme le montre H. Belmessous (2000) à propos du Parc de Maisons-Laffitte. En France, donc, la démarche de gardiennage apparaît encore très individuelle et s’oriente principalement vers l’offre de protection de la résidence principale et/ou secondaire aux moyens de dispositifs techniques plus ou moins onéreux et efficaces, dispositifs parfois imposés par les compagnies d’assurances. Si aux États-Unis, cette démarche individuelle est entrée plus précocement dans les mœurs, elle peut se trouver compléter, bien plus fréquemment qu’en France, par un dispositif plus collectif et ambitieux, surtout là où des menaces réelles ou potentielles existent et où les résidants, en nombre suffisant, vont pouvoir s’acquitter d’une telle charge financière.
12L’Association syndicale du Parc de Maisons-Laffitte
Le Parc de Maisons-Laffitte fait partie de ces quelques grands lotissements chics de l’agglomération parisienne dans lesquels « les familles de la haute société interviennent dès le départ au niveau institutionnel et réglementaire, avec les cahiers des charges puis les plan d’urbanisme qui s’en inspirent […] pour maîtriser l’environnement résidentiel, tant du point de vue de sa composition sociale que de celui de l’aménagement et des paysages » (Pinçon-Charlot et Pinçon, 1994).
L’Association syndicale du Parc (ASP), établissement public administratif, a pour mission, entre autres, d’assurer la surveillance du domaine, tâche confiée à quatre gardes qui ont un pouvoir de police. Les rondes effectuées par les gardes ont bien entendu pour objectif d’éviter l’intrusion de délinquants, qui sont bien peu nombreux, d’ailleurs, à tenter l’aventure. Mais au-delà de la quiétude des résidants, les gardiens ont aussi pour mission de montrer aux occupants qu’ils doivent se conformer aux règles édictées par l’Association. Les gardes assurent donc aussi un rôle dans le contrôle social. Au-delà, les habitants sont également conviés à alerter l’Association des manquements qu’ils pourraient constater dans le comportement de leurs voisins. Ici, pour assurer la sécurité, on contrôle ce qui vient de l’extérieur, tout en se méfiant de ceux qui vivent à l’intérieur. L’ASP a donc, sous couvert de sécurisation, un rôle normalisateur de toute première importance.
F. Madoré et J. Chevalier d’après Pinçon M., Pinçon-Charlot M., « Propriété individuelle et gestion collective. Les lotissements chics », Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 65, 1994, p. 35-46 ; Belmessous H., « France : ségrégation haut de gamme », Urbanisme, n° 312, 2000, p. 62-66.
13La Midtown Ponce Security Alliance (MPSA), Atlanta, Géorgie4
Au nord-est de Downtown Atlanta, le quartier couvert par la Security Alliance correspond à un ensemble péricentral s’étendant entre Ponce de Leon et Piedmont Park. Il s’agit d’un quartier surtout résidentiel, formé à la fois d’appartements, de logements individuels et réunissant également quelques activités, en particulier le long de Ponce ou de Juniper Street, les deux voies qui ferment le quartier au sud et à l’ouest. C’est un ensemble plutôt de qualité ; la majorité des habitants appartient bien aux classes moyennes et même aisées.
Cet ensemble, comme tous les quartiers de la ville, est bien sûr couvert par la police d’Atlanta. Mais cette police, évidemment, ne peut veiller en permanence sur la sécurité des biens et des personnes, ni déloger tous ceux qui par leur présence sont considérés par les habitants, et surtout leurs riverains, comme source de menaces ou, pour le moins, contribueraient à dégrader l’image du quartier et donc les valeurs immobilières pratiquées. Ainsi sont particulièrement stigmatisés les mendiants au comportement parfois agressif, les dealers et les prostituées. Midtown a donné le jour à des associations. La Midtown Neighbors Association, déjà ancienne, ne s’est pas spécialement saisie des questions de sécurité et la Midtown Blue (émanation de la Midtown Alliance qui réunit les entrepreneurs du corridor de Peachtree Street) a bien vocation à répondre à des objectifs de sécurisation, mais uniquement dans l’espace où exercent ses financeurs, le long de Juniper Street. Il existe également une autre association, labellisée Neighborhood Safety Patrol (NSP) dont les objectifs sont similaires à ceux de la Security Alliance (elle finance quatre heures de patrouille les week-ends), mais celle-ci concerne seulement un petit secteur résidentiel non loin de Juniper Street. En quelque sorte, la Security Alliance vient donc combler un vide auquel ont répondu (situation août 2003) quelque 320 propriétaires résidants et plus de 80 entrepreneurs.
Pour mettre en œuvre son programme, et atteindre ses objectifs, l’Alliance estime qu’il lui faut financer des patrouilles pour 84 heures hebdomadaires, notamment de nuit et lors des week ends. C’est à ce prix – ce qui représente une dépense annuelle de 150 000 dollars – qu’elle peut se prévaloir d’avoir contribué à une nette diminution de la délinquance et de la criminalité au cours de l’année 2002-2003. Lever une telle somme suppose, évidemment, soit des contributions importantes de la part de membres en nombre limité, soit d’attirer un nombre grandissant de membres payant une contribution relativement modeste. C’est ce dernier choix qui a été fait, les ménages résidants contribuant chacun pour 250 dollars, mais, pour le moment, l’association parvient à réunir seulement 80 % de la somme nécessaire.
Même si le financement de patrouilles constitue le premier objectif, la Security Alliance n’en oublie pas pour autant les conseils donnés aux habitants, que ce soit pour leur habitation ou leurs véhicules, pour améliorer l’éclairage extérieur, se méfier des mendiants ou des SDF qui traînent ici où là ou encore de ceux qui, à bord d’automobiles, sont stationnés dans des endroits obscurs ou à des heures improbables. Dans tous les cas, il s’agit bien de faire fonctionner un ordre social et de repousser aussi loin que possible tout ce qui peut être source de dévalorisation.
J. Chevalier d’après MPSA et presse locale.
14Le Duck Key Security District (DKSD), Duck Key, comté de Monroe, Floride
Duck Key constitue une des îles de l’archipel des Keys, approximativement à mi-chemin de Key Largo et de Key West. Durant les années soixante-dix y fut établie une association de propriétaires dont les membres acceptèrent de financer des patrouilles afin de surveiller l’espace résidentiel. Pour mieux s’inscrire dans la législation de l’État de Floride, en 1991, l’association proposa de demander le statut de Safe Neighborhood Improvment District (ou Security District) auprès des instances du comté. Ce dernier appela les propriétaires à se prononcer par référendum l’année suivante, la majorité de ceux-ci acceptant de payer chaque année une taxe spécifique de 200 dollars par ménage afin d’assurer les services de surveillance.
Ces services sont assurés par une entreprise privée de sécurité (Eagle Security). Toutefois, cette présence plutôt rassurante n’est sans doute pas la seule raison pour laquelle la délinquance apparaît limitée. L’espace résidentiel à surveiller est en effet accessible par une seule voie d’entrée, se trouve coupé du centre par un canal franchi par un unique pont, se construit surtout sur la base de canaux résidentiels encadrant des voies terrestres se terminant en cul-de-sac. Autant dire que sans être une gated community, ni un espace conçu selon les principes du Crime Prevention Through Environmental Design (CPTED), il est bien difficile de passer inaperçu à Duck Key.
J. Chevalier d’après DKSD, Duck Key Online
(duckkeyonline. com/duck_key_community).
LES COMMUNITY POLICING : UNE SPÉCIFICITÉ ÉTATSUNIENNE
15Le paradigme de community policing s’est construit par le croisement de conceptions et de pratiques nées principalement à travers le monde anglo-saxon. Il n’est donc pas proprement étatsunien. Toutefois, il existe une histoire de la police et des relations entre police et population ainsi qu’un substrat légal et social particuliers aux États-Unis qui impriment des caractères propres aux démarches observables dans ce pays. Soulignons, en premier lieu, que le community policing s’inscrit dans la lignée de la mise en question du rôle de la police durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale (Smith, Novak, Hurley, 1997). En second lieu, le community policing se voit légitimé par l’incapacité de la police à lutter sur tous les nouveaux fronts de la délinquance et de la criminalité qui s’ouvrent au cours des années soixante-dix, alors que les instances publiques éprouvent la plus grande peine à financer correctement les nouveaux besoins de sécurité.
16Depuis la fin des années soixante-dix et le début de la décennie suivante, le rapprochement et l’interaction entre police et population ont donc constamment été recherchés, d’abord selon le principe du community-based avant de glisser vers le communityoriented policing5. Ainsi, les polices locales (celles des comtés et des municipalités) avouent leur impuissance à réduire, seules, la délinquance et la criminalité (les deux catégories du crime) et à répondre aux besoins multiples de sécurité s’exprimant dans les différentes strates de la société. Comme le dit le Département de Police de San Diego (et de bien d’autres villes), la sécurité publique est l’affaire de l’ensemble de la communauté, au sens large du terme : citoyens, entrepreneurs, travailleurs sociaux, associations, Églises, etc. (« Public safety is a citywide concern », SDPD, 2001).
17Derrière le paradigme de community policing se rencontrent des dispositifs variés justifiant l’emploi du pluriel. Cependant, deux idées générales s’expriment et donnent la cohérence à chaque dispositif. Ce sont toujours les institutions publiques qui décident d’impliquer les habitants et qui fixent les modalités de leur implication. Par ailleurs, une charte civique indique clairement les devoirs qui fondent la relation entre la population et la police.
18G. Billard : sources diverses.
19La régulation des devoirs citoyen et policier aux États-Unis
Les devoirs de tout citoyen :
Concernant la police, celle-ci doit également répondre à un certain nombre de prérogatives :
G. Billard d’après San Diego Police Department, Community responsabilities for making neighborhood policing work in San Diego, 1997.
20Reste que l’implication des habitants peut s’effectuer selon des modalités différentes et que les périmètres de construction collective et partenariale de la sécurité sont loin d’être identiques d’un lieu à un autre. Autant dire qu’il existe plutôt des expériences de community policing, expériences difficilement comparables dans la mesure où elles se sont construites selon des conditions locales toujours singulières. En aucun cas, ces expériences ne doivent être érigées en modèles et une seule de ces expériences ne peut résumer l’ensemble des initiatives6. Par ailleurs, aux côtés d’opérations labellisées par les instances fédérales, notamment le Department of Justice7, au travers de dispositifs fort différents par les populations ciblées, relayés inégalement par les juridictions locales, bien des initiatives sont nées aussi dans des comtés et municipalités avant parfois d’être empruntées, avec plus ou moins de réussite, par d’autres juridictions.
21Les principes et la mise en œuvre du community policing
Le community policing doit avoir un impact positif sur la réduction des délits et crimes, doit contribuer à diminuer le sentiment d’insécurité et ainsi améliorer les conditions de vie dans les différents quartiers. Il repose sur un effort continu de collaboration entre la police et les habitants des différents quartiers afin d’identifier la nature des activités délictuelles ou criminelles, des troubles et des désordres et d’aider la communauté d’habitants à trouver les solutions à ces problèmes.
Trois principes fondamentaux participent à l’élaboration d’une stratégie de community policing. Le premier réside dans la démarche partenariale : les habitants sont invités à entrer dans le processus de construction de la sécurité. En second lieu, cette démarche n’a de sens que si elle résout des problèmes réels à partir des solutions imaginées par les habitants eux-mêmes. Enfin, ceci conduit à transformer de manière importante l’organisation, le fonctionnement et le management de la police.
Comment cela fonctionne-t-il ? Il faut évidemment que la police devienne partie prenante de la vie des différentes communautés d’habitants, qu’elle participe aux événements sociaux, connaisse les organisations collectives, qu’elle appréhende également le quotidien de ceux qui vivent et travaillent dans les quartiers. La communauté, de son côté, doit accepter de devenir les « yeux et les oreilles » de la police, alerter celle-ci, voire anticiper sur l’apparition d’un problème afin que celle-ci puisse se positionner de manière proactive et plus seulement de manière réactive. Enfin, le dispositif doit régulièrement être évalué afin d’examiner si les objectifs sont tenus et si les principes de coopération, collaboration et coordination fonctionnent correctement.
J. Chevalier d’après Community Policing Consortium (communitypolicing.org).
Aux origines du community policing : réduire la criminalité dans les quartiers défavorisés
22Si les principes de la théorie des « broken windows » furent énoncés au début des années quatre-vingt, c’est principalement durant la seconde moitié de cette décennie que fut recherchée une traduction pratique. Cette période renvoie aux États-Unis à une phase d’accentuation vigoureuse de la criminalité (reposant essentiellement sur la propagation de l’usage de la drogue, en particulier du crack, dans de larges couches de la population, y compris parmi la fraction pauvre de celle-ci) alors que la décroissance, plus ou moins manifeste au cours des années soixante-dix, s’était consolidée avec le tournant des décennies 1970-1980. Les années 1985-1991 apparaissent bien comme des années sombres propices à effectuer un véritable virage, redéfinissant les missions de la police et son rapport à la population. C’est de ce virage qu’est née la stratégie de « tolérance zéro » remarquablement illustrée et médiatisée par le New York de Rudolph Giuliani, élu maire en 1993. C’est aussi de ce virage que sont nées les premières grandes opérations de community policing. En tout cas, quelles que soient les stratégies adoptées, la dernière décennie du xxe siècle témoigne d’une nouvelle décroissance continue de la criminalité.
23La période 1985-1991 montre clairement quels sont les ressorts de l’aggravation de la criminalité et par conséquent quels en sont les acteurs. Sont ainsi identifiés des espaces résidentiels considérés comme « criminogènes », espaces peuplés de populations de plus en plus déshéritées, abandonnées aussi par la puissance publique, y compris celle (la police) censée lutter contre le crime et qui, souvent totalement dépassée par ses techniques purement réactives, limite souvent son action à un simple cantonnement de la criminalité8. Il apparaît donc important d’agir d’abord dans ces espaces où fonctionnent de manière évidente les processus réciproques décrits dans la théorie des « broken windows ».
24Weed and Seed : le community policing et la requalification de quartiers déshérités
L’opération Weed and Seed, financée à partir de 1991 par le Department of Justice dans près de 120 juridictions réparties à travers l’ensemble des États-Unis, présentait deux facettes articulées. D’un côté, il s’agissait d’éliminer la « mauvaise herbe »(weed9) du crime, de la drogue et plus généralement de l’activité des gangs, de l’autre de favoriser la pousse de nouvelles « graines »(seed) par le biais de programmes d’intervention sociale et économique et de réhabilitation.
Dans cette politique globale, le community policing occupe une place importante.
En effet, dans les espaces où l’activité criminelle est la plus intense, il convient de restaurer le rôle de la police, en même temps qu’il apparaît impossible d’imposer seulement l’ordre de la police. Partant du constat de l’incapacité de la police à remplir correctement sa mission de lutte contre le crime, il convient donc de transformer les communautés les plus fragilisées par les activités délictuelles et criminelles pour en faire les coresponsables de la production de sécurité collective et de modifier profondément les modes d’intervention de la police. En quelque sorte, la police ne portera attention aux problèmes que si elle sent que la communauté est prête à se mobiliser pour l’aider dans sa tâche afin de trouver des solutions communes. Dans cette perspective, le community policing des opérations Weed and Seed est fortement centré sur la production d’informations, voire la dénonciation. La communauté est d’abord invitée à répondre aux questions élémentaires du renseignement : qui ? comment ? où ? quand ? et à se montrer moins tolérante (ou passive) qu’elle ne l’est à l’égard du crime et de ses auteurs (qui sont souvent des parents ou des enfants de la communauté).
J. Chevalier d’après US Department of Justice, Weed and Seed, Citizen action for neighbourhood safety, Washington D.C., Rapport préparé par l’Institut for Law and Justice, Inc. et le Center for the Community Interest, chapitre 9 -Working with the Police, 1997.
Le community policing « ordinaire »
25Par l’emploi de l’adjectif « ordinaire », nous désignons le community policing tel qu’il s’est progressivement répandu dans de nombreuses juridictions locales (comtés et municipalités). Sans que cette expansion, rappelons-le, soit très standardisée par les appellations et les contenus. Ce sont avant tout, en effet, les conditions locales de peuplement et d’insécurité qui déterminent, de manière pragmatique, les contenus et l’évolution de ceux-ci, au fur et à mesure que des problèmes seront atténués ou disparaîtront ou, au contraire, que de nouveaux problèmes apparaîtront. Aussi, les formes d’organisation comme les modalités d’action varient-elles beaucoup, ce qui n’empêche pas, malgré tout, de mettre au jour certaines constantes. La première repose sur une très stricte territorialisation de l’organisation. Les municipalités sont découpées en secteurs considérés comme cohérents, à la fois par les peuplements et les problèmes rencontrés. En second lieu, pour chaque secteur, la police est très personnalisée : les policiers ne sont pas de simples agents anonymes interchangeables ; les habitants peuvent connaître aisément leurs noms, leurs visages, le(s) numéro(s) de téléphone par le(s)quel(s) on peut s’adresser directement à eux, etc. Cette familiarité tient évidemment aussi à leur présence physique. La troisième constante apparaît dans la construction de « figures communautaires ». Des associations, des personnalités deviennent des partenaires essentiels comme autant de relais. Enfin, la question de la sécurité est appréciée de manière très large. Elle ne se limite pas aux seuls actes criminels ou délictueux. Elle concerne bien souvent la notion de « désordre social » (qui recouvre aussi bien la maltraitance que les violences domestiques mais peut être élargie à des nuisances, telles que le bruit ou la vitesse), porte également sur les questions relatives à l’insécurité routière. Par ailleurs, la question de la sécurité cible des populations considérées comme plus vulnérables (enfants, adolescents et personnes âgées notamment).
26Trois politiques de community policing dans le comté de Broward, Floride
Le community policing des services du Sheriff
Les policiers du comté interviennent à la fois dans les territoires non constitués en municipalités ainsi que dans des municipalités ayant contracté leur service de police auprès du Sheriff. Cinq programmes relèvent de la démarche d’implication des habitants dans les questions de sécurité. Parmi ces derniers, trois sont plutôt destinés à mobiliser les habitants dans leurs espaces de vie :
les COP (Citizen Observer Patrol) : par leur patrouilles, des résidants interviennent en appui aux propres démarches d’observation de la police ; ces patrouilleurs circulent en uniformes dans des véhicules identifiés,
la Citizens Academy : cette structure est chargée d’assurer la formation d’habitants aux questions de sécurité et de sécurisation,
la Senior Citizens Academy : en raison de la densité de personnes âgées, cette « académie » dispense envers cette catégorie de population une formation spécifique. En outre, les services de police du comté assurent le fonctionnement d’un programme de type « crime stoppers », récompensant tout résidant susceptible d’apporter des informations permettant l’arrestation de délinquants, criminels ou terroristes.
Le Fort Lauderdale Police Department (FLPD) et sa Community Support Division Depuis juin 1995, le FLPD déploie une stratégie de fourniture des services de police inspirée des principes de community policing. Pour ce faire, il a constitué des équipes de policiers dont la tâche spécifique est de travailler en étroite relation avec les habitants et leurs organisations ainsi qu’avec les autres services de la municipalité. Ces équipes ne se substituent pas aux patrouilles de police qui continuent d’être assurées de manière classique. Elles interviennent, selon les besoins, pour résoudre des problèmes identifiés. Ces équipes ne sont pas vraiment territorialisées. Elles ont plutôt pour vocation de répondre à des questions globales, relatives, par exemple, au trafic de stupéfiants ou à la prévention de la délinquance juvénile. En outre, le FLPD a créé le Community Policing Demonstration Center qui obéit à des logiques de formation (sous la forme d’ateliers ou de sessions) des résidants aux questions relatives à la sécurisation.
Le Hollywood Police Department (HPD) et le Neighborhood Policing
L’autre grande municipalité du comté de Broward s’est inscrite dans une démarche de community policing construite de manière différente. En effet, la réorganisation du fonctionnement des services du HPD s’est faite sur la base d’un découpage de la municipalité en 20 quartiers résidentiels auxquels ont été ajoutées deux équipes travaillant dans deux espaces spécifiques : le centre et la Broadwalk (promenade développée en façade de la plage). Ce découpage est cohérent avec celui des districts électoraux de la municipalité.
Chaque quartier est identifié à un officier de référence qui est le partenaire des organisations communautaires pour identifier et résoudre les problèmes, en liaison avec les autres services du HPD ou de la municipalité.
J. Chevalier d’après Broward Sheriff’s Office, Hollywood Police Department’s Community Oriented Policing Division, Fort Lauderdale Police Department Community Support Division.
27L’exemple d’une reconfiguration de l’action policière : le Community Crime Prevention à San Diego
Ce regard sur le cas de San Diego permet de saisir la complémentarité de plusieurs dispositifs (dans le cadre de la sécurisation des zones résidentielles) mis en place depuis plus de dix ans, dans l’espace municipal.
Bien avant le déploiement d’îlotiers et de programmes spécifiques, la première priorité pour le développement durable du community-oriented policing repose tout simplement sur la communication. Une communication à double circulation qui envoie de l’information en direction des citoyens (programmes effectifs, données sur la criminalité…) mais avec une police qui écoute, rassure, informe les habitants en dehors d’un contexte d’urgence. Dans la cas de San Diego, une ligne téléphonique ouverte du lundi au vendredi de 7 h à 16h30 (en supplément du 911, la ligne pour les demandes d’interventions rapides) permet à chaque citoyen d’obtenir des informations sur les moyens et les programmes auprès de l’un des interlocuteurs du SDPD (San Diego Police Department) dans le cadre du Community Crime Prevention Program. Pour rendre plus accessible ce service, une branche du site Internet officiel de la ville (www.sannet.gov) est entièrement dédiée au développement du community-oriented policing. Un autre dispositif est également effectif à San Diego : il s’agit d’une vingtaine de permanences (storefronts ou satellites) réparties sur l’ensemble du territoire municipal qui assure une présence policière de proximité entièrement tournée vers la communication. Ce ne sont pas des commissariats de quartiers mais des centres d’informations animés par des policiers et des bénévoles qui ont pour objectifs entre autres de sensibiliser les citoyens (organisation de conférences pour prodiguer des conseils pour la sécurisation des logements, traiter les problèmes juvéniles et familiaux ou encore coordonner des programmes mis en œuvre par les habitants). La mairie, avec le National Crime Prevention Council (NCPC – une association internationale, en partie financée par le Département de la Justice), diffuse aussi largement deux brochures qui, pour l’une, encourage à rejoindre un neighborhood watch et, pour l’autre, apporte des conseils de base afin de protéger son domicile.
Au delà de la communication, le SDPD a développé plusieurs programmes qui associent étroitement police municipale et citoyens. Le programme le plus connu est certainement celui des Neighborhood Watch Groups. À San Diego, chaque quartier possède au moins un neighborhood watch group (sauf dans le downtown). Encourager une telle démarche revient à admettre pour le SDPD qu’il ne peut y avoir un policier à chaque coin de rue et, à l’échelle d’un quartier, que les véritables experts pour entrevoir les choses inhabituelles sont ses habitants. La surveillance se déroule soit simplement de son logement (regard sur son voisinage proche), soit dans une patrouille sous la direction d’un leader communautaire. Préalablement formés à détecter les activités d’un gang, celles d’un trafiquant de drogue ou encore d’un cambrioleur, les membres des neighborhood watch group, par leur connaissance du terrain et du tissu social, deviennent des partenaires essentiels pour le SDPD. Ils assurent aussi la liaison entre la police et les habitants, permettent ainsi d’éviter une présence policière massive dans des quartiers où celle-ci pourrait être vécue comme une gène ou une provocation. Le SDPD ne s’en cache pas, la vocation d’un tel programme est aussi de renforcer le lien social (ou communautaire) entre les habitants et donc, par effet d’entraînement, une sorte d’autocontrôle social, lui-même générateur en général d’une baisse des délits intracommunautaires. Non armés, les neighborhood watch groups participent avant tout à une démarche de prévention. Le second programme soutenu par le SDPD est le Landlord Training Program, basé sur la responsabilisation des propriétaires qui louent leurs logements. Ils sont encouragés à entretenir des relations fréquentes avec leurs locataires, afin de tenir compte des attentes de ces derniers et ainsi prévenir les comportements indésirables pouvant découler d’un sentiment de frustration face à un problème lié au logement loué. Le SDPD pousse aussi les propriétaires à ne pas laisser leurs biens immobiliers se dégrader, notamment extérieurement, afin de ne pas participer à la détérioration de l’ambiance sécure du quartier (peinture effritée, fenêtre cassée, clôture endommagée…).
La ville de San Diego a aussi adhéré à l’opération nationale Night Out qui se déroule le premier jeudi de chaque mois d’août. À cette occasion, tous les habitants de San Diego sont invités à sortir de chez eux et à se réunir de manière conviviale en compagnie de policiers pour écouter des mini-conférences ou regarder des démonstrations. C’est une manière à la fois de se retrouver ensemble, de communiquer, de tisser des liens entre habitants mais aussi avec les forces de police. Symboliquement, cette manifestation a aussi pour objectif de montrer aux délinquants et criminels que les habitants sont solidaires et prêts à s’unir pour leur faire obstacle. Le métier de policier nécessite une formation pointue et avant de devenir un relais efficace à l’échelle d’un quartier, le citoyen doit d’abord lui aussi être formé. Que ce soit pour monter ou rentrer dans un neighborhood watch group ou plus simplement pour sécuriser son logement (techniquement ou par des gestes de bon sens), le SDPD offre des formations gratuites (ex. Landlord Training Program) et met à la disposition des habitants des experts en matière de protection des logements ou de prévention contre les gangs, les cambriolages, le trafic de drogue et les graffitis. Tous les habitants de l’agglomération de San Diego peuvent également suivre des formations gratuites dispensées par le San Diego Regional Community Policing Institute dépendant du COPS (Community-oriented policing service, Department of Justice). D’octobre à juin 2001, quatorze sessions de quatre heures sont organisées autour de différents thèmes : le développement du community-oriented policing, la médiation en situation conflictuelle, la gestion du problème des sans-abri, la prévention des délits environnementaux, la lutte contre les graffitis, la résolutions des conflits entre locataires… Outre les cours en anglais, l’institut dispense aussi cinq séances en espagnol. Il est bien entendu évident que la participation de la société civile à la sécurisation de son propre espace résidentiel ne peut se faire sans une formation initiale qui permet d’atteindre un premier niveau d’expertise apte à développer un degré d’autonomie suffisant. Néanmoins, il serait dangereux de franchir un pallier supplémentaire, l’encadrement par la police de l’action citoyenne ainsi que le monopole de la police sur des opérations plus lourdes (arrestations…) garantissant en théorie les dérapages partisans.
G. Billard d’après sources diverses.
Les « auxilliaires volontaires de police » : s’agit-il encore de community policing ?
28Avec le début des années deux-mille de nouvelles formes de mobilisation au sein des communautés d’habitants se manifestent, en particulier avec la mise en œuvre par Citizen Corps, émanation de la Federal Emergency Management Agency (FEMA), des Citizen Corps Councils et des organisations locales des Volunteers in Police Service (VIPS). Citizen Corps est devenu en 2002 un des éléments importants de la politique de sécurité intérieure mise en œuvre par l’administration Bush. Avec cette politique, il s’agit désormais de faire face à toute question de sécurité dont on sait, depuis le 11 septembre 2001, qu’elle peut prendre n’importe quelle forme, y compris la plus impensable. Pour ce faire, l’ensemble des forces de police ne peuvent suffire et il convient de mobiliser le plus grand nombre de citoyens, et leurs compétences, afin qu’ils les secondent de manière bénévole.
29VIPS représente donc un des programmes, géré par l’IACP (l’association des chefs de police). Dès le début de l’année 2004, plus de 730 programmes étaient déjà recensés, mobilisant plus de 40 000 volontaires dans l’ensemble des États-Unis10. À bien des égards, il s’agit souvent d’activer ou de réactiver des organisations qui ont déjà fait leur preuve dans les démarches de community policing ou d’associer des organisations communautaires de surveillance. Mais il est manifeste que de nouvelles orientations sont données. La première, et la plus nette, réside dans un retour au rôle déterminant des organisations de police. Les habitants sont invités à être surtout « des yeux et des oreilles » ou à apporter leurs compétences particulières pour aider la police dans ses tâches complexes ou en cas de crise majeure. La seconde est dans l’élargissement considérable des questions de sécurité. Désormais, il ne s’agit plus seulement de faire face à des auteurs de troubles, de désordres, de vols et de violence, ni de porter une attention particulière à tous ceux qui, des dealers aux consommateurs, font encore fonctionner le marché criminel et criminogène des drogues ; il faut aussi s’intéresser à tout fait suspect pouvant laisser penser au développement d’initiatives de nature terroriste dont on sait qu’elle sont encore plus imprévisibles. La troisième porte sur l’objectif. Les « auxilliaires volontaires de police » n’ont plus seulement vocation à se déployer, avec la police, en amont des questions de sécurité. Ils doivent pouvoir aussi participer en aval, avec l’ensemble des organisations chargées de répondre aux situations d’urgence, à toute crise majeure de sécurité.
30S’appuyant donc sur les logiques du community policing, et dans une perspective vigoureuse de (re)mobilisation des habitants, les orientations définies depuis 2002 semblent aller bien au-delà de ce qu’était devenue la prise en charge communautaire de fonctions de police.
Quels bilans pouvons-nous établir : quelle participation communautaire, quelle police, pour quels objectifs ?
31Différentes études produites ces dernières années formulent quelques réserves quant la réelle efficacité d’une démarche de police de proximité sans remettre en question toutefois la philosophie d’ensemble du community policing, même si certaines réorientations s’avèrent nécessaires (Greene et Masfroski, 1988 ; Harcourt, 2001 ; Smith, Novak et Hurley, 1997). Ainsi, A. Jiao (1998) argue que la police de proximité doit faire face à trois difficultés : celle de prévenir les crimes et délits, de changer la mentalité policière et la manière de travailler des agents ainsi que le manque de mobilisation sur le long terme des habitants. La première de ces difficultés est d’ordre structurelle et renvoie au côté aléatoire de l’insécurité qui, géographiquement et socialement, reste pratiquement impossible à anticiper. Sans sous-estimer cette difficulté-là, il semble malgré tout que les deux autres limites soient plus intéressantes à explorer.
32Tout d’abord, comme le souligne M.-E. LeBeuf (1998), historiquement la police n’est pas habituée à travailler avec les citoyens et pas forcément non plus préparée à mener une action qui ne touche pas directement la criminalité ou l’ordre public. En effet, les fondements du community policing reposant sur la coproduction d’actions avec les résidants et les partenaires sociaux, sur un échange permanent d’informations à double sens et sur une démarche éducatrice de prévention, tout ceci n’est pas sans perturber l’ordre historiquement établi entre police et habitants. Par ailleurs, l’organisation quasi militaire et le manque de flexibilité de la police constituent souvent un obstacle majeur face à une échelle géographique et sociale de travail qui nécessite fréquemment la prise en compte du cas particulier (Jiao, 1998). Nous pouvons même aller plus loin en posant la question des capacités des policiers à adhérer à cette démarche du community policing. La police doit en effet sortir de son simple rôle d’expert de la sécurité publique pour s’ouvrir vers un service à la clientèle (LeBeuf, 1998), mais ce mouvement doit s’accompagner d’un investissement indispensable de la part de la hiérarchie policière : une véritable sélection, formation et valorisation des hommes évoluant sur le terrain sont nécessaires.
33L’autre limite importante au déploiement du community policing est inhérente au type d’acteur à solliciter : le citoyen, plus exactement le citoyen bénévole. S’il paraît plus facile de mobiliser certaines catégories de résidants (retraités, anciens policiers ou militaires, leaders d’associations de quartier ou d’organisations caritatives notamment) il reste difficile d’enrôler, de former des bénévoles et de les mobiliser à long terme afin de construire des liens stables et structurés avec la police. L’aspect hétérogène de la société constitue donc un obstacle. Les catégories sociales les plus fragilisées économiquement et les moins stables d’un point de vue résidentiel ont beaucoup de mal à se mobiliser et à inscrire leurs actions dans la durée. Comme bien souvent ceux qui appartiennent aux couches moyennes aisées qui, malgré leur plus grande stabilité résidentielle a priori, éprouvent aussi des difficultés à s’impliquer dans des opérations destinées à améliorer leur sécurité. Par ailleurs, une trop grande montée du pouvoir des citoyens en matière de sécurisation des espaces résidentiels peut avoir des effets pervers. Le danger est réel de voir s’imposer un contrôle social informel, dépassant celui exprimé par la demande sociale, voire outrepassant la loi (Greene, Mastrofski, 1988). La difficulté repose toujours sur l’introspection préalable, et continue, que doit conduire tout groupe communautaire concernant ses normes admises et le seuil de tolérance qu’il doit définir en harmonie avec le droit commun. Une vision différenciée de la notion de déviance ne doit pas déboucher sur une action préventive ou répressive qui sortirait du cadre formel de la loi et remettrait en cause les libertés individuelles.
34Enfin, les premières années du xxie siècle interrogent la question de la sécurité et donc de la sécurisation. La crise de criminalité 1985-1991 avait provoqué la « guerre contre la drogue », le community policing étant largement déployé et instrumentalisé plutôt pour répondre à des situations géographiques et sociales touchant plus spécialement des quartiers en difficulté aux populations appartenant aux minorités. La crise de confiance envers les conditions de sécurité intérieure ouverte en 2001, et les réactions qui ont suivi dès 2002, inaugurent sans doute une nouvelle période du commmunity policing, sans toutefois que l’on puisse actuellement voir très clairement comment celui-ci se trouve réinstrumentalisé, avec quels objectifs, et pour quels espaces résidentiels.
SURVEILLANCE ET GARDIENNAGE COMMUNAUTAIRES
35Sont ainsi désignées les formes organisées, plus ou moins durables dans le temps, par lesquelles des groupes d’habitants, souvent voisins, s’engagent à adopter un comportement d’attention, afin de défendre la collectivité de tout désordre, nuisance ou intention délictueuse. Deux démarches, témoignant chacune de niveaux d’observation bien distincts, peuvent être individualisées : les « groupes de voisins attentifs » (neighborhood watch) et les « volontaires en patrouille ». Ces initiatives sont évidemment encouragées par la police et, bien souvent, les postulants reçoivent une formation adéquate ou pour le moins la visite d’agents venant rappeler quelques principes.
Les programmes Neighborhood Watch
36Il s’agit d’initiatives anciennes, apparues au cours des années soixante, et beaucoup développées à partir des décennies 19701980, au fur et à mesure que s’étendaient les espaces résidentiels suburbains11. Bien souvent, dans ces nouvelles zones de peuplement peu dense et parfois épars, la présence policière ne pouvait être que discontinue dans le temps et l’espace. Aussi, les groupes d’habitants acceptaient-ils volontiers de s’engager à prêter une attention particulière à leur voisinage immédiat, à s’alerter de toute présence ou de tout mouvement suspects et en fin à avertir la police en cas de nécessité. Par cette démarche, il convenait bien de s’inscrire dans un projet communautaire : participer à cette cosurveillance, c’était se considérer à la fois comme membre de la communauté et coresponsable des intérêts de ses voisins.
37Cette démarche ne s’est guère démentie depuis. Bien des entrées des nouveaux lotissements arborent les habituels signaux montrant d’une part combien les intrus sont indésirables (« no trespassing », « no entry »12)et, d’autre part, que les voisins sont attentifs à toute violation de ces instructions13 par le fameux panneau « crime watch neighborhood ». Et ceci n’exclut pas certaines gated communities, notamment lorsque celles-ci, les plus nombreuses, ne disposent pas de personnel de sécurité ou de patrouilleurs de sociétés de gardiennage.
38Les suggestions de l’Officier Eisenberg faites aux membres du « Crime watch and Safety focus Group » de Lake Forest, Dallas, Texas
L’Officier Robin Eisenberg est membre de la Police de Dallas. Elle a été conviée par le comité chargé de la sécurité de Lake Forest, une gated community située dans la partie septentrionale de la ville, à visiter celle-ci et à faire des suggestions pour améliorer les conditions de sécurité de l’ensemble des résidants.
Après avoir rappelé qu’une gated community limite l’accès mais ne constitue pas une zone parfaitement sûre, sa rapide expertise le conduit à signaler l’intérêt de renforcer la sécurisation passive. Il manque notamment des panneaux « no tres-passing », « no entry » explicitant la non intrusion aux entrées du domaine mais aussi pour la rappeler dans des endroits considérés comme stratégiques. Il faut également prêter une plus grande attention aux éclairages et encourager les occupants à développer des éclairages complémentaires se déclenchant si possible à la détection de mouvements. Il faut aussi rappeler aux résidants que les voitures ne doivent pas stationner la nuit à l’extérieur : même dans une gated community, le meilleur moyen de se protéger du vol de véhicule, ou de ce qu’il renferme, est de le rentrer au garage et de fermer celui-ci à clef. Enfin, la question de l’alerte en cas d’observation d’une intrusion suspecte ou d’un désordre mérite d’être éclaircie. Le 911 (numéro des urgences) doit être utilisé systématiquement si l’on souhaite une intervention d’urgence, donc rapide. Les autres numéros (propres à l’entreprise de sécurité qui gère les portes de Lake Forest ou du commissariat de quartier) que connaissent les résidants ne doivent être utilisés que pour des interventions non urgentes.
J. Chevalier d’après The Lake Forest Community Association, Crime watch and Safety focus Group, minutes de la réunion du 18 mars 2002.
Les patrouilleurs
39Plusieurs labels (Neighborhood Patrol, Volunters in Patrol, Neighborhood Safety Patrol, etc.) désignent des organisations communautaires établissant, sur la base du volontariat, des tâches de surveillance. Cela suppose la mobilisation de groupes d’habitants, prêts à mettre une part de leur temps au service de la collectivité et qui s’engagent, dans la durée, à se retrouver, à des moments déterminés, pour assurer une surveillance en mouvement (à pieds ou en voiture). Par cette mobilisation, ces ensembles de voisins témoignent d’une préoccupation de sécurité plus manifeste qu’au travers du simple crime watch ; ce qui ne signifie pas que la mise en place de patrouilles soient le fait de zones résidentielles gravement perturbées par la délinquance ou la criminalité. Plus prosaïquement, la mise en œuvre de ces patrouilles permet souvent aussi aux résidants de réaliser une réelle économie en ne recourant pas à une entreprise de gardiennage.
40The Spring Creek Volunteers In Patrol, Dallas, Texas
Spring Creek est un des quartiers résidentiels septentrionaux de Dallas. Il s’agit d’un ensemble formé de quelque 500 maisons individuelles de plain-pied ou à deux niveaux, de deux ensembles d’appartements et de deux petits centres commerciaux. Ce quartier, aux rues larges bordées d’arbres devenus majestueux, fut développé pour les classes moyennes durant la première moitié des années soixante. Certains résidants vivent ici depuis les origines et sont aujourd’hui des retraités. Ceci n’empêche pas une certaine mixité des générations, ce quartier étant notamment recherché par des familles. Une association (The Spring Creek Civic Organization -SCCO) est chargée d’assurer les différents aspects de la gestion collective, dont celui de la sécurité. Entre autres, la SCCO a vocation à maintenir un cadre de vie tranquille, paisible, où les parents peuvent sentir que leurs enfants sont en sécurité, dans lequel les résidants peuvent faire sans souci leur marche (ou leur jogging) du matin ou de soirée.
L’initiative de créer des patrouilles constituées de résidants est venue en 1988. Il s’agissait alors de passer d’une organisation de type crime watch neighborhood classique à une mobilisation plus proactive. C’est seulement en 1992 toutefois que les patrouilles sont devenues réellement opérationnelles sous le label VIP (Volunters in Patrol), au point d’ailleurs que cette organisation, soutenue par le Dallas Police Department, va servir d’exemple pour monter des organisations similaires dans d’autres quartiers de la ville. Les patrouilles sont effectuées en voiture, chaque véhicule étant occupé par deux patrouilleurs. Elles consistent à effectuer un déplacement continuel durant deux heures. Les séquences de patrouille sont définies selon des horaires changeants, soit en journée, soit tard le soir voire la nuit. Par ailleurs, une crime watch hotline est à la disposition des résidants pour signaler toute activité suspecte qui ne relève pas, toutefois, d’une demande d’intervention urgente de la police. Bien entendu, les accès au quartier signalent de manière explicite aux visiteurs l’existence de ces patrouilles.
J. Chevalier d’après SCCO et VIP, 2003.
41Sun City Hilton Head, comté de Beaufort, Caroline du Sud : désormais, des résidants contribuent à la protection de la gated community
Au printemps 2001, suite à l’initiative du Sheriff du comté de Beaufort, 130 des quelque 3500 habitants de cette ensemble fermé réservé à des « adultes actifs » ont participé à la première session de la Sheriff’s Citizens Academy. Cette dernière n’est évidemment pas destinée à former des policiers mais des résidants à l’observation pertinente dans le but de réduire les désordres, notamment ceux associés à l’action de délinquants. Il s’agit là d’une formation qualifiable de proactive. Démarche considérée d’ailleurs comme de qualité puisque d’une durée de 37 heures, alors que la législation de l’État exige seulement huit heures de formation pour ceux qui postulent au gardiennage de portes dans des gated communities.
Au cours de neuf soirées, ces « suncityniens » ont pu à la fois connaître les limites de leurs interventions, apprendre à organiser des patrouilles et approcher des suspects, effectuer les contrôles et la circulation aux portes. Ainsi, au terme de cette formation, sont-ils capables d’assurer des vacations complémentaires à celles qu’apportent les agents de sécurité employés par le Sun City’s Safety and Service Advisory Committee. En effet, ceux qui se sont portés volontaires vont désormais, au moins durant une année, fournir des vacations hebdomadaires de quatre heures, toujours de jour, soit aux portes, soit en patrouilles.
Pour quelle raison autant de résidants se sont-ils portés volontaires ? Évidemment « pour améliorer les conditions de sécurisation », « contribuer à faire encore reculer le crime » pour reprendre les expressions familières du community policing. À Sun City Hilton Head, en 2000, cela est apparu aussi comme le moyen de faire réaliser une économie annuelle de 350 000 dollars à l’ensemble des ménages, soit 150 dollars de charges en moins pour chacun. En effet, les volontaires vont progressivement remplacer, durant les heures de journée, les gardes rémunérés par la communauté, ces derniers assurant à terme seulement le service de nuit. Pour ce faire, les 130 premiers résidants formés ne sont cependant pas suffisants. Il faudra au total 250 volontaires disponibles afin de disposer des 28 résidants gardes-patrouilleurs nécessaires chaque jour.
Évidemment, la mise en œuvre d’un tel dispositif suppose des conditions particulières. Les « suncityniens » sont tous retraités et disposent donc de temps à consacrer à leurs activités personnelles et collectives. Par ailleurs, ils apparaissent fortement impliqués dans la construction d’un entre-soi qui s’évalue, pour partie, par le service à la communauté que chacun peut rendre, selon ses compétences. Ces conditions ne sont pas reproductibles en n’importe quel lieu.
J. Chevalier d’après S. Broadbent, Carolina Morning News, 4 mai 2001.
42La situation observée à Sun City Hilton Head soulève en fait des questions très générales : jusqu’où faut-il (peut-on) aller en matière de sécurisation résidentielle collective ? à quel prix (ou avec quelle implication des ménages) est-il supportable d’assurer cette sécurisation ? Ces questions ne peuvent recevoir de réponses standardisées. Et elles apparaissent de plus en plus souvent posées. Ne serait-ce qu’en raison des superpositions de dispositifs, privés et publics, qu’il faut toujours finir par payer d’une manière ou d’une autre (en dollars ou/et en temps personnel), sans que les payeurs aient finalement une claire perception de l’efficacité réciproque de ces dispositifs. Dans certains cas, surtout évidemment dans des zones considérées comme sûres, les habitants finissent par se lasser de la rhétorique sécuritaire, y compris celle véhiculée dans leur association de propriétaires ou de voisinage et se soustraient activement, plus fréquemment passivement, d’obligations collectives qui ne paraissent plus (pas) s’imposer.
43Un point de vue désabusé sur la sécurisation résidentielle communautaire : le vice-président à la sécurité collective de la Lake Claire Neighbors Association, Atlanta, Géorgie
Le quartier de Lake Claire (qui doit son nom au croisement de deux voies Lakeshore et Claire Drives et non à la présence d’un lac) se situe dans Midtown Atlanta, en bordure orientale de la ville, avant d’entrer dans la municipalité de Decatur. C’est un vieux quartier couvrant quelque 120 hectares, progressivement occupé après la charnière fin xixe-début xxe siècles, soit par la construction de petits groupes de maisons, soit, plus fréquemment, par des investisseurs individuels. Au milieu des années trente, fut installé ici le Lake Claire Garden Club. Cela donne au quartier, qui compte environ 1200 habitations, un caractère bien marqué, à la fois par la diversité des constructions et les traits très soignés des environnements végétaux. Des habitants ont constitué depuis plusieurs décennies une association de voisinage qui représente le quartier auprès de autorités locales (ville et comté de De Kalb), organise des événements sociaux, est censée contribuer à la sécurisation du quartier par l’organisation de patrouilles.
Début 2001, le vice-président de l’association en charge des questions de sécurisation (C. Mercer) s’exprimait sur le bien fondé de sa mission et sur la perspective de maintien des patrouilles. Ainsi, il faisait part de son désappointement vis-à-vis du comportement de nombreux habitants à ne plus prendre les précautions élémentaires pour éviter la délinquance la plus fréquente dans le quartier, celle d’opportunité. Le vol n’était pas vraiment dû à des effractions mais portait de plus en plus tout simplement sur des objets laissés dans les jardins, des habitations quittées sans que soient closes les portes, etc. À quoi bon rappeler les consignes, s’associer aux policiers du Département de Police de la Ville, faire patrouiller des volontaires pour obtenir ces résultats, questionnait-il. Rappelant, à cette occasion, que les 50 dollars versés chaque année par chaque adhérent pour assurer le financement des patrouilles de volontaires ne suffisaient pas. En 2004, la question de la disparition des patrouilles est bien à l’ordre du jour.
J. Chevalier d’après Lake Claire Neighbors Association, en particulier les lettres d’information de cette association et son site Internet (lakeclaire.org).
44Dans des quartiers où la question de la criminalité, et même de la délinquance, ne s’est jamais vraiment posée avec une grande acuité, comment maintenir une préoccupation sécuritaire collective ? Surtout, lorsque les habitants tendent à faire confiance davantage aux dispositifs individuels de sécurisation qu’aux entreprises collectives. Pour que les processus collectifs puissent fonctionner et perdurer, certaines conditions doivent être réunies. La stabilité du peuplement en est une ; sans elle ne peut guère se construire une réelle implication dans les affaires collectives. Cette stabilité ne peut pas être garantie, surtout dans des quartiers péricentraux d’agglomérations dynamiques.
LA POLICE DE PROXIMITÉ : LA FRANCE À L’ÉCOLE DU COMMUNITY POLICING ?
45Le terme de « police communautaire » n’ayant aucun écho en France, entrevoir une comparaison avec le cas nord-américain passe plutôt par un regard sur la notion de police de proximité. En contradiction apparente avec l’installation durable depuis la fin du xixe siècle d’une police d’État qui maîtrise l’espace public et fait respecter la propriété privée et la morale sous la houlette des préfets quel que soit le lieu (Ocqueteau, 1999), la notion de proximité n’émerge réellement en France qu’en 1977, dans le rapport « Peyrefitte ». Dans ce document, il est en effet recommandé d’accroître la densité des forces de sécurité dans les zones nouvelles d’urbanisation en insistant sur le développement de l’îlotage et l’aménagement de petits postes de quartiers. Cette sensibilité naissante à la police de proximité peut sans doute s’expliquer par deux phénomènes majeurs.
46Tout d’abord, il convient de rappeler que la France a glissé d’une police municipale encore très présente pendant la IIIe République à une police d’État aux prérogatives renforcées en 1941 sous l’influence de F. Darland. La police a ainsi perdu ses missions de tranquillité, de salubrité et de sécurité locale pour se reconcentrer sur une tâche de maintien de l’ordre public politique, avec un préfet au rôle renforcé (Montjardet, 1999). J.-L. Laffont (1999) rappelle ainsi que dès le milieu du xiie siècle, les polices municipales, ancêtres de la police de proximité, ont commencé à émerger en France (cas de Toulouse par exemple avec les Dizeniers). Les polices municipales de voisinage se sont professionnalisées au cours du xviiie siècle et certaines se sont dotées de commissaires de quartiers ayant compétences pour verbaliser et perquisitionner. Le triomphe de la fonction policière régalienne avait donc enfoui la police de proximité ou de voisinage à la française sans néanmoins définitivement la condamner.
47Deuxièmement, comme pour les États-Unis, la généralisation des patrouilles automobiles a coupé le policier du monde extérieur : l’automobile confine le policier, il devient peu accessible au citoyen en même temps qu’elle le rend presque sourd et aveugle ; le policier n’occupe plus la rue, il l’emprunte (Monjardet, 1999). Ce constat est d’autant plus pertinent que la hausse de l’insécurité dans les années soixante-dix relève plutôt de la montée de la petite et moyenne délinquance urbaine peu sensible au déploiement technologique de la police moderne. Le fait d’abandonner physiquement la rue a sans doute facilité l’appropriation des lieux par les délinquants, il apparaissait donc logique que la « réoccupation » du terrain par des forces de police pédestre ou à vélo soit perçue comme une stratégie pertinente.
48Curieusement, pour B. Jankowski, citée par J.-L. Laffont (1999), si les premiers îlotiers font leur apparition en 1982 et si le discours officiel s’empare de cette notion de police de proximité en 19881989, cette dernière relève d’une préoccupation réelle récente et reste donc de fait relativement floue. L’étape clé dans sa mise en place date de l’aggiornamento de la gauche sur les questions de sécurité illustré par le colloque de Villepinte de 1997, où le gouvernement Jospin à dominante socialiste consacre la sécurité grande cause nationale, avec la lutte contre le chômage. Néanmoins, preuve des difficultés de déploiement de la police de proximité en France, en 2001, J.-P. Chevènement, qui a soutenu en tant que ministre de l’Intérieur le principe d’une police réorganisée, admettait que « la solitude, le sous-encadrement, l’inexpérience et l’insécurité des agents plongent les effectifs de la police de proximité dans une véritable détresse14 ». Manque de gratification de l’îlotier, dévalorisation de l’image du policier, difficulté à discerner le délinquant dans son quotidien du « bon citoyen », la police de proximité a du mal à trouver ses marques en France. Selon D. Monjardet (1999), l’essor de la police de proximité passera par une meilleure interconnaissance du couple police/citoyen, ce qui suppose concrètement de stabiliser géographiquement les effectifs de police pour qu’un lien durable et une confiance puissent se tisser entre les deux parties ; une meilleure communication et une acceptation de l’interpellation citoyenne de la part de la police s’avérerait également être un facteur déterminant.
49Si « l’État a beaucoup de mal à relever seul le défi sécuritaire » (Ocqueteau, 1999), le recours aux adjoints de sécurité, aux agents locaux de médiation sociale ou simplement à une police municipale (environ 12 000 agents) et privée (le nombre de sociétés d’enquête et de sécurité serait passé de 606 à 2568 entre 1981 et 1995) est venu pallier en partie ce besoin d’une sécurisation de proximité. Mais contrairement aux États-Unis et malgré une police qui cherche aussi en France une légitimité en tant que service public, il semble difficile d’envisager une police communautaire à la française : « La participation populaire des citoyens à la surveillance de leurs biens au sein de patrouilles de voisinage n’a, quant à elle, jamais réellement fonctionné sur notre continent » (Ocqueteau, 1999). Le récent cas de Douai démontre d’ailleurs le malaise entourant la mise en place d’une coproduction policière en France.
50Les citoyens-relais de Douai
Confirmant l’aspect atypique de la démarche en France, en novembre 2003, l’AFP se faisait l’écho d’une opération initiée par la ville de Douai (Nord) pour recruter parmi les habitants des citoyens-relais qui auront pour mission de signaler aux autorités les délits et incivilités commis dans leur quartier. La police voit simplement dans cet appel une opportunité pour promouvoir « l’esprit civique des citoyens dans une volonté de concrétiser les liens sociaux qui ont besoin d’être renforcés ». Pour le commissaire Maréchal, les citoyens relais joueront un rôle d’intermédiaires entre la population et la police, ils feront office de porte-parole et non d’indics. Cette initiative au cœur d’un débat politique local très vif est soutenue par le maire J. Vernier (UMP) qui ne voit en rien un appel à la dénonciation mais plutôt un moyen pour la police d’obtenir plus de renseignements sur un fait de délinquance : « Il est nécessaire que les citoyens surmontent leur peur des représailles et fassent part de ce qu’ils ont vu car ils sont les meilleurs observateurs de ce qui se passe dans leur quartier. » À l’inverse, le conseiller général de Douai (PCF) considère la démarche de la police comme un appel à la délation et craint les dérives.
G. Billard d’après Dépêche AFP du mardi 18 novembre 2003, 16h12.
Notes de bas de page
1 Ce sens est celui de « safe » employé en anglo-américain. Cet adjectif permet, toujours en anglo-américain, de distinguer safety de security, graduation lexicale des questions relatives à la sécurité difficile à opérer en langue française.
2 Cette théorie développe deux facettes. La première, et la plus souvent citée, insiste sur la relation réciproque entre état de l’environnement matériel, expression d’un sentiment d’insécurité et délinquance. Les « fenêtres cassées », non réparées, constituent une dégradation matérielle signifiant la disparition des contrôles et le délaissement. Pour le délinquant potentiel, cette dégradation est interprétée comme la possibilité de passer à l’acte sans craindre une réaction. Pour les habitants, elle est interprétée comme le signe qu’ils sont impuissants à maîtriser leur environnement, abandonnés à leur sort, ce qui amplifie le repli sur soi. Ainsi le sentiment d’insécurité croissant favorise-t-il la délinquance. La seconde facette de la théorie énonce la capacité des habitants à reprendre en mains leur destin si les missions de la police sont redéfinies, et qu’elle participe à la coconstruction des conditions nouvelles de la sécurité. Ce second volet de la théorie a donné lieu à des interprétations très différentes : de la « tolérance zéro » à la « police communautaire ».
3 Ce rapport « Face à la délinquance : prévention, répression et solidarité », conçu par la commission des maires sur la sécurité présidée par G. Bonnemaison fut remis en 1982. Il préconisait notamment la création du Conseil national et des conseils départementaux et locaux de prévention de la délinquance.
4 Cette organisation sans but lucratif née au début des années deux mille, dont l’objectif est de contribuer à contrer les entreprises délictuelles et criminelles dans le quartier afin d’accroître la qualité de vie de ceux qui y vivent et travaillent, communique bien, notamment par son site Internet (midtownponce.org) où peuvent être trouvées des informations complémentaires.
5 L’expression courte community policing se substitue de plus en plus souvent aux formulations plus longues : community-oriented et community-based policings. Le raccourci permet évidemment d’éviter le débat sur la place des habitants dans la coconstruction de la sécurité. Based signifie que les habitants représentent le socle de la coconstruction. Oriented témoigne seulement, en quelque sorte, de la nécessité pour la police de travailler avec les habitants. Après une vingtaine d’années d’expérimentations et les démarches initiées après l’adoption du Crime Bill de 1994 et les nouvelles orientations en matière de sécurité intérieure faisant suite aux attaques terroristes de septembre 2001, il n’est pas sûr que la distinction entre community-oriented et community-based soit encore pertinente.
6 Pour aussi intéressant que soit le cas de Chicago, il faut noter la place excessive (pour ne pas dire exclusive) que celui-ci a pris, à la charnière de la fin des années quatre-vingt-dix et du début des années deux-mille, dans la littérature scientifique et journalistique française. Nous le retrouvons notamment dans le travail de S. Body-Gendrot, Les villes face à l’insécurité : Des ghettos américains aux banlieues françaises, Paris, Bayard, 1998, celui de J. Donzelot et A. Wyvekens (2000) et un article de E. Klinenberg, « Patrouilles conviviales à Chicago », Le Monde Diplomatique, février 2001, n° 563.
7 Le Department of Justice (DOJ) a instituté en 1994 le COPS (Community Oriented Policing Service) dont le rôle a été d’aider les agences de police à developer des stratégies de community policing. Outre des subventions, c’est principalement à partir des Regional Community Policing Institutes (RCPIs) et du Community Policing Consortium que la formation des polices fut faite. Cependant, des institutions universitaires ont contribué elles-aussi à populariser le community policing et à initier des programmes de formation. Par exemple, la School of Criminal Justice de Michigan State University, à travers son National Center for Community Policing fondé en 1983 par R. C. Trojanowicz (un des fondateurs du community policing), ne cesse de conduire et des interventions et des recherches sur ce sujet.
8 C’est à cette époque que le sociologue noir de l’Université de Chicago W. J. Wilson publie son ouvrage The truly disadvantaged – The inner city, the underclass, and public policy, Chicago, The University of Chicago Press, 1987. Cet ouvrage donnera naissance à un ensemble de travaux touchant l’underclass, définie comme catégorie de population victime de l’exclusion, et souvent considérée à la fois comme victime et actrice de la montée de la criminalité. Cette époque est aussi celle durant laquelle, à partir des années 1981-1984, sont redéfinis les termes des politiques urbaines en vigueur jusqu’alors, notamment par un désengagement de l’échelon fédéral et la dévolution aux États et institutions locales du traitement des questions sociales les plus lourdes.
9 Le mot weed a un double sens : il désigne à la fois la « mauvaise herbe du jardin » et « l’herbe à fumer » (tabac, marijuana (ou « herbe »)). La « mauvaise herbe » en question renvoie autant aux personnes qui sont les actrices de la montée criminelle (en particulier les dealers) qu’à la cause principale de cette montée : la drogue, même si à l’époque ce sont davantage les dérivés de la cocaïne plus que la marijuana qui provoquent cette accentuation de la criminalité.
10 Des informations plus complètes peuvent être trouvées sur les sites Internet des organisations citées : citizencorps. gov (liste et cartes des Citizen Corps Councils et des VIPS), policevolunteers. org (liste des différents programmes locaux avec renvoi sur les sites des polices locales organisant et gérant ces derniers).
11 Reprenant une vieille tradition de surveillance de l’époque coloniale, les programmes Neighborhood Watch furent organisés, labellisés et gérés, à partir de 1972, par le National Neighborhood Watch Program dépendant de la National Sheriffs’ Association. Leur rôle fut évidemment réactivé lorsque la police (des comtés ou des municipalités) a développé des stratégies de community policing. En effet, ces associations pouvaient devenir aisément les « yeux et les oreilles » de celle-ci. Depuis 2002, avec la nouvelle politique de sécurité intérieure mise en œuvre par l’administration Bush, ces associations sont invitées à fonctionner activement et de nouvelles associations à apparaître là où elles sont inexistantes. Avec le temps, la vocation de ces programmes s’est élargie. Participer aujourd’hui à un Neighborhood Watch ne consiste plus seulement à être attentif, observer, voire suspecter tout fait relatif à son environnement. Il faut également examiner son propre comportement et tester l’efficacité des mesures adoptées pour rendre son logement plus sûr. Parailleurs, bien souvent, l’implication des membres dépasse désormais les questions de sécurité personnelle et collective en visant des objectifs plus généraux d’amélioration de la qualité de la vie, voire d’aide et de secours à ses voisins en cas de problèmes de santé.
12 Ces panneaux invitent évidemment l’intrus potentiel à passer son chemin. Ils sont surtout indispensables en termes de responsabilité et exigés par les compagnies d’assurances. Unintrus, prévenu qu’il ne devait pas franchir une limite, ne peut se retourner contre les habitants en cas de problème.
13 L’expérience de « chercheur de terrain » apporte une confirmation évidente de cette réalité. Combien de fois, en parcourant ces espaces résidentiels, nous avons eu l’impression d’être suivi au moins du regard, voire, en cas d’arrêt, d’être questionné sur les raisons de notre présence…, surtout lorsque, comme pour tout bon « chercheur de terrain », l’investigation se fait avec carnet, stylo et appareil photo.
14 Quatrième rapport d’évaluation de la police de proximité, transmis à D. Vaillant, ministre de l’Intérieur, in « La détresse de la police de proximité », Paris Normandie, 2 juin 2001.
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